Hawaï
|Troisième partie. L'urbanisation en spirale
Chapitre X. La Seconde Guerre mondiale, moment incubateur
Texte intégral
« PEARL HARBOR » : UN ÉVÉNEMENT IMPRÉVU
1La Grande Dépression n’est pas le seul événement mondial à porter son ombre sur l’archipel. Si celle-ci préoccupe les étatsuniens de manière prégnante, d’autres enjeux se dessinent simultanément qui relèvent des velléités impérialistes des acteurs mondiaux.
2Alors que les États-Unis sont devenus un empire à la fin du xixe siècle, amplifiant ses intérêts dans le Pacifique à l’instar des puissances européennes, c’est avec le Japon que les relations sont les plus problématiques à partir du début du xxe siècle. Certes la chine est alors ce troisième terme qui suscite et catalyse les tensions entre paix et guerre, mais l’archipel hawaïen se trouve pris dans la spirale d’une dynamique géopolitique dont l’allure est loin d’être fatale.
- 1 Heffer J., Les états-unis et le pacifique. histoire d’une frontière, op. cit.
3Au vrai, ainsi que le souligne Jean Heffer, les Étatsuniens et les Japonais entretenaient des relations plutôt cordiales jusqu’en 19051. C’est la victoire japonaise en Russie qui marque néanmoins un tournant dans la tonalité des relations américano-japonaises, alors même que les étasuniens avaient été plutôt favorables aux intérêts nippons. Cet événement précipite ou inaugure en fait une méfiance réciproque qui n’est sans doute pas pour rien dans l’événement de Pearl Harbor, alors que ce lieu s’était affirmé depuis les années 1920 comme la pointe avancée du déploiement naval américain dans le pacifique.
4La lecture des périls semble décisive pour comprendre l’enchaînement des actions ayant rendu possible le conflit armé. Au moment où les Allemands défont l’armée française au cours du mois de juin 1940 et que les Japonais scellent une alliance avec l’Italie et l’Allemagne en septembre, Roosevelt, qui brigue son troisième mandat, se trouve pris dans un complexe idéologique tendu entre le comité White désireux d’apporter un soutien matériel (don de destroyers usagers, vente à crédit, acheminement de vivres, etc.) aux Anglais et le comité America first qui plaide pour un isolationnisme rigoureux.
- 2 Kaspi A., Les Américains, tome 1 : Naissance et essor des États-Unis (1607-1945), op. cit.
5Très conscient de cette tension, Roosevelt, à moins de compromettre sa réélection, se sent contraint d’adopter la seconde ligne de conduite et de rassurer une majorité d’Étatsuniens craignant sans doute d’abord l’envoi de boys2. Mais dès son élection entérinée, il se rallie à la tendance incarnée par White et annonce son soutien aux Anglais, en enclenchant le dispositif sollicité par ces derniers. Ils auront la possibilité de rembourser ou remettre le matériel emprunté une fois la guerre achevée. Le prêt-bail s’applique bientôt aux Soviétiques, après leur agression par les Allemands en 1941. Cette année-là, les événements se précipitent. Roosevelt rend de plus en plus visible sa bienveillance à l’égard des Anglais tout en se gardant de déplacer l’ensemble de sa flotte pacifique à l’est de Panama, ce qui produirait une brèche dont pourraient tirer parti les tenants de l’impérialisme nippon. L’opinion publique étasunienne se rapproche elle-même de la ligne de conduite interventionniste.
- 3 Ibid.
6Il ne s’agit pas d’engager directement des forces dans le conflit géopolitique. Mais Roosevelt, grâce à cette assise légitime, se trouve mieux armé pour mettre en œuvre une coercition d’ordre économique à l’encontre du Japon et pour faire accepter le programme militaire considérable relancé dès 19403.
7Le levier économique semble d’autant plus légitime aux Étasuniens que les Japonais font usage d’un arsenal matériel produit grâce aux matières premières échangées avec les États-Unis, notamment le fer et le pétrole. Aussi, l’extension de l’empire nippon en Indochine et le déchiffrement de messages secrets japonais annonçant le projet d’implantation en Asie du Sud-Est, un espace particulièrement convoité par les Étasuniens, déclenche leur embargo, qui prend une forme indirecte puisqu’il s’agit de geler les fonds japonais aux États-Unis. Ce qui signifie aussi que l’événement fait monter de manière irréversible la conflictualité, les Japonais ne pouvant se permettre de voir leur approvisionnement ainsi verrouillé. Les tentatives de relance des négociations à l’automne sont vaines quand les tenants de l’impérialisme géopolitique ont fini par l’emporter au Japon.
8Les stratèges japonais s’accordent progressivement au cours du mois d’août 1941 sur l’action à adopter. Ils parient sur les effets de surprise et d’ubiquité des attaques portées sur un grand rayon d’échelle courant de la Thaïlande à Hawaï. Si leur stratégie prévoit plusieurs phases, l’idée – âprement débattue par les acteurs nippons – est d’accomplir une action préventive contre la base navale de Pearl Harbor, afin de liquider un ennemi étasunien encombrant de ce côté-ci du Pacifique, ce qui permettrait sans doute ensuite de concentrer les efforts à l’ouest de l’océan, et d’affaiblir psychologiquement un adversaire mal préparé.
9De leur côté en effet, les Étatsuniens n’imaginent pas l’attaque d’un lieu dont la distance au Japon semble rédhibitoire – le mythe du paradis préservé aurait-il joué à ce moment-là pour exacerber cette représentation ? – Outre l’action inattendue des Japonais à Hawaï, que les Étatsuniens attendent plutôt en Asie du Sud-Est, Jean Heffer a montré les
- 4 Heffer J., Les États-Unis et le Pacifique. Histoire d’une frontière, op. cit., p. 265.
« défaillances dans la chaîne de commandement : ordres flous, priorité au contrôle de la population d’origine japonaise de Hawaii plutôt qu’à la mise en état d’alerte contre l’ennemi extérieur – tous ces petits détails qui font, en fin de compte, qu’au moment voulu la machine de guerre connaisse trop de ratés4 ».
10L’attaque est déclenchée le 7 décembre, alors que des porte-avions japonais sont parvenus à traverser le Pacifique nord sans être repérés. Pearl Harbor tombe sous les feux d’aviateurs ayant capitalisé des centaines d’heures de vol et sûrs de leur esprit de sacrifice.
11Si la conquête japonaise est continue entre décembre 1941 et avril 1942, et se saisit surtout d’archipels en étendant son empire aux Philippines, à l’Indonésie, à Bornéo, à Rabaul, à la Nouvelle-Guinée, aux Salomons et en espérant annexer plus loin les unités insulaires qui servent de relais entre les États-Unis et l’Australie, elle est freinée brusquement en juin 1942 lorsque les Américains mettent en échec l’offensive nipponne à Midway. L’archipel hawaïen constitue à nouveau le lieu d’une bifurcation, cette fois favorable aux États-Unis, dont les effets déstabilisants sur le moral des Japonais ne sont pas négligeables, d’autant que la conquête semblait inexorable et que les ambitions étaient grandes.
CLÔTURE ET INCUBATION DES IMAGES
- 5 Grant G., Waikiki yesteryear, op. cit., p. 78.
- 6 Ejiri M., The development of Waikiki, 1900-1949 : The formation period of an American resort parad (...)
12La configuration géopolitique du monde va profondément imprégner la vie sociale à Hawaï. La loi martiale décrétée le jour de l’attaque de Pearl Harbor déclenche le retour quasi immédiat des visiteurs. La militarisation déclenche la venue massive d’Étasuniens du continent, des boys mais aussi du personnel civil travaillant pour l’effort de guerre. Dans ce contexte, un million de continentaux auraient été de passage (de manière non simultanée) à Hawaï entre 1942 et 19455, dont certains auraient décidé de s’installer une fois la paix revenue, dans le contexte d’un regroupement familial. L’effectif maximum (442 000 environ) est atteint en 1944, lorsqu’il compte pour près de la moitié de la population d’Hawaï (environ un million d’habitants). Ces flux massifs s’observent aussi à Waikiki qui a vu sa population passer de 7 350 habitants en 1940 à 10 490 en 19476.
13Mais ce gain doit être précisé par la distribution des sexes. Si les statistiques manquent, il n’est pas totalement hasardeux d’imaginer que la part des hommes y est quasi exclusive. Cette modalité n’est pas sans travailler le style des relations sociales. Les soldats en provenance du continent ont été baignés par l’imaginaire touristique. Ils ont reçu, en les investissant souvent d’attributs positifs, des images diffusées en masse et sous une pluralité de formes. Leur horizon d’attente doit beaucoup à la culture populaire, et notamment à Hollywood. Impossible, quoique le contexte contraignant de la géopolitique semble peu favorable, de désamorcer totalement la rêverie.
- 7 Desmond C. J., Staging tourism. Bodies and display from Waikiki to Sea World, op. cit.
14Aussi, les boys sont très demandeurs de spectacles de hula tels qu’ils ont pu l’imaginer lorsqu’ils habitaient encore le continent. Loin de connaître un infléchissement, l’entertainment est lui-même investi par des danseuses plus nombreuses encore, d’autant que le rituel veut maintenant que les soldats posent aux côtés d’une hula girl et que la photo soit communiquée à la famille restée sur le continent. Les clichés photographiques sont alors réalisés pour beaucoup dans des studios de Downtown qui mettent en scène un simulacre du paysage de Waikiki. Le magasine Life, prétendant que ce commerce est un des plus dynamiques du moment, et ayant été informé de la réception des images dans les maisons continentales, saisit l’occasion pour proposer en 1944 l’apprentissage du hula7.
15Mais dans le même temps, les hula girls se produisent en spectacle à Waikiki. Il faut dire qu’à l’exception du Moana Hotel qui maintient son usage touristique avec des taux d’occupation maximum, les soldats se sont appropriés les plus grands hôtels, la Navy ayant pris l’initiative de les occuper en location. Pendant toute la guerre, le Royal Hawaiian est ainsi habité à l’exclusive par des boys dont la plupart sont des sous-mariniers qui bénéficient d’un temps de recreation entre deux campagnes dans le Pacifique.
16Malgré (ou à cause de) la faiblesse des flux de visiteurs, le Hawaii Visitor Bureau lance une nouvelle brochure en 1942 portant le titre Hawaii U.S.A., comme pour affirmer l’identité étasunienne de l’archipel. La page de couverture donne alors à voir cette fois deux femmes native (décodées comme telles par les récepteurs) portant des lei autour du cou.
17Ce qui est nouveau, c’est que les motifs paysagers emblématiques, et même la composition paysagère très codifiée de Waikiki, sont désormais absents, en tout cas apparaissent-ils plus loin dans la communication, comme si la hula girl suffisait désormais à signifier Hawaï par métonymie. Il ne s’agit pas que d’un détail. Cette image consacre un basculement dans les stratégies promotionnelles.
18Les promoteurs ont probablement choisi, à mesure que la concurrence d’autres « produits » touristiques se faisait plus foisonnante et communiquait sur les stéréotypes balnéaires tropicaux, de produire de la différenciation spatiale en faisant appel à des thèmes culturels, d’autant que certaines destinations caraïbes pouvaient être élues pour leur avantage comparatif en termes de distance-coût et de distance-temps avant l’avènement de l’avion gros porteur.
19Ainsi, il serait illusoire de penser que la guerre a constitué une parenthèse dans la mise en tourisme de l’archipel. Certes les visiteurs sont quasi invisibles, mais les images continuent de circuler, parfois de manière plus intense encore, comme c’est le cas des images photographiques ou des productions hollywoodiennes, soutenues par une émission radiophonique (Hawaii Calls) qui continue d’émettre pendant toute la guerre – et qui devient même l’émission la plus régulièrement écoutée aux États-Unis en 1948 – ainsi que par certains promoteurs dont la vision se projette au-delà d’un présent qui est peu favorable à leurs intérêts en apparence.
20La Seconde Guerre mondiale a plus sûrement constitué un réservoir d’images susceptible de déclencher des mobilités touristiques une fois la paix revenue. Il faut garder en mémoire ce « pli historique », ce report de circulations. Il se pourrait fort bien que l’inflexion apparente de la mise en tourisme cache en réalité une intensification qui est en gestation. Pensons à ces GIs qui rapportent des images dont certaines servent de ressource à la construction de leur mémoire, laquelle constitue aussi un aiguillon pour de futurs voyages touristiques, afin de revoir les lieux qui ont pu marquer leur biographie. Et si la mémoire des lieux est un vecteur de départ, que l’on pense aussi à la construction des lieux de mémoire.
« PEARL HARBOR » N’EST PAS FINI
21« Pearl Harbor », ainsi que l’événement a fini par être nommé, est vécu comme une expérience douloureuse par les Étasuniens. D’où aussi leur propension à cristalliser l’événement, l’oubli n’étant pas d’actualité.
22Il n’en reste pas moins que la mémoire est alors sélective, semble s’agglutiner autour de figures qui peuvent prendre une valeur exemplaire. L’U.S.S. Arizona et la mort de ses 1 177 membres d’équipage devient ainsi le symbole du traumatisme, en dépit de la tournure dramatique prise par d’autres événements quasi simultanés comme le renversement de l’U.S.S. Oklahoma avec 400 marins à son bord.
23Si l’on en croit la brochure émise par les services des parcs nationaux et le ministère de l’Environnement des États-Unis en 2001, l’idée d’un monument commémorant la disparition des GIs a émergé au cours de l’année 1943, mais elle a pris plus de consistance au moment où est créée en 1949 la Commission du monument commémoratif de la guerre, à l’initiative du territoire d’Hawaï. Surtout, geste et signe d’une induration de l’événement « Pearl Harbor », l’amiral Arthur Radford, commandant en chef du Pacifique, ordonne en 1950 l’enchâssement d’un drapeau américain à l’endroit du navire coulé.
- 8 Services des parcs nationaux (ministère de l’Environnement des États-Unis), Monument USS Arizona, (...)
24La même année, une plaque commémorative à la base du mât portant le drapeau – lui-même attaché au mât cassé du navire –, complique les significations, en mêlant à l’emblème national une dimension tragique (la mort comme destin). C’est le président Dwight D. Heisenhower qui valide finalement en 1958 le projet de Monument Commémoratif, et le soutient à l’aide de fonds publics alloués par le Congrès, et de dons privés. La construction est ainsi complétée en 1961, et inaugurée en 1962. L’architecture du bâti, pensée par Alfred Peis, est censée signifier, par son affaissement au centre, la « défaite initiale » et par ses extrémités « fortes et vigoureuses », la « victoire finale8 ». Outre la parabole de la victoire héroïque du Bien/Paradis sur le Mal/Enfer, l’émergence de ce lieu de mémoire ancre un peu plus Hawaï dans l’imaginaire national étasunien, ce que traduit bien le message textuel « Pour honorer nos morts » à travers lequel peut prendre l’identification des Étatsuniens à « Pearl Harbor » en tant que lieu et événement.
- 9 Department of business, economic development and tourism, State of Hawaii Data Book, 2011.
- 10 Goss J., « “From here to Eternity” : Voyages of Re (dis) covery in Tourist Landscapes of Hawai’i » (...)
25La longévité du lieu est d’ailleurs assez saisissante au point qu’il reste aujourd’hui le plus fréquenté des sites touristiques de l’archipel : près d’1,7 million de personnes ont visité notamment l’U.S.S. Arizona Memorial en 20119. Et s’il poursuit une si longue carrière, c’est sans doute aussi qu’il est signifié comme un objet incarnant et suscitant une relation singulière au temps. Jon Goss a montré combien l’U.S.S. Arizona Memorial, symbolisait la « promesse d’une éternité fugace10 ». L’enjeu ici serait la résurrection éphémère, le temps de l’expérience touristique, d’un passé révolu.
26Mais c’est l’espace ici qui rend possible le mythe de l’éternel retour, par l’itinéraire et par les objets mis en scène. Le visiteur qui arrive sur les lieux est sollicité par la présence d’objets militaires certes muséifiés, qu’il s’agisse du sous-marin U.S.S. Bowfin ou du cuirassé U.S.S. Missouri, mais qui le projettent dans le réalisme (il peut constater empiriquement qu’il se trouve bien sur un ancien site de guerre).
27Au vrai, le moment paroxystique de la visite est le « pèlerinage » à l’U.S.S. Arizona Memorial. C’est ce lieu qui fonctionne comme horizon d’attente. Le visiteur est d’abord convié (voire contraint) à regarder un film documentaire sur le thème de « Pearl Harbor ». C’est d’ailleurs la condition s’il veut accéder à l’U.S.S. Arizona Memorial. Le parcours est ici canalisé de manière subreptice. Au regard des multitudes qui fréquentent le site, chacun doit être muni d’un passe qui lui permettra d’accéder à la salle de cinéma, laquelle autorise la liaison avec l’U.S.S. Arizona Memorial par bateau. Le « passe » commande à la fois l’ordre temporel et spatial de la visite. Plus précisément, il correspond à un principe de succession : les visiteurs sont appelés en fonction du moment de leur arrivée sur le site, et c’est le « passe » qui autorise à accéder à la salle de cinéma et donc à l’U.S.S. Arizona Memorial.
- 11 Ibid.
28Cette organisation n’est pas fortuite lorsque l’on observe l’imaginaire du film qui joue sur le registre du tragique en tant que levier pour la montée des émotions. Le récit déroule l’histoire de l’U.S.S. Arizona, depuis l’innocence du départ pour Hawaï jusqu’au « jour d’infamie » ainsi que l’a appelé Roosevelt. C’est à travers ce déroulement téléologique que peut cristalliser l’émotion. Car la mise en scène des GIs goûtant les plaisirs de la compagnie des hula girls à leur arrivée dans l’archipel souffre d’une résonance tragique lorsque le spectateur sait rétrospectivement la fin de l’intrigue11.
29C’est dire si le visiteur est préparé au « pèlerinage » vers le « temple » de l’U.S.S. Arizona Memorial, d’autant que dans l’attente de pouvoir assister à la projection du film, il a pu visiter le musée proposant différentes formes de représentation de l’événement, des modèles réduits à la photographie en passant par les figures graphiques et les récits décrivant la vie quotidienne sur les navires de guerre.
- 12 Lepoutre D., « Symbolisme et imaginaire de la traversée marine », dans Peron F., Rieucau J. (dir.) (...)
30Mais du cinéma au « temple », il n’y pas qu’une continuité. Se rendre là, c’est emprunter la vedette mise à disposition par la Navy. C’est joindre l’île de l’U.S.S. Arizona Memorial et ainsi changer d’espace et de temps, par le « passage marin » qui est aussi un « changement de monde12 », porte et pont vers l’ailleurs, espace de séparation, intervalle rendant possible une nouvelle agrégation. Au cours du trajet, un message sonore diffuse par une tonalité émotionnelle des mots appelant à la remémoration du passé et qui disent combien le visiteur est en train de changer de monde, d’opérer un déplacement de sens. La solennité de l’ambiance sur le bateau signifie la sacralité de l’espace et du moment.
31Au contact du « temple » suspendu sur les eaux, au-dessus de l’épave de l’U.S.S. Arizona, le « pèlerin » est en condition pour contempler l’objet « sacré » dont il est possible de percevoir les lambeaux d’acier rouillés et l’orbe déformée des huiles qui s’échappent encore de la carcasse. Le « pèlerin » peut y inventer son histoire, produire ses images, celles d’un passé qu’il n’a bien souvent pas connu.
32Une salle est aménagée qui donne à voir tous les noms des soldats qui ont disparu au cours d’un événement qui est prolongé symboliquement. Un mur leur est consacré au-dessus d’un parterre de fleurs (voir cahier photographique, image 7).
33Cimetière flottant, filmé ou capturé par la photographie qui indure le lieu et l’instant. Le silence est troué par le bruit des appareils et le pas des « pèlerins ». Le lieu « prend » et il semble bien que les « pèlerins » y soient pour quelque chose. Tous embarqués sur cette île, ils forment un monde par le recueillement.
Notes
1 Heffer J., Les états-unis et le pacifique. histoire d’une frontière, op. cit.
2 Kaspi A., Les Américains, tome 1 : Naissance et essor des États-Unis (1607-1945), op. cit.
3 Ibid.
4 Heffer J., Les États-Unis et le Pacifique. Histoire d’une frontière, op. cit., p. 265.
5 Grant G., Waikiki yesteryear, op. cit., p. 78.
6 Ejiri M., The development of Waikiki, 1900-1949 : The formation period of an American resort paradise, op. cit.
7 Desmond C. J., Staging tourism. Bodies and display from Waikiki to Sea World, op. cit.
8 Services des parcs nationaux (ministère de l’Environnement des États-Unis), Monument USS Arizona, brochure, 2001.
9 Department of business, economic development and tourism, State of Hawaii Data Book, 2011.
10 Goss J., « “From here to Eternity” : Voyages of Re (dis) covery in Tourist Landscapes of Hawai’i », dans Collectif, Hawai’i : new geographies, op. cit., p. 153-177.
11 Ibid.
12 Lepoutre D., « Symbolisme et imaginaire de la traversée marine », dans Peron F., Rieucau J. (dir.), La maritimité aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, coll. « Géographie et cultures », 1996, p. 101-107.
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.