1Quelle soit écrite, radiodiffusée ou télévisée, la presse est de plus en plus fréquemment accusée de désinformation. Se trouve de la sorte mise en cause sa principale raison d’être, ce qui fait son essence même. Aux yeux de ses censeurs, la désinformation se traduit de plusieurs manières, qui peuvent se résumer aux quatre tendances suivantes :

• à une certaine presse avide de « scoops » et soucieuse du sensationnel, l’on reproche de falsifier ou tout au moins de déformer l’information, tendance particulièrement inquiétante, puisqu’elle touche à la déontologie même du métier, mais heureusement limitée à quelques journalistes et à quelques organes ;
• à l’inverse, on accuse tout autant les médias de donner dans une information routinisée, soit qu'elle se complaise dans des sujets et thèmes que les pouvoirs et institutions lui imposent soit que le souci l’obsède de ne pas manquer les sujets que la concurrence porte à l’agenda des nouvelles ;
• l’un des griefs les plus récurrents a trait au fait que la presse met en évidence ou monte en épingle des événements qui n’en sont pas ou qui ne le sont que de manière oblique. Un cas typique est celui de l’organe de presse qui titre sur une déclaration faite par une personnalité à partir d’une interview demandée à cette dernière par l’organe même et publiée par lui. Même si ladite interview peut présenter une valeur informative, c’est le procédé même qui semble vicieux et qui s'assimile à d’autres du même genre dans la catégorie des pseudo-événements ;
• enfin, il apparaît à ses censeurs que la presse est de plus en plus tentée d’infléchir l’information dans le sens de la communication, voire de substituer celle-ci à celle-là de façon pernicieuse. Tout ce qui relève de l’interpellation et de la séduction du lecteur (ou de l’auditeur ou du spectateur) comme de l’auto-promotion du journal relève à l’évidence de ce registre et peut parfois affecter très largement les médias dans leur forme et leur présentation.

2Ce n’est pas le lieu de chercher les raisons de ce qui détourne ainsi la presse de sa fonction première et constitue par la force des choses un déficit du fonctionnement démocratique. On verra tout de même dans cette tendance qui va s’accentuant la pesée de plus en plus contraignante d’une logique du marché. C’est d’abord que l’information aujourd'hui coûte cher et que les médias sont tentés de faire des économies sur sa qualité. Par ailleurs, tributaires des rentrées publicitaires et soumis à une concurrence commerciale très âpre, les mêmes médias sont entraînés dans deux démarches contradictoires : d’une part, se procurer les informations que les autres n’ont pas et, de l’autre, ne pas manquer celles que les autres possèdent1. En même temps que l’on recherche l’inédit, et parfois à n’importe quel prix, on cultive allègrement l’uniformité. Plus largement, il s’agit encore de rendre le « consommateur » captif par des moyens relationnels plus qu'informationnels. Mais n’insistons pas davantage sur ce qui est une crise de la presse, souvent commentée et par ailleurs difficile h juguler. Relevons plutôt que, dans le climat d’incertitude qui pèse sur la conception comme sur la pratique de l’information, se trouve mise en cause la représentation même de ce qui fait la nature d’un événement : c’est bien cela que nous voudrions mettre en évidence dans la présente analyse. Monnaie d’échange du désir d’informer, l’événement est soumis lui aussi à des fluctuations de valeur et connaît en particulier, dans le contexte que l’on vient d’évoquer, une dégradation que la notion, évoquée plus haut, de pseudo-événement évoque assez bien.

3Tout cela étant, le travail de presse nous apprend que la notion d’événement est éminemment relative, qu'elle est en évolution et qu’il ne faut pas juger trop hâtivement les distorsions que cette notion subit aujourd’hui. Généralement relayée par celle de « nouvelle », la notion en elle-même peut être comprise de bien des manières. Cependant, si l’on s’en tient à l’idée commune que l’événement ou nouvelle est un fait qui rompt le cours ordinaire des choses tout en ayant une incidence forte sur la vie des gens et des collectivités, on est amené à en relativiser l’idée sur trois plans au moins :

• il existe dans les médias une hiérarchisation des nouvelles — d’ailleurs codifiée par les agences de presse —, voulant que le statut d’événement puisse être fonction de la richesse de ce qu’offre l’actualité à tel jour ou à tel moment. De très gros événements éclipsent facilement ceux qui sont au bas de l’échelle et ne seront dès lors pas retenus. À l’inverse, quand l’actualité est en panne et que les nouvelles se font rares, des faits peu notables acquièrent une importance inattendue ;
• il n’est d’événement que pour un public et une audience. S’il est des catastrophes ou de grandes secousses historiques qui ont d’emblée une audience universelle, d’autres événements, de caractère social ou culturel, financier ou sportif, n’atteignent bien souvent que des publics circonscrits ;
• alors que certains faits sont régulièrement « gonflés » dans l’univers médiatique (telles anecdotes de la vie des stars, par exemple), d’autres dont on ne parle jamais mériteraient sans doute de faire l’actualité. Daniel Schneiderman suggérait récemment aux journaux télévisés de parler en fin de mois des « familles d’ouvriers dans lesquelles on ne mange pas à sa faim2 ».

4Même si on tient compte de cette relativité de l’événement, il demeure possible de discerner dans la production de presse actuelle les distorsions ou perversions que nous avons signalées en commençant. Encore faut-il voir quelle forme concrète elles prennent. À ce propos, on s’est livré à une enquête limitée, portant sur la manière dont deux organes de la presse écrite font de certains événements leurs manchettes de première page. C’est que la manchette est un point sensible du traitement de l’information. Désignant jour après jour le « sujet » principal retenu par une rédaction, la manchette témoigne à chaque fois d’une conception de ce qu’est un événement tout à la fois pour une équipe rédactionnelle et pour un public.

5Mais qu’est-ce qu’une manchette ? Le Style du « Monde », ouvrage qui énonce les règles auxquelles se conforme la rédaction du grand quotidien français, en propose la définition pragmatique et technique que voici :

Le titre manchette, réservé à la « une », se caractérise par sa concision. L'événement dont il rend compte ou qu’il annonce assure son efficacité. Le titre manchette est suffisamment Ion pour permettre de ne pas répondre à toutes les questions classiques : qui ? quand ? où ? quoi ? Les précisions nécessaires sont déclinées dans la sous-titraille avec îles puces.3

6Pour notre usage immédiat, on retiendra de cette définition trois points. C’est d’abord qu’aucune « politique » du titre manchette n’est proposée : nous ne saurons donc pas ce qui est pour Le Monde un événement, encore moins un événement digne de fournir le titre principal. C’est ensuite que, pour Le Monde, la manchette n’exclut pas les événements qui vont avoir lieu, les événements programmés ce qui mériterait discussion. Enfin est mis en évidence l’effet rhétorique de la « manchette » (concision, allusion), pointant le caractère spectaculaire de l’événement et son impact en manchette sur le lecteur.

Enquête exploratoire

7Pour les besoins de notre enquête, nous avons relevé pendant le seul mois de février 2003 les « titres manchettes » de deux quotidiens belges de la partie francophone. Nous avons opté pour deux journaux très différents. D'une part. Le Soir, journal « de qualité » situé politiquement au centre ; édité à Bruxelles mais diffusé dans toute la partie francophone du pays, il connaît un tirage tournant autour de 150 000 exemplaires. D’autre part, La Meuse, quotidien populaire et volontiers « populiste » paraissant en région liégeoise4 ; il appartient à l’ensemble Sud-Presse qui se décline province par province en différents titres, le tout tirant à 200 000 exemplaires.

8Le propos est simple. À partir d’une poignée d’exemples relevés sur ces deux quotidiens — 45 occurrences en tout - et en faisant jouer la comparaison, on voudrait se demander quelles sont les stratégies de titrage que l’on rencontre aujourd’hui et comment l’événement y trouve sa place et y prend forme. Il s'agira de voir comment, face à la tendance à certaine dissolution de la notion d’événement, face à certaine dérive de la pratique informationnelle, les deux organes de presse se comportent, c’est-à-dire résistent ou cèdent, et quelles leçons on peut tirer de leurs façons d’agir.

9Quelques remarques portant sur les deux journaux réunis pour commencer. Dans 7 cas sur 22, les manchettes des deux quotidiens renvoient au même événement, soit dans les numéros 1, 6, 8, 12, 13, 17 et 19 ou 20 (dans ce dernier cas, avec un jour de décalage entre eux)5. C'est peu si l’on tient compte de ce que les deux journaux sont grosso modo tournés vers la même actualité. La divergence peut aisément s’expliquer par la différence des visées et des publics. Pour Le Soir, le grand thème est l'Irak (on en est alors aux débats internationaux sur l’opportunité de l'intervention militaire) : 9 occurrences sur 23 : de façon plus générale, la politique domine largement les titres de ce quotidien : 17 occurrences sur 23. Pour La Meuse, où le thème politique est presque inexistant (3 occurrences relatives à l’Irak, 1 à une autre question), deux rubriques se partagent ici les suffrages avec la relative surprise que le social (7 occurrences) l’emporte sur le fait-divers (5 occurrences). Le thème dominant (5 occurrences) correspond aux menaces qui pèsent sur la sidérurgie en région liégeoise (fermeture annoncée de la « ligne à chaud » de production à l’usine Cockerill).

10Dans l’ensemble, l’impression prévaut d’un sérieux de l’information et d’une exigence dans la formulation du grand titre, plus avérés dans le cas du Soir, dont les manchettes tendent même à l’austérité. Cependant, les dérives existent et sont à peu près les mêmes de part et d’autre, comme on va le montrer. Mais ce sont des dérives feutrées et comme occultées. Une exception toutefois, et elle vient de La Meuse : en quelques cas, que l’on signalera, le quotidien liégeois rompt sans vergogne avec les règles du jeu, si ce n’est avec une certaine morale de presse.

11Quant au caractère feutré des dérives, il ressort du fait que différents événements font l’objet d’un traitement métonymique qui en affaiblit l'immédiateté et l’impact. Ainsi, parce que radios et télévisions ont tendance à suivre l’actualité d’heure en heure et à faire vieillir très vite l’événement, il ne reste à la presse écrite dans sa parution quotidienne qu’à ne pas le livrer dans sa forme brute mais plutôt à en évoquer les conséquences. C’est ce qui apparaît bien avec l’accident de la fusée Columbia, retenu par les deux journaux : « Le crash de Columbia pétrifie l’aventure spatiale », estime Le Soir (la)6 ; « La NASA savait-elle ? », se demande La Meuse (1b). Ainsi, déjà l’événement se dilue dans son commentaire.

Le Soir

12Avec sa force de rupture, la nouvelle « événementelle » présuppose une ponctualité sur la chaîne temporelle à laquelle la presse écrite ne peut toujours satisfaire. Aussi la voit-on tantôt « faire durer » l’événement récent qui a déjà basculé dans le passé (nous venons d’en voir l’exemple avec Columbia) et tantôt anticiper sur l’événement à venir et en quelque sorte préjuger de sa réalité. C’est ce que Le Soir fait en deux occasions (occurrences 3a et 12a), ici à propos d’un discours de Colin Powell à l’ONU et là de manifestations sur la guerre en Irak. Il est probable que la presse écrite a toujours procédé à cet étalement de l’événement sur la ligne du temps et ait ainsi fait durer l’événement : on est porté à demander du temps au temps lorsqu’il est question de titrer chaque jour. Mais, en toute rigueur, on pourrait objecter que les deux titres anticipatifs retenus par Le Soir ne méritaient pas de figurer en manchette. Ils laissent d'ailleurs l’impression d'une histoire sans surprise, où tout est déjà joué d'avance.

13On est d’autant plus sensible à ce figement de la durée que, par une sorte de glissement, on passe aisément pour suivre à des titres qui ne renvoient plus à un fait précis mais regroupent différents événements de caractère indicatif sous une même manchette. En somme, le quotidien se livre à un « point de la question » sur un thème de l’actualité et ouvre à ce propos une manière de dossier. Nous avons cru reconnaître quatre cas de cette espèce dans le quotidien bruxellois (8a, 1 la, 15a, 18a). Ici, un seuil est franchi. On n’est plus en présence de l’événementiel pur, mais on est passé à une manière de commentaire. C’est ce que révèle, dans les exemples, la légère modalisation de chacun des titres. Ainsi de « La Belgique, justicière du monde » (1 la) qui apparaît comme discrètement ironique et interrogatif. Bien entendu, rien n’est illégitime, encore moins interdit. Le procédé est cependant symptomatique d’une presse qui ne fait plus de l'informationnel sa pleine priorité. Même un journal aussi exigeant que Le Monde, s’il l’est encore, tire volontiers manchette de ce qui est plus un phénomène inscrit dans la durée qu’un événement au sens strict. Il y a quelques mois, il titrait sans humour : « Le social est de retour »…

14Différent est le fait de tirer événement du décryptage de documents — politiques ou autres - obtenus confidentiellement ou par indiscrétion, présentés sur le ton de « un vent favorable a déposé sur la table d’un de nos rédacteurs… ». Ainsi des exemples 4a et 5a. Ce sont bien là des nouvelles, et qui ne manquent pas de piquant. Mais, étant donné que, dans les cas cirés, elles ne contiennent guère de grosses révélations, elles perdent de leur caractère factuel pour se donner comme du texte sur du texte, — et, qui plus est, du texte « institutionnel ». Ces nouvelles relèvent bien davantage à nouveau du commentaire et de l’analyse que de la stricte information et ne méritent pas de figurer en manchette. Le quotidien franchit à peine un pas de plus lorsqu'il suscite lui-même le document de départ. C’est le cas en 23a avec l’entretien accordé au journal par le ministre français Dominique de Villepin à propos de la crise irakienne et qui s’intitule de façon claironnante : « Dominique de Villepin met Washington en garde ». On voit vers quoi tend ce genre de stratégie médiatique, qu’il s’agisse du document obtenu ou de l’entretien demandé. L’intention inavouée est de contrôler l’événement au point de le produire soi-même et de le déployer à sa guise selon le moment choisi. Grande commodité par laquelle on ne peut mieux suggérer l’image d’une presse en vase clos.

La Meuse

15En schématisant à peine, on peut dire que les tendances déviantes relevées dans Le Soir se retrouvent dans La Meuse, mais en y prenant une coloration particulière qui, à l’occasion, les accentue légèrement. L’assouplissement de la notion d’événement sur la ligne temporelle se pratique ici encore de façon prospective (1 b) autant que rétrospective (5b). Telle métonymie de la conséquence pour la cause peut d’ailleurs jouer sur les deux aspects temporels comme dans cette interpellation qui est manière de revenir — en annonce décalée - sur la grossesse d'une princesse, tout en anticipant sur son issue : « Un petit frère ou une petite sœur ? » (11b).

16Le journal pratique également la mise au point sur un thème à la façon du Soir ( 12b, 17b) avec, en deux des cas, le clair affichage du fait qu’il s’agit d’un dossier sans ancrage immédiat dans l’actualité : cela donne un « portrait » de Louis Michel, le populaire ministre belge des Affaires étrangères (9b), et une étude du travail clandestin accomplit par des Polonais en transit (22b). En revanche, et sans doute parce que la politique n’a pas ici droit à la manchette, on ne retrouve pas les décryptages de documents confidentiels propres à l’autre journal. En tient lieu la mise en évidence de déclarations faites par certains acteurs dans des affaires judiciaires en cours (2b, 20b). Le message peut alors prendre une allure « conative » et en appeler à la connivence du lecteur : « La dernière de Dutroux : “Il a protégé Julie et Mélissa” » (2b). On rencontre enfin, dans La Meuse comme dans Le Soir, un exemple d événement auto-produit à la faveur d’une interview : « La désillusion de B.B. Le Canada autorise le massacre d’un million de phoques » (3b). Pathétique, la nouvelle semble nous parvenir d’un très ancien Olympe et n’avoir plus trop affaire avec le réel.

17Louis Michel, Dutroux, Brigitte Bardot : la presse populaire affectionne, on le sait, la personnalisation des événements, voire leur vedettarisation. Cette tendance est à deux faces : elle donne à l’événement quelque chose de proche et de familier ; elle lui donne aussi une légèreté qui confine à la futilité. C’est ce que confirme l’un des rares titres consacré par La Meuse à la crise irakienne et qui se trouve accompagné d'une photo de Colin Powell : « Les Américains nous traitent de chihuahuas » (8b). Tronquant l’événement, pareil titre satisfait au précepte du Style du « Monde », recommandant les manchettes allusives.

18Dans le sens d’une tirraille qui se vide de contenu événementiel, La Meuse va franchir le seuil de tolérance en deux ou trois occasions. Passe encore de vouloir faire événement en titrant sur un record des gains obtenus au Lotto (7b). En revanche, faire manchette de conseils pour échapper à l’épidémie de grippe (23b) ou de l’annonce d’un supplément offert en cadeau aux lecteurs (10b), c’est définitivement bafouer l’information au profit de la communication et même de la plus racoleuse ou de la plus triviale. Mais ces « écarts » relèvent aussi d’une politique des titres manchettes qui manque de cohérence et procède par à-coups. Le quotidien liégeois semble à tout moment partagé entre la volonté de respecter l’événement quand il se présente et le désir d’être en prise sur le lectorat et de l’interpeller au gré des moyens les plus divers. De là que, en fonction de l’actualité, il bascule tantôt d’un côté et tantôt de l’autre.

Pour conclure

19L’examen des titres manchettes dans deux quotidiens belges pendant une période limitée ne peut donner que de fragiles indications sur l’évolution dans le traitement de l’information. Et d’autant plus fragiles que, pour les tendances observées, nous manquons de points de comparaison avec la presse du passé. On peut toutefois formuler quatre observations :

• les deux quotidiens privilégient l’information la plus visible au gré de leur stratégie et de l’image qu’ils ont de leur public, et cela sans prendre beaucoup de risque. Ce sera donc le débat sur l’intervention en Irak pour l’un, les menaces sur la sidérurgie liégeoise pour l’autre. Ce qui induit un laxisme avéré envers la ponctualité de l’événement : puisque le sujet fait recette, n’hésitons pas à l'inscrire dans la durée et à titrer à son propos de manière rétrospective et prospective. En même temps, cela veut dire que les mêmes journaux ne se risquent pas mettre en évidence des événements (de politique nationale ou internationale, par exemple) qui n’ont pas, malgré leur importance, la même présence et le même pouvoir d’appel ;
• lorsque, faute de ressources, les deux quotidiens sont cependant contraints de sortir de leur thématique « facile », ils trouvent des thèmes de suppléance d’une nature bien différente. Il s’agit tantôt du document confidentiel que l’on a pu obtenir et que l’on décrypte et tantôt du dossier sur une conjonction de laits. Dans les deux cas, du registre narratif qui est intimement lié à l’événement, on a glissé vers un registre qui tient à la fois de la description et de l'analyse. Le pseudo-événement s’annonce et le voilà qui pointe avec les événements suscités par le journal en forme d’entretiens accordés par des personnalités ;
• nous n’avons par ailleurs pas rencontré de cas où l’information serait indûment gonflée ou même manipulée. En revanche, offrir aux lecteurs un supplément Simenon ou leur donner des conseils pour combattre la grippe, c’est évidemment verser sans vergogne dans le discours communicationnel et promotionnel ;
• tout cela étant, il apparaît bien que se produit un effritement progressif de la notion d’événement, de la dimension temporelle où il s’inscrit et des valeurs qu’il peut incarner. Transformation ou dégradation ? Il est difficile d’en juger. On peut admettre qu’il s’agit là d’un simple assouplissement de la notion dans un contexte informationnel où la perspective à la fois politique et historique n'est plus trop prégnante. Mais que cela induise des artifices et des simulacres n’en est pas moins inquiétant pour l’avenir d’une presse d'information qui ne peine déjà que trop à justifier son existence.