Chapitre III. La conquête territoriale
p. 53-83
Texte intégral
1Arrivés sur le bord de mer, les baigneurs ne s’installent pas par hasard. Il s’agit pour eux de profiter pleinement du potentiel du site, que, généralement, les populations locales exploitent déjà. Ils tirent parti ou se heurtent aux exigences d’un monde littoral qui change, en interne et en externe. La station balnéaire est un lieu de vie. Pour que le touriste puisse s’installer, le site doit proposer certains impératifs, comme un accès à la plage ou la mise à disposition d’eau potable. Le bouleversement balnéaire est donc avant tout foncier, car qui maîtrise le territoire contrôle son usage. Des premières luttes, des premiers soutiens, émaillent le développement touristique dès le début du xixe siècle. Les clés du succès balnéaire sont nombreuses. En suivant la révolution que connaît leur commune, les autochtones peuvent espérer profiter de cette transformation.
Les clés d’un premier succès
Accéder à la plage
2À en croire les voyageurs du xixe siècle, le littoral est un endroit peu visité par l’homme, ce qui entretient sa sauvagerie. Les voyageurs utilisent cette caractéristique pour mettre en valeur leurs périples : rien, sur le bord de mer du début du xixe siècle, n’indique la présence de l’homme. En 1823, à l’emplacement du futur La Baule, Édouard Richer peine à atteindre le rivage, ralenti par les dunes de sable. Il arrive sur le point le plus élevé « et d’autres sommets aussi stériles et séparés par d’autres vallées se prolongent jusqu’à la mer qui vient, en bouillonnant, recouvrir la rive de dépôts plus récents. De là, jusqu’au Pouliguen, à une lieue à l’ouest ; au nouveau bourg d’Escoublac, à un quart de lieue au nord, et au village de Pornichet, à une demi-lieue à l’est, la vue ne trouve partout que le même aspect : ce sont les sables et la mer, vous êtes là seul entre une plage déserte et des dunes abandonnées1 ». Personne ne semble avoir foulé ce sol avant lui. La situation est pourtant bien différente. L’article 7 de l’ordonnance du 26 août 1818 portant concession au comte de Sesmaisons des dunes de la côte d’Escoublac, conserve aux habitants des communes voisines le droit de pacager leurs bestiaux sur toutes les parcelles qui ne seraient pas encloses et d’y déposer les varechs et goémons destinés à l’engrais de leurs terres. Il faut attendre un siècle plus tard pour que le préfet de Loire-Inférieure affirme l’absence de droit réel sur les parcs à goémon par la commune, cet usage procédant uniquement d’une concession de servitude à titre de tolérance temporaire, révocable à volonté2. Le tribunal civil de Saint-Nazaire a d’ailleurs jugé l’État propriétaire des dunes le 22 juillet 1904. La présence traditionnelle des populations littorales est niée postérieurement, mais l’accès à la mer a toujours été possible.
3Une station balnéaire nécessite, plus que tout autre équipement, de disposer d’un accès facile à la mer. Pour parvenir à la plage, les premiers voyageurs et baigneurs utilisent des infrastructures destinées aux activités traditionnelles. La construction de la route de la mer, à Saint-Jean-de-Monts, doit permettre, en 1867, d’accéder « en tout temps à la côte avec chevaux et voitures ; soit pour le transport des matériaux qui sont chaque année employés pour l’entretien des routes vicinales de la contrée, soit pour le transport du varech qui sert d’engrais aux terres du littoral, soit pour le transport des épaves qui échouent à la côte, soit encore à l’administration forestière et enfin pour attirer des baigneurs sur notre plage […], qui ne sont rebutés que par la difficulté de parvenir au bord de la mer par un chemin sablonneux et mouvant3 ». Les volontés politiques tiennent compte de la présence des touristes. À Douarnenez, le classement d’un nouveau chemin, moins pentu, vers la plage du Ris, doit permettre aux agriculteurs de Plonévez-Porzay de venir s’approvisionner plus facilement en têtes de sardines pour engrais et un secours plus prompt aux naufragés sur les rochers des Plomarc’h, mais le conseil municipal pense aussi au développement balnéaire de cette plage4. La venue des baigneurs est cependant perçue comme secondaire, les routes doivent d’abord servir aux usages contemporains de la plage.
4L’accès à la plage doit aussi faciliter les communications, car la plage représente une voie de circulation, bien que difficile à cause du sable et du vent. Gustave Flaubert et Maxime Du Camp l’utilisent plusieurs fois, comme pour aller du fort Penthièvre à Plouharnel ou de Penmarc’h à Plouvan5. Émile Auzou emprunte la plage pour aller de Pornichet à La Baule en 1897. Il n’est pas seul, puisque « sur le sable fin, les cyclistes filent comme le vent ; les sabots des chevaux marquent à peine, tant il est serré. […] Longtemps vous marchez ainsi, puis une masse de constructions paraît ; avancez : elle s’étend, une ligne sombre par-devant. C’est la Bôle, et ses chalets serrés, avec sa noire estacade. Un promeneur isolé, puis quelques autres, et bientôt l’on retombe dans la marmaille et les filets de tennis6 ». Évidemment, ce type de route est également emprunté par la population locale. L’avenir du terrain afféagé à M. de la Ferrière en 1843 préoccupe ainsi le conseil municipal de Mesquer : parfois submergé par la mer, il permet aux habitants de communiquer avec la chapelle de Merquel et le chantier de construction qui est établi près de cette chapelle7. Néanmoins, quand la situation le permet, la route tâche de passer en arrière des dunes.
5Or, l’arrivée des baigneurs perturbe les habitudes. Si l’accès à la plage est décidé pour faciliter l’usage multiple de la plage, les nouveaux arrivants vont privilégier l’usage balnéaire. L’interdiction de l’extraction du sable sur la plage des Sables-Blancs à Tréboul est ressentie comme une injustice par le conseil municipal et la population. Certes, des propriétés riveraines ont été détruites par écroulement, mais la grande quantité de sable n’a pas été enlevée, selon le conseil municipal, par les agriculteurs de la commune. Il se plaint d’une spoliation, alors qu’il s’est imposé de lourds sacrifices pour l’ouverture de la route des Sables-Blancs, dont l’entretien lui coûte une grande partie de ses ressources8. Une des motivations pour la construction de la route disparaît suite au nouvel usage que la plage connaît avec la villégiature balnéaire. La sédentarisation des activités balnéaires, introduite par de meilleures voies d’accès à la plage nécessaires pour d’autres usages, chasse, après coup, les activités littorales nomades.
6Cette évolution va se renforcer à partir des années 1910, quand bicyclettes et automobiles se démocratisent et que le touriste commence à stationner plus longuement sur la plage, notamment pour bronzer. La plage perd son usage comme voie de communication. Le maire de Saint-Jean-de-Monts arrête le 3 août 1911 qu’il « est absolument interdit aux cyclistes de circuler sur toute la partie de la Plage en face des chalets à moins de conduire leurs machines à la main du 1er mai au 30 septembre ». L’article 2 précise que les voitures doivent être conduites au pas. Le maire de Saint-Pierre-Quiberon interdit la circulation des automobiles, bicyclettes, motocyclettes et voitures sur les plages, le 11 juillet 1912. Les municipalités réagissent quand l’affluence est trop forte pour côtoyer sans danger la circulation. Le maire de Notre-Dame-de-Monts interdit à partir du 20 juillet 1933 la circulation sur la plage en automobile ou à motocyclette du 1er juillet au 30 septembre en « considérant que pendant la saison balnéaire, la plage de Notre-Dame-de-Monts est, à toute heure de la journée, garnie de personnes y prenant leurs bains ou d’enfants se livrant aux divers jeux de leur âge ». La plage devient un lieu exclusivement balnéaire, transformation de l’usage facilitée par une accessibilité toujours plus importante.
Voir la mer
7Arrivé sur la plage, le baigneur veut voir la mer, le but de son voyage. De la mer, il recherche tout autant l’immensité, indifférente au temps humain, que le spectacle curieux et exotique. La baie de la Forêt comble Hervé Bazin en 1873 :
« Concarneau révèle au premier coup d’œil ce qu’il promet au voyageur qui franchit la colline de Keriolet. De là, le regard embrasse tout à coup l’horizon magnifique : la baie de la Forest, aussi bleue que le ciel, se déroule dans toute sa beauté : quelques rochers sauvages rompent seuls le doux mirage de ses eaux. De grands chênes dont les racines se perdent dans la mer, étendent au loin leur ombre épaisse sur les deux rives que l’œil suit à droite jusqu’aux rochers de Pont-l’Abbé, à gauche jusqu’aux plages solitaires du Pouldu. Tout au fond du golfe, au milieu des bois, comme un nid sous la feuillée, se cache la petite ville, entourée de ses vieilles murailles, et l’on aperçoit au loin les îles de Glénan, dont les écueils redoutés ferment la rade et en défendent l’entrée. Les oiseaux de mer volent en foule d’une roche à l’autre et lancent leurs cris sauvages aux échos des bois : une multitude de petites barques de pêche, rangées en demi-cercle, se tiennent immobiles sous leur unique voile, au milieu de la baie9. »
8Tout est ici rassemblé : l’horizon magnifique, la présence de la mer, quelques rochers pour agrémenter le paysage, la végétation (importante) qui se mêle à l’eau, un petit nid où se blottir (en l’occurrence Concarneau), des îles un peu lointaines qui viennent matérialiser l’horizon et clore le paysage du côté de la mer, les oiseaux avec leurs cris sauvages et les bateaux immobiles. Hervé Bazin, plus qu’un paysage, décrit un tableau quasiment immuable. Même les barques de pêche – et non les pêcheurs – participent à cette idylle avec la nature. Le potentiel de la baie de la Forêt ne tarde pas à intéresser les touristes. L’urbanisation se fixe notamment à Beg-Meil, hameau qui se situe en face de Concarneau. Pour ne rien rater de ce spectacle, « les chalets qu’on y trouve sont généralement très bien situés en face de la mer10 ».
9Si ce paysage paraît immobile, l’animation est souvent recherchée. Le bois de la Chaise représente en 1863 la promenade de Noirmoutier : « Quel spectacle plus beau que la vue de la baie ! Quel délicieux horizon ! Quelle étendue de côtes ! Quelle variété d’objets ! […] Ici, tout est animé. Des bateaux de pêche se croisent dans tous les sens. Les navires du commerce sont, les uns sous voiles, d’autres à l’ancre. Le rivage est couvert d’oiseaux11. » L’homme n’est pas la source de toute animation, celle de la nature est également appréciée. Pour Ogée, Saint-Gildas-de-Rhuys « peut montrer avec orgueil, aux touristes et aux pèlerins, ses plaines d’une fertilité peu commune ; ses promontoires gigantesques, battus sans cesse par une mer agitée ; ses noirs rochers de gneiss ou de microschistes, d’un aspect si imposant et si grandiose. Le temps et le perpétuel effort des flots ont creusé dans ses rivages des grottes naturelles très remarquables, toutes différentes, de formes, de couleur et de profondeur12 ». Le spectacle n’est pas toujours sans danger. À Quiberon, « la côte peu élevée, y est bordée de récifs spumeux, balayés, en gros temps, par des lames de fond, qui ne se gênent point pour cueillir traîtreusement et emporter avec elles les admirateurs trop passionnés des colères de l’océan13 ».
10Le voisinage d’une mer déchaînée n’encourage pas l’initiative bâtisseuse. Les sites où la mer est rigoureuse n’ont pas connu le même essor de construction. La côte rocheuse apparaît moins attractive que la côte sableuse. Léon Maitre peut donc prévenir le lecteur que « les journées sont parfois longues au bord de la mer pour les nouveaux venus, l’horizon est mélancolique, le mugissement du vent monotone, quand on se borne à respirer l’air marin14 ». La proximité de la mer en elle-même ne semblerait pas devoir revêtir une importance si capitale par rapport à la plage, lieu d’animation. Seule la vue de l’objet pour lequel le touriste s’est déplacé, c’est-à-dire la mer, est essentielle. La forme de la station balnéaire peut donc se révéler multiple à cause de cette exigence. À La Bernerie, « l’inclinaison du coteau qui regarde l’Océan se prête à la création de plusieurs lignes parallèles de constructions […], de sorte que la station aura bientôt l’aspect d’une ville d’eaux bâties en amphithéâtre », note un guide de la fin du xixe siècle15. Par contre, Les Sables-d’Olonne connaît une urbanisation qui longe la plage.
11La vue sur mer est un bien perpétuellement en danger. Or, être au plus proche de la mer garantit la vue sur mer. L’urbanisation du littoral oblige à la délimitation du rivage, qui se fait progressivement. La limite avec la mer paraît plus simple à respecter. Les délimitations rassemblent des techniciens des Ponts-et-Chaussées, les propriétaires des terres attenantes, le préfet, le maire, et consistent à la matérialisation du trait de côte maximum atteint lors d’une marée d’équinoxe (celle de mars, moins sujette aux tempêtes), où les marées atteignent les plus forts coefficients. Aucun programme général n’est mis en place, les délimitations se font au coup par coup, selon les ventes à venir. La surveillance fait même parfois défaut et des terrains publics sont parfois englobés par des particuliers. Mme Le Meudec enclôt à la pointe du Cap-Coz une petite dune située entre sa propriété et la mer, que la délimitation du rivage de la mer, en mars 1906, avait considéré comme lais de mer (donc bien public). En 1923, M. Cevaer, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, l’excuse, car son erreur serait due à une mauvaise interprétation de la délimitation et de ses titres de propriété16. L’absence de réaction, pendant toute cette période, lui a permis de profiter d’une vue sur mer sans entrave, avant que la commune ne récrimine contre cet abus qui avait su rester discret.
12Il est également possible de pourvoir à l’impossibilité future de construire entre la villa et la mer, en introduisant une servitude de vue dans une clause de vente. Gaëlle Delignon rapporte qu’à Paramé, le banquier Hébert, principal lotisseur de la station balnéaire, avait eu cette prudence pour sa villa17. À Morgat, un acte notarié précise que le vendeur, Armand Peugeot, et ses héritiers s’engagent à ne pas élever, dans une partie du jardin de leur villa, de construction de plus de quatre mètres de hauteur par rapport à la route, afin de ne pas gêner la vue sur la mer et la pointe de Gador de la villa Coquette, qui fait l’objet de la vente18. Dans le même esprit, une servitude de vue intervient à Douarnenez, dans le quartier du Petit-Port, quand Charles Chancerelle, en 1904, demande de clore ses propriétés en achetant un terrain communal. Le conseil municipal prend garde de prévenir l’acheteur que ce terrain est grevé en grande partie d’une servitude de vue, au profit de la propriété Queïnnec19. M. Poullain, propriétaire à Sion, peste, en 1909 :
« Devant mon chalet passe la route côtière et de l’autre côté de cette route, entre la mer et elle, se trouve un terrain vague de 5 mètres au plus, sur lequel le propriétaire de ce terrain, qui est garde-côte, et qui a vendu le mien, à condition de ne jamais construire ou vendre dans ce but. Les habitants de ce pays ont la tolérance de tirer de la pierre du rocher pour leurs besoins personnels et ne s’en privent pas ; mais ils déposent sur ce terrain un amas de pierre formant de véritables constructions en pierres sèches, ce qui nuit considérablement à la vue de ma maison20. »
13La vue sur mer a une valeur importante. Quand la mairie des Sables-d’Olonne décide d’aliéner une place sur le bord de la mer en 1878, Théophile Leblanc, comme d’autres propriétaires voisins, s’offusque, car « la maison qu’il possède se trouvant au-dessus et en face de la place Navarin, si celle-ci étant vendue par la ville pour y faire des constructions, sa maison se trouverait très gênée et perdrait beaucoup de sa valeur, n’ayant plus comme aujourd’hui la vue sur mer ; […] l’amoindrissement inévitable du revenu annuel qu’il en retire serait pour lui un préjudice considérable21 ». Plus que sa situation sur le bord de mer, c’est la vue sur mer qui importe. Certains propriétaires ont d’ailleurs fait les comptes : selon M. Morvan, de Plobannalec, propriétaire d’une parcelle de 5 à 6 ares à Loctudy, la vue sur les baies de l’Ile-Tudy et de Bénodet entraîne une plus-value de plus de deux mille francs, multipliant par 5 à 6 la valeur du terrain22. La vue sur mer est donc une richesse que les baigneurs, notamment les premiers installés, vont avoir à cœur de défendre. Toutefois, elle n’a de valeur que lorsque vivre sur le site est possible.
Avoir de l’eau
14Sans eau, aucune implantation durable ne peut avoir lieu. Or, tous les littoraux ne sont pas bien pourvus en eau. Dès 1892, le ministère de l’Intérieur lance une enquête afin de connaître l’alimentation en eau potable des villes et des communes en France. En certains points, la situation s’avère épouvantable. La population de l’Île-Tudy recueille l’eau de pluie dans des citernes ou des tonneaux au moyen de gouttières, mais l’eau qui séjourne dans les tonneaux s’altère vite, tandis que les citernes ne peuvent fournir de l’eau qu’à environ le dixième de la population. Les deux puits proposent de l’eau saumâtre et par conséquent pas directement potable par toute la population23. Pourtant, ceux qui viennent des villes commencent à s’habituer à la disponibilité de l’eau. Les premières villes capables de se doter d’un service d’eau sont les plus grandes car l’équipement est coûteux : Paris, Lyon, Saint-Étienne, Montpellier sont les premières à le faire, entre 1824 et 1833. Pour Jean-Pierre Goubert, la situation évolue à partir de 1880, où des villes de second rang s’équipent24. Rennes est équipé en 1883, avec ses prolongements balnéaires sur la côte d’Émeraude. Le Conseil d’État prend également plusieurs arrêts en 1877 en faveur d’un service de distribution d’eau pensé comme un service public, qui, à condition que la ville ne soit pas considérée comme entrepreneur de distribution d’eau, ne paie pas la patente. Le paiement de la patente est un frein pour le développement d’un service d’eau, car un minimum d’activité est nécessaire pour en permettre l’exploitation25.
15L’usage des citernes récoltant l’eau de pluie est plus un pis-aller qu’une solution miracle qui amène la surabondance. En effet, les précipitations sont médiocres sur le littoral. Alors que la pluviosité annuelle moyenne dépasse les 1 500 mm dans les Monts d’Arrée, elle est, sur la côte, presque partout inférieure à 850 mm. Elle descend à 700 mm de la baie d’Audierne à Ouessant, à 600 mm dans l’estuaire de la Loire. Belle-Ile reçoit annuellement 200 mm de pluie en moins que le fond du Golfe du Morbihan, phénomène général pour toutes les îles par rapport au continent voisin. Le nombre annuel de jours de pluie passe ainsi de 183 à Ouessant à 130 au Croisic, moins encore au sud de l’estuaire de la Loire26, ce qui explique sans doute un usage des citernes moins fréquent en Vendée. Ainsi, à Damgan, les précipitations mensuelles sont supérieures à 80 mm en hiver, d’octobre à février, mais ne dépassent pas 50 mm pendant les mois d’été, de juin à août27. L’eau, quand la population ne peut se contenter que de l’eau de pluie, est donc une ressource rare.
16Les sources peuvent se révéler une excellente solution à ce problème. Outre leur apport médical, elles pourraient désaltérer les habitants. Néanmoins, la disparition de la source ne gêne pas le développement de la station balnéaire. À la Bernerie-en-Retz, « on ne prit pas assez de précautions pour capter la source, et les travaux d’aménagement exécutés pour en faciliter l’accès dérangèrent le cours de l’eau ». Léon Maitre constate en 1910 que « cette attraction est perdue pour la station28 ». La source n’est donc qu’une attraction, et non pas une ressource vitale à la station. Certains habitants sont d’ailleurs peu partageurs.
« La plage de Bonne-Source doit son nom à une petite source ferrugineuse, située non loin [de la pointe de Congrigoux], source remplie de grenouilles, de talitres (vulgo poux de mer), de plantes, et accessoirement d’eau. De peur qu’on ne l’épuisât d’une lampée, son possesseur l’a entourée d’une palissade qui symbolise, plus qu’elle ne défend, le droit de propriété. Personne n’en a plus foulé l’accès, le sable l’a envahie. Elle est comblée29. »
17L’appropriation par un particulier d’une ressource si essentielle si la source avait été le seul point d’alimentation en eau montre qu’elle n’est pas capitale.
18Il peut exister de l’eau sous les dunes. Le sable des dunes sert de filtre à l’eau de pluie, mais c’est le socle imperméable qui détermine la formation d’une nappe aquifère. La nappe aquifère formée se situe au-dessus du niveau de la mer, elle est généralement modeste, selon les auteurs de La Côte atlantique entre Loire et Gironde30. À Saint-Gilles-sur-Vie, Edmond Baudouin fait creuser un puits dans les dunes de la Garenne de Retz en 1863, essentiel pour les débuts de la station balnéaire. Le guide précise qu’il s’agit de puits de marée : « À mer basse, quelques-uns sont à sec. À mer haute, l’eau y remonte par refoulement. Ils n’ont pas plus de deux à trois mètres de profondeur pour rester au-dessus de la nappe salée31. » À La Baule, en 1903, l’eau douce provient d’une nappe souterraine s’étendant au loin sous les dunes boisées, elle est considérée comme très bonne et très pure32. Il faut néanmoins aller chercher l’eau, qui ne surgit pas comme d’une source. L’important n’est pas tant de s’interroger sur la présence de l’eau que de ne pas creuser trop profond. L’eau devient, en effet, rapidement saumâtre et se révèle alors non potable par tous.
19S’il est difficile de connaître précisément le taux d’alimentation par des puits des villas balnéaires, on peut considérer qu’une majorité d’entre elles s’alimentent en eau par cet intermédiaire. Une série d’arrêtés tâche d’ailleurs de réglementer cet usage afin d’éviter les épidémies. Le maire d’Escoublac-La Baule, par arrêté du 10 juin 1900, oblige les propriétaires des maisons qui ne sont pas habitées en dehors de la saison d’été à faire nettoyer leurs puits, de façon à renouveler l’eau chaque année avant que leurs immeubles ne soient occupés. Les normes de construction se multiplient au début du xxe siècle, car la nappe aquifère placée sous la dune est facilement corruptible. Considérant que l’infiltration des matières fécales dans le sol pourrait nuire à la salubrité publique en corrompant l’eau des puits qui existent dans presque tous les chalets de la Plage, le maire de Saint-Jean-de-Monts arrête, le 18 septembre 1923, que toutes les fosses d’aisance de ce quartier devront être cimentées de manière à les rendre complètement étanches.
20Si le bord de mer peut recevoir, plus ou moins naturellement, des baigneurs, il convient maintenant de devenir propriétaire du territoire pour qu’une station balnéaire puisse s’installer. Or, les baigneurs s’intéressent au littoral breton et vendéen alors qu’il est profondément transformé par différentes décisions nationales.
Un territoire à coloniser
Fixer les terres
21La fixation des terrains littoraux est décidée sous la période impériale. Les villages littoraux avaient connu bien des vicissitudes avec les tempêtes de sable. Sylvie Caillé observe que le mouvement des dunes ne semble commencer qu’à partir du xvie siècle, peut-être, reprenant Roland Paskoff, suite au petit âge glaciaire qui touche l’Europe entre 1650 et 1850 et qui peut avoir multiplié les tempêtes. Elle prévient toutefois que les sources documentaires relatives au littoral datant d’avant le xvie siècle sont rares33. L’installation de l’homme s’avère difficile et nécessite parfois un repli face à l’avancée des dunes. L’ensevelissement du bourg d’Escoublac au xviiie siècle est lent mais inéluctable. La terre cultivable se recouvre de sable et l’église est assiégée. L’entrée dans l’église ne peut que se faire par les fenêtres et, en 1781, l’évêque de Nantes en interdit définitivement l’accès. Un nouveau bourg d’Escoublac est construit plus au nord. Les villages les plus proches du littoral sont ensevelis, comme le rappelle Henri Dardelin dans son guide sur Saint-Brevin-les-Pins, qui situe la disparition du hameau de Pontoise sous les dunes de Mindin et celui de l’Aufrou sous les dunes de la Hautière au xvie siècle34. En Vendée, « comme le vent vient surtout de la mer, en se dirigeant sur le continent, les sables tendent à s’avancer sur les prairies et sur le sol arable, et les empiétements des dunes, dont le sol est presque de nulle valeur, détruit ainsi des propriétés importantes35 ». Les dunes, selon J.-A. Cavoleau en 1844, ne valent rien, le site, sans usage, relève du désert.
22Napoléon Ier décide par décret du 14 décembre 1810 la fixation des dunes par l’ensemencement. La mesure est particulièrement volontaire : dans le cas d’une propriété privée, l’article 5 prévoit que « si lesdits particuliers ou communes se trouvaient hors d’état d’exécuter les travaux commandés, ou s’y refusaient, l’administration publique pourra être autorisée à pourvoir à la plantation des dunes à ses frais ; alors elle conservera la jouissance des dunes […] jusqu’à l’entier recouvrement des dépenses qu’elle aura été dans le cas de faire, et des intérêts ; après quoi lesdites dunes retourneront aux propriétaires, à charge d’entretenir convenablement les plantations ». Les résistances sont toutefois rares et la plupart des utilisateurs des dunes préfèrent se retirer sur des terres plus en arrière. À La Baule, seule Mme Larragon, propriétaire d’une ferme en partie envahie – la métairie de la Jau, en arrière de l’actuel La Baule-les-Pins – conserve ses terres, mais, dès 1815, elle les abandonne à la suite d’un envahissement définitif36.
23Les échecs des plantations sont courants et il faut de nombreuses années avant que les dunes ne soient fixées. À Escoublac, le comte de Sesmaisons, originaire de la commune, obtient en 1818 la concession des 642 hectares de dunes pour trente ans, mais il ne parvient pas à lutter contre le sable et le vent. Il se heurte à l’hostilité des habitants à qui l’État a retiré la jouissance d’une partie de la commune, en y interdisant le pacage des animaux. Il vend sa concession en 1834 et 1836 à divers entrepreneurs, qui sont plus en réussite à partir des années 1840, avec des plantations de luzerne notamment. La volonté du décret de 1810 ne se met donc en application qu’au cours du xixe siècle. Les plantations ne commencent à Saint-Brevin que lorsque les dunes, qui couvrent un quart de son territoire, sont partagées et vendues en 1860, elles sont l’œuvre d’une dizaine de propriétaires privés37. En 1864 et à nouveau en 1869, le conseil municipal de Saint-Gilles-sur-Vie récrimine contre M. Bascher, propriétaire de la garenne de Retz (flèche dunaire qui protège le port), car depuis 1845 et sa première demande pour planter de la vigne et des semis d’arbres résineux – tentative qui a échoué –, le sable continue de se déposer dans le chenal38.
24L’Administration tarde elle aussi, parfois, à lancer cette politique de grands travaux. Les dunes du pays de Monts ne commencent à se couvrir qu’à partir des années 1850. La population locale s’avère sarcastique quand débutent les plantations. Une habitante de Saint-Jean-de-Monts n’hésite pas à interpeller un garde forestier tout à ce travail dans les années 1860 : « Eh : Mossieu ! Ils ne nous mettrons pas vite à l’ombre, les arbres que vous semez. » Le garde ne peut que lui conseiller d’attendre quelques années pour juger le résultat, concluant est-elle obligée d’admettre quand elle rapporte cette anecdote au curé39. Certaines régions patientent tout le siècle avant que ne débutent les travaux. Le conseil d’arrondissement de Châteaulin et le conseil général du Finistère sont obligés en 1895 d’émettre le vœu que l’administration des Forêts veuille bien faire procéder à la fixation des dunes comprises dans l’arrondissement40.
25Pour cette opération qui se fait d’autorité, l’Administration enlève les dunes du finage villageois et doit faire face à quelques résistances. Au nord de la presqu’île de Quiberon, elle rencontre, dans les années 1850, « divers habitants de Plouharnel et de Quiberon qui enlèvent les gazons de la falaise sur toute leur épaisseur, pour en faire de l’engrais et laissent ainsi la surface dénudée exposée sans défense aux ravages des vents qui alors en soulèvent et en entraînent les sables. Tant que l’État laissait en complète lacune, cette portion de la route n°168 n’avait point arrêté la fixation de ces dunes, on a pu fermer les yeux sur les inconvénients de ce dégazonnement mais au double point de vue de l’entretien de la route et de la fixation des dunes, ce n’est plus possible41 ». MM. Boucharé, Sévellec, Guéguénou, Quélen, Sévellec, propriétaires à Crozon, récriminent contre le projet d’ensemencement des dunes de Dinan, qui les empêchera de prendre le goémon suivant l’endroit où les flots l’ont jeté, en les restreignant à un chemin leur causant la plus grande gêne42. La création de parcs à goémon ne contente pas toujours la population, car ces parcs sont sédentaires alors que le séchage, puis le brûlage du goémon se faisaient à proximité de la cueillette.
26La fixation des dunes a, dans l’esprit du décret, pour but de les intégrer aux terres, elle doit permettre l’appropriation totale du littoral en réduisant ses désagréments. L’activité balnéaire, qui participe à cette initiative, en profite pleinement pour, au contraire, renforcer le lien avec la mer. La partie située entre le sémaphore et Kerlosken à Beg-Meil est fixée en 1907, quand plusieurs particuliers, comme Louis Hemon et M. Bénac, entreprennent de faire planter la dune afin « de procurer aux promeneurs de l’ombrage et un lieu de repos43 ». Les plantations deviennent un argument touristique. Le guide régional Michelin sur la Bretagne précise en 1928-1929 que les environs de Beg-Meil sont boisés : « Des pins croissent même à proximité des dunes qui forment la côte, face à l’Océan44. » Avec la forêt, la station balnéaire devient le miroir de la ville. Elle gagne tous les avantages urbains sans devoir en subir les conséquences. Pour reprendre Sabine Barles, médecins et ingénieurs des xviiie et xixe siècles considèrent la ville comme délétère : « Les hommes y altèrent la qualité de l’air tandis que leurs activités bouleversent son sol et ses eaux, autant de motifs “qui occasionnent tant de fréquentes et si dangereuses maladies, plus dans les villes que dans les campagnes”45. » En 1903, le guide « Les petits trous pas chers » plébiscite La Baule, située dans une magnifique forêt de sapins qui s’étend jusqu’à la plage :
« Personne n’ignore à quel point les arbres de cette essence contribuent à la salubrité d’une contrée par leurs effluves résineuses et parfumées […]. Le nombre considérable de médecins qui l’ont choisie pour venir chaque année s’y soigner, eux et leurs familles, témoigne mieux que tout autre chose de l’exceptionnelle salubrité de la localité46. »
27Ce détournement de l’esprit du décret aura des conséquences importantes quant à l’environnement et à la préservation : la forêt, que les baigneurs mettent en place ou récupèrent peu après sa plantation, prend une place essentielle dans une station balnéaire.
Rendre le territoire salubre
28La forêt participe à la salubrité du site. Au contraire, le marais littoral, fréquent sur le littoral au xixe siècle et pourtant propice à la chasse, est un espace à circonscrire dans une station balnéaire, si ce n’est à supprimer. Quand commence le lotissement de Carnac-Plage, en 1899, les promoteurs achètent la dune et le marais. L. Gallouédec relate le travail de préparation.
« Pour fixer la dune, on la planta de peupliers et de résineux divers, pins maritimes, insignis, lambertianas, qui grandissent vite dans les pays sans hiver : les premiers datent de 1899 ; ce sont [en 1932] des arbres hauts de quinze mètres et plus. La dune consolidée, le marais fut drainé, asséché, des prairies et des bois en occupèrent la place47. »
29Les arbres, en absorbant l’eau en surface, permettent de réduire, associés à des travaux de drainage, ces marais.
30Le marais littoral se trouve souvent aux débouchés de ruisseaux dans les cordons dunaires. Florence Poncet a inventorié sa présence pour sa thèse sur les zones humides du littoral breton48. En Cornouaille, les étangs et les paluds sont séparés de la mer par des galets en baie d’Audierne, par des cordons sableux à partir du nord de Penmarc’h. Ces dépressions en arrière ont parfois été fermées artificiellement. Les zones humides occupent une grande partie du linéaire côtier (environ 72 %) de la pointe du Talut à la Vilaine. Le littoral de Loire-Inférieure côtoie les marais (salants) de Guérande et de la Brière au nord de la Loire, ceux du pays de Retz au sud. En Vendée, les marais artificiels – marais breton et poitevin – marquent le paysage au nord et au sud du département. Le trait de côte est influencé par ces marais littoraux, car le chenal de communication avec la mer se déplace parfois, comme pour le palud de Mousterlin, sur le territoire de Fouesnant. M. Cevaer, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, constate en 1924 que, en un siècle, le chenal, sous l’effet des vents dominants du Sud-Ouest transportant le sable d’une rive à l’autre, s’est décalé d’environ trois kilomètres, passant des abords de la pointe Beg-Meil à la pointe de Mousterlin49.
31Le marais est perçu comme un endroit putride, où la terre se mélange à l’eau. Jules Verne prévient que, dans le Morbihan, en 1868, « les étangs et les marais des côtes donnent naissance à des exhalaisons malsaines, qui rendent cette partie du département fort insalubre50 ». Le paludisme est une maladie courante des marais. E. Gallet, dans son article sur les études physiques, administratives et historiques sur le pays de Monts, paru dans l’Annuaire départemental de la société d’émulation de la Vendée, en 1868-1869, ne cache pas que l’air malsain des marais est un désavantage pour l’implantation humaine. Les politiques de dessèchement vont donc être nombreuses. Afin de faire cesser l’influence marine, le marais est fermé. Pierre-Guillaume Péron réalise un assèchement à Loctudy en 1854. Il est « propriétaire d’un terrain clos, dit Ar-Palud, situé à très petite distance de la côte. Bien que la mer n’y entre jamais, une grande partie de ce terrain est néanmoins couverte d’eau douce pendant huit mois de l’année. Pour le rendre à l’agriculture, et lui faire ainsi acquérir une plus grande valeur, [il a] l’intention de le dessécher en faisant écouler dans la mer les eaux qui le couvrent51 ». Il est autorisé à construire un aqueduc sous la dune. Les baigneurs bénéficieront de cette réalisation d’un propriétaire résidant au village de Langoz, mais dont on ne peut douter de sa motivation agricole : un quartier balnéaire investit à la fin du xixe siècle ce territoire. Tout en réduisant, voire annihilant, le pouvoir malsain du marais, le dessèchement offre de nouveaux terrains proches de la mer.
Connaître les propriétaires
32Le littoral reste un territoire particulier, où savoir à qui appartient un espace dunaire avant la mise en place d’une station balnéaire est longtemps incertain. Le cadastre est décidé par la loi du 15 septembre 1807, avec une mise en œuvre progressive. Après un démarrage rapide jusqu’à la fin de la période napoléonienne, il s’effectue essentiellement sous la Monarchie de Juillet. Cette cadastration des terrains a probablement d’ailleurs encouragé les plantations, car il n’était pas question de dépenser de l’argent pour le terrain d’un autre. Elle bouleverse les habitudes des autochtones : l’espace côtier sans contrainte laisse la place à des zones délimitées. Il n’est plus question d’aller empiéter, notamment avec les bestiaux, les propriétés maintenant privées. Néanmoins, le bord de mer apparaît sans propriétaire pour les populations littorales. Pour le curé de Saint-Jean-de-Monts en 1918, il ne fait d’ailleurs guère de doute qu’avant la plantation de la forêt, n’importe qui pouvait s’installer dans la Dune52. En fait, l’État se préoccupe des appropriations illégitimes quand les terres qui lui sont revenues à la suite du décret du 14 décembre 1810 commencent à être plantées par ses services. À Saint-Jean-de-Monts, « depuis les opérations cadastrales, des particuliers se sont emparés sur la lisière des dunes de terrains d’une qualité relativement supérieure, les ont entourés de talus en terre et les ont ensuite mis en culture. D’autres n’ont pas craint […] d’enclore au milieu même de la propriété domaniale les terrains qui leur convenaient le mieux et d’y établir des chaumières dites Bourrines pour leur servir de logement53 ». Le propriétaire des dunes – à savoir l’État – n’ayant pas fait valoir ses droits, d’autres personnes ont investi l’espace.
33Pourtant, l’État n’abandonne pas ses prérogatives durant la première moitié du xixe siècle : en Vendée, sont désignées entre 1828 et 1831 les portions de dunes lui appartenant, opération pendant laquelle un bon nombre sont découvertes comme usurpées par des particuliers. Des gardes-dunes sont créés, préposés à la conservation des arbrisseaux et broussailles existants dans les sables54. Si les plantations ont bénéficié de la mise en place du cadastre, le cadastre a notamment trouvé une application pratique lors des plantations. L’État tâche aussi de faire valoir ses droits sur les lais de mer, c’est-à-dire les terrains qui, grâce à l’apport de sable par la mer, ne sont plus recouverts par elle. Ces lais de mer lui reviennent automatiquement. À Saint-Brevin, l’État échoue à prouver que les dunes sont des lais de mer, quand un premier jugement du tribunal civil de Paimbœuf, du 8 août 1851, déclare que les dunes n’ont pas le caractère de biens vacants et sans maître55. L’État parvient tout de même à introduire la notion de droit au xixe siècle : les chemins ne sont plus encadrés par l’usage. Tout en désirant faire respecter la propriété, les autorités créent des espaces communs, afin qu’un accès et un usage de la mer soient toujours possibles. Lors des rapports pour l’aliénation des terrains communaux de Saint-Brevin, l’expert désigné par le tribunal, M. Padioleau, procède, en accord avec la municipalité, à l’établissement des chemins, laissant à leur extrémité côté mer, des espaces où déposer les goémons. Il réserve tout le long du rivage un chemin de ceinture d’au moins 12 mètres de largeur, à partir des plus hautes mers56.
34Le cadastre demeure principalement l’outil de l’impôt. Les terres les moins productives se retrouvent rapidement sans propriétaire. Les dunes sont très largement délaissées dès qu’il s’agit de payer l’impôt : à Saint-Jean-de-Monts, selon le curé, l’impôt s’élève à 1 franc l’hectare dans les années 1850 et suffit à chasser de nombreux habitants désireux de cultiver de meilleures terres dans les marais57. À Crozon, la mise en place du cadastre vide les lieux. Seul M. Pelliet déclare, au passage des géomètres, posséder un domaine à Rundaoulin, tandis que les plus anciens ne se font pas connaître. « Tout le reste depuis Morgat jusqu’au Cap de la Chèvre est porté domaine de l’État, car tous les villages du Cap de la Chèvre (ou de Rostudel) avaient suivi le même système que les opposants afin d’éviter les contributions58. » Les habitants espèrent profiter du territoire sans contrepartie, car l’autorité de l’État est lointaine jusqu’au milieu du xixe siècle. Ces délimitations n’ont encore qu’une valeur symbolique. Sans réelle autorité pour faire respecter les limites de propriété, le cadastre demeure des plans de papier. Connaître les limites de sa propriété est même difficile. M. Le Marié, propriétaire d’un terrain dit Al Loc’h situé en bord de mer, le long des dunes du fort Lamour, près de Concarneau, a la mésaventure de ne plus voir de la délimitation antérieure qu’une sorte de bourrelet issu de la clôture. Il délimite son terrain à ses risques et périls59. Tant que les terrains n’ont pas d’usage propre, le flou perdure : ne devient préoccupante la limite entre Saint-Hilaire-de-Riez et Saint-Jean-de-Monts, en pleine dune, que quand des constructions s’élèvent et qu’on ne sait pas sur quelle commune elles sont exactement bâties. Le bornage, réclamé en 1928, n’est toujours pas terminé en 193060. Louis Chevalier est témoin de cette confusion entre propriétés particulières à La Faute :
« La plupart du temps, les gens ne connaissaient pas les limites de leurs propriétés. Comme le sable ne valait pas cher, il leur arrivait d’acheter un bout de terrain, uniquement pour avoir le droit de chasse. Souvent, ils n’y allaient même pas y voir, parfois même l’oubliaient. De plus, le sable, ça s’étend, ça se rétrécit, ça se grignote, ça s’envole, ça se vole, sans même qu’on s’en aperçoive. […] De simples échanges entre paysans. […] Ce qui devait donner lieu à de terribles contestations, le jour où, dans l’Entre-deux-guerres et surtout à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, ces terres allaient devenir terrains à bâtir et prendre de la valeur61. »
35Le phénomène balnéaire, dont l’intrusion modifie les usages traditionnels, oblige donc à mieux connaître les limites du littoral. L’État, qui n’est déjà pas absent dans la modification du territoire, encourage d’ailleurs ce nouvel usage, s’imposant comme acteur inattendu sur le littoral.
La force de l’État
Un État favorable
36Le partage des territoires s’imbrique dans une nouvelle manière de percevoir le littoral. L’État y joue un rôle déterminant, ne serait-ce que pour l’espace qui intéresse le plus les baigneurs : la plage. Il loue le domaine public maritime pour des cabines ou des établissements de bains, bien que, jusqu’au milieu du xixe siècle, la confusion règne. L’ordonnance royale du 23 septembre 1825 permet aux préfets de concéder une partie du rivage, après enquête de commodo et incommodo. Seuls les plus grands établissements contractent des baux réguliers : dans les années 1850, MM. Deslandes au Croisic, Valentin Killion à Batz, Lafont au Pouliguen, l’établissement des bains de mer à Port-Louis, les habitants de l’île réunis en société à Palais… Les situations diffèrent d’un établissement à l’autre. Les établissements de Loire-Inférieure sont autorisés par le préfet, comme celui de Palais, celui de Port-Louis par le ministre de la Guerre, car la plage est un terrain militaire, celui de Saint-Gildas-de-Rhuys ne dispose d’aucune autorisation, mais paye la patente62. L’enquête, réclamée par le ministère de la Marine en 1853, est un premier indice de la volonté de l’État de contrôler plus sérieusement l’usage de la plage, en inventoriant les établissements permanents. Les Domaines prennent conscience de l’importance que revêtent les cabines de bains. Le directeur des Domaines de Loire-Inférieure désire en 1857 que les cabines soient l’objet de baux réguliers, bien qu’elles soient de taille moins importante et surtout sans la fixité des établissements de bains63.
37Cette reprise en main est mal vécue localement. Elle est ressentie comme une intrusion étrangère, comme une sorte de privatisation de la plage. La concession de la plage du Nau, aux Nantais MM. Lafont et Clemenceau, apparaît aux habitants du Pouliguen, en 1853, comme l’empêchement de circuler sur la plage aux grandes marées et l’impossibilité d’implanter les cabanes de baigneurs habituellement en place64. Les populations locales redoutent une activité balnéaire au potentiel mal exploité. Elles jugent que l’État entrave l’installation des cabines, en retirant aux communes cette autorité, tout en ne donnant pas les preuves qu’il est capable d’exploiter, d’une manière juste, les plages. Des conflits éclatent entre les Domaines et certaines communes au sujet de location de la plage, car ces communes considèrent la plage comme leur bien. La commune de Pornic comparaît devant le Conseil d’État en 1852 car elle a loué la plage de la Sablière sans autorisation. Pour le conseil municipal, outre le doute envers l’atteinte par les flots de la mer de la partie du rivage occupée par les cabines, « le produit des cabanes qui, quoique faible [2 097 francs, pour des recettes municipales s’élevant à 5118f94], est d’un si grand secours pour une commune pauvre, serait entièrement nul pour l’État, s’il se chargerait lui-même d’en faire le recouvrement, car les frais de gestion absorberaient évidemment les recettes mais alors, si l’exploitation des cabanes est abandonnée par l’État et interdite à la commune, la ruine de cette industrie entraînera celle des habitants, car ils doivent le bien-être et l’aisance dont ils jouissent qu’à l’affluence des étrangers, qui fréquentent les bains de mer de Pornic, et qui se garderaient bien d’y venir s’ils n’y trouvaient pas les commodités que partout ailleurs on leur procure65 ». Les Domaines veulent que les baux perçus indûment leur reviennent. La commune est condamnée66.
38L’affermage du domaine public maritime est source de débats jusqu’aux années 1870. Comme le rappelle le Journal officiel de l’Empire français en 1870, les transformations du littoral, grâce à l’activité balnéaire, « n’ont pu s’accomplir sans la participation de l’État qui, administration et maître du domaine public, avait le droit et le devoir de n’en permettre l’exploitation que moyennant le payement d’une redevance ». L’annulation du bail d’une partie de la plage de Langrune (Calvados) par un arrêt de la cour de Caen du 21 août 1866 s’appuyant sur l’ordonnance de 1681, qui fait « défense à toutes personnes de bâtir sur les rivages de la mer, d’y planter aucun pieux, ni de faire aucun ouvrage qui puisse porter aucun préjudice à la navigation, à peine de démolition des ouvrages, de confiscation des matériaux et d’amende arbitraire », relance la polémique67 Gay, dans son ouvrage De la propriété des rivages de la mer et autres dépendances du domaine public, s’insurge car « faudrait-il rentrer d’une manière absolue dans les termes de l’ordonnance de 1681, et supprimer purement et simplement les permissions de construire des cabanes de baigneurs ? Ce serait supprimer dans une certaine mesure les bains de mer, sans profit pour personne, et au préjudice de nombreux intérêts, de la santé publique, et des aisances de la population entière68 ». À partir de la loi de finances du 20 décembre 1872, les concessions sont soumises à une redevance au profit du Trésor lorsqu’elles sont situées sur le domaine public. Il est permis de croire que c’est aussi à partir de cette loi de finances que le débat sur la location du domaine public maritime se termine.
39L’incapacité de l’État à gérer les plages revient régulièrement. Or, les lois du 11 février an VII et du 18 janvier 1837 permettent la perception de droits de stationnement sur les ports et les rivières au profit des communes, en vertu d’une autorisation donnée par l’Administration supérieure, sous conditions et selon des tarifs qu’elle approuve69. Grâce à ces deux lois, la commune peut donc s’occuper de sa plage. La plage du Nau est louée à la commune du Pouliguen, à partir de 1869, à 130,50 francs par an, puis en 1893 à 1 000 francs par an, après que les Domaines eurent procédé à un nouveau calcul, en remarquant que la laisse des hautes mers a reculé d’une trentaine de mètres. En étudiant les dépenses concernant la plage dans le budget de la commune, le directeur des Domaines estime le revenu net tiré de la sous-location à 2 000 francs70. Le conseil municipal de Quiberon demande en 1909 « à devenir propriétaire de la plage à bail à seule fin de pouvoir y faire la police et donner toute sécurité à nos baigneurs dans la jouissance à la plage des emplacements qu’ils louent. […] De son côté, l’administration des Domaines ne voit dans cette affaire qu’une question de location à percevoir, la police de la plage, la surveillance des cabines qui ne sont pas déclarées étant le moindre de ses soucis71 ».
40Dans l’Entre-deux-guerres, avec l’exigence plus forte des baigneurs, les municipalités tâchent d’obtenir la location de leur plage au prix des travaux à fournir pour les baigneurs. En 1929, le conseil municipal de Croix-de-Vie encourage le député Gallet à s’entendre avec les autres parlementaires de toutes les stations balnéaires afin de déposer un projet de loi accordant aux communes intéressées le produit total des revenus des plages en compensation des dépenses d’entretien que ces communes sont obligées de faire72. Cette tentative n’aboutit pas, car, en 1937, le maire de Royan fait ressortir que les municipalités se voient dans l’obligation de remettre aux Domaines les 2/3 du montant des perceptions et, en plus, elles ont à leur charge tous les frais d’entretien et de réparation. Les conseils municipaux de Quiberon et de Carnac s’associent à sa démarche pour que le gouvernement laisse aux communes la totalité des perceptions73. Les choses ne paraissent pas changées, jusqu’à la résiliation des contrats de location, généralement au cours de l’année 1941. Le conseil municipal du Pouliguen préfère acquérir sa plage, pour 500 000 francs en 192774, vendue probablement par nécessité de trouver des subsides pour le Trésor. Cette transaction est relativement rare, car, comme l’explique l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, hostile en 1912, il « serait profondément regrettable de voir disparaître une plage qui constitue une des beautés naturelles du Pouliguen et qui contribue à la richesse de la côte entre Saint-Nazaire et le Croisic. Cette plage deviendrait, il est vrai, la propriété de la commune du Pouliguen, mais on n’a malheureusement que trop d’exemples de municipalités sacrifiant leurs richesses artistiques ou naturelles pour des besoins immédiats d’argent75 ».
L’enjeu des cabines de bains
41Le contrôle de la plage permet la mise en place de cabines de bains. La cabine de bains représente l’un des premiers signes de l’urbanisation. Hervé Bazin, à Concarneau en 1870, regrette l’apparition de « quelques cabanes premier symptôme des ravages de la civilisation ; mais consolons-nous : les Bretons les renversent ou les brûlent comme des objets d’horreur. Puissent-ils en délivrer à jamais les rivages76 ! » Pourtant, le bain nu est rapidement interdit sur les plages les plus fréquentées. Même les petits villages pourvoient à la moralité du bain. Le maire de Clohars-Carnoët en 1864 considère qu’il est important d’arrêter toute action portant atteinte à la décence et à la moralité.
« Tout individu qui voudra se baigner nu au port de Doëlan ne pourra le faire qu’ayant un caleçon ou pantalon et hors la vue du public et dans les lieux écartés. Les baigneurs et nageurs ne pourront parcourir l’anse qu’en amont du vieux Doëlan et du village de la Grange. Il est défendu à tout individu en état de nudité de parcourir la plage et d’y établir aucun jeu qui porterait atteinte à la décence et à la moralité publique77. »
42Le bain se fait ici dans l’anse de Doëlan, et non en pleine mer.
43Le bain dans le port représente un des premiers bains connus. Le port, zone délimitée et fermée, permet de profiter de la mer en relative sécurité. Josette Pontet indique que les bains nus sont pratiqués par les populations littorales basques mais dans le port ou dans les rivières, comme la Nive et l’Adour78. Il est difficile de savoir si les autochtones ont connu le bain de mer avant que les étrangers ne se déplacent spécialement sur le bord de mer pour cette activité. En effet, les sources sont rares sur cette pratique avant qu’elle n’investisse l’économie, car même si le bain de mer était connu des autochtones, il n’y avait aucune raison – c’est-à-dire aucun conflit digne d’imprégner des sources écrites – pour qu’une trace soit conservée. Seuls les témoignages des voyageurs livrent quelques indices. Édouard Richer, en 1823, note que des dames viennent prendre des bains de mer aux environs de Piriac. Il n’aborde cependant le sujet qu’avec une description de la côte escarpée et pour non pas décrire des bains, mais la cavité rocheuse où se déshabillent ces femmes. L’endroit possède un caractère bien informel, même si « on lui donne dans le pays le nom de Trou du moine fou79 », ce qui laisse présager l’effet dévastateur sur certains observateurs. G. Touchard-Lafosse, qui écrit en 1844, spécifie que ce sont des dames du pays qui s’y baignent80. Le fait que ces récits soient issus de la plume des hommes influence peut-être ce pan de l’histoire des bains de mer.
44L’obligation de devoir s’habiller pour le bain entraîne l’implantation progressive des cabines de bains. En 1840, le maire du Croisic réglemente les bains, en interdisant de se baigner nu dans le port ou auprès des promenades. Il destine les baies du Port-Lin, du Sable-Menu et de Saint-Goustan aux hommes, tandis que les autres plages peuvent être occupées par les femmes. Dès l’année suivante, un négociant demande à construire vingt-cinq cabanes sur la côte de cette commune et près des baies destinées aux bains81. Aux Sables-d’Olonne, la municipalité décide l’achat de bathing-machines, sur le modèle de l’Angleterre. Le consul général de France à Londres, le baron Séguier, explique en 1824 que « les machines à baigner de Weymouth n’ont rien qui les distingue de celles que l’on trouve dans presque tous les ports des côtes anglaises. Elles consistent dans une espèce de grande caisse carrée et longue, surmontée d’une toiture en bois placée sur quatre roues, avec une porte aux deux bouts pour monter et descendre, et deux petits escaliers portatifs. Un cheval s’attelle à cette chambre ambulante et la conduit dans l’eau à la hauteur requise. Telles sont les machines à baigner [qu’il a eu lui-même] occasion de voir partout, à Brighton, à Narborough, etc.82 ». La plupart des cabines de bains sur le littoral nord-atlantique seront néanmoins fixes.
45L’Administration désire éviter le chaos sur la plage et agit avec pragmatisme. Aucune norme pour les dimensions des cabines n’est établie au début. La même année, en 1857, l’administration de la Marine concède à Préfailles 20 m² à M. Normand pour six cabines (soit un maximum de 3,33 m² par cabine), 7,5 m² à Pierre Quirouard pour deux cabines (soit un maximum de 3,25 m² par cabine), et sur la plage de Port-Lin, au Croisic, 25 m² à Mmes Simon pour dix cabines (soit 2,5 m² la cabine83). En Vendée, les premières demandes pour l’installation de cabines de bains obtiennent des concessions d’un are, pour la cabine et les sièges situés autour de celle-ci. Quand les cabines deviennent trop nombreuses, les concessions sont réduites au moment de leur renouvellement. À Saint-Jean-de-Monts, la zone concédée à chaque nouvelle demande de cabine de bains est réduite à vingt centiares en 1928, soit quatre mètres de façade sur cinq mètres de profondeur, pour éviter une trop longue distance par rapport au centre de la plage84. La multiplication des cabines conduit d’ailleurs à leur rejet chez certains, notamment à partir du début du xxe siècle. En 1908, le conseil municipal de Noirmoutier attend du service des Ponts-et-Chaussées qu’il n’accorde plus de concession pour cabines de bains sur les deux extrémités de la Plage aux Dames, car « les deux points de cette anse qui présente un caractère très artistique seraient complètement défigurés si l’on continuait dans cette voie85 ». En 1909, le conseil municipal de Plœmeur, dont dépend Larmor-Plage, s’indigne du manque de place pour les villégiateurs qui veulent établir leurs tentes, à cause des trop grandes concessions faites par l’administration des Ponts-et-Chaussées aux habitants de Larmor pour leurs cabines. L’Administration ne doit plus accorder, par famille, que quatre mètres carrés de surface de terrain. Toutefois, il défend l’existence des cabines, qu’une pétition d’habitants de Larmor en 1908 désire voir supprimer86.
46L’enjeu financier limite la chasse aux cabines, car les autorités apprécient les profits obtenus de la nécessité pour les baigneurs de se changer protégés des regards. Le maire de Préfailles enjoint d’ailleurs, dès 1863, le sous-préfet de Paimbœuf d’appuyer sa demande pour pouvoir louer des parcelles de terrains communaux auprès des baigneurs, afin d’augmenter les ressources de la commune87. Quand, en 1935, une pétition de gens de Larmor, de touristes et de promeneurs, demande l’enlèvement des cabines de bains sur les plages de Larmor et de Toulhars, avec comme motif le manque d’esthétique produit par ces cabines, le maire ne peut que se préoccuper de la grosse perte induite. Selon lui, la location de tentes serait bien inférieure à celle produite par les locations d’emplacement de cabines, les cabines sont donc maintenues88. Lorsque les cabines ne concernent pas directement les bains de mer et que l’intérêt pour la commune est moins important, la municipalité se permet de demander que les cabanes disparaissent. En 1928, le conseil municipal de La Tranche prie qu’on enlève le magasin servant à loger les matériaux pour l’entretien de la jetée et construit sur un terrain communal, car il gêne la circulation intense pendant la saison balnéaire et offre un mauvais aspect pour l’arrivée de la plage89. La cabine de bains présente de si nombreux intérêts qu’il reste difficile de ne pas s’en passer, quitte à devoir l’intégrer comme élément du paysage balnéaire.
La vente par les Domaines
47L’État n’intervient pas que sur la plage. Souvent propriétaires en bord de mer, les Domaines vendent régulièrement des parcelles. À Saint-Jean-de-Monts, aucune parcelle possédée par l’État dans la section des dunes n’a été préservée de la vente, en entier ou en partie, dès 1836. Le conseil municipal demeure vigilant car les ventes par les Domaines ne lui conviennent pas toujours. Celui de Croix-de-Vie s’insurge en 1883 contre le projet des Domaines pour arriver à la vente de plusieurs lots d’un terrain sablonneux situé à Boisvinet. Il demande au préfet de refuser son autorisation, car ce terrain, non seulement sert de champ de courses pendant la saison, mais permettra à l’avenir de faire des plantations et d’y installer une vaste tente garantissant les baigneurs contre les rayons du soleil. La commune ne possédant aucun terrain avoisinant la plage de Boisvinet, cette vente contrecarrerait l’aménagement de la plage90. Le conseil municipal de Fouesnant récrimine en 1927 contre l’État qui désire vendre huit hectares trente de dunes : les acheteurs vont bâtir des maisons et des murs de clôture et « les touristes qui venaient nombreux pour admirer cette région pittoresque abandonneront la plage de Beg-Meil parce qu’ils ne pourront plus jouir de la vue sur mer qui sera bouchée par les constructions et les murs91 ». À chaque fois, la commune n’a évidemment rien à gagner dans l’opération, elle préfère donc le statu quo.
48Après enquête de commodo et incommodo, pour connaître les récriminations contre le projet, la vente suit généralement le principe de l’adjudication aux enchères. Un terrain domanial, situé à la Falaise du Loc’h, au Cap-Coz, sur le territoire de Fouesnant, est mis aux enchères en six lots en mars 1892. Les enchères permettent la montée des prix dès que plusieurs propriétaires désirent agrandir leurs propriétés. Le prix de la moitié des lots dépasse de dix fois la mise à prix de départ, ils sont achetés par des propriétaires situés dans la commune. Joseph Alavoine, négociant et propriétaire riverain, demeure toutefois à Quimper. Le produit de la vente atteint les 3 000 francs, contre 352 francs de mise à prix92. Les particuliers riverains conservent néanmoins un droit de priorité sur les terrains vendus par les Domaines. Ce droit est connu de la population, qui a la possibilité de le faire valoir notamment lors de l’enquête de commodo et incommodo : Edouard Corfmat, propriétaire en 1930 à la plage de Toulhars, à Larmor-Plage, « fait connaître qu’il était absolument de l’avis du directeur des Domaines et admit que les différents acheteurs – autres que lui – des divers lots du commun vendu en 1903 n’ont aucun droit sur la partie non vendue de la parcelle 1573 s’étendant au sud du boulevard actuel, sinon celui de priorité93 ».
49Les Domaines ne sont pas dupes des profits liés à ces ventes et, parfois, ce service montre une certaine propension – non avouée généralement – à la spéculation. Quand il en a la possibilité, l’État veut réaliser de bonnes affaires. Malgré la pression exercée pour que soient vendus les parcs à goémon à Pornichet, il refuse de céder ces parcs, un sous-inspecteur expliquant, en 1890, le risque de dépréciation des prix, car la superficie est égale à celle des terrains vendus pendant les années 1886 à 1889. Situées sur le rivage même de la mer, la valeur de ces parcelles tendra, d’ailleurs, toujours à augmenter94. Certaines communes en font l’amère expérience, car le bord de mer est parfois presque entièrement possession de l’État. En 1902, le conseil municipal de Notre-Dame-de-Monts demande aux Eaux-et-Forêts une cession de terrain dans les dunes domaniales afin de contenter les baigneurs désireux de construire sur le bord de mer. L’aliénation porte sur un espace de cent mètres de profondeur de chaque côté de la route du bourg à la mer95. Il essuie un premier refus, mais ne se décourage pas et reprend le projet en 1905 et en 1912, sans plus de succès. Il tâche de rassurer en 1921 les Domaines, car « l’État, sans nuire à ses intérêts, en vendant à la commune ou à des particuliers (avec l’obligation pour ceux-ci de construire) favoriserait l’établissement d’une station balnéaire sur l’un des points les plus sûrs et les plus agréables du littoral96 ». Le ministre des Finances rejette la demande. Le conseil municipal insiste sur la rareté des terrains constructibles, situés au moins à 300 mètres de la mer. Quand le ministre estime que l’aliénation des terrains domaniaux ne pourrait être qu’à vil prix, le conseil, en plus d’observer l’attente des touristes, cite le cas de la station voisine, Saint-Jean-de-Monts, où les terrains vendus avant la guerre valaient 70 centimes le mètre carré, contre, en 1922, un franc cinquante, voire deux francs, pour la présente vente. Enfin, il s’engage à étudier les dépenses de vicinalité en vue de l’existence de la station. Les Domaines cèdent finalement en 192397. L’installation d’une station balnéaire s’inscrit donc dans un dialogue entre personnes extérieures à la commune et autochtones.
Le partage des territoires
Des projets d’envergure encouragés
50L’urbanisation du littoral breton demeure particulière. Comme le remarque Maurice Le Lannou dès le début des années 1930, « le morcellement extrême de la côte a favorisé une extraordinaire dispersion des lieux de villégiature. [À cette époque,] les guides citent près de cent cinquante “plages” de tous ordres. Un caractère propre au littoral breton est la rareté des grands centres mondains : seules La Baule, Dinard et Paramé, les plus rapprochées de Paris, les moins bretonnes, sont des plages mondaines de première importance. Les autres, semées un peu partout, sont des plages très fréquentées, mais plus simples, sans grand luxe (Saint-Malo, Le Val-André, Saint-Quay-Portrieux, Perros-Guirec, Morgat, Quiberon, Pornic) ou bien, beaucoup plus nombreuses, de minuscules plages familiales, villages de pêcheurs où se sont élevés quelques hôtels et quelques villas autour de petites maisons basses98 ». La mainmise moins importante des lotisseurs – professionnels ou particuliers – a favorisé, en Bretagne, l’éparpillement. Même un marchand de biens averti comme André Bernheim, relanceur du Grand Hôtel de Paramé99, ne réalise que de petites opérations foncières, à Tréboul dans les années 1920, et à Concarneau dans les années 1930. En Vendée, l’ingérence dans les projets des municipalités, souvent à l’initiative, est aussi plus grande. La station balnéaire bretonne ne se crée pas dans l’unité. Il existe en Bretagne et en Vendée deux périodes majeures d’activité pour les grands lotissements balnéaires : les années 1880, avec succès généralement, et la veille de la Première Guerre mondiale, où le conflit est souvent fatal au projet. Sébastien Fougnié souligne que le nombre de sociétés immobilières explose, au niveau national, après les lois de 1863 et de 1867, qui ont allégé les procédures de création, notamment en supprimant le contrôle des pouvoirs publics100.
51Plusieurs méthodes pour investir interviennent. Certains lotisseurs achètent massivement aux autochtones, comme la Société Richard et Compagnie à partir de janvier 1884. Louis Richard, marchand de commerce, réussit à convaincre Armand Peugeot, manufacturier franc-comtois d’outils de jardin, d’atelier, de ressorts pour corset (la fabrication de vélocipèdes ne commence que vers 1885, celle d’automobiles au début du xxe siècle), de créer une station balnéaire à Morgat101. Les moyens mis en œuvre sont importants. Dès la première année, la société rassemble 212 parcelles et poursuivra son effort financier jusqu’en 1914. L’espace est complètement réorganisé, laissant la place aux vastes parcelles constructibles. Après un début déjà timide, les ventes demeurent faibles. En 1885 sont vendues huit parcelles et en 1886 cinq parcelles. Dix années sont nécessaires avant que les ventes ne commencent à augmenter. La société est modifiée d’ailleurs régulièrement, avant de devenir la Société anonyme de la plage de Morgat en 1913, poursuivant l’œuvre d’Armand Peugeot, au bord de la faillite en 1910 et qui meurt retiré des affaires en 1915. D’autres s’adressent directement à la municipalité. Gustave Bernheim, ingénieur Parisien, propose au maire de Batz, en 1913, d’acheter les terrains communaux de la Falaise, terrains situés entre le bourg et Le Croisic, pour une somme de 150 000 francs, offre qui intéresse particulièrement le conseil municipal. Gustave Bernheim et ses coacquéreurs doivent produire un plan des terrains à aliéner, avec l’évaluation exacte de la superficie (autour de vingt hectares) et l’engagement d’y élever des constructions. Le conseil municipal reste très prudent pour ne pas faire fuir cette belle opportunité et le projet de distraction de quatre hectares pour des parcs à goémon est mal accueilli : non seulement la perte financière s’élève à 30 000 francs, mais le conseil redoute que le soumissionnaire renonce à l’achat des terrains102. Finalement, la vente ne se fait pas.
52Les initiatives des promoteurs sont généralement connues de la population. Quand les lotissements englobent des centaines de parcelles, il paraît difficile de cacher aux autochtones l’ampleur de l’opération. Des promesses de vente ont lieu en 1883 à Crozon. Par acte du 5 août 1883, douze propriétaires promettent de vendre une partie de leurs terrains à Armand Peugeot, qui a six mois pour accepter. Armand Peugeot est représenté pour cet acte par Henri Herjean, maître menuisier demeurant au bourg. Les vendeurs sont conscients qu’un lotissement est en voie de constitution. « Il est à leur connaissance que M. Peugeot a le désir de fonder un établissement industriel aux abords de la baie de Morgat, commune de Crozon, sur les parties des terrains des villages de Lesquiffinec, Toul-an-Trez et Kerigou. » Cette promesse de vente va bien au-delà de la simple transaction. Les vendeurs s’impliquent dans le projet : « Persuadés des avantages qui peuvent résulter pour le pays de cette fondation, lesdits comparants se sont réunis pour favoriser la réalisation des projets de M. Peugeot et en conséquence, ils ont déclaré promettre de vendre à M. Peugeot, représenté par M. Herjean, acceptant ladite promesse. » Ils promettent même de le favoriser, au moins moralement. Les terres labourables, les prés, les prairies sont vendues soixante francs par are, les landes trente francs, les frais restant à la charge de l’acheteur103. Toutefois, sur les douze vendeurs, seulement sept sont cultivateurs et seulement quatre demeurent dans l’un des trois villages concernés par la zone à investir. L’accaparement est donc réduit pour eux, car ces terres sont un patrimoine dont ils peuvent se séparer. Chacun a pu croire aux bienfaits apportés par une nouvelle population.
53Les promoteurs savent, en effet, discourir sur les bienfaits de l’implantation d’une station balnéaire. Le maire de Batz presse le préfet de Loire-Inférieure de bien vouloir lui adresser l’arrêté concernant les concessions de terrain à la Barrière, entre Batz-sur-Mer et Le Croisic, soumissionnées par Jadin et Compagnie en 1863 : « L’avantage serait immense pour l’intérêt de la commune et des habitations, ces Messieurs qui se trouvent ici pendant la saison des bains, étant pressés de faire travailler, feraient excessivement de bien à [la] localité104. » Ludovic de L’Étang, enthousiaste en 1900 pour sa future station à Port-Navalo, explique ce qu’il va se passer :
« Quand Arzon sera une station estivale en vogue, sa population sera dans la prospérité puisqu’alors les agriculteurs y tireraient meilleur parti de leurs produits, les vieux marins trouveraient un fructueux emploi à promener dans le Golfe du Morbihan les nombreux touristes et les indigents trouveraient aussi à gagner leur vie auprès des baigneurs. Si la municipalité d’Arzon, et même sa population, facilitait la réalisation des dits projets, elle ne peut donc qu’en bénéficier105. »
54Les populations locales ne peuvent qu’être attentives à ce type de discours enjoliveurs, même si le projet de Ludovic de L’Étang ne réalisera pas. Elles sont conscientes que les bains de mer existent et que cette industrie représente une manne financière notable. Ludovic de L’Étang prend d’ailleurs exemple sur les réussites de Trouville, Les Sables-d’Olonne et Royan. Néanmoins, les parcelles littorales sont parfois sous le régime de l’indivision, empêchant le partage et les ventes. Il s’agit de libérer ces territoires, qui sont le plus souvent des communaux.
Des communaux à libérer
55Les communaux bretons relèvent d’un cas particulier, tandis qu’en Vendée, les communaux sont relativement rares. Nadine Vivier, dans son ouvrage sur les biens communaux en France entre 1750 et 1914106, explique qu’en Bretagne, le mode de partage des communaux a été difficile. La loi du 28 août 1792, par son article 10, déclare que, dans les cinq départements de la Bretagne historique, les biens communaux appartiendront exclusivement soit aux communes, soit aux habitants des villages, soit aux vassaux qui ont le droit de communer, c’est-à-dire de mener paître les bestiaux et de couper les mottes, landes ou bruyères. La guerre civile empêche cependant le partage immédiat des terres. Une action judiciaire est donc nécessaire pour désigner les propriétaires des biens communaux, mais la procédure est longue et coûteuse, car les ayants droit sont nombreux. La situation demeure bloquée pendant une grande partie du xixe siècle. L’interprétation des lois révolutionnaires rend l’issue du procès aléatoire. Deux conceptions s’opposent : l’une, favorable aux communes, soutient que l’article 10 de 1792 a été aboli par la loi du 10 juin 1793 (article 1, section IV), qui accorde une présomption en leur faveur, tandis que les opposants estiment que cette loi de 1793 ne s’applique pas à la Bretagne. La Cour de cassation tranche la question. Le 28 avril 1840, elle soumet l’ancien vassal breton à l’obligation d’établir la mesure de son droit de communer pour déterminer la portion de l’immeuble dont il prétend se faire déclarer propriétaire. Le 10 août 1846, elle décide que la législation établie par les lois de 1792 et 1793 constitue, en cette matière, le droit commun de la France, et que l’article 10 de la loi du 28 août 1792 n’a pour but que de changer le droit d’usage en droit de propriété107.
56Afin d’accélérer les procédures encore coûteuses, l’Assemblée législative vote, à l’initiative de M. Favreau, représentant de la Loire-Inférieure, le 6 décembre 1850, une loi sur la procédure relative au partage des terres vaines et vagues dans les cinq départements composants l’ancienne province de Bretagne. Cette loi doit permettre une division plus rapide, moins onéreuse et définitive des terres. Il s’agit d’une simplification de procédure qui ne définit pas le mode de partage, laissé à l’appréciation du tribunal. La loi reçoit un fort écho au sein de la population bretonne, l’essentiel des partages a lieu entre 1850 et 1880108. Nadine Vivier observe que la jurisprudence de Nantes et Rennes adopte la division proportionnelle aux terres cultivées par chacun, écartant les non-propriétaires. En 1852, le juge quimperlois M. Limon regrette que, dans le Finistère, « les partages, d’après la jurisprudence, [soient] établis en prenant pour base l’importance des terres chaudes [terres cultivées] possédées par chaque communiste […] : tandis que la jouissance a lieu par feux, en ce sens que l’habitant, qui n’a qu’une cabane sans terre, a droit aux bénéfices du communelage, comme le possesseur d’une grande exploitation109 ».
57Les biens communs commencent, au xixe siècle, à avoir pour fonction l’entrée dans le patrimoine : leur importance l’est d’autant plus qu’il est possible de les vendre, quand on sait à qui revient le produit de la vente. Le partage des communaux suit un processus réglementé. Il est nécessaire de provoquer un exploit pour mettre en marche la procédure, où l’un des ayants droit demande la fin de l’indivision auprès d’un huissier. L’huissier adresse un acte d’assignation auprès du préfet et du tribunal civil. Le tribunal étudie si l’exploit introductif d’instance est recevable selon la loi du 6 décembre 1850, puis ordonne toute la publicité possible par les assignations, affiches, publications et insertion prescrite pour que tous les ayants droit hostiles à ce partage puissent se manifester. Le tribunal procède à un jugement préparatoire. Les parties se constituent derrière quelques avoués. Lors du jugement définitif du 18 mars 1872 pour les communaux de Tréboul110, quatre avoués représentent un total de 159 personnes, mais la partie qui demande le partage n’en englobe que cinq, tous propriétaires, habitants de Tréboul sauf un (habitant de Douarnenez). Armand Lauvergnat et Gustave Le Guillou de Penanros sont négociants, Étienne Nouy est cultivateur, Guillaume François Théodore Sauvage est boulanger et Joseph Asquoët est marin-pêcheur, ils sont représentés par Me Le Guillou. Les autres parties semblent se constituer selon les affinités, autour de la famille Chancerelle ou des héritiers Simon Dagorn pour les plus nombreuses. Le tribunal civil de Quimper, considérant que le délai d’un mois est expiré sans qu’aucune réclamation en opposition ne soit survenue de la part de qui que ce soit, ordonne le partage des terres vaines et vagues, situées aux abords de Tréboul. Il nomme les experts, géomètres ou notaires, pour partager les 78 hectares 16 ares et 51 centiares de terres.
58Les experts doivent éviter le morcellement des terres, car cette division serait préjudiciable à l’intérêt général. Le rapport de l’expert peut durer quelques années. À Saint-Brevin, M. Padioleau, l’expert désigné par le tribunal de Paimbœuf, commence le sien le 5 novembre 1855 et ne le clôt que le 15 mai 1859. Il le dépose le lendemain au greffe. À la suite de ce rapport, un nouveau jugement du tribunal ordonne la vente, à Saint-Brevin par adjudication, des parcelles désignées au procès-verbal d’expertise. L’adjudication a lieu fin décembre 1859-début janvier 1860, sur huit journées111. Selon Henri Dardelin, l’hectare s’est vendu entre 35 et 40 francs, une partie des acheteurs sont originaires de Paimbœuf (MM. Couëtoux et Gouin) et de Nantes (M. Gariou)112. L’expert procède ensuite à la répartition entre les intéressés des sommes provenant de la vente. À Tréboul, la répartition se fait sur le même principe, entre 97 et 482 francs l’hectare selon la situation113, les plus gros propriétaires (comme Le Guillou de Penanros) récupérant, en tant que bénéficiaires, une part de leur argent versé en tant qu’acheteurs.
59Les biens communs sont souvent apparentés à des exploitations peu intensives, ils sont propices aux landes, mais certaines communautés y sont particulièrement attachées. Encore en 1913, le hameau des Bussoleries, à Saint-Hilaire-de-Riez, exclut de se séparer de ses communs, sur lesquels les habitants ont « un droit de vaine pâture de temps immémorial et auquel ils tiennent d’une façon toute particulière114 ». Les communaux disparaissent néanmoins à mesure que la pression foncière née de l’activité balnéaire est plus forte. Les habitants des Bussoleries décident une aliénation-partage du commun en 1926, tandis que les baigneurs s’intéressent à ces parcelles depuis la veille de la Première Guerre mondiale. Deux conceptions s’opposent pour fixer le prix. Le mandataire des habitants des Bussoleries, Joseph Barreau, dresse un procès-verbal d’une terre peu enviable, sablonneuse, impropre à toute culture et même difficilement utilisable pour le pâturage. Même la construction d’un lotissement entraînerait des dépenses considérables115. Il tâche d’avoir ces terres à un moindre prix pour ses clients. L’agent-voyer cantonal, Maximilien Lejuif, n’est pas du même avis, car elles ont une situation unique sur le bord de la mer. Le prix de 5 700 francs l’hectare représente la valeur réelle actuelle des pâturages. Selon lui, « il ne faut pas tenir compte de la valeur réelle, qui est de beaucoup inférieure, mais de la situation tout à fait exceptionnelle de ces terrains, convenant pour un lotissement », notamment à la lumière des ventes effectuées dans le voisinage pour des villas, à des prix variant entre 50 000 et 150 000 francs l’hectare. Il propose un prix de 8 550 francs l’hectare116. Le projet de lotissement constitué en 1926 indique que la vente s’est faite, mais sans indice sur le prix. La vente à des baigneurs permet donc de faire d’intéressants bénéfices, sur des terres que l’on considérait encore quelques dizaines d’années plus tôt sans grande valeur.
Une manne à partager
60Les motivations de vente sont, pour la majorité des opérations, difficiles à connaître, car rarement explicitées. La destination de l’argent de la vente peut être multiple. La vente peut être contrainte, comme pour rembourser ses dettes ou couvrir des déficits. Lors de la constitution foncière du lotissement de la société Richard et Compagnie, certains habitants de Crozon vendent, puis remboursent leurs créanciers. Le 26 janvier 1884, la veuve Herjean, demeurant au village de Kerigou, vend 81 ares 90 centiares à la société pour un montant de 4 914 francs. Elle rembourse cinq obligations (reconnaissances de dettes passées devant notaire), dont une partie avait été contractée par son mari dès 1876, d’un total de près de 3 000 francs. Les époux Lespagnol profitent d’avoir vendu 25 ares 4 centiares au prix de 1 020 francs, pour rembourser la veuve Marie-Anne Douarinou et son mari Pierre Le Bris, cultivateurs à Argol, de 622 francs – l’obligation datait de 1879 et portait sur une somme de 600 francs117. Quand l’État manque d’argent, les Domaines procèdent aussi à des ventes. Le projet d’aliénation des dunes de Beg-Meil alarme le conseil municipal de Fouesnant et le conseil général du Finistère en 1927. M. Fatou, inspecteur principal des Eaux-et-Forêts, est explicite :
« Le projet d’aliénation dont il s’agit faisait partie de mesures rendues nécessaires par une situation budgétaire des plus critiques, celle de novembre 1926. Le maintien ou l’abandon du projet de loi n°4186 (Chambre des Députés), qui envisage cette aliénation et celle de plusieurs autres dunes domaniales, doivent être considérés comme dépendant principalement de la situation du Trésor, meilleure sans doute actuellement, mais qui peut encore connaître des moments critiques118. »
61L’État réagit comme les particuliers quand il a besoin d’argent et les parcelles qu’il possède sur le bord de mer permettent des plus-values intéressantes. Il est d’ailleurs probable que c’est à la situation difficile du budget en 1922-1923 que la commune de Notre-Dame-de-Monts doit son lotissement balnéaire.
62La vente permet la relance de certains projets. En 1935, Jean Hallereau, demeurant à Haute-Goulaine (Loire-Atlantique), possède un petit terrain de 1 200 m² à Saint-Brevin-les-Pins, terrain acheté dix ans auparavant. Il n’a cependant pas encore pu y construire une habitation d’été. Il a l’intention de vendre une partie de ce terrain, en deux lots de 400 m². L’Administration ne contrecarre pas ce projet, dispensé des formalités prescrites aux lotissements119. Il est possible que cette vente ait pour but la construction de sa maison secondaire, mais il ne vendra rien de sa parcelle et il ne construira pas à Saint-Brevin120. La vente finance parfois directement des projets, notamment quand le vendeur est une commune. Le maire de La Tranche-sur-Mer ne s’en cache pas en 1904 : « La commune de La Tranche désirant faire construire une maison d’habitation pour l’instituteur adjoint et n’ayant aucune ressource pour faire face à cette dépense a demandé à aliéner de nombreuses parcelles de terrains communaux121. » Cette aliénation doit permettre de lutter contre l’envahissement du sable, mais surtout se faire « parce que de ce moment plusieurs étrangers désirent les acquérir pour faire construire et si on refuse de les leur céder aujourd’hui, ils iront faire construire sur une autre plage ». Le maire tâche d’expliquer que la part de terrains communaux vendus, bien que ne profitant plus directement à ses administrés, deviendra un bienfait pour la commune, à une échelle plus globale. La vente peut se faire avec des contreparties : en 1887, lorsque M. Prieur obtient, au prix de vingt francs l’are, une portion de terrain communal au lieu-dit Port-Maria, à Saint-Gildas-de-Rhuys, il s’engage à établir un chemin donnant accès à cette plage122.
63Enfin, l’activité balnéaire a aussi un aspect spéculatif. Sur la plage du Trez, à Bénodet, Pierre Kerfer achète à partir de 1901 diverses parcelles ou parties de parcelles afin de les partager. Après avoir négocié avec les propriétaires locaux, il achète les parcelles de la Veuve Levainville en 1904, pour les vendre entières quand elles sont petites, comme en 1905 à Paul Canévet, négociant en vins à Quimper, ou divisées, comme en 1906 à Jean-Marie Louédec, quartier-maître à Bénodet, puis à nouveau en 1912 à Henri Vertadier, chimiste Parisien. Les autochtones ne sont pas exclus de ce trafic – Jean-Marie Louédec revendra sa parcelle à Henri Vertadier. L’arrivée de nouveaux propriétaires fonciers relance souvent le processus de vente. Yves Cariou, habitant un village de Bénodet, reçoit en 1924, par l’intermédiaire de son épouse, quelques parcelles du côté de Trez Bian. Il crée un lotissement sur une de ses plus grandes parcelles, qu’il viabilise avec 1 750 mètres de voies d’une largeur de huit mètres, soutenu par le maire123 : on compte deux acheteurs en 1925, deux acheteurs en 1927, trois acheteurs en 1929, neuf acheteurs en 1930, trois acheteurs en 1931. Ce secteur de Trez Bian devient un véritable quartier balnéaire. En 1932, deux Nantais, Isidore Cloteaux, notaire honoraire, et Maurice Guitton, avocat, désirent vendre des parcelles de terrains boisés situées à Saint-Brevin-l’Océan, qu’ils ont reçues par suite de successions. Ils se renseignent auprès du préfet pour savoir comment procéder, « attendu qu’ils ne font pas profession de lotisseurs ». Ils recherchent un profit sans risque, sans engager trop de frais. Ils demandent à pouvoir viabiliser leurs parcelles au fur et à mesure des ventes. La perspective de pertes paraît suffisamment réduite puisqu’ils vont présenter, avec Robert Guitton, propriétaire à Bournezeau (Vendée), au total, quatre projets de lotissement les années suivantes124.
64Les quartiers balnéaires sont aussi investis par les autochtones, qui s’installent dans ce qui apparaît surtout être un nouveau quartier. À Saint-Jean-de-Monts, la moitié des habitations du quartier de la Plage appartient en 1882 à la population locale, qui y conserve ses biens majoritairement jusqu’à la Première Guerre mondiale, alors que les autres chalets ou maisons changent régulièrement soit de propriétaire, soit d’aspect125. Cette fidélité est sans doute due au mode d’enrichissement local, lié à la terre et au marais, peu sujette à de grandes variations économiques. En 1911, vingt-cinq foyers, où près de la moitié sont marins ou journaliers, habitent à l’année le quartier de la Plage de Saint-Gilles-sur-Vie, selon le recensement réalisé en mars. Ce quartier connaît toutefois un développement différent, à peu près dans les mêmes années que le quartier de la Plage de Saint-Jean-de-Monts, puisqu’il est dépendant de l’activité industrielle de la conserverie, alors en plein développement. Les négociants investissent dans les ventes que Paul Bascher, propriétaire d’une parcelle de plus de cinquante-trois hectares, fait dans les dunes, à partir de 1882. Les acheteurs locaux qui ne sont pas issus du monde de la conserverie sont rares : Stanislas Chaillou, constructeur d’une maison en 1882, est bourrelier, c’est-à-dire artisan fabricant les pièces de harnais, Jean-Pierre Bobet, constructeur d’une maison en 1890, est sous-brigadier des douanes en retraite. Les possessions durent moins longtemps, occasionnant des ventes dans les années 1900 comme pour le conserveur Benjamin Michon ou Jean-Pierre Bobet. Le maintien d’un patrimoine apparaît plus difficile pour la population girase126.
65La construction autochtone sur le bord de mer va être favorisée par les perspectives locatives nées de la saison balnéaire. Le sous-préfet des Sables-d’Olonne presse le préfet de Vendée en mars 1850 pour que deux particuliers obtiennent, avant la saison des bains, son approbation à leur projet de construire dans le quartier des Corderies, à proximité de la plage des Sables-d’Olonne. Comme ils veulent affermer une partie de leurs maisons aux baigneurs, le sous-préfet insiste pour que la procédure aille rapidement car, « si l’autorisation qu’ils sollicitent se faisait attendre, ils perdraient la location d’une année, ce qui leur causerait un préjudice d’autant plus sensible qu’ils sont très peu fortunés127 ». La location estivale entre dans le financement du projet. M. Girard ne se cache pas qu’il a fait bâtir aux Sables-d’Olonne une maison dans un but de spéculation, maison louée en 1878 afin d’augmenter son revenu128. Construire dans l’optique de louer aux baigneurs implique que le phénomène des bains de mer soit suffisamment mature pour que chaque année, une saison nouvelle commence. Quand les premiers baigneurs arrivent sur les plages, personne ne peut affirmer leur retour l’année suivante. La location a sans doute, au début du xixe siècle, ressemblé à une aubaine : leur absence n’est pas un handicap. Ce qui prime, c’est la construction (pour soi). Cette vision va évoluer au cours du xixe siècle. Il semblerait que la construction particulière dans l’optique de bains de mer débute dans les années 1850 dans les premières stations françaises129. Des propriétaires vont multiplier les logements. En 1897, Victor Bodin, corroyeur à Thouars (Deux-Sèvres), propose divers chalets meublés – Sainte-Odile, Bel-Air, Les Deux-Sœurs, La Vie, Bébé, La Plage – disponibles en saison dans le quartier de la Plage de Saint-Gilles-sur-Vie130. Pour avoir autant de chalets en sa possession – huit en 1901, en plus d’une écurie et d’une remise –, ce qui prime, c’est la location.
66Cette évolution transforme les communes littorales, car la nécessité pour une partie des propriétaires de profiter de la manne balnéaire les pousse à encourager ce phénomène et à renforcer leur attrait balnéaire. Les premières conséquences ne tardent pas : profiter de la vue sur mer pousse les baigneurs à se rapprocher dangereusement de la mer, tandis que le développement de la station balnéaire met en cause un environnement qu’il faut préserver.
Notes de bas de page
1 Édouard Richer, Voyage pittoresque dans le département de la Loire-Inférieure, Paris, Éd. du Palais-Royal, 1974 [1re éd. 1823], p. 553-554.
2 Archives départementales de Loire-Atlantique, 532 S 11, lettre du préfet de Loire-Inférieure au sous-préfet de Saint-Nazaire, du 22 mars 1910.
3 Délibération municipale de Saint-Jean-de-Monts, du 27 septembre 1867.
4 Délibération municipale de Douarnenez, du 19 mai 1878.
5 Gustave Flaubert, Voyage en Bretagne ; Par les champs et par les grèves, Paris, Complexe, 1989, p. 165-166.
6 Émile Auzou, La Presqu’île guérandaise ; étude géographique, historique et économique ; manuel des touristes et des baigneurs, Paris, Plon, 1897, p. 183-184.
7 Délibération municipale de Mesquer, du 5 mars 1843.
8 Délibération municipale de Tréboul, du 19 août 1894 ; archives départementales du Finistère, 4 S 137, pétition de 83 signatures de Poullan et de 21 signatures de Tréboul réclamant la fin de l’interdiction, du 20 août 1894.
9 Hervé Bazin, « La Cornouaille en 1871 ; carnet de voyage d’un écrivain », Cap-Caval, 3e trim. 1985, p. 25. Il s’agit d’un homonyme de l’auteur de Vipère au poing.
10 Jean Kernéis, Fouesnant, Paris, 1908, p. 23.
11 François Piet, Recherches topographiques, statistiques et historiques sur l’île de Noirmoutier, Nantes, Mellinet, 1863, p. 45.
12 Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, Rennes, Deniel, 1843-1853, p. 784.
13 Paul Gruyer, Un mois en Bretagne, Paris, Hachette, 1925, p. 201.
14 Côtes bretonnes et vendéennes, de la Vilaine à Olonne ; Guide du baigneur, Nantes, Imprimerie moderne, 1895.
15 Ibidem, p. 64.
16 Archives départementales du Finistère, 2 S 29, rapport de M. Cevaer, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, sur les vœux de conseil municipal de Fouesnant relatif à la dune du Cap-Coz, du 26 mars 1923 ; cette situation avait soulevé l’émoi auprès des cultivateurs gênés par la clôture établie par M. Le Meudec, émoi repris par le conseil municipal de Fouesnant le 11 février 1923.
17 Gaëlle Delignon, Saint-Malo-Paramé ; urbanisme et architecture balnéaire (1840-1940), Rennes, PUR, 1999, p. 56.
18 Archives départementales du Finistère, 4 E 60/196, contrat de vente de la villa Coquette, du 17 novembre 1895.
19 Délibération municipale de Douarnenez, du 19 novembre 1904.
20 Archives départementales de Vendée, S 1090, copie de la lettre de M. Poullain, du 9 janvier 1909.
21 Archives départementales de Vendée, 1 O 612, enquête de commodo et incommodo relative aux projets d’acquisition d’une maison située au bas de la rue Navarin et d’aliénation de la place portant ce nom, Les Sables-d’Olonne, 20 août 1878.
22 Archives départementales du Finistère, 4 S 65, lettre de M. P. Morvan au préfet du Finistère, du 12 mars 1903 ; ses parents auraient en effet trouvé des acheteurs à 3 000 francs, tandis qu’en tant que terre enclavée, sa propriété ne vaudrait plus que 100 francs de l’are.
23 Archives nationales, F8 188, enquête ministérielle sur l’alimentation en eaux potables de l’Île-Tudy, 1892.
24 Jean-Pierre Goubert, La Conquête de l’eau ; l’avènement de la santé à l’âge industriel, Paris, Robert Laffont, 1986, p. 182 et p. 195.
25 Auby et Ducos-Ader, Droit administratif (fonction publique, biens publics, travaux publics), cité par Stéphane Duroy, La Distribution d’eau potable en France ; contribution à l’étude d’un service public local, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1996, p. 22.
26 Marcel Bournérias, Charles Pomerol et Yves Turquier, La Bretagne de la Pointe-du-Raz à l’estuaire de la Loire, Neuchâtel/Paris, Delachaux et Niestlé, 1986, p. 28.
27 Sophie Laligant, Le Clos et le rayage ; Des relations aux espaces sur le territoire à l’organisation de la société rurale damganaise (une commune du Sud Morbihan), thèse de doctorat anthropologie sociale et ethnologie, EHESS, 1997, p. 40.
28 Léon Maitre, Pornic et les plages de la côte de Retz, de la Bernerie à Saint-Brevin et Mindin, Nantes, Dugas, sans date (1910 ?), p. 59-60.
29 Émile Auzou, op. cit., p. 178.
30 Marcel Bournérias, Charles Pomerol et Yves Turquier, La Côte atlantique entre Loire et Gironde, Neuchâtel/Paris, Delachaux et Niestlé, 1987, p. 56.
31 Histoire, attraits, excursions, curiosités se rattachant aux quatre stations balnéaires : St-Gilles-sur-Vie, Croix-de-Vie, Sion-sur-l’Océan, La Barre-de-Monts, Saint-Gilles-sur-Vie, S. I. du Hâvre-de-Vie, sans date (1931 ?), p. 17.
32 « Les Petits trous pas chers » ; guide des familles aux bains de mer, plages de la Manche et de l’Océan, Paris, La Fare, 1903, p. 278.
33 Sylvie Caillé, Les Côtes sableuses du xixe siècle à nos jours, Nantes/Laval, Siloë, 2003, p. 22-23.
34 Henri Dardelin, Saint-Brevin-les-Pins, Paris, Le Livre d’histoire-Lorisse, 2002 [1re éd. 1931], p. 18.
35 J.-A. Cavoleau, Statistique ou description générale du département de la Vendée, Marseille, Laffitte Reprints, 1978 [1re éd. 1844], p. 165.
36 Archives départementales de Loire-Atlantique 532 S 11, Revendications des dunes d’Escoublac ; mémoire en faveur de l’État français, Nantes, Dugas et Cie, 1904, p. 5-6.
37 Henri Dardelin, op. cit., p. 18.
38 Délibérations municipales de Saint-Gilles-sur-Vie, des 9 mai 1864 et 26 décembre 1869.
39 Bulletin paroissial de Saint-Jean-de-Monts, de juillet 1918.
40 Archives départementales du Finistère, 4 S 18, Rapport de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées sur la fixation de la dune de la Lieue de Grève, du 17 juin 1896 ; les délibérations datent des 12 et 23 août 1895.
41 Archives départementales du Morbihan, S 252, rapport de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées concernant la fixation des dunes de Quiberon, du 11 décembre 1852.
42 Archives départementales du Finistère, 2 Q 460, procès-verbal d’enquête sur le projet d’ensemencement et d’amélioration des dunes de Dinan, déposition de MM. Boucharé, Sévellec, Guéguénou, Quélen, Sévellec, du 8 novembre 1851.
43 Délibération municipale de Fouesnant, du 21 août 1927.
44 La Bretagne ; guide régional Michelin, Clermont-Ferrand, Michelin et Cie, 1928-1929, p. 174.
45 Lavache de Préville, Méthode aisée pour conserver la santé jusqu’à une extrême vieillesse […], 1752, p. 432433, cité par Sabine Barles, La Ville délétère ; médecins et ingénieurs dans l’espace urbain (xviiie-xixe siècle), Seyssel, Champ Vallon, 1999, p. 38.
46 « Les petits trous pas chers »…, op. cit., p. 277.
47 L. Gallouédec, « Au pays des mégalithes : le bourg de Carnac et sa plage (Morbihan) », La Revue du Touring-Club de France, 1932, p. 209.
48 Florence Poncet, Les Zones humides du littoral breton : caractères et évolutions, thèse de doctorat Géographie, Université de Bretagne-Occidentale, 1984, p. 69.
49 Archives départementales du Finistère, 2 Q 475, rapport de M. Cevaer, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, sur la concession définitive des marais de Fouesnant, du 21 octobre 1924.
50 Jules Verne, Géographie illustrée de la France et de ses colonies, Paris, Hetzel, 1868, p. 450.
51 Archives départementales du Finistère, 4 S 63, pétition de Pierre-Guillaume Péron au préfet du Finistère, du 8 septembre 1854.
52 Bulletin paroissial de Saint-Jean-de-Monts, de juillet 1918.
53 Archives départementales de Vendée, 7 M 199, procès-verbal de reconnaissance du sous-inspecteur des Forêts sur la forêt de Saint-Jean-de-Monts, du 20 décembre 1866.
54 J.-A. Cavoleau, op. cit., p. 173.
55 Archives départementales de Loire-Atlantique, 532 S 32, lettre du directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre au préfet de Loire-Inférieure, du 4 novembre 1896.
56 Archives départementales de Loire-Atlantique, 532 S 32, lettre du directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre au préfet de Loire-Inférieure, du 4 novembre 1896.
57 Bulletin paroissial de Saint-Jean-de-Monts, de juillet 1918.
58 Archives départementales du Finistère, 2 Z 57, lettre au sous-préfet du Finistère, du 20 mars 1868, cité par Didier Cadiou, « Essai sur les issues de village », Avel Gornog, 2000, p. 34.
59 Archives départementales du Finistère, 2 Q 456, rapport de l’ingénieur ordinaire des Ponts-et-Chaussées sur la pétition du Sr Le Marié, du 12 décembre 1863.
60 Délibérations municipales de Saint-Jean-de-Monts, des 10 juin 1928 et 1er juin 1930.
61 Louis Chevalier, Les Relais de mer ; un village de la côte vendéenne de la veille de la guerre de 14 aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, Paris, Fayard, 1983, p. 264-265.
62 Archives départementales du Morbihan, 8 M 133, lettres du sous-préfet de Lorient au préfet du Morbihan, du 5 novembre 1853, et lettre du maire de Saint-Gildas-de-Rhuys au préfet du Morbihan, du 4 octobre 1853.
63 Archives départementales de Loire-Atlantique, 534 S 125, lettre de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées au préfet de Loire-Inférieure, du 8 mai 1857.
64 Archives départementales de Loire-Atlantique, 532 S 29, pétition (47 signatures) au préfet, du 13 décembre 1853, reprise en février 1859 (14 signatures).
65 Délibération municipale de Pornic, du 4 novembre 1847.
66 Archives départementales de Loire-Atlantique, 532 S 27, extrait du registre des délibérations du Conseil d’État, du 27 mars 1852.
67 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5217, « Des bains de mer et de la propriété des rivages de la mer », Journal officiel de l’Empire français, du 8 avril 1870.
68 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5217, Gay, De la propriété des rivages de la mer et autres dépendances du domaine public, Paris, Cotillon éditeur-libraire, 1870, 47 p.
69 Archives départementales de Loire-Atlantique, 532 S 27, extrait du registre des délibérations du Conseil d’État, du 27 mars 1852.
70 Délibération municipale du Pouliguen, du 5 février 1893 ; Archives départementales de Loire-Atlantique, 534 S 91, lettre du directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre au préfet de Loire-Inférieure, du 1er août 1892.
71 Délibération municipale de Quiberon, du 14 mars 1909.
72 Délibération municipale de Croix-de-Vie, du 3 juillet 1929.
73 Délibérations municipales de Quiberon, du 21 novembre 1937, et de Carnac, du 3 octobre 1937.
74 Délibération municipale du Pouliguen, du 16 juillet 1927.
75 Archives départementales de Loire-Atlantique, QA 350, rapport de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, concernant l’acquisition de la plage du Nau par la commune, du 15 avril 1912.
76 Hervé Bazin, « La Cornouailles en 1871 ; carnet de voyage d’un écrivain », Cap-Caval, 3e trim. 1985, p. 26.
77 Archives départementales du Finistère, 2 O 265, arrêté du maire de Clohars-Carnoët, du 25 juin 1864.
78 Josette Pontet, « Morale et ordre public à Bayonne au xviiie siècle », Bulletin de la Société des sciences, lettres et arts de Bayonne, 1974, p. 127-144.
79 Édouard Richer, op. cit., p. 635.
80 G. Touchard-Lafosse, La Loire historique, pittoresque et biographique, t IV, 3e partie, Tours/Nantes, Pornin et Cie/Suireau, 1844, p. 373.
81 Arrêté du maire du Croisic, du 1er avril 1841.
82 Archives départementales de Vendée, 1 O 616, extrait d’une dépêche du baron Séguier, consul général de France à Londres, au ministre des Affaires étrangères, du 17 février 1824.
83 Service historique de la Marine de Vincennes, CC5173, lettre du préfet maritime de Lorient au ministre de la Marine, du 21 août 1857, et avis de M. Bellander, administrateur de l’Inscription maritime de Pornic, du 5 février 1857 ; Archives départementales de Loire-Atlantique, 534 S 16, lettre du maire du Croisic au sous-préfet, du 26 juin 1857.
84 Archives départementales de la Vendée, 7 M 209, rapport de M. Marsat, inspecteur principal des Eaux et Forêts, sur le calcul du loyer des cabines de bains, du 24 juillet 1928.
85 Délibération municipale de Noirmoutier, du 6 juin 1908.
86 Délibérations municipales de Plœmeur, des 15 août 1909 et 5 juillet 1908.
87 Archives départementales de Loire-Atlantique, 534 S 85, lettre du sous-préfet de Paimbœuf au préfet de Loire-Inférieure, du 26 juin 1863.
88 Délibérations municipales de Larmor-Plage, des 7 juillet 1935 et 15 septembre 1935.
89 Délibération municipale de La Tranche-sur-Mer, du 9 décembre 1928.
90 Délibération municipale de Croix-de-Vie, du 2 septembre 1883.
91 Délibération municipale de Fouesnant, du 21 août 1927.
92 Archives départementales du Finistère, 4 S 29, procès-verbal d’adjudication du 10 mars 1892. Cette multiplication de la mise semble courante : à Tréboul, les 29 lots au Rhun, mis à prix à 3 547 francs, sont vendus 26 335 francs, et Jean-Michel Le Boulanger a même trouvé une parcelle dont la mise à prix a été multipliée par 113 (Jean-Michel Le Boulanger, Douarnenez de 1800 à nos jours ; essai de géographie historique sur l’identité d’une ville, Rennes, PUR, 2000, p. 165).
93 Délibération municipale de Larmor-Plage, du 11 septembre 1932.
94 Archives départementales de Loire-Atlantique, QA 347, rapport du sous-inspecteur des Domaines, concernant les parcs à goémon, du 22 décembre 1890.
95 Délibération municipale de Notre-Dame-de-Monts, du 7 décembre 1902.
96 Délibération municipale de Notre-Dame-de-Monts, du 10 novembre 1921.
97 Délibérations municipales de Notre-Dame-de-Monts, des 20 août 1922 et 19 août 1923.
98 Maurice Le Lannou, Itinéraires de Bretagne ; Guide géographique et touristique, Paris, J.-B. Baillière et fils, sans date (début des années 1930), p. 9-10.
99 Gaëlle Delignon, op. cit., p. 130.
100 Sébastien Fougnié, La Mutation contemporaine des stations balnéaires françaises : tentative de modélisation de la station littorale intégrée, thèse de doctorat Géographie, Université de Nantes, 2006, p. 223.
101 Michèle Kerspernet Daniel Le Couëdic, « Le mode balnéaire : Gaston Chabal à Morgat », Modernité et régionalisme en Bretagne (1918-1945), Liège/Bruxelles, Pierre Mardaga, 1986, p. 92 ; Blandine Peugeot, Étude sur la famille Peugeot : des origines à la fin de la Première Guerre mondiale, mémoire de 3e cycle, Université de Paris IV, 1977, p. 175 et p. 235.
102 Délibérations municipales de Batz-sur-Mer, des 18 mai 1913 et 9 décembre 1913.
103 Archives départementales du Finistère, 4 ES 60/171, étude de Me Pelliet, Crozon, promesse de vente du 5 août 1883.
104 Archives départementales de Loire-Atlantique, 2 O 10/12, lettre du maire de Bourg-de-Batz au préfet de Loire-Inférieure, du 1er août 1863.
105 Ludovic de L’Étang, « Au pays sacré des druides, le Golfe enchanteur », Le Nouvelliste du Morbihan du 16 mai 1900.
106 Nadine Vivier, Propriété collective et identité communale ; les biens communaux en France 1750-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998, p. 254-256.
107 Didier Cadiou, article cité, p. 32.
108 Nadine Vivier, op. cit., p. 255.
109 J. M. P. A. Limon, Usages et règlements en vigueur dans le département du Finistère, 1852, cité par Didier Cadiou, article cité, p. 35.
110 Archives départementales du Finistère, 15 U 14/84, jugement civil du tribunal de Quimper du 18 mars 1872.
111 Archives départementales de Loire-Atlantique, lettre du directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre au préfet de Loire-Inférieure, du 4 novembre 1896.
112 Henri Dardelin, op. cit., p. 18.
113 Jean-Michel Le Boulanger, op. cit., p. 163-167.
114 Archives départementales de Vendée, 1 O 1055, lettre du directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre au préfet de Vendée, du 4 novembre 1913.
115 Archives départementales de la Vendée, 1 O 1055, procès-verbal d’estimation par M. Joseph Barreau, mandataire des habitants des Bussoleries, du 23 juin 1925.
116 Archives départementales de Vendée, 1 O 1055, procès-verbal d’expertise de M. Maximilien Lejuif, agent-voyer cantonal, des 29 août et 4 septembre 1925.
117 Archives départementales du Finistère, 4 ES 60/172, étude de Me Pelliet, Crozon, acte de vente M. Richard par Veuve Herjean, du 26 janvier 1884 ; acte de vente M. Richard par divers, du 29 janvier 1884.
118 Archives départementales du Finistère, 4 S 29, rapport de M. Fatou, inspecteur principal des Eaux-et-Forêts, sur le vœu du conseil municipal de Fouesnant tendant à l’abandon du projet d’aliénation des dunes, du 31 août 1927.
119 Archives départementales de Loire-Atlantique, 1 M 4158, lettre de M. Hallereau au préfet de Loire-Inférieure, du 25 janvier 1935.
120 Archives départementales de Loire-Atlantique, 7 P 3032, Saint-Brevin-les-Pins, matrices cadastrales des propriétés non bâties, folio 2300 (1913-1939).
121 Archives départementales de Vendée, 1 O 799, rapport du maire de La Tranche-sur-Mer sur l’aliénation de terrains communaux, du 20 décembre 1904.
122 Délibération municipale de Saint-Gildas-de-Rhuys, du 4 septembre 1887.
123 Archives départementales du Finistère, 4 S 137, Rapport de M. Tardivel, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, sur la demande du maire de Bénodet concernant l’anse du Trez, du 27 décembre 1926.
124 Archives départementales de Loire-Atlantique, 1 M 4158, Lettre de MM. Cloteaux et Guitton au préfet de Loire-Inférieure, du 5 décembre 1932, et notice-programme du 14 avril 1933 sur le projet de lotissement de la propriété dite n°IIIp.
125 Archives départementales de Vendée, 3 P 2703, Saint-Jean-de-Monts, Matrices cadastrales des propriétés bâties (1882-1911).
126 Archives municipales de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, matrices cadastrales des propriétés bâties et non-bâties.
127 Archives départementales de Vendée, 1 O 610, lettre du sous-préfet des Sables-d’Olonne au préfet de Vendée, du 28 mars 1850.
128 Archives départementales de Vendée, 1 O 612, enquête de commodo et incommodo relative aux projets d’acquisition d’une maison située au bas de la rue Navarin et d’aliénation de la place portant ce nom, Les Sables-d’Olonne, 20 août 1878.
129 Johan Vincent, « Aux origines de l’urbanisation balnéaire sur le littoral breton ou vendéen », Nouvelles approches en géographie théorique et quantitative, Septièmes rencontres de Théo Quant, 26-28 janvier 2005, en ligne http ://thema.univ-fcomte.fr/theoq/pdf/2005/Vincent-theoquant05.pdf, 2006, 5 p.
130 Henri Renaud, Guide illustré à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et aux environs, Les Sables-d’Olonne, Roche-Jourdain, 1897, p. 16.
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