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    Plan détaillé Texte intégral IMMOBILITÉ SPATIALE ET MODALITÉS DE LA DOMINATION MOBILITÉ SPATIALE ET ORGANISATION DE LA REPRODUCTION MOBILITÉ, INDIVIDUALISATION DES FEMMES ET RAPPORT SPATIAL L’APPROCHE « GENRE ET DÉVELOPPEMENT » : INTERPRÉTATIONS EN REGARD DES MOBILITÉS FÉMININES ET DES CATÉGORIES D’ANALYSE Notes de bas de page

    Développement rural et rapports de genre

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    Table des matières

    Chapitre 1. Mobilité spatiale, genre, développement : positionnement problématique

    p. 33-46

    Texte intégral IMMOBILITÉ SPATIALE ET MODALITÉS DE LA DOMINATION MOBILITÉ SPATIALE ET ORGANISATION DE LA REPRODUCTION MOBILITÉ, INDIVIDUALISATION DES FEMMES ET RAPPORT SPATIAL Les mobilités spatiales ne sont pas de simples déplacements Marquages des lieux, codification et transgression Mais pour autant, ces mobilités créent-elles « du territoire » ? Laisser des traces, prendre place L’APPROCHE « GENRE ET DÉVELOPPEMENT » : INTERPRÉTATIONS EN REGARD DES MOBILITÉS FÉMININES ET DES CATÉGORIES D’ANALYSE Comparaison Nord/Sud des politiques de modernisation des mondes ruraux et agricoles Les lieux comme expression d’apprentissages situés : nouveau regard sur l’implication féminine dans le développement Notes de bas de page

    Texte intégral

    1La crise de la dette des années 1980 et les réponses qui lui ont été apportées dans la décennie qui a suivi ont eu des conséquences inattendues sur les rapports de genre. Rappelons quelques éléments : le soutien au secteur informel par les instances internationales, justifié par la dynamique supposée de ses initiatives entrepreneuriales – lecture qui a été fréquemment dénoncée par ceux qui s’opposent à une approche dite libérale – s’est traduit par une féminisation de la population active, une extension de l’informalité et la forte féminisation du secteur. Dans le même temps, la privatisation d’un certain nombre d’entreprises publiques et le souci de l’État de limiter ses dépenses ont occasionné une perte d’emplois des hommes dans les villes. Conjointement, le désengagement de l’État de l’encadrement et de la structuration des filières et des territoires productifs, s’inscrivant dans un contexte plus large de libéralisation des marchés d’un certain nombre de cultures de rente comme le café, a nécessité la réorganisation des filières productives. Ce contexte nouveau a privé globalement les planteurs de revenus jusqu’alors réguliers. Dans les campagnes, que ce soit en Amérique latine ou en Afrique, la déstabilisation du statut social des hommes, consécutivement à l’affaiblissement de leur pouvoir économique dans les villes comme dans les campagnes, a nécessité une réorganisation familiale de l’engagement économique des uns et des unes. En Afrique, notamment, cette situation a conduit à un renforcement de l’investissement des femmes dans la vente des cultures vivrières sur les marchés urbains. Par ailleurs, ces mêmes décennies 1980 et 1990 ont été celles d’un soutien à la micro finance, prioritairement en faveur des femmes, alors que se multipliaient aussi, à l’échelle mondiale, les délocalisations industrielles, les zones franches et les districts industriels locaux. L’ensemble de ces contextes a valorisé l’emploi féminin, y compris de femmes rurales et paysannes. Finalement, durant ces trois dernières décennies, les femmes ont été plus mobiles, y compris dans les circuits des migrations internationales (Catarino, Morokvasic, Hily, 2005 ; Verschuur et al., 2008 et 2005 ; Falquet, 2010), principalement par la nécessité d’accès à un emploi et à des revenus monétaires. Ce sont ces deux éléments conjoints de nouvelle mobilité féminine et les changements dans les rapports à l’argent qui sont interrogés. Quelles en sont les conséquences sur les rapports de genre et dans les liens socialement construits aux lieux et aux espaces ?

    IMMOBILITÉ SPATIALE ET MODALITÉS DE LA DOMINATION

    2La nature du lieu, associée à celle de proximité, est ambiguë. La proximité est tout autant signe de familiarité, de ressourcement, que d’assujetissement, particulièrement dans les conditions de sociétés peu monétarisées où les liens sont construits hors marché. Ce fut le cas dans le contexte européen pré-capitaliste et cela a longtemps été vrai dans les relations à l’héritier et successeur unique de la concession bamilékée au Cameroun.

    3Le lieu est (ou a été), tout à la fois, le contexte et la condition de l’existence d’une tension entre des situations où hommes et femmes sont définis et se définissent comme sujets libres ou assujettis (Geffray, 1995). Littéralement les termes de libres et d’assujettis renvoient à des possibilités opposées de se mouvoir dans l’espace.

    4Ce qui intéresse le géographe, c’est la manière dont est utilisée la distance réelle et symbolique. Car ce qui se joue dans ces situations de domination, c’est la manière dont les dominants sont en mesure de créer un lieu – au sens d’un rapport spatial de proximité car la proximité se conjugue là avec la surveillance – et de mettre à distance la possibilité pour les dépendants d’imaginer, et encore moins d’entretenir, d’autres rapports sociaux et spatiaux à des espaces nécessairement distants. Dans ce cas, la violence de l’imposition de l’ancrage au lieu dénie toute possibilité d’imaginer d’autres liens à des espaces moins soumis. Mais la situation de domination sur le lieu peut aussi s’exercer de loin. C’est le cas dans les contextes de migration lorsque l’argent envoyé par les hommes sert de médiateur au maintien de la domination, parfois relayée par les personnes âgées restées au village (Feldman, 2009).

    MOBILITÉ SPATIALE ET ORGANISATION DE LA REPRODUCTION

    5L’immobilité spatiale n’est évidemment pas toujours contrainte comme elle n’est pas toujours le signe de la domination. Elle est au contraire celui de l’installation pour ceux qui sont assurés de l’accès aux biens : ceux qui ont hérité et/ou succédé. La mobilité spatiale s’impose alors à ceux, nombreux, qui ne trouvent pas à prendre place. Mais la mobilité spatiale ne signifie pas toujours disqualification lorsque justement les logiques de perpétuation ne privilégient pas l’ancrage de ceux qui ont des biens mais au contraire la cohésion des groupes sociaux.

    6La mobilité spatiale est aussi sexuellement différenciée. Par ailleurs, inscrites dans les modalités des échanges sociaux, les femmes circulent diversement. En pays bamiléké, comme souvent en Afrique, les mobilités matrimoniales s’appuient et appuient des relations d’échanges entre lignées, lignages, quartiers, chefferies. Chaque femme devient alors le point de départ de relations sociales entretenues, notamment par les jeux de dettes contractées au moment des mariages. De l’intérieur de ces relations sociales, les femmes s’inscrivent et inscrivent des relations sociales et spatiales qui leur assurent l’accès aux biens – à la terre notamment – et à des réseaux sociaux.

    7L’histoire contemporaine, y compris en Occident, est aussi marquée par une idéologie de la sédentarité féminine. Le lieu est alors le garant de l’ordre : d’une manière générale, l’éducation des petites filles s’organise autour du foyer et de sa proximité. Ainsi la valorisation de ce qui est proche est partie intégrante d’une histoire et d’un capital idéologiquement inscrit socialement et spatialement. Être rassuré par les relations de proximité peut signifier ne pas oser s’en détacher. Tout l’apprentissage repose alors sur l’inhibition au départ, sur l’incorporation d’un déni d’ouverture à l’espace.

    8Les manières d’habiter, interrogées à travers les relations entre parenté et territoire, montrent que la mobilité spatiale est nécessairement et intrinsèquement à leur fondement, car fixation et mobilité sont indissociables, que ce soit les hommes ou les biens qui circulent. On peut alors s’interroger sur les articulations expérimentées par les sociétés rurales pour organiser ancrage et mobilité : comment les logiques familiales, les contraintes économiques et finalement les constructions territoriales sont-elles marquées par cette nécessité ? Comment les sociétés paysannes et rurales organisent-elles l’interaction entre communauté de lieu et communauté de sang (réelle ou symbolique) en donnant des réponses singulières à l’interaction entre espace matériel et espace social ? Comment les manières d’habiter sont-elles marquées par les relations entre les sexes ? Car, que ce soit des facteurs socioculturels, comme les rites de passage, l’inscription dans des réseaux sociaux, l’insertion dans les modes et les rapports de production, la place des femmes et des hommes est socialement différenciée. Les anthropologues ont montré par exemple pourquoi les rites de passage sont nettement plus marqués pour les petits garçons à qui la société signifie la rupture nécessaire d’avec le monde féminin. Cette rupture, qui peut être longue et douloureuse, façonne la masculinité. Vraisemblablement, il s’agit là, déjà, d’une invitation, voire d’une imposition à la mobilité, tout au moins à l’ouverture, à « l’aller vers » des futurs hommes alors que les petites filles apprennent tôt la clôture de leur horizon, le « tourner sur ». On a là deux postures singulièrement opposées. Or, par leur inscription dans les pratiques sociales et spatiales, les productions symboliques participent à la transformation des rapports sociaux de genre. Inversement, il importe de comprendre comment la recomposition de ces rapports contribue à la dynamique des productions des territoires et des territorialités.

    9Pour autant, un acquis des études anthropologiques est d’avoir démontré que les femmes ont des rôles en tant qu’agents sociaux et acteurs rituels qui ne sont pas nécessairement et structurellement séparés de ceux des hommes ; il existe aussi des dimensions d’interdépendance, tantôt de coopération ou encore de complémentarité entre les domaines féminins et masculins. Les systèmes d’interaction du masculin et du féminin sont toujours socialement et historiquement contextualisés. Cela signifie très clairement que les rapports de domination, et plus encore les relations qualifiées de patriarcales, ne sont bien sûr ni uniformes ni universels. « Les sphères d’activités et de responsabilités masculines et féminines dans la reproduction1 se présentent non pas tant comme des domaines autonomes, que toujours en relation l’un avec l’autre » (Poirier, 2001 : 111). Ainsi, « les relations de genre sont davantage de type dialogique que dichotomique » (Watson, 1997). Il n’y a pas à choisir entre différence et similitude, les deux problématiques sont valables. Pourtant, ce n’est pas la question de « l’aporie, non pas au sens d’une impasse, mais au sens philosophique fondamental de ce terme, à savoir d’une question qui n’a pas de réponse » (Fraisse, 2005 : 20) qui intéresse le propos de l’ouvrage. L’ambition est de comprendre comment les constructions sociales du masculin et du féminin façonnent différemment le réel, réel social qui devient de ce fait inévitablement sexué. Les manières d’habiter, d’être, de se présenter, de pratiquer, de se mouvoir dans les lieux et les espaces sont marquées par cette construction.

    MOBILITÉ, INDIVIDUALISATION DES FEMMES ET RAPPORT SPATIAL2

    10Les capacités de franchissement, par la mobilité spatiale, de la distance entre les lieux ne sont pas données de manière identique aux hommes et aux femmes. Il importe de comprendre comment les mobilités spatiales, dans des contextes singuliers, posent, notamment, la question de l’organisation dans l’espace public, dans la diversité de ses définitions selon les contextes culturels, de la co-présence des sexes. C’est finalement la question de l’individualisation des femmes par le truchement du rapport spatial qui interroge, c’est-à-dire leur capacité à circuler des lieux aux espaces, les lieux étant marqués, contrairement aux espaces, par des relations de proximité et de reconnaissance. C’est bien l’inscription dans ce passage qui importe et qui justifie l’intérêt de travailler sur les liens du mobile et de l’immobile. Dans les lieux, les femmes circulent selon une place culturellement codifiée : que les lieux soient la maison (et encore leur mobilité dans l’univers domestique est aussi fonction des moments, des présences ou non d’étrangers, d’hommes ou de femmes, des occasions), la rue, le quartier, etc. En revanche, l’enjeu d’accès des femmes à l’espace public, tout autant marqué par des codes et des normes sexués, où la rencontre et l’expérience fortuites sont possibles, est directement une reconnaissance à y être présentes, à y agir et à y laisser des traces. Car la circulation dans le sens de passage peut toujours être admise, mais non l’acceptation sociale à y être : on retrouve ainsi toute la problématique des travaux sur le genre entre invisibilité et visibilité. Rappelons, à l’évidence, que les femmes ont toujours été présentes, à des degrés divers (selon les sociétés), dans l’espace public et que ce dernier est sexuellement organisé. C’est donc surtout ce qu’elles y font et comment elles vivent leur présence, y compris par le truchement du regard, qui importe : c’est-à-dire clairement la question d’être vues et acceptées. C’est aussi, bien sûr, comment ces mouvements des lieux aux espaces cessent d’être de simples déplacements pour supporter de réelles dynamiques de changement des rapports sociaux de genre, toujours médiatisés par l’espace.

    Les mobilités spatiales ne sont pas de simples déplacements

    11Les travaux d’Erving Goffman (1973) sur l’interactionnisme symbolique sont importants pour comprendre comment les mobilités spatiales rendent compte de la manière dont chacun(e) se « donne à voir », se présente aux autres, se rend visible dans la traversée ou l’installation dans l’espace public (marqué par la mise en rapport, dans la diversité des rencontres possibles, de « face-à-face » ou de « côtoiement »). Il s’agit d’être et de paraître, de se rendre compte, d’aller voir ailleurs, mais aussi de s’exposer, se rendre visible, en quelque sorte s’afficher. Mais être mobile peut signifier également vouloir se glisser, éviter, traverser, simple déambulation pour ne pas être vu, se camoufler en quelque sorte et circuler en anonyme, lorsque la place que les femmes prennent n’est pas appréciée. C’est l’interprétation du franchissement des limites matérielles et symboliques qui est ainsi posée. Les femmes doivent se justifier, autrement et plus que les hommes, car, dans l’ordre symbolique, leur présence dans des lieux étrangers est souvent déplacée, hors de ce qui se doit d’être. En conséquence, elles ne se déplacent pas n’importe comment et pour n’importe quelles raisons.

    12Comment interpréter, par exemple, l’implication des femmes camerounaises dans des réseaux d’échanges marchands qui supposent qu’elles se rendent seules ou entre femmes à l’autre bout de leur pays (lorsqu’elles louent un camion avec chauffeur pour partir de Yaoundé et se rendre dans le nord acheter du bétail et le ramener pour le revendre) ou à l’étranger (au Gabon par exemple pour le commerce du gingembre ou des bananes plantains) ? Les femmes, en tous les cas, se doivent d’invoquer une bonne raison pour justifier leur présence là, « hors-de » là où elles sont attendues. Dans ce franchissement, de nouvelles rencontres avec d’autres lieux s’opèrent, mais aussi de nouvelles rencontres avec d’autres femmes et d’autres hommes. Car la mobilité n’engage pas que de l’attendu, mais aussi de l’inattendu, du probable comme de l’improbable. Ces rencontres peuvent organiser des échanges de tout ordre, fugitifs ou non, échanges qui, à leur tour, peuvent bousculer les systèmes de représentations du féminin et du masculin spatialisé. Car, dans des mesures diverses, les ordres sociaux et spatiaux sont questionnés par ceux qui sont mobiles. Tout voyageur transporte avec lui ses valises, idéelles ou matérielles : il porte toujours son territoire, par-devant lui.

    Marquages des lieux, codification et transgression

    13Les ordres sociaux et spatiaux sont cependant tenaces. L’observation des pratiques de mobilité spatiale ne cesse, en réalité, de mettre à jour des formes d’inégalités ; elle les révèle, elle est un prisme efficace, car être mobile suppose le respect des normes organisant les espaces, les temps et les groupes. Les manières de se déplacer révèlent sans surprise comment les usages des lieux sont marqués. Ceux qui sont mobiles doivent alors savoir comment se comporter pour se conformer aux normes, les contourner, voire les transgresser. Car quelles que soient les modalités de la mise en mobilité, des négociations sont toujours nécessaires. Les mobilités montrent ainsi qui peut agir dans les lieux et avec quelle efficacité. La mobilité ne va pas de soi ; il faut de la compétence et tout le monde n’en possède pas à équivalence. Il s’agit, en somme, de savoir « comment s’y prendre » pour maîtriser la distance, ce que culturellement on n’apprend pas toujours aux filles. La mobilité engage en ce sens un savoir circuler, un savoir traverser, un savoir s’inscrire dans un monde étranger. La mobilité surgit dès lors comme une ressource contre la marginalisation et la ségrégation. La ségrégation repose, entre autres, sur une difficulté ou une impossibilité d’accès. Parmi des ressources rares, le savoir et la capacité de maîtrise des codes spatiaux, d’installation et de circulation dans l’espace, constituent un capital précieux pour les plus démunis. Mais pour autant le droit d’accès à la mobilité n’entraîne pas nécessairement la construction d’un véritable lien social. Celui-ci reste minimal lorsque la mobilité produit du lien surveillé, encadré : on déambule, on flâne, mais au-delà ? Quoi qu’il en soit, de l’ordre peut émerger aussi du changement : dans les places établies, les individu(e)s créent des failles, voire culbutent les arrangements dans des conditions d’autant plus efficaces qu’ils s’appuient sur des places légitimes. En fait, la mobilité se révèle tout autant reproduction (mais avec ces deux pendants d’enfermement possible ou de ressourcement) que renouvellement, engagement, expérience (projection de soi dans le monde, de soi avec le monde).

    Mais pour autant, ces mobilités créent-elles « du territoire » ?

    14De fait, les constructions identitaires, comme processus de fondation des capacités d’échanges économiques ou sociaux, ont besoin de lieux : la rue, la place, le quartier, le village… Les mobilités engagent spatialement, au point de construire du territoire, sans qu’il y ait pour autant appropriation durable ou effective, tout au moins reconnue. Car l’appropriation est tout à la fois occupation, affectation d’usages et propriété, l’un n’étant pas nécessaire à l’autre. Ainsi, des marges sociales et spatiales surgissent des formes originales de territorialités marquées par la fluidité, la dispersion. De là peut naître de la ressource économique, sociale et spatiale. Ces modes temporaires, parfois précaires ou transgressifs de l’attachement aux lieux témoignent de territorialités interstitielles, de territorialités et sociabilités d’attente qui, pour autant, peuvent être opérantes dans la production de légitimité. En somme, la mobilité peut être une simple juxtaposition, un effleurement, engageant dans des spatialités aléatoires (bouger, cheminer, circuler). Ce qui importe alors est d’occuper l’espace, et plus particulièrement l’espace public. Selon les cas, émergent ainsi des rapports aux lieux constitutifs de nouvelles territorialités entre d’autres (des territorialités interstitielles, liminaires [Turco, 2000 ; Roulleau Berger, 2005]), avec d’autres (des territorialités de contact) ou sur d’autres (des territorialités qui se superposent). Tout au moins, des manières différentes de faire du lien et de produire des lieux sont promues lorsque les cadres territoriaux institutionnalisés ne sont pas les seuls vécus comme constitutifs d’appartenances et d’affinités, surtout lorsqu’il s’agit de s’en affranchir. La relation à l’espace, au temps et aux autres s’entretient alors sur de l’aléatoire, de l’impromptu, du mouvement, de la fluidité.

    Laisser des traces, prendre place

    15En posant comme implicite et préalable aux situations d’inégalités, de différenciations ou de ségrégation, les normes institutionnelles et politiques, les territoires de la mobilité restent toutefois inachevés tant que des traces ne sont pas laissées et, peut-être plus encore, lues, déchiffrées et surtout reconnues, acceptées. Car le territoire ne peut s’inscrire et prendre corps que lorsqu’une place peut être prise, même loin des regards et des contrôles, plus encore lorsque cette place occupée est admise. C’est la recherche d’un « avoir droit », d’un rôle à tenir et à faire reconnaître, qu’il soit social ou économique, car occuper c’est aussi rendre légitime sa place à être là. La visibilité ou l’invisibilité des gens mobiles mais aussi leur légitimité ou leur illégitimité en dépendent même si l’illégitime peut aussi être revendiqué et construire des territoires parallèles. L’accès à « du territoire » suppose la reconnaissance, c’est-à-dire l’acceptation, y compris parfois par la force et donc l’imposition : cet accès engage donc les sphères du social, du normatif et du politique. Les politiques et les institutions sont ici interpellés dans leur devoir d’appréhension de ces quêtes silencieuses de territorialités et, par-là même, dans leur pouvoir d’intervention. Concrètement, est posée là, pour les femmes rurales notamment, la reconnaissance par la loi de leur accès aux moyens de production, la terre en particulier, et aux fruits de leur production de richesses, par leur travail inscrit dans des pratiques de mobilité spatiale.

    16Mais, ne nous y trompons pas, le changement social et spatial peut aussi naître d’une immobilité recherchée voire revendiquée, ce qui invite à nuancer les associations trop rapides entre modernité et mobilité. Car le mobile peut aussi naître de la fixité dans un lieu, cela dépend de la manière dont on vit dans ce lieu. Le lieu n’est pas qu’une figure de l’immobile ; il est aussi traversé de mouvements, ce qui nous invite à « différencier la géographie du lieu de la géographie des individus » (Lazzarotti, 2006) qui s’installent, repartent, reviennent, disparaissent ou qui ont toujours été là. Ceux-là voient passer les autres, s’enrichissent ou non de leur contact. L’immobilité spatiale peut alors se nourrir de la mobilité des autres. Mobilité et immobilité s’articulent alors, voire s’imbriquent l’une dans l’autre. Il ne s’agit pas d’une remise en question de la distinction lieu et espace, renvoyant, comme nous l’avons dit, à une invitation à l’immobilité dans le premier cas et à la mobilité dans le second. Il s’agit surtout de comprendre comment la prise en compte des rapports sociaux de genre à l’œuvre dans les mobilités et les immobilités spatiales permet de complexifier les catégories d’analyse du réel. La proximité réelle et symbolique du lieu n’engage d’ailleurs pas nécessairement tout le monde. On peut bien sûr partager un même lieu, tout en étant étranger l’un à l’autre (Piolle, 1990).

    17Les relations qui viennent d’être proposées entre mobilités spatiales féminines et constructions territoriales doivent maintenant être reprises pour être approfondies en regard des pratiques de développement.

    L’APPROCHE « GENRE ET DÉVELOPPEMENT » : INTERPRÉTATIONS EN REGARD DES MOBILITÉS FÉMININES ET DES CATÉGORIES D’ANALYSE

    18L’objet n’est pas ici de proposer une synthèse de l’histoire croisée de la pensée du développement et du genre (voir notamment l’article d’E. Hoffman et K. Marius Gnanou dans Granié, Guetat-Bernard, 2005 ; Bisilliat et Verschuur, 2000 ; Prévost, 2011 et Degrave 2011 dans Guérin et al.). Il s’agit d’en retenir quelques étapes et quelques interprétations pour les lier aux préoccupations de recherche de cet ouvrage.

    Comparaison Nord/Sud des politiques de modernisation des mondes ruraux et agricoles

    19L’histoire récente des économies et sociétés rurales des pays des Nords et des Suds a connu des évolutions comparables (Peemans, 1995). Avec seulement deux décennies de décalage, la « modernité » et l’inscription dans des rapports sociaux et économiques bouleversés, la transformation des modes de produire, les finalités des logiques de production, l’insertion dans des filières, la spécialisation des espaces productifs et des types de production, la place occupée par le monde rural dans les sociétés nationales, etc., ont connu des étapes et des conséquences en terme de mobilités spatiales relativement similaires avec une croissance rapide des exodes ruraux et agricoles notamment en Amérique latine à partir des années 1950, mais aussi dans une moindre mesure en Afrique, avec quelques années de décalage. En Amérique latine, les politiques de modernisation ont marginalisé l’agriculture familiale sans qu’elle disparaisse pour autant. En Asie du Sud, les proportions sont inversées avec toujours plus de deux tiers de population rurale, même si les revenus sont de moins en moins agricoles et dépendent des mobilités de travail (Racine, 1994). Les politiques suivies, les modalités et les conséquences ont d’ailleurs été globalement les mêmes entre la politique agricole commune de l’Union européenne et la révolution verte en Inde (Dorin, Landy, 2002). Ce n’est pas le lieu d’approfondir ces réalités. Insistons plutôt sur le fait que, globalement, les politiques de modernisation en agriculture ont eu des effets différents sur les hommes et sur les femmes3.

    20Cette situation repose notamment sur une dévalorisation du statut des agricultrices. D’une manière générale, le travail féminin en agriculture est souvent peu reconnu car il obéit aux règles du contrat de mariage, ce qui supprime la nécessité et même la possibilité d’un contrat de travail juridiquement établi (Lagrave et Caniou, 19874). En pays bamiléké au Cameroun, les politiques de modernisation ont surtout concerné les hommes qui se sont engagés massivement dans la production de cultures de rente telles que le café, introduit et vécu comme une culture marquant l’identité de planteur, chef de famille (Guetat-Bernard, 2008). Certes, globalement, ces productions ont eu des effets économiques bénéfiques. Sur les Hauts plateaux de l’Ouest Cameroun, la diffusion démocratique de la culture du café s’opère dans les années 1960. Les revenus du café ont assuré la scolarisation des enfants, filles et garçons. Ils ont aussi mieux nourri et mieux vêtu les différents membres de la famille. Toutefois, les bénéfices de cette culture n’ont pas été uniformes selon les sexes car les chefs de famille ont imposé un surcroît de travail aux femmes, les hommes ne s’occupant que de la taille des arbustes. Cet exemple rappelle l’intérêt de dénoncer l’utopie de l’unité familiale et plus encore du ménage5. Soyons extrêmement prudents : il ne s’agit bien évidemment pas de penser au simple transfert des processus économiques et sociaux européens par la colonisation, ce qui n’aurait aucun sens, encore moins en pays bamiléké connu pour les résistances aux pressions coloniales. Or, si on admet, avec Andrée Michel, que « le statut des femmes n’est pas indépendant des rapports sociaux de production, eux-mêmes liés aux modes de production », l’exemple du café est révélateur. Même si le café a été approprié par les sociétés locales, il a accompagné l’évolution des rapports sociaux de production, faisant du mari le bénéficiaire des aides de l’État favorisant l’accès à cette innovation. Sachant, par ailleurs, qu’« une grande part du recrutement de la main-d’œuvre agricole se fait à partir des relations non marchandes existant entre les membres des ménages selon la parenté ou selon la position socio-politique » (Roberts, 1988), les chefs de famille ont joué sur les règles sociales existantes en matière de répartition du travail entre les terres du ménage et les parcelles des épouses pour exiger des femmes une participation active sur les terres en café. Bien sûr, Pénélope A. Roberts à propos de l’Afrique de l’Ouest indique : « les négociations entre hommes et femmes autour de l’échange mutuel de travail et de l’accès à la main-d’œuvre que chaque groupe contrôle sont toujours complexes ». Ce n’est qu’avec la « crise du café » que les femmes peuvent négocier aujourd’hui la réaffectation de leur travail à des entreprises plus personnelles.

    21Les critiques ont ainsi démontré que les points de vue du mari, considéré par les politiques de développement comme le chef de famille, ses logiques et ses stratégies peuvent être différents de ceux de sa femme ou de ses femmes. En pays bamiléké, par exemple, la maison de l’homme a bénéficié d’améliorations comme l’électricité, tandis que les maisons de ses épouses demeurent sans confort à l’exception parfois de celle de la première ou de l’épouse préférée. Toutefois, globalement, les pratiques du développement, des années 1950 aux années 1960, ont associé les femmes à la sphère « traditionnelle » des activités de subsistance6. Maintenues dans l’univers domestique, les activités des femmes ont été sous-évaluées et absentes des préoccupations des institutions de développement. Dans les années 1970, marquées par les inquiétudes de la croissance démographique et des conséquences environnementales, les actions de développement réinterrogent la place des femmes.

    Les lieux comme expression d’apprentissages situés : nouveau regard sur l’implication féminine dans le développement

    22La décennie qualifiée de « femmes et développement » (Women in Development, 1975-1985) a accompagné l’idée d’une « domination des femmes », « d’une imposition patriarcale », sans nuancer la diversité et la complexité des relations entre les hommes et les femmes à travers le monde. Un recentrage sur la nature des rapports hommes/femmes (Gender and Development, à partir des années 1980) a ensuite été proposé montrant notamment que les femmes ne constituent pas un groupe social distinct. L’enjeu était de réinscrire leurs rapports dans une histoire sociale d’interdépendance du masculin et du féminin. Dès les années 1970, mais surtout concrètement à partir des années 1980, et face aux erreurs des trois décennies précédentes, la localité est valorisée en tant qu’expression d’apprentissages situés et de diffusion d’expériences.

    23Il demeure que le contexte actuel de la mondialisation a soutenu paradoxalement une plus grande autonomie des femmes dans les pays du sud. Elle les a aussi placées dans une situation économique plus fragile en raison d’une « féminisation de la pauvreté ». L’expression « la pauvreté fait sortir les femmes » témoigne surtout de stratégies économiques de survie avec comme conséquence une féminisation de la population active. D’ailleurs, ces deux expressions courantes sont parfois elles aussi critiquées car, dans le même temps, un nombre croissant de ménages pauvres dépend des revenus féminins pour survivre, sans parler du nombre croissant de femmes chef de famille. Au cours des années 1980, la recherche de flexibilité par les entreprises s’est traduite, autant dans les pays du Nord que du Sud, par le recours à une main-d’œuvre féminine, favorisant une féminisation de la force de travail industrielle. Les femmes rurales ont aussi été concernées par ces recrutements permettant une diversité des revenus hors agriculture. « L’incorporation au marché du travail leur offre une base de valorisation individuelle et sociale que ne leur fournit pas le travail domestique », leur permettant de souscrire une « nouvelle relation avec la société, médiatisée par le travail » (Rangel de Paiva Abreu, 1999, à propos de la situation brésilienne), notamment par le salaire régulier qu’il procure et la valorisation sociale d’une activité en entreprise. Pour autant, le nouveau système de flexibilisation de la production a conduit conjointement à l’augmentation des types d’emplois précaires (Scott, 1991), parfois à domicile (système de leasing qui reprend en partie les modalités du travail à façon des premiers temps de l’industrialisation) et dans le cadre d’emploi informel n’offrant pas toujours aux femmes des bénéfices substantiels.

    24Finalement, est dénoncée une instrumentalisation de l’emploi salariée féminin qui s’accompagne dans le contexte notamment d’une délocalisation de secteurs productifs du nord vers le sud (le textile par exemple), d’une flexibilité et d’une précarité de l’emploi des femmes, souvent jeunes afin de ne pas empiéter sur leur rôle et leur temps de travail reproductifs (Jackson, Pearson, 1998). Surtout, les emplois à façon et ceux du secteur informel posent une question théorique centrale, celle de l’articulation entre activités domestiques et non domestiques, marchandes et non marchandes (Bénaria, 1992). La période Women In Developpement s’est inscrite ainsi dans un souci d’intégrer les femmes dans la modernité et le développement. Celle de Gender And Developpement, porté par un féminisme plus radical et par des mouvements de femmes des Suds témoigne, quant à lui, à partir des pratiques quotidiennes de subsistance, de la recherche d’autres voies de développement, tout en dénonçant les rapports de subordination dans les structures de production et d’échange autant dans les relations pré-capitalistes que capitalistes (Degrave, 2011). Cependant, Florence Degrave, reprenant notamment les critiques de C. Jackson, reconnaît que le courant GAD a aussi servi de justification à l’instrumentalisation des femmes dans le développement accompagnant, à partir du début des années 1990, un soutien fort aux petits projets de développement portés par la multiplication des ONG avec des effets contrastés et discutés sur les femmes : les femmes devenant plus enjeu qu’actrices du développement (Puget, 1999). Le courant GAD n’a donc concrètement que très partiellement réussi à rejeter la vision modernisatrice incluse dans celui de WID, vision qui suppose « la solution à l’infériorisation des femmes par l’accumulation capitaliste » (Lagrave, 2011). Raison pour laquelle, « depuis les années 1990, de nombreuses voix ont exprimé le besoin de « dépasser la modernisation » et d’adopter une approche qui soit basée sur « les contextes concrets, territoriaux et environnementaux, là où les populations vivent » (Lagrave, 2011). « La principale contribution de ces langages théoriques sur le développement, nés dans les années 1990 et qualifié de “local féminisme”, consiste certainement dans la déconstruction des oppositions fondamentales de l’imaginaire du développement, notamment celle qui renvoie dos à dos la production et la reproduction, sur le même mode que s’opposent les répertoires de la modernité et de la tradition, du public et du privé, du mondial et du local. Il ne s’agit pas de nier à ces catégories leur utilité pour lire le monde, mais bien de critiquer l’usage qui est fait de leur opposition systématique et la dévalorisation qui accompagne nécessairement un des pôles de la paire. » Florence Degrave poursuit :

    « S’intéresser au reproductif comme ressource du développement implique d’assumer deux hypothèses fortes : celle d’une cohérence propre à ce qui se trouve en dehors du champ de l’économie moderne d’une part, celle d’une possible émancipation des femmes dans et par le reproductif d’autre part. Cet ensemble appelé “reproduction”, faisant référence à ce qui est utile et “liant”, n’a-t-il pas été dépouillé de son sens le plus intéressant dans la pensée féministe du Nord pour se retrouver exclusivement associé, dans l’imaginaire comme dans la vie matérielle, au domestique ? Pour sortir de ce piège de la pensée, il y a lieu de considérer les différentes activités historiques des femmes – telles que l’éducation, le soin, bref le care au sens large, partagées aujourd’hui entre services marchands et activités domestiques – comme un ensemble cohérent, visant la reproduction, au niveau de la société, du lien social, de la subsistance matérielle et, plus globalement, d’un territoire de vie. L’idée de reproduction, dans sa forme nouvelle, permet dès lors d’exprimer des phénomènes qui relèvent aussi bien de l’économique que du social ou du politique mais sont tournées vers des objectifs bien distincts de l’accumulation désencastrée. »

    25C’est à ce travail de déconstruction/reconstruction que cet ouvrage s’emploie.

    26Se trouve ainsi posée la comptabilisation de ces temps de travail à une échelle macro économique : en arrière-plan de la meilleure perception comptable, est posée celle de la reconnaissance macro-sociale du travail pluriel des femmes (pauvres). Est pointée là, de nouveau, la question des arbitrages dans les catégorisations. Les travaux sur les activités de travail des femmes rurales ont grandement contribué à enrichir le débat, en montrant, dans le contexte des interactions rurales et urbaines en matière de circulation et de mobilisation des ressources, comment la complexité et l’intensification des mouvements circulatoires de biens, de symboles, d’idées et de mobilité des personnes reconfigurent les espaces urbains et ruraux. Aborder ces reconfigurations sous l’angle des rapports de genre affine l’analyse « par son caractère constructiviste, relationnel, dynamique dans l’approche des espaces différenciés, masculins et féminins, tout en prêtant un intérêt particulier aux interfaces entre logiques d’action et espaces » (Lachenmann, 2000 : 13).

    27Nous inscrivons ainsi cet ouvrage dans la lignée des travaux soucieux de réfléchir à la déconstruction/reconstruction des catégories (notamment marchand/non marchand ou économie de marché et économie de subsistance, productif/reproductif, public/privé, rural/urbain, formel/informel, etc.) afin de retrouver la complexité des interactions et dénoncer les fondements idéologiques des découpages. Même si aucune pensée ne s’exerce sans découpage du réel, il importe ainsi de prendre la mesure des désignations. C’est-à-dire comprendre comment lire historiquement et dans les contextes étudiés, des lieux aux espaces, par les modalités de catégorisation du réel, les placements et les déplacements des femmes en relation avec ceux des hommes.

    28Les rapports sociaux de genre invitent à reconnaître les intrications du social, du spatial et de l’économique : le concept d’enchâssement, dans la lignée des travaux déjà anciens de Polanyi7, explique la distance qui demeure dans les systèmes de représentations dominants entre la symbolique de la maison (home) et la reconnaissance de ce qu’est le travail des femmes (work). Est alors posée une question primordiale : celle du décalage entre la réalité des activités matérielles des femmes, la manière dont elles participent d’un côté à la mobilisation de richesses et à la structuration des lieux et des espaces et à leur mise en réseau et, de l’autre, la reconnaissance de leur place sociale et économique.

    29L’appréciation des déconstructions et reconstructions des catégories d’analyse nécessite des outils méthodologiques particuliers sur lesquels l’attention se porte maintenant.

    Notes de bas de page

    1 Pour le cas cité par l’auteur : de l’environnement socio-cosmique et des territoires ancestraux.

    2 Ce passage reprend pour partie des éléments de la conclusion que l’auteure a rédigé pour (Capron et al., 2005).

    3 Dans le cadre du comité scientifique de préparation du colloque « Du grain à moudre : genre, développement rural et alimentation » organisé par le pôle « genre » de l’IHEID en octobre 2010, J.-L. Maurer, spécialiste de Java et de l’Asie du Sud-Est, reconnaît que ce colloque sera important pour apprécier la manière dont les deux temps forts des politiques agricoles ont affecté les rapports de genre en milieu rural et agricole, que ce soit les années de la révolution verte marquée par l’utilisation de « paquets technologiques » mais centrée sur les cultures vivrières ou que ce soit ces trente dernières années durant lesquelles les instances internationales ont délaissé l’appui aux cultures vivrières dans le cadre de politique de libéralisation.

    4 En France, durant la décennie 1980, les femmes ont mené en agriculture un long combat pour se voir reconnaître un certain nombre de droits sur l’exploitation.

    5 Les critiques ont porté sur une vision uniforme et erronée selon laquelle, d’une part, le ménage serait, comme aux États-Unis et en Europe, idéalement composé d’un mari, d’une femme et des enfants ; d’autre part, il existerait au sein de la famille une division du travail clairement établie entre les sexes, le mari chargé d’apporter un revenu à la famille et la femme assumant les tâches domestiques ; enfin il existerait, au sein du ménage, un contrôle égalitaire des ressources et un pouvoir de décision égalitaire entre les hommes et les femmes (Bisilliat, 1989 : 27).

    6 La réflexion de Jeanne Bisilliat (1989), n’est pas dénuée d’intérêt dans la perspective de la démonstration poursuivie. Un peu sous forme de boutade, cette chercheuse émet l’hypothèse que la prise en compte des hommes et non des femmes dans les premières décennies du développement devait reposer en partie aussi sur une rémanence d’association analogique, de vieux schèmes mentaux « que l’on croyait oubliés » et qui opposent d’une part la chaleur, le dynamisme, le masculin, et d’autre part le froid, la passivité, le féminin. De la même manière qu’a été critiquée la vision habituelle de la procréation entre des spermatozoïdes actifs et des ovules passifs (Détrez, 2002), cette vision du monde privilégie l’histoire du développement au masculin, « les hommes qui fécondent la femme comme ils fécondent le monde » ! (p. 44).

    7 Gudrun Lachenmann propose d’utiliser le concept d’« économie féminine enchâssée » permettant de mettre en évidence les différentes formes de coopération et d’échanges, entre hommes et femmes ou entre différents réseaux de femmes, construites, notamment, sur la parenté en ligne maternelle ou sur l’origine locale de l’épouse. Elle appuie sa construction sur le concept de modes alternatifs d’accumulation de Geschiere & Konings (1993) et insiste sur l’appréhension des dynamiques relationnelles.

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    1 Pour le cas cité par l’auteur : de l’environnement socio-cosmique et des territoires ancestraux.

    2 Ce passage reprend pour partie des éléments de la conclusion que l’auteure a rédigé pour (Capron et al., 2005).

    3 Dans le cadre du comité scientifique de préparation du colloque « Du grain à moudre : genre, développement rural et alimentation » organisé par le pôle « genre » de l’IHEID en octobre 2010, J.-L. Maurer, spécialiste de Java et de l’Asie du Sud-Est, reconnaît que ce colloque sera important pour apprécier la manière dont les deux temps forts des politiques agricoles ont affecté les rapports de genre en milieu rural et agricole, que ce soit les années de la révolution verte marquée par l’utilisation de « paquets technologiques » mais centrée sur les cultures vivrières ou que ce soit ces trente dernières années durant lesquelles les instances internationales ont délaissé l’appui aux cultures vivrières dans le cadre de politique de libéralisation.

    4 En France, durant la décennie 1980, les femmes ont mené en agriculture un long combat pour se voir reconnaître un certain nombre de droits sur l’exploitation.

    5 Les critiques ont porté sur une vision uniforme et erronée selon laquelle, d’une part, le ménage serait, comme aux États-Unis et en Europe, idéalement composé d’un mari, d’une femme et des enfants ; d’autre part, il existerait au sein de la famille une division du travail clairement établie entre les sexes, le mari chargé d’apporter un revenu à la famille et la femme assumant les tâches domestiques ; enfin il existerait, au sein du ménage, un contrôle égalitaire des ressources et un pouvoir de décision égalitaire entre les hommes et les femmes (Bisilliat, 1989 : 27).

    6 La réflexion de Jeanne Bisilliat (1989), n’est pas dénuée d’intérêt dans la perspective de la démonstration poursuivie. Un peu sous forme de boutade, cette chercheuse émet l’hypothèse que la prise en compte des hommes et non des femmes dans les premières décennies du développement devait reposer en partie aussi sur une rémanence d’association analogique, de vieux schèmes mentaux « que l’on croyait oubliés » et qui opposent d’une part la chaleur, le dynamisme, le masculin, et d’autre part le froid, la passivité, le féminin. De la même manière qu’a été critiquée la vision habituelle de la procréation entre des spermatozoïdes actifs et des ovules passifs (Détrez, 2002), cette vision du monde privilégie l’histoire du développement au masculin, « les hommes qui fécondent la femme comme ils fécondent le monde » ! (p. 44).

    7 Gudrun Lachenmann propose d’utiliser le concept d’« économie féminine enchâssée » permettant de mettre en évidence les différentes formes de coopération et d’échanges, entre hommes et femmes ou entre différents réseaux de femmes, construites, notamment, sur la parenté en ligne maternelle ou sur l’origine locale de l’épouse. Elle appuie sa construction sur le concept de modes alternatifs d’accumulation de Geschiere & Konings (1993) et insiste sur l’appréhension des dynamiques relationnelles.

    Développement rural et rapports de genre

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    • Guérin, Isabelle. Nobre, Miriam. (2014) Under Development: Gender. DOI: 10.1057/9781137356826_14
    • Bélières, Jean-François. (2018) Diversity of Family Farming Around the World. DOI: 10.1007/978-94-024-1617-6_19
    • Guétat-Bernard, Hélène. (2014) Under Development: Gender. DOI: 10.1057/9781137356826_9
    • Sawadogo, Honorine Pegdwendé. (2019) La mendicité comme moyen de revendication d’une identité positive : l’exemple des « mères de jumeaux » à Ouagadougou. Revue de l’Université de Moncton, 49. DOI: 10.7202/1064870ar
    • (2011) Ouvrages sur le développement diffusés en France de mars à septembre 2011. Revue Tiers Monde, 208. DOI: 10.3917/rtm.208.0213

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    Guetat-Bernard, Hélène. « Chapitre 1. Mobilité spatiale, genre, développement : positionnement problématique ». In Développement rural et rapports de genre. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. https://doi.org/10.4000/books.pur.34398.
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