Chapitre V. Les baigneurs, précurseurs de modernité
p. 103-130
Texte intégral
1Les baigneurs viennent en grande partie des villes. Plutôt privilégiés pour pouvoir prendre des vacances, ils pourraient servir de modèles aux populations locales. Néanmoins, désireux de profiter de la station balnéaire, eux recherchent un lieu de séjour agréable. Ils véhiculent alors en pleine campagne leurs exigences de la vie de tous les jours. Ils sensibilisent au progrès. La station balnéaire, pour les attirer, doit s’équiper de manière disproportionnée. Cependant, ces efforts sont de plus en plus difficiles à réaliser seuls, avec la massification du tourisme qui s’opère à la fin du xixe siècle. De nouvelles taxes réclament la participation des baigneurs, augmentant leur exigence, tandis que leur fidélisation devient difficile.
Une ambivalence des modèles
Entre modèle et mauvais exemple
2L’image des baigneurs est ambivalente. Venus de la ville, généralement perçus comme les privilégiés de la fortune, considérés comme des étrangers, les populations littorales attendent d’eux un comportement exemplaire. M. Martel, à Saint-Brevin, est confronté aux déprédations des baigneurs qui viennent se déshabiller dans ses vignes en 1897. Il ne comprend pas que sa clôture ait été arrachée et détruite « en partie par des gens qui devraient donner l’exemple de l’ordre1 ». Pour le curé de Saint-Pierre-Quiberon, M. Tristan, la station balnéaire de Penthièvre-Plage « se compose [en 1926] de 27 villas et de deux grands hôtels pendant la belle saison (15 juillet au 15 septembre), a une population variant entre 300 et 350 habitants, gens très sélects et très sérieux appartenant à la noblesse, à la magistrature, à l’armée, à l’industrie, au commerce2 ». La population devrait pouvoir faire confiance à ces baigneurs.
3Les curés sont majoritairement favorables à l’arrivée des baigneurs. Pour le curé d’Escoublac, « il ne faut pas, en effet, croire au loin, que sur nos plages même les plus mondaines, on ne pense qu’au plaisir et à de folâtres distractions. Non, ceci ne serait nullement vrai, pour La Baule en particulier. Là, en effet, j’ai rencontré depuis dix années [il écrit en 1908], les âmes les plus belles, les plus généreuses, qui savent user de leur fortune en faisant le bien. Voilà pourquoi je tiens à détruire un préjugé qui n’existe souvent que chez des gens moroses et même misanthropes. N’exagérons donc rien, et a priori, ne condamnons pas sans savoir, ces villégiatures qui ont leur raison d’être, et qui par ailleurs apportent en dehors de la fortune, souvent le bon exemple, et la courtoisie la plus délicate dans les relations sociales3 ». Le curé d’Escoublac, même quand la station devient plus mondaine, continue d’appeler les baigneurs à venir apporter soit une obole, soit un intérêt à la kermesse paroissiale dont le succès, en 1930, dépend chaque année de leur charité4. L’exemple fourni par les baigneurs demeure important. Le curé de Noirmoutier constate qu’à la Guérinière, « de très nombreux étrangers, en villégiature dans la paroisse, [se sont] joints à la population pour célébrer cette belle fête [du 15 août]. Il est d’ailleurs juste de reconnaître que beaucoup parmi nos hôtes d’été, surtout parmi les plus instruits, donnent l’exemple de la foi raisonnée et de la vie chrétienne5 ».
4Aucune paroisse n’échappe à l’appel aux baigneurs pour contribuer à la vie locale, même si l’étude du Finistère est plus difficile, faute d’éléments tangibles. Le curé de Quiberon en 1917 recommande aux baigneurs ses œuvres paroissiales et le Denier du culte, notamment pour financer l’embellissement de l’église6. En 1907, Mme Théobald Thibault vient, comme chaque année, à Noirmoutier passer la saison et participe généreusement aux œuvres de la paroisse, donnant cent francs, par exemple, pour l’école chrétienne des garçons7. Les oboles sont majoritairement dirigées vers l’école privée, que chaque curé, quand il en a une, s’évertue de développer. Les ressources de l’école de La Trinité-sur-Mer se composent en 1913 de 500 francs et des aumônes des baigneurs8. Des kermesses sont organisées dans ce but au cours du mois d’août. Dans certaines stations balnéaires néanmoins, la générosité des baigneurs est vainement attendue. À Piriac, en 1905, les baigneurs ne font aucune générosité ni à l’Église, ni au clergé : « Il y a quelques baigneurs assez riches ayant chalets à Piriac, mais ces gens-là n’ont pas la fibre religieuse et ne donnent guère que leur sou le dimanche. On ne peut compter sur leur zèle9. »
5La population locale entretient une certaine schizophrénie envers les baigneurs, modèles et démons. La dissipation des mœurs, selon les curés, se développe chez ceux qui côtoient les baigneurs. Émile Auzou, en 1897, condamne le comportement de certains baigneurs : « À Pornichet, des enfants de quinze ans ont déjà les paupières rougies de l’alcoolique ! Et les mauvaises mœurs, les brutalités, la malhonnêteté ont crû en proportion. Peut-on le reprocher à ces gens, quand les baigneurs, par le scandale de leur conduite, par la licence de leurs fêtes, de leurs chansons, ont donné un exemple d’autant plus pernicieux, qu’il partait d’un groupe social plus élevé et plus envié10 ? » Si le curé de La Bernerie-en-Retz, dès 1902, se préoccupe des danses dans le casino au jour des trains de plaisir, il s’inquiète aussi de la lecture de romans laissés par les étrangers dans les maisons qu’ils ont occupées11. Le curé de Palais explique que les causes de la perversion en 1929 se situent dans la nonchalance des parents, l’exemple des touristes en été, l’ambiance12. Le casino et le bal sont partout reconnus comme des fauteurs de troubles, la lutte contre le jeu et la danse restant un combat traditionnel de l’Église catholique. Le curé de Saint-Gilles-sur-Vie comprend que « les gens plus fortunés viennent ici pour jouir de la liberté en pays inconnu, où l’on se met à l’aise. Les plaisirs et les fêtes se multiplient. C’est la vie intense qui coule à pleins bords… […Cependant,] il ne faudrait pas venir à la communion un matin du 15 août et aller le soir au casino ou ailleurs exhiber des modes indécentes et danser à qui mieux mieux au détriment de la morale et de la foi13… »
6Si les baigneurs peuvent être des exemples moraux selon le modèle chrétien, ils peuvent également être porteurs des vices venus de la ville, influence néfaste sur les populations littorales.
Le casino, entre bienfaisance et débauche
7Le casino est un symbole de cette ambivalence. Équipement attendu dans une station balnéaire dans la seconde moitié du xixe siècle, il représente le lieu idéal pour les spectacles. Le commissaire de l’Inscription maritime des Sables-d’Olonne note que « le casino, dont l’inauguration a eu lieu le 1er juillet 1876, est venu ajouter aux agréments déjà nombreux dont la ville des Sables est dotée pendant la saison balnéaire, aussi les étrangers affluent-ils14 ». Nathalie Chabiland a montré que les termes pour désigner un établissement contenant une salle de jeux ou une salle de spectacle sont indifféremment utilisés au xixe siècle15, comme l’indique parfois le nom du Kursaal. Le guide Pornichet et ses environs par un groupe d’amateurs précise qu’un « élégant casino, appelé Kursaal, […] donne un coin de gaieté, de musique et lumière sur la plage. Les familles y vont avec leurs enfants. C’est un endroit où tous peuvent se distraire16 ». Cet établissement enthousiasme la population, puisque le premier casino de Pornichet avait fermé en 1907, et, malgré l’existence d’un casino à La Baule depuis 1904, son ouverture, le 12 juillet 1911, est appréciée : le journal La Mouette s’en félicite, car « l’animation et la gaîté d’antan sont enfin revenus dans Pornichet et tout le monde se félicite d’avoir un coquet établissement qui deviendra le centre des réunions mondaines17 ». En juillet 1936, la Maîtrise de la cathédrale de Nantes choisit la grande salle du casino de Pornichet pour offrir un grand concert vocal, événement rapporté par le curé dans son bulletin paroissial18.
8Le casino participe également à la vie municipale. Il peut être la propriété de la commune, dans ce cas directement impliquée pour accroître ses bénéfices. D’ailleurs, une circulaire du directeur de la Sécurité générale de 1885 autorise le jeu des petits chevaux, jeu de hasard apparu en 1875 et interdit en 1876, pour le bien des communes et toléré comme simple distraction19. Quand il appartient à un particulier, le casino contribue souvent au fonctionnement du bureau de bienfaisance. À Pornic, M. Buisson est autorisé à faire jouer des jeux d’argent. En contrepartie, il « fournira pendant la durée de la saison une troupe-comédie et un orchestre de six membres et qu’il donnera deux représentations dont la recette totale qui ne pourra être inférieure à 150 francs pour chaque représentation sera versée au bureau de bienfaisance de Pornic ». Après négociations, M. Buisson obtient de limiter le nombre des membres de l’orchestre à cinq et de ne donner qu’une représentation, avec une recette minimum de 300 francs, au profit du bureau de bienfaisance. La même année, la directrice de l’autre casino de Pornic (situé sur le territoire de la commune voisine, Le Clion), Mme Lelan, sollicite l’autorisation de faire jouer dans le Pavillon de la Source le jeu des petits chevaux, contre une somme de 50 francs au profit du bureau de bienfaisance de Pornic20.
9Les municipalités sont favorables à ce type d’établissements, générateurs de recettes. Le conseil municipal de La Bernerie-en-Retz estime que les jeux de hasard doivent être soutenus. Il reconnaît « que M. Patard, en installant à La Bernerie un casino avec orchestre et théâtre, a donné à [la] station balnéaire les attractions réclamées depuis longtemps et qu’à ce titre, il mérite d’être encouragé21 ». M. Patard est autorisé à continuer son activité, jusqu’à sa faillite, en 1911. En effet, pour cette municipalité, « beaucoup plus que les grandes villes d’eau qui ont d’autres ressources, les petites stations balnéaires ont besoin du produit et des redevances des jeux pour exécuter les travaux d’assainissement et les améliorations qu’on leur réclame22 ». Pour le conseil municipal de Quiberon, le casino doit répondre « aux besoins nouveaux de [la] station balnéaire, lui donner du confortable et un aspect digne de ce nom ; et permettant d’offrir [aux] nombreux habitués les distractions intellectuelles sur lesquelles ils sont en droit de compter23 ». À condition que la commune soit classée comme station balnéaire, thermale ou climatique, la nouvelle législation, avec la loi du 15 juin 1907, prévoit un prélèvement de 15 % sur le produit brut des jeux, au profit d’œuvres d’assistance, de prévoyance, d’hygiène ou d’utilité publiques24.
10Néanmoins, une partie de la population redoute l’implantation de jeux de hasard, essentiellement à cause de la population louche qu’un casino a la réputation d’attirer. Le vicomte René de Cornulier-Lucinière se félicite de l’implantation du Sanatorium des Frères de Saint-Jean-de-Dieu, inauguré en juillet 1893, et qui « a remplacé (combien avantageusement !) un casino qui n’avait pas sa raison d’être au Croisic, station essentiellement calme, où l’on vient avant tout chercher un peu d’isolement et de repos25 ». Louis Donnoul, commerçant aux Sables-d’Olonne, se fait l’interprète d’un groupe de commerçants et de pères de famille, il proteste de toutes ses forces, en 1904, « contre l’ouverture du cercle du Casino des Pins [sur le territoire de la commune voisine du Château-d’Olonne]. C’est une ruine pour le pays, pour nous commerçants sablais, et pour nos enfants surtout, car ce cercle qui est ouvert, ce qui est contraire à la loi, on y reçoit tout le monde, enfants, filles de mœurs légères, etc. Hier dimanche [23 octobre], j’étais écœuré par le racolage qui se faisait pendant le bal. Ce n’est plus un cercle, c’est un vrai tripot26 ». La Société amicale des propriétaires du Bois de la Chaise réprouve la demande adressée à la municipalité pour l’installation d’un établissement de jeux au café de la Potinière, à Noirmoutier, en 1930 :
« En dehors de quelques éléments étrangers, semblable établissement ne peut trouver parmi la population habituelle du Bois un aliment important sur lequel la commune puisse prélever une participation intéressante. Une installation de ce genre ne doit donc attirer qu’une clientèle étrangère peu désirable et nuisible pour la bonne tenue de notre plage. […] Notre opinion [a] pour but le désir de conserver au Bois de la Chaise sa tranquillité et son aspect familial27. »
11La crainte existe toujours qu’un établissement balnéaire de mauvaise réputation déteigne sur la station et la commune tout entière. L’attention est alors plus fixée sur la population qui le fréquente que sur l’institution.
Entre modestie et tape-à-l’œil
12Outre les bonnes mœurs, les populations locales pourraient être influencées par l’apparence physique des personnes étrangères. Néanmoins, dans de nombreuses stations de Bretagne et en Vendée, les baigneurs restent de condition modeste. Une partie d’entre eux habite à proximité de leurs lieux de villégiature au xixe siècle, conséquence des difficultés de voyager sur de longues distances. Les petites stations balnéaires sont caractérisées ou se caractérisent comme des stations de médiocre importance, sans les excès des stations mondaines. Léon Trebuchet, en 1887, s’adresse à ceux qui désirent le calme, appréciant les beautés de la nature :
« Belle-Isle ne ressemble, sous aucun rapport, aux plages de la Normandie, vers lesquelles les élégants accourent de tous côtés. Là, point de ces toilettes excentriques comme à Dieppe, Trouville, Dinard ou Pornichet. La vie s’y écoule calme, et, si l’on rencontre quelques baigneurs aux plages Hallan ou Ramonette, au port Guen ou au port Fouquet, ils ne s’y rendent que pour leur plaisir personnel et non pour attirer les regards28. »
13Avant la Première Guerre mondiale, les stations balnéaires bretonnes plus huppées ne drainent pas les masses les plus riches. En 1913, la clientèle du casino de Pornichet, la station balnéaire à la mode dans la presqu’île de Guérande, comprend surtout des personnes appartenant à la classe moyenne de la société, commerçants, fonctionnaires, petits rentiers29. Les petites stations balnéaires se targuent de n’avoir que de modestes familles. En 1936, « les mamans bénéficient du bon air de Saint-Marc, et même les papas dans la mesure de leurs vacances souvent plus courtes, et pour cause. Car les familles de Saint-Marc ne sont point du nombre de ces 200 familles dont on a tant parlé et qui fréquentent plutôt les grandes plages mondaines. Les habitués de Saint-Marc vivent bien plus de leur travail que de leurs rentes30 ». Si on excepte les stations balnéaires mondaines, selon ce curé, les autochtones peuvent côtoyer sans incidence les baigneurs, puisqu’elles se ressemblent.
14Pourtant, les baigneurs portent également avec eux les modes vestimentaires des villes. La toilette des femmes est particulièrement surveillée. À Royan, l’administrateur de l’Inscription maritime signale en 1866 que le produit de la location des meublés est dépensé dans ce but. Un de ses collègues, dans le quartier de La Teste (Arcachon), signale que « les habitudes et la moralité ont une large part d’influence sur la situation matérielle des pêcheurs… Malheureusement, le goût de la toilette gagne les filles de marins et avec lui viendra son cortège de vices et de misères31 ». Les touristes craignent d’ailleurs que leur présence ne l’emporte sur le quotidien des populations littorales : en 1879, « les mœurs, les costumes, les habitants, offrent une étude d’autant plus rare que les moyens de communication si rapides et si multipliés, ont enlevé aux provinces leur couleur et leur originalité en répandant partout une teinte d’uniformité et parfois de monotonie qui n’a pas encore atteint la Basse-Bretagne32 ». Le modèle de la foule élégante l’emporte. A. Gahéry prévient, dans les années 1900, les jeunes filles bretonnes : « En cédant à un courant fâcheux, en vous emparisiennant, vous perdriez le meilleur de vous-mêmes, vous perdriez tout ce que vous espériez gagner33. »
15La coquetterie féminine trouve son pendant dans l’ivrognerie masculine. Le phénomène est toutefois général. En 1918, quand Virginie Dumont-Breton revient à Douarnenez, elle retrouve les femmes qu’elle avait vues rustiques devenues des demoiselles de ville, jolies et coquettes34. La ville semble produire un effet dissolvant sur la volonté de travailler pour paraître. Venues du Nivernais, les deux bonnes de Jules Renard, entre 1905 et 1909, perdent le goût du travail au cours de leur séjour à Paris35. Dans les villes, les discours bourgeois du xixe siècle se plaignent constamment du luxe des apparences. Selon eux, la foule populaire préférerait « [manger] du pain sec toute la semaine plutôt que de renoncer à s’amuser le dimanche36 ». L’influence de la ville ne passe pas nécessairement par l’émigration. Selon Martine Segalen, l’ouverture des femmes sur le monde extérieur a peut-être été, dans les premières études historiques sur la condition des femmes, sous-estimée. Le développement des beaux costumes et des bijoux paysans lui semble être le signe d’un désir d’affirmation en tant que femme paysanne par rapport à la femme de la ville37. Le discours sur la coquetterie des femmes dans les stations balnéaires participe donc à un débat général orchestré par les autorités morales, discours qui n’est pas exceptionnel.
16Le curé de Saint-Marc proclame clairement que sa station ne cédera pas aux modes :
« Si pour imiter les miss phénomènes
Qu’on veut proclamer reines de beauté,
Il prenait envie aux plages mondaines
De mettre au concours leur célébrité,
Plutôt que d’entrer dans ce déballage,
Saint-Marc laisserait la palme au voisin.
Les objets placés pour faire étalage
Valent rarement ceux du magasin38. »
17Malgré cette déclaration, même les baigneurs des petites stations sont sujets aux modes. Au cours des années 1920 se popularise la mode du bronzage. Si les femmes sont les cibles régulières de la lutte contre le bronzage, essentiellement dans les années 1930, le curé de Quiberon n’oublie par les hommes en 1929, porteurs de costumes de sport39. M. Fruchart, dans L’Écho paroissial de Guilvinec, supplie en 1934 : « Quand donc nos plages reprendront-elles leur beauté… leur salubrité… morale… d’avant-guerre ? Que les mères puissent enfin sans rougir y conduire leurs enfants ! Que les âmes chastes sachent où poser leurs yeux ! Le bon air marin ne sera-t-il bientôt destiné qu’à l’humanité sans pudeur ? […] Croyez-moi, on était heureux autrefois… “sans excentricités” et sans “bains de soleil”40. »
18À Piriac en 1934, selon le curé, « c’est la rôtisserie de Babel. Sur toutes les plages du monde, un grand désir de cuisson a saisi l’humanité. Une paire d’épaules n’est respectable, en fin de vacances, que si le soleil l’a dorée, pelée, roussie, grillée et même trouée !… Souffrir pour être rôti, voilà le fin du fin, le chic, la mode. Au royaume des blancs, les nègres sont rois. On cite une actrice célèbre qui, pendant 15 jours, n’a pu dormir que couchée sur le côté à cause de son dos en capilotade. Elle n’en continuait pas moins à se faire abîmer sur la plage par les soi-disant rayons ultraviolets, et elle était prête à continuer jusqu’à la mort41 ». La petite station balnéaire de Saint-Marc n’échappe pas à cette tendance. Reprenant quelques rimes déjà parues en 1933, le curé observe :
« On voit peu chez nous la mode africaine
Ce nec plus ultra du civilisé
Quand elle surgit, c’est un phénomène
Ce n’est pas un cas généralisé.
Et nous essayons de lui faire entendre
Que l’on n’en éprouve ici nul besoin
Que l’on est en France, et que sans esclandre
Il vaut mieux aller porter ça plus loin42. »
19Il ne faudrait toutefois pas croire que le bronzage n’inquiète que les curés. Une dizaine de municipalités élaborent au cours de l’Entre-deux-guerres de nouveaux arrêtés encadrant la vie sur la plage. Le maire de Batz en 1938 interdit, pour les adultes et les adolescents des deux sexes, d’effectuer sur les plages des cures de soleil dans l’état de nudité absolue ou avec un simple caleçon de bain : « Une tenue décente est exigée43. »
20Certaines municipalités entrent même en conflit avec les baigneurs. Quelques baigneurs se plaignent ouvertement des interdictions concernant le port du caleçon. Dès 1934, une pétition de touristes à Tréboul signale que « les réflexions du garde champêtre chargé de faire recouvrir les torses n’ont aucune tendance à faire affluer les estivants44 ». À la suite d’un arrêté municipal à Loctudy, Mme Roullet est obligée, en 1936, selon les termes du garde champêtre rapportés par son mari, « d’aller s’habiller45 ». Le dévouement des gardes champêtres peut laisser penser que les autochtones sont d’une pudibonderie intransigeante, ce qui n’est pas le cas. Mme Roullet porte un short et un corsage découvrant le dos et, selon son mari, « la pudeur niaise du garde champêtre a fait sourire les personnes présentes ». La pétition à Tréboul comporte trois signatures (sur trente-trois) de marins-pêcheurs. Dans les années 1930, le tourisme est assimilé dans la mentalité des habitants du littoral, qui, généralement, acceptent ces intéressants visiteurs. Les condamnations paraissent être plus le fait de certains notables que de la population, relativement indifférente pour contenter les touristes.
21La presse populaire conservatrice ne va cependant pas hésiter à choisir la Bretagne pour condamner l’évolution des mœurs. Ronan Dantec et James Éveillard remarquent que, « plus ou moins inventées, ou en tout cas fortement déformées, ces images font de la Bretagne le bastion des “bonnes mœurs” ». Le Petit Journal, en 1927, fait sa couverture sur la punition des baigneuses trop coquettes. Les habitants d’un village breton, situé près d’une station balnéaire, mais dont on ne connaît pas le nom, ont accueilli deux demoiselles qui se promenaient en tenues de bains légères (adoptant le court) avec véhémence. Les caresses des orties et des ronces, orchestrées par les femmes en costume breton, sur les jambes et les bras découverts ont permis d’enlever à ces touristes le goût de se promener en maillot de bain, selon le journal46. Cette situation, si elle est avérée, apparaît plus pittoresque que commune.
22L’influence sociale des baigneurs va aussi se caractériser dans la recherche générale du progrès, permettant une vie jugée moins contraignante. Une station balnéaire doit s’équiper pour pouvoir accueillir une population toujours plus nombreuse, renforçant cet effet d’entraînement entre affluence et développement.
Station balnéaire, ville moderne
La ville propre
23La station balnéaire revêt rapidement les infrastructures venues de la ville. Elle doit donc savoir être propre. Or, l’eau est une denrée relativement rare ou difficile d’accès. Certains touristes prennent d’ailleurs conscience de l’importance de l’eau. Marius Sepet rapporte une anecdote cocasse à ce sujet, car, au Pouliguen, en 1892, « l’eau potable ne surabonde pas. Le jour même de [son] arrivée, une femme se présente à [son] nouveau domicile : “Je suis, nous dit-elle (du moins c’est ainsi que nous l’entendîmes), je suis la femme à Bonneau. – Qui est-ce que Bonneau ? – Je vous dis que je suis la femme à Bonneau. – Mais nous ne connaissons pas Bonneau. – Je suis, explique-t-elle enfin, non peut-être sans prendre intérieurement en pitié la tête dure des Parisiens, je suis la femme qui vend de la bonne eau.” Et, en effet, c’est elle qui, tous les matins, charriait de maison en maison dans un tonneau ce précieux liquide, dont une trop longue accoutumance nous dérobe ordinairement l’inestimable et providentielle valeur47 ». Dans le bourg de Bénodet, en 1888, la fontaine et le lavoir publics étant hors d’usage, les habitants sont réduits à solliciter à des particuliers de l’eau pour laver et de l’eau pour boire48. Les conditions d’hygiène sont donc, parfois, très discutables.
24Une circulaire du ministre de l’Intérieur, le 18 juillet 1908, invite les municipalités des stations balnéaires à prendre toutes les mesures d’hygiène utiles dans l’intérêt supérieur de la santé publique49. Dans le Morbihan, la commission sanitaire de Lorient et du conseil départemental d’hygiène signale en 1911 les stations balnéaires les plus déficientes sur ce point. Si l’état de Port-Louis ou Carnac paraît satisfaisant, la moyenne d’eau potable à Palais est très insuffisante (à peine 12 litres par habitant), l’alimentation en eau de Quiberon est précaire, l’épandage à La Trinité-sur-Mer est critiquable et le service de répurgation (ramassage des ordures) doit être repensé à Larmor et à Port-Navalo. Les dépôts de fumier souillent certaines rues de Damgan, où seule la rue principale est propre, de Saint-Gildas-de-Rhuys et de La Trinité-sur-Mer50. En 1912, lors de l’enquête ministérielle sur les conditions d’alimentation en eau potable et évacuations des matières usées dans les communes de plus de 5 000 habitants ou recevant une population saisonnière, la situation à La Bernerie, Le Croisic, Pornic, Pornichet et Le Pouliguen, est jugée désastreuse, eu égard aux villégiateurs51. D’autres stations balnéaires, comme Préfailles ou Saint-Brevin, sont aussi peu équipées, mais les enquêteurs indiquent surtout l’inadaptation des réseaux par rapport à l’affluence. Certaines municipalités sont conscientes de ces déficiences, mais les projets, qui doivent intégrer la présence d’une population saisonnière et donc un surcoût, nécessitent des emprunts et sont longs à réaliser. Le comité d’hygiène de Concarneau, en 1908, confronté à l’affluence des pêcheurs et des baigneurs, constate le manque d’eau potable par habitant et par jour : quatre litres sont disponibles l’été, quand il en faudrait cent pour une bonne hygiène52. La source captée depuis 1891 ne suffit plus. La commune s’équipe même parfois uniquement pour la population saisonnière. Le maire d’Escoublac presse les entrepreneurs en 1906, car il serait heureux « que les baigneurs sachent que le projet du service d’eau qui leur est destiné a reçu un commencement d’exécution53 ».
Carte 1. – Service d’eau.

25Les égouts sont un équipement complémentaire important mais dont la création n’est pas systématique. Pour réaliser un service d’égouts communal, il est souvent nécessaire de créer un service d’eau au préalable, car il faut pouvoir chasser les eaux usées. Les eaux usées sont, dans un premier temps, évacuées à la mer, en passant quelquefois par la plage. Le conseil municipal des Sables-d’Olonne désire en 1890 créer un égout collecteur sous les remblais de la plage car « les égouts de toutes sortes […] se déversent sur la plage : des eaux malpropres, des odeurs malsaines, voilà ce qui s’offre à tout le monde et ce qui occasionnent les justes réclamations des voisins et des étrangers ». Cet aqueduc est en place en 189554. Le conseil municipal de Préfailles juge en 1912 nécessaire de prendre des dispositions pour détourner les eaux survenant de l’égout et se déversant sur la plage, mais son projet d’assainissement est rejeté par la commission d’hygiène l’année suivante55. La présence des baigneurs oblige les municipalités à réfléchir au moyen de conserver un attrait touristique. Pour le conseil municipal d’Escoublac, la station de La Baule est dépourvue d’égouts en 1907, alors qu’elle est peuplée par 6 000 habitants pendant la belle saison. Cette station « a besoin de voir disparaître toutes les causes qui pourraient contaminer aussi bien l’air que l’eau56 ».
26À mesure que les conditions d’hygiène s’améliorent en France, les baigneurs deviennent plus exigeants, y compris dans les petites stations balnéaires. Un Parisien, en villégiature à Damgan en 1932, souffre du voisinage agricole : « En face de [son] écurie, ce cultivateur fait reposer son fumier sur la voie publique. De ce fumier, le purin coule jusqu’aux portes voisines. Pour aller chercher nos denrées, on passe à côté, les nuages des mouches et d’insectes nous volent à la figure et reposent sur nos peaux de lait57. » En 1937, la municipalité de Saint-Gildas-de-Rhuys sollicite le préfet du Morbihan pour hâter la solution d’un projet d’égouts, réclamés par une pétition de 106 signatures, mais pour lequel elle ne peut faire face seule à la dépense. Elle souhaite « ne plus entendre les observations désobligeantes des touristes chaque année plus nombreux58 ». M. Illiaquer dépeint, au conseil général du Morbihan, un bourg parcouru par un ruisseau infect qui ne peut qu’éloigner les baigneurs59. Le débat est redevenu national. En 1930, le ministre des Travaux publics signale, qu’à « l’heure où le gouvernement se préoccupe, à juste titre, de développer le tourisme et d’accroître les ressources nationales, il est de l’intérêt de toutes les municipalités de rendre leur commune aussi attrayante que possible pour l’étranger, en prenant des mesures d’hygiène et de propreté que baigneurs et touristes réclament chaque jour avec insistance. À cet égard, de nombreuses plages et stations balnéaires ont une fâcheuse réputation ». Il dénonce le déversement sur les plages ou dans leur voisinage des ordures ménagères et des vidanges, des errements propres à détourner les touristes français et étrangers60. Mme Dieulangard, propriétaire du chalet Etche Thipia à La Tranche, se plaint en 1934 d’un dépôt d’ordures ménagères sur un terrain mitoyen du sien, avec des ordures qui tombent dans son jardin, où elle ne peut aller tant il y a de mouches et d’odeurs nauséabondes61.
27La salubrité réclamée par les baigneurs est perçue, à certains endroits, comme un hygiénisme déplacé et excessif. Le maire de La Tranche trouve infondée la réclamation de Mme Dieulangard : « Mme Dieulangard ne paraît pas se rendre compte qu’elle habite à la campagne, au milieu des fermiers et cultivateurs, où il existe des étables, des écuries, etc. En faisant construire une maison en dehors de l’agglomération principale, la réclamante aurait dû comprendre qu’elle ne pourrait prétendre obtenir les avantages des villes ayant tout le confort moderne. Notre commune est très propre62. » Auguste Dupouy, dans son roman La Paix des champs paru en 1925, fait dire à M. Urvoy :
« Tu ne trouves pas qu’il y a une sorte de saleté dans l’étalage de son hygiène ? Quand ces étrangers sont venus au pays, c’est vrai qu’on n’y prenait pas de certains soins réputés élémentaires. […] Maintenant, tout ce beau monde n’a à la bouche que puisards, fosses septiques, chasses d’eau. […] Va donc faire le tour des roches, au bas de certaines villas d’où ne sortent que gammes, grands airs, etc. Tu verras tous les déchets de leur mangeaille, un charnier infect, arrosé d’eaux ménagères63. »
28Afin d’éviter que la station balnéaire ne soit submergée par les ordures, les municipalités tâchent d’organiser leur collecte. En effet, les dunes sont occupées traditionnellement par des dépôts d’ordures, comme à Saint-Pierre-Quiberon en 1804, où cet endroit ne sert « qu’à mettre des ordures que la mer jette, dont les habitants font pourrir, [et qui] produit souvent des odeurs très désagréables64 ». Conserver la plage propre est une préoccupation continuelle pour les stations balnéaires. Le maire de Noirmoutier, en 1901, interdit « de déposer aux abords de la plage des Dames et sur la plage même des détritus de cuisine ou toutes autres matières provenant des habitations voisines et pouvant, par leurs exhalaisons malsaines, nuire à la salubrité publique65 ». À Larmor-Plage, M. Lepage, conseiller municipal, demande en 1933 de faire rappeler par la voie du garde-champêtre à la population que les ordures ménagères sont enlevées trois fois par semaine et qu’elles ne doivent pas être jetées comme actuellement sur la plage66. Plusieurs scénarios sont possibles pour se débarrasser de ses déchets67. Dans les campagnes, comme à Clohars-Carnoët, à Locmariaquer ou aux Moutiers en 1912, chacun les emploie à son jardin. Plus souvent, ils sont récoltés soit pour, soit par, les agriculteurs. Escoublac, Pornic, comme Roscoff, mais aussi des grandes villes comme Vannes, Rezé ou Saint-Nazaire, procèdent à des ventes. Certaines communes placent les déchets dans un dépôt éloigné des maisons (Piriac), voire les jettent à la mer (Audierne, Camaret-sur-Mer ou Île-Tudy) ou à la rivière (Pont-Aven ou Saint-Michel-Chef-Chef). Il faut éloigner les déchets, ce qui n’est pas toujours simple.
Carte 2. – Ramassage des ordures.

29Quand le service de ramassage des déchets n’existe pas, les baigneurs tendent à l’organiser eux-mêmes. Le maire d’Escoublac se dit d’ailleurs, en 1907, « que le service de la répurgation qui jusqu’ici a été à la charge des différents syndicats, doit être municipal parce que c’est légal et que ce service, ainsi qu’il le comprend, sera mieux fait qu’auparavant68 ». Le conseil municipal de Pornichet accorde, en août 1900, une subvention de 30 francs pour M. Orêve, jardinier à Sainte-Marguerite, qui se charge de faire le service de répurgation dans le quartier balnéaire de Sainte-Marguerite pendant la saison. Ces subventions sont étendues en 1901 à Pornichet-les-Pins pour Léon Letexier, également jardinier, pour 200 francs, et au Vieux Pornichet et Bonne-Source pour Joseph Turquetin pour 130 francs. La subvention de M. Orêve est augmentée à 40 francs, en plus des rétributions versées personnellement par les propriétaires intéressés69. D’ailleurs, quand la municipalité le met en place, le service de répurgation n’a souvent pour clientèle que la partie balnéaire. En 1910, le répurgateur de Saint-Jean-de-Monts « devra ramasser le jeudi de chaque semaine du 1er juillet au 1er octobre les ordures déposées par les baigneurs au voisinage des chalets. Il ne sera pas chargé du balayage [un service des boues et immondices est déjà en place], mais seulement d’enlever dans sa voiture les ordures déposées en tas ou dans les boîtes70 ».
30Certaines stations balnéaires considèrent toutefois que le service de répurgation doit être étendu à toute la commune. Celui de Pornichet n’a lieu en 1904 que pendant quatre mois de l’année, du 1er juin au 30 octobre, dans la partie balnéaire. Pour satisfaire aux réclamations des habitants, le conseil municipal décide d’organiser un service complémentaire, pour les huit autres mois de l’année, une fois par semaine71. La répurgation est demandée en 1933 durant l’hiver dans le quartier de la Plage à Saint-Jean-de-Monts72. Le service de répurgation est pourtant souvent dépassé pendant la saison. À Piriac, en 1928, le conseil municipal se plaint que « l’enlèvement des ordures ménagères est l’objet d’une dépense assez importante pour la commune et que cette dépense augmente chaque année de plus en plus et que le service est quand même très insuffisant, le nombre de villégiateurs augmentant sans cesse ». Le maire propose une taxe d’enlèvement des ordures ménagères portant sur les propriétés assujetties à la contribution foncière des propriétés bâties73. Le conseil municipal de Saint-Gilles-sur-Vie signale que « le service de répurgation tel qu’il est fait actuellement est loin de donner satisfaction à la population, surtout en saison d’été74 ». Il est néanmoins devenu un élément essentiel pour la propreté quotidienne de la station balnéaire.
La ville lumineuse
31La lumière est une caractéristique de la ville moderne. En 1877, le maire de Poullan, Auguste Chancerelle, en fait très favorable à l’érection en commune de Tréboul, clame qu’il « faut à Tréboul de l’eau, de l’éclairage, un marché, un alignement pour ses rues étroites et malsaines ; en un mot, tout nous manque75 ». L’éclairage est un élément de modernité, donc une nécessité pour une station balnéaire. Toutefois, une contradiction émerge : l’éclairage des rues est surtout nécessaire quand les nuits sont longues, donc en hiver. À Concarneau, l’année d’éclairage au gaz en 1866 comprend six mois, de janvier à mars et d’octobre à décembre. Chaque mois a au moins vingt soirées d’éclairage, « attendu qu’il y a dix à onze jours éclairés par la lune76 ». Les premiers éclairages se concentrent sur des endroits stratégiques. En 1834, la municipalité du Croisic désire établir quelques réverbères sur les quais, « pour prévenir les accidents qui arrivent trop fréquemment faute d’éclairage77 ». L’éclairage pendant l’été permet de connaître les intentions des autorités envers les baigneurs. Le conseil municipal des Sables d’Olonne prévoit « la pose de nouveaux réverbères et de l’éclairage nouveau du Remblai et de la place Henri IV pendant la saison des bains », en 186378. Le conseil municipal de Port-Louis décide en 1889 de commencer l’allumage des becs de toute la commune au mois d’août, et non au mois d’octobre, « afin de rendre la circulation dans la ville plus facile le soir pour les étrangers ». Cette dépense s’élève à 150 francs pour les deux mois en plus79. Les stations balnéaires vont éclairer les soirées estivales. Par contre, en 1935, le conseil municipal de Guilvinec récemment élu, majoritairement pêcheur, supprime l’éclairage des rues pendant l’été, sauf sur le quai80. Cet équipement est donc clairement dévolu aux pêcheurs, tandis que la petite colonie de baigneurs n’en profite plus. L’éclairage l’été peut aussi être supprimé par souci d’économie, comme à La Trinité-sur-Mer, en 1935, alors que M. Rigoine, conseiller municipal, le juge nécessaire et utile pour les baigneurs81.
32L’éclairage électrique, nouveau mode d’éclairage à la fin du xixe siècle, relance l’engouement de l’éclairage dans les stations balnéaires. En 1892, le ministre de l’Intérieur observe que « le développement qu’a pris depuis plusieurs années l’application de l’électricité aux divers usages de la vie publique et de la vie privée tend à amener d’importantes modifications dans certains services communaux tels que celui de l’éclairage où jusqu’ici le gaz jouait un rôle prépondérant82 ». La lampe à incandescence en France, présentée à l’exposition internationale d’électricité à Paris en 1881, dissipe les craintes envers l’éclairage électrique, notamment sur la dangerosité pour la vue83. Le maire de Pornic signe un cahier des charges en 1894 pour éclairer par ce moyen les voies publiques et les établissements communaux du coucher du soleil jusqu’à minuit tous les jours. L’éclairage est prolongé les jours de fête, c’est-à-dire lors de la fête nationale, les régates et la nuit de Noël84. Au début du xxe siècle, l’éclairage électrique est un équipement impératif pour une station balnéaire. Une pétition en 1913, émanant d’habitants et de propriétaires de Pornichet, désire obtenir cette installation dans la commune. Le directeur de l’éclairage au gaz de Pornichet, M. Regnault, décide d’étudier les moyens de satisfaire la population, soit en distribuant du courant fourni par la Société d’énergie électrique de Basse-Loire, soit en le produisant85. Les municipalités ne peuvent passer outre les contrats qu’elles ont établis avec les sociétés de distribution d’énergie. Seules la faillite ou l’impossibilité de fournir le service, nombreuses sous la Première Guerre mondiale, permettent de discuter avec un nouvel interlocuteur. Le conseil municipal de Saint-Brevin, qui précise que la plus forte consommation du gaz était faite par les baigneurs, indique ainsi que l’éclairage public a été supprimé dès le début de la mobilisation. Il demande une concession de réseau électrique dès octobre 1917, puis en juin 191886.
33Dans l’Entre-deux-guerres, l’électricité, aidée par le développement des réseaux, rejoint toutes les stations balnéaires. Le maire de Piriac s’entretient avec l’ingénieur de la compagnie d’électricité et les propriétaires des villas de la côte en 1925. Est décidé l’éclairage du bourg et de Lérat, mais le conseil municipal demande la participation des propriétaires des chalets intéressés87. L’ouverture du réseau de distribution d’énergie électrique se déroule d’ailleurs souvent avant ou au cours de l’été, comme à Saint-Gilles-Croix-de-Vie au cours de l’été 193288. Cependant, toutes les stations balnéaires ne précèdent pas les autres communes dans ce mouvement d’équipement. La question de l’éclairage ne commence à apparaître qu’en 1928 au Guilvinec, et qu’en 1933 à Notre-Dame-de-Monts, avec l’électrification de la commune. La question de l’éclairage concernera, alors, les villages en écart.
La ville communicante
34Pour satisfaire le baigneur, la station balnéaire doit pouvoir communiquer avec l’extérieur. Au xixe siècle, la communication passe essentiellement par la poste. Or, au début du siècle, les bureaux de poste sont éloignés dans les campagnes. Malgré la loi de 1832 et la création d’un service rural, des communes en Bretagne et en Vendée sont longtemps à l’écart de la présence quotidienne du facteur. Cyril David note que, d’après l’inspecteur des Postes, 34 communes morbihannaises ne sont encore, en 1860, desservies que tous les deux jours89. Le conseil municipal de Fouesnant se plaint d’être un chef-lieu de canton en 1860 sans bureau de poste, un avantage dont jouissent alors presque tous les autres cantons du Finistère90. Comme station balnéaire, la commune n’est plus seulement une population agglomérée, elle est également un point d’accueil de population flottante. En 1847, le conseil municipal de Saint-Gildas-de-Rhuys s’appuie explicitement sur la loi de 1832 et surtout sur l’affluence que les bains de mer attirent chaque année pour réclamer une desserte régulière de la commune, tous les jours91. Les conseils municipaux ne manquent pas d’utiliser l’argument balnéaire pour obtenir une meilleure desserte postale.
35De plus, la poste étoffe au cours du xixe siècle la gamme de ses services, comme les mandats. Le conseil municipal de Batz se plaint particulièrement du service du facteur-boîtier, qui a pour mission, après avoir distribué le courrier, de tenir le service de guichet quelques heures pendant la semaine, mais qui n’est « plus désormais en rapport avec les besoins de la population ». Il indique les nombreux griefs que l’on peut en 1869 reprocher à cette organisation jugée inappropriée :
« Les habitants et surtout les nombreux étrangers qui fréquentent la commune pendant la saison des bains se plaignent journellement de ne pouvoir expédier immédiatement un mandat de poste ou de ne pouvoir toucher le montant et de se voir continuellement obligés de se transporter au Croisic ou au Pouliguen pour le faire. De plus, il arrive assez souvent que ces bureaux n’ont pas les fonds nécessaires pour payer immédiatement les mandats92. »
36S’y ajoute plus fréquemment l’impossibilité pour ceux qui reçoivent un courrier pour affaires d’y répondre le jour même, à moins de se déplacer au bureau de poste le plus proche, dans une ville voisine.
37Au cours du xixe siècle, le réseau postal se construit à partir des chefs-lieux de canton. Les communes littorales tendent toutefois à obtenir plus rapidement leurs bureaux de poste. Pierre Demangeon avait déjà remarqué l’adaptation des services postaux à la clientèle qui vient en saison sur le littoral normand. Le bureau de Touques desservait ainsi l’agglomération de Trouville, avant que celle-ci ne se développe sous la monarchie de Juillet avec le succès de la villégiature balnéaire93. Le même phénomène se retrouve sur le littoral nord-atlantique. Il suffit de comptabiliser le nombre de bureaux répertoriés dans les Dictionnaires des Postes pour se rendre compte de l’énorme évolution du réseau postal en moins d’un siècle, entre 1835 et 1913. Les communes littorales profitent d’un contexte économique favorable au cours du xixe siècle, avec l’industrialisation de la pêche et le développement de l’activité balnéaire. Pour 137 communes littorales, de Brest à l’Aiguillon-sur-Mer, on compte, en 1913, 67 bureaux de poste, soit un ratio de 1 bureau pour 2 communes littorales, contre 16 bureaux en 1835 (ratio de 1 pour 8,5). Les communes littorales de la Loire-Inférieure possèdent ainsi quasiment toutes (sauf Assérac et Sainte-Marie) un bureau de poste ou le service d’un facteur-receveur, nouveau terme pour le facteur-boîtier. Il faut néanmoins reconnaître que le ratio pour les communes littorales en 1835 présentait déjà une meilleure desserte que pour les communes de l’intérieur. Il arrive aussi que l’administration postale décide de créer un bureau de poste saisonnier avant d’opter pour une installation définitive. Le Dictionnaire des Postes de 1881 en signale un à Préfailles. Paul Myon spécifie que ce bureau de poste et télégraphe ouvrait du 15 juin au 30 septembre94. En 1913, le bureau de poste de Préfailles fonctionne à l’année.
38Au fil de leur banalisation, d’autres modes de communication plus rapides, comme le télégraphe et le téléphone, dont l’installation peut d’ailleurs être facilitée par la présence d’un bureau de poste, sont réclamés par les baigneurs. Quelques communes profitent d’un télégraphe installé dans une perspective militaire, lors du programme de 1859 : un poste est établi à Noirmoutier, aux Sables-d’Olonne, au Croisic et à Quiberon. Les lignes télégraphiques suivent également les lignes de chemin de fer et il est possible de télégraphier à partir des gares. L’importance du commerce milite en faveur de l’installation du télégraphe. La présence des baigneurs sert surtout de deuxième argument, toujours lié aux affaires commerciales. Après une première demande en 1864, le conseil municipal du Pouliguen fait observer que le besoin en devient chaque jour plus prononcé, car recourir aux bureaux voisins du Croisic ou de Guérande n’est pas une solution : « Une notable partie des habitants du Pouliguen réclame un bureau et […] les nombreux baigneurs qui contribuent à la prospérité de la commune, se plaignent tous les ans qu’il ne soit pas encore établi95. » Face à un coût important, certaines communes à l’affluence balnéaire trop faible jugent qu’elles y ont peu à gagner, comme Saint-Gildas-de-Rhuys en 1876, ou que les ressources communales ne sont pas suffisantes, à l’instar de Saint-Hilaire-de-Riez en 1895.
39Les communications avec l’extérieur sont également possibles grâce aux sémaphores. Mme Cado relate que, dans les années 1880, « il n’y avait pas de bureau de postes à Piriac, par conséquent pas de télégraphe, ni de téléphone. Pour envoyer les télégrammes, il fallait aller au sémaphore, et c’est aussi par les soins du service sémaphorique que les dépêches étaient apportées à domicile96 ». L’ouverture au public du service du sémaphore n’est pas exceptionnelle. Dans certains sémaphores de Normandie, situés à proximité des lieux touristiques, les guetteurs améliorent grandement leur paie. En 1894, celui de la Hague, avec plus de 1 000 francs de bénéfice par ce biais, la double97. Malheureusement, la destruction, lors de la Seconde Guerre mondiale, des documents afférents à ce sujet ne permet pas d’en faire une étude exhaustive pour le littoral nord-atlantique. Ce service télégraphique puis téléphonique au public perdure. En 1929, le service à Beg-Meil est assuré par les guetteurs sémaphoriques, donnant toute satisfaction aux usagers. En 1930, la Marine doit même refuser le rattachement des abonnés au poste central téléphonique du sémaphore98, craignant sans doute que les guetteurs ne soient détournés de leur mission première.
40Au début du xxe siècle, des baigneurs critiquent l’absence de téléphone, objet pourtant très décrié. Dès les années 1880, le thème du téléphone trop cher en France se développe, relayé vers 1900 par une image d’amusement et de luxe99. Les municipalités sont rarement les premières à le réclamer. Le conseil municipal de Saint-Gilles-sur-Vie ne fait qu’encourager MM. Faucheux et Leday, négociants à La Roche-sur-Yon, à établir eux-mêmes la ligne téléphonique qu’ils réclament, même s’il a jugé en 1899 l’intérêt du téléphone pour le commerce100. Les baigneurs décident parfois l’installation chez l’un des leurs d’un service téléphonique pour le public. En 1905, le syndicat des Propriétaires et commerçants de Pornichet-les-Pins, pour le bien du quartier, fait installer une cabine téléphonique à ses frais, au domicile de son trésorier, M. Laisné. Ce téléphone, dont l’installation prend du retard, doit être utile aux baigneurs et aux étrangers101. La mise en place des réseaux départementaux – à partir de 1899 en Loire-Inférieure et au Morbihan, de 1905 au Finistère et en Vendée – permet aux municipalités d’unir leurs efforts pour la mise en place des lignes. Noirmoutier étudie l’audience que peut avoir le téléphone dans la commune : « Dans la ville et dans le village de l’Herbaudière, il y a 18 personnes qui emploieraient le téléphone à la station balnéaire, il est indiscutable que ce réseau sera largement employé pendant trois mois de la saison mais cette population étant essentiellement mobile, il est très difficile de donner des chiffres. » La municipalité décide tout de même de financer la ligne Beauvoir-Noirmoutier102. Le téléphone se diffuse, disponible soit dans un bureau de poste, soit chez un particulier. Peu à peu, le téléphone investit les domiciles : selon la municipalité, la plupart des habitants de Fromentine ont le téléphone chez eux en 1928103. Ce phénomène se renforcera avec l’apparition du téléphone à pièces, installé dans la rue.
41La station balnéaire réclame donc, tout au long du xixe siècle et surtout au xxe siècle, un ensemble d’équipements, plus ou moins onéreux. Ces exigences naissent, néanmoins, d’un discours entre les baigneurs et les populations locales, qui profitent elles aussi de ces progrès.
L’apport du progrès
La modernisation facilitée
42Les efforts nécessaires pour satisfaire les baigneurs coûtent chers, car les premiers équipements sont à la charge exclusive des habitants permanents. Or, les stations balnéaires sont souvent des petits villages aux moyens limités. L’idée de taxer les baigneurs émerge donc à la fin du xixe siècle. Les taxes touchent d’abord les biens balnéaires, comme la cabine. En 1870, le conseil municipal de La Bernerie-en-Retz désire taxer les cabines de bains, car la commune « n’en retire aucun avantage ». En 1873, il réitère sa demande, cette fois motivée, pour « planter des arbres et arbustes en avant des cabanes pour donner de l’ombrage à la saison des bains104 ». Le maire de Pornic réclame en 1875 un droit d’octroi pour financer des équipements : « Le chemin de fer ne peut pas contribuer seul à accroître l’affluence des étrangers à Pornic pendant la saison des bains, et […] il est indispensable que la Ville s’impose des sacrifices pour procurer à ses visiteurs, ainsi qu’à ses habitants qui seront les premiers à en profiter, toutes les commodités et les agréments qu’ils rencontrent dans les autres pays, tels que éclairage des rues, promenades diverses, service d’eau, et en général le plus de confortable possible et ordinaire. Or le budget communal est d’une insuffisance notoire pour l’entreprise de nouveaux travaux. » Le conseil municipal refuse cependant, car il estime que l’octroi mécontenterait la population105.
43La solution vient d’Allemagne, où une taxe instituée lors des séjours dans les stations thermales permet l’amélioration de la ville. La France décide de copier ce modèle tardivement, avec la loi du 13 avril 1910 qui instaure la cure-taxe. La cure-taxe doit faciliter le traitement des indigents et favoriser les embellissements et travaux d’hygiène et de salubrité des stations climatiques. Dès décembre 1910, le maire de Saint-Nazaire signale, face au scepticisme d’un conseiller municipal concernant l’implantation du téléphone à Saint-Marc, que les baigneurs « seront appelés, un jour, à verser une contribution spéciale pour les améliorations à apporter à la station ; le projet est à l’étude106 ». Pour pouvoir percevoir la taxe de séjour, il faut toutefois être classé en tant que station thermale ou climatique. L’adoption d’une nouvelle taxe n’enchante pas toutes les stations balnéaires. Conscient que l’opinion s’est emparée du sujet, le conseil municipal de Pornichet y est favorable en 1912, à condition que toutes les stations balnéaires de la région en demandent simultanément le bénéfice, car il craint de perdre de la clientèle107. Les congrès réunissant les stations balnéaires et thermales font connaître les applications de la loi. Le conseil municipal des Sables-d’Olonne constate, en 1912, que « les stations balnéaires, en général, ne sont pas très riches. Cependant, ceux qui les fréquentent les veulent toujours plus confortables, luxueuses même ». Il précise que, durant le congrès des Plages de l’Océan, tenu à La Rochelle, quatre grandes stations – Biarritz, Arcachon, Royan, Les Sables-d’Olonne – ont pris l’engagement ferme de proposer à leurs conseils municipaux d’instituer la cure-taxe, l’appliquant le même jour et dans des conditions identiques ou comparables108. Une probable campagne de démarchage a lieu en 1912 et 1913, car une partie des stations balnéaires du nord-atlantique se préoccupe alors de cette question, même si les stations balnéaires sud-finistériennes s’en désintéressent parfaitement Le conseil municipal de Saint-Gilles-sur-Vie, découvrant qu’une douzaine de stations balnéaires ont l’intention de créer la taxe de séjour, se montre favorable à son principe, mais en ajourne l’application109 – notons que le conseil municipal de Saint-Gilles-sur-Vie est le seul à employer le terme de taxe de séjour à ce moment-là. Piriac ne s’embarrasse pas de loi : en 1911, la municipalité vote une taxe de séjour sauvage, car « si la présence des étrangers à Piriac est une source de revenus pour les habitants, il en résulte aussi pour la commune un surcroît de dépenses, comme celles nécessités par le service de répurgation110 ». La taxe de séjour sauvage n’est acceptée longtemps par l’Administration puisqu’en 1913, elle demande son classement comme station climatique pour percevoir légalement la taxe111. Léon Auscher, ardent partisan, concède, en 1920, que la cure-taxe n’a pas connu un grand succès112.
44La loi du 24 septembre 1919, qui réorganise cette taxe, obtient un plus large écho, d’autant que le tourisme apparaît comme un élément de rapatriement de l’or dépensé pendant la guerre. Léon Auscher se félicite de cette loi, qui « rend la taxe de séjour obligatoire dans toutes les stations hydrominérales et climatiques. Elle a créé, en outre, un statut spécial pour les stations de tourisme, lesquelles pourront également, à l’avenir, instaurer chez elles la taxe de séjour113 », sans les jeux d’argent. Selon le Guide pour l’application de la loi du 24 septembre 1919, les communes « ne doivent pas craindre que la perception de la taxe empêche les touristes de les visiter : l’exemple des stations allemandes et celui des stations françaises qui perçoivent la taxe en application de la loi de 1910 en sont la preuve. Leur développement a été beaucoup plus rapide que celui des stations qui ne perçoivent pas la taxe. Les travaux qu’elles ont pu entreprendre pour l’agrément de leur clientèle ont compensé amplement pour celle-ci le léger sacrifice qu’on lui a demandé sous forme de taxe114 ». Les demandes affluent en 1920 et 1921, quoiqu’une certaine incompréhension des catégories existe. Le maire de Pornichet communique que la station de tourisme, classement que demande la commune, n’est pas autorisée à recevoir des jeux d’argent. La municipalité s’empresse de solliciter le classement de la commune en station climatique115.
45Toutefois, pour pouvoir être station reconnue, il faut maintenant s’engager à respecter la loi du 23 mars 1919, sur les plans d’aménagement, d’embellissement et d’extension, qui s’applique aux villes de plus de 10 000 habitants, aux villes de plus de 5 000 habitants avec un développement important de leur population, aux communes qui reçoivent plus de la moitié de leur population pendant une période de l’année. Cette loi avait été déposée à la Chambre des députés le 22 janvier 1909, sans doute nourrie par les enquêtes effectuées en matière d’hygiène. Il s’agit de prévoir et contrôler le développement futur de la commune, avec normes pour la voirie et espaces publics, et un programme déterminant les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques. Le conseil municipal de La Bernerie-en-Retz, qui s’intéresse à son classement en station de tourisme depuis juin 1920, rappelle qu’au point de vue touristique, « la Bernerie peut se considérer comme déjà classée par l’opinion publique […] ; les ressources en eau potable répondent à tous les besoins et les mesures déjà prises pour l’évacuation des eaux usées vont encore être développées par la mise en application du plan d’aménagement et d’embellissement de notre plage116 ». Une nouvelle loi, adoptée le 19 juillet 1924, complète la première loi. Elle renforce le pouvoir du maire et du préfet en ce qui concerne le regard envers les projets de lotissements, notamment sur les espaces libres (places, terrains de jeux) et les emplacements destinés à des édifices et services publics.
46Toutes les nuisances doivent être écartées. Néanmoins, pour éviter une ponction trop importante des baigneurs, la loi de finances du 26 mars 1927 porte le maximum du tarif de la taxe de séjour dans les stations de tourisme de 2 à 3 francs par personne et par jour de séjour117. Or, à mesure que les années passent, obtenir le classement devient plus difficile, car de nouvelles lois, comme celle du 16 avril 1933 sur les abattoirs, concernent l’équipement des stations classées. Le préfet du Finistère prévient le conseil municipal de Penmarc’h, commune classée depuis 1921, que les communes classées stations touristiques ou balnéaires doivent, dans un délai de trois ans, remplacer les tueries existantes par un abattoir municipal118. Cette nécessité n’est pas discutée par la population. En 1926, à Carnac, « il y a cinq tueries particulières dans le bourg dont les détritus sont déversés dans les égouts, ce qui répand une odeur épouvantable et pourrait être cause de maladies épidémiques ». Un abattoir est jugé indispensable et le projet d’un abattoir intercommunal est décidé en 1934119. La loi subventionne les projets, ce qui accélère leur réalisation, mais oblige les stations classées qui n’en étaient pas pourvues – généralement les plus petites – à s’équiper. Pour Bénodet, la dépense, qui représente en 1934 plus de 10 % des recettes municipales et quasiment six fois l’excédent du budget de 1933, est excessive et ne peut se faire sans subventions. Le conseil municipal optera d’ailleurs, en 1938, pour un projet plus modeste120.
47Les plus petites stations balnéaires sont perplexes. Pour le conseil municipal de Piriac, la taxe de séjour risque de ne pas couvrir les dépenses occasionnées par la perception des taxes, le fonctionnement de la chambre d’industrie touristique et les autres frais généraux. Après avoir demandé son classement en 1920, avec une estimation de perception de 4 000 francs grâce à la taxe de séjour (soit l’équivalent d’un cinquième des recettes municipales de 1920), il ajourne le sujet en 1922121. Larmor-Plage en vient même à demander son déclassement de station touristique en 1939, en raison des charges imposées à la commune, notamment la construction d’un égout au prix jugé exorbitant122. La mise en place des taxes, dans les années 1920, indispose certains élus. En 1937, le conseil municipal de Penmarc’h désire que les marins qui louent la saison soient exonérés de toute patente, car ils le font pour se « procurer ainsi le pain qu’ils ont besoin pour vivre, et quelque argent qui les aide à payer les dettes qu’ils ont contractées pour construire leurs maisons et qu’ils n’ont pas encore payées123 ». Certaines stations optent pour la taxe sur les locaux loués en garnis, autorisée par la loi du 13 août 1926. Après avoir fait une demande de classement comme station de tourisme pour la section de Saint-Marc en 1920, le conseil municipal de Saint-Nazaire choisit en 1926 cette solution jugée plus simple124. Le conseil municipal de La Barre-de-Monts essaie, pour l’année 1930, l’établissement de cette taxe, dont le taux est fixé à 4 %. Elle est renouvelée les années suivantes125. Néanmoins, le réflexe de protéger les baigneurs empêche qu’elle se généralise dans toutes les stations balnéaires. Le conseil municipal de Notre-Dame-de-Monts fixe le taux de la taxe à 4 %, mais en exclut les maisons louées pour les bains126. Le but est de ne pas perdre en compétitivité, dans un secteur touristique où la clientèle est devenue, dans l’Entre-deux-guerres, difficile à fidéliser.
48Les bénéfices amenés par la présence des baigneurs ne sont pas qu’économiques, ils peuvent être sociaux. Les régates sont un bon exemple de ces échanges entre baigneurs et autochtones, qui évoluent au cours des xixe et xxe siècles.
Les régates, divertissement instructif
49À leurs débuts, les régates constituent une manifestation de pêcheurs, qui participent à la vie festive de la commune. Le maire de Concarneau précise que, « dans le but de donner à la fête agricole qui se prépare dans notre commune pour le 12 septembre [1859], toute la solennité possible, il est question d’organiser des régates d’amateurs auxquelles prendraient également part nos bateaux de pêche127 ».Toutefois, la présence des baigneurs n’est jamais bien loin, notamment dans la motivation de cette animation. Le préfet de Vendée concède en 1856 que les régates, organisées depuis deux ans par la municipalité des Sables-d’Olonne à l’occasion de la saison des bains de mer, ne sont encore que des fêtes locales, à cause des ressources restreintes de la commune, mais elles jouissent d’un véritable éclat grâce au grand nombre de baigneurs et à l’émulation des marins locaux et des ports voisins128. Bien que ce soit la saison balnéaire qui ait commandé ces courses de bateaux, ce sont les pêcheurs qui ont permis leur réalisation. Alain Cabantous remarque une appropriation de la fête maritime par la ville, plus visible avec la mise en place, dans plusieurs ports morutiers, d’une cérémonie spéciale lors du départ des flottilles, à partir du milieu du xixe siècle. Selon lui, à Dunkerque, Gravelines ou Paimpol, même si le rôle des gens de mer, leurs difficultés et le mérite de leur entreprise sont mis en avant, il s’agit bien davantage d’une opération économique, touristique et commerciale, qui s’appuie sur les signes d’une identité maritime tout à la fois vivante, folklorique et archaïque, pour le plus grand profit de la cité129.
50De prime abord, les pêcheurs ont plus à perdre dans ce type de manifestations, car ils gaspillent une journée de pêche et risquent leur matériel. Ils participent, certes, à une fête communale. Ils peuvent – mais rien ne le prouve pour les premières courses – remporter des lots, si la municipalité y consacre une partie de son budget. Surtout, la professionnalisation du métier, au cours du xixe siècle, conduit le pêcheur à mieux maîtriser son bateau, les régates en étant la démonstration la plus spectaculaire. Plus qu’une course, les régates sont un défilé des bateaux de pêche ou de commerce. En 1849, « les courses de bateaux qui ont eu lieu deux années de suite au Croisic attirent une grande affluence d’étrangers dans la commune qu’elles concourent puissamment à fixer l’attention sur [les] bains de mer et à leur donner de la vogue. […] En outre, elles sont un encouragement pour la classe si digne d’intérêt [des] pêcheurs et marins et les portent à s’occuper davantage de leurs embarcations, à soigner plus particulièrement le gréement et la voilure130 ».
51Les régates deviennent rapidement la vitrine du progrès dans le secteur du bateau. Le maire de Concarneau, président des régates, en est conscient dès 1873 : « Quiberon, La Turballe, Port-Louis, Belle-Île même, sont tributaires de nos chantiers et les conclusions du rapport démontrent que ces régates servant à faire ressortir la vitesse, la solidité des embarcations et aussi le mérite des constructeurs doivent attirer la sollicitude du conseil général131. » Le bateau est mis en situation, les innovations sont portées au regard du public. Le docteur Marcel Baudouin félicite, dans un article publié dans le Journal des Sables en 1895, les constructeurs sablais de navires :
« Dans l’idée de son habile constructeur, M. Fontaine, ce bateau [l’Iéna], très sûr à la mer, devait être rapide. Les dernières régates des Sables ont prouvé que l’on avait vu juste. L’Iéna, même par gros temps, ne plonge presque pas et n’embarque que peu d’eau. […] C’est une leçon que Les Sables viennent de donner à la Rochelle, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, à l’île d’Yeu. Espérons qu’elle sera profitable. Désormais, il faut que tous nos chalutiers soient construits sur ce type, […] il faut des embarcations solides, de bonne tenue à la mer, aux allures rapides132. »
52À l’île d’Yeu, en 1902, « bien que les catégories admises à prendre part aux régates ne comprennent que des bateaux de faible échantillon, et s’appliquent principalement aux bateaux sardiniers, les différentes formes de construction et de voilures de ces bateaux, rendent les régates intéressantes et utiles au point de vue pratique, en permettant aux gens du métier de juger et d’apprécier la marche et la vitesse obtenues par les différents modes de construction. À ce point de vue, les régates ont produit un résultat satisfaisant, attendu que les nouveaux bateaux construits à l’Île d’Yeu, sont tous faits d’après les formes et les modèles les plus récents et remplacent avantageusement les bateaux lourds et grossier d’autrefois133 ».
53Pour étoffer le catalogue de bateaux, la publicité et les prix, donc l’apport d’une manne financière (les prix peuvent être des objets), deviennent nécessaires. Les régates de Douarnenez sont courues en 1895 par des yachts venus de tout l’Ouest – Arcachon, d’où est issu le gagnant, Le Havre, Brest, Saint-Nazaire, Lorient – mais les fabricants de sardines à l’huile ne subventionnent que les courses des bateaux de pêche. M. de Kerjégu finance un prix à hauteur de 50 francs tandis que 200 francs sont investis par les conserveurs. Il s’agit d’un investissement réfléchi, car « c’est aussi pour le commerce local l’occasion de sérieux bénéfices134 ». La municipalité de Quiberon vote un crédit de 100 francs en 1876 pour vanter les avantages que présente la localité pour l’établissement des régates, puis 200 francs en 1877135. Le ministère de la Marine accorde également des encouragements pour les régates. En 1872, le total des donations s’élève environ 5 063 francs – dont 1 102 francs pour les régates situées entre Concarneau et Les Sables-d’Olonne –, puis, en 1877, environ 8 258 francs – dont environ 2 092 francs entre Bénodet et Les Sables-d’Olonne. En cinq ans, le nombre de régates subventionnées par le ministère passe de 9 à 17. Elles deviennent un spectacle commun sur le bord de mer. Une société d’encouragement pour la navigation de plaisance s’est d’ailleurs constituée le 22 juin 1867136. Un conseiller municipal de Croix-de-Vie n’en fait pas mystère : pour rendre le séjour des baigneurs plus agréable, « un comité s’est formé pour organiser des fêtes, des régates, des courses et autres jeux publics ; mais […] cette œuvre due à l’initiative privée ne peut être menée à bonne fin et devenir utile que si on a assez d’argent pour faire les choses convenablement137 ». Les stations balnéaires sont donc avantagées, car les baigneurs participent à l’organisation des régates alors que les régates qui peuvent être organisées en Loire ne profitent pas du soutien des touristes.
54Les pêcheurs peuvent profiter des régates pour gagner un peu d’argent, bien que la plupart des bateaux ne participent qu’à la course réservée aux pêcheurs locaux. Lors de la saison 1894, Saint-Louis-de-Gonzague, chaloupe immatriculée à Pornic, finit première lors des Régates internationales de l’Ouest et à Pornic (gagnant à Pornic 60 francs). Ce bateau, probablement récent, gagne, lors de la saison 1901, les régates de Pornic le 18 août, de Noirmoutier le 25 (50 francs) et de La Bernerie le 1er septembre (40 francs138). Rares sont les bateaux qui, immatriculés à Pornic par exemple, vont participer aux régates des stations du nord du département. Toutefois, le bateau de pêche l’Étable de Bethléem, d’Auray, qui a secouru l’équipage naufragé d’une goélette au large de Belle-Île-en-Mer en mars 1901, remporte la seconde place de la régate pour les bateaux de 3e catégorie aux Sables-d’Olonne en septembre139. Les pêcheurs ne courent pas le cachet, mais semblent profiter d’une régate organisée à proximité de leur port d’attache.
55Les bateaux de plaisance ne tardent pas à investir les régates. La première société nautique française est la Société des Régates du Havre, en 1838, à l’image de l’Angleterre, où l’île de Wight est devenue un haut lieu de compétition pour les voiliers depuis le début du xixe siècle grâce au Royal Yacht Squadron de Cowes140. Les sociétés de régates se multiplient au cours du siècle. Lorsque le comte de Gautaut-Biron présente la fondation d’une société de régates à Noirmoutier, il espère que les régates « auront immédiatement une importance considérable tant au point de vue du yachting que du bénéfice que pourront en retirer les habitants de l’île141 ». Les intentions des plaisanciers ne sont pas hostiles. La société des régates de Douarnenez souligne, en 1891, que le but poursuivi est, « non pas d’amuser des oisifs, mais surtout, en faisant connaître aux pêcheurs les modèles les plus parfaits d’embarcations, de les mettre à même d’exercer, dans les meilleures conditions possibles, leur périlleuse industrie142 ». Néanmoins, à la fin du xixe siècle, la course des yachts devient la course reine. Progressivement, la course des bateaux pêcheurs ou caboteurs se fait moins essentielle. La société des régates de Concarneau est scindée en deux en 1908. Les régates des yachts sont dirigées par le vicomte de Marcy tandis que les régates des bateaux de pêche se déroulent sous la présidence du maire143. La motorisation des bateaux de pêche ou de cabotage finit de consommer la scission dans l’Entre-deux-guerres. Les régates, qui ne se considèrent plus qu’à voile, deviennent l’apanage des plaisanciers. Le dialogue technologique prend fin. Au même moment, la déliquescence du dialogue entre baigneurs et autochtones, née de la distance, apparaît à l’échelle de la station balnéaire.
Une fidélisation de plus en plus difficile
56Suite au succès des séjours sur le bord de la mer, la perception des autochtones envers le baigneur évolue. Au xixe siècle, les baigneurs sont souvent perçus comme un groupe unitaire. Avec une massification qui s’amplifie au cours de l’Entre-deux-guerres, particulièrement dans les stations les plus réputées, il ne devient plus possible d’accueillir le touriste comme une connaissance. La distinction entre les différentes conditions sociales des baigneurs s’opère dans le discours au cours des années 1920, sans doute née de la plus grande attention au phénomène touristique depuis la fin de la guerre et la généralisation, limitée aux salariés (soit moins de la moitié de la population active française en 1936), des congés payés. Elle est renforcée par les statistiques que demande de produire le ministère du Tourisme à partir de 1936. À proximité des grandes villes, la présence des ouvriers commence à être signalée. À Bénodet, le tract de la liste de concentration républicaine pour l’élection municipale du 5 mai 1929 prévoit l’élévation d’habitations à bon marché, qui permettront de mettre davantage à la portée de la classe ouvrière la possibilité de locations estivales144. Ouvriers et paysans découvrent la mer en 1937, d’eux inconnue, véritable merveille selon le curé de Quiberon145.
57De plus, le baigneur devient insatiable. Félix Poiraud, maire des Sables-d’Olonne en 1930, le constate :
« La tâche des municipalités n’était pas facile […] : le touriste, à notre époque, est non seulement difficile, mais exigeant, et cela se comprend, puisqu’il contribue, par le paiement d’une taxe de séjour, aux dépenses de la station balnéaire. Il ne se contente pas généralement de la contemplation de la plage, si belle soit-elle. Il veut avoir ses aises, son hygiène. Il recherche les distractions, les excursions. Nous assistons, depuis la guerre [1914-1918], incontestablement à une nouvelle psychologie du touriste146. »
58Pour répondre à ces revendications, l’activité balnéaire devient, dans l’Entre-deux-guerres, une entreprise professionnelle, qui laisse moins de place à l’approximation. Certaines stations balnéaires commencent à sélectionner leur clientèle. L’arrivée des congés payés sert de révélateur de la cohabitation entre différentes classes sociales. Le syndicat d’initiative de Quiberon et de Belle-Île-en-Mer est inquiet en 1939 envers ce qu’il considère comme une préjudiciable invasion :
« Nous pouvons en outre être certains qu’un hôtelier ou un loueur en meublé ne consentira jamais à accepter de recevoir à prix réduits [à moins de 35 francs la journée] cette clientèle de congé populaire dont le séjour dans son établissement a pour résultat certain et immédiat de faire fuir celle qui pourrait payer le prix fort. […] Dans cette clientèle, il y a de nombreux étrangers qui ne se sont du reste pas privés de manifester leur mécontentement les années dernières147. »
59L’affluence nouvelle de vacanciers, combinée aux nouveaux modes d’hébergement que sont le camping et l’auberge de jeunesse, représente une nouvelle difficulté pour fidéliser la clientèle. Comme le remarque au niveau national le ministre du Travail en 1938, « la plupart des établissements ont accordé les congés payés à leurs ouvriers pendant les mois de juillet et d’août. De nombreux conseils généraux, des associations touristiques, etc. ont signalé que, par suite de l’affluence des bénéficiaires des congés payés et de leur famille au cours des mois d’été, ceux-ci ont rencontré dans de très nombreuses régions de grandes difficultés d’installation avec augmentation des prix de location et élévation du coût de la vie148 ». En effet, le décret du 1er août 1936, permettant l’application de la loi du 20 juin 1936 sur les congés payés, limite la période des vacances sur trois mois, correspondant aux vacances des écoles primaires publiques. Pour réduire ces désagréments, le syndicat d’initiative de Quiberon et de Belle-Île-en-Mer propose en 1939 l’accueil, à prix réduit, des congés payés pour les périodes du 1er mai au 15 juillet et du 1er au 15 septembre, tandis que pendant la pleine saison, cette clientèle sera habilement dirigée sur des plages voisines149. Clientèle digne d’intérêt quand la station se vide, cette solution est faite contre leur arrivée, car, par exemple, pour les salariés du bâtiment et des travaux publics, la période des vacances est fixée depuis 1937 du 1er juillet au 31 décembre. Selon les décrets d’application de la loi, les congés payés de ces ouvriers ne peuvent être accordés au mois de mai. Le syndicat d’initiative de Quiberon et de Belle-Île-en-Mer sélectionne ainsi la clientèle de la station.
60Les touristes sont aussi plus facilement qualifiés de volages, peut-être pour se prémunir des nouvelles modes. Le curé de Batz raconte le passage dans les rues de Batz, en juillet 1933, d’hommes et de femmes « dont le déshabillé constituait un “outrage à la pudeur”. Vous avez hué ces impudiques ! Bravo ! Ne laissez pas le haut du pavé aux porcs et aux sauvages150… » Il distingue clairement les fautifs, seulement de passage, mais qui ont été corrigés par les personnes de la commune. Les petites stations balnéaires vivent avec une population saisonnière considérée comme des habitués, qui représentent une sécurité. Le curé de Saint-Marc offre, pour la saison 1934, son « salut de bienvenue à ceux qui seront en cette saison les hôtes de Saint-Marc-sur-Mer, à ceux qui sont déjà des habitués de notre plage, aux vieux amis connus et estimés, à ceux aussi que la renommée de notre joli pays attirera pour la première fois et qui aimeront à reprendre par la suite le chemin de chez nous ». Il ajoute : « Nous espérons bien que notre Saint-Marc malgré le développement qu’il prend et qu’il prendra plus encore après certains travaux de voirie ne perdra pas son cachet familial que nous avons […] maintes fois vanté à juste titre151. » En plus des efforts d’équipements à consentir, la station balnéaire doit donc être vigilante à son image.
Notes de bas de page
1 Archives départementales de Loire-Atlantique, 536 S 22, lettre de M. Martel au préfet de Loire-Inférieure, du 12 septembre 1897.
2 Archives diocésaines de Vannes, correspondance par paroisse (1800-1970), Lettre de Y. Tristan, curé de Saint-Pierre-Quiberon, à l’évêque, du 8 octobre 1926.
3 Bulletin paroissial d’Escoublac, du 27 septembre 1908.
4 Bulletins paroissiaux d’Escoublac, des 7 août 1927 et 29 juillet 1930.
5 Bulletin paroissial de Noirmoutier, de septembre 1932.
6 Bulletin paroissial de Quiberon, d’août 1917.
7 Bulletin paroissial de Noirmoutier, d’août 1907.
8 Archives diocésaines de Vannes, visite canonique du 28 octobre 1913, La Trinité-sur-Mer.
9 Archives diocésaines de Nantes, 4 L, enquête diocésaine de 1905, Piriac.
10 Émile Auzou, La Presqu’île guérandaise ; étude géographique, historique et économique ; manuel des touristes et des baigneurs, Paris, Plon, 1897, p. 84.
11 Archives diocésaines de Nantes, 3 F O12, visite paroissiale du 28 mars 1902.
12 Archives diocésaines de Vannes, visites paroissiales des 18 septembre 1929, Le Palais.
13 Bulletin paroissial de Saint-Gilles-sur-Vie, d’août 1926.
14 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5585, situation de la pêche et des pêcheurs du quartier des Sables-d’Olonne, par le commissaire de l’Inscription maritime, du 7 février 1877.
15 Nathalie Chabiland, Les Casinos : définition d’un type architectural balnéaire (1850-1950), mémoire de maîtrise Histoire de l’Art, Université de Paris IV, 1992, p. 6 ; en complément, on peut ajouter que c’est lors d’un concert au Kursaal de Klow, en Syldavie, retransmis à la radio, que Tintin peut apprécier, à nouveau, la voix de Bianca Castafiore (Hergé, Le Sceptre d’Ottokar, Paris-Tournai, Casterman, 1975 [1re éd. 1947], p. 29.)
16 Pornichet et ses environs par un groupe d’amateurs, Paris, Flammarion, 1913, p. 27.
17 Jean-Bernard Vighetti, Le Tourisme dans l’ensemble baulois et ses répercussions sur l’urbanisme et la vie locale, mémoire de DES Géogaphie, Université de Nantes, 1967, p. 38.
18 Bulletin paroissial de Notre-Dame-des-Dunes, Pornichet, du 26 juillet 1936.
19 Cité par Nathalie Chabiland, op. cit., p. 6.
20 Délibérations municipales de Pornic, des 29 avril 1908, 30 mai 1908 et 17 juillet 1908.
21 Délibération municipale de La Bernerie-en-Retz, du 7 juillet 1907.
22 Délibération municipale de La Bernerie-en-Retz, du 13 mars 1910.
23 Délibération municipale de Quiberon, du 2 octobre 1904.
24 On peut retrouver ce texte de loi dans Philippe Clairay, Les Stations balnéaires de Bretagne : des premiers bains… à l’explosion touristique des années 1960, thèse de doctorat Histoire, Université de Rennes 2, 2003, p. 471-472.
25 Archives départementales de Loire-Atlantique, 30 J 41, vicomte René de Cornulier-Lucinière, Guide du Croisic, Nantes, 1923, p. 21.
26 Archives départementales de Vendée, 4 M 108, lettre de Louis Donnoul au préfet de Vendée, du 24 octobre 1904.
27 Archives départementales de Vendée, 4 M 108, lettre de la Société amicale des propriétaires du Bois de la Chaize au préfet de Vendée, du 21 avril 1930.
28 Léon Trebuchet, Les Étapes d’un touriste en France, Belle-Isle-en-Mer, Paris, Hennuyer, 1887, p. 121.
29 Archives départementales de Loire-Atlantique, 1 M 2528, lettre du commissaire spécial au préfet de Loire-Inférieure, du 4 octobre 1913.
30 Bulletin paroissial de Saint-Marc, du 30 août 1936.
31 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5 580, rapport du quartier de l’Inscription maritime de La Teste, 1866, cité par Benoît Coutancier, L’Administration des petites pêches en France (1681-1896) : le cas du Bordelais, thèse de 3e cycle Histoire, EHESS, 1985, p. 471
32 E. Le Gal, Guide du touriste ; Rhuys, Locmariaquer, Gavrinis, questions archéologiques, Vannes, 1879, p. 32.
33 A. Gahéry, Port-Louis ; casino, plage, environs, sans date (années 1900), non paginé.
34 Virginie Dumont-Breton, Les Maisons que j’ai connues, Paris, Plon/Nourrit, 1927, p. 123.
35 Anne Martin-Fugier, La Place des bonnes ; la domesticité féminine à Paris en 1900, Paris, Grasset et Fasquelle, 1979, p. 17-18.
36 Cité par Robert Beck, Histoire du dimanche de 1700 à nos jours, Paris, Éd. de l’Atelier/Éd. ouvrières, 1997, p. 216.
37 Martine Segalen, Mari et femme dans la société paysanne, Paris, Flammarion, 1980, p. 163.
38 Bulletin paroissial de Saint-Marc, du 23 août 1936.
39 Bulletins paroissiaux de Quiberon, de juillet 1928 et octobre 1929.
40 Bulletin paroissial de Guilvinec, d’août 1934.
41 Bulletin paroissial de Piriac-sur-Mer, du 29 juillet 1934.
42 Bulletin paroissial de Saint-Marc, du 8 septembre 1935.
43 Arrêté du maire de Batz-sur-Mer, du 5 juin 1938.
44 Archives départementales du Finistère, 8 M 106, pétition (33 signatures) au préfet du Finistère, du 18 août 1934.
45 Archives départementales du Finistère, 8 M 106, lettre de A. Roullet au préfet du Finistère, du 31 août 1936.
46 Ronan Dantec et James Éveillard, Les Bretons dans la presse populaire illustrée, Rennes, Ouest-France, 2001, p. 54.
47 Marius Sepet, En congé : promenades et séjours, Paris, Téqui, 1896, p. 234.
48 Délibération municipale de Bénodet, du 13 octobre 1888.
49 Archives départementales du Finistère, 2 O 315, lettre du maire de Concarneau au préfet du Finistère, du 8 octobre 1908.
50 Archives départementales du Morbihan, 1 M 5243, avis de la commission sanitaire de Lorient et du conseil départemental d’hygiène du Morbihan, du 10 août 1911.
51 Archives nationales, F8219, enquête (circulaire du 5 novembre 1912) sur la Loire-Inférieure.
52 Archives départementales du Finistère, 2 O 315, extrait du registre du comité d’hygiène de Concarneau, du 17 septembre 1908 ; à titre indicatif, la consommation journalière moyenne d’un Français est actuellement de 150 litres.
53 Archives départementales de Loire-Atlantique, 2 O 55/18, lettre du maire d’Escoublac au sous-préfet de Saint-Nazaire, du 23 mars 1906.
54 Délibérations municipales des Sables-d’Olonne, des 9 novembre 1890 et 22 décembre 1895.
55 Délibérations municipales de Préfailles, des 17 août 1912 et 14 décembre 1913.
56 Archives départementales de Loire-Atlantique, 2 O 55/18, délibération du conseil municipal d’Escoublac, du 20 janvier 1907.
57 Archives départementales du Morbihan, 2 O 52/1, lettre au préfet du Morbihan, de juillet 1932.
58 Archives départementales du Morbihan, 2 O 214/1793, lettre du maire de Saint-Gildas-de-Rhuys au préfet du Morbihan, du 31 août 1937.
59 Archives départementales du Morbihan, 2 O 214/1793, séance du conseil général du Morbihan, du 10 mai 1938.
60 Archives départementales de Loire-Atlantique, 1902 S 143, circulaire du ministre des Travaux publics aux préfets, du 16 décembre 1930.
61 Archives départementales de Vendée, 1 O 1132, lettre de Mme Dieulangard au préfet de Vendée, du 4 août 1934.
62 Archives départementales de Vendée, 1 O 1132, réponse du maire de La Tranche-sur-Mer au préfet de Vendée, non datée.
63 Auguste Dupouy, La Paix des champs, Paris, Ferenczi et fils, 1925, p. 93.
64 Archives départementales du Morbihan, 2 O 186/1606, lettre au préfet du Morbihan, du 17 pluvial an 13.
65 Arrêté du maire de Noirmoutier, du 8 juillet 1901.
66 Délibération municipale de Larmor-Plage, du 13 août 1933.
67 Archives nationales, F8217, F8219, F8220, enquête (circulaire du 5 novembre 1912) Finistère, Loire-Inférieure, Morbihan ; l’enquête sur la Vendée est perdue.
68 Archives départementales de Loire-Atlantique, 2 O 55/18, délibération municipale d’Escoublac, du 20 janvier 1907.
69 Délibérations municipales de Pornichet, des 12 août 1900 et 16 juin 1901.
70 Délibération municipale de Saint-Jean-de-Monts, du 13 novembre 1910.
71 Délibération municipale de Pornichet, du 14 février 1904.
72 Délibération municipale de Saint-Jean-de-Monts, du 26 novembre 1933.
73 Délibération municipale de Piriac-sur-Mer, du 12 août 1928.
74 Délibération municipale de Saint-Gilles-sur-Vie, du 10 septembre 1938.
75 Archives départementales du Finistère, 1 M 119, lettre du maire de Poullan au préfet du Finistère, du 2 janvier 1877.
76 Archives départementales du Finistère, 2 O 315, extrait des actes administratifs de la Ville de Concarneau, du 15 novembre 1866.
77 Délibération municipale du Croisic, du 23 mai 1834.
78 Délibération municipale des Sables-d’Olonne, du 2 mars 1863.
79 Délibération municipale de Port-Louis, du 16 juin 1889.
80 Délibération municipale de Guilvinec, du 30 juin 1935.
81 Délibération municipale de La Trinité-sur-Mer, du 30 juin 1935.
82 Archives départementales du Finistère, 2 O 19, circulaire du ministère de l’Intérieur du 14 mars 1892.
83 Patrice Carré, « Téléphone et lumière électrique, signes de la “modernité” ? vers 1880-vers 1930 », Réseaux de télécommunication et réseau électrique (1840-1940), Paris, Association pour la recherche historique des télécommunications, 1986, p. 112.
84 Délibérations municipales de Pornic, des 30 août 1894 et 9 décembre 1894.
85 Délibération municipale de Pornichet, du 3 mars 1913.
86 Délibérations municipales de Saint-Brevin, des 9 juillet 1916, 28 octobre 1917 et 23 juin 1918.
87 Délibération municipale de Piriac-sur-Mer, du 24 février 1925.
88 Archives EDF-GDF, boîte 742905, assemblée générale ordinaire de Fusion des gaz, du 12 juin 1933.
89 Cyril David, Le service postal rural en Morbihan (1830-1900), mémoire de maîtrise Histoire, Université catholique de l’Ouest d’Arradon, 1998, p. 34.
90 Délibération municipale de Fouesnant, du 22 février 1860.
91 Délibération municipale de Saint-Gildas-de-Rhuys, du 6 avril 1847.
92 Délibération municipale de Batz-sur-Mer, du 28 février 1869.
93 Pierre Demangeon, La Poste en Basse-Normandie, Condé-sur-Noireau, Corlet, 1995, p. 369.
94 Paul Myon, Histoire de Préfailles, station balnéaire de l’Océan, Romorantin, Nicolas, 1909, p. 10.
95 Délibération municipale du Pouliguen, du 15 novembre 1874.
96 Bulletin paroissial de Piriac-sur-Mer, du 28 août 1938.
97 Les Normands et la mer, Saint-Vaast-la-Hougue, Musée maritime de l’île de Tahitou, 1995, p. 293 ; je remercie Guy de Saint-Denis pour cette précieuse information.
98 Délibérations municipales de Fouesnant, des 24 novembre 1929 et 16 février 1930.
99 Patrice Carré, article cité, p. 118.
100 Délibération municipale de Saint-Gilles-sur-Vie, du 10 février 1901.
101 Archives départementales de Loire-Atlantique, 8 P 202, lettre de M. Gapé au préfet de Loire-Inférieure, du 18 juin 1905.
102 Délibérations municipales de Noirmoutier, des 3 août 1905 et 6 septembre 1905.
103 Délibération municipale de La Barre-de-Monts, du 27 mai 1928.
104 Délibérations municipales de La Bernerie-en-Retz, des 20 février 1870 et 17 août 1873.
105 Délibération municipale de Pornic, du 14 novembre 1875.
106 Délibération municipale de Saint-Nazaire, du 30 décembre 1910.
107 Délibérations municipales de Pornichet, des 24 mars 1912 et 20 septembre 1912.
108 Délibération municipale des Sables-d’Olonne, du 31 octobre 1912.
109 Délibération municipale de Saint-Gilles-sur-Vie, du 9 février 1913.
110 Délibération municipale de Piriac-sur-Mer, du 19 novembre 1911.
111 Délibération municipale de Piriac-sur-Mer, du 16 février 1913.
112 Léon Auscher, La Prospérité de la France par le tourisme, Bar-le-Duc, Comte-Jacquet, 1920, p. 22.
113 Ibidem, p. 22.
114 Guide pour l’application de la loi du 24 septembre 1919 aux stations de tourisme, Paris, Office national du tourisme, 1920, p. 8.
115 Délibération municipale de Pornichet, du 16 janvier 1921.
116 Délibération municipale de La Bernerie-en-Retz, du 13 février 1921.
117 Délibération municipale de Douarnenez, du 11 juin 1927.
118 Délibération municipale de Penmarc’h, du 5 mars 1939.
119 Délibérations municipales de Carnac, des 16 mai 1926 et 4 novembre 1934.
120 Délibérations municipales de Bénodet, des 5 août 1934 et 3 février 1938.
121 Délibérations municipales de Piriac-sur-Mer, des 20 juin 1920, 6 mars 1921 et 12 mars 1922.
122 Archives départementales du Morbihan, 8 M 136, délibération municipale de Larmor-Plage, du 8 mars 1940.
123 Délibération municipale de Penmarc’h, du 18 avril 1937.
124 Délibérations municipales de Saint-Nazaire, des 16 juillet 1920 et 24 février 1926.
125 Délibération municipale de La Barre-de-Monts, du 9 mars 1930.
126 Délibération municipale de Notre-Dame-de-Monts, du 9 février 1930.
127 Archives départementales du Finistère, 4 M 415, lettre du maire de Concarneau au préfet du Finistère, du 6 août 1859.
128 Archives départementales de Vendée, 4 M 129, lettre du préfet de Vendée à M. de Dalmas, sous-chef du cabinet de l’empereur, du 18 juillet 1856.
129 Alain Cabantous, Les Citoyens du large ; les identités maritimes en France (xviie-xixe siècle), Paris, Aubier, 1995, p. 179.
130 Délibération municipale du Croisic, du 13 août 1849.
131 Archives départementales du Finistère, 4 M 415, lettre du maire de Concarneau au conseil général du Finistère, sans date (1873).
132 Hervé Retureau et Philippe Moreau, « Les dundees sablais, naissance d’une légende », Bulletin de la Société Olona, juin 2002, p. 39-40.
133 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5697, lettre du commissaire de l’Inscription maritime de l’île d’Yeu au commissaire général de la Marine de Rochefort, du 16 janvier 1902.
134 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5 695, compte-rendu des régates du quartier de Douarnenez de 1894, par le commissaire de l’Inscription maritime, du 5 février 1895.
135 Délibération municipale de Quiberon, du 14 mai 1876.
136 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5686, rapports ministériels sur les encouragements à accorder aux régates de 1872 et 1877.
137 Délibération municipale de Croix-de-Vie, du 13 août 1882.
138 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5695 et CC5697, comptes-rendus de régates.
139 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5 171, rapport sur l’abandon en mer de la goélette Marie-Henriette, de Vannes, le 19 mars 1901 et CC5697, comptes-rendus des régates de 1901.
140 Nicolas Bernard, Les Ports de plaisance ; équipements structurants de l’espace littoral, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 13-14.
141 Archives départementales de Vendée, 4 M 125, lettre de M. le comte de Gautaut-Biron au préfet de Vendée, du 14 octobre 1894.
142 Archives départementales du Finistère, 4 M 415, lettre de M. Boyn, président de la Société des régates de Douarnenez, au préfet du Finistère, du 11 mai 1891.
143 Archives départementales du Finistère, 4 M 415, lettre-réponse du commissaire de police de Concarneau au préfet du Finistère, du 1er juin 1909.
144 Archives départementales du Finistère, 3 M 440, tract de la liste de concentration républicaine pour les élections municipales du 5 mai 1929.
145 Bulletin paroissial de Quiberon, d’octobre 1937.
146 F. Poiraud, « La station balnéaire des Sables-d’Olonne », L’Illustration économique et financière, supplément du numéro du 22 mars 1930, p. 50.
147 Archives départementales du Morbihan, T 1538, Lettre de l’ESSI de la presqu’île de Quiberon et de Belle-Île-en-Mer au maire de Quiberon, du 18 mars 1939.
148 Archives départementales de Vendée, 10 M 18, lettre du ministre du Travail, Albert Serol, à MM. les inspecteurs divisionnaires du travail et de la main-d’œuvre, du 5 avril 1938.
149 Archives départementales du Morbihan, T 1538, lettre citée.
150 Bulletin paroissial de Batz-sur-Mer, du 6 août 1933.
151 Bulletin paroissial de Saint-Marc-sur-Mer, du 24 juin 1934.
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