Un constructeur de la France du xxe siècle
|Troisième partie. La réussite de la SAE, une réponse aux besoins d’une époque
Conclusion générale
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1Le parcours de la SAE présente toutes les caractéristiques d’une réussite. Première entreprise française du bâtiment depuis la fin des années 1950, elle demeure à ce rang jusqu’à son intégration dans le Groupe Eiffage. La société n’a plus qu’un rapport très lointain avec ce qu’elle était au lendemain de la guerre. Le chemin parcouru apparaît exceptionnel.
La Société Auxiliaire, un parcours spectaculaire
2Plus que la transformation des activités, c’est le changement de la taille de la Société Auxiliaire qui frappe par son ampleur. Le milieu de la décennie 1970, alors que l’entreprise abandonne définitivement la construction des grands ensembles qui sont à l’origine de sa réussite pour se tourner vers des activités beaucoup plus diversifiées, servira de période de référence. Hors inflation, son chiffre d’affaires a crû de près de cent vingt fois entre 1945 et 1974, en valeur constante. Les résultats et, surtout, les ressources financières ont suivi la même évolution, dans des proportions parfois encore plus impressionnantes.
- 1 Nouvel Observateur, « Faits et Chiffres », 1976.
3L’entreprise relativement modeste est devenue une société d’une grande importance. Certes, son chiffre d’affaires se situe encore loin de celui des géants de l’industrie française. En 1975, il ne représente qu’un peu moins de 15 % de celui de groupes comme Peugeot ou de la CGE1. Mais, au sein des grands groupes français du BTP, elle rivalise avec les GTM, la SGEE et le nouvel ensemble créé par Fougerolle, alors que la SCEG et Spie Batignolles la distancent nettement. Mais SAE parvient à des dégager des marges bien supérieures. Seul Bouygues fait mieux.
Tableau 52. – Les dix plus grands groupes français de BTP au 31 décembre 1974.

Sources : Rapports annuels des société considérées.
Tableau 53. – La SAE, un des groupes de BTP les plus rentables (au 31 décembre 1973).

Source : Entreprise, novembre 1974.
4En proportion, les effectifs, bien que six à sept fois supérieurs, ont augmenté beaucoup moins vite. Mais cette évolution traduit une mutation essentielle, celle de la productivité. La croissance de l’activité a rendu nécessaire une augmentation considérable des moyens matériels. Surtout, par un processus régulier d’intensification, sensible à partir des années 1960, la Société Auxiliaire a révolutionné le travail sur ses chantiers. Ceux-ci reflètent une modernisation considérable des méthodes utilisées dans le bâtiment. On est passé du stade du grand artisanat à des modèles d’organisation qui suscitent envie et imitation dans le reste de la profession.
Un modèle de réussite
5Dans l’histoire des entreprises françaises de construction, la Société Auxiliaire constitue, sans aucun doute, un véritable modèle. Ses dirigeants ont mis en place, dans les années 1950-1970, un système d’entreprise d’une efficacité peu contestable. Les relations entretenues avec les marchés publics, la cohésion humaine de l’entreprise et des choix techniques judicieux permettent que les premiers succès du logement, remportés au milieu des années 1950, marquent le prélude à une expansion durable.
Une maîtrise des marchés publics
6L’État, par son action de promoteur du logement social, a assuré une fonction fondamentale. Il a libéré les entreprises œuvrant dans le secteur du souci des débouchés. L’entreprise n’a pas eu à se préoccuper de rechercher une clientèle. Entre 1950 et 1970, la véritable difficulté pour elle est de pouvoir faire face à d’énormes commandes de plusieurs milliers de logements. Elle implique de savoir s’insérer dans un système économico-administratif. Les relations personnelles que réussissent à développer les dirigeants de la société sont essentielles, même si, seule, la compétence assure la continuité de relations commerciales privilégiées avec le secteur public.
7La réussite de la Société Auxiliaire apparaît ainsi étroitement liée à des pratiques commerciales de constructeur. À l’encontre des images traditionnellement véhiculées sur les entreprises du bâtiment, la fonction commerciale l’a emporté chez elle sur les performances techniques qui n’ont jamais été spectaculaires. Au début des années 1950, Valatelli considère déjà son entreprise comme un prestataire de services, apte à tirer parti des immenses opportunités qui se profilent. Le mérite revient à Mathieu d’avoir compris qu’il fallait en faire la condition même de l’expansion.
8C’est en se situant dans la même logique de constructeur que la SAE a su inventer ses propres instruments de maîtrise des marchés. L’organisation modèle de ses chantiers en a fait un entrepreneur souvent obligé auprès des donneurs d’ordres publics. Les Instructions Permanentes, méthodiquement approfondies à partir de 1954-55, lui ont donné la possibilité de disposer une marge de manœuvre non négligeable vis-à-vis de ses principaux clients. En la dotant d’une base de gestion rationnelle de ses ressources, elles ont rendu presque indispensable le recours à la Société Auxiliaire pour les énormes chantiers du logement social.
Une forte cohésion
9Cinquante années d’histoire de la Société Auxiliaire viennent confirmer, sans surprise la place centrale des facteurs humains. Le succès tient, avant tout, à la densité des relations qui unissent les divers membres de la communauté, à leur adhésion au projet collectif qu’incarne l’entreprise, ainsi qu’à leur capacité à accepter les transformations stratégiques qui se sont imposées à diverses périodes.
10Les relations étroites que les responsables ont su établir entre les différents intervenants ont constitué la condition indispensable à l’efficacité et à la solidité de l’ensemble. Située au point nodal du système entrepreneurial, la direction générale a toujours veillé, avec un soin extrême, à la qualité des relations à l’intérieur de l’entreprise, aussi bien qu’avec les partenaires extérieurs. Une organisation efficace assure la solidité des relais entre le siège social, les divers échelons régionaux et locaux jusqu’aux chantiers les plus éloignés. Des contacts réguliers relient le état-major à la main-d’œuvre ouvrière, par l’indispensable intermédiaire des cadres et contremaîtres. La solidité des rapports établis avec les sous-traitants, souvent attitrés, contribue aussi à renforcer la cohérence de l’ensemble. L’architecture tire, aussi, sa force des rapports confiants que la présidence tient à cultiver avec les membres du conseil d’administration, les diverses assemblées générales, ainsi qu’avec les banquiers de la société. Au moment des plus grandes difficultés, les actionnaires ont toujours accepté de voir leurs dividendes annulés. En fait, c’est l’ancienneté, plus que le statut, qui donne sa densité au sentiment d’appartenance à la communauté d’entreprise. Or, au début de la décennie 1970, des carrières aussi bien que des liens d’intérêt d’une durée supérieure à trente ou quarante ans ne sont pas rares au sein de l’Auxiliaire.
11Ce sens de l’entreprise se nourrit du sentiment de combattre pour une aventure commune. Il est présent à toutes les époques de son histoire. Il s’exprime par la fierté des réalisations, nourrissant un véritable patriotisme parmi les employés, cadres et ouvriers. Il s’incarne dans la personne des deux entrepreneurs qui ont présidé à son destin. Lors des périodes critiques que traverse la SAEETP, au cœur de la dépression des années 1930 ou au moment des choix risqués de la reconversion, une quinzaine d’années plus tard. Valatelli puis Mathieu ont toujours pu s’appuyer, sans compter, sur le dévouement et la fidélité du personnel aussi bien que des actionnaires. Mais la principale originalité humaine de l’Auxiliaire, dans un milieu professionnel où le poids de la culture est fort, est d’être tourné vers le changement. Loin de constituer un passé pesant, l’histoire de la SAE, faite de variations brusques, a induit une stimulation permanente vers l’innovation. Ainsi, l’essentiel du succès humain réside-t-il, avant tout, dans une capacité à évoluer, à savoir se remettre en cause, sans renoncer à une personnalité profondément établie.
Des techniques adaptées
12Les choix de la SAE en matière de techniques de construction ont compté parmi les éléments déterminants de son succès. Au moment décisif de son histoire, celui de la reconversion des années 1950, ils ont contribué à ouvrir une voie nouvelle, adaptée aux possibilités d’une entreprise modeste, et qui s’est révélée porteuse d’avenir. Ils allaient, pourtant, à l’encontre de logique de la plupart des responsables français d’après la Deuxième Guerre mondiale. L’Auxiliaire choisit, quant à elle, dès 1950-1951, de privilégier, non pas la technique, mais la rapidité d’exécution.
13Les premiers chantiers ont pu parfaitement conserver les traditions du métier de l’entreprise. Par ailleurs, les méthodes du « traditionnel adapté », dont se réclame la SAEETP, ont présenté également l’énorme avantage de ne pas lier intensification du travail et apport important de capitaux. Les besoins de l’entreprise sont demeurés modérés par rapport à l’ampleur des réalisations. Tout a reposé sur une conception neuve du bâtiment, demeuré activité de main-d’œuvre, mais considéré comme une industrie « légère », en regard des besoins en matériel et en sources de financement. La construction de logements n’est pas restée, pour autant, le monde de l’immobilisme souvent décrit. Le parti de la Société Auxiliaire de donner la priorité à l’organisation apparaît, au contraire, comme étonnement moderne, devançant d’une bonne quinzaine d’années la plupart de ses concurrents. En insérant habilement sur un marché en forte expansion une capacité productive, au départ, modeste, mais rendue efficace grâce à des équipes déterminées et encadrées efficacement, la SAEEETP a contribué à ouvrir de nouvelles voies à l’industrie du bâtiment en France.
La SAE, cas exemplaire ou exception ?
14Par bien de ses aspects, la Société Auxiliaire d’Entreprises offre un bon révélateur des évolutions de la profession. Tant au plan humain que des pratiques financières, elle paraît proche de la plupart des sociétés de construction les plus importantes. En revanche, elle tranche, non seulement, par la reconversion radicale de ses activités mais aussi par l’aspect étroitement national de sa réussite. Son indépendance préservée la distingue également de ses principaux rivaux.
Un miroir des grandes entreprises du bâtiment
15Son expérience vient confirmer, de façon plus ou moins affirmée, celle de nombreuses autres sociétés œuvrant dans le bâtiment entre 1950 et 1980. Le rôle central qu’y tiennent ses dirigeants se retrouve dans beaucoup d’entreprises, grandes ou petites. Sa forte identité culturelle caractérise, elle aussi, le secteur tout entier auquel elle appartient. Quant aux pratiques de gestion financière, elles existent avant tout au sein des grands groupes.
16Comme elle, la plupart des grandes entreprises du BTP ont dû une bonne part de leur développement au fait d’avoir à leur tête des dirigeants aux capacités avérées. Dans le cas de la SAE, cette place majeure tient, outre leurs qualités personnelles, à la longévité de leur carrière et à concentration du pouvoir entre leurs mains, si l’on excepte les toutes premières années. L’absence de contre-pouvoirs leur a donné le champ libre. Il leur a permis d’imprimer profondément et durablement leur marque à l’entreprise. Ils sont, de ce fait, à l’origine de ses valeurs communautaires.
17L’histoire de la SAE ne peut se comprendre sans celles-ci, tant elles imprègnent fortement les comportements. Comme il est habituel dans le bâtiment, elles structurent puissamment fortement son identité. Cela ne soulève guère de difficulté tant que l’augmentation du personnel demeure modérée. À partir du milieu de la décennie 1960, avec l’envolée des effectifs, la situation devient moins aisée. L’esprit maison de la SAE se voit, alors, menacé de s’affaiblir. Comme chez ses concurrents, il faut introduire des pratiques nouvelles de communication pour tenter de conserver une cohésion qui tend à s’affaiblir.
18La gestion des finances de l’entreprise permet, aussi, de retrouver bien des traits communs à la plupart des grandes entreprises du BTP. Ils traduisent une prudence calculée, qui n’exclut pas les opérations risquées. La préférence est systématiquement dévolue à l’autofinancement, d’où une active politique de constitution de réserves et de provisions. Avec une belle constance, les dirigeants demeurent méfiants vis-à-vis des engagements extérieurs. Cette même prudence se retrouve vis à vis des investissements de portefeuille ou les placements immobiliers. Enfin, un dernier trait commun aux principales entreprises du secteur, se retrouve, sauf difficultés exceptionnelles, chez SAE, dans la rétribution généreuse du capital.
19Dans bien des domaines, la Société Auxiliaire apporte, donc, des exemples significatifs essentiels pour approcher la réalité des grandes entreprises de construction de la France des trente glorieuses. Mais, elle n’en révèle pas moins des traits exceptionnels d’une grande importance historique. En bonne part, ils proviennent de l’ampleur du virage opéré entre 1950 et 1955. Ils découlent aussi de la place du marché national, devenue, à cette occasion, presque exclusive. L’originalité de l’Auxiliaire tient, enfin, au fait d’être demeurée, malgré ses transformations, une entreprise de construction au sens traditionnel du terme.
Une entreprise singulière
20Aucune autre entreprise française d’une certaine importance, venue du secteur des travaux publics, n’a opéré un transfert aussi complet vers le bâtiment. Alors que la plupart des concurrents ont conservé un secteur de travaux publics, SAE a délaissé sa spécialité d’origine. Or, changer de métier n’est pas si courant, même entre des domaines proches. L’opération est d’autant plus remarquable qu’elle s’effectue en un laps de temps très court. Il faut y voir l’effet de la clairvoyance de Gino Valatelli et des audaces du tout jeune entrepreneur qu’est Maurice Mathieu, qui donnent toute son ampleur au mouvement.
21À la différence de la dernière période qui voit la SAE devenir un groupe international de travaux publics, cette transformation s’est inscrite dans un cadre exclusivement national. Au contraire de certaines schématisations qui voudraient que le stade des exportations succède à celui du développement sur le plan intérieur, c’est l’inverse qui s’est produit dans le cas de la Société Auxiliaire. Elle a quasiment abandonné ses réalisations hors des frontières françaises à partir du début des années 1960. Les besoins français ont fourni un débouché très largement suffisant pour ne pas rendre nécessaire une expansion plus large. Sur ce point, la SAE tranche largement sur ses principaux concurrents. Au contraire, ceux-ci développent, bien souvent avec succès, leurs intérêts hors des frontières nationales. De ce point de vue, une société comme Dumez peut paraître comme une sorte d’anti-SAE. Ce n’est qu’à l’extrême fin de la période et l’entrée en crise du bâtiment en France qu’avec beaucoup de circonspection, les dirigeants de la SAE envisagent, alors, une internationalisation des marchés.
22Enfin, l’une des originalités les plus fortes de l’Auxiliaire provient d’être demeurée proche de la conception traditionnelle de l’entreprise qui a longtemps dominé dans le bâtiment. L’indépendance à l’égard des intérêts extérieurs et dans sa gestion, ainsi que la cohésion des valeurs, marquent, en effet, toute son histoire, si on excepte les premières années pour le premier point. Alors que la plupart des autres grands du secteur passent progressivement sous le contrôle de groupes ou de banques, ou tout au moins, s’y associent, la Société Auxiliaire demeure seule maîtresse du jeu. Lorsque la croissance la mène à concevoir une structure de groupe, elle la constitue à partir de filiales créées en son sein. Elle a fort peu racheté d’entreprises extérieures, conservant ainsi une homogénéité des comportements et des stratégies, qui l’a maintenue très près de la situation d’une société unique.
Taylorisme ou fordisme ?
23Que faut-il retenir de l’histoire de la SAE sur l’introduction des méthodes fordistes dans le bâtiment français entre 1950 et 1970 ? Son expérience révèle une utilisation partielle des principes de production. Elle a produit des logements sociaux en grande série en réponse à une consommation de masse. Le bond enregistré dans les livraisons s’est appuyé sur une croissance spectaculaire de la productivité qui n’est en rien inférieure à ce que l’on peut trouver dans les branches les plus modernes de l’industrie, si l’on en juge par l’abaissement considérable du nombre d’heures nécessaires à la réalisation d’un logement. Cette productivité a été permise par l’application de règles d’une organisation scientifique du travail, grâce à la division des tâches, l’application de normes et de règles de travail s’imposant aux exécutants, l’introduction d’un chronométrage strict des opérations réalisées sur les chantiers.
24En revanche le succès de la Société Auxiliaire fait ressortir l’échec dans la construction d’autres aspects du système fordiste. Le principal réside sans aucun doute dans les déboires et l’abandon progressif d’une standardisation intégrale sous la forme de la préfabrication lourde. Le travail à la chaîne dans les usines fordistes n’a pas trouvé d’équivalent convaincant sur les chantiers de construction. La construction en grande série a conservé une part d’initiative aux ouvriers, tout comme elle a maintenu la distinction traditionnelle entre le gros œuvre et les différents corps de métier. Ceci a eu pour conséquence d’éviter, au moins en partie, au personnel du bâtiment la déqualification systématique, attachée au travail ouvrier de la grande entreprise fordiste.
25L’organisation du travail mise en place sur les chantiers de la Société Auxiliaire paraît plus proche du taylorisme que du fordisme, mais d’un taylorisme artisanal, appliqué de façon pragmatique et progressivement affiné à l’épreuve de l’expérience acquise sur le terrain par les équipes ouvrières. Mais, par les règles financières qu’il impose, le système de la SAE dépasse largement une organisation du travail au sens strict. Sa principale originalité provient du lien organique entretenu avec des pratiques commerciales qui l’ont suscité et qui assurent le succès de l’entreprise. Telle qu’elle apparaît dans la plénitude de sa logique technique, financière et commerciale, l’organisation des chantiers de la Société Auxiliaire a suscité souvent l’admiration des concurrents. L’exemple pionnier, dont la SAE est l’auteur, a été progressivement suivi par les grandes entreprises du secteur, puis diffusé par les organismes professionnels auprès des unités plus modestes. Avec la Société Auxiliaire, c’est la productivité, telle qu’il existe déjà dans la partie la plus moderne de l’industrie, qui apparaît pour la première fois en France au sein d’une entreprise de bâtiment. Le travail sur les chantiers de construction parvient, cependant, à conserver une part de ses spécificités traditionnelles.
26Il semble dans la logique de la vie économique que la plupart des entreprises disparaissent, plus ou moins rapidement. L’histoire de la SAE, relativement longue puisqu’elle couvre au total plus de sept décennies, n’a pas échappé à cette règle qui souffre peu d’exceptions. La conjonction de difficultés dans plusieurs de ses principaux secteurs d’activité a mené à cette défaillance. Un tel risque n’est pas propre au début des années 1990. À toutes les époques, le rachat a menacé les entreprises affaiblies. Mais, symbole d’un certain capitalisme à la française qui a dominé des lendemains de la Deuxième Guerre mondiale au début des années 1980, la Société Auxiliaire a aussi succombé à la montée d’un monde financier dont ses dirigeants ont probablement négligé les nouvelles règles. Elle a largement disparu d’avoir pensé que, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, le soutien de ses seuls salariés et de ses actionnaires traditionnels pouvait lui permettre de demeurer sans alliance.
27Le souvenir de la Société Auxiliaire d’Entreprises survit dans la mémoire de ceux, encore nombreux, qui y ont travaillé. Dans l’avenir, seules ses réalisations témoigneront de son action. Mais il n’y a guère que les ouvrages de génie civil qui semblent destinés à demeurer présents dans les esprits : ceux des origines, barrages et ponts, et les grandes réalisations de prestige de la fin de la période. Entre les deux, la période la plus importante de son histoire, celle des grands ensembles, souffre du rejet unanime qui entoure ce type d’urbanisme depuis son abandon, au début des années 1970. Qui se souvient encore des bâtisseurs de Poissy, des Mureaux, de la Dame Blanche ou de Vélizy ? Même le nom de l’entreprise qui a édifié Mourenx, la première ville nouvelle française, demeure ignoré.
28Bien que située au cœur de la réalisation de ce qui demeure l’héritage urbain le plus important de la France du xxe siècle, l’action des entrepreneurs du logement social des trente glorieuses n’a été que très peu explorée jusqu’à présent. Le témoignage des habitants a suscité presque aussitôt l’intérêt des sociologues. La vision des décideurs, des urbanistes et des architectes est, elle aussi, relativement bien connue. En revanche, signe d’une certaine dévalorisation, le rôle des entreprises reste certainement le plus ignoré. L’histoire des constructeurs des grands ensembles commence tout juste à s’écrire.
Notes
1 Nouvel Observateur, « Faits et Chiffres », 1976.
Table des illustrations
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Titre | Tableau 51. – Repères chiffrés 1945-1974 (en millions de F 1974). |
Légende | Source : SAE, AGO, 1946 et 1975. |
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Titre | Tableau 52. – Les dix plus grands groupes français de BTP au 31 décembre 1974. |
Légende | Sources : Rapports annuels des société considérées. |
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Titre | Tableau 53. – La SAE, un des groupes de BTP les plus rentables (au 31 décembre 1973). |
Légende | Source : Entreprise, novembre 1974. |
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