Version classiqueVersion mobile

L'éducation spécialisée en Bretagne, 1944-1984

 | 
Mathias Gardet
, 
Alain Vilbrod

Chapitre V. Le CREAI de Bretagne de 1965 à 1975

Entrées d'index

Géographique :

France

Texte intégral

1Les textes fondateurs des CREAI ne laissent pas d’autres choix aux ARSEA que de se soumettre ou de se démettre. Statuts types à l’appui, le ministère en impose. Le temps ensuite que tout se mette en place, il faudra encore une ou deux années supplémentaires, et c’est donc progressivement que des instances plus ou moins renouvelées par rapport aux ARSEA présideront aux destinées de ces CREAI.

2Sans doute serait-il plus juste de situer ces transformations « vers le milieu des années 1960 » plutôt que de prendre strictement l’année 1965 comme date du partage des eaux. De la même manière, l’année 1975 est à considérer comme une date repère. Bien évidemment, elle fait image et n’est donc pas retenue fortuitement, mais là encore, contre bien des visions communes, mieux vaut se dire qu’il n’y a pas eu à cette date précise de basculement. Certes, les fameuses lois du 30 juin 1975 portant sur les institutions médico-sociales et réorganisant nombre d’instances – ici d’orientation des enfants et des adolescents handicapés, là d’habilitation des établissements et services afférents – vont profondément marquer le paysage de l’éducation spécialisée et les CREAI dans leur géométrie, leur rôle, les enjeux qui les traversent. Pour autant, ces lois sont la résultante, et non la cause, d’une évolution largement perceptible dès le début des années 1970.

31965-1975… on comprendra d’une part que les dates repères sont à considérer avec précaution et d’autre part que la période retenue n’a rien eu d’un long fleuve tranquille.

4Pour dépeindre ce que fut le CREAI de Bretagne durant ces dix années, nous avons retenu quelques lignes de force qui, de notre point de vue, informent sur sa place particulière dans le paysage régional du secteur de l’inadaptation. Non sans résister, non sans lutter, il va se retrouver peu à peu décalé ; non pas relégué ou mis sur la touche mais tendanciellement déplacé vers une fonction de moins en moins politique. Constat était fait, crûment prononcé par François Charles, de l’incapacité des ARSEA d’assumer leurs missions de coordination, et ce pour bien des raisons. À l’instar des autres CREAI – mais chaque configuration est et demeure singulière –, le CREAI de Bretagne, et en son sein les différents acteurs qui l’investissent, va devoir compter avec une administration loin d’être univoque, mais affirmant de plus en plus nettement sa place décisionnelle et son pouvoir. Alliance ici, opposition à peine feutrée là, les rapports avec ces instances déconcentrées du ministère de tutelle sont à saisir et à analyser. À travers ce qui se joue dans ces relations, de fait assez complexes, se donne à lire la teneur même de ce qui va caractériser ce CREAI qui ne renonce pas si facilement à ses velléités de coordonner. En quelque six points, nous allons nous attacher à restituer ce qu’il recouvrira, ce qu’il produira, ce à quoi aussi il sera confronté.

5Nous nous pencherons d’abord sur les différentes instances qui présideront à sa destinée. L’ensemble des adhérents, personnes physiques ou morales, en sont, comme dans toutes les associations, les « particules élémentaires », et il n’est pas inintéressant dans un premier temps d’étudier qui ils sont. Tout autant, on se doit de porter attention aux membres de son conseil d’administration, personnalités élues mais aussi représentants désignés par le directeur du service régional de l’Action sociale. Nous resserrerons enfin la focale sur les membres du bureau, placés à ces postes de responsabilité au terme d’une dynamique où le hasard n’a pas vraiment cours, où les partages du pouvoir sont l’objet de bien des négociations, toute apparence de démocratie sauve bien entendu.

6Nous nous attarderons ensuite sur l’équipe technique du CREAI et sur ceux qui font appel à ses prestations. Cette équipe, en Bretagne comme ailleurs, devait constituer ni plus ni moins, en 1962, le fer de lance d’un centre régional au statut enfin arrêté ; elle devait être un point d’appui diligentant des expertises, prodiguant des conseils avisés à tous ceux qui les solliciteraient, en premier lieu l’Administration. Dans les faits, il n’a pas toujours été simple pour ces réputés experts de faire entendre leur voix et, avant cela même, de délimiter leur rôle.

7Nous nous intéresserons aussi à ce qui communément constitue le « nerf de la guerre » : les finances. Le CREAI de Bretagne paraît être, tout au long de cette période, encore et toujours sur la corde raide et on a l’impression que sans la bonne volonté et l’intercession personnelle du directeur du SRASS, tout aurait échoué. De fait, les comptes rendus des conseils d’administration sont émaillés d’une longue litanie d’appel au secours, ce qui incite à penser que cette fragilité endémique a quelque chose d’entretenu par le principal bailleur de fonds que sont les pouvoirs publics…

8Nous ferons état également d’une question qui travaillera tout au long de cette période les responsables du CREAI, avec des oppositions qui traverseront d’ailleurs aussi bien le conseil d’administration que les salariés : elle a trait à la gestion directe des différents établissements et services hérités de la FBSEA, au sein desquels est souvent déposée une histoire qui a particulièrement fait date. Doit-on ou non conserver dans son giron ces institutions ? À le faire, on encourt bien des critiques, par exemple d’être juge et partie, d’être absorbé par des questions de gestion au détriment du reste, etc. Pour autant, une telle séparation serait douloureuse à plus d’un titre. Dès le début des années 1970, on voit bien poindre le jour où il faudra s’y résoudre, mais ce n’est pas choix facile…

9Nous passerons ensuite à l’une des missions que le CREAI portera, quelquefois à bout de bras, au fil de ces années : l’organisation de la formation des éducateurs au sein d’une école inaugurée peu avant la fi n de la FBSEA. Nous pointerons ici quelques faits marquants augurant de ce qui suivra, à savoir la mise en place d’un Institut régional de travail social au sein duquel le CREAI va s’évertuer, non sans peine, à conserver une place prépondérante.

10Nous nous arrêterons enfin sur ce que nous nommons la « géométrie » du CREAI. Jusqu’où peut-il déployer ses activités, comment peut-il se décliner au niveau de chacun des quatre départements bretons ? Héritier d’une fédération, il devrait être en mesure de trouver son espace d’accomplissement à une telle échelle. En réalité, ce ne fut pas si simple et nous nous pencherons donc sur la question des délégations départementales. C’est un héritage fort de la FBSEA, mais là aussi la diversité l’emporte. Nous évoquerons les activités de la délégation du Morbihan, qui parvient à l’époque à fédérer nombre d’associations, d’organismes, etc., et donc à être un interlocuteur incontournable, mais aussi celle des Côtes-du-Nord, qui est dans une situation beaucoup plus délicate, plus tendue. Nous nous attarderons, pour finir, sur ce que susciteront les tentatives d’organisation, au niveau national, de l’ensemble des CREAI. Le spectre de l’UNAR est encore et toujours dans certains esprits et, de fait, il sera difficile aux CREAI de se fédérer et de peser, par le biais d’une instance fédérative susceptible de les coordonner et de les représenter au plus haut niveau.

Administrateurs et administrés : la délicate alchimie des instances dirigeantes du CREAI

11Il convient d’emblée de signaler qu’ici, tout comme pour les autres points que nous allons décliner, nous avons été très largement tributaires d’archives que nous avons trouvées, recollées urgemment – compte tenu du piteux état dans lequel elles étaient souvent – et répertoriées. Si elles représentent une masse imposante de documents, elles sont aussi hélas largement incomplètes sur bien des versants.

  • 1 Dossier « Cotisations » 1966-1967, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.
  • 2 Questionnaire sur les centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, 1972, CAPEA, f (...)

12Ainsi, nous n’avons pas rassemblé des informations aussi précises que nous l’aurions souhaité sur les diverses associations, établissements mais aussi personnes physiques qui ont adhéré au CREAI durant cette période. Nous en avons deux états, datés de 1966 et de 19671. Il s’agit de listes très détaillées renseignant sur les fonctions occupées par toutes les personnes physiques (mais pour une part d’entre elles seuls sont mentionnés leurs lieux de travail) et sur les établissements et services qui ont adhéré, en tant que personnes morales. Ces listes ont visiblement servi, à usage interne, à pointer les montants respectifs des cotisations. L’examen de ces documents amène à dégager quelques grandes tendances. Nous avons aussi entre les mains un questionnaire, très probablement diffusé par le CTNEAI, qui comprend notamment la recension des établissements et services adhérents entre 1964 et 1972 et le nombre de personnes physiques également adhérentes année après année, durant cette même période2. Ne disposant pas des sources à partir desquelles les comptages ont été effectués, un doute peut demeurer sur la fiabilité des chiffres avancés même s’ils sont corroborés, pour 1966 et 1967, par les premières listes que nous venons d’évoquer.

  • 3 Dossier « C.A. 1965-1975 », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.
  • 4 Dossiers « C.A. et bureaux 1966-1975 », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

13En revanche, grâce aux comptes rendus des différentes élections aux conseils d’administration et aux bureaux qui ont ponctué les assemblées générales annuelles, nous sommes en mesure de mieux appréhender la constitution de ces deux instances sur toute la période considérée3. Quant aux comptes rendus des conseils proprement dits (trois par an généralement) et des réunions de son bureau (six à huit par an)4, ils permettent de repérer les personnes qui y siègent effectivement, mais là encore les archives sont très incomplètes. Seuls les comptes rendus de ces instances pour les années comprises entre 1972 et 1975, pour les dernières années donc de la période retenue ici, ont été conservés dans leur intégralité.

  • 5 Le règlement intérieur du CREAI adopté en 1971 stipule que personnes physiques et personnes morale (...)
  • 6 Les listes comprennent bien plus de noms – 200 pour 1966 et 230 pour 1967 – mais nous n’avons rete (...)

14En ce qui concerne les adhésions des personnes physiques5, celles qui résident en Ille-et-Vilaine sont surreprésentées. Elles sont 101 sur les 130 personnes adhérentes à jour de leur cotisation en 1966 et 108 sur les 138 en 19676. Celles des Côtes-du-Nord sont respectivement 14 puis 13, celles du Finistère 8 puis 10 et enfin 7 du Morbihan en 1966 comme en 1967. Point de doute à avoir donc, leur origine géographique est très resserrée.

15Si l’on regarde du côté de leurs professions, on peut relever que les médecins, les assistantes sociales voire d’autres intervenants du secteur médico-social tels que les psychologues sont curieusement quasi absents.

  • 7 Citons les fonctions de quelques-unes de ces personnes adhérentes en 1967 : institutrice de classe (...)

16Les éducateurs et éducatrices, quant à eux, représentent un peu plus de la moitié des effectifs. Il est difficile, faute d’informations complètes, de savoir combien parmi eux sont des employés de tel ou tel établissement du CREAI. D’autres catégories de personnel de ces établissements en gestion directe adhèrent en tant que personnes physiques à l’association qui les emploie. En dehors des éducateurs, ce sont tout de même quelque vingt autres personnes qui sont membres du CREAI, à double titre en somme, et peuvent prendre part, lors des assemblées générales, à l’élection des administrateurs qui seront ni plus ni moins leur employeur. Est-ce affaire de militance, d’entrisme, de stratégie plus ou moins orchestrée pour peser sur les élections et sur les décisions ou pour contrebalancer d’autres groupes investissant les instances du CREAI ? Bien des questions demeurent sur cette présence assez conséquente de salariés. Une autre observation mérite aussi d’être faite : les enseignants, et plus généralement les adhérents qui émargent à l’Éducation nationale, sont en nombre assez important. A priori cela est assez inattendu dans un organisme de la sorte qui, dans l’Ouest particulièrement, fait écho à une forte présence des œuvres d’origine confessionnelle, voire d’institutions encore gérées à l’époque par des congrégations. Nous avons là l’indice d’un CREAI qui rassemble assez largement ou en tous les cas qui fait aussi place aux représentants de l’École publique 7 et plus largement aux courants laïques eux aussi, il est vrai, très présents en Bretagne (Fédération des œuvres laïques [FOL], ANCE, Éclaireurs de France, etc.). C’est là un choix délibéré de Jacques Guyomarc’h. Par contre, peu d’adhérents « personnes physiques » travaillent dans des établissements accueillant des handicapés, si ce n’est des services prenant en charge les enfants malades, et donc émargeant plutôt semble-t-il à des services hospitaliers. Probablement que sur la fin de la période considérée, les années 1972 à 1975, les choses ont évolué, mais nous ne disposons pas des listes d’adhérents afférentes.

  • 8 Union départementale pour la protection de l’enfance et de l’adolescence.

17Note8

  • 9 Association départementale pour la protection de l’enfance et de l’adolescence.

18Note9

  • 10 Association des paralysés de France.

19Note10

  • 11 Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active.

20Note11

  • 12 Syndicat national des associations de parents d’enfants inadaptés.

21Note12

  • 13 Union nationale des congrégations d’action hospitalière et sociale.

22Note13

  • 14 Les associations, établissements, etc. des quatre départements de la future région administrative (...)

Adhérents « personnes morales » en 196714.

23Du côté des adhésions des personnes morales, et donc des associations, institutions, organismes, etc., versant leur cotisation au CREAI, la répartition entre les départements bretons est nettement plus équilibrée. Du tableau ci-dessus ressort cependant une forte présence des établissements d’origine confessionnelle, une présence aussi de quelques associations participant à l’encadrement de jeunes handicapés mentaux, telles que Les Papillons blancs, dans le Morbihan et dans le Finistère ou, dans ce même département, de l’association Les Genêts d’or qui bientôt sera la principale association gérant des IME, des CAT, etc. Dans les Côtes-du-Nord, on pointe aussi l’école de rééducation de Dinan, qui ouvrira d’ici peu deux instituts médico-éducatifs (IME). Au sein des associations nationales qui ont des activités régionales et qui elles aussi adhèrent au CREAI, voisinent l’ANCE, les CEMEA et l’UNCAHS ou encore l’UNIOPSS. La palette est donc, déjà en 1967 assez large, plus large en tous les cas qu’en 1962, même si dominent incontestablement les associations opérant dans le cadre de la protection de l’enfance en danger.

24Si l’on se penche sur les chiffres annoncés pour la période 1964-1972, on observe une nette progression des personnes morales (ou du moins du nombre d’établissements que ces associations adhérentes gèrent).

Nombre d’établissements et de services gérés par les adhérents « personnes morales ».

  • 15 Un bémol toutefois doit être signalé. Pour 1971 et 1972 figurent deux chiffres dont l’écart est tr (...)

25En revanche, le nombre d’adhérents « personnes physiques » est bien plus fluctuant. Dans un contexte bien particulier, l’année 1968 marque le pas puis on observe une remontée impressionnante ensuite15.

Nombre de personnes physiques adhérentes au CREAI.

26Le conseil d’administration du CREAI est composé de 30 personnes titulaires (et d’autant de suppléants qui peuvent aussi assister aux réunions avec voix consultative). Parmi elles, 15 représentent les personnes morales, 5 les personnes physiques et 10 enfin sont directement nommées par le directeur régional de l’Action sociale. Le collège des personnes morales et celui des personnes physiques sont renouvelables par tiers chaque année lors de votes qui interviennent au cours des assemblées générales. Au cours de ces élections peuvent aussi être pourvus bien entendu les sièges des personnes démissionnaires (un problème se pose nécessairement pour le renouvellement du tiers des cinq représentants des personnes physiques…). Cette procédure ne concerne bien évidemment pas les membres désignés, mais pour autant des débats ont pu avoir lieu sur leur nomination annuelle, compte tenu d’un fort absentéisme dans ce collège.

  • 16 Entretien d’Alain Vilbrod avec Gwénolé Calvez, mars 2002.

27Le conseil d’administration est l’instance qui, par délégation de l’assemblée générale annuelle – qui lui donne quitus et approuve ou non les différents rapports moral, financier, etc. –, gère le CREAI. Dans le monde associatif, on consacre beaucoup de temps et d’énergie à doser ces conseils, à solliciter des candidatures (et à faire adhérer les personnes ainsi approchées), à préparer les élections pour évincer untel, faire élire un autre, ménager les susceptibilités, s’arranger pour que le nombre de candidats corresponde au nombre de postes à pourvoir. C’est affaire sérieuse, surtout quand les enjeux sont de taille, et ici ils le sont puisqu’il s’agit d’une association au budget conséquent, en charge de personnels, en responsabilité d’établissements et de services. Dans le cas du CREAI, l’improvisation n’avait donc pas vraiment cours, d’autant plus qu’il s’agissait bien d’une instance à vocation fédérative, à forte visibilité et appelée à assumer une mission particulière auprès d’administrations et d’associations du secteur de l’inadaptation. Si les choses devaient être réglées d’avance, si les élections se déroulaient à l’issue d’une minutieuse alchimie, nous ne savons rien ou presque de ces préparatifs sinon que « les discussions étaient serrées et qu’il y avait là de fortes personnalités qui se chargeaient d’animer les réunions16 ». Nous ne disposons pas des comptes rendus des votes intervenus au cours des assemblées générales mais, même s’ils figuraient dans les archives, on n’en saurait probablement pas beaucoup plus sur les tractations intervenues, les stratégies peut-être, les ententes en coulisses sûrement voire, pourquoi pas, les coups de théâtre. Nous devons donc partir des constats, c’est-à-dire des résultats de ces élections.

  • 17 Voir en annexe la composition des différents collèges (personnes physiques, personnes morales et p (...)

28Les tableaux que nous avons constitués 17 appellent plusieurs commentaires. La première série porte sur les élus du collège le plus nombreux, celui des personnes morales (15 sur 30 membres du conseil d’administration). La stabilité est frappante et l’on peut quasiment au cas par cas s’arrêter sur les changements que l’on présume on ne peut plus négociés.

29Visiblement il y a des « poids lourds », installés de longue date, quasi inamovibles, même si, de temps en temps, les personnes en charge de représenter telle ou telle institution passe le relais. La palme de la stabilité, si l’on peut dire, revient à l’abbé Normand, fondateur, au sortir de la Seconde Guerre, du centre d’observation Don Bosco de Keraoul, à Landerneau, dans le Finistère. Cette association (indépendante de la congrégation des Salésiens) va s’étendre. Bientôt elle reprendra la gestion, dans cette même localité, de l’orphelinat Notre-Dame-de-la-Pitié, ouvrira de nombreux foyers à Brest et dans tout le nord du département. Cette stabilité vaut aussi, au-delà de changements de personnes, d’ailleurs très peu nombreux, pour des associations d’évidence dans la place. Les associations de sauvegarde des quatre départements bretons sont ainsi continuellement représentées, l’UNAPEI aussi, même si ce sont des délégations morbihannaise ou finistérienne qui assument ce mandat à tour de rôle. Il en va de même pour l’institution Saint-Cyr, solidement implantée à Rennes, de l’Association des paralysées de France (APF), de l’École de rééducation de Dinan ou des congrégations des Sœurs de la Charité, de l’Adoration perpétuelle ou des Adoratrices de la justice de Dieu.

  • 18 Bel exemple d’anticipation : en 1963, fort opportunément, le conseil d’administration de la FBSEA (...)

30Les véritables changements sont d’autant plus remarquables qu’ils sont rares, et sans doute fort significatifs. Il s’agit d’abord en 1972 du « décrochage » de la Maison des enfants de Carcé, adhérente à l’ANCE et qui, de ce point de vue, détonne plutôt dans un paysage où les congrégations sont très bien représentées. Il s’agit aussi, en 1970, des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives (CEMEA), dont le mandat de suppléant était fort logiquement occupé par un représentant de la Fédération des œuvres laïques (FOL), les CEMEA restant un temps, mais comme suppléant assez improbable de l’Armée du Salut… Le secteur du handicap physique est présent dès le passage de relais de la FBSEA au CREAI par le biais de l’APF (avec comme suppléant l’Œuvre de la croisade des aveugles) et du Centre du traitement de l’ouïe. C’est aussi le cas du secteur du handicap mental, mais ici on peut pointer qu’au fil des années il gagne en représentativité. L’UNAPEI est d’emblée présente18. Les Papillons blancs sont fidèles suppléants de l’abbé Normand (l’association Don Bosco va d’ailleurs à la fin des années 1970 pousser ses feux vers le secteur du handicap) et l’association Les Genêts d’or succède à la Maison de Carcé. Cette place faite aux Genêts d’or est emblématique. Cette association est en effet, au cours des années 1970, en train de devenir, derrière Les Papillons blancs, et bien que localisée dans le seul Finistère, un poids lourd dans le secteur du handicap mental. Jean-Pierre Gourmelon, son omnipotent directeur général, qui siège dès 1974, prend alors aussi la tête de l’école d’éducateurs de Morlaix, bientôt déplacée à Saint-Brieuc, dans les Côtes-du-Nord. Le CREAI, qui est amené, en matière de formation, à passer le relais de l’Institut régional de travail social (IRTS) à une association gestionnaire ad hoc, n’entend visiblement pas décrocher de ce secteur où il a des activités pour ainsi dire « historiques ».

  • 19 Commission d’études mise en place par le conseil d’administration du 20 juin 1972 sur la compositi (...)
  • 20 La demande du CREAI « dans un souci d’équilibre entre les différents composants de cet organisme » (...)
  • 21 Cette institution sera bientôt reprise par la Sauvegarde du Morbihan que dirige Adrien Le Formal. (...)

31À la fin de la période considérée, il apparaît que l’évolution est plus sensible. À cela, il y a une explication, même si nous n’en mesurons pas tous les tenants et aboutissants et que nous sommes réduits alors à n’émettre que quelques hypothèses. En 1972, une commission émanant du conseil d’administration, qui va se réunir à deux reprises, propose de revoir la répartition des sièges du collège « personnes morales » afin de rééquilibrer la représentativité en fonction des départements où les « personnes morales » sont actives19. Compte est fait, et il apparaît effectivement qu’en 1965 comme en 1972, 11 personnes sur 30 (titulaires et suppléantes) sont issues d’Ille-et-Vilaine. Une disposition statutaire particulière, adoptée par le conseil d’administration et agréée par René Lenoir, directeur de l’Action sociale au ministère, au début de l’année 197320, va autoriser une répartition égale pour chacun des quatre départements et donc le passage du nombre de sièges de ce collège de 15 à 16. Par la même occasion, et afin de pouvoir enfin sans difficulté élire un tiers sortant chaque année, le collège de personnes physiques va passer de 5 à 6… et ce siège supplémentaire va revenir à la Maison des enfants de Carcé… comme quoi rien n’est laissé au hasard. Le « décrochage » évoqué plus haut n’était qu’un transfert… Que paraît masquer cette répartition nouvelle du côté des personnes morales ? C’est une manière de mettre en avant le rôle attendu, en termes de références départementales, des quatre associations de sauvegarde, chargées d’organiser ces élections à l’échelle de leur périmètre d’activités. C’est aussi une façon d’évincer des fédérations peu représentatives (Fédération nationale des Services sociaux spécialisés, appelé aussi « FN3S ») et, en suppléance le Syndicat national autonome interprofessionnel de l’enfance inadaptée (SNAIEI), et de faire place à part entière aux Papillons blancs, à la Croisade des aveugles et à l’institution Sainte-Anne-du-Pratel 21 (accueillant des filles « en danger moral »), tout en maintenant la présence de l’APF. Au même moment, l’œuvre du Moulin-Vert, occupant un poste de suppléant depuis 1965, accède à un poste de titulaire. Le secteur du handicap paraît avoir gagné là en représentativité. Rien d’étonnant en la matière si on se rapporte à son poids grandissant, aux ouvertures très nombreuses d’établissements, etc., que le CREAI s’est manifestement attaché à prendre en compte.

32Le second tableau porte sur le collège des personnes physiques. Les cinq représentants, membres à part entière du conseil d’administration, sont élus jusqu’en 1973 par la totalité des membres du CREAI. Quand la réforme évoquée plus haut intervient, ce ne seront désormais que les adhérents « personnes physiques » qui éliront ces représentants de leur collège. La commission chargée de préparer cette réforme proposera qu’ils soient eux aussi retenus à l’issue d’un vote par département. Il lui sera répondu « que ces personnes physiques doivent être choisies pour leur compétence et, éventuellement, leur audience régionale. Elles ne peuvent donc être élues au niveau départemental ». La solidité d’un tel argument peut échapper. L’examen des membres de ce collège, au fil des années 1965-1975, apporte son lot d’explications. En effet, là encore, une savante alchimie est à l’œuvre.

  • 22 Guy Guezennec, diplômé éducateur de l’école de Rennes en 1968, travaille d’abord au centre de Kera (...)
  • 23 Directeur ici, élu ailleurs… Jacques Guyomarc’h apparaît en 1971 dans la liste des administrateurs (...)
  • 24 Son siège est d’ailleurs situé, jusqu’en 1971, dans la maison bourgeoise (acquise par la FBSEA en (...)

33Guy Guezennec22, travaillant à Keraoul, établissement déjà représenté par l’abbé Normand, est d’abord suppléant puis devient titulaire. Son suppléant, Jean-Pierre Gourmelon, quitte alors le collège de personnes physiques et accède au collège des personnes morales. Maurice Morlet, tout nouveau directeur de l’école d’éducateurs de Brest, entre, en poste de suppléant, dans ce collège à l’heure où la question de la coordination des écoles de travailleurs sociaux est d’actualité. M. Vimard est remplacé par M. Gautreau, mais pour autant le service de placement familial d’Ille-et-Vilaine où ils émargent conserve son siège. Henri Joubrel est bien entendu inamovible, ainsi qu’Hippolyte Guihard. Par ce biais, place est faite à l’association Les Amitiés sociales qui, partant de Rennes, va essaimer très largement dans la création et la gestion de foyers de jeunes travailleurs. Les Amitiés sociales va aussi inaugurer à Rennes un centre de formation d’animateurs qui participera à la création de l’IRTS23. Cette association, fondée par Robert Rème, est très liée au CREAI, comme elle l’était à la FBSEA auparavant24. Roger Serrand est un ancien salarié des Amitiés sociales, où il débute sa carrière en 1959 puis du CREAI. Quand il entre au conseil d’administration en 1970, à l’instigation de Jacques Guyomarc’h, il vient tout juste de quitter ce poste de salarié d’un établissement en gestion directe pour devenir éducateur-chef dans une institution de la Sauvegarde d’Ille-et-Vilaine. Nous avons noté en quoi le sixième poste ouvert en 1974 a permis de garder au sein du conseil d’administration un représentant de la Maison de Carcé.

  • 25 « Les Amitiés sociales et le CREAI étaient croisés. On retrouvait pratiquement les mêmes personnes (...)

34De tous ces éléments, on peut retirer quelques enseignements : il n’y pas de véritable différence entre collège des personnes morales et collège des personnes physiques. Dans un cas comme dans l’autre, c’est affaire d’institutions, d’organismes et non pas de personnes ne représentant qu’elles-mêmes. Point d’« électron libre » donc ; on n’entre pas facilement dans le cercle des élus. C’est affaire de cooptation, de régulation, et l’improvisation n’a pas sa place en ces lieux. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’entrée en lice d’un représentant de l’école d’éducateurs de Brest (gérée par la Sauvegarde de ce Département…) ou le glissement de collège du représentant de la Maison de Carcé (adhérente à l’ANCE). Ce collège des personnes physiques permet aussi au CREAI de faire figurer dans le conseil d’administration des personnes engagées déjà dans la FBSEA et l’association Les Amitiés sociales, que l’on est tenté ici de qualifier de « faux nez25 ». On comprend mieux alors pourquoi les adhérents « personnes physiques » sont pour une bonne part des salariés du siège du CREAI et surtout des établissements et services qu’il gère. Savant dosage donc, et marge de manœuvre, pour le CREAI et son équipe de direction, ainsi ménagée en s’assurant la présence parmi les adhérents, de personnes « loyales ».

35Reste à examiner le collège des personnes nommées, d’autorité, par le directeur régional des Affaires sociales. Ces personnes désignées pèsent pour un tiers du conseil d’administration, ce qui n’est pas rien. Autant que dans les deux autres collèges, mais ici, d’évidence, ce sont des représentants d’organismes que l’Administration souhaite voir partie prenante du CREAI qui sont ainsi retenues. Cependant nous manquons d’informations sur les négociations à l’issue desquelles une part de ces personnes est effectivement présente à la seule initiative du directeur régional et une autre part sur les conseils du CREAI dûment consulté et dont le directeur se félicite alors assez régulièrement d’être entendu en la matière par le DRASS. Seul un extrait d’un compte rendu de conseil d’administration renseigne indirectement sur les échanges entre responsables du CREAI et directeur régional, en ce qui concerne la nomination de ces personnes désignées :

  • 26 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 10 octobre 1975, Archives départementale (...)

« M. Joubrel fait savoir d’autre part que M. Salvert, président de l’URAPEI, pouvait espérer sa désignation, au conseil d’administration, par le chef du Service régional de l’Action sanitaire et sociale. Mais seul un poste de suppléant est à l’heure actuelle vacant parmi les administrateurs ainsi désignés. M. Guyomarc’h ajoute que d’autres délégations régionales d’associations nationales non gestionnaires d’établissements demandent également à être désignées, en particulier la Fédération des services sociaux spécialisés et les Religieuses dans les Professions de santé. L’attention de M. Berranger a été attirée sur ce problème26. »

  • 27 Un document émanant du CREAI du Limousin et daté de 1975 présente la recension des organismes nati (...)

36Caisses de Sécurité sociale (CAF), Inspection académique, UNIOPSS, ANCE et UDAF sont des organismes régulièrement représentés dans les conseils d’administration de la plupart des CREAI parmi les personnes désignées27. Au-delà de la situation, privilégiée visiblement, de l’ADSEA du Morbihan, qui cumule un siège de personne morale et un siège de personne nommée, soulignons alors au moins deux cas particuliers : la Fédération des familles adoptives et l’ANEJI. La première fédération semble proche du CREAI et Jacques Guyomarc’h fait d’ailleurs partie de son conseil d’administration (lui-même et son épouse ayant adopté des enfants).Échange de bons procédés, assurance, par ce biais, de pouvoir compter sur une voix de plus ? L’un n’exclut pas l’autre. Le fait est que le premier titulaire du siège est Robert Resnais, un ancien éducateur de la Prévalaye et son suppléant, Gwénolé Calvez, le directeur du Centre d’observation de la Sauvegarde du Finistère (et futur directeur général de la Sauvegarde du Finistère). L’ANEJI, que préside le même Jacques Guyomarc’h, a fait clairement preuve d’entrisme dans les conseils d’administration des CREAI. Probablement, mais sans être dupe, que le directeur régional des Affaires sociales a accédé là à une demande du « premier cercle » du CREAI.

  • 28 Décret signé conjointement par Michel Poniatowski, ministre de la Santé publique et de la Sécurité (...)

37Rappelons que ce directeur régional, M. Berranger en l’occurrence, siège de droit dans le conseil d’administration du CREAI, en qualité de commissaire du gouvernement. Par arrêté du 8 novembre 197328, celui du 22 janvier 1964 fut modifié. Désormais un représentant du ministère de la Justice, désigné par le garde des Sceaux, occupera lui aussi un siège de commissaire du gouvernement et, en cette qualité, il pourra, tout comme le directeur régional, « dans un délai de 30 jours, suspendre les décisions du C.A. qui lui paraîtraient contraires à la loi ou de nature à compromettre l’équilibre financier du CREAI ».

38Être membre du conseil d’administration est une chose, assister aux réunions de ce conseil en est une autre. L’un des comptes rendus de la commission chargée en 1972 de réformer à la marge la composition du conseil d’administration fait état de l’assiduité, parmi les titulaires : 71 % des personnes physiques, 68 % des personnes morales et seulement 43 % des personnes désignées. Sans retrouver tout à fait les mêmes chiffres, notre pointage pour les années 1972-1975 renvoie effectivement à un fort absentéisme des représentants de l’Inspection académique (c’est souvent le cas dans les autres CREAI aussi) mais également de ceux de l’ANEJI (il est vrai déjà dans la place…) et de l’UNIOPSS. Ceux de l’ANCE et des caisses de Sécurité sociale ne sont jamais absents… et pour cause, ils sont membres du bureau du CREAI, une instance exécutive essentielle puisque charnière entre le conseil d’administration et la direction du CREAI.

  • 29 L’avocat breton Jean Cornec sera l’inamovible président de la Fédération des conseils de parents d (...)
  • 30 Rappelons cependant qu’au niveau national les positions de l’ANCE vis-à-vis des CREAI seront toujo (...)

39En 1967, Henri Joubrel, « autorité morale » déjà mille fois croisée, prend la présidence du CREAI, en prévenant que c’est à titre provisoire, pour suppléer à la défection pour raisons de santé de Mlle Pichevin, de l’institution Saint-Cyr. En 1975, il y est encore… (mais il intervient très peu et préfère les coulisses, nous a-t-on souvent dit… Quand on sait que très souvent il réside au domicile de Jacques Guyomarc’h, on peut imaginer qu’effectivement le tandem fonctionne bien…). Deux autres observations sont d’importance : le « courant laïque », dont nous avons perçu déjà la forte présence parmi les adhérents du CREAI, est très représenté dans cette instance pivot. M. Bernard est le vice-président du CREAI (par la suite il va devenir président… et avant cela il devient, au début de l’année 1972, l’un des quatre vice-présidents nationaux de l’ANCE) et après Mlle Turquety, de l’APF, c’est, en 1975, le responsable de la Maison de Carcé qui devient secrétaire général (un autre représentant de cette Maison était déjà trésorier adjoint de 1968 à 1971). Dans une région où les congrégations engagées dans le secteur social pèsent lourd, y compris dans le conseil d’administration du CREAI, une telle présence mérite d’être soulignée. Au cours des années 1970, la dite « guerre scolaire » n’est pas éteinte en Bretagne. La Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE), dite alors « Fédération Cornec29 » bataille vivement avec les autorités diocésaines, plante des chapiteaux sur les places communales et, avec l’appui de la Fédération de l’éducation nationale (FEN), organise des « classes sauvages » pour obtenir l’ouverture d’écoles publiques dans des bourgs qui en sont dépourvus. De tels affrontements, très médiatisés, donnent l’impression que le CREAI est ailleurs, au-dessus, sorte de havre de paix sur lequel tout cela n’a pas prise. Bien entendu, l’histoire de la FBSEA nous renseigne sur les raisons de cette coexistence assez pacifique en Bretagne 30 dans le secteur social entre établissements publics et privés, alors qu’au sein de l’institution scolaire les luttes sont encore vives.

  • 31 À l’exception de Mlle de Perceval, vice-présidente au même titre que M. Carof et Henri Joubrel, le (...)
  • 32 À titre d’exemple, lors des élections du bureau de mai 1973, Henri Joubrel obtient 19 voix sur 20 (...)

40Les membres du bureau sont élus, chaque année, à l’issue de l’assemblée générale, par les seuls membres du conseil d’administration Au-delà d’une stabilité que l’on peut comprendre dans une telle instance31, ce qui est remarquable ici c’est la forte présence au bureau de personnes désignées et aussi de personnes physiques. Le vice-président, délégué régional de l’ANCE, tout comme le trésorier à partir de 1973, Louis Prévosto, de la Caisse régionale de Sécurité sociale, mais encore le délégué de l’UDAF ou celle de l’UNIOPSS sont nommés par le directeur régional des Affaires sociales. Quand il s’agit de les élire au bureau, elles ne font pas l’unanimité, contrairement à Henri Joubrel32, mais pour autant elles occupent des postes vitaux. Encore moins qu’ailleurs, le hasard n’a pas de prise ici. Visiblement les « grandes fédérations » qui, au niveau national, critiquaient les ARSEA ont présentement, en Bretagne, place de choix dans le CREAI. Est-ce Jacques Guyomarc’h, le directeur régional, qui mène le jeu et qui, en la matière « fait son conseil » ? Sans doute, mais d’autres explications sont possibles. Le fait est que cette instance qui détermine la politique du CREAI est composée de personnalités qui pèsent, qui sont insérées dans des réseaux qui dépassent les seules associations du secteur de l’inadaptation, aussi puissantes soient-elles. Peu importe alors que ces personnalités soient quasiment toujours issues d’Ille-et-Vilaine. À ce niveau, on ne s’encombre visiblement plus de telles considérations ; c’est une autre affaire, c’est une autre cour et cela vaut aussi pour les rares Finistériens…

  • 33 Entretien d’Alain Vilbrod avec Guy Guézennec et l’abbé Normand, mars 2003.

41Louis Prévosto, par exemple, est issu d’une famille d’entrepreneurs italiens. Il a bâti sa fortune en participant à la reconstruction de Brest après guerre. Il est élu au début des années 1960 représentant des employeurs à la Sécurité sociale puis président de cet organisme (au même moment, son frère Pierre est président de la CAF du Nord-Finistère). Il va, au fi l des années 1965-1975, émarger à toutes les associations importantes, participer à la création de nombre d’entre elles, dont Don Bosco et Les Genêts d’or (dont il sera vice-président). C’est l’époque où les établissements accueillant des jeunes handicapés se créent sans entrave à condition d’avoir des appuis financiers. C’est du côté de la Mutualité sociale agricole (MSA, que préside M. Rolland, qui lui aussi devient membre du CREAI en 1972, mais n’y reste pas) et surtout de la Sécurité sociale qu’il est possible de lever des fonds ; généralement le reste suit. Louis Prévosto est donc une de ces personnalités incontournables et courtisées : « Tout le social du Département passait par son bureau, il faisait la pluie et le beau temps33. » Faut-il s’étonner qu’il soit trésorier du CREAI de 1972 à 1983 ?

  • 34 Entre les deux collèges, voire les trois. Gwénolé Calvez, qui émarge au collège des personnes nomm (...)
  • 35 Entretien d’Alain Vilbrod avec Adrien Le Formal, mars 2003. Adrien Le Formal est diplômé éducateur (...)

42Personnes physiques ou morales, « simples » adhérents – mais ici rien justement n’est simple ; élus du conseil d’administration dans l’un ou l’autre collège – peu importe d’ailleurs tant la perméabilité entre les deux est grande34 ; membres du premier cercle, familières de l’équipe de direction et donc de Jacques Guyomarc’h, qui sera directeur jusqu’en mars 1979 (« En fait, président directeur général, il ne faut pas se faire d’illusions35 » nous dira Adrien Le Formal ) ; toutes ces personnes participent aux destinées du CREAI de Bretagne. À aucun moment, en aucun lieu, s’y retrouvent des personnes dont l’appartenance est improbable, dissonante. Les instances du CREAI sont fortement investies par des personnalités phares du secteur de l’inadaptation et, de plus en plus du secteur particulier du handicap. À notre connaissance, au fil de ces années du moins, le CREAI est un lieu où prennent appui ceux et celles (ceux surtout… cela reste essentiellement une affaire d’hommes) qui aspirent à faire leur place, qui effectivement vont peser par la suite. On ne perçoit pas durant ces années 1965-1975 en quoi le CREAI est une instance reléguée. Elle était pensée, à la suite de la réforme de 1964, comme auxiliaire de la puissance publique et non plus comme pôle à partir duquel était susceptible de se réaliser une véritable coordination régionale des institutions du secteur. En tout état de cause, il semble bien qu’à cette époque, quand on veut compter au sein du secteur de l’éducation spécialisée en Bretagne, il faut bel et bien en être… elle est attractive. Pour autant ce n’est là que vision partielle et il reste à vérifier si effectivement elle maintient son rang – celui tout au moins qu’avait la FBSEA – ou si elle n’est pas plutôt alors en phase descendante…

L’équipe technique à pied d’œuvre

43On pouvait légitimement se demander, à l’issue de la réforme de 1962, ce que les ARSEA, pourtant dotées désormais d’un statut arrêté, représentaient d’autre pour l’Administration, qu’un cadre, un « point de chute » susceptible d’accueillir les équipes techniques, en quelque sorte portées au pinacle. Il était alors attendu de ces équipes qu’elles fassent bénéficier les pouvoirs publics de l’étendue de leurs réseaux et de leur compétence, à charge pour elles d’instruire des dossiers, de diligenter des enquêtes, de donner tous ces avis éclairés dont les services déconcentrés de l’État avaient tant besoin. Deux autres missions, non démenties après 1964 (la formation des personnels éducatifs et la gestion d’établissements), étaient certes accordées dans la foulée aux CREAI, mais on a l’impression que ce n’était pas vraiment cela qui devait primer : c’est ainsi notamment qu’Amédée Thévenet, dans un manuel de référence mis à jour tous les ans, présentait les choses :

  • 36 Amédée Thévenet, L’Aide sociale aujourd’hui, Paris, ESF, 1971, p. 76-77.

« À la demande du directeur régional de l’Action sanitaire et social, ils (les CREAI) doivent :
– Créer, gérer ou faire gérer des établissements, organismes ou services pour des catégories et dans les localités où aura été constatée une déficience de l’équipement public ou privé.
– Assurer la formation des personnels spécialisés notamment en créant des écoles d’éducateurs spécialisés.
– Éventuellement, assister sur le plan technique les directeurs départementaux de l’action sanitaire et sociale dans l’exercice de leur contrôle des établissements d’enfants inadaptés.
Ils sont en outre qualifiés pour donner des conseils techniques aux établissements publics ou privés qui leur en font la demande. La nomination des membres de l’équipe technique du centre est soumise à l’approbation du directeur régional de l’Action sanitaire et sociale et celle du chef des services à l’agrément du ministre.
Il faut souligner que l’élément essentiel des centres (nationaux et régionaux) est constitué par l’équipe technique qui doit répondre au besoin d’avis, à la demande des pouvoirs publics et des organismes privés. Il n’y a pas de composition type de l’équipe technique. Il est souhaitable qu’elle comprenne un spécialiste de chaque discipline (médecin de psychiatrie infantile, éducateurs spécialisés, psychologues, assistante sociale, rééducateurs en orthophonie, dyslexie, rééducation psychomotrice, etc.)36. »

44Se donnent à lire de la sorte les missions claires d’équipes techniques dédiées à l’expertise et au conseil sous l’œil vigilant d’administrations régionales qui diligentent leurs missions, les mandatent et les chapeautent, y compris en soumettant la candidature du responsable de ces équipes au ministre en personne.

  • 37 Les différents dossiers dont nous disposons comprennent aussi des échanges d’informations, de bila (...)

45La réalité est à la fois plus prosaïque et plus complexe que cela, et en Bretagne comme ailleurs, sans nul doute37, ces dites équipes vont avoir bien du mal à déployer leurs activités comme elles l’entendent. Les chausse-trapes seront nombreuses et ne serait-ce que la fréquence des circulaires ministérielles qui devront venir préciser le mode de fonctionnement, la composition, les procédures de saisine, les récipiendaires des rapports, etc., informe sur le fait que bien des ambiguïtés n’ont jamais été levées. Par exemple, rien n’est dit sur le financement de ces équipes ou sur le statut de ses membres, rien n’est dit non plus au départ sur la relation entre celles-ci et les directeurs et administrateurs des CREAI qui sont tout de même leur employeur.

46Finalement, à étudier la façon dont ces équipes vont travailler, les difficultés de tous ordres auxquelles elles vont être confrontées, on dispose d’un bon analyseur pour saisir tout le décalage entre visées administratives projetant des CREAI instrumentalisés et réalités d’un secteur qui ne se laisse pas manier par décrets. De fait, celui-ci est protéiforme. En son sein, les concurrences entre associations sont vives, et peu nombreux sont les conseils d’administration, les directions générales, etc., qui sont prêts à ce qu’on leur donne la leçon, par équipes techniques interposées. Ce n’est pas parce que ces experts du CREAI sont adoubés par le SRASS qu’ils sont d’emblée reconnus et bienvenus.

47Une lecture rapide des différents comptes rendus de réunions et des rapports annuels d’activité de cette équipe technique du CREAI de Bretagne pourrait donner l’impression d’un travail accaparant et constant réalisé par une équipe permanente qui sait heureusement s’entourer de consultants particulièrement compétents sur tel ou tel problème auquel elle se trouve confrontée. Il convient de ramener cela à de justes proportions.

48Ce n’est qu’en 1970 qu’un poste à temps plein va être pourvu, et confi é à Albert Le Méro. Jusqu’en 1975 tout au moins, les autres membres de cette équipe n’y consacrent qu’un dixième de leur temps, et encore cela est présenté comme une nécessité qui ne va pas sans poser problème :

  • 38 Note préparatoire à l’étude d’un nouveau projet de fonctionnement de l’équipe technique, 1971, Arc (...)

« Jusqu’en 1970, les membres de l’équipe technique du CREAI de Bretagne se réunissaient en marge de leurs autres activités professionnelles et travaillaient bénévolement. Dans ces conditions, il leur était difficile de répondre aux demandes dont ils étaient saisis. Une commission de travail mise en place, lors de l’assemblée générale du CREAI le 6 mai 1969, a étudié de nouvelles modalités de fonctionnement de l’équipe technique. Il fut, en particulier, décidé que ses membres se consacrent, à raison de 1/10 de leur temps, aux travaux de l’équipe38. »

  • 39 La collaboration de la FBSEA puis du CREAI avec le pédopsychiatre Michel Lemay remonte à son premi (...)
  • 40 CREAI, note sur le fonctionnement de l’équipe technique, novembre 1969, Archives départementales d (...)
  • 41 Lettre du ministère des Affaires sociales du 28 novembre 1967, signée du directeur de cabinet, Ber (...)

49Ces membres étaient en fait des salariés de l’un ou l’autre des établissements ou services gérés directement par le CREAI. Avec Albert Le Méro, à partir de 1970, cinq personnes, jamais plus, souvent moins, sur la période considérée, feront partie de la dite équipe permanente qui se réunit deux jours par mois : « Mlle Gilles, assistante sociale spécialisée ; M. Guyomarc’h, éducateur spécialisé ; M. le Docteur Lemay, médecin spécialisé39 ; M. Malefant, psychologue spécialisé ; Mme le Docteur Pony, psychiatre40. » On comprend que tous sont spécialisés mais aussi que leur disponibilité est limitée. D’ailleurs, les autorités de tutelle ne souhaitaient visiblement pas qu’il en soit autrement. À plusieurs reprises, et notamment par un courrier souvent cité, adressé par le ministère à ses directions régionales, et largement diffusé par leur soin, il était bien dit que « les membres de l’équipe technique sont recrutés de préférence à temps partiel afin qu’ils ne perdent pas contact avec des responsabilités actives41 ».

  • 42 Procès-verbal de la réunion du bureau du CREAI, 12 décembre 1973, Archives départementales d’Ille- (...)

50Eu égard au rôle pivot attribué au sein des CREAI à ces équipes techniques, cela oblige à se demander si, entre les intentions et la réalité, il n’y avait pas de grands écarts. Il était bien prévu, dès 1969, que cette équipe puisse s’adjoindre des consultants « classés sous 4 rubriques : spécialistes des différents handicaps, formation du personnel, professions de l’enfance inadaptée, compétences diverses » mais quasiment aucun indice laisse à penser que de tels consultants ont été un jour ne serait-ce que sollicités. Certes, bien des noms différents de ceux de l’équipe dite « permanente » apparaissent au fil des comptes rendus d’activité, mais ce sont ceux des responsables des établissements et services concernés par telle ou telle étude42. À notre connaissance, seules quelques tentatives ont été effectuées de s’adjoindre des personnalités extérieures. Dans le Morbihan, Adrien Le Formal, délégué du CREAI, par ailleurs directeur général de l’ADSEA, a été associé à quelques consultations ou travaux sur le terrain de cette équipe technique. De même dans le Finistère, le délégué départemental du CREAI eut quelquefois l’occasion de seconder l’équipe technique. Dans les deux cas, signalons que ces ADSEA ont pu en tirer des bénéfices, notamment quand il s’agissait de se placer pour reprendre la gestion d’établissements à la recherche de relais ou d’être considéré comme un interlocuteur de poids par les DDASS.

51En 1973, les membres de l’équipe technique émirent le vœu « que soit désigné dans chaque département un correspondant de l’équipe qui susciterait les participations de personnalités, de professionnels et/ou autres spécialistes de son département aux réunions de l’équipe technique concernant une question posée dans ce département ». C’était là un vœu pieux, à comprendre d’ailleurs comme une tentative de remonter la pente au moment où les sollicitations de l’équipe étaient en forte diminution…

52Au sein de ces équipes techniques, le rôle du coordinateur est régulièrement précisé :

  • 43 Rapport d’activité de l’équipe technique pour 1970, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fo (...)

« Il prépare les séances de travail de l’équipe technique. Celle-ci définit, pour chaque demande qui lui est présentée, les conditions dans lesquelles elle étudiera le dossier. Ainsi, elle peut soit faire une étude en son sein, soit faire une étude en demandant à l’auteur de la demande de participer aux travaux, soit enfin en faisant appel à une ou plusieurs compétences qui lui sont extérieures. Le coordinateur rédige les avis qui sont signés soit collégialement, soit au nom de l’équipe technique par l’un de ses membres ou le coordinateur43. »

53De manière générale, il est frappant de constater que cette équipe s’entoure de toute une série d’explications précautionneuses sur ses modalités de fonctionnement, de saisine des demandes, de diffusion de ses rapports, etc.

54Appréhender de façon précise les activités de l’équipe technique supposerait de disposer non seulement des rapports produits, mais aussi des comptes rendus détaillés de l’ensemble des réunions de cette équipe. Tel n’est pas le cas. Pour autant, il est possible de prendre la mesure des commanditaires des études et du type de problèmes instruits.

55Mesurées en volume, les sollicitations vont aller croissantes entre 1966, année de la mise en place effective de cette équipe, et 1971, puis vont chuter très nettement. Deux extraits de comptes rendus illustrent cette évolution :

56– En 1969 :

  • 44 CREAI. Note sur le fonctionnement de l’équipe technique, novembre 1969, Archives départementales d (...)

« Si l’on se reporte aux avis demandés à l’équipe technique depuis deux ans, on constate qu’entre la date de la demande d’un avis, d’un conseil et l’envoi du rapport concernant l’un ou l’autre, les délais ont été la plupart du temps supérieurs à deux mois, assez fréquemment de trois mois à trois mois et demi et dans deux cas de six mois. La situation ne pourrait que s’aggraver si une solution n’est pas adoptée car le nombre de demandes dont nous sommes saisis est en constant accroissement. C’est ce qui a conduit l’équipe technique à proposer la création du poste de coordinateur de l’équipe technique44. »

57– En 1974 :

  • 45 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)

« Une première constatation peut être faite sur le plan quantitatif : le nombre des avis transmis est très nettement moindre que les années passées (8 avis ou rapports contre 14 l’année précédente). […] Depuis surtout trois ans, les demandes de l’Administration relatives à ces projets ne font que diminuer. À cet égard, l’activité de l’équipe technique témoigne de la décroissance continue des crédits d’État en faveur des équipements pour inadaptés pendant la fi n du Ve plan, puis durant le VIe plan d’équipement sanitaire et social. Ce sont les équipements pour les handicapés adultes qui ont pris le relais (CAT, foyers de semaine…). Pour ces projets, l’Administration n’a pas sollicité l’avis de l’équipe technique, alors qu’il doit figurer expressément dans la procédure d’instruction des dossiers45. »

58Le repérage du volume des activités de l’équipe technique va bien dans ce sens :

  • 46 La répartition des commanditaires n’est pas connue pour les années 1966, 1967 et 1968. En 1970, 2 (...)

Nombre d’études réalisées par l’équipe technique du CREAI et commanditaires de ces études46.

59Les directions départementales des Affaires sanitaires et sociales (DDASS) ont brutalement cessé de faire appel aux services de l’équipe technique en 1970. Pour le reste, la chute est nette, du côté de la direction régionale des Affaires sanitaires et sociales (DRASS) d’abord, des associations elles-mêmes ensuite. Amené en 1979 à faire le bilan des activités de cette équipe, son coordinateur, Albert Le Méro, écrit :

  • 47 La remarque est assez étonnante. Il suffit d’étudier en détail le rapport d’activité de 1969 pour (...)
  • 48 Albert Le Méro, Réflexions sur le rôle et le fonctionnement de l’équipe technique, note manuscrite (...)

« C’est en 1973 que pratiquement l’aide technique du CREAI a été sollicitée davantage par les associations et les institutions que par l’Administration. Ce fait n’a jamais pu être compris47 ; toujours est il que l’équipe technique, à l’époque, s’est interrogée sur la baisse des saisines et a tenu à prendre un contact avec les institutions : c’est ainsi que l’équipe s’est déplacée à Auray pour se mettre à l’écoute des chefs d’établissements et services. Il faut en convenir, les espoirs fondés sur ce contact direct ne furent pas toujours réalisés48. »

  • 49 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)

60Reste que les chiffres portent sur le nombre d’études et mettent alors sur le même plan des commandes très différentes, nécessitant probablement des investissements en temps, en visites sur le terrain, etc., difficilement comparables d’une étude à l’autre. Au fil des années 1970, les comptes rendus pointent d’ailleurs régulièrement l’évolution des avis demandés. De plus en plus complexes, ils nécessitent un travail conséquent et se traduisent d’ailleurs par des rapports toujours plus étoffés49. Pour autant, si l’on retient les années 1970, 1971 et 1972, nous pouvons relever, comme l’indiquait Albert Le Méro, que les études sollicitées portent très largement sur la transformation ou la création d’établissements et de services participant à l’encadrement des enfants et adolescents déficients intellectuels. Ainsi, sur 65 études réalisées durant ces trois années, 10 ont porté sur la création d’IMP, 6 sur la création d’IMPro (instituts médico-professionnels), 2 sur l’extension d’IME, 2 sur la création de CMPP (centres médico-psycho-pédagogiques) et 12 sur des questions internes (effectifs, règlement intérieur, etc.) au sein d’IME. Au même moment, les questions de formation étaient abordées à 4 reprises, les centres d’observation 5 fois et, à seulement 2 reprises, il s’est agi d’établissements pour adultes handicapés (un projet de création d’un atelier protégé et une création d’un centre d’aide par le travail, CAT).

61Durant l’année 1972, quelques études sont emblématiques :

  • reconversion du sanatorium de Plémet en IME pour enfants et adolescents débiles moyens ;
  • projet de création de l’IME de Briec ;
  • reconversion de l’aérium Notre-Dame-du-Roc, à Dinard, en maison d’enfants à caractère sanitaire pour enfants et adolescents présentant des déficiences temporaires somato-psychologiques ;
  • avis sur le projet de création par l’association Le Cap de Fougères, d’un CMPP ;
  • avis sur l’extension de l’IMP Les Primevères (Les Papillons blancs) à Concarneau ;
  • avis sur la normalisation et l’extension de l’IME d’Ergué-Gabéric (Les Papillons blancs) ;
  • projet de reconversion partielle de l’école Notre-Dame-des-Fontaines à Daoulas en un centre pour enfants débiles moyens ;
  • avis sur la création à Brest, par la Sauvegarde, d’un CMPP ;
  • avis sur le projet de création, à Kerozal-en-Taulé, d’un centre pour enfants débiles profonds de 3 à 6 ans ;
  • avis sur le projet de création par l’APAJH d’un IMP pour débiles moyens et profonds dans le groupe scolaire de l’école Irène-Joliot-Curie de Scaër ;
  • avis sur la reconversion de l’école Notre-Dame-des-Cieux, de Huelgoat, en établissement pour enfants et adolescents inadaptés.
  • 50 Entretien d’Alain Vilbrod avec Guy Guezennec, mars 2003.

62Pendant quelques années encore, il sera relativement aisé de créer ou de faire habiliter un équipement dévolu auparavant à d’autres missions (sanatorium, internat d’école…) en vue de l’accueil d’enfants et d’adolescents handicapés. « C’était les heures de gloire, on obtenait tout ce que l’on voulait, contrairement à l’inadaptation. Je me souviens de rentrer à la DDASS pour discuter des budgets, je demandais des postes supplémentaires, je les avais en sortant50. »

  • 51 Voir Alain Vilbrod, « Construction de la demande et offre de service… », op. cit., p. 233-242.

63L’équipe technique du CREAI a sans nul doute profité d’un contexte favorable, lié à la fois à la médicalisation de l’échec scolaire et à l’ouverture de nombre d’IME, et ce, avant qu’une régulation intervienne, notamment avec les lois de juin 197551. Pour autant, la chute des sollicitations de la part des pouvoirs publics et des associations du secteur ne s’explique pas uniquement de la sorte. Sans doute touchons-nous là les ambiguïtés inhérentes aux missions de ces équipes. Pour en saisir la teneur, il suffi t, l’espace de quelques instants, de s’arrêter sur « les deux bouts de la chaîne », à savoir la question de la saisine et celle de la diffusion des rapports.

64Qui peut saisir l’équipe technique ? Si l’on s’en tient aux statuts du CREAI de 1964, « l’équipe technique peut être saisie soit par l’administration dont elle est le conseiller technique permanent, soit par des personnes morales privées ou par des personnes physiques, soit par le CREAI lui-même (bureau, conseil d’administration, assemblée générale) ». Il était sans doute malaisé d’être plus imprécis encore. Il faut croire que bien des problèmes se sont posés puisque le ministère, en 1967 d’abord par l’intermédiaire d’un courrier à ses directeurs régionaux, puis en 1968, sous la forme cette fois d’une circulaire, dut préciser les choses. Cela ne lève en rien les ambiguïtés, mais au moins comprenons-nous que le directeur régional des Affaires sanitaires et sociales veut à tout prix garder la haute main sur cette instance :

  • 52 Circulaire n° 20 du 19 juillet 1968, ministère des Affaires sociales.

« Saisie : L’équipe technique est toujours saisie par l’intermédiaire du président du CREAI
– Avis demandé par l’administration :
La demande passe obligatoirement par l’intermédiaire du chef de service régional de l’Action sanitaire et sociale. Si l’avis nécessite une enquête, il est souhaitable qu’elle soit menée conjointement par le ou les membres de l’équipe désignée et le fonctionnaire responsable ; si ce n’est pas possible, l’établissement ou les personnes sur lesquels l’enquête est menée doivent être avertis que les spécialistes sont envoyés par l’administration et rendront compte à celle-ci de leurs constatations.
– Avis demandé par un organisme privé :
Il est utile que le chef de service régional en soit informé, ne serait-ce que pour apprécier l’activité de l’équipe technique et la justification de sa rémunération, ainsi que l’audience de CREAI dans la région52. »

  • 53 Additif à l’article 53 du règlement intérieur du CREAI, novembre 1971, Archives départementales d’ (...)
  • 54 Dossier « Recours équipe technique », juillet 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fo (...)

65Faute de disposer d’éléments tangibles sur les situations conflictuelles que ces saisines, que ces enquêtes réalisées à la demande de l’administration ou des associations elles-mêmes ont pu provoquer, il faut lire en creux le sens de toutes les précisions que l’équipe technique du CREAI de Bretagne a régulièrement apporté dans ses comptes rendus, dans les informations diffusées aux adhérents. Ainsi, par exemple, « l’équipe technique ne peut examiner le fonctionnement d’un établissement ou service que sur la demande ou avec l’accord de l’organisme gestionnaire de cet établissement ou service, à moins d’en être expressément chargée par une Administration publique de contrôle53 »… Nous pressentons ici des problèmes nés d’un différend entre une direction d’établissement, qui a sollicité l’équipe technique, et l’association gestionnaire qui n’en a pas été informée, voire qui s’est trouvée visée dans les critiques du rapport final. Ailleurs, nous avons lu un courrier de vive protestation de la section « Enfance inadaptée » de la Confédération française du travail (CFDT) face au refus de la commission technique de se saisir, à leur demande, d’un problème de fonctionnement au sein de la Maison des enfants de Carcé54 ; et on pourrait multiplier ainsi les exemples.

  • 55 La situation des autres CREAI paraît fréquemment de cet ordre aussi. En 1972, lors d’une réunion d (...)
  • 56 Note annexe résumant les principales positions de la commission des CREAI dans sa séance du 9 juil (...)

66Une autre question, de plus grande importance encore, parcourt bien des comptes rendus des activités de l’équipe technique : il s’agit de la faible confiance qui leur ait été accordée par l’administration en règle générale55. Les textes de 1964 demeurent flous sur la saisine, par les directions régionales ou départementales, de l’équipe technique. Le souhait des CREAI était que le recours à leur expertise soit obligatoire, par exemple dans le cas d’ouverture, d’extension d’établissements ou de services relevant de l’enfance inadaptée : « La commission des CREAI a vivement souhaité que soit renforcé le caractère technique de la mission des CREAI et que l’article 11 affirme le caractère obligatoire de leur consultation par les CRASS et le DDASS56. » Constat était pour autant fait, à regret, que tel n’était pas le cas :

  • 57 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)

« Il est à remarquer par ailleurs que cette procédure [de saisine systématique en cas de projet de création d’établissement] est inégalement respectée selon les départements. Mais au-delà de cet aspect particulier des créations d’établissements, il faut voir, pensons-nous, une perception différente de l’équipe technique considérée de plus en plus comme une instance au service des établissements spécialisés de la région57. »

67Ou encore :

  • 58 Lettre d’Henri Joubrel à R. Derouzy, directeur du CREAI du Limousin et auteur du texte Les CREAI, (...)

« Préconiser que l’équipe technique soit obligatoirement consultée pour toute création, transformation ou projet dans la région apparaît quelque peu utopique. L’Administration fait et fera toujours ce qu’elle veut, et telle ou telle association privée sans doute aussi, utopique mais aussi irréaliste, car le nombre des expertises à réaliser pourrait être alors, à certaines périodes, considérables58. »

  • 59 Inspection générale des affaires sociales, rapport annuel 1971, p. 87-298.

68Tel est effectivement l’ambiguïté majeure en ce qui concerne la saisine. On va la croiser de nouveau dès qu’il va s’agir de la question sensible de la divulgation, de la diffusion des résultats des enquêtes diligentées par l’équipe technique. En tout état de cause, cette dite « équipe » se trouvait placée devant bien des contradictions. Requise par l’administration à fi ns de contrôle ou d’avis préalable à une décision d’autorité, elle s’attirait inévitablement les soupçons des associations visées (qui pouvaient par ailleurs émarger au CREAI, voire être, en tant que membre du conseil d’administration, employeur des membres de cette équipe enquêtant chez eux pour le compte des pouvoirs publics !). Pour peu, au contraire, qu’elles soient saisies par ces associations, par exemple en soutien à un projet à défendre vis-à-vis de ces mêmes pouvoirs publics, et ceux-ci pouvaient alors de fait ne percevoir dans cette équipe qu’un allié inconditionnel de tout ce qui est initiative privée, contre les velléités de l’administration de réguler, de coordonner, etc. Dans tous les cas, la position n’était guère confortable. C’est bien le constat que fit, en 1970, l’inspection générale du ministère quand elle consacra toute une partie de son rapport annuel aux « problèmes sanitaires et sociaux de prévention, d’adaptation et de reclassement59 ». Un chapitre portait sur l’enfance inadaptée et notamment sur les CREAI et sur les équipes techniques :

  • 60 Ibid., p. 234.

« Excellente dans son principe, cette mesure n’a pas donné les résultats attendus par l’administration. Les causes en sont diverses :
– Retard dans la mise en place, à cause de difficultés rencontrées pour trouver les personnes compétentes et suffisamment disponibles.
– Manque d’intérêt ou réticence des directeurs départementaux à l’égard d’une intervention extérieure émanant d’un organisme privé et diligentée par l’échelon administratif régional.
– Tendance à faire régler par l’équipe technique des situations conflictuelles et, en conséquence, opportunisme dans les conclusions ou dans les décisions décourageant pour les uns et pour les autres.
– Lenteurs dans les interventions et insuffisance des investigations de base et des rapports, faute pour l’équipe de consacrer le temps nécessaire à ces travaux.
– Divergences et manque de mesure dans les propositions faites à l’administration, notamment au sujet des effectifs de personnels60. »

69Dans ses conclusions, ce rapport revient sur cette ambivalence en évoquant

  • 61 Ibid., p. 244.

« […] l’impossibilité pour les centres régionaux d’agir avec autorité près des promoteurs privés, la réticence entretenue à leur égard par les autorités départementales (préfets, directeurs départementaux de l’Action sanitaire et sociale, fonctionnaires des autres ministères concernées)61 ».

70C’est affaire de saisine, c’est encore plus affaire de divulgation des rapports… Là aussi, devant le flou des textes initiaux, le ministère s’est attaché à préciser les choses :

  • 62 Circulaire du 19 juillet 1968, ministère des Affaires sociales.

« Le rapport émis doit être signé par son auteur ou, s’il est collégial, par ses auteurs ou le chef ou coordinateur de l’équipe. Il est transmis, sous couvert, du président, au demandeur, le président ne pouvant y apporter aucune modification ; l’équipe doit garder une indépendance technique ; le président peut, éventuellement, y ajouter un avis personnel ou, dans certains cas graves, celui du bureau, voire du conseil d’administration.
Si l’avis a été demandé par l’administration, il doit passer par l’intermédiaire du chef du service régional. Le fonctionnaire concerné doit le considérer comme un rapport d’expert, qui lui permet d’être plus complètement informé sur le plan technique mais qu’il n’a pas à communiquer aux intéressés. Il n’appartient qu’à l’administration, compte tenu des informations qu’elle a obtenues, de se faire une opinion, de prendre une décision et de donner des instructions. Le fonctionnaire n’a pas à rendre compte de la suite au rapport.
Si l’avis a été demandé par un organisme privé, il lui est donné directement par le président, mais il est bon que le directeur régional soit informé que la mission a été accomplie.
Si l’étude demandée par le conseil d’administration a un intérêt général, le directeur régional sera informé de ses résultats. Le bureau et le conseil d’administration, organismes administratifs et non obligatoirement techniques, n’ont pas à être saisis des rapports qu’ils n’ont pas demandés eux-mêmes62. »

  • 63 C’est également le cas dans d’autres CREAI, comme celui de Toulouse par exemple.

71Quand les équipes techniques sont requises par l’administration, il est postulé une autonomie quasi complète de celles-ci qui n’ont alors aucun compte à rendre à la direction du CREAI qui pourtant les emploie. Dans le cas de la Bretagne, ces directives prêtent à sourire puisque le directeur du CREAI, Jacques Guyomarc’h, fait partie de cette équipe technique63, les autres membres étant eux aussi des salariés du CREAI ! Au passage, l’administration, qui affirme la confidentialité des avis qu’elle reçoit, « conseille » aux CREAI de l’aviser de ce que ces équipes réalisent par ailleurs pour le compte des associations privées : c’est ce qui s’appelle un contrat léonin.

  • 64 Courrier de Pierre Bianquis, président de la commission des CREAI du CTN aux présidents des CREAI, (...)

72En mai 1970, soit tout de même plus de deux ans après la publication de cette circulaire au ton pour le moins abrupt (et qui reprend mot pour mot les termes de la lettre de Bernard Guitton, datée de novembre 1967, que nous avons déjà mentionnée), la commission des CREAI du CTN (Centre technique national) proposait aux différents directeurs de CREAI de réagir. Il s’agissait d’une part de demander que tout avis d’enquête émanant de l’administration soit transmis d’abord au président du CREAI par l’intermédiaire du chef du service régional d’Action sanitaire et sociale, d’autre part d’exiger que les rapports soient transmis par le président du CREAI au commissaire du gouvernement « et qu’ils soient portés à la connaissance des responsables de la gestion de l’établissement ou du service mis en cause afin de permettre à ceux-ci de présenter leurs réponses aux observations incluses dans le rapport ». Pour faire bonne mesure, il était aussi précisé qu’ » il appartient au président du CREAI de définir les conditions de fonctionnement de l’équipe technique et de désigner les spécialistes chargés d’effectuer les enquêtes ou de donner les avis demandés soit par l’administration soit par un organisme privé, soit par le conseil d’administration64 ». Nous ignorons pour l’heure quelle fut la réponse du ministère à ces contre-propositions. Nous ne sommes pas certains qu’il y en ait eu une.

73Deux mentions, dans les documents que nous avons consultés, portent directement sur ces directives et sur les réactions du CREAI de Bretagne. Lors de l’assemblée générale de 1969, il est question de ces rapports :

  • 65 Assemblée générale du 26 juin 1969, documents préparatoires aux groupes de travail sur l’équipe te (...)

« Parmi les tâches de l’équipe technique, il y a l’étude des dossiers d’équipement qui lui sont soumis pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de ces dossiers. M. Marchandou soulève le cas où la saisine se fait directement du promoteur au ministère. M. Normand demande s’il peut être fait appel de l’avis de l’équipe technique. M. Berranger précise qu’il n’y a pas de recours puisqu’il s’agit seulement d’un avis sur un dossier au sujet duquel des questions se posent. M. Resnais souligne la possibilité et l’intérêt pour les promoteurs de consulter le Centre régional avant la constitution du dossier et avant l’avis donné à la demande du directeur régional de l’Action sanitaire et sociale. M. Berranger précise que le centre régional doit en effet être à la disposition de tous ceux qui désirent recueillir son avis. Il est décidé que les avis de l’équipe technique ne sont pas soumis à l’approbation du conseil ou du bureau65. »

74Le rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1975 précise, dans un paragraphe intitulé « Nature des enquêtes à demander par l’administration » :

  • 66 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)

« Il faut noter que les propositions de modifications de certains de ces textes et notamment de la circulaire du 19 février 1968 ont été étudiées par la commission des CREAI du CTNEAI en 1969 et 1970. Ces propositions visaient à préciser les modalités de l’ordre de service habilitant le ou les membres de l’équipe technique et à leur donner un rôle d’inspecteurs quasiment officiels. La commission des CREAI a rejeté ces propositions qui risquaient de porter atteinte à la confiance que les établissements leur témoignent du fait même de l’aide qu’ils leur apportent66. »

75On n’en saura pas plus, mais le seul fait que l’administration n’ait plus beaucoup fait appel aux avis de la commission technique est déjà une réponse en soit à une telle prise de position.

76Ainsi, tout au long de la période considérée, le fonctionnement même de l’équipe technique révèle les ambivalences de la position du CREAI et les tensions inhérentes à des missions entre conseil et contrôle. On n’en finirait pas de relever les tentatives répétées des responsables de l’équipe technique du CREAI pour se dégager d’une telle ornière et en même temps le constat, qu’ils doivent bel et bien faire, qu’il est difficile d’échapper à de tels soupçons :

  • 67 Rapport d’activité pour l’année 1969 présenté à l’assemblée générale du 29 mai 1970 par Jacques Gu (...)

« L’équipe technique pouvait être perçue jusqu’à l’assemblée générale du 26 juin 1969, comme une équipe mystérieuse, travaillant dans le secret, s’arrogeant le droit d’émettre des avis sans appel, susceptibles pourtant d’avoir des conséquences importantes. En prenant le 6 mai la décision de porter le fonctionnement de l’équipe technique à l’ordre du jour de l’assemblée générale, le conseil d’administration a permis de mettre fi n à cette perception67. »

77Bel optimisme contredit par les comptes rendus suivants…

  • 68 Nous ne disposons pas, malheureusement, de beaucoup de documents « officieux », tels que des notes (...)
  • 69 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)
  • 70 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)
  • 71 Note préparatoire à l’étude d’un nouveau projet de fonctionnement de l’équipe technique, juillet 1 (...)
  • 72 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vil (...)

« Comme les années passées, l’équipe technique s’est attachée à ce que les réflexions et les échanges n’aient pas lieu en vase clos. Il ne s’agit pas de donner un avis “en chapelle 68” mais bien de rencontrer69. »
« M. Guyomarc’h souligna également que l’équipe technique est souvent perçue de l’extérieur comme un groupe qui s’arroge une compétence sur tous sujets70. »
« L’équipe technique est peut-être considérée par certains comme une instance se permettant de juger à huis clos les affaires qui lui sont soumises, sans en référer aux personnes concernées71. »
« Il arrive qu’en cas de divergences – cela n’arrive pas fréquemment – l’équipe technique puisse être perçue – du fait du caractère particulier du CREAI, ni public ni tout à fait privé et du rôle dévolu aux équipes techniques par l’arrêté du 22 janvier 1964 – comme ayant une sorte de pouvoir72. »

78L’ambiguïté de la position des équipes techniques va de pair avec un grand flou quant à son financement. Dans un bilan effectué en 1969 lors d’une session d’études de tous les directeurs de CREAI, constat était fait de la grande diversité de situations :

  • 73 Groupement professionnel des directeurs de centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inada (...)

« Les rémunérations sont très variables selon les CREAI. On en jugera ici
– temps remboursé à l’établissement ou à l’équipe itinérante qui détache un vacataire
– vacations forfaitaires
a) unique et pour tous les membres sans discriminations de disciplines
b) par référence aux taux de rémunération de la discipline de l’intéressé
c) par référence aux honoraires des centres de formation
– forfait hebdomadaire, mensuel, trimestriel […].
Elle [l’équipe technique] manque de moyens financiers qui lui assureraient le personnel, les déplacements, les études, le secrétariat dont elle a besoin. Elle fait encore trop souvent appel à des employés rémunérés sur une autre tâche73. »

  • 74 Compte rendu de la réunion de l’équipe technique, 28 septembre 1973, Archives départementales d’Il (...)

79Plusieurs fois interrogé sur ce point, le ministère est resté dans le vague. La circulaire de 1968 précise que « l’équipe technique n’est pas rémunérée par les établissements qui ont demandé occasionnellement au CREAI un avis technique ». Soit, mais jamais il est dit qui va payer ces experts dont il est attendu pourtant indépendance et liberté d’action vis-à-vis du CREAI. Dans un contexte où les finances de cet organisme, en Bretagne tout au moins, sont toujours précaires, il sera question « de faire payer le bénéficiaire » ou du moins les établissements qui ont « une certaine aisance74 ». Ce ne seront que des vœux pieux.

  • 75 Lettre d’Henri Joubrel à Albert Le Méro, 23 juillet 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilai (...)

« N’est-il pas injuste que seulement certains organismes de notre région bénéficient de la venue pour expertise à titre gratuit, de quatre, cinq, parfois jusqu’à six membres de notre équipe technique ? Ne serait-il pas plus équitable de poser, comme dans certaines régions, la règle du remboursement, et de faire exception à cette règle lorsque la situation financière du demandeur appelle cette exception. Le budget de notre CREAI y trouverait un meilleur équilibre, alors qu’un si grand nombre d’autres services qu’il rend ne donnent encore lieu, pour lui, à aucune rentrée de fond75 », remarque Henri Joubrel, le président du CREAI.

80Pour autant, visiblement il n’est pas suivi et quand il interpelle la direction du SRASS sur la possibilité des DDASS de participer au financement de l’équipe lorsqu’elles la consultent, il lui est répondu

  • 76 Procès-verbal de la réunion du bureau du 12 décembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vila (...)

« […] qu’elles ne disposent pas de crédits à cet effet. En toute hypothèse elles estimeraient, sans doute, que le ministère de la Santé verse une subvention d’équilibre au CREAI, notamment dans ce but et que de toute façon certaines ne consultent déjà l’équipe technique que très rarement, malgré l’obligation qui leur en est faite par leur administration centrale76 ».

81De fait, les membres de l’équipe technique ne peuvent être que des salariés du siège du CREAI ou des employés dans les établissements ou services qu’il gère se dégageant alors un temps, sur le budget de ces équipements le cas échéant, pour se consacrer à ces missions d’expertise. On est loin, avec de telles solutions qui relèvent plus du bricolage que d’autres choses, de quelque adéquation que ce soit entre les projets affichés dans les textes officiels et une réalité dont il n’était pas inintéressant de prendre la juste mesure…

Une situation financière toujours sur le fil

82Les activités que mettent en œuvre les CREAI portent, au cours de la période considérée, sur nombre de versants, au point que se pose bien souvent la question de l’adéquation entre les missions dévolues et les moyens dont ils disposent pour être en mesure de pousser ainsi leurs feux dans tant de directions. Par exemple, ceux qui auparavant, dans le cadre d’ARSEA, géraient directement des établissements et des services ont généralement opté, non sans débats, pour le maintien dans leur giron de ces équipements. Dans ce cas, une part tout au moins des activités de ces centres régionaux se déploie dans ce qui s’apparente aux tâches qui reviennent au siège social de toute association gestionnaire (gestion financière, gestion du personnel, coordination des directions d’établissements, liens avec les autorités de tutelle, etc.).

  • 77 À titre d’illustration, on retiendra par exemple qu’entre 1969 et 1972 le nombre de courriers reçu (...)

83La formation des personnels éducatifs mobilise aussi nombre de CREAI. La plupart ont été en première ligne dans les dites « actions d’adaptation » qui ont consisté à former en cours d’emploi, au tournant des années 1970, les professionnels déjà en poste depuis plusieurs années au sein d’une institution, sans avoir suivi quelque cursus spécialisé que ce soit. Certains gèrent directement une école d’éducateurs héritée des ARSEA – c’est le cas du CREAI de Bretagne – et tous ou presque se consacrent à l’organisation des épreuves de présélection des candidats à une formation d’éducateur (qui doivent d’abord effectuer un « stage de contact » de plusieurs mois en institution), à l’agrément des terrains de stage, voire à la gestion de systèmes de bourses aux études qui connaîtront bien des vicissitudes. Cet ensemble de tâches mobilise beaucoup d’énergie, sans compter que les CREAI sont souvent perçus comme les lieux par excellence où l’on va pouvoir obtenir des informations sur les cursus, sur les métiers de l’éducation spécialisée, où l’on va aussi pouvoir se procurer aisément les coordonnées des établissements susceptibles d’accueillir des stagiaires, des renseignements sur les débouchés, etc.77.

84Les activités d’animation, que l’on qualifiait sans fioritures, d’« actions de propagande » pour la cause de l’enfance et de l’adolescence inadaptées, peuvent aussi amener tel ou tel CREAI à se consacrer à diverses opérations, du montage d’expositions à l’organisation de concours dans les écoles en passant par une présence assurée à des cycles de conférences, à des projections cinématographiques, toutes manifestations au fi l desquelles ils gagnent en visibilité mais qui les amènent aussi à être de plus en plus sollicités.

85Toutes ces activités se rajoutent à celles de la coordination des associations, des délégations locales, départementales, etc., mises en place, aux relations pas toujours sereines avec les administrations, sans compter bien entendu tout ce qui a trait aux équipes techniques.

86L’étendue des tâches va de pair avec leur complexité croissante. De plus en plus nettement, il faut que les dirigeants des CREAI soient au fait des évolutions du droit dans nombre de ces dimensions, connaissent par le menu les rouages administratifs, et ce, sans délaisser pour autant les actions visant à maintenir et à actualiser en permanence tous ces réseaux dont les CREAI sont partie prenante. À leurs dirigeants revient notamment la mission de ne pas être oubliés, de jouer des coudes pour être conviés ici, pour siéger là, pour être sollicités sur tel ou tel dossier, etc. par les pouvoirs publics certes, mais plus largement par tous ces « partenaires » auxquels il faut continuellement se rappeler.

87Si l’on rajoute encore la rédaction et la diffusion de bulletins, de revues, la gestion d’un centre de documentation, on aura compris qu’on ne chôme guère dans ces lieux au cours des années 1960 et 1970.

88La question des moyens se pose alors d’évidence puisque pour faire fonctionner tout cet ensemble, pour répondre à toutes ces sollicitations, il faut une logistique et surtout du personnel. Et c’est là que « le bât blesse ». Tout au long des années 1965-1975, la situation des CREAI en général, et de celui de la Bretagne en particulier, paraît être très fragile. Leur indépendance est d’autant plus sujette à caution que les dirigeants doivent en permanence demander l’octroi de subventions, solliciter des aides exceptionnelles permettant de « boucler l’année », etc., de la part des pouvoirs publics qui sont bien, d’une façon ou d’une autre, leurs principaux bailleurs de fonds. En effet, faute d’être généralement en mesure de dégager des ressources propres, les CREAI se tournent encore et toujours vers les directions régionales des Affaires sanitaires et sociales, vers les préfectures, directement vers le ministère parfois et paraissent, de ce point de vue, très largement sous leur coupe. Le « nerf de la guerre » les renvoie, semble-t-il, à une position de dominé qui cadre mal avec les ambitions affichées d’indépendance voire de « mouche du coche » des pouvoirs publics.

  • 78 La Cour des comptes a d’ailleurs diligenté une inspection des CREAI en 1972. Le CREAI de Bretagne (...)

89Examiner les bilans comptables, les budgets prévisionnels, ceux qui sont dits « acceptés », les budgets réalisés, etc., supposent avant tout de disposer d’informations précises. L’affaire est complexe. Les pièces comptables ont une « durée de vie » très réglementée mais, passé les délais impartis par la loi, elles sont les premières à être détruites tant elles envahissent les espaces disponibles et sont pensées de toute façon comme susceptibles de n’intéresser strictement personne. Place nette est donc consciencieusement faite à intervalles réguliers, et le CREAI de Bretagne n’y a pas dérogé. Il reste cependant les traditionnels bilans présentés lors des assemblées générales annuelles et les points effectués lors des conseils d’administration. Ce n’est pas tant la véracité des comptes qui est en cause dès lors que l’on s’attache à les analyser – les contrôles sont d’ailleurs d’autant plus étroits que les subventions publiques sont conséquentes 78 – que leur présentation. De plus, il n’est pas possible de se reporter aux pièces comptables pour mieux appréhender ce qui a présidé à telle ou telle option dans l’exposé des bilans, de l’équilibre entre recettes et dépenses, puisque, en la matière, rien n’est fortuit. Il y a donc lieu de considérer avec quelque prudence les chiffres dont on dispose et de penser qu’ils renseignent simplement sur des ordres de grandeur. Il n’est pas inintéressant non plus de mettre ces données en perspective avec la situation financière des autres CREAI durant la même période. Pour autant, il ne va pas s’agir d’entrer dans les détails de toutes les subtilités comptables mais de faire ressortir quelques grandes lignes d’une situation financière qui, à l’instar de ce qu’a pu révéler l’attention portée sur les activités de l’équipe technique, informe sur la place même du CREAI, notamment par rapport aux pouvoirs publics.

  • 79 Ce tableau livre des données brutes qui ont été produites au début des années 1970 dans le cadre d (...)

90La présente mise en perspective de la situation de quelque 19 CREAI sur les 21 existants, qui rassemble des données du budget de l’année civile 197179, appelle immédiatement quelques commentaires concernant les écarts considérables qui existent entre les budgets. Le CREAI de Nantes – il est vrai nouvellement redécoupé pour correspondre à la région de programme – le dispute au CREAI de Limoges pour les plus faibles montants alors que, sans conteste, le CREAI de Dijon caracole loin devant. Entre les CREAI de Limoges et de Dijon, le rapport des budgets respectifs est de 1 à 8. Les explications de tels écarts sont au moins de deux ordres : sans nul doute existe-il des différences notables de situation, de contexte, d’histoire même de ces CREAI, mais une autre raison tient tout simplement à des façons très dissemblables de présenter les budgets. Parce qu’il n’y a en la matière rien d’innocent, il est possible de rechercher quelques explications à ces diverses façons de rendre compte de sa situation financière…

91Une large part des écarts de budgets tient au fait que certains CREAI gèrent directement des établissements et des services là où d’autres, créés de toutes pièces en 1964, n’en ont jamais géré (et là où aussi certains autres ont déjà délégué à des associations ad hoc le soin de poursuivre la gestion des institutions et services qu’en tant qu’ARSEA ils avaient auparavant sous leur responsabilité directe).

Budgets des CREAI en 1971.

92Ainsi le CREAI de Dijon gère directement quelque 14 établissements. Pour autant rien n’est simple, puisque le CREAI de Strasbourg en gère 21, celui de Toulouse 15 puis, à leur suite, ceux des CREAI d’Orléans et de Rouen en gèrent 10 chacun, or ces derniers ne se distinguent pas particulièrement de la moyenne (le CREAI de Rennes affiche alors la gestion de 8 établissements). Tout dépend en fait de ce que l’on inclut de la gestion de ces établissements dans les budgets des CREAI respectifs. La part des remboursements pour services rendus, dont les écarts sont patents (un écart à la moyenne de près de 20 % pour une moyenne de 23 % !), renseigne tout simplement sur le fait que certains CREAI, tel celui de Dijon, à la fois intègrent dans leur budget des dépenses relatives aux institutions qu’ils gèrent, les inscrivent en dépenses (frais de personnel, logistique, déplacements, etc.) et en recettes par le biais de facturations adressées à ces équipements pour services rendus. Cela revient à gonfler considérablement les budgets alors que, au même moment, d’autres CREAI dans une situation équivalente délèguent largement à leurs établissements toute cette logistique, n’emploient pas, au siège, de personnel pour leur gestion et en toute logique ne reçoivent donc pas les recettes afférentes. C’est ainsi que Dijon a, en 1971, un budget de 2 014 000 francs pour 14 établissements gérés et Strasbourg de 529 000 francs pour 21 équipements en gestion directe. Rien n’est anodin en la matière : plus on intègre dans son budget des dépenses et des recettes renvoyant à la gestion des établissements, plus on minore la part des autres ressources (et des autres dépenses). C’est ainsi que la part des subventions, en pourcentages, varie elle aussi beaucoup.

93Ces premières réserves d’importance formulées, il est possible de retirer quelques informations intéressantes de cette mise en perspective.

94Au-delà des différents modes de présentation des budgets, la part qui revient, dans les dépenses, aux frais de personnel ne connaît pas d’écarts très importants. Cette part se situe entre 70 % et 80 %. Il faudra s’en souvenir puisque, si ce ne sont pas vraiment des dépenses incompressibles – on peut toujours licencier du personnel ou différer son embauche – les marges de manœuvre sont toutefois assez étroites. De plus, on a affaire là à un poste qui connaît une augmentation régulière par le biais des conventions collectives faisant la part belle à l’avancement à l’ancienneté – c’est le cas de la convention collective dite « de 1966 » qu’appliquent la plupart des CREAI.

  • 80 En 1962, la participation des établissements gérés par la FBSEA (Ker-goat, La Ville-Gilles, Jeunes (...)

95Un autre point mérite aussi d’être souligné : les CREAI qui gèrent directement des établissements et des services disposent ainsi de facilités à bien des égards : sous réserve de l’accord des directions départementales de l’Action sanitaire et sociale, qui agréent les budgets de ces équipements, il est possible de les faire contribuer assez largement à la vie du CREAI, sous la forme de frais de siège, mais aussi de cotisations calculées de façon particulière80. C’est là un avantage certain. En effet, de quelles ressources autres que les subventions accordées par l’administration peuvent provenir les recettes des CREAI ? Point de tonneau des Danaïdes : les cotisations des membres ne pèsent jamais que pour 2 % ou 3 % et le cas de Montpellier (10 %) est exceptionnel. Il ne reste que la participation des associations affiliées. Signalons ici qu’une circulaire du 13 décembre 1961 – du temps des ARSEA donc – avait admis la possibilité pour les associations affiliées (en fait la circulaire ne parle encore que d’« œuvres ») à une association régionale de cotiser à hauteur de 0,04 franc par lit et par journée de présence. Ce n’était qu’une possibilité mais les pouvoirs publics acceptaient le principe que cette cotisation soit incluse dans les budgets et donc dans les demandes de subventions annuelles que ces associations ne manquaient pas de leur adresser. Nous en sommes toujours là en 1971. La part de cette participation volontaire (qui, pour autant, provient bien de l’État, essentiellement via le financement des établissements et services, mais aussi de la Sécurité sociale) par rapport aux subventions directes varie de façon très importante aussi. Les chiffres les plus extrêmes renvoient à une subvention des pouvoirs publics très faibles, ce qui par ailleurs démontre bien que tous les CREAI ne sont pas logés à la même enseigne et que chacun s’attache, par des moyens très divers, à tirer son épingle du jeu.

  • 81 Les Centres régionaux…, op. cit.

96La part de ces cotisations, en Bretagne, apparaît assez faible. Nous avons précédemment présenté, par département, les associations et œuvres adhérentes « personnes morales » en 1962 et en 1967. Du document réalisé en 1974 par le CTN 81 ressortent sur ce point quelques données intéressantes. Ainsi, sur la base 100 des cotisations perçues en 1968, et compte tenu, depuis cette date, du nombre d’établissements ouverts dans chaque région et de leur capacité moyenne d’accueil, a été évaluée la cotisation potentielle – en tenant compte alors des disparités en matière d’équipement – : le CREAI de Bretagne apparaît juste dans la moyenne nationale, à savoir un taux de progression de cotisation de 38 % entre 1968 et 1973.

  • 82 Une manière pour le directeur du SRASS de prendre en considération les demandes d’augmentation de (...)
  • 83 Compte rendu de l’entretien du 17 mars 1975 avec André Ramoff, CLCC, Archives départementales d’Il (...)

97Pour conclure sur ce point, il convient d’insister sur la grande disparité de la situation financière des CREAI et sur le fait que ce sont bien les pouvoirs publics qui, en la matière, détiennent les rênes. Qu’il s’agisse de subventions directes ou de l’accord donné pour ponctionner sur les budgets des établissements gérés, les services de l’État mènent le jeu 82 mais, dans le même temps on chercherait en vain de leur part une politique cohérente de financement des CREAI. On a l’impression que chaque centre régional, face à des interlocuteurs publics qui réagissent à court terme et toujours au cas par cas, est amené à se débrouiller et doit s’évertuer tant bien que mal à se tirer d’affaire. Tant mieux pour ceux qui possèdent des établissements 83… Quant aux autres, il ne leur reste bien souvent comme recours que le fait de devoir quémander année après année, sans qu’il y ait possibilité de quelque contractualisation que ce soit, une subvention d’équilibre.

98Lors d’une entrevue accordée en 1975 à cinq des responsables du comité de liaison et de coordination des CREAI (CLCC),

« M. Ramoff déclare qu’il souhaite que les CREAI aient un budget très balancé entre subvention de l’État et apports extérieurs. La subvention règle le Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptées dans sa mission publique mais si les apports extérieurs sont peu importants ou très inférieurs à la subvention, c’est qu’il est mal perçu par les établissements de la Région et qu’il ne leur rend pas les services souhaités ».

99C’est bien entendu une façon d’éluder la question de l’origine de ces « apports extérieurs », qui ne peuvent venir qu’à la marge des prestations aux établissements du secteur, via les équipes techniques par exemple, et sont de toute façon ponctionnés sur des finances assurées par l’État ou par la Sécurité sociale, mais sur d’autres lignes budgétaires il est vrai.

100En 1972, le Comité d’action et de liaison des CREAI, le CALC, tirait la sonnette d’alarme sur la situation financière de plus en plus fragile des CREAI et faisait parvenir une motion au ministère, assortie d’une pressante demande d’audience auprès de Marie-Madeleine Dienesch, secrétaire d’État auprès du ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale :

  • 84 Nous possédons plusieurs versions préparatoires annotées de cette lettre, ce qui laisse à penser q (...)

« En raison des grandes difficultés financières rencontrées par les CREAI pour leur fonctionnement et le développement de leur action, les présidents, administrateurs et directeurs, réunis à Dijon le 23 octobre 1972 demandent instamment à Monsieur le Garde de Sceaux, ministre de la Justice, à Monsieur le ministre de la Santé publique, et à Madame le secrétaire d’État chargé de l’Action sociale et de la Réadaptation que soit, le plus rapidement possible, actualisée la circulaire du 13 décembre 1961, relative à l’inclusion d’une cotisation dans les prévisions budgétaires de certains établissements pour enfants inadaptés au profit des ARSEA. C’est ainsi que succédant, dans la plupart des cas, aux ARSEA, ont été institués, par arrêté du 22 janvier 1964, les CREAI. Ceux-ci, s’étant vu confier des missions sans cesse élargies, il apparaît nécessaire que l’actualisation de cette circulaire porte sur les points suivants :
– Substitution de l’appellation CREAI à l’appellation ARSEA.
– Extension du champ d’application : cette extension, prévue par la circulaire, devrait aujourd’hui inclure la totalité des établissements mais aussi de tous les services du secteur de l’enfance et de l’adolescence inadaptée
– Adaptation du montant des cotisations. La circulaire l’avait fixée il y a 11 ans à 0,04 par journée de présence. Il ne correspond évidemment plus à l’augmentation du coût de la vie, et moins encore au développement des services rendus. Il doit donc être reconsidéré suivant une formule qui garantirait la réalité de l’aide apportée. Il est demandé que ce taux soit porté de 0,04 à 0,10 à partir du 1er janvier, avec une adaptation selon la nature des établissements et services84. »

101Apparemment, en 1961, ce financement via la part de 0,04 franc par lit était une contrepartie de l’acceptation, par les ARSEA, de se réformer… Sans doute qu’aucune actualisation et indexation de cette contribution n’avait été prévue, et que le développement des services ambulatoires, qui allait rendre en partie caduque le seul calcul « par lit » n’avait pas été anticipé non plus. En filigrane, il y a toujours cette idée, qui continue à germer dans l’esprit des responsables de CREAI, de rendre obligatoire la cotisation, au même titre d’ailleurs qu’ils souhaitaient également que les avis de leurs équipes techniques soient un passage obligé pour toutes instructions, par les pouvoirs publics, de dossiers de création d’établissement par exemple. Dans un cas comme dans l’autre, force est de constater que leurs aspirations n’ont jamais été suivies d’effets.

102Attardons-nous maintenant, toujours pour la même période, sur le budget du seul CREAI de Bretagne.

Répartition des recettes du CREAI entre 1968 et 1972.

103Les cotisations, dont le montant a pourtant triplé en l’espace de cinq ans, pèsent peu. Les recettes provenant de la cotisation des sept établissements en gestion directe sont équivalentes à celles que permet de rassembler cette part de 0,04 franc tant discutée. On mesure ici tout l’intérêt d’avoir ainsi dans son giron des institutions « captives » qui participent très largement à soutenir le CREAI, voire qui lui donnent les moyens d’élargir ses propres activités. Les prestations pour services rendus permettent de repérer que c’est en 1969 que ces prestations ont véritablement été mises en place. La subvention de l’État croît quasiment chaque année de façon assez notable et l’augmentation, entre 1968 et 1972, est de 68 %. S’il faut avoir à l’esprit que le taux d’inflation est d’environ 5 % par an durant la période considérée, en francs constants, il y a bien cependant une augmentation significative, de l’ordre de 40 % environ, ce qui n’est pas rien.

Budget du CREAI pour l’année 1970.

  • 85 Cette campagne, inaugurée en 1950 et dans laquelle le CREAI de Bretagne sera le dernier à continue (...)
  • 86 En 1971, Michel Lemay intervient pour 3/6 de son temps au Centre d’observation éducatif et pour 1/ (...)
  • 87 On notera au passage qu’en 1970 la participation des établissements en gestion directe (sans qu’il (...)

104Si nous nous reportons maintenant à l’étude du budget réalisé en 1970, nous observons bien qu’au rang des recettes il y a des cotisations qui ne pèsent que pour 4,1 % des ressources propres et pour uniquement 0,2 % des recettes. La campagne « Sauvegarde de l’enfance » pèse pour quelque 27 000 francs. Elle semble caractériser la Bretagne puisque la plupart des autres CREAI ont abandonné depuis plusieurs années déjà l’organisation de cette souscription volontaire très en vogue dans les ARSEA durant les années 196085. Il convient par ailleurs de souligner un fait déjà repéré au niveau de nombre de CREAI et dont nous avons alors ici au moins une part d’explication. Les recettes totales affichées par le CREAI de Bretagne résultent d’un jeu d’écriture : en effet, deux médecins, les docteurs Lemay et Pony ainsi qu’une comptable et qu’une femme de ménage sont payés par le CREAI mais mis à la disposition de ses différents établissements, pour une large part de leur temps de travail86, établissements qui, du coup, reversent au Centre régional une part de leurs salaires. On dira que ce n’est qu’affaire d’écritures ; pour autant, cela revient bien à gonfler en recettes et en dépenses le budget du CREAI et surtout à minorer la part des autres ressources. Ainsi, par exemple, si l’on prend en compte ces salaires dans les recettes, la part des subventions des pouvoirs publics paraît ne peser que pour environ 38 %. Si au contraire on ne retient que les recettes portant sur les cotisations – la participation des établissements directement gérés et la part du 0,04 franc –, l’aide de l’État se monte à 64 %87. Nous percevons bien la différence. Régulièrement le président du CREAI comme son directeur se saisiront de ce faible taux de 38 % pour valoriser tous les efforts réalisés par le CREAI pour dégager des ressources par d’autres moyens… quitte à masquer que ce taux est le résultat d’une façon très particulière de présenter un bilan…

105Au rang des dépenses, les frais de personnel représentent 76 % du budget. La répartition des autres postes n’appelle pas de commentaires particuliers si ce n’est l’existence d’annuités d’emprunts signalant que le CREAI a dû négocier avec des banques, suite à des versements tardifs de subventions par les pouvoirs publics – problème récurrent pour tous les CREAI – à l’heure où l’augmentation sensible du poste « salaires et charges », difficilement compressible, grevait régulièrement son budget.

  • 88 On peut mesurer ces remaniements réalisés par Jacques Guyomarc’h ou par son adjoint, Emmanuel Le C (...)

106Toutes ces questions financières sont largement abordées lors des différents bureaux et conseils d’administration qui se déroulent tout au long de cette période. Aussi policés et remaniés qu’ils soient88, transparaissent dans les comptes rendus bien des débats, bien des informations sur une situation toujours sur le fil, sur les démarches entreprises pour sortir de l’ornière, etc. La présence assez régulière du directeur du SRASS ou de son adjoint donne à ces instances un caractère particulier puisque c’est alors l’occasion pour les responsables du CREAI de protester publiquement, d’interpeller les pouvoirs publics et de demander l’intercession du SRASS. Chacun semble jouer ici une partition convenue et la direction du Service régional est donc amenée, de façon quasi rituelle, à rappeler les consignes qu’elle a reçues et à accepter de jouer un rôle de « tampon » entre les demandes qu’elle peut juger légitimes et les directives qu’elle se doit d’appliquer :

  • 89 Compte rendu de la réunion du bureau du 21 mars 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, (...)

« La trésorerie ne permettra sans doute pas de faire face au paiement des salaires […]. M. Berranger a transmis la lettre que M. Guyomarc’h lui avait écrite le 24 février 1972 en soulignant que le CREAI se trouvera dans une situation angoissante si une solution n’est pas trouvée89. »

107Ces comptes rendus prennent acte d’abord des augmentations consenties année après année, par le ministère, pour le budget du CREAI. Il y a bien une automaticité de cette subvention, mais elle ne tient pas compte des projets de développement, des dépenses imprévues voire de la situation particulière qui serait celle de tel ou tel CREAI. Cette subvention est d’ailleurs dite faussement « d’équilibre » : en effet, c’est un paramètre nécessairement intégré d’emblée, et le directeur du SRASS veille au grain pour que le budget prévisionnel intègre cette donnée limitative. Un dit « taux directeur » est arrêté à l’échelle nationale – le même que pour les établissements et services de l’enfance inadaptée. Il fixe le pourcentage d’augmentation de la subvention par rapport à celle de l’année précédente. Sur cette base, le CREAI doit, tant bien que mal, établir un budget tenant compte de cette part conséquente des recettes dont l’augmentation est ainsi fixée par avance. Les comptes rendus égrènent alors, les uns après les autres, la litanie des plaintes quant à la condition qui est réservée au CREAI par une administration décidément insensible à ses difficultés. Rares sont les séances où la question des finances n’est pas abordée. De réunion en réunion, ce sont toujours les mêmes constats qui sont faits, au point que l’on s’étonne, compte tenu des catastrophes annoncées, qu’il n’y ait pas eu un jour où la faillite ait été effectivement prononcée :

  • 90 Compte rendu de la réunion du bureau du 16 février 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilain (...)
  • 91 Compte rendu de la réunion du bureau du 24 septembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vila (...)

« Par circulaire du 20 janvier 1972, le ministère de la Santé publique et de la Sécurité sociale ayant limité la progression des subventions de fonctionnement de l’État à 10 % au maximum par rapport aux subventions versées en 1971, c’est d’une somme de 107 930 francs que M. Santerre se voit contraint de réduire la demande de subvention pour 1972 s’élevant à 392 500 francs sur un budget total de 862 765 francs. En supprimant déjà le poste de rédacteur-documentaliste, accordé en 1971, et le 1/10e du salaire d’un chef de service éducatif pour l’équipe technique du CREAI, en supprimant aussi le fonds de roulement et quelques autres postes, soit 55 000 francs en tout, il resterait encore à retirer 52 000 francs. Pour l’avenir, il est devenu indispensable d’augmenter les recettes (augmentation des cotisations, remboursements plus exacts des services rendus) sans trop d’ailleurs se faire d’illusion sur l’amélioration qui en découlera90. »
« M. Prévosto annonce qu’à ce jour le déficit enregistré s’élève à 18 234 F et les charges à payer d’ici la fin de l’année sont évaluées à 140 000 francs91. »

108Ce sont donc les représentants de l’État qui déterminent très largement le développement ou non des activités du CREAI. En ce sens, ils détiennent bien le pouvoir, pouvoir entendu comme une capacité d’action sur l’action des autres. Pour autant n’apparaissent pas vraiment de leur part des velléités d’en infléchir le cours dans telle ou telle direction. L’essentiel paraît être pour eux qu’il n’y ait pas de dépassement, pas de « vagues ». Ainsi, puisque les frais de personnel représentent, de très loin, la part la plus importante des dépenses, en toute logique le directeur du SRASS rogne sur cette ligne budgétaire. Le fait que cela puisse avoir comme conséquence de limiter le développement de l’équipe technique n’est pas du tout pris en considération.

  • 92 Compte rendu de la réunion du bureau du 31 octobre 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilain (...)

« Dans ces conditions M. Berranger conseille au CREAI de ne pas demander à nouveau que soient pourvus les postes de documentaliste et d’éducateur-chef pour l’équipe technique92. »

109Tous ces éléments donnent l’impression que, de ce point de vue, le CREAI est en quelque sorte une association administrée, sous étroite tutelle financière, et dont la marge de liberté est extrêmement réduite. Devant en permanence rendre des comptes, ses responsables paraissent trouver assez peu d’échos du côté du SRASS quand sont abordées des questions de fond. Il ressort indubitablement de ces comptes rendus que le directeur de ce service est commis pour que s’effectue « une gestion de bon père de famille » et qu’il ne faut pas nécessairement en attendre plus de sa part. Intercède-t-il vraiment auprès de son ministère ? Porte-il réellement l’intérêt qu’il manifeste formellement pour le CREAI ? À ce stade, il est difficile d’y répondre. Il transmet les protestations, y va de sa lettre de soutien, annonce qu’il fera où qu’il a fait son possible, mais tout cela s’effectue sans grande fougue.

110Il ne paraît pas y avoir toutefois de défaitisme chez les animateurs du CREAI. A contrario même, il y aurait comme une « culture du recours ». Jamais rien ne semble définitivement perdu ; il y a toujours des ressources à mobiliser pour tenter d’inverser le cours des choses, pour faire entendre sa voix dans les plus hautes instances. Cela tient sans nul doute à l’implication des uns et des autres dans les réseaux où se mêlent inextricablement puissance publique et initiative privée. Visiblement chacun connaît son monde, sait l’approcher, a de l’entregent et voit bien comment profiter de telle occasion, de tel mandat que l’on possède pour aller plaider sa cause. Nombre de responsables du CREAI, Henri Joubrel et Jacques Guyomarc’h notamment, sont passés maîtres dans l’art de faire entendre leur voix, de valoriser opportunément leurs relations informelles, au plus haut niveau de l’État parfois. Les multiples fonctions publiques et privées, professionnelles et personnelles (administrateur ici, président là, etc.), électives et cooptées, qu’ils occupaient ou qu’ils occupent encore – l’ANEJI par exemple –, sont autant de points d’appui pour les démarches qu’ils vont entreprendre, en sachant visiblement à quelle porte frapper à Rennes ou à Paris, en ayant compris de longue date que l’État n’est pas si imperméable que cela, tout étant dans la manière. Ils savent d’autant mieux que les lignes de démarcation entre représentants de l’État et personnalités insérées dans les réseaux sont rarement nettes qu’ils en ont fait déjà l’expérience. Reste qu’il est difficile de saisir les démarches qui ont été effectuées, le contenu des propos qui ont été tenus, les négociations peut-être qui ont alors eu lieu. Il faudrait pour cela disposer de sources rendant compte de la teneur des échanges informels qui, par définition, ont toujours quelque chose de caché. On en est réduit à des hypothèses. Par exemple, comment expliquer qu’une énième fin de non-recevoir à une demande d’aide financière exceptionnelle aboutisse peu après à un accord :

  • 93 Compte rendu de la réunion du bureau du 12 décembre 1972, Archives départementales d’Illeet-Vilain (...)
  • 94 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 26 mars 1973, Archives départementales d (...)

« M. Bensalem a fait savoir que, faute de crédits, le déficit de 1972 en Bretagne ne pourra malheureusement pas être couvert par une subvention complémentaire93. »
« M. Berranger, qui n’avait pu assister aux travaux de la matinée fait savoir qu’il est autorisé par son ministère, à la suite de longues tractations, à prendre un arrêté portant attribution d’une subvention d’État d’équilibre au profit du CREAI94. »

111Que recouvrent ces « longues tractations » ? Dans ce cas, on sait qu’Henri Joubrel a contacté directement Marie-Madeleine Dienesch, secrétaire d’État aux Affaires sociales :

  • 95 Compte rendu de la réunion du bureau du 26 septembre 1972, Archives départementales d’Illeet-Vilai (...)

« Le 30 juin M. Joubrel a adressé une lettre à Mlle Dienesch pour lui rappeler notamment les difficultés dans lesquelles se trouve le CREAI et demander que le taux de la circulaire du 13 décembre 1960 soit relevé, ce qui suppose que le ministère de la Santé publique établisse une nouvelle circulaire et la soumette au contrôle du ministère des Finances95. »

112On sait aussi qu’il y a eu une rencontre et que ce n’était pas la première fois qu’Henri Joubrel avait affaire à cette personnalité tout de même dans ses terres… mais on ne connaît pas la teneur des échanges. On n’en mesure que l’efficacité a posteriori.

  • 96 Compte rendu de l’entrevue accordé par René Lenoir au bureau du CLCC, février 1975, Archives dépar (...)

113La situation du CREAI, du point de vue financier, est donc encore et toujours très précaire au cours de ces années 1965-1975. En 1975 justement, les représentants du Comité de liaison et de concertation des CREAI (CLCC sur lequel nous reviendrons) rencontrent René Lenoir, ministre des Affaires sociales. Dans le compte rendu de cette entrevue, le président du CLCC note : « Pour l’instant les budgets sont étudiés et discutés année après année. Ils suivent surtout l’augmentation des salaires. Il ne faut pas espérer à l’heure actuelle une augmentation des moyens. » C’est bien à cette aune que les budgets sont revus chaque année, sans d’autres préoccupations donc que le fait que chaque CREAI puisse a minima « assurer » ces salaires, quitte à les inviter fortement à « éviter les postes inutiles96 ».

  • 97 Comme le relève justement Daniel Gacoin : « Signaler cette forte référence à la puissance publique (...)

114Dans le même temps, les activités s’étendent et les frais de personnel grèvent le budget puisque non seulement les salaires suivent à peu près l’augmentation du coût de la vie (dans une période de forte inflation) mais aussi parce que l’effet de l’ancienneté des salariés joue à plein dans l’augmentation régulière de ce premier poste de dépenses. Au fil des années 1970, le déficit devient chronique et l’emprunt, la seule planche de salut. Pourtant, contre vents et marées, le CREAI continue à tracer son chemin, comme si une bonne étoile veillait sur lui. La réalité est plus prosaïque : les services de l’État, central ou déconcentré97, le maintiennent la tête hors de l’eau, sans dessein particulier sinon apparemment le fait de ne pas vouloir en assumer la disparition. Du coup, ils s’accommodent de cet organisme tout en veillant à ce qu’il ne s’étende pas trop et à ce qu’il ne contrarie pas ses propres projets d’extension, à ce qu’il n’empiète pas sur ses propres plates-bandes.

115Comment comprendre cette dernière citation ? : « M. Berranger promet de faire le maximum pour assurer la vie du CREAI. Ce dont le remercie

  • 98 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 10 octobre 1975, Archives départementale (...)

116M. Joubrel au nom de tout le conseil98. »

117Nous sommes plutôt tenté d’y déceler de lourds sous-entendus, et aussi quelque hypocrisie…

Faut-il garder les établissements ?

  • 99 En 1972, le CREAI gère directement le Centre d’observation et de réadaptation de la Prévalaye (Ren (...)

118Toute l’histoire de la Fédération bretonne pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence est chevillée à celle de ses établissements pour enfants inadaptés qui, depuis la création de Ker-goat, en ont fait les beaux jours et à partir desquels s’est construite aussi une vision quelque peu mythique et exaltante des origines de l’éducation spécialisée. Point n’est besoin ici de rappeler les tenants de ce roman social. Pourtant, au tournant des années 1970, l’idée de voir ainsi les CREAI poursuivre dans la voie tracée et se montrer en somme dignes des héritages, en termes d’équipements éducatifs, qu’ils ont endossés pour nombre d’entre eux lors de la transformation des ARSEA, cette idée ne va plus de soi. Les débats sur l’intérêt ou non de conserver la gestion directe d’établissements traversent aussi le CREAI de Bretagne99. Alors qu’il est inscrit dans une histoire singulière, que des noms de lieux, de personnes disparues ou encore en activité – son président mais aussi son directeur sont, en France, connus de tous dans le secteur de l’éducation spécialisée, pour leur engagement passé au sein d’institutions devenues quasi emblématiques –, alors que toutes ces références sont étroitement associées à la Fédération bretonne, des voix s’élèvent, y compris au sein de « leur » conseil d’administration, pour dire tout haut leur opposition au maintien d’un tel fonctionnement. Faut-il garder les établissements ? On pourrait penser que si ailleurs la question se pose, dans l’Ouest elle n’a même pas lieu d’être. On se tromperait. Prendre la mesure de ces débats, repérer les arguments des uns et des autres, c’est d’abord faire écho à un thème qui, au fil des années 1965-1975, revient de façon lancinante dans les instances dirigeantes du CREAI, suscite des réserves, est la cause aussi de conflits notamment entre les membres du personnel de ces établissements et les administrateurs. Il est dit que ce n’est que contraint et forcé que le CREAI de Bretagne va « lâcher » ses établissements au début des années 1980 et que ses dirigeants attendront presque la dernière minute pour consentir à une séparation qui, pour des raisons évidentes, ici plus qu’ailleurs, ne pouvait se faire que dans la douleur. Une telle vision ne paraît pas correspondre tout à fait à ce que nous livre l’ensemble des écrits que nous avons mobilisés pour construire l’histoire de cette coordination régionale.

119Une fois encore, il n’est sans doute pas inutile de rappeler la teneur des débats qui se font jour alors au plan national et qui divisent profondément les présidents et les directeurs des quelque 21 CREAI.

120Les responsables du CREAI de Bretagne non seulement ont vent de ces discussions mais ils y participent à plein. Cela ne fait guère de doute que les membres du bureau en place au début des années 1970 militent plutôt pour le maintien du statu quo, voire ne verraient pas, pour certains, d’un si mauvais œil que d’autres établissements « repris » tombent pour une raison ou pour une autre dans leur escarcelle ; mais ils doivent composer, louvoyer en tenant compte des divergences qui apparaissent jusque dans leurs propres rangs.

121Dès 1968, la commission des CREAI du CTNEAI pose abruptement la question de la vocation des centres régionaux à gérer des établissements. Ce n’est qu’une question bien sûr, mais tout au moins témoigne-t-elle qu’il n’y a rien de tabou en la matière. Pour saisir une telle évolution, il convient de rappeler que l’année 1964 a en partie changé la donne. Des fédérations nationales qui étaient souvent très critiques à l’égard des ARSEA, justement en leur déniant cette vocation de gestionnaire d’établissements et de services médico-sociaux et en protestant contre la concurrence déloyale et le traitement de faveur que leur réservaient alors les pouvoirs publics, sont souvent entrées dans les conseils d’administration des CREAI. De l’ANCE à l’UNIOPSS, ces fédérations se sont vu attribuer des places via les membres nommés par les services régionaux des Affaires sanitaires et sociales. Il ne fallait pas trop compter sur ces nouveaux administrateurs pour serrer les rangs autour de l’idée que la gestion directe d’établissements était incontournable pour un CREAI.

122À l’automne 1968, un questionnaire est largement diffusé par la commission des CREAI du CTNEAI auprès des différents centres régionaux. Il comporte de nombreuses questions (65 questions, souvent semi-ouvertes, en 4 feuillets !) et fort peu de place pour les réponses. Nous ne sommes pas certains que la façon de traiter ensuite les résultats ait été anticipée ; en tout état de cause nous n’avons pas repéré de publication se référant par la suite à cette enquête. En revanche, nous disposons des réponses à cette consultation qu’ont rédigées une part tout au moins des élus et des directeurs d’établissements du CREAI de Bretagne, sollicités à cet égard par la direction. Quatre rubriques sont déclinées dans ce questionnaire, en un nombre variable d’interrogations dont on ne sait pas trop s’il fallait y répondre simplement par oui ou par non ou s’il fallait au contraire se livrer à des commentaires. Faute de consignes, certains ont répondu a minima, d’autres ont un peu précisé leur pensée. L’une de ces rubriques, la seule justement qui ait donné lieu à des avis contrastés, avait pour titre « Compétence des CREAI en matière de gestion » et était ainsi déclinée :

« Quel est votre avis sur la compétence du CREAI à gérer
– des établissements ou services créés à la demande des DDASS ou des SRASS ?
– des établissements ou services créés à l’initiative propre du CREAI ?
– Pensez-vous qu’il soit nécessaire, pour décharger le conseil d’administration, d’instituer un comité de gestion ?
– selon quelle formule ?
– avec quelle participation ?
– Prévoyez-vous, au sein de l’Établissement, un conseil de Maison qui pourrait
– soit participer d’une façon permanente à la gestion courante ?
– soit intervenir comme le conseil de Surveillance de certains établissements départementaux ?
– Pensez-vous qu’il soit souhaitable de n’assurer la gestion que provisoirement :
– et plus particulièrement lors de la création et du démarrage ?
– et de confier ensuite l’Établissement ou le Service à une autre Association gestionnaire ?
– de quel type ?
– quel pourrait être le contrat ou la convention à établir entre le CREAI et l’Association gestionnaire ?
– Pensez-vous que certains Établissements puissent, plutôt que d’autres, être gérés par les CREAI tel que :
– école de formation ?
– centre d’observation ?
– consultation médico-psycho-pédagogique ?
– établissements ou services hautement spécialisés ?
– réalisations pilotes ?
– Pensez-vous que la gestion de Services ou d’Établissements :
– facilite le financement des autres activités du CREAI ?
– confère une capacité technique justifiant l’autorité technique et morale du CREAI ? »

123Il fallait vraiment être peu au fait des questions de méthodes les plus élémentaires pour le rédiger ainsi et en espérer des résultats éprouvés. Du seul fait de la formulation des questions, transparaît une prise de position qui montre bien que, parmi les représentants des CREAI participant à cette commission, et tout même mandatés pour ce faire, la gestion directe d’établissements n’est pas une évidence.

124Dans ce questionnaire, la distinction est faite entre ceux qu’un CREAI peut être amené à mettre en œuvre à la demande expresse d’une DDASS – les textes de 1964 évoquent une telle éventualité dans le cas où une carence d’équipements serait constatée par l’administration – et ceux qu’un CREAI gérerait de sa propre initiative. On laisse entendre ni plus ni moins que dans le premier cas il n’y a pas de contestation possible mais que, dans le second, cela est bien plus discutable et qu’il vaut mieux que ce ne soit qu’une situation transitoire avant un passage de relais. Comité de gestion, conseil de maison… Pour un peu, le questionnaire indiquerait la marche à suivre. Il y a bel et bien en filigrane une invite à se décharger ainsi de la gestion des établissements sans pour autant qu’il s’agisse d’une séparation. Des distinctions sont faites selon les types d’établissements. Les centres de formation sont inclus dans les dits établissements et grande place semble donnée aux institutions ou services requérant une « haute technicité » avec l’idée que là peut-être l’intervention directe d’un CREAI serait légitime. Enfin, qu’il s’agisse de conforter l’assise financière ou l’ » autorité morale », on touche du doigt au moins deux des fonctions qui peuvent effectivement expliquer la présence, au sein des CREAI, d’établissements en gestion directe.

  • 100 Commission des CREAI du CTNEAI, 1974, op. cit. L’une des trois parties de ce document reprend l’an (...)

125Il y a manifestement débat. Cette même commission du CTNEAI sera chargée, au tout début des années 1970, de préparer un « livre blanc » des CREAI. Les séances de travail, les discussions vont aller bon train et vont se prolonger sur plus de deux années. Elles aboutiront en 1974 au document intitulé « Les Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées. Historique, activités, perspectives100 ». Signe tangible qu’il n’y pas, loin s’en faut, unanimité sur ce qui a trait à la gestion directe ; alors que pour le reste il s’agit dans ce texte d’un vibrant plaidoyer pour les CREAI (et d’une critique assez acerbe des pouvoirs publics qui les sous-utilisent, font fi de leur indépassable compétence, voire ne tiennent pas leur parole) ; sur le thème de la gestion des établissements, des arguments divergents sont exposés. Compte tenu de l’objectif affiché d’une telle plaquette, qui a été tirée à plusieurs milliers d’exemplaires et très largement diffusée, la formulation même des propos est étonnante alors qu’on attendrait plutôt qu’elle fasse silence sur de telles divisions internes. Il faut croire que c’était impossible. On en connaît la raison. Les discussions ont été effectivement très tendues sur ce point. Faute d’unanimité, rien n’a été tranché et chacun restant sur ses positions, le choix a été finalement fait d’exposer les arguments de chaque partie (en marquant toutefois vers où penchait la majorité…).

126Trois CREAI ont pris la tête de la fronde contre la gestion directe d’établissements : celui du Nord, de Rhône-Alpes et des Pays-de-Loire. Administrateurs et directeurs de ces trois CREAI se définissant eux-mêmes comme « non-gestionnaires » ne se sont pas privés de défendre leur point de vue et de critiquer ouvertement leurs collègues trop attachés à leurs yeux à une gestion directe qui n’avait plus lieu d’être. Plus que cela même, ces représentants de CREAI font porter une part de la responsabilité du déclin de l’audience des CREAI au fait que la gestion d’établissements nuit gravement à la lisibilité de leurs véritables missions.

  • 101 Lettre de Pierre Anglaret, chef des services du CREAI de Rhône-Alpes, à tous les autres directeurs (...)

« Dans la situation actuelle, on a de bonnes chances d’améliorer la qualité du travail en le rendant plus cohérent. Le domaine de la coordination est impossible à définir de façon précise, mais il faut affirmer avec force qu’il ne se limite certainement pas aux problèmes d’équipement, encore que ceux-ci soient très importants. Il concerne également le problème de l’adéquation permanente entre ces équipements et les besoins à satisfaire ainsi que les techniques elles-mêmes de satisfaction des besoins. […] Nous estimons que la gestion des établissements constitue une gêne très sensible pour l’accomplissement de nos tâches essentielles. Cette gêne peut exister à différents plans :
– Problème de disponibilité matérielle ou de temps : les gestions représentent des préoccupations quotidiennes qui, qu’on le veuille ou non, absorbent outre mesure le temps et l’énergie des administrateurs et des permanents du CREAI.
– Le CREAI peut être particulièrement ou exclusivement intéressé par les problèmes liés aux handicaps des enfants accueillis dans les établissements et négliger les autres.
– Même si le CREAI arrive à résoudre les deux problèmes précédemment évoqués, il ne pourra empêcher que dans l’esprit de ses partenaires naisse un doute sur son objectivité et surtout sur son indépendance
– à l’égard des Associations qui vont se trouver en concurrence avec un CREAI promoteur ou gestionnaire
– à l’égard de l’Administration qui aura de la peine à distinguer dans un même département le CREAI gestionnaire qui, à ce titre, est sous sa tutelle pour des problèmes qui peuvent être éventuellement irritants comme celui des prix de journée et le CREAI animateur s’efforçant de faire des propositions constructives dans le cadre de l’intérêt général
– à l’égard des travailleurs sociaux en général et leurs représentants syndicaux, qu’on ne pourra pas empêcher d’avoir du CREAI d’abord une image d’employeur101. »

127La charge est lancée. Quand les responsables du CREAI de Bretagne reçoivent une telle missive, via un courrier du chef des services du CREAI Rhône-Alpes, on peut penser qu’ils se sentent pour le moins visés. Un commentaire manuscrit est en tous les cas porté par Jacques Guyomarc’h, sans doute avant diffusion de la lettre à Henri Joubrel, son président : « Ces propositions sont plus que discutables et bien des arguments en sens inverse peuvent être avancés. » À quoi ce dernier répond, en soulignant la mention « en sens inverse » : « Oui, surtout. » Nous relevons bien où se situent les lignes de fracture. Nous pointons aussi les raisons de cette invite à la départementalisation de la part de CREAI qui n’ont jamais eu à investir une entité régionale et qui perçoivent fort bien que leurs compétences, leurs réseaux aussi peut-être ont plus de consistance à l’échelle départementale. Nous pensons bien entendu au CREAI des Pays-de-Loire, signataire de cette motion, qui comprend la Loire-Atlantique, département anciennement rattaché à la FBSEA et qui a cédé au passage ses établissements dès 1964. Nul doute que leur prise de position est allée droit au cœur des responsables du CREAI de Bretagne qui ont dû sentir comme un vent de trahison !

128Il y a donc vif débat. Dans la plaquette finalement éditée en 1974, écho est donné de ces arguments, auxquelles ces trois CREAI n’ont pas voulu démordre, puis sont exposés les arguments en faveur du statu quo :

  • 102 Commission CREAI du CTNEAI, LES CREAI, historique… op. cit., p. 12. Ce même texte se poursuit en r (...)

« – Les CREAI sont en quelque sorte les compléments de l’administration dépendant du ministère de la Santé publique. Celui-ci n’ayant point, comme l’Éducation nationale ou la Justice, de secteur public, ne peut agir que par le truchement des collectivités locales (Aide sociale à l’enfance) ou par l’intermédiaire des CREAI.
– La gestion est la source d’une importante expérience acquise sur le plan technique et elle peut être l’occasion d’innovations créatrices.
– La gestion d’établissements et de services entraîne la création d’un potentiel technique, administratif et financier qui renforce la position des CREAI.
– Les CREAI résultant d’un effort commun fondé sur un esprit d’association, peuvent favoriser le développement de cet esprit de coopération entre les diverses forces représentées, en les associant à la réalisation d’un projet commun.
– Enfin, on ne saurait retenir l’argument fondé sur la lourdeur de la tâche de la gestion des établissements et services. En effet, cet inconvénient est facilement évité par une bonne organisation de répartition des responsabilités au sein du CREAI.
C’est pourquoi il apparaît en définitive comme souhaitable que soient maintenues, dans ce domaine, la compétence et les responsabilités effectives des CREAI102. »

  • 103 En 1979, le CREAI de Midi-Pyrénées va par exemple débattre en profondeur de l’alternative du statu (...)

129La majorité des CREAI est donc alignée sur la position du CREAI de Bretagne. Pour autant, en 1974 et 1975, les oppositions demeurent et, dans nombre de centres régionaux, on perçoit une inflexion vers un désengagement des CREAI de la gestion directe d’établissements103.

130Les responsables du Comité de liaison et de concertation des CREAI (une autre instance que la commission du CTNEAI) rencontrent, en août 1974, René Lenoir, alors secrétaire d’État à l’Action sociale. À lire le compte rendu de cette audience diffusé à tous les présidents et directeurs de CREAI, on note qu’ont été abordés principalement deux points : les missions de ces centres et les relations aux SRASS et aux DDASS :

  • 104 CLCC, « Compte rendu de l’audience accordée par M. Le secrétaire d’État, R. Lenoir, le 24 juillet (...)

« Certains de vos délégués ont insisté pour avoir une définition plus précise de la mission des CREAI. Ils ont demandé à M. le secrétaire d’État d’informer sans ambiguïté ses Services extérieurs du rôle qui nous était dévolu. Le secrétaire d’État est très au courant de la diversité des 21 CREAI. Il a, à titre d’exemple, indiqué que certains étaient surtout gestionnaires alors que d’autres étaient avant tout organismes techniques. Il ne réprouve pas ces façons d’être mais souhaite que le rôle technique soit important et que les nouvelles gestions ne soient entreprises ou reprises qui si, mises au courant, des Associations existantes ou à créer ne pouvaient les assumer104. »

131René Lenoir en sait long sur les divergences entre CREAI. On pressent par ailleurs qu’il a dû être informé que, dans telle ou telle région, des associations ont eu le sentiment d’être lésées par leur CREAI quant à la reprise d’un établissement qu’elles auraient bien vu leur revenir… La mention « ou à créer » trace la voie à suivre désormais.

132Les positions qui s’expriment au sein du CREAI de Bretagne reflètent assez fidèlement les débats qui se déroulent au niveau national. L’option du statu quo l’emporte. Président et directeur s’impliquent fortement pour qu’il en soit ainsi, mais ils doivent composer, et la documentation rassemblée à cette époque par leurs soins sur les pièces du débat, sur les inflexions de tel ou tel autre CREAI, révèlent qu’ils ne sont pas insensibles à la tournure des événements.

  • 105 Sur les quelque 40 administrateurs et directeurs d’établissements sollicités, 25 ont répondu au qu (...)

133Les réponses au questionnaire de 1968 105 ont tendance à montrer que, déjà à cette époque, les avis des directeurs d’établissements vont dans le sens du maintien de la gestion directe, mais que ceux des administrateurs sont beaucoup moins évidents. Ainsi, la plupart se rallient à la position suivante : « Il a les compétences nécessaires pour gérer, mais il est à craindre que cette gestion gêne son bon fonctionnement et le détourne de sa mission principale. » Tous se retrouvent par contre dans l’idée d’instituer un comité de gestion pour décharger le conseil d’administration. Les avis sont également partagés pour ce qui concerne le fait d’une gestion provisoire d’établissement ou de service puis d’un relais passé avec une autre association. Si tous ou presque pense que le CREAI a vocation à gérer un centre de formation, des établissements hautement spécialisés ou des réalisations pilotes, le « non » l’emporte pour ce qui est des centres d’observation et des CMPP. Étonnamment, une quasi-unanimité penche pour le fait que la gestion de tels équipements ne facilite pas particulièrement la gestion du CREAI. Quant à lui conférer une autorité technique et morale, du côté des directeurs d’établissement, on penche pour le « oui » ; du côté des administrateurs, les voix vont majoritairement vers le « non ». Reste qu’on pressent bien en quoi les biais d’un tel questionnaire qui promotionne la marche à suivre, sous couvert de pseudo-interrogations ouvertes, ont pu peser sur les réponses, voire ont induit la suite des événements…

134L’examen des comptes rendus des bureaux et des conseils d’administration du CREAI permet de prendre la mesure des débats que suscite cette question. Ils paraissent en particulier avoir été extrêmement houleux en ce qui concerne les comités de liaison.

135Jusqu’en 1975 du moins, jamais il est ouvertement question de se séparer d’établissements ou de services. En revanche, deux problèmes au moins se posent. Comment réagir face à des demandes de reprises. Comment créer d’autres établissements ? Même si ces comptes rendus sont lissés et édulcorés, quelquefois il est fait état de vifs débats.

136En 1972, par exemple, l’institution Saint-Cyr,

« […] dans le cadre de sa reconversion, en liaison avec l’Enseignement diocésain et l’Association des parents des écoles privées, a projeté de créer un Centre scolaire spécialisé fonctionnant comme externat médico-thérapeutique. Il a été envisagé qu’une association soit constituée pour gérer cet établissement ; celle-ci serait constituée par l’Institution Saint-Cyr, l’association des écoles privées et le CREAI ».

  • 106 Roger Serrand est d’abord recruté en 1959 par l’association Les Amitiés sociales, à Rennes. Il ent (...)
  • 107 Compte rendu de la réunion du bureau du 31 octobre 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilain (...)

137Il y a d’autant plus débat que cette association en gestation voit arriver à sa direction un ancien cadre du CREAI, Roger Serrand106. L’institution Saint-Cyr occupe une place à part dans le paysage d’Ille-et-Vilaine, du fait de son histoire dans l’encadrement des « filles perdues ». Le bureau du CREAI finalement « estime qu’il ne convient pas que le CREAI s’engage pour le moment dans cette association ; cela ne devrait pas empêcher l’établissement d’obtenir les autorisations d’ouverture107 ». On comprend alors les raisons de cette demande : à l’heure où des dossiers de création, de reconversion d’établissements, d’écoles, etc., en direction du handicap intellectuel sont pléthores, certains ont pensé qu’un partenariat du CREAI serait avantageux… mais probablement était-ce délicat pour lui de s’investir sur un terrain de haute concurrence avec d’autres candidats, au risque de devoir alors affronter bien des oppositions dans le cas – probable – où il s’agirait, qui plus est, d’adhérents au CREAI. Toutefois, d’une certaine manière, le CREAI s’implique bel et bien. Yann Maléfant, directeur d’un CMPP en gestion directe et membre fondateur de son équipe technique, va bientôt devenir le président de cette nouvelle association dénommée L’Essor mais il est vrai qu’il assure ce mandat en dehors de son temps de travail et donc que le conseil d’administration du CREAI n’a officiellement rien à y redire. Une fois de plus, on retrouve cet entremêlement des fonctions de salarié ici et de militant associatif ailleurs de bien des protagonistes engagés dans le secteur de l’éducation spécialisée.

  • 108 Cette maison d’enfants, fondée en 1951 dans sa propriété par Mme Champetier de Ribes, apparentée à (...)
  • 109 Compte rendu de la réunion du bureau du 5 mars 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, f (...)
  • 110 Déjà en 1965 une telle façon de faire avait été envisagée pour assurer une formation professionnel (...)

138L’année suivante, en 1973, le CREAI se retrouve aux prises avec des nécessités d’extension de sa Maison pour enfants du Quengo, à Rohan 108 et du Centre d’orientation et d’éducation médico-psychologique (COEMP). Dans le premier cas, la solution trouvée est de créer d’abord un service de suite de 15 places, à Pontivy, toujours dans le département du Morbihan109. Plus tard, il se transformera en un petit internat mais, en opérant de la sorte, on a évité les interpellations éventuelles des autres associations gestionnaires voire de certains administrateurs puisque, officiellement, il ne s’agissait que d’une antenne et non pas de la création d’un autre établissement110. Dans le second cas, une telle manœuvre est mise en échec, dans un premier temps du moins :

  • 111 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 26 mars 1973, Archives départementales d (...)

« Le conseil d’administration du 29 janvier 1971 avait donné son accord à l’extension du COEMP de la rue Brizeux dans la Zone sud de Rennes afin de décongestionner les locaux de la rue Brizeux. M. Malefant informe le conseil que la direction départementale de l’Action sanitaire et sociale vient de demander que cette annexe devienne autonome. Un dossier a donc été d’urgence déposé devant la commission régionale d’agrément. MM. Normand, Guezennec et Prévosto estiment que le CREAI se charge d’un nouvel établissement et demandent au conseil d’administration de se prononcer sur ce point. […]. M. Joubrel fait valoir que cette question n’a pas été inscrite à l’ordre du jour et qu’il n’est pas possible faute de temps, de la discuter de façon sérieuse. Le conseil décide que le CREAI présentera le dossier devant la commission111. »

139Même si, présentement, le débat est escamoté et que l’on décide sans vote de créer un autre service, des divergences s’expriment au sein du conseil d’administration.

  • 112 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 10 octobre 1975, Archives départementale (...)
  • 113 Alain Vilbrod, « Des professionnels en terrain de connaissance : quelques éléments pour comprendre (...)

140Les comités de liaison des établissements et services sont créés à la suite d’une délibération du conseil d’administration du 20 juin 1972. Désormais, deux ou trois élus seront les correspondants attachés à chacun des équipements du CREAI. Ainsi, en principe, ce sont de telles instances qui traiteront des questions de fonctionnement, libérant les réunions du bureau et du conseil d’administration de telles préoccupations. Il y a accord quasi unanime pour que se mettent en place ces comités de liaison qui rappellent bien ce qui était en quelque sorte prôné dans le questionnaire du CTNEAI de 1968. En revanche, les échanges sont vifs quant à savoir qui va siéger dans ces dits comités pour y représenter le personnel en plus des directions respectives. Des réunions du bureau seront presque entièrement consacrées à cette question. Un conseil d’administration sera le théâtre de violentes prises de parti112. Du côté du bureau du CREAI, on pense que la meilleure solution est de désigner des membres du personnel réputés qualifiés et ayant toutes les qualités de porte-parole pour qu’on puisse leur confier cette tâche de représentants patentés. L’éternel débat sur la place des professionnels et des bénévoles rejaillit très rapidement113. Les uns, administrateurs souvent, pensent aux effets bénéfiques d’une sorte de cogestion entre militants et salariés, tous réunis pour la même cause ; les autres, éducateurs notamment, ne l’entendent pas ainsi. Ils tiennent à conserver leur place, ne se retrouvent pas dans les personnes cooptées et rappellent au passage aux administrateurs qu’ils sont bien des employeurs (des « patrons ») et qu’ils doivent assumer ce rôle. Les représentants syndicaux interviennent à leur tour, revendiquent leur place d’élus pour vouloir être les seuls représentants habilités du personnel tout en se gardant de siéger avec voix délibérative dans ces comités de liaison au sein desquels ils pourront toujours donner de la voix. Rien que du très classique donc, mais il faut toute l’autorité du directeur du SRASS pour remettre un peu d’ordre quand les propos s’enflamment et tournent à la diatribe. Le sujet, en tous les cas, est brûlant. Il correspond aussi à la montée en puissance de syndicats appartenant à des fédérations nationales – à la CFDT notamment – qui n’entendent pas vraiment les choses telles que pouvaient le percevoir l’ANEJI ou des organisations plus conciliantes comme la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ou le SNAIEI.

141Nous en sommes donc là en 1975. Henri Joubrel, Jacques Guyomarc’h et ses collaborateurs, d’autres membres du bureau (mais pas tous, on l’a vu avec Louis Prévosto, trésorier tout de même) penchent pour le statu quo. Ils éludent la question quand une opposition à leurs visées se fait jour ; si possible ils traitent en dehors des instances délibératives toutes ces questions de reconversion, d’extension, décidément sujettes à frictions. Pour autant ils perçoivent bien que les uns après les autres les CREAI délèguent voire se mettent à la recherche de solutions médianes entre le dessaisissement pur et simple et le maintien dans le giron de ces établissements, maintien qui n’a visiblement plus le vent en poupe.

L’aggiornamento de la formation au risque de l’IFCS

  • 114 Michel Lemay sera le directeur des études de l’École d’éducateurs de Rennes dès sa création. On se (...)

142Au même titre que la gestion d’établissements ayant souvent une place très marquée dans le paysage des institutions implantées dans telle ou telle région, la formation des éducateurs était régulièrement l’apanage d’ARSEA se prévalant ainsi d’une mission d’intérêt quasi général. Les écoles afférentes étaient cependant très inégalement réparties dans l’Hexagone. En Bretagne, par exemple, il faut attendre 1963 pour voir la FBSEA ouvrir une école d’éducateurs dans la foulée d’une commission chargée du recrutement du personnel des établissements en gestion directe. Les velléités affichées de coordonner les écoles, d’arrêter une base commune dans les contenus de la formation, le rythme des stages, etc. cadraient mal avec les spécifi cités locales, l’influence de personnalités s’identifiant à « leur » école, etc. L’aff aire est entendue, ces centres de formation consacraient la plupart du temps la position centrale de pédopsychiatres qui, à l’image de Robert Lafon, exaltaient l’alliance du cœur et de la raison, du dévouement à la cause et de la nécessaire technicité. La « psychopédagogie médico-sociale », sorte d’habit d’arlequin composé de savoirs prédigérés et mis à portée de ces hommes et de ces femmes de terrain, avait valeur de référence incontournable. Michel Lemay incarne assez exemplairement durant les premières années du CREAI de Bretagne une telle mouvance114. En amont de la formation, la sélection des candidats au métier d’éducateur était aussi affaire d’importance. Dans la détection des personnalités à leur place et de celles qui risquaient de porter atteinte à la réputation de la profession voire de la contaminer, les ARSEA avaient aussi été très actifs. Là encore nombre de CREAI ont hérité de dispositifs chargés de sélectionner ceux et celles qui avaient entendu l’ » appel du gosse » comme le disait Henri Joubrel, puis de les placer plusieurs mois d’affilée sur des terrains de « stage de contact » avant de les soumettre à diverses épreuves (prenant soin de se dédouaner des connaissances purement scolaires et donc par trop « desséchantes ») et enfin le cas échéant de les admettre, tri fait du bon grain et de l’ivraie, dans ces écoles d’éducateurs.

  • 115 Association nationale des assistantes sociales, créée en décembre 1944 sur le modèle des ordres pr (...)

143Il faut souligner que la formation des autres travailleurs sociaux, des assistantes sociales principalement, n’était pas affaire d’ARSEA, ni donc de CREAI quand le passage de relais entre ces deux instances s’effectue en 1964. Celles-ci étaient formées depuis longtemps déjà dans leurs propres centres de formation, chevillés au secteur de leur accomplissement professionnel, souvent liés à l’ANAS 115 et faisant appel à une pédagogie de la reproduction. Les cloisons étaient souvent assez étanches entre ces deux métiers et les contacts entre les écoles relativement rares.

144Pourtant, en 1966, quelques voix déjà se font entendre pour que des rapprochements s’opèrent, et du côté du ministère on évoque de possibles Instituts régionaux de formation de travailleurs sociaux (IRFTS).

  • 116 Mathias Gardet et Françoise Tétard, « L’Utopie du travailleur social unique », Les Origines des ce (...)

« Ce premier projet vise essentiellement la formation des assistantes sociales et des éducateurs ; il s’agirait dans un proche avenir de les recruter sur des bases communes et de leur donner un enseignement fondamental commun, amorçant ainsi l’équivalent d’une propédeutique sociale. Ce rapprochement entre les deux professions ne tenait pas de l’évidence mais pour la première fois, il paraît envisageable116. »

145Bernard Lory se profile derrière ces avant-projets qui dérogent à bien des traditions de prés carrés. De grandes manœuvres commencent, dont les CREAI, celui de Bretagne compris, ne sortiront pas indemnes.

146À la base de cette volonté de regrouper les formations, il y a de vives critiques à l’encontre de la parcellisation du travail social et quelques idées visant à fondre dans un même métier des fonctions, différentes sans doute pour l’heure, mais qui cadrent mal avec ce qui sera désormais, et pour quelques années le mot d’ordre par excellence : l’action sociale globale. Si on reprend les opinions arrêtées de Bernard Lory, qu’il continue à exprimer haut et fort dans son ouvrage La Politique d’action sociale et avant cela dans toutes les conférences qu’il donne après son éviction du ministère, les constats sont sans appel :

  • 117 Bernard Lory, « L’Action sociale d’hier à demain », conférence publiée initialement dans Liaisons (...)

« Il n’y a pas aujourd’hui une action sociale, il y a des actions sociales ; car nous vivons les uns et les autres dans des cadres limités et étroitement circonscrits sans liens suffisants. […] L’action sociale est dispersée, volatilisée, désintégrée en un certain nombre de services administratifs : non seulement au niveau des ministères différents aux objectifs très particuliers et souvent contradictoires en dépit des apparences mais elle est aussi divisée contre elle-même à l’intérieur de la structure du ministère de la Santé publique qui, actuellement, est le leader de l’action politique dans ce domaine117. »

147Et Bernard Lory de prôner alors de profonds changements, de sonner la charge contre les domaines réservés, d’interpeller la multiplicité des interventions auprès d’une même personne en difficulté, etc. Ses avis sont écoutés, ses exposés très suivis par les responsables de bien des CREAI qui conservent une certaine nostalgie de son passage au ministère. Pourtant les visées qui sont les siennes bousculent la donne puisqu’il pousse à des bouleversements dans l’organisation même de la formation des travailleurs sociaux :

  • 118 Ibid., p. 13.

« Une telle action implique un changement dans l’enseignement et la formation. Je vise par là non pas les écoles d’éducateurs, encore que certaines puissent l’être, ni les écoles d’assistantes sociales, encore que là aussi certaines d’entre elles puissent l’être, mais l’ensemble des travailleurs sociaux et l’ensemble de l’enseignement social. Nous nous trouvons là aussi devant des structures parcellisées. Et la formation qui est donnée n’est peut-être pas adaptée à l’objectif d’une action sociale dans la collectivité. Les structures gestionnaires de ces écoles doivent être adaptées au type de pédagogie recherché, lui-même adapté au type d’action sociale à engager118. »

148L’homme a de la suite dans les idées, surtout qu’il préside, au tout début des années 1970, le groupe « Personnels sociaux » créé au sein de la très écoutée Commission de l’action sociale du Commissariat général au Plan. Quand, en janvier 1971, ce groupe rend son rapport, les propositions qui avaient déjà cours depuis quelques années s’affinent. Elles s’expriment non seulement en données chiffrées, via des budgets prévisionnels mais aussi en un projet de loi et de décret instituant ces fameux IRFTS. On retrouve les accents de Bernard Lory pointant le déficit alarmant de professionnels :

  • 119 Commissariat général du Plan, Commission de l’action sociale, rapport du groupe « Personnels socia (...)

« Il faudrait multiplier par cinq le nombre actuel d’éducateurs spécialisés, doubler celui des assistantes sociales polyvalente de secteur et former 1 500 personnes dans le domaine de l’Économie sociale et familiale et pousser à la rationalisation de l’organisation de la formation, à la mise en place des structures, au renouvellement des méthodes, au dégagement des moyens pédagogiques et financiers119. »

149L’idée d’IRFTS prend corps :

  • 120 Ibid., p. 8 et p. 12.

« Face à la diversité actuelle des types de formation qui compromet les résultats quantitatifs et qualitatifs escomptés, il convient de définir les bases d’une politique d’ensemble de la formation des personnels sociaux. […] Il importe de reconnaître le rôle du ministère de la Santé publique et de la Sécurité sociale dans la formation des personnels sociaux. […] Afin de favoriser ces transformations, il convient de dégager les structures institutionnelles, aptes à les réaliser. La création d’Instituts régionaux de formation des travailleurs sociaux semble seule capable de répondre à cet impératif. […] En procédant par étapes successives, il serait possible d’aboutir, pour un terme se situant au-delà de 1975, au regroupement par niveaux des principales formations initiales à l’intérieur d’Instituts régionaux. Au cours du VIe plan, une première étape pourrait consister dans des rapprochements de caractère purement administratifs, favorisant notamment l’amélioration de l’harmonisation des programmes et de la pédagogie120. »

150Le groupe de travail, à l’évidence, n’a pas chômé. Il est d’ailleurs fait mention que le terrain n’est pas vierge :

  • 121 Ibid., p. 15.

« Un certain nombre d’expériences sont en cours (Metz, Rennes, Bordeaux, Caen, etc.). Pendant le VIe Plan, il serait souhaitable de réaliser pour le moins une dizaine d’instituts. Il faut d’ailleurs noter que dans un certain nombre de cas, ceux-ci pourront être créés à partir de centres de formation existant actuellement et ne donneront lieu, le cas échéant, qu’à des investissements de caractère complémentaire121. »

151On n’en sera pas étonné, les CREAI ne vont pas rester l’arme au pied face à de tels projets qui interpellent directement un de leur « domaine réservé ». Attardons-nous quelque peu sur la situation nationale avant d’aller voir de plus près les chamboulements que tout cela ne va pas manquer de susciter dans l’Ouest.

  • 122 Commission des CREAI du CTNEAI. Rôle des CREAI dans la réalisation d’une politique de formation de (...)
  • 123 En 1972, trente-sept écoles, toutes de statut associatif, sont agréées par le ministère de la Sant (...)
  • 124 ommission des CREAI du CTNEAI, op. cit., p. 1.

152Dès avril 1972, la commission des CREAI du CTNEAI diffuse ce qui se veut une mise au point mais aussi une pierre jetée dans le jardin du ministère concernant le « rôle des CREAI dans la réalisation d’une politique de formation des personnels sociaux122 ». Bilan est d’abord effectué de la présence des CREAI sur ce terrain. Sans doute que l’heure est considérée comme grave ; tous ont répondu à l’enquête menée par ce groupe de travail. On apprend ainsi que, déjà, pour les dites « actions d’adaptation », 20 centres (sur 21) sont le support administratif de ces actions. Pour ce qui concerne la sélection, 13 CREAI « participent toujours à la présélection » (avant la réalisation d’un dit « stage de contact »), 1 « le fait assez souvent », 1 autre « rarement » et 5 « jamais ». Pour ce qui est en revanche de la formation proprement dite, 18 CREAI sont gestionnaires d’écoles (avec des effectifs moyens de 200 élèves environ)123. On comprend leur extrême sensibilité dès lors que l’on touche à un maillon fortement intégré à leurs activités. Question leur est posée : « Votre CREAI est-il associé aux projets d’Institut régionaux de formation aux carrières sociales ? – 2 ont répondu non, 7 pas encore, 12 oui. » La situation est donc contrastée. Les revendications des CREAI sont exprimées clairement, et ce dès la première ligne du dit document : « Les CREAI souhaitent poursuivre et élargir une activité de formation dans laquelle ils se trouvent déjà profondément impliqués124. »

153Suit un plaidoyer en bonne et due forme pour que les CREAI soient impliqués dans la mise en place de ces instituts :

  • 125 Ibid., p. 38-39.

« Il est par ailleurs intéressant de noter que l’ensemble des CREAI, dépassant les activités traditionnelles de formation des personnels éducatifs, ont déjà étendu les contacts à diverses catégories de travailleurs sociaux, qu’ils ont diversifié les actions de formation et que la majorité souhaite élargir cette activité, considérant qu’un tel effort résulte des missions confiées par l’article 10 du décret du 22-1-1964. Les problèmes de l’enfance inadaptée ne pouvant plus être isolés d’un contexte beaucoup plus vaste et notamment de la politique générale d’action sociale, c’est tout naturellement que les CREAI dans le cadre de leur mission sont conduits à élargir leur domaine d’activité et à se préoccuper de la formation des personnels sociaux. […] Les CREAI ne sauraient être tenus à l’écart de cette évolution compte tenu de leurs missions et de leurs réalisations en matière de formation125. »

154Cette dernière revendication est reprise dans la plaquette déjà mentionnée et très largement diffusée en 1974. Signe qu’en 1973 des tensions subsistent sans doute, il est dit :

« Il paraît donc indispensable de confirmer les pouvoirs conférés aux CREAI dans le domaine de la formation par l’arrêté du 22 janvier 1964 ; compte tenu de l’évolution de l’action et des professions sociales, il convient d’adapter la mission des CREAI aux nouvelles réalités en précisant :
– qu’ils ont qualité pour développer toute action de formation intéressant les personnels spécialisés de l’enfance et de l’adolescence inadaptées ;
– qu’ils peuvent créer et gérer les instituts régionaux de formation de travailleurs sociaux ;
– qu’ils sont membres de droit des conseils d’administration des Instituts régionaux de formation de travailleurs sociaux créés dans leur région. »

155Assurément il y a des craintes et déjà sans nul doute des situations où tel ou tel CREAI se sent mis à l’écart sinon floué, surtout que, à la clé de la création d’un IRFTS, il y a obligatoirement la mise en place d’une association à part entière pour présider à ses destinées. Ce document insiste donc sur la vocation des CREAI à étendre leurs actions de formation vers d’autres professions sociales, et le terme même de « travailleurs sociaux » est répété à l’envi, comme s’il fallait à tout prix se mettre au goût du jour. L’heure peut être grave en effet pour certains, dès lors que des centres de formation risquent d’être rattachés à des IRFTS dont les CREAI ne seraient pas partie prenante, et ce pour plusieurs raisons.

156D’une part, ces écoles, souvent héritées des ARSEA, pouvaient, au même titre que les établissements en gestion directe permettre grandement à un CREAI de faire face aux aléas financiers. De plus, ce rôle pivot dans la formation lui donnait une place particulière, au carrefour des associations, des fédérations, etc. Les responsables de ces centres étaient constamment amenés à solliciter des professionnels, ici pour participer à la sélection de futurs éducateurs, là pour assurer des cours, là encore pour venir exposer ses projets, être membre de jury, etc. À bien des égards, sur des versants symboliques sans doute, mais qui comptaient beaucoup, toutes ces demandes, tout cet ensemble d’échanges, de relations nouées et de services rendus aux professionnels du secteur participait à faire d’un centre de formation un lieu de référence, un creuset, un ressort pour faire connaître ses autres activités. Être dépossédé de ces écoles, c’était perdre beaucoup et tout cela bien entendu était pesé, d’où la montée au créneau de CREAI voyant un autre coin enfoncé dans leurs prérogatives, au moment où déjà, pour le reste, rien n’allait vraiment pour le mieux.

157En Bretagne, il ne semble pas y avoir un tel péril en la demeure, mais la création d’un IRFTS va sérieusement bousculer le CREAI au cours de ces années 1965-1975 et insensiblement, comme bien d’autres, il va perdre, malgré toutes les précautions prises, le contrôle de ce volet de la formation pourtant vital pour lui à bien des égards.

  • 126 Il semble bien que, jusqu’au début des années 1960, Jacques Guyomarc’h n’est pas un chaud partisan (...)
  • 127 Une fois encore, avant même son inauguration, on croise M. Folliard, inspecteur général adjoint au (...)
  • 128 Ces effectifs vont aller en s’étoffant par la suite peu à peu : en 1970, ils sont 39 en première a (...)

158La première promotion d’élèves éducateurs entre dans les locaux de la Fédération bretonne en octobre 1963, avec un an d’avance sur ce qui était programmé, et ce à la demande expresse du ministère de la Santé publique et de la Population126. Depuis déjà plusieurs années, il était en effet souligné que la Bretagne souffrait d’un réel déficit qui obligeait les futurs professionnels à aller se former notamment à Paris (à l’école d’Épinay-sur-Seine, dirigée par Jean Pinaud particulièrement). Les locaux du siège social rennais étaient cependant peu adaptés et, dès 1964, la seconde promotion prit possession de l’école que l’on dira par la suite de façon entendue, « de la rue Charles-Le-Goffic ». Ainsi, au moment où la FBSEA devient CREAI, la Bretagne possède désormais son école d’éducateurs 127 dont la responsabilité revient tout naturellement semble-t-il au Centre régional. Paul Lelièvre quitte Ker-goat pour en prendre la direction. Les effectifs sont alors plutôt réduits puisqu’en 1965 les élèves sont 16 en troisième année (première promotion donc), 21 en seconde année et 27 en première année128.

  • 129 Inspection générale des affaires sociales. Rapport annuel, 1971, p. 333.

159Dès 1966, un projet de regrouper en Bretagne les centres de formation de travailleurs sociaux est émis, comme quoi on sait faire écho rapidement à ce qui se trame dans les arcanes du ministère129. Ce n’est pas fortuit : Henri Joubrel est familier de ses couloirs, Jacques Guyomarc’h également… ce qui n’est pas nécessairement bien perçu par tous… En 1971, le rapport de l’Inspection générale faisait état des protestations de directeurs de SRASS qui régulièrement recevaient des informations de leur ministère alors que déjà elles circulaient dans les CREAI :

« Encore faudrait-il entretenir cette autorité [du directeur du SRASS] par des informations permanentes venant de l’administration centrale dont les fonctionnaires régionaux disposeraient avant les responsables et dirigeants des CREAI et des associations professionnelles qui généralement en ont la primeur. »

160On ne peut s’empêcher, à lire ces lignes, de penser à Henri Joubrel, président d’un CREAI et président de l’AIEJI (Association internationale des éducateurs de jeunes inadaptés), et à Jacques Guyomarc’h, directeur d’un CREAI et président de l’ANEJI… puisque tous deux ont effectivement un sens de la bonne façon de se placer.

  • 130 FBSEA, rapport d’activité, 1964, p. 10, CAPEA, fonds Guyomarc’h, 1C123.
  • 131 En 1960, l’association Les Amitiés sociales regroupe pas moins de vingt-cinq foyers de jeunes trav (...)

161Ainsi, en 1964, au moment où s’opère à Rennes la scission des formations d’infirmières et d’assistantes sociales (pour ces dernières, une nouvelle association se crée, l’Institut régional de formation d’assistants et d’assistantes de service social, l’IRFAS), fort opportunément, Jacques Guyomarc’h entre dans son conseil d’administration130. Il est par ailleurs déjà fortement engagé dans l’association Les Amitiés sociales, pionnière en matière de foyers de jeunes travailleurs, qui a inauguré son propre centre de formation d’éducateurs-animateurs au tout début des années 1960131. Trésorier en 1963, il en devient le président en 1964. Il est donc présent dans trois des quatre écoles qui bientôt formeront l’IFTS…

  • 132 Remarquons que, une fois encore, les services ministériels n’hésitent pas à diriger le CREAI vers (...)

162En novembre 1967, une convention est signée entre le CREAI, l’IRFAS et la Fédération nationale des Amitiés sociales, la FNAS, en vue de la création à Rennes d’un Institut de formation aux carrières sociales. En 1968 est créée par ces trois instituts l’Association pour la préparation aux carrières sociales, l’APCS. La création d’un IRFTS à Rennes n’allait pas forcément dans le sens des intérêts du CREAI, tout juste après avoir installé, non sans difficulté, sa propre école (le ministère voulait une école à Rennes mais s’est montré bien moins enclin à payer l’acquisition de l’immeuble qui lui était dévolu132). Rien ne permet de dire que le centre régional ait montré, dans un premier temps, un grand enthousiasme pour un tel projet. Henri Joubrel, en particulier, se montre très réticent. Dans un courrier adressé en 1973 à Albert Le Méro, responsable de l’équipe technique du CREAI, il fait part de son souhait de voir cette équipe s’autofinancer et en profite pour lancer une pique à son interlocuteur :

  • 133 Lettre d’Henri Joubrel à Albert Le Méro, 23 juillet 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilai (...)

« Le budget du CREAI y trouverait un meilleur équilibre, alors qu’un si grand nombre de services qu’il rend ne donnent encore lieu, pour lui, à aucune rentrée d’argent : par exemple toutes les heures que vous consacrez vous-même à l’Institut de formation aux carrières sociales, Institut dont l’un des premiers effets sera de déposséder le CREAI de son école d’éducateurs spécialisés133. »

163Cependant il fallait à tout prix prendre date et se placer – et Jacques Guyomarc’h notamment a un assez remarquable sens de la stratégie.

  • 134 Ce déficit était notamment dû au fait que beaucoup de candidats présélectionnés ne pouvaient pas e (...)
  • 135 L’École d’éducateurs de la Sauvegarde du Finistère se crée en 1971, dans les murs d’un ancien couv (...)

164La Bretagne souffrait toujours à l’époque d’un déficit en centres de formation d’éducateurs134, et du côté de la direction du SRASS on n’était pas mécontent, semble-t-il, de voir un équipement à vocation régionale, géré en principe par une association indépendante, se mettre en place. Contourner le CREAI n’était pas pour déplaire, sans compter que l’on ne voyait pas nécessairement d’un bon œil d’autres projets sortir prestement des cartons, dans le département du Finistère notamment135. La région certes est très vaste, mais vues de Rennes, ces initiatives locales ne présageaient rien de bon à l’heure du regroupement des écoles, d’autant plus facile alors à contrôler qu’elles étaient à portée. Comme Marie-Madeleine Dienesch suivait volontiers les idées de l’IRFTS et était sensible à tout ce qui touchait sa terre d’élection, les directives d’en haut ne laissaient pas vraiment le choix au CREAI. L’enjeu était alors de s’en assurer d’emblée le contrôle, et c’est ce que ses responsables ne manquèrent pas de faire.

  • 136 En 1971, se crée à Morlaix une école de moniteurs-éducateurs (formation en deux ans pour des profe (...)
  • 137 La présélection est supprimée en 1974. Désormais, partout en France, seront uniquement organisées (...)

165Dès avant la création de l’association en charge de préparer la mise en place de cet IRFTS, le CREAI avait pris l’initiative de réunir au sein du Groupement régional des institutions de formation de Bretagne, le GRIF, les écoles de Rennes, de Brest mais aussi le centre de formation de Nantes, le CEMJ136. De plus, il avait la haute main depuis longtemps sur l’organisation de la présélection des futurs éducateurs. Le service afférent mobilisait en 1972, tous les mois, pas moins de six ou sept professionnels (éducateurs, psychologues, psychiatres) dans chaque département pour faire passer des épreuves à une vingtaine de candidats par session. Depuis 1971, ce Service régional de présélection et d’orientation était départementalisé, sous la responsabilité des délégations départementales du CREAI, tant la charge d’organisation était lourde (500 candidatures en 1971-1972 et environ deux tiers d’admis)137. C’était aussi bien entendu un moyen de mettre en selle, à ce niveau, ces délégations, à l’heure où on voyait poindre tout l’intérêt d’être présent à cet échelon départemental où se décidait de plus en plus de choses en matière de création d’équipements notamment. Dans tous les cas, le CREAI était un partenaire incontournable. Quand sont réunis, en juin 1971, les organismes fondateurs de l’Association pour la préparation aux carrières sociales, l’APCS, le CREAI est donc en position de force. Quatre associations, représentées chacune par trois délégués se fédèrent. Le CREAI, en tant que gestionnaire de l’École d’éducateurs, est représenté par trois de ces administrateurs, l’IRFAS (où Jacques Guyomarc’h a désormais ses entrées) par trois autres ; un nouveau venu, l’Institut social familial et ménager, l’ISFM, qui forme des conseillères en économie sociale et familiale, dispose aussi de trois sièges ainsi que la Fédération nationale des Amitiés sociale (FNAS)… et parmi ces trois représentants, sans surprise, on trouve Jacques Guyomarc’h… Le siège de cette association est d’ailleurs celui du CREAI. Les grandes manœuvres ne font que commencer.

  • 138 Compte rendu de la réunion du bureau du 30 janvier 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilain (...)
  • 139 En fait, bien que pressenti et poussé pour prendre cette direction, il s’y refusera et démissionne (...)

166Le 5 novembre 1973, Marie-Madeleine Dienesch vient poser la première pierre de l’IFCS mais en coulisses bien des questions demeurent en suspens, du transfert (ou du reclassement) des personnels des différentes écoles partenaires, en passant par des inquiétudes sur le financement de cet institut et sur le partage du pouvoir à la tête de l’APCS. Michel Lemay, qui « faisait autorité » dans le milieu, était fortement pressenti, et son départ pour le Canada, en 1973, oblige le CREAI à revoir ses positions. En 1974, « après une longue discussion138 », le conseil d’administration du CREAI accepte que, à titre provisoire et pour un an, ce soit un coordinateur détaché du centre de formation Les Amitiés sociales qui assure la direction de ce futur institut. C’est une association alliée certes, mais faute de disposer de la personne adéquate, c’est déjà une brèche qui risque de s’ouvrir dans ce contrôle étroit que le CREAI entendait avoir sur cet IFTS. Au début de 1975, les choses semblent rentrer dans l’ordre puisque Paul Lelièvre est fortement pressenti pour prendre la direction de l’APCS139. Au mois de juin, le conseil d’administration du CREAI avalise une convention qui précise que prennent place « à côté du directeur en titre, les directeurs des autres écoles que celle que gère actuellement le Centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptées comme co-directeurs de l’École de formation d’éducateurs de d’éducatrices spécialisés de Rennes ». Immédiatement, le chef du SRASS, M. Berranger, réagit et oblige le conseil d’administration du CREAI à revoir sa copie. Pas question en effet pour lui d’accepter ce « à côté du directeur en titre » qui signifie de facto que le CREAI prend la tête de l’APCS. Il ne s’y est pas trompé ; les termes n’étaient pas fortuits et, lors du conseil d’administration de juillet, une délibération doit être votée, « précisant le sens de cette codirection et ne plaçant pas les directeurs des autres écoles sous l’autorité du CREAI employeur ». On peut imaginer que, pour une décision invalidée, bien d’autres tractations se sont déroulées en coulisses et il est presque étonnant finalement que ce soit si ouvertement que des divergences aient pu s’afficher. Il faut croire que les tensions étaient fortes et que du côté du SRASS on s’attachait à déjouer toutes les manœuvres d’un CREAI qui jusqu’au bout s’évertuait à conserver la haute main sur ce qui sera bientôt l’IFCS.

167En septembre 1975, une assemblée générale extraordinaire de l’APCS adopte de nouveaux statuts, « chacun des quatre centres décidant d’abandonner au 1er janvier 1976 la gestion de son centre, même si, jusqu’au 31 août [les travaux ont pris beaucoup de retard], les écoles continueront à fonctionner dans leurs locaux propres ». Pas moins de huit collèges regroupant travailleurs sociaux en formation et en fonction, employeurs et collectivités publiques, forment alors un ensemble de 200 membres maximum chargés d’élire un conseil d’administration qui lui-même formera un bureau. Là encore le SRASS veille au grain… Visiblement, de sa part, mais grandement aidé par des statuts types élargissant assez considérablement les membres de cette APCS, il s’est agi jusqu’au bout d’éviter une mainmise du CREAI. Il n’y parviendra que partiellement, et en gardera quelque rancune…

L’espace contingenté du CREAI

168Au cours des années 1965-1975, à de multiples reprises, la question de la latitude laissée au CREAI de Bretagne pour se développer, pour pousser ses feux dans telle ou telle direction, pour se fédérer à d’autres CREAI par exemple va se poser. Comme d’autres héritiers d’ARSEA, il conserve la gestion directe d’établissements et de services, mais il se voit alors régulièrement interpellé sur le fait d’être en quelque sorte juge et partie. Ce n’est pas tout : l’espace d’accomplissement qui est le sien s’est, depuis 1964, assurément resserré. Organisme coordinateur, toutes les affiliations « en son nom propre » auxquelles ses responsables aspirent éventuellement peuvent apparaître suspectes. On sent bien que des soupçons pèsent sur le CREAI et que certains organismes, qui y ont fait leur entrée à l’occasion de la réforme, sont sourcilleux en la matière et voient à tort ou à raison se profiler le risque que ce centre régional outrepasse son rôle. De fait, ils sont alors prompts à réagir…

169Autrefois il y avait les ARSEA mais aussi l’UNAR qui donnait le « la » en matière de « doctrine » dans le champ de l’enfance inadaptée, au point d’indisposer plus d’un, tant au sein du ministère de tutelle que dans les fédérations concurrentes (UNIOPSS, etc.). Il y avait aussi, à une autre échelle, les associations de sauvegarde départementales, souvent héritières de services sociaux attachées auprès de tribunaux, inscrites dans une histoire longue, au point de rassembler bien des notables locaux. Ces sauvegardes, exemplairement en Bretagne, avaient été actives dans la création de centres d’observation, plus tard de services d’action éducative en milieu ouvert.

170Désormais des questions se posent immanquablement : quelle géométrie pour le CREAI ? Jusqu’où peut-il se développer sans faire ombrage à ses membres affiliés ? Personnes morales dirigeant des établissements, jouant des coudes pour s’étendre, se fédérant nationalement autour d’une idéologie, se reconnaissant dans telle ou telle mouvance, toutes aspirent en revanche à un CREAI animateur, fédérateur neutre, au service de tous, quitte au besoin à lui couper les ailes…

171Nous allons présentement apporter deux illustrations de ces débats qui traversent le CREAI de Bretagne. Chacun, à son échelle, renseigne sur la reconfiguration qu’il est inéluctablement appelé à opérer.

172Le premier retenu a trait à la déclinaison du CREAI à l’échelon départemental. Un tel échelon était depuis longtemps déjà investi et la FBSEA se présentait comme une véritable fédération des initiatives diligentées ici dans le Finistère, là dans le Morbihan, etc. Les réseaux étaient bien en place et, quand en 1964, se créèrent les DDASS et que se révéla toute l’importance d’être présent à ce niveau, Les responsables du CREAI se voyaient volontiers réactiver la coordination de ces « Sauvegarde » qui déjà occupaient une place de choix dans le tissu des institutions avec lesquels n’importe quelle direction de DDASS devait compter. Tout le monde cependant ne l’entendait pas ainsi. Nous évoquerons le cas du département du Morbihan…

173Avant 1962, chaque ARSEA constituait par ailleurs le maillon régional d’une solide chaîne nationale. Les occasions étaient légion pour les responsables de ces associations de se mobiliser ensemble, de se retrouver pour faire poids, voire pour donner de la voix. Les congrès de l’UNAR faisaient date, mais on pouvait aussi repérer les mêmes, ou peu s’en faut, aux journées de l’ANEJI, sans oublier leur présence aux congrès de l’AIEJI où la France était amplement représentée… d’autres opportunités encore. C’est un fait que, du côté des présidents, voire surtout des directeurs d’ARSEA, à l’époque, on était très mobile, on se déplaçait sans hésiter, d’un coin de l’Hexagone à un autre, sans compter que l’on s’écrivait sans cesse par le biais de réseaux où on savait jouer sur tous les tableaux. L’un avait eu un contact avec le ministère dans un cadre, l’ANEJI par exemple, et rapidement il en informait ses collègues de l’UNAR – et on n’était pas à une affiliation (ni à une apparente contradiction) près. L’information circulait très vite, d’où d’ailleurs le courroux des administrations déconcentrées qui n’avaient pas une telle efficacité et se faisaient régulièrement coiffer au poteau par ces responsables d’ARSEA terriblement efficaces. Une question se pose désormais : comment va pouvoir évoluer cette donne alors que l’UNAR n’existe plus, que les conseils d’administration des CREAI revus et corrigés veillent à ce que leurs directeurs n’outrepassent pas leur rôle et n’aient pas quelques aspirations à rejouer les affiliations multiples ? Nous nous attarderons ici sur les obstacles mis au travers du chemin de tous ceux qui voudraient rassembler les CREAI, voire faire renaître de ses cendres un groupe de pression en bonne et due forme.

174Dans un cas comme dans un autre, c’est bien la question de la nouvelle géométrie du CREAI qui est posée. L’issue est toujours incertaine mais on sait détourner les soupçons et rassurer les administrateurs inquiets. Dans le Morbihan, finalement, les choses se passent bien mieux qu’ailleurs ; à l’échelon national, des groupements de fait s’opèrent et le ministère lui-même doit faire avec – et d’ailleurs sans doute n’en est-il pas si mécontent, lui qui a besoin (et qui sait produire le cas échéant) des interlocuteurs représentatifs – mais en tous les cas il y a des luttes, et aussi parfois le couperet qui tombe…

  • 140 Courrier entre l’abbé Richard et Jacques Guyomarc’h, novembre 1969, Archives départementales d’Ill (...)

175Une question en rien anodine se pose en 1969 pour ce qui concerne le Morbihan. Faut-il créer une union départementale de sauvegarde ou une délégation départementale du CREAI ? De forts enjeux se profilent derrière cette interrogation. Dans le premier cas, il pourrait s’agir d’une association à part entière, ouverte à toutes les personnes morales ou physiques intéressées, entretenant des liens privilégiés avec le CREAI mais ayant aussi toute initiative, peut-être même pour gérer directement des établissements et en tous les cas se posant en interlocuteurs des pouvoirs publics par exemple avec toute l’autonomie reconnue à cela. Dans le second cas, ne pourraient en faire partie que les personnes qui, dans le Morbihan, à titre individuel ou non, adhèrent au CREAI, et cette délégation qui n’aurait pas de personnalité morale en propre, en référerait donc constamment au CREAI de ses activités présentes ou futures. Dans le premier cas, il resterait à définir les liens entre la Sauvegarde du Morbihan, qui est déjà active dans la gestion d’établissements et de services, et cette union fédérant les forces vives du Département. Ailleurs, on a vu déjà des sauvegardes endosser le nouveau rôle (et quelquefois en espérer quelque avantage en jouant une fois de plus sur les deux tableaux) et d’autre – c’est le cas des Côtes-du-Nord – décliner l’offre avec à la clé dans ce département une Sauvegarde et une Union de Sauvegarde, la première toujours gestionnaire d’un service social, la seconde se plaçant au-dessus de la mêlée et affichant une volonté de coordination. Visiblement les responsables du CREAI penchent pour la création, dans le Morbihan, d’une Union départementale. C’est une façon pour eux de jouer la carte « Sauvegarde », de rassembler au-delà des seuls adhérents du CREAI, sans doute de décliner à l’échelon départemental ce qui a été perdu à l’échelon régional. Certes, cette Union aura une personnalité morale, mais il suffit de placer des hommes et le tour sera joué. D’intenses préparatifs ont lieu avant ce qui doit être l’assemblée constitutive de cette Union. Jacques Guyomarc’h en particulier convie à cette réunion l’abbé Richard, directeur d’une institution accueillant dans les Côtes-du-Nord des déficients sensoriels, et Renée Le Goïc, membre du conseil d’administration du CREAI et présidente, dans ce département, de la nouvelle Union départementale. Explicitement l’un et l’autre sont chargés d’exposer tout le bien de la formule140.

  • 141 Voir Mathias Gardet, Jean Viollet et l’apostolat laïc. Les œuvres du Moulin-Vert, Paris, Beauchesn (...)

176De fait, cette réunion s’est déroulée en deux temps : le matin ont été conviés seulement les adhérents du CREAI résidant dans le Morbihan l’après-midi, l’assemblée était ouverte à tous. L’affaire est prévue pour être rondement menée le matin. Malgré le plaidoyer de deux représentants du département voisin, des objections se font entendre et visiblement certains cherchent à déjouer la manœuvre. Deux d’entre eux montent au créneau, M. Depays, nouveau directeur général de l’œuvre du Moulin-Vert, association de grande envergure qui est implantée dans le Morbihan141, et M. Pincemin, délégué régional de l’UNAPEI. On devine l’objet du débat…

  • 142 Compte rendu de la réunion des membres du CREAI résidant dans le Morbihan, 20 novembre 1969, à Van (...)
  • 143 Ibid.
  • 144 Ibid.

« Pour illustrer la formule de l’antenne départementale, M. Depays donne l’exemple du CREAI de Picardie qui s’est récemment organisé avec des sections départementales. […] Elles rendent compte régulièrement au CREAI de ses activités par l’intermédiaire des administrateurs du CREAI élus pour le département. M. Depays estime que ce système amène à une plus grande participation sur le plan départemental et permet une bonne représentation de la base à l’échelon régional142
M. Pincemin, délégué régional de l’UNAPEI, admet que l’existence des associations départementales s’explique par l’héritage de la Sauvegarde de l’enfance, mais se demande quels sont les rapports entre le CREAI et ces associations : les associations peuvent-elles prendre des décisions sans que le CREAI soit consulté ? Ne risquent-elles pas de déposséder le CREAI de son rôle voulu par les pouvoirs publics ? Il lui paraît que des relations statutaires doivent être établies entre les associations et le CREAI143. »
M. Guyomarc’h répond que, en effet, il faut tenir compte de l’histoire. Le CREAI ne peut d’ailleurs que retirer bénéfice de l’existence de ces associations départementales qui facilitent une meilleure prise de conscience par tous des problèmes de l’enfance inadaptée144. »

  • 145 Ouest-France, 21 novembre 1969, rubrique « Morbihan », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, (...)

177L’échange est vif, le ton monte, Jacques Guyomarc’h rappelle que les pouvoirs publics sont plutôt pour de telles associations départementales en se référant à sa propre lecture du rapport de l’Inspection générale de 1963. Quelques-uns tentent de proposer une voie médiane, on passe au vote. De peu, une solution l’emporte, ainsi titrée en gras le lendemain dans la presse : « Vers la création d’une union départementale pour l’enfance et l’adolescence inadaptées145. »

  • 146 Compte rendu de la réunion des membres du CREAI du Morbihan, mars 1970, Archives départementales d (...)

178Que s’est-il passé par la suite ? On en ignore les détails mais le fait est qu’une nouvelle réunion des membres du CREAI du Morbihan a eu lieu au début de l’année 1970 avec, à l’ordre du jour, le fait que « les participants seraient chargés d’étudier un projet de statuts de l’union départementale ». Rien n’indique dans le compte rendu de la réunion de 1969 146 qu’il était prévu lors de cette seconde réunion de reposer la question de l’Union ou de la Délégation. C’est pourtant ce qui est fait. Jacques Guyomarc’h maintient son plaidoyer, fait une fois encore appel au soutien de l’administration pour une telle Union, quitte à préciser que le chef du SRASS, M. Berranger, « souhaitait la création dans le Morbihan d’un organisme capable d’assurer la gestion d’établissements susceptibles d’y être créés ». Il est fait pourtant état, dans le compte rendu de cette réunion, de courriers d’opposants (avec en tête, une fois encore, M. Pincemin et M. Depays ) dont les termes précis ne sont pas livrés. On connaît pourtant ceux de la lettre de M. Depays. Il ne mâche pas ses mots et elle mérite d’être longuement citée :

  • 147 Lettre de M. Depays, Le Moulin-Vert, à M. le président du CREAI, mars 1970, Archives départemental (...)

« En ma qualité de membre du CREAI ayant fait élection de domicile dans le Morbihan, vous m’avez invité à participer à une réunion le 17 mars dont l’ordre du jour est le suivant :
– Constitution d’une association dite “Union départementale du Morbihan”.
Je me refuse de la manière la plus nette à participer à cette réunion. Je considère que son objet n’entre pas dans les prérogatives du CREAI. En outre, cette initiative est de nature à désintégrer l’institution en divisant les personnes physiques et morales que le CREAI avait eu le mérite de réunir sous une même entité juridique. Elle vise à faire remplir par d’autres les fonctions normalement dévolues au CREAI et à son administration. Ceci est inadmissible et je ne comprends pas que vous puissiez couvrir de votre autorité une telle entreprise. […] Quel sera le sort des associations ayant refusé d’adhérer à l’union départementale parce qu’elles veulent rester membre du CREAI à part entière ? Je vous l’ai déjà dit, la liberté d’association c’est d’abord et avant tout la liberté de s’associer. Quand nous avons adhéré au CREAI ce n’était certes pas dans l’esprit de simples cotisants, mais nous ne pensions tout de même pas avoir à le défendre contre ceux qui, par leurs statuts et leurs fonctions, auraient le devoir d’en préserver la stricte intégrité. J’ose espérer que vous reviendrez avant le 17 mars sur ce malheureux projet et que nous pourrons – enfin – passer aux choses sérieuses147. »

  • 148 Note de présentation de la Délégation départementale du Morbihan et courrier d’accompagnement de E (...)

179La question de la création d’une Union fut donc reposée, et cette fois, signe que des manœuvres ont bien eu lieu, le vote penche à l’unanimité des personnes morales et physiques présentes pour la simple formule de la délégation. On la nommera en son début « Comité départemental », mais cela ne change rien : le projet d’Union est enterré. Cette délégation départementale, sous l’impulsion de François Thomas, puis à la suite de son décès prématuré, d’Adrien Le Formal, se montrera très dynamique, y compris en tissant des liens étroits avec la DDASS, ce qui mérite d’être souligné parce qu’au même moment, dans les Côtes-du-Nord, ces relations sont d’une absolue froideur. Le dynamisme de cette délégation tient bien entendu à des questions de personnes, en l’occurrence ici à une alliance des directeurs d’institutions avec les responsables de la DDASS et aussi avec une inspectrice de l’Éducation nationale chargée de l’éducation spécialisée, Mlle Escoubet, qui prend largement appui sur eux pour développer un secteur occupé jusqu’alors par des établissements religieux peu enclins à se coordonner. Pour autant, cela correspond bien à la période durant laquelle l’éducation spécialisée se technicise, se professionnalise. Ce sont ces jeunes professionnels, nouvellement diplômés et quasi immédiatement promus à des postes de responsabilité, qui s’unissent sous l’étendard de la délégation départementale à un moment favorable à la multiplication des ouvertures d’établissements, et ce, dans un département très déficitaire de ce point de vue. En 1971, E. Le Cocq, adjoint au directeur du CREAI, diffuse une courte présentation de la délégation départementale du Morbihan, à tous les directeurs de CREAI, suite à une réunion où elle a été citée en exemple148.

  • 149 Signalons que, pour autant, bien des éléments nous échappent encore. Ainsi, M. Bernard, vice-prési (...)

180M. Depays, au nom d’une puissante association149, comme M. Pincemin, au nom de l’UNAPEI, ont perçu le but de la manœuvre : reconstituer à l’échelle d’un département ce qu’il n’était plus possible au CREAI de faire au niveau de la Région. Jacques Guyomarc’h d’ailleurs n’évoquait-il pas la création possible d’établissements. À la fin des années 1960, les responsables du CREAI n’ont pas renoncé à cela. En revanche ces adhérents du CREAI en appellent aux nouveaux statuts, aux nouvelles missions. L’actuelle géométrie du CREAI leur convient puisqu’elle n’entame pas leur pré carré. Ils veulent bien d’un organisme qui coordonne, qui conseille, pas d’un CREAI qui empiète sur leur terrain. M. Depays le dit explicitement quand il en appelle à l’ » intégrité ». Une fois encore pointent des critiques à l’encontre des responsables du CREAI soupçonnés de jouer sur les deux tableaux, et présentement, M. Depays par exemple se posait en défenseur du CREAI contre ses propres responsables qui ont, à ses yeux, tendance à oublier que l’époque de la FBSEA est révolue…

  • 150 Compte rendu de la réunion du bureau du 30 septembre 1974, Archives départementales d’Ille et-Vila (...)

181Quel espace pour le CREAI ? De fait, ses responsables sont jugulés dans leurs projets d’extension en dehors du cadre étroit que la réforme de 1964 a fixé. Le directeur du SRASS, là aussi, rappelle ce qui fait loi : « M. Berranger pense que les délégations départementales ont essentiellement pour fonction d’assurer la représentation du CREAI dans les départements et qu’il est exclu qu’elles mettent en place une structure avec permanent et secrétariat150. »

182Seconde illustration. On change d’échelle cette fois mais il est toujours question de géométrie. Directions de CREAI et élus en charge de responsabilités dans les bureaux des conseils d’administration sont souvent restés dans la place quand les changements de 1962 et de 1964 ont eu lieu. Leurs conseils d’administration, quant à eux, ont évolué, quelquefois notoirement. Des responsables locaux de fédérations nationales sont entrés en scène. Comment les uns et les autres ont-ils considéré les aspirations des présidents et des directeurs des CREAI de se retrouver, de se liguer peut-être ? Il n’est pas inintéressant de s’y pencher, surtout que les responsables bretons prenaient auparavant une part active dans des instances comme l’UNAR et de toute façon étaient bien de ces personnalités reconnues au niveau national, détentrices de mandats aussi nombreux qu’importants. Nous nous centrerons ici sur deux instances que les différents responsables de CREAI, ceux de Bretagne compris, vont diversement investir, le Centre technique national pour l’enfance et l’adolescence inadaptées d’une part, né de la réforme de 1964 en lieu et place de l’UNAR, le Comité de liaison et de coordination des CREAI d’autre part.

183L’évolution, les multiples difficultés, les changements opérés au sein du CTNEAI mériteraient à eux seuls une recherche à part entière. On se cantonnera ici simplement à préciser que cet organisme va traverser bien des crises. Il est pour autant très délicat de faire la part, dans les problèmes qu’il rencontrera entre 1965 et 1975 (et au-delà), de ce qui tient à sa structure, aux missions bien floues qui lui sont dévolues, de ce qui a trait à la personnalité de ces dirigeants, et non des moindres (Bernard Lory en tête, nommé là à la demande de Robert Lafon …), et enfin de ce qui renvoie à des questions de personnes. Certains choix de responsables, pas toujours très opportuns, ont entraîné de graves complications pour ce centre technique qui sera souvent sur la sellette. Dans le rapport que l’Inspection générale, sous la plume de M. Theillou, remettra au ministère en juin 1974, il est fait état notamment que

« […] la création du CTNEAI avait pour but de donner à ce nouvel organisme une assise juridique plus large et moins ambiguë que celle sur laquelle reposait l’UNAR, et d’autre part de faire disparaître l’espèce de rivalité opposant cette dernière association aux grandes fédérations existantes alors tels que l’UNIOPSS et l’ANCE. Équipe technique qui a tardé à être mise en place, application généreuse de la convention collective au personnel, versement tardif des subventions promises, lieu de dispatching des thèmes de recherche et de subventions mais pas centre de recherche à part entière, incapacité à représenter les CREAI ».

  • 151 Inspection générale des affaires sociales, rapport concernant le CTNEAI, réalisé par M. Theillou, (...)

184Les critiques de M. Theillou, qui sera d’ailleurs commis un temps pour y remettre bon ordre, sont sévères contre un centre technique qui n’a pas trouvé sa voie durant cette décennie151.

185On ne retiendra ici du CTNEAI que ses missions, telles qu’elles sont définies par l’article 2 du décret du 22 janvier 1964 qui, parallèlement institue les CREAI :

  • 152 Article 2 de l’arrêté du 22 janvier 1964 alinéa B.

« – Donner des avis et apporter au ministère de la Santé publique un cours technique ;
– étudier les méthodes de prévention, d’observation, de soins et d’éducation spécialisée, de réadaptation et de réinsertion sociale applicables aux différentes catégories d’enfants et d’adolescents inadaptés ;
– définir les méthodes les plus aptes à assurer la formation du personnel technique, et notamment des éducateurs spécialisés ;
– centraliser les études concernant ces divers objectifs, constituer une documentation et en assurer la diffusion152. »

186L’UNAR disparaît donc en 1964. Robert Lafon et bien d’autres constituent alors l’Association française de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, l’AFSEA, qui va continuer à tenir congrès annuel et à poursuivre notamment l’édition de la revue Sauvegarde de l’enfance, mais indubitablement un ressort est cassé. Les responsables des CREAI voudraient cependant investir l’AFSEA et y déplacer en somme leur lieu de rencontre et d’influence comme l’UNAR savait l’exercer, mais une interdiction pure et simple leur sera faite par François Charles, le directeur général de la Population et de l’Action sociale au ministère :

  • 153 Circulaire du 30 juillet 1965 relative aux centres régionaux pour l’enfance et d’adolescence inada (...)

« Il m’a été demandé si un centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, créé en application de l’arrêt du 22 janvier 1964, pouvait adhérer à l’Association pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence, association née de la résolution adoptée par l’assemblée générale extraordinaire de l’UNAR dans sa séance du 9 mai 1965, tendant à transformer ses statuts et sa dénomination. J’ai l’honneur de vous informer que j’estime inopportune l’adhésion des CREAI à cette nouvelle association153. »

187La réponse a le mérite de la clarté. Pas question pour le ministère de voir les CREAI recréer une fédération. Cinq ans plus tard, ces responsables n’ont toujours pas renoncé, quitte à utiliser à cette fin une instance du CTNEAI :

  • 154 Lettre adressée à Marie-Madeleine Dienesch par tous les présidents de CREAI, décembre 1971, Archiv (...)

« Les présidents et administrateurs de CREAI, réunis le 13 novembre 1971, ont manifesté leur désir unanime de participer davantage aux activités du CTNEAI où ils ne disposent actuellement que de 8 sièges au conseil d’administration. De leur échange de vues, il résulte que l’ampleur de la mission qui leur est confiée nécessite et justifie que les 21 CREAI puissent siéger au C.A. du CTNEAI154. »

188La demande reste sans suite. Certes, une commission permanente des CREAI fonctionnera bien dans le cadre du CTNEAI mais elle n’aura pas de statut officiel et peinera à faire entendre sa voix.

  • 155 Germaine Poinso-Chapuis, lettre à tous les présidents de CREAI, janvier 1971, Archives département (...)

« Il est certain que, mouvement rassembleur destiné à regrouper et à orienter tous les éléments de la réadaptation, tant au niveau de la conception que des réalisations diverses, les CREAI, dans leur forme actuelle, sont cruellement démunis de tout pouvoir, tant pour l’élaboration d’une politique nationale dans laquelle la politique régionale doit nécessairement s’inscrire si elle veut être efficace que par rapport aux agents des actions diverses sur lesquels les CREAI n’ont d’autre autorité que celle qu’ils leur consentent. L’existence de deux textes instituant les CREAI et le CTN excluant par là-même toute construction pyramidale, a balkanisé les CREAI, isolés chacun dans leur région, et ne bénéficiant d’aucune représentativité nationale, ni d’aucun porte-parole au niveau de la politique générale qu’ils sont chargés de traduire dans le cadre régional. […] Cet isolement des CREAI est d’ailleurs si clairement apparu qu’une commission ad hoc a été instituée dans le cadre du CTN (je dis bien dans le cadre et non dans le sein, la commission des CREAI n’étant pas plus une Commission du CTN que la Commission des Grandes Œuvres) […] mais cette commission est une grande muette. Pendant ce temps, l’UNAPEI, l’UNCAHS, l’ANCE, l’UNIOPSS, l’ANEJI et j’en passe, ayant structure nationale, peuvent formuler au plus haut niveau de l’élaboration politique leurs conceptions personnelles, parfois divergentes de celles dégagées au sein du CTN où siègent leurs représentants155. »

189Henri Joubrel siège bien au CTNEAI, au titre des CREAI et en tant que détenteur de l’un des huit sièges qui leur sont impartis. Jacques Guyomarc’h y siège également, au titre de l’ANEJI. On a pourtant l’impression, à lire les comptes rendus des réunions auxquelles ils participent, que l’un et l’autre demeurent plutôt en retrait. Si leur assiduité est effective, ils n’apparaissent pas dans les débats d’importance. Lors des réunions de bureau ou de conseil d’administration du CREAI, ils font mention de ce qui s’y déroule mais, là non plus, on ne sent pas la vigueur qui a pu être la leur au temps de l’UNAR. Il est vrai que le CTNEAI bat souvent de l’aile, ne parvient pas lui-même à définir clairement son espace d’intervention, peine à se faire entendre du ministère – si tant est que celui-ci lui accorde quelque crédit. Les associations les plus puissantes occupent les sièges mais, Germaine Poinso-Chapuis n’a pas tort, ils jouent ailleurs leur partie. Certaines commissions, celle qui planche sur les questions de formation par exemple, fonctionnent certes, et ici Jacques Guyomarc’h n’est pas absent des échanges, mais dans l’ensemble il y a durant ces années 1965-1975 un grand flou sur les réalisations du CTNEAI. Ses responsables se font-ils porte-parole des CREAI auprès du ministère que la réaction ne tarde pas :

  • 156 Ibid.

« Nous avons mesuré le poids de cette situation lorsque la commission des CREAI a délibéré sur notre devenir, élaboré des propositions concrètes de réforme et que le CTN s’est chargé d’acheminer le document au ministère : il y a eu des réactions violentes et une véritable mise en accusation du CTN qui, n’étant pas une fédération des CREAI, ne pouvait se faire l’intermédiaire – même postal – de ceux-ci avant que les propositions avancées n’aient été soumises à son conseil (où les CREAI sont minoritaires) et acceptées par lui (ou rejetées)156. »

  • 157 Lettre du président du CREAI de Lorraine à tous les autres présidents de CREAI, septembre 1971, Ar (...)

190Du côté du ministère, toute manifestation de fédération des CREAI est immédiatement soupçonnée. Le dessein de ses services apparaît clairement et le blâme adressé à la direction du CTNEAI l’illustre : pas question de laisser les CREAI se regrouper dans un cadre ou dans un autre. Point besoin pour ce faire de les admonester directement : le conseil d’administration du CTNEAI se charge de la besogne, et tant pis si les positions des représentants de grandes fédérations sont dissonantes avec celles que ses représentants dans les conseils d’administration des CREAI de telle ou telle région ont adoptées : « Appelée à répondre aux questions et demandes du CTN, la commission des CREAI se trouve trop fréquemment en contradiction avec les associations et mouvements nationaux, alors que les représentants régionaux de ceux-ci ont approuvé, CREAI par CREAI, ses conclusions157. »

191Citons encore les remarques contenues dans le compte rendu d’une journée d’études des présidents et des directeurs de CREAI, en 1972 :

  • 158 Compte rendu des journées d’études des directeurs et présidents de CREAI, Dijon et Limoges, 1972.

« Les grandes associations, mouvements d’inspiration pédagogique, idéologique, philosophique, se sont donné consigne d’être présents dans les CREAI. Il est souhaitable que leurs représentants actifs, selon un mode ou un autre, au sein du CTN, prennent la peine de consulter leurs administrateurs, militants, sur le plan régional, au sein des CREAI, dès lors qu’ils s’engagent politiquement et techniquement au CTN. On ne peut admettre l’attitude de ces participants sur le plan national, qui remettent en cause leur politique et leur participation sur le plan régional. De ce fait, leur action est souvent contraire aux objectifs et effets des CREAI (à la limite les statuts des associations 1901 prévoient l’exclusion des administrateurs dont l’action serait contraire aux intérêts de l’association…)158. »

192Rien n’empêchera les présidents et directeurs de CREAI de se réunir, de tenter de peser sur les décisions, voire de solliciter, au nom de leur collectif, des rencontres avec les services du ministère, qui laissent faire, semble-t-il, à partir des années 1972-1973 (deux ans plus tard, René Lenoir se félicite même de l’existence d’une telle instance). Ce comité prendra le nom d’abord de Comité de liaison et d’action des CREAI (CLAC)… puis, plus sagement, de Comité d’action et de liaison des CREAI (CALC), de Comité de liaison et de coordination des CREAI (CLCC) enfin et, dans tous les cas, il s’agira de concertation. Toutefois, leurs conseils d’administration ne l’entendront pas toujours ainsi. Certains CREAI, tel celui de Clermont-Ferrand, estiment toujours en 1974 que le CTN est l’instance appropriée pour représenter les centres régionaux et ne veulent donc pas adhérer à une quelconque instance fédératrice des CREAI :

  • 159 Extrait des délibérations du conseil d’administration du CRJIA, février 1974, Archives département (...)

« Le conseil d’administration du CREAI est actuellement très réservé sur la constitution d’une nouvelle instance qui, en plus des impératifs administratifs supplémentaires (assemblées, conseils d’administration, bureau, siège social, cotisations en rapport…), risquerait de faire naître une équivoque dans le rôle des CREAI qui sont essentiellement des lieux de rencontres privilégiés159. »

  • 160 Le secrétaire général est le directeur de l’URIOPSS et le vice-président est le représentant de l’ (...)

193Deux exemples encore : le premier a trait au CREAI d’Orléans, dont le trésorier est délégué régional de l’ANCE160. Il fait part à son directeur de ce qui s’est dit lors des journées d’études de son association, en 1974. Ce dernier ne manque pas d’en informer ses collègues directeurs de CREAI. Le second évoque la position du bureau du conseil d’administration du CREAI de Basse-Normandie :

  • 161 Lettre de R. Desobry à M. Lebreton, février 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fond (...)

« En total accord avec L., je m’étais promis de t’envoyer un mot à l’issue des journées d’études de l’ANCE. Nous y avons rencontré plusieurs amis et des administrateurs de CREAI. […] Parmi les sujets évoqués, la création au sein des CREAI d’une instance de concertation, de liaison, certains sont allés jusqu’à parler de fédération ?… a quelque peu rendu perplexe un certain nombre de congressistes, qui se posaient la question (si une telle orientation, conception du rôle des CREAI, peut-être une nouvelle politique… étaient envisagées) de savoir quelle serait alors la position de l’ANCE vis-à-vis des CREAI. Cette position pouvait aller jusqu’à entraîner leur démission de nos organismes. Nous savions par ailleurs que des sentiments identiques avaient été émis par l’UNIOPSS. […] Hormis les rares exaltés que l’on rencontre toujours dans de telles circonstances, la plupart des personnes qui se sont trouvées réunies ont fait preuve du bon sens et de modération. Il apparaît toutefois essentiel que puisse être bien précisé le rôle de ce comité de liaison, qui semble utile, et ne paraît pas être trop suspect, s’il s’en tient à une instance technique de liaison. […] En aucun cas elle ne doit apparaître comme un tremplin politique (au sens noble du terme) pour des personnes ou des associations. […] Madame Poinso-Chapuis, qui est venue à Périgueux vendredi, m’a indiqué très clairement qu’il ne fallait voir dans cette instance qu’une instance de concertation, dont les représentants ne seront plus uniquement Monsieur le professeur Lafon et elle-même, chaque fois que le ministère s’adresse ou s’adressera directement aux CREAI. L’opinion générale est toutefois à la vigilance161. »

194De l’art de faire passer un avertissement sans frais sous couvert de relations entre collègues. Deux jours plus tard, tous les directeurs de CREAI sont au courant de la position de l’ANCE…

195Dans le second exemple, le CREAI de Caen, là encore la démarche est largement publicisée :

  • 162 Lettre adressée par les membres du bureau du conseil d’administration du CREAI de Basse-Normandie (...)

« Le bureau du C.A. de notre CREAI s’est réuni pour étudier la proposition concernant le projet de Comité d’action de liaison des CREAI. Nous tenons à vous faire connaître dès maintenant qu’une participation du plus haut intérêt a pu être constatée au cours de cette réunion qui, du fait de la représentativité des divers membres du bureau, est de première importance. En effet la composition de celui-ci comporte : comme premier vice-président, le président de la Sauvegarde de l’enfance, comme second vice-président, le président de la FOL, et vice-président de l’ANCE sur le plan national, le représentant de l’UNIOPSS, le représentant de la Fédération française des établissements de soin et de cure pour enfants. Les membres du bureau déclarent dès lors. […] Que le CALC devienne comme son nom l’indique, un comité d’action et de liaison, et non pas une Association ou une Fédération […]. Par contre, ils sont hostiles à la création d’une fédération […] les CREAI ayant déjà cette structure, et ayant, de surcroît, une place qui leur a été désignée par les pouvoirs publics, sans qu’ils en aient fait la demande […] en conséquence, ils ne donnent pas leur accord pour la création-type, avec un président, un secrétaire général, un trésorier etc. L’opinion collective de tous les membres du bureau retrace également le rappel de la place “privilégiée”, et de la mission au moins semi-publique, sinon publique, que les textes constitutifs ont donnée aux CREAI. Les mouvements de base, qui se retrouvent dans les CREAI, ont fait l’effort d’une mise en commun de leurs pensées, de leur volonté d’action, au sein de chacun de ces CREAI, mais il leur appartient d’accepter ou de ne pas accepter qu’à travers ces CREAI, dans lesquels ils ont pris de la place, on les fédère éventuellement sur le plan national. Pour leur part, les mouvements constituant le CREAI de Basse-Normandie rejettent cette éventualité162. »

196Les représentants des grandes fédérations font preuve d’une susceptibilité à fleur de peau ; accessoirement ils ont quelques bêtes noires. Dans tous les cas, le terme de « fédération » agit comme un épouvantail. Pas facile dans pareil contexte, pour les présidents de CREAI, voire pour leurs directeurs (qui ont depuis 1970 créé, sous la forme d’un groupement, une instance technique de concertation), de faire cause commune, de revendiquer une place, des moyens, etc. L’ère du soupçon est toujours de mise et l’UNAR apparaît vraiment être un vieux démon.

  • 163 Compte rendu de la réunion du bureau du 16 mai 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, f (...)
  • 164 Compte rendu de la réunion du bureau du 25 février 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilain (...)
  • 165 Ibid.

197En Bretagne, les choses paraissent plus apaisées. Est-ce parce que, peut-être moins qu’ailleurs, les représentants de grandes fédérations ne sont pas les seuls aux postes de responsabilités ? Il n’y a pas de prises de position enflammées contre le CLCC. De toute façon, Henri Joubrel et Jacques Guyomarc’h y vont à pas comptés. Entre eux, il y a, semble-t-il, des divergences sur ce point. Le premier se retrouve bien dans le CLCC « qui devrait permettre d’effectuer des interventions utiles aux CREAI plus rapidement que la commission des CREAI du CTN dont les positions doivent préalablement être approuvées par le C.A. de cet organisme163 ». Le second penche plutôt pour la commission dudit CTN et « se demande cependant si l’institution de ce comité est très souhaitable au moment où l’on peut espérer que le CTN prenne un nouveau rayonnement164 ». Quant au vice-président, responsable de l’ANCE, il se contente de rappeler « qu’il faut dans tout cela s’investir de façon mesurée, le CLCC ne doit en aucun cas être contraignant pour les CREAI qui doivent rester maître de leur politique165 »… c’est-à-dire, comme ailleurs d’autres représentants de l’ANCE le disaient, « apolitiques ».

198Quel espace pour le CREAI ? On l’a constaté ici, la marge de manœuvre est étroite. Contingenté depuis 1964 dans ses missions, il l’est aussi dans sa géométrie. Sa déclinaison au niveau départemental ne peut se réaliser qu’à la condition qu’il en reste à un rôle de coordination et de stricte neutralité entre tous les intérêts qu’il côtoie. La réunion des CREAI au plan national ne peut se réaliser qu’à la condition que les objectifs soient extrêmement délimités tant ce terrain paraît miné. Dans un cas comme dans l’autre, la voie est étroite et tout cela hypothèque grandement son développement.

Notes

1 Dossier « Cotisations » 1966-1967, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

2 Questionnaire sur les centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées, 1972, CAPEA, fonds CREAI.

3 Dossier « C.A. 1965-1975 », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

4 Dossiers « C.A. et bureaux 1966-1975 », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

5 Le règlement intérieur du CREAI adopté en 1971 stipule que personnes physiques et personnes morales doivent être parrainées par un membre du CREAI et qu’une commission du conseil d’administration instruit les demandes d’adhésion.

6 Les listes comprennent bien plus de noms – 200 pour 1966 et 230 pour 1967 – mais nous n’avons retenu que les noms des personnes dont le versement de la cotisation est mentionné. Ces chiffres sont à peu près ceux qui figurent sur le questionnaire du CTNEAI (130 sur 133 dans ce questionnaire pour 1966 et 138 sur 154 en 1967). Probablement que ces listes sont celles des adhérents d’avant 1966, non remises à jour.

7 Citons les fonctions de quelques-unes de ces personnes adhérentes en 1967 : institutrice de classe de perfectionnement ; directeur honoraire de collège d’enseignement général (CEG) ; professeur de lycée et vice-président du Plein Air, colonie des écoles laïques d’Ille-et-Vilaine ; inspecteur primaire ; instituteur public ; directeur d’école ; inspecteur d’Académie honoraire ; professeur ; directeur du Centre régional de documentation pédagogique ; instituteur public et secrétaire de l’œuvre de la Maison de l’enfance de Carcé (ANCE) ; etc.

8 Union départementale pour la protection de l’enfance et de l’adolescence.

9 Association départementale pour la protection de l’enfance et de l’adolescence.

10 Association des paralysés de France.

11 Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active.

12 Syndicat national des associations de parents d’enfants inadaptés.

13 Union nationale des congrégations d’action hospitalière et sociale.

14 Les associations, établissements, etc. des quatre départements de la future région administrative déjà affiliés à la FBSEA en 1962 figurent en italique afin de permettre la comparaison de la situation à ces deux dates.

15 Un bémol toutefois doit être signalé. Pour 1971 et 1972 figurent deux chiffres dont l’écart est très important, sans que l’on sache ce que l’un et l’autre recouvrent (nous avons retenu le plus faible). En 1971 : 210 et 263 ; en 1972 : 215 et 318.

16 Entretien d’Alain Vilbrod avec Gwénolé Calvez, mars 2002.

17 Voir en annexe la composition des différents collèges (personnes physiques, personnes morales et personnes nommées, pour les années 1965-1975 et 1976-1985) et du bureau pour les mêmes périodes.

18 Bel exemple d’anticipation : en 1963, fort opportunément, le conseil d’administration de la FBSEA fut élargi pour que puissent y siéger un délégué de l’URIOPSS et un délégué de l’UNAPEI.

19 Commission d’études mise en place par le conseil d’administration du 20 juin 1972 sur la composition du conseil d’administration du CREAI, comptes rendus des réunions des 20 juin et 1er juillet 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

20 La demande du CREAI « dans un souci d’équilibre entre les différents composants de cet organisme » date de mi-mars et, un mois plus tard, le directeur de l’Action sociale donne son accord, via le SRASS. Lettre de René Lenoir, avril 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

21 Cette institution sera bientôt reprise par la Sauvegarde du Morbihan que dirige Adrien Le Formal. Voir Alain Vilbrod, « La Dissémination du sacré. De la charité chrétienne à l’éducation spécialisée dans la région d’Auray », Gaël Milin et Patrick Galliou, Hauts Lieux du sacré en Bretagne, Brest, Éditions du CRBC, 1997, p. 333-343.

22 Guy Guezennec, diplômé éducateur de l’école de Rennes en 1968, travaille d’abord au centre de Keraoul puis prend la direction de l’IME de Plabennec en 1971. Élu membre du conseil d’administration du CREAI quelques mois avant de changer d’employeur, il y reste jusqu’en 1979 à la demande expresse de Jean-Pierre Gourmelon, directeur général de l’association Les Genêts d’or pour laquelle il travaille désormais.

23 Directeur ici, élu ailleurs… Jacques Guyomarc’h apparaît en 1971 dans la liste des administrateurs des Amitiés sociales délégués des associations fondatrices de l’Association pour la préparation aux carrières sociales (APCS), dans le conseil d’administration, qui œuvre à la création de l’IRTS que bientôt il présidera.

24 Son siège est d’ailleurs situé, jusqu’en 1971, dans la maison bourgeoise (acquise par la FBSEA en 1958) où le CREAI est lui-même installé.

25 « Les Amitiés sociales et le CREAI étaient croisés. On retrouvait pratiquement les mêmes personnes dans les deux institutions » (entretien d’Alain Vilbrod avec Roger Serrand, mars 2003).

26 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 10 octobre 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

27 Un document émanant du CREAI du Limousin et daté de 1975 présente la recension des organismes nationaux membres des CA de tous les CREAI de l’Hexagone, sans toutefois préciser dans quels collèges leurs représentants émargent. Partout les UDAPEI sont présentes. À une exception près (20 sur 21 donc). C’est aussi le cas de l’ANCE, de l’APF, des URIOPSS ; dans 16 à 19 CREAI, c’est également le cas des associations de sauvegarde de l’enfance, de l’ANEJI, des UDAF (« Les CREAI, Pour quoi faire ? », Bulletin du CREAI du Limousin, 1975, p. 11).

28 Décret signé conjointement par Michel Poniatowski, ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale, par Jean Taittinger, ministre de la Justice, et par Marie-Madeleine Dienesch, secrétaire d’État auprès du ministre de la Santé publique et de la Sécurité sociale.

29 L’avocat breton Jean Cornec sera l’inamovible président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), de 1956 à 1980. Voir Jean Cornec, Laïcité, Paris, Sudel, 1965.

30 Rappelons cependant qu’au niveau national les positions de l’ANCE vis-à-vis des CREAI seront toujours très critiques.

31 À l’exception de Mlle de Perceval, vice-présidente au même titre que M. Carof et Henri Joubrel, les membres du bureau du CREAI de 1965 sont les mêmes que ceux de la FBSEA de 1964.

32 À titre d’exemple, lors des élections du bureau de mai 1973, Henri Joubrel obtient 19 voix sur 20 (1 abstention, lui-même ?), M. Bernard, 15 voix et M. Carof 14 voix (dossiers CA et bureaux 1966-1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

33 Entretien d’Alain Vilbrod avec Guy Guézennec et l’abbé Normand, mars 2003.

34 Entre les deux collèges, voire les trois. Gwénolé Calvez, qui émarge au collège des personnes nommées, prend la suite en 1975 (et jusqu’en 1992 !) d’Alexandre Tanguy au collège des personnes morales quand celui-ci part en retraite.

35 Entretien d’Alain Vilbrod avec Adrien Le Formal, mars 2003. Adrien Le Formal est diplômé éducateur de l’IFP, plus connu sous le nom de « La Catho » de Paris. Il arrive en Bretagne en 1968. Il est nommé alors directeur du centre du Guermeur, dans le Morbihan, et contacte le CREAI pour demander conseil. Il prend le relais de M. Thomas comme délégué départemental du CREAI, à sa mort en 1972. Directeur général de l’ADSEA du Morbihan, il est membre du conseil d’administration du CREAI à partir de 1973, il y est toujours en 1985. Il a ensuite été président de l’IRTS durant dix années.

36 Amédée Thévenet, L’Aide sociale aujourd’hui, Paris, ESF, 1971, p. 76-77.

37 Les différents dossiers dont nous disposons comprennent aussi des échanges d’informations, de bilans, etc. avec d’autres CREAI, en particulier ceux de Midi-Pyrénées, de Rhône-Alpes, de Lille et de Bordeaux (dossiers « Équipes techniques 1965-1975 », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

38 Note préparatoire à l’étude d’un nouveau projet de fonctionnement de l’équipe technique, 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

39 La collaboration de la FBSEA puis du CREAI avec le pédopsychiatre Michel Lemay remonte à son premier stage, à la Prévalaye, en 1950. Médecin à temps plein de la FBSEA à partir de septembre 1960, il est aussi directeur des études de l’école de formation d’éducateurs du CREAI dès sa création, en octobre 1965. Auteur de nombreux ouvrages publiés aux Éditions Fleurus ou aux PUF (Les Fonctions de l’éducateur spécialisé, J’ai mal à ma mère, etc.) il va profondément marquer des générations d’éducateurs formés à Rennes. Il représente en ce sens la primauté de la psychologie et de la psychiatrie dans les approches qu’adoptent bien souvent les professionnels du travail social pour appréhender les situations auxquelles ils sont confrontés. Il quitte le CREAI – et la France – en mai 1973 pour occuper une chaire dans une université canadienne. Nous ne pouvons pas exclure que le départ de cette personnalité renommée dans le secteur ait eu un effet sur la baisse des saisines de l’équipe technique. Alain Vilbrod, Devenir éducateur, une affaire de famille, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 80 sqq.

40 CREAI, note sur le fonctionnement de l’équipe technique, novembre 1969, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

41 Lettre du ministère des Affaires sociales du 28 novembre 1967, signée du directeur de cabinet, Bernard Guitton. Cette même lettre précise : « Dans l’immédiat, de toute façon, et compte tenu des impératifs financiers, les équipes techniques ne peuvent se constituer qu’avec beaucoup de prudence » (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

42 Procès-verbal de la réunion du bureau du CREAI, 12 décembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

43 Rapport d’activité de l’équipe technique pour 1970, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

44 CREAI. Note sur le fonctionnement de l’équipe technique, novembre 1969, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

45 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

46 La répartition des commanditaires n’est pas connue pour les années 1966, 1967 et 1968. En 1970, 2 des 14 études sollicitées par la Région le sont non pas par la DRASS mais par le préfet de Région ; de même pour ce qui est de l’une des quinze études de 1971. L’une des deux études émanant cette même année d’un département l’est aussi par un préfet.

47 La remarque est assez étonnante. Il suffit d’étudier en détail le rapport d’activité de 1969 pour se rendre compte que la plupart des études qui émanent des DDASS proviennent de la DDASS des Côtes-du-Nord et portent sur une question de règlement intérieur d’établissements accueillant des déficients intellectuels.

48 Albert Le Méro, Réflexions sur le rôle et le fonctionnement de l’équipe technique, note manuscrite, septembre 1979, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

49 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

50 Entretien d’Alain Vilbrod avec Guy Guezennec, mars 2003.

51 Voir Alain Vilbrod, « Construction de la demande et offre de service… », op. cit., p. 233-242.

52 Circulaire n° 20 du 19 juillet 1968, ministère des Affaires sociales.

53 Additif à l’article 53 du règlement intérieur du CREAI, novembre 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

54 Dossier « Recours équipe technique », juillet 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

55 La situation des autres CREAI paraît fréquemment de cet ordre aussi. En 1972, lors d’une réunion de l’ensemble des présidents de CREAI, il fut observé que « dans la plupart des régions la collaboration est engagée avec les DRASS sans que pour autant le CREAI soit considéré comme l’outil technique auquel on peut avoir recours » (Compte rendu de la réunion des présidents de CREAI, Marseille, novembre 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

56 Note annexe résumant les principales positions de la commission des CREAI dans sa séance du 9 juillet 1968, CTN, 1968, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

57 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

58 Lettre d’Henri Joubrel à R. Derouzy, directeur du CREAI du Limousin et auteur du texte Les CREAI, Pour quoi faire ?, op. cit., septembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

59 Inspection générale des affaires sociales, rapport annuel 1971, p. 87-298.

60 Ibid., p. 234.

61 Ibid., p. 244.

62 Circulaire du 19 juillet 1968, ministère des Affaires sociales.

63 C’est également le cas dans d’autres CREAI, comme celui de Toulouse par exemple.

64 Courrier de Pierre Bianquis, président de la commission des CREAI du CTN aux présidents des CREAI, mai 1970, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

65 Assemblée générale du 26 juin 1969, documents préparatoires aux groupes de travail sur l’équipe technique, fonds CREAI, CAPEA. Rappelons que M. Berranger est le chef du service régional des Affaires sanitaires et sociales, à Rennes.

66 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

67 Rapport d’activité pour l’année 1969 présenté à l’assemblée générale du 29 mai 1970 par Jacques Guyomarc’h, directeur des services du centre régional, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

68 Nous ne disposons pas, malheureusement, de beaucoup de documents « officieux », tels que des notes personnelles, à propos des équipes techniques. Il faut donc lire entre les lignes dans des rapports d’activité, largement diffusés et donc au ton à la fois mesuré et policé. Ici, par contre, nous savons que cette allusion à « une chapelle » répond à une réflexion acide du professeur Coutel, membre du conseil d’administration de 1966 à 1971 et membre du bureau en 1965 et en 1966 qui avait publiquement dit que les membres de l’équipe technique se permettaient « de donner ex cathedra des avis de chapelle »…. Comme quoi les débats pouvaient être animés au sein du conseil d’administration du CREAI… (Dans le compte rendu officiel, il est question « des réserves émises par M. le professeur Coutel au sujet de la liste des membres de l’équipe technique »), fonctionnement de l’équipe technique, 6 mars 1970 et note manuscrite, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

69 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

70 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

71 Note préparatoire à l’étude d’un nouveau projet de fonctionnement de l’équipe technique, juillet 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

72 Rapport d’activité de l’équipe technique pour l’année 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

73 Groupement professionnel des directeurs de centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées – semaine d’études de décembre 1969, CAPEA, fonds CREAI.

74 Compte rendu de la réunion de l’équipe technique, 28 septembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

75 Lettre d’Henri Joubrel à Albert Le Méro, 23 juillet 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

76 Procès-verbal de la réunion du bureau du 12 décembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

77 À titre d’illustration, on retiendra par exemple qu’entre 1969 et 1972 le nombre de courriers reçus par le CREAI passe de 1 320 à 2 890, de courriers expédiés de 720 à 1 620 et que le prix des notes de téléphone passe de 5 740 francs à 11 140 francs (questionnaire CTN, 1971, op. cit., Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

78 La Cour des comptes a d’ailleurs diligenté une inspection des CREAI en 1972. Le CREAI de Bretagne a reçu la visite de ses inspecteurs au mois de février, et la conclusion du rapport, diff usé en 1973, crédite ces organismes d’une gestion sans défauts majeurs, si ce n’est leur fragile équilibre. Il conclut notamment par un encouragement à développer les missions d’expertise via l’équipe technique, sans prendre en compte semble-t-il que c’est là, faute de financement, l’une des raisons de cet équilibre financier toujours précaire. Dès la visite des inspecteurs au CREAI de Bretagne, ceux-ci avaient incité ses dirigeants « à obtenir une meilleure rémunération des services rendus aux associations et établissements de la région » (compte rendu de la réunion du bureau du 16 février 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

79 Ce tableau livre des données brutes qui ont été produites au début des années 1970 dans le cadre de la commission des CREAI du CTN. Il s’agit du document de travail à partir duquel ont été élaborées en 1973 et 1974 différentes publications tel que : Les Centres régionaux pour l’enfance et l’adolescence inadaptées. Analyse financière, Paris, CTNEAI, 1974. Soulignons que, dans ces publications, les modes de calcul exposés et la présentation même des données sont le plus souvent méthodologiquement contestables. Des informations élémentaires sont omises, d’où l’intérêt de disposer de ces données brutes.

80 En 1962, la participation des établissements gérés par la FBSEA (Ker-goat, La Ville-Gilles, Jeunes et métiers, Foyer familial scolaire) au fonctionnement de la Fédération se montait à 7 000 francs. Au même moment, la participation des établissements affiliés ou « en contact » (trois, semble-t-il, cotisaient déjà à la FBSEA) se montait à 12 600 francs. On mesure déjà en 1962 l’intérêt de disposer ainsi d’établissements pour pourvoir dégager des ressources propres, hors subventions (même si ce n’est là qu’une façon de ponctionner par un autre canal des subventions d’État, versées celles-là aux institutions pour leur fonctionnement ou leurs investissements).

81 Les Centres régionaux…, op. cit.

82 Une manière pour le directeur du SRASS de prendre en considération les demandes d’augmentation de subventions du CREAI est de pousser à ce que ce soit la contribution des établissements directement gérés qui soit augmentée. À lui de convaincre alors son collègue de la (ou des) directions départementales où se situent ces établissements, d’accepter cette augmentation (qui de toute façon appellera une diminution d’autant des autres postes budgétaires de ces institutions puisque le taux maximum d’augmentation des budgets est fixé chaque année une fois pour toutes) (compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 20 novembre 1973, Archives départementales d’Illeet-Vilaine, fonds CREAI).

83 Compte rendu de l’entretien du 17 mars 1975 avec André Ramoff, CLCC, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

84 Nous possédons plusieurs versions préparatoires annotées de cette lettre, ce qui laisse à penser qu’Henri Joubrel a fortement contribué à sa rédaction. Ces différentes versions sont accompagnées de courriers allant dans ce sens et indiquant qu’il a abordé personnellement ce sujet avec Marie-Madeleine Dienesch (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

85 Cette campagne, inaugurée en 1950 et dans laquelle le CREAI de Bretagne sera le dernier à continuer à s’y investir prendra fin en 1973 : « Il apparaît que les résultats de cette activité ne justifient plus le travail qu’il exige. Le bureau est donc d’avis de la supprimer, en regrettant que son organisation n’ait pas été soutenue au plan national. » Une page se tourne dans cette campagne « Sauvegarde » qui a fait date et qui avait en Bretagne ses plus zélés militants. Comptes rendus des réunions du bureau du 22 octobre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

86 En 1971, Michel Lemay intervient pour 3/6 de son temps au Centre d’observation éducatif et pour 1/6 à l’école d’éducateurs. Pour ce qui concerne le docteur Pony, il semble que la totalité de son temps soit partagée entre les différents établissements et que le CREAI ne fasse qu’ » héberger » son salaire et le répartisse intégralement ensuite, en appel de recettes, entre cinq établissements et l’école d’éducateurs. La comptable travaille à l’extérieur du CREAI pour les 2/3 de son temps ; il en va de même pour la femme de ménage.

87 On notera au passage qu’en 1970 la participation des établissements en gestion directe (sans qu’il s’agisse de valoriser des mises à disposition de personnel, puisque cela apparaît plus bas) est quasi équivalente à celle des établissements affiliés, par le biais du 0,04 franc/lit qu’ils versent chaque année. Comme d’autres CREAI, celui de Bretagne se finance bel et bien en partie sur les budgets de ses établissements.

88 On peut mesurer ces remaniements réalisés par Jacques Guyomarc’h ou par son adjoint, Emmanuel Le Cocq, dès lors que l’on possède, ce qui est assez souvent le cas, les différentes versions corrigées des comptes rendus expédiés ensuite à tous les membres de l’assemblée considérée.

89 Compte rendu de la réunion du bureau du 21 mars 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

90 Compte rendu de la réunion du bureau du 16 février 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

91 Compte rendu de la réunion du bureau du 24 septembre 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

92 Compte rendu de la réunion du bureau du 31 octobre 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

93 Compte rendu de la réunion du bureau du 12 décembre 1972, Archives départementales d’Illeet-Vilaine, fonds CREAI.

94 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 26 mars 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

95 Compte rendu de la réunion du bureau du 26 septembre 1972, Archives départementales d’Illeet-Vilaine, fonds CREAI. Finalement d’ailleurs, après bien des péripéties, le taux sera relevé avec date d’effet en 1974.

96 Compte rendu de l’entrevue accordé par René Lenoir au bureau du CLCC, février 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

97 Comme le relève justement Daniel Gacoin : « Signaler cette forte référence à la puissance publique et à ses sphères d’intervention, c’est signaler une référence multiple tant celle-ci a plusieurs visages : l’État, central ou déconcentré, les collectivités locales, les organismes de Sécurité sociale. » C’est surtout celui de l’État central qui intervient, même si ses représentants s’évertuent à faire aussi contribuer, via le financement du CREAI par ses établissements en gestion directe, d’autres sphères comme les organismes de Sécurité sociale, etc. Daniel Gacoin, « Le Financement des associations du secteur du travail social », La Revue de l’économie sociale, n° 1, 1989, p. 66.

98 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 10 octobre 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

99 En 1972, le CREAI gère directement le Centre d’observation et de réadaptation de la Prévalaye (Rennes – 60 places), le Centre d’éducation George Bessis Kergoat (Pleurtuit – 90 places), le Foyer de la Ville-Gilles (Saint-Méloir – 30 places), le Centre Jeunes et métiers – Foyer de semi-liberté (Rennes – 40 places), le Foyer familial et scolaire (Rennes – 15 places), la Maison d’enfants Le Guengo (Rohan – 35 places) et enfin le Centre d’orientation éducatif médico-pyschologique (Rennes).

100 Commission des CREAI du CTNEAI, 1974, op. cit. L’une des trois parties de ce document reprend l’analyse financière, pourtant alambiquée, du document déjà cité : « Les CREAI, analyse financière » paru également en 1974.

101 Lettre de Pierre Anglaret, chef des services du CREAI de Rhône-Alpes, à tous les autres directeurs de CREAI, juillet 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

102 Commission CREAI du CTNEAI, LES CREAI, historique… op. cit., p. 12. Ce même texte se poursuit en rappelant alors que les CREAI gèrent au total 102 établissements et services accueillant plus de 15 000 enfants (un détail du type d’établissements est donné. Un seul établissement pour adultes, un Centre d’aide par le travail, est mentionné).

103 En 1979, le CREAI de Midi-Pyrénées va par exemple débattre en profondeur de l’alternative du statu quo ou du fait de devenir à son tour un « CREAI non gestionnaire ». À lire le compte rendu des débats et la note rédigée par le directeur-adjoint, Pierre Alloing, on se rend compte que ces questions traversent ce CREAI depuis déjà plusieurs années (« Réflexions à propos des questions suivantes. Le CREAI Midi-Pyrénées et l’action sociale. Sa politique, sa place, son fonctionnement ses perspectives », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

104 CLCC, « Compte rendu de l’audience accordée par M. Le secrétaire d’État, R. Lenoir, le 24 juillet 1974 ». Notons que, par ailleurs, René Lenoir, pressé par les représentants de la CLCC de donner des directives de collaboration à ses services extérieurs a ainsi répondu : « M. Lenoir ne pense pas que des circulaires ou des textes réglementaires à ses services extérieurs soient la façon la plus efficace d’établir les rôles respectifs des CREAI, des DRASS et des DDASS. Pour lui, l’important est que les relations personnelles soient bonnes » (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

105 Sur les quelque 40 administrateurs et directeurs d’établissements sollicités, 25 ont répondu au questionnaire. Il est possible d’identifier la plupart grâce aux mentions portées par Jacques Guyomarc’h sur les enveloppes de retour voire sur les lettres d’accompagnement (Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI).

106 Roger Serrand est d’abord recruté en 1959 par l’association Les Amitiés sociales, à Rennes. Il entame une formation d’éducateur à Épinay-sur-Seine en 1961 tout en continuant à travailler. Il devient en 1965 salarié du CREAI tout en restant dans le même établissement cogéré par ce centre régional et Les Amitiés sociales. Il est ensuite nommé en 1969 éducateur-chef d’un établissement de l’ADSEA d’Ille-et-Vilaine. En septembre 1972, il devient sous-directeur de l’institution Saint-Cyr et se voit chargé de créer une association indépendante, L’Essor, que présidera bientôt Yann Maléfant. Il quitte cet emploi en 1983 pour prendre la direction d’un foyer de l’APF. Enfi n il dirige jusqu’à sa retraite un CAT : Les Papillons blancs. Administrateur du CREAI jusqu’en 1981, il le sera ensuite de nouveau après 1985. Il assurera d’ailleurs la vice-présidence au cours des années 1990.

107 Compte rendu de la réunion du bureau du 31 octobre 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

108 Cette maison d’enfants, fondée en 1951 dans sa propriété par Mme Champetier de Ribes, apparentée à la famille de Louis Hachette, a été reprise par le CREAI en 1965, avec l’assentiment des directions régionale et départementale de l’Action sanitaire et sociale. Rapport d’activité 1965, p. 4, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

109 Compte rendu de la réunion du bureau du 5 mars 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

110 Déjà en 1965 une telle façon de faire avait été envisagée pour assurer une formation professionnelle aux jeunes du centre de Ker-goat, en ouvrant une annexe à Lehon, dans les Côtes-du-Nord. On perçoit ainsi que la transformation de la FBSEA en CREAI n’a pas du tout tempéré, tout au moins durant la fin des années 1960, les ardeurs de ses dirigeants à inaugurer de nouveaux établissements. Rapport d’activité 1965, p. 7, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

111 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 26 mars 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

112 Compte rendu de la réunion du conseil d’administration du 10 octobre 1975, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

113 Alain Vilbrod, « Des professionnels en terrain de connaissance : quelques éléments pour comprendre la perception des travailleurs sociaux vis-à-vis des bénévoles qu’ils côtoient », Alain Penven, Yves Bonny et Charles Roncin (dir.), Au cœur de la cité. Vivre ensemble, travailler, s’engager, Rennes, PUR, 2002, p. 209-219.

114 Michel Lemay sera le directeur des études de l’École d’éducateurs de Rennes dès sa création. On se reportera utilement sur ce point aux travaux suivants : Patrick Watier, Étude sur la pédagogie des écoles d’éducateurs spécialisés, Paris, Fédération nationale des comités d’entente et de liaison des centres de formation des travailleurs sociaux, 1983 ; Andrée Guiot Les Problématiques de la sélection des éducateurs spécialisés, thèse, Dijon, 1984 ; Alain Vilbrod, Devenir éducateur…, op. cit., p. 9-83.

115 Association nationale des assistantes sociales, créée en décembre 1944 sur le modèle des ordres professionnels, de l’ordre des médecins notamment.

116 Mathias Gardet et Françoise Tétard, « L’Utopie du travailleur social unique », Les Origines des centres de formation, Toulouse, Erès, 2000, p. 142-143.

117 Bernard Lory, « L’Action sociale d’hier à demain », conférence publiée initialement dans Liaisons ANEJI, n° 80, 1972, et reproduite dans le Bulletin du CREAI de Haute-Normandie, n° 2, 1972, p. 2 et p. 4.

118 Ibid., p. 13.

119 Commissariat général du Plan, Commission de l’action sociale, rapport du groupe « Personnels sociaux », janvier 1971, p. 2. Une synthèse de ce rapport est publiée dans l’ouvrage Rapports des commissions du VIe plan, 1971-1975, Action sociale, Paris, La Documentation française, 1971, p. 71-79.

120 Ibid., p. 8 et p. 12.

121 Ibid., p. 15.

122 Commission des CREAI du CTNEAI. Rôle des CREAI dans la réalisation d’une politique de formation des personnels sociaux, Paris, avril 1972.

123 En 1972, trente-sept écoles, toutes de statut associatif, sont agréées par le ministère de la Santé publique, pour préparer au métier d’éducateur spécialisé, ce qui revient à dire qu’une sur deux est gérée par un CREAI.

124 ommission des CREAI du CTNEAI, op. cit., p. 1.

125 Ibid., p. 38-39.

126 Il semble bien que, jusqu’au début des années 1960, Jacques Guyomarc’h n’est pas un chaud partisan des écoles d’éducateurs. Il préfère la formation sur le tas, l’ » école de la vie » et les premières armes faites dans le scoutisme par exemple. À l’image d’une partie des cadres de l’ANEJI, il y a chez lui une certaine défiance vis-à-vis des écoles d’éducateurs aux relents trop scolaires, trop théoriques (sans compter l’opposition au projet diligenté par l’université de Rennes). Quand l’École d’éducateurs de Rennes se met en place, il est d’ailleurs projeté que les élèves seraient en contact quasi permanent avec les jeunes de telle ou telle institution.

127 Une fois encore, avant même son inauguration, on croise M. Folliard, inspecteur général adjoint au ministère, venu sur place s’assurer que tout s’est déroulé pour le mieux.

128 Ces effectifs vont aller en s’étoffant par la suite peu à peu : en 1970, ils sont 39 en première année, 43 en seconde et 33 en troisième. En 1972, ils sont 48 en première année, 47 en seconde et 38 en troisième année.

129 Inspection générale des affaires sociales. Rapport annuel, 1971, p. 333.

130 FBSEA, rapport d’activité, 1964, p. 10, CAPEA, fonds Guyomarc’h, 1C123.

131 En 1960, l’association Les Amitiés sociales regroupe pas moins de vingt-cinq foyers de jeunes travailleurs, en Bretagne, Pays-de-Loire et Normandie principalement (plaquette Les Amitiés sociales, 60 ans déjà, Rennes, 2001, p. 65-67). Rappelons que depuis 1950 cette association cogère avec la FBSEA un « home de semi-liberté » qui se transforme en 1953 en « Centre Jeunes et métiers » avec une direction unique à cet établissement et au FJT mitoyen, direction assurée par Aimé Le Foll.

132 Remarquons que, une fois encore, les services ministériels n’hésitent pas à diriger le CREAI vers la Sécurité sociale pour qu’elle participe au financement de cette école (ce qu’elle fera à hauteur de 50 %, via sa caisse régionale). On a déjà vu comment le SRASS procédait également de la sorte pour faire financer le CREAI par ses établissements en gestion directe, via leur budget provenant en partie des caisses de Sécurité sociale… Pour le CREAI, avoir comme trésorier un responsable éminent de ces caisses, Louis Prévosto en l’occurrence, pouvait s’avérer alors bien utile… (rapport d’activité de la FBSEA, 1964, p. 3, CAPEA, fonds Guyomarc’h, 1C123).

133 Lettre d’Henri Joubrel à Albert Le Méro, 23 juillet 1973, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

134 Ce déficit était notamment dû au fait que beaucoup de candidats présélectionnés ne pouvaient pas entrer, suite à leur stage, en école, faute de place. Aucun numerus clausus n’était mis en place au niveau de la présélection, considérée comme un moyen de détecter et d’écarter les mauvais sujets aspirant à effectuer un stage en institution, rien de plus.

135 L’École d’éducateurs de la Sauvegarde du Finistère se crée en 1971, dans les murs d’un ancien couvent, à Kerbénéat, près de Brest. Elle ne forme alors que des éducateurs en cours d’emploi, venant au rythme d’une semaine par mois environ en formation, chaque promotion ne comptant qu’une quinzaine d’élèves.

136 En 1971, se crée à Morlaix une école de moniteurs-éducateurs (formation en deux ans pour des professionnels destinés en principe à œuvrer dans le secteur des IME et des CAT). Son initiateur, l’association Les Genêts d’or, avec à sa tête Jean-Pierre Gourmelon, très lié à l’Union française des centres de vacances (UFCV), fait aussi son entrée à cette époque dans le conseil d’administration du CREAI. En toute logique, en 1972, une fois agréée, cette école rejoint le GRIF. En 1973, une école de Rennes, La Lande du Breuil, conventionnée par le ministère de l’Agriculture, ouvre aussi une école de moniteurs-éducateurs, au grand dam de la direction de celle de Morlaix. Visiblement, en ce début des années 1970, alors que le secteur de la prise en charge des jeunes handicapés est en pleine extension, il est possible d’inaugurer ainsi une section dévolue aux métiers de la rééducation sans grande difficulté malgré les velléités du SRASS d’y mettre bon ordre…

137 La présélection est supprimée en 1974. Désormais, partout en France, seront uniquement organisées des sélections. Les candidats reçus devront alors effectuer dans un établissement un stage d’au moins six mois, rémunéré, puis entreront, sans autres épreuves à subir, dans un centre de formation d’éducateurs ou de moniteurs-éducateurs.

138 Compte rendu de la réunion du bureau du 30 janvier 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

139 En fait, bien que pressenti et poussé pour prendre cette direction, il s’y refusera et démissionnera du CREAI (pour y revenir par la suite en tant que directeur).

140 Courrier entre l’abbé Richard et Jacques Guyomarc’h, novembre 1969, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

141 Voir Mathias Gardet, Jean Viollet et l’apostolat laïc. Les œuvres du Moulin-Vert, Paris, Beauchesne, 2005.

142 Compte rendu de la réunion des membres du CREAI résidant dans le Morbihan, 20 novembre 1969, à Vannes, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

143 Ibid.

144 Ibid.

145 Ouest-France, 21 novembre 1969, rubrique « Morbihan », Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

146 Compte rendu de la réunion des membres du CREAI du Morbihan, mars 1970, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

147 Lettre de M. Depays, Le Moulin-Vert, à M. le président du CREAI, mars 1970, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

148 Note de présentation de la Délégation départementale du Morbihan et courrier d’accompagnement de E. Le Cocq, 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

149 Signalons que, pour autant, bien des éléments nous échappent encore. Ainsi, M. Bernard, vice-président du CREAI, et partie prenante de l’ANCE par ailleurs, soutient Jacques Guyomarc’h dans son projet d’Union, et cherche à contrecarrer les manœuvres de M. Depays. Opposition entre militants laïques et représentants d’une œuvre religieuse ? Soutien dans la mesure où l’ANCE n’a pas d’intérêts particuliers dans ce département ? Nous ne pouvons pas, pour l’heure, avancer d’explications à ce soutien.

150 Compte rendu de la réunion du bureau du 30 septembre 1974, Archives départementales d’Ille et-Vilaine, fonds CREAI.

151 Inspection générale des affaires sociales, rapport concernant le CTNEAI, réalisé par M. Theillou, Paris, juin 1974, p. 77-60, CAPEA, fonds Chauvière.

152 Article 2 de l’arrêté du 22 janvier 1964 alinéa B.

153 Circulaire du 30 juillet 1965 relative aux centres régionaux pour l’enfance et d’adolescence inadaptées, 9 128 (65-33).

154 Lettre adressée à Marie-Madeleine Dienesch par tous les présidents de CREAI, décembre 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

155 Germaine Poinso-Chapuis, lettre à tous les présidents de CREAI, janvier 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

156 Ibid.

157 Lettre du président du CREAI de Lorraine à tous les autres présidents de CREAI, septembre 1971, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

158 Compte rendu des journées d’études des directeurs et présidents de CREAI, Dijon et Limoges, 1972.

159 Extrait des délibérations du conseil d’administration du CRJIA, février 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

160 Le secrétaire général est le directeur de l’URIOPSS et le vice-président est le représentant de l’UNAPEI. Un bureau très « politique » donc.

161 Lettre de R. Desobry à M. Lebreton, février 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

162 Lettre adressée par les membres du bureau du conseil d’administration du CREAI de Basse-Normandie au président et au directeur du CTNEAI et aux présidents de CREAI, février 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

163 Compte rendu de la réunion du bureau du 16 mai 1972, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

164 Compte rendu de la réunion du bureau du 25 février 1974, Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, fonds CREAI.

165 Ibid.

Table des illustrations

URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-1.png
Fichier image/png, 25k
Légende Nombre d’établissements et de services gérés par les adhérents « personnes morales ».
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-2.png
Fichier image/png, 3,1k
Légende Nombre de personnes physiques adhérentes au CREAI.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-3.png
Fichier image/png, 2,5k
Légende Nombre d’études réalisées par l’équipe technique du CREAI et commanditaires de ces études46.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-4.png
Fichier image/png, 6,3k
Légende Budgets des CREAI en 1971.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-5.png
Fichier image/png, 19k
Légende Répartition des recettes du CREAI entre 1968 et 1972.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-6.png
Fichier image/png, 8,7k
Légende Budget du CREAI pour l’année 1970.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/3730/img-7.png
Fichier image/png, 13k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search