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Un constructeur de la France du xxe siècle

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Pierre Jambard

Première partie. Croissances (1924-1974)

Chapitre III. Le premier constructeur français (1960-1974)

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Géographique :

France

Texte intégral

1En 1960, la Société Auxiliaire peut envisager la poursuite de son développement avec confiance. L’essor du logement social s’annonce encore plus exceptionnel que durant la décennie précédente. L’objectif des dirigeants de l’entreprise est de la maintenir à la première place. Mais les fluctuations du marché du logement social révèlent une situation de forte dépendance. La spécialisation dans la réalisation des grands ensembles montre ses limites, que le développement d’une activité de construction scolaire ne parvient pas à atténuer. Aussi, à partir du milieu des années 1960, sensible aux possibilités nouvelles qui s’offrent à elle, la SAE s’efforce de s’orienter vers de nouvelles activités plus rémunératrices.

Le spécialiste français des grands ensembles (1960-1966)

2Pourtant, durant la plus grande partie des années 1960, la conjoncture du marché du logement demeure favorable aux nouvelles orientations de la SAE. Comme les besoins demeurent immenses, l’effort de construction procure aux entreprises des débouchés presque sans limite. Mais les pauses qui affectent son expansion l’incitent à se tourner vers les opérations les plus rentables. Face à ses concurrents qui s’affirment, elle parvient ainsi à maintenir son avance.

Un âge d’or du logement social

3Du fait d’une crise du logement qui ne s’atténue guère, le marché demeure particulièrement porteur. Il figure au premier plan des préoccupations de la Ve République qui lance une politique ambitieuse. Le milieu des années 1960 constitue une sorte d’apogée de la construction sociale. L’heure est à la maîtrise du développement urbain, avec la création des ZUP et des « villes nouvelles », à la périphérie des grandes agglomérations. Dans les centres, apparaissent les premières opérations de rénovation.

  • 1 J.-F. Goux, Éléments d’économie immobilière, Paris, Economica, 1978, p. 35 sq ; M. Roncayolo (dir. (...)
  • 2 J. Carassus, Économie de la filière construction, Paris, ENPC, 1987, p. 134.

4Le rythme de la conjoncture du marché du logement semble difficile à reconstituer pour la décennie 1960. Les auteurs aboutissent à des analyses sensiblement différentes1, selon qu’ils envisagent la production globale de logements ou qu’ils s’attachent à décrire un secteur en particulier, tel que l’habitat social, ou bien encore les évolutions des structures organisant le marché. Le découpage chronologique proposé par Jean Carassus semble le plus significatif puisque, du fait de sa globalité, il parvient à intégrer les principaux paramètres2. Selon lui, deux époques peuvent être distinguées : une première allant de 1960 à 1968-70, où l’expansion est forte, en dépit de ralentissements passagers et des transformations structurelles qui s’opèrent ; une deuxième, de 1968-70 à 1974, marquée par des difficultés croissantes, malgré des records de production.

  • 3 J.-F. Goux, op. cit., p. 112.
  • 4 SAEETP, Conseil d’administration, SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.
  • 5 J.-L. Monneron, A. Rowley, Histoire du peuple français, op. cit., p. 113 sq.
  • 6 Ibid.
  • 7 J. Jaurois, Les zones à urbaniser en priorité. Un élément fondamental pour l’aménagement du territ (...)
  • 8 Ministère de la Construction, Conférence de presse de M. Pierre Sudreau, Paris, 22 décembre 1958.
  • 9 Y. Lacoste, « Un problème complexe et débattu : les grands ensembles » Bulletin de l’Association d (...)

5Jusqu’à la fin des années 1960, le marché du logement demeure particulièrement attractif pour les entreprises de construction. Les ménages n’ont d’autre choix que de s’adapter à l’offre existante, tandis que « les promoteurs peuvent construire presque n’importe comment et n’importe où3 ». L’affirmation n’est pas excessive, puisque la demande se situe à un niveau bien plus important que l’offre. Gino Valatelli le constate lors de l’assemblée générale de 1963. Les besoins sont encore supérieurs pour plusieurs années aux possibilités d’exécution des entreprises4. Le retour des Rapatriés d’Afrique du Nord et un exode rural de grande ampleur assurent le maintien d’une demande pressante dans les grandes agglomérations du pays5. Au début de la décennie, le déficit s’établit chaque année à 120 000 logements. Bien loin de s’atténuer, la crise prend des allures dramatiques, alors que la perspective d’une demande prochaine de logements de la part des premières tranches d’âge du baby boom ne fait que renforcer la gravité de la situation6. En 1962, la Fédération Nationale du Bâtiment estime les besoins à quatre millions de logements neufs, auxquels il faut ajouter une même quantité d’appartement à réhabiliter7. Face à l’urgence de la situation, les Pouvoirs publics décident un effort sans précédent. Loger les Français constitue une des préoccupations premières de la Cinquième République naissante. Pierre Sudreau, Ministre de la construction, l’affirme solennellement, lors de la conférence de presse du 22 décembre 1958 : « Le général De Gaulle a déclaré qu’il entendait placer au premier rang des préoccupations de son gouvernement une politique de construction, d’urbanisme et d’aménagement du territoire8. » Dans les années qui suivent, le secteur de la construction reçoit 30 % des investissements productifs de la France. L’objectif gouvernemental est d’atteindre les 400 000 logements annuels. Selon le géographe Yves Lacoste, 337 opérations de grande envergure sont lancées au début de la décennie 19609. En près de 10 ans, ce sont 137 ensembles de plus de 1 000 logements qui sont construits, soit un total de 228 000 logements, dont plus de 100 0000 dans la Région parisienne.

  • 10 J. Labasse, L’organisation de l’espace. Éléments de géographie volontaire, Paris, Herman, 1966, p. (...)
  • 11 C. Mengin, « La solution des grands ensembles », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, 64, Paris, oc (...)
  • 12 J.-M. Stébé, La réhabilitation de l’habitat social en France, Paris, PUF, 1995, p. 29.
  • 13 M. Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 315.
  • 14 S. Bernstein, Nouvelle Histoire de France contemporaine, op. cit., p. 187.

6Cette politique du logement se veut beaucoup plus ambitieuse que les précédentes et entend ne pas se limiter à de simples données quantitatives. Les grands ensembles doivent servir d’instrument à la politique d’Aménagement du territoire, pilotée par la DATAR, à partir de 1963. Ils sont destinés à attirer la main d’œuvre vers des régions dont on souhaite stimuler le développement10. Cette deuxième génération de grands ensembles entend être mieux adaptée aux besoins de la population, loin de l’urbanisme jugé sauvage de la période précédente. Les Quatrième et Cinquième plans optent pour un développement ordonné des banlieues. Il s’appuie sur le dispositif des ZUP. Elles visent à optimiser les investissements publics, en les concentrant sur des opérations dont la taille est d’au moins cinq cents logements11. De fait, la taille des opérations ne cesse d’augmenter au cours de la décennie : en moyenne, chaque ZUP construite dans les années 1960 comprend plus de 4 000 logements12. On aboutit au lancement d’énormes chantiers dont le prototype est Sarcelles, piloté par la SCIC. Une volonté ferme s’exerce pour contrôler strictement la mise en place des infrastructures et des équipements sociaux et commerciaux. Cependant, les politiques de stabilisation de l’économie sont à l’origine d’une stagnation de la production entre 1960 et 1963. Mais elle redémarre ensuite pour atteindre en 1965 le cap des 400 000. Certains auteurs parlent alors de deuxième souffle de la construction13. Avec plus de 350 000 logements livrés en 1965 dans le secteur des HLM et le secteur aidé, on atteint une sorte d’apogée de la construction sociale14.

Graphique 6. – Logements livrés annuellement en France (1960-1966).

Graphique 6. – Logements livrés annuellement en France (1960-1966).

Source : ministère de l’Urbanisme et du Logement.

  • 15 M. Campinos-Dubernet, Emploi et gestion de la main d’œuvre dans le BTP. Mutations de l’après-guerr (...)
  • 16 I.B. Thomson, La France, Population, Économie et Régions, Doin, 1973, p. 66.

7L’époque est celle de la naissance des villes nouvelles « à la française ». Cette notion telle qu’elle se développe en France à partir de 1964, apparaît fort différente des créations ex nihilo, situées dans les pays étrangers, aux Pays-Bas ou en Grande Bretagne. Seule, sur le territoire français, Mourenx pouvait se rapprocher de ce type de création. Désormais, afin de structurer l’expansion désordonnée des banlieues des grandes agglomérations, on décide la création de pôles secondaires d’emplois et de services situés en périphérie. Cinq organismes urbains autonomes sont ainsi planifiés dans le cadre du Schéma Directeur de la Région Parisienne15. Au même moment, les prémisses d’une autre évolution du tissu urbain se font jour. Des opérations de rénovation urbaine au centre des agglomérations sont lancées pour remplacer un tissu urbain archaïque. Elles se distinguent des opérations précédentes par une taille plus réduite, une plus grande technicité de la construction et une plus grande valeur des opérations16. En raison du coût extrêmement élevé des terrains, il ne s’agit plus que très rarement de construire un habitat social, mais de réaliser des bureaux situés au cœur de centres directionnels. Ces transformations apportent des possibilités nouvelles de grand intérêt pour une entreprise de l’importance de la Société Auxiliaire. L’essentiel est de se doter des moyens nécessaires pour parvenir à en tirer parti.

Une croissance forte mais heurtée

8Les brusques variations du marché sont à l’origine de l’alternance de périodes d’expansion rapide de l’activité de la SAE et de phases de stagnation relative. L’entreprise tente de préserver ses résultats par une sélection rigoureuse de ses marchés. Tout en s’adaptant à la conjoncture, elle parvient à renforcer ses moyens financiers et ses effectifs.

9Entre 1960 et 1966, le chiffre d’affaires de l’Auxiliaire augmente à un rythme moyen annuel proche de 13 %. Mais la progression se fait selon un rythme haché. De véritables paliers d’activité (1959-1961 ; 1965-1966) encadrent trois exercices de très forte croissance (1962-1963-1964), durant laquelle la croissance atteint le double de la moyenne.

  • 17 SAE, Conseil d’administration, 18 mars 1963.
  • 18 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.

10Il convient, cependant, de relativiser les années de pause. Entre 1959 et 1961, l’activité se situe aux alentours de 160 millions en francs courants et, en 1965-1966, elle atteint environ 450 millions. C’est le rapport entre ces deux phases qui permet d’apprécier l’ampleur du développement global de l’activité de la SAE : de 1 à 2,15 rapporté en francs constants. Tout se passe comme si un certain répit était nécessaire pendant quelque temps, avant de repartir vers de nouveaux sommets. Mais une analyse plus fine montre que ces paliers ne résultent pas exactement des mêmes causes. Le ralentissement du début de la décennie provient, avant tout, d’un ralentissement de l’effort de construction. Le nombre de logements livrés n’augmente plus guère pendant quelques années. Le conseil d’administration de la SAE déplore que de nombreux projets de grands ensembles prennent du retard17. Pour les responsables de l’entreprise, une raison principale s’impose clairement. Les prix-plafonds demeurent administrativement bloqués pendant plus de deux années, d’avril 1960 à octobre 196218, conséquence d’une politique de lutte contre l’inflation. Les augmentations de salaires ainsi que la hausse du coût des fournitures de béton, d’acier et de bois nécessaires aux chantiers ne peuvent être répercutées. Dans ces conditions, bon nombre d’investisseurs se détournent du logement social.

  • 19 SAE, Conseil d’administration, 28 octobre 1963.
  • 20 Société Générale, Note du 23 avril 1964, Archives, carton B 1595.
  • 21 SAE, Conseil d’administration, 27 octobre 1965.
  • 22 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.
  • 23 SAE, Conseil d’administration, 20 mars 1967.
  • 24 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2265.

11En revanche, dès la fin de 1962, la perspective d’un déblocage des prix et d’un retour à des marchés plus favorables fait repartir la production. Les commandes semblent même s’emballer pour tenter de répondre à une demande différée pendant plusieurs mois19. Entre 1961 et 1963, le chiffre d’affaires croît de 70 % hors inflation20. C’est ce rythme, presque trop rapide, qui semble à l’origine du deuxième palier en 1965-1966. La mévente liée à une surproduction, en particulier du secteur privé21, provoque une véritable crise de la promotion immobilière. La conjoncture nationale du logement redevient morose. De très nombreux chantiers sont arrêtés, en particulier dans la région de Marseille où l’activité de la SAE s’effondre de moitié. Pourtant, le freinage apparaît nettement moins grave pour la SAE que lors de la crise précédente. Désormais, la direction sélectionne rigoureusement ses marchés sur des critères de profit. Elle a tiré la leçon de la situation de 1962, lorsque plus de la moitié de ses chantiers était d’une rentabilité très faible22. La nouvelle politique de l’entreprise tient compte en priorité de la marge bénéficiaire. Malgré la baisse du volume général des travaux, le bénéfice net de l’Auxiliaire n’est que faiblement et tardivement affecté23. Les banquiers de l’entreprise s’y montrent sensibles : « La société paraît bien gérée et développe son activité sans chercher à augmenter systématiquement son chiffre d’affaires. » Avec plusieurs années d’avance, SAE anticipe une politique adoptée par la plupart des grandes entreprises du secteur, telles que les GTM, Colas ou Bouygues24.

  • 25 W. Rostow, Les étapes de la croissance économique, Paris, Economica, 1997, p. 7.
  • 26 SAE, Conseil d’administration, 28 mars 1965.

12La première moitié des années 1960 permet à la société de s’installer définitivement dans une position de grande entreprise. En s’inspirant d’un schéma rostowien25, on pourrait tenir cette nouvelle période pour celle de l’accession au stade de maturité, venant après le décollage. Les principaux indicateurs concourent à confirmer un renforcement rapide de ses moyens. L’évolution des effectifs en donne un exemple. Pour l’ensemble de la période 1960-1966, le personnel employé par la société s’est accru de 50 %, soit à un rythme inférieur de plus de la moitié à celui du chiffre d’affaires, signe incontestable de l’élévation du niveau technique des chantiers26. Cependant, la forte croissance de 1963-1964 entraîne une poussée spectaculaire. Mais la décrue est forte pour les années suivantes, avec une baisse de vingt pour cent. Les efforts de productivité jouent ici un rôle fondamental. La baisse concerne les ouvriers, tandis que le nombre de techniciens continue de croître.

Graphique 7. – La croissance des effectifs de la SAE (1960-1966). Effectifs moyens pour la France.

Graphique 7. – La croissance des effectifs de la SAE (1960-1966). Effectifs moyens pour la France.

Source : SAE, rapports aux AGO.

Faire mieux que les concurrents

13L’ensemble des performances enregistrées par la SAE la conforte dans sa place de premier constructeur français. Elle est cependant loin d’une situation de monopole, dans un secteur où la majorité de la production se trouve éparpillée entre de toutes petites entreprise. Pourtant, ses activités s’étendent à l’échelle du territoire français tout entier. Un développement plus rapide que ses principaux concurrents confirme son avance. Son succès incite les grands groupes venus des travaux publics à se tourner vers le logement.

  • 27 Journal des finances, 18 juin 1965.
  • 28 SAE, Assemblée générale ordinaire, 9 juin 1964.

14L’année 1964 voit l’Auxiliaire propulsée en tête de l’ensemble des entreprises de la branche du bâtiment et des travaux publics27. Mais ce rang flatteur ne lui assure nullement une position dominante dans la production nationale. Les rapports en provenance de l’entreprise, ainsi que les études des banques et de la presse, ne cessent de le rappeler, comme pour montrer que les possibilités d’expansion demeurent considérables. Pour l’exercice 1963, la SAE n’assure que 5 % des travaux de gros œuvre du bâtiment et seulement 1 % de l’ensemble du gros œuvre traité en France28. Ces performances reflètent l’extrême éparpillement des structures productives du bâtiment. Pourtant l’expansion que connaît la SAE lui permet d’élargir la distance qui la sépare de ses principaux concurrents.

15La comparaison des chiffres d’affaires montre que la SAE a devancé les grands « traditionnels » du BTP, même si les progrès de la SGE font qu’elle talonne la SAE à la fin de la décennie.

Tableau 3. – La SAE, première entreprise française de BTP.

Tableau 3. – La SAE, première entreprise française de BTP.

Sources : SAE, Rapport à l’AGO, 1965 ; 1969 ; doc. fournis par D. Barjot.

  • 29 La Vie française, 28 avril 1962.
  • 30 SAE, Assemblées générales ordinaires, 18 juin 1965, 7 juin 1966.

16L’ampleur de l’expansion de la SAE étend désormais son rayon d’action à l’ensemble du territoire français. À partir de 1960, le développement de l’activité s’effectue dans deux directions principales. La première est la Région parisienne qui, malgré quelques fluctuations, prend nettement la tête. Elle atteint 40 % du chiffre d’affaires dès 196129, puis tombe à 25 % l’année suivante avec l’achèvement de grands chantiers à La Courneuve, Ris-Orangis et le développement de nouveaux marchés en province. Cette baisse n’est que passagère, puisqu’à partir de 1964-196530, avec le lancement de vastes opérations, à Villeneuve la Garenne, Saint Denis, Garges la Dame-Blanche, Clichy-sous-Bois, Montfermeil, Clamart, Vélizy, Villacoublay, l’agglomération parisienne compte pour la moitié de l’activité totale de l’entreprise. L’autre direction de l’expansion s’effectue vers des régions nouvelles où SAE était peu présente. Elle concerne la région marseillaise, la vallée du Rhône et le Nord. Pour ces deux dernières régions, ce sont des chantiers liés à la réalisations de très vastes infrastructures industrielles qui assurent son implantation : les logements destinés aux usines de Pierrelatte et de Dunkerque-Les Nouvelles Scynthes.

  • 31 D. Barjot, Fougerolle, op. cit., p. 147-151.
  • 32 D. Barjot, La trace des bâtisseurs : histoire du Groupe Vinci, Vinci, 2003, p. 226-231.

17L’expansion de la Société Auxiliaire n’est pas un phénomène isolé. Le marché est suffisamment vaste pour cela. La plupart des concurrents directs de la SAE ont su s’adapter et prendre une part conséquente de l’effort de construction de logements. Certes, de vieilles sociétés, comme Dumont et Besson ou Labalette, sont surpassées. De même, certaines firmes pilotes de la première génération de grands ensembles disparaissent de la liste des grands du secteur, comme la société Marcel Camus. Elle n’ont pas su assumer leurs choix techniques, devenus de véritables handicaps. Mais d’autres entreprises, comme la SNC, la SNCT31, les GTBA32 réalisent des parcours fort honorables. Des sociétés réputées, comme GTBA ou Coignet, savent faire preuve d’un dynamisme affirmé. Certaines firmes régionales réussissent même à s’affirmer, comme Quillery, fondée en Normandie en 1863, dont l’expansion lui donne une envergure nationale. Pourtant, les reclassements s’effectuent lentement. On ne compte qu’une seule nouvelle venue parmi les plus grandes, la société Francis Bouygues. Mais, en 1968, elle ne pèse encore qu’à peine plus du tiers du chiffre d’affaires de l’Auxiliaire. La véritable nouveauté provient du développement très important de la place des grands groupes de travaux publics, les GTM et, surtout, la SGE.

  • 33 D. Barjot, « Croissance du marché et stratégie des firmes », art. cit., p. 412-413.
  • 34 M. Mathieu, témoignage, 2002.

18En effet, dès les années 1950, face à la crise des débouchés de la branche des travaux publics, ces firmes ont tenté une certaine diversification vers ce secteur33. Durant la décennie suivante, ces deux entreprises, tout en demeurant des firmes de référence dans les travaux publics, comprennent les possibilités du secteur du logement. Maurice Mathieu le rappelle, à sa façon : « Ces entreprises se désintéressaient du bâtiment ; lorsqu’elles ont vu que SAE les dépassait en chiffre d’affaires, en bénéfice, en capitaux propres, elles ont décidé de s’intéresser à ce marché méconnu d’elles34. » Il semble oublier que c’est en tant que sous-traitant de la SGE que la SAEETP a obtenu en 1951-1952 ses premiers commandes importantes de logements. Mais il ressort de son témoignage que la réussite éclatante de la SAE, dix ans plus tard, a incité quelques-unes des principales entreprises des travaux publics à accroître leurs activités dans le bâtiment. Pour ce faire, elles organisent leur développement dans ce domaine autour de quelques filiales spécialisées.

  • 35 D. Barjot, La trace des bâtisseurs, op. cit., p. 261-263.
  • 36 Ibid., p. 259-260.
  • 37 Ibid., p. 218-220.

19Les Grands Travaux de Marseille contrôlent les Travaux du Midi35 et l’UTE. La première de ces filiales développe la préfabrication et se révèle une des firmes les plus performantes en matière de constructions scolaires. Elle connaît une forte croissance avec un chiffre d’affaires qui augmente en moyenne de 24 % en francs courants durant la décennie. Le rythme demeure, cependant, nettement inférieur à celui de l’Auxiliaire. L’UTE travaille activement, pour sa part, pour le compte de la sidérurgie lorraine36. Quant à la Société Générale d’Entreprises, le bâtiment constitue pour elle un domaine particulièrement porteur37, grâce à sa filiale, la SICRA. Elle joue à fond la carte de l’industrialisation du bâtiment et procède à des achats systématiques de brevets. Cette politique offensive lui assure une percée remarquable après 1965, conséquence de gros marchés pour l’Education nationale ou la santé. Le bâtiment ravit ainsi en 1968 la première place aux travaux publics au sein du groupe. À la fin de la décennie, la Société Générale d’Entreprises qui tend désormais à égaler la SAE en importance, est devenue sa rivale la plus sérieuse.

Les domaines du succès

  • 38 SAE, Assemblée générale ordinaire, 9 juin 1964.

20La Société Auxiliaire achève de se spécialiser. Plus encore que dans la période précédente, c’est le domaine de la construction de logements sociaux qui manifeste son succès. Il représente près des neuf dixièmes du chiffre d’affaires. Une stratégie mûrement élaborée impose la SAE comme l’un des meilleurs professionnels des très vastes chantiers38. En regard, ses autres spécialités que sont les constructions scolaires et le génie civil n’occupent qu’une place réduite.

Des logements par milliers

21La Société Auxiliaire est devenue le spécialiste incontesté des grandes opérations immobilières, de type HLM ou logécos. Elle travaille en majorité pour des maîtres d’ouvrage publics ou semi-publics. Cependant, les commandes privées enregistrent une forte poussée à partir de 1965. Au début de la décennie 1960, la construction de la capitale de la Mauritanie constitue un nouveau chantier de prestige. D’importants chantiers en métropole viennent ensuite témoigner de sa maîtrise d’exécution de vastes programmes.

  • 39 La vie française, 28 avril 1962.
  • 40 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1965.
  • 41 SAE, Conseil d’administration, 24 mars 1965.
  • 42 Ibid., 5 octobre 1966.

22Sur la lancée de la période précédente, la production enregistre une montée régulière. De 12 775 logements livrés en 196139, elle atteint le nombre de 15 400 en 196440. Le seuil des 20 000 unités est franchi dans les deux années qui suivent, malgré une conjoncture morose. Ce résultat tient au décalage entre le moment de la signature des contrats et leur réalisation dans les années qui suivent. En moyenne, l’entreprise dispose devant elle de plus de deux années de commandes41. La situation de 1965-66 est d’autant plus favorable que ces marchés ont été passés dans « de bonnes conditions », c’est à-dire à des prix rémunérateurs, grâce à un tri sévère42.

  • 43 SAE, Assemblée générale ordinaire, 18 juin 1965.
  • 44 Ibid., 15 juin 1962.

23La grande majorité des appartements livrés par l’entreprise concernent des ensembles de plus de 500 logements43. Mais, lorsque la conjoncture devient difficile, l’entreprise ne s’interdit pas la recherche de débouchés de moindre ampleur44. Les organismes semi-publics demeurent ses principaux donneurs d’ordre. Pratiquement la moitié des constructions de logements de l’Auxiliaire est réalisée pour le compte de sociétés mixtes d’HLM ou pour les différentes filiales de la SCIC, bien que la position de cette dernière ne soit plus aussi hégémonique.

Tableau 4. – Diversité des maîtres d’ouvrage : l’année 1962.

Tableau 4. – Diversité des maîtres d’ouvrage : l’année 1962.

Source : SAE, AGO, 7 juin 1963.

  • 45 SAE, Conseil d’administration, 18 décembre 1962.
  • 46 M. Mathieu, témoignage, 2002.
  • 47 SAE, Conseil d’administration, 18 décembre 1962.
  • 48 Les Échos, 20 septembre 1966.
  • 49 SAE, Assemblée générale ordinaire, 18 juin 1965.

24En regard, la part des clients publics, administrations ou offices municipaux d’HLM, varie fortement, en fonction des contraintes budgétaires et des décisions politiques. La brusque poussée de 1964 apparaît comme le résultat des commandes de logement pour les Rapatriés que l’État impose à l’Auxiliaire, comme à ses concurrents45. L’affaire est considérable, puisque SAE obtient un marché de 3 000 logements sur un total de 15 00046. Mais l’entreprise se plaint de la lourdeur administrative qui engendre, comme par le passé, des délais de paiement très longs47. La volonté de choisir des marchés les plus rentables48 pousse l’Auxiliaire à se tourner vers une clientèle privée, dont la part augmente considérablement à partir de 196549. Cette montée en puissance des promoteurs privés suit les tendances générales du marché. En quelques années, l’évolution est telle que le poids de la clientèle privée tend à devenir comparable à celle du secteur semi-public, tandis que la part des donneurs d’ordres publics devient assez marginale.

Tableau 5. – La montée des promoteurs privés dans la clientèle de la SAE : l’exemple de l’année 1965.

Tableau 5. – La montée des promoteurs privés dans la clientèle de la SAE : l’exemple de l’année 1965.

Source : SAE, AGO, 17 juin 1965.

25Mais le classement des différents maîtres d’ouvrage s’avère plus complexe que par le passé, en particulier pour les opérations les plus importantes. Celles-ci couvrent plusieurs années et relèvent souvent de groupements de maîtres d’ouvrage de nature différente. Les chantiers de Vélizy et de la Dame-Blanche illustrent ce phénomène (tableau 5). Cependant, c’est encore la SCIC, au début de la décennie, qui permet à l’Auxiliaire de réaliser un chantier de prestige : Nouakchott. En 1959, elle la charge de la construction de la capitale de la Mauritanie qui accède à l’indépendance. Dans la lignée de Mourenx, cette ville nouvelle se distingue cependant du chantier pyrénéen, tant par les types de bâtiments à construire, tenant à son statut officiel, que par le milieu désertique dans lequel il lui faut travailler.

  • 50 M. Mathieu, témoignage, 2002.
  • 51 SAE, Assemblée générale ordinaire, 15 juin 1962.

26Le projet voit le jour en 1957. Le Territoire est pauvre et le projet reste à la charge financière de l’ancienne métropole. Une société d’économie mixte, au capital de 25 millions de francs CFA, la Société anonyme d’économie mixte d’urbanisme et de construction immobilière de Nouakchott (SUCIN), est constituée le 25 juillet 1959. Le 11 décembre, la SUCIN passe une convention de gérance avec la SCIC et la SCET (Société Centrale pour l’Équipement du Territoire). Ces dernières deviennent les maîtres d’ouvrage de l’ensemble. Conscient depuis la construction de Mourenx des possibilités de la SAEETP, Léon-Paul Leroy, propose le marché à Maurice Mathieu. Comme il l’avait fait précédemment, c’est à la manière d’un défi : « Il faut finir 1 000 logements la première année. Si vous vous y engagez, vous construirez toute la ville50. » En réalité, la capitale ne doit compter qu’à peine quelques milliers d’habitants. La SAE reçoit la commande des quartiers administratifs et résidentiels composant la partie « moderne » de la ville, distincts de la future médina. Le marché est d’importance pour l’Auxiliaire, puisqu’il avoisine le dixième du chiffre d’affaires de sa branche logement51.

  • 52 P. Douttelonde (dir.), SAE, une irrésistible ascension, op cit., p. 91.
  • 53 A. Samba Diom, « Rapport en Conseil de gouvernement sur la situation de l’opération Nouakchott au (...)
  • 54 J.-R. Pitte, Nouakchott, capitale de la Mauritanie, Paris, Publications de la Sorbonne, n° 15, 197 (...)

27En raison des distances et des conditions particulières du chantier, les entreprises du second œuvre – environ une vingtaine –, viennent pour l’essentiel de Saint-Louis du Sénégal et de Dakar, contrairement aux habitudes de l’Auxiliaire. Les travaux débutent à la fin du mois d’octobre 1959. Les 1 500 ouvriers sont recrutés dans les zones désertiques ou viennent de la vallée du Sénégal. L’Auxiliaire dépêche une équipe chargée de l’encadrement. Sous la conduite de Jacques Duperray, directeur des travaux, elle se compose de trois conducteurs des travaux, de chefs de chantiers, d’un comptable et d’une secrétaire. Compte tenu de l’éloignement, ils sont accompagnés de leur famille, chose peu courante à l’époque. La vie est, en effet, des plus rudes. Le ravitaillement régulier en produits frais pose, en particulier, de gros problèmes dans ce milieu désertique52. Comme à son habitude, c’est la SCIC qui choisit ses architectes. Le principal est J.-M. Lafon, qui jouit d’une réputation établie. L’entreprise a déjà eu l’occasion de travailler avec lui, en 1957-1958, sur les chantiers de Sarcelles. Malgré la modestie des moyens, les autorités mauritaniennes tiennent à ce qu’il fasse preuve d’une architecture ambitieuse. Nouakchott doit être « une œuvre à la fois originale et moderne, ne devant rien aux esthétiques marocaines, soudanaises ou impersonnelle, mais reprenant et créant s’il y a lieu, des lignes d’une esthétique mauritanienne en les adaptant aux nécessités de demain et non d’hier53 ». La partie la plus nouvelle du chantier pour les techniciens de la SAE se révèle être la réalisation des édifices publics. Ils savent, cependant, s’adapter aux exigences architecturales qui requièrent l’emploi d’un matériau noble, le grès ocre d’Atar, ainsi que l’usage de motifs décoratifs traditionnels, bien éloignés de ce que l’entreprise a l’habitude de construire. Le résultat constitue une réussite incontestable dont témoignent quelques bâtiments officiels, tels que l’Assemblée nationale, le Palais de justice et la présidence de la République54. Pour les autres constructions, l’entreprise retrouve des réalisations beaucoup plus familières. Les architectes et le bureau d’études de la SAE dessinent des petits collectifs de type HLM, de trois à quatre étages, ainsi que, concession au milieu local, des maisons individuelles à patio et des maisons collectives à terrasses.

  • 55 SAE, Conseil d’administration, 4 décembre 1959.
  • 56 J.-R. Pitte, Nouakchott, op. cit., p. 49.
  • 57 Le Monde, 29 novembre 1960.
  • 58 SAE, Conseil d’administration, 4 décembre 1959.

28Ce sont surtout les conditions de travail sur les chantiers qui sont fort inhabituelles. Le chantier souffre du manque d’eau, ce qui pose de multiples et graves problèmes55. L’absence de gravier oblige à utiliser des coquillages concassés pour fabriquer le ciment. Pendant toute la durée des travaux, la construction de la ville est victime de la faiblesse des moyens financiers, alors que l’indépendance a rogné des crédits déjà modestes. Aussi, une architecture assez médiocre domine-t-elle la plus grande partie de la ville. Le géographe Jean-Robert Pitte le souligne : « Malheureusement, les autres (bâtiments) sont en parpaings crépis et blanchis : mosquée, ministères, logements collectifs et individuels… ils expriment par leur nombre la véritable personnalité esthétique de Nouakchott et font regretter les impératifs financiers qui présidèrent à leur conception56. » Mais, pour la SAE, l’important se trouve ailleurs : il lui faut mener à bien la mission qui lui a été confiée, alors que Nouakchott n’est encore, au moment de l’indépendance, qu’« un vaste chantier au cœur du désert57 ». Pourtant, deux ans plus tard, lorsque les équipes de l’Auxiliaire quittent le pays, la plupart des édifices publics ont été livrés, ainsi que 670 logements de fonctionnaires et 400 résidences privées. Pour l’entreprise, le marché s’achève, dans de bonnes conditions. Elle peut légitimement espérer bénéficier d’une excellente image de marque pour obtenir de nouvelles commandes en Afrique où les besoins sont immenses. Dans cette perspective, dès les débuts de l’implantation en Mauritanie, la direction de l’entreprise prend une participation dans la société ETAS (Entreprise de travaux et d’Aménagement du Sahara58). L’Auxiliaire peut ainsi participer à la construction de logements à Ouargla, dans le Sud algérien mais, l’indépendance, en 1962, coupe court à tous les projets d’expansion dans la région. Nouakchott demeure jusqu’aux années 1970 le seul gros chantier de logements réalisé par la Société, non seulement en Afrique, mais, dans l’ensemble des pays étrangers. Lorsque, en 1962, la présence de la SAE en Mauritanie s’achève, le marché métropolitain reprend sa place presque exclusive. De très vastes chantiers l’y attendent où elle peut utiliser son expérience, après une dizaine d’années de réalisations de ce type. Entre 1963 et 1965, deux d’entre eux se distinguent particulièrement comme des modèles d’efficacité et de maîtrise des techniques.

  • 59 « Réalisation d’un programme de 2 009 logements HLM à la Dame-Blanche-Garges-Les-Gonesses (S. et O (...)

29La cité de la Dame-Blanche se situe sur un terrain de vingt cinq hectares de la commune de Garges-les-Gonesses, dans la banlieue nord de Paris59. Un groupement de maîtres d’ouvrages semi-publics, comme le Foyer du Fonctionnaire et la Famille (FFF), associés à des promoteurs privés, comme la Société Auxiliaire de Construction Immobilière (SACI), filiale de Paribas, passe commande de 2 009 logements HLM. Trente-quatre bâtiments sont prévus, en trois tranches de six cents à sept cents logements. Ils sont majoritairement de type trois pièces et la surface moyenne retenue, d’environ 63 mètres carrés, respecte les normes de l’arrêté du 13 octobre 1963. L’architecte principal, N. Le Maresquier jouit d’un certain renom. Pourtant, les choix architecturaux paraissent dépourvus de beaucoup d’originalité : une alternance de tours et des barres, dont pour éviter la monotonie, on a fait varier les types de façades. En revanche, ce qui fait l’intérêt du chantier qui s’ouvre à la fin de l’hiver 1963, ce sont les techniques de coffrage utilisées par la SAE.

  • 60 « Réalisation d’un programme de 2 196 logements à Vélizy », Annales de l’ITBTP, juillet-août 1965, (...)
  • 61 Voir A. Berthonnet, Chagnaud. L’histoire d’une fidélité, Caen, Éditions du Lys, 1996, p. 131-134.

30Le second chantier, celui de Vélizy, situé en banlieue Sud de Paris, sur le communes de Meudon et de Clamart, face à l’aérodrome de Villacoublay apparaît d’importance similaire, 2 196 logements sur quarante hectares, mais il s’intègre dans un programme de construction beaucoup plus vaste60. Quatre organismes semi-publics ou privés se partagent la maîtrise d’ouvrage : la SEMIV (société d’économie mixte de la Ville de Vélizy), en tant que maître d’ouvrage pilote, passe commande de 1 200 logécos destinés à la location ou à la vente, le reste étant réparti entre le FFF pour 445 HLM locatifs, la SACI pour 305 logécos à vendre et l’OCIL (Office interprofessionnel du logement) pour 182 logécos locatifs. Les travaux d’infrastructure générale (voirie, assainissement et terrassements généraux des bâtiments) sont réalisés par l’entreprise Chagnaud, pour le compte des Ponts-et-Chaussées de Seine-et-Oise61. À la tête d’un groupement d’entreprises, la SAE dirige, quant à elle, les opérations de construction. Chargée, comme à son habitude, du gros œuvre, elle reçoit l’ordre de démarrage des travaux le 15 avril 1963, avec un planning global de 37 mois. Les logements sont en moyenne des trois pièces, d’une surface moyenne de 66,5 mètres carrés très proche de celle des appartements de la Dame-Blanche. L’ensemble est conçu comme une véritable ville nouvelle, avec ses équipements scolaires, commerciaux, sportifs, administratifs et, même, cultuels, desservis par un grand mail piéton. L’ensemble est structuré par deux grands axes Est-Ouest et Nord-Sud. Les parkings ayant été systématiquement rejetés à l’extérieur, les groupes d’habitation, desservis par des chemins piétons, sont situés au milieu d’importantes zones de verdure. Mais l’attention est également retenue par la véritable prouesse technique réussie par la SAE, qui parvient à terminer les deux tiers des logements en vingt cinq mois et demi. À nouveau, les coffrages tunnels utilisés pour les bâtiments longs font merveille. La cadence moyenne est de trois logements par jour. Pour les tours dont la complexité est plus grande et où il faut utiliser des coffrages plus traditionnels, on doit, cependant, se contenter d’une cadence d’un logement par jour. La volonté de rapidité d’exécution domine dans les demandes des donneurs d’ordres. Elle repose désormais sur la maîtrise parfaite des techniques d’industrialisation du bâtiment. L’entreprise appréciée et reconnue est celle qui sait appliquer les méthodes les plus efficaces, c’est-à-dire les plus rapides et les moins coûteuses en main d’œuvre. Mais ce type de commandes n’est pas véritablement nouveau pour la Société Auxiliaire. Malgré la technicité croissante, on est fondamentalement encore très proche de celui de Mourenx. Au milieu des années 1960, la SAE tire sa force et son succès d’une expérience des très grands chantiers, devenue considérable et progressivement affinée sur les chantiers successifs. Le véritable tournant n’intervient qu’à la fin de la décennie, avec les grandes opérations au cœur des villes.

La construction scolaire, triomphe de la réglementation

  • 62 J. Poussard, G. de Pouvourville, La politique de l’Éducation nationale, marchés publics et politiq (...)

31La construction d’établissements scolaires, en fournissant à la Société Auxiliaire un complément d’activité appréciable, constitue également une de ses succès de la période. Le ministère de l’Éducation nationale s’est doté d’une procédure particulière de passation des marchés publics62, susceptible de satisfaire ses énormes besoins. Pour pouvoir en profiter, la SAE sait s’y conformer avec beaucoup d’opportunité. Dans un domaine totalement dépendant de l’administration, elle adapte son offre à des demandes bien spécifiques.

  • 63 Ibid.

32La définition de la politique en matière d’équipements et de construction scolaires remonte au rapport d’octobre 1957, destiné à la commission de l’équipement scolaire du Commissariat général du Plan pour le Troisième Plan. On y recommande le regroupement par l’administration centrale des demandes des Académies afin de parvenir à des marchés de taille nationale. La volonté des experts est d’inciter les entreprises à investir dans les techniques industrialisées, en leur faisant miroiter des possibilités de débouchés considérables63. Ces recommandations débouchent sur le décret du 27 novembre 1962 qui ouvre très largement à un transfert des responsabilités des collectivités locales vers l’État en matière de construction scolaires du deuxième degré, en contrepartie d’une participation financière majoritaire du ministère. L’incitation étant très importante, l’Éducation nationale parvient très rapidement à centraliser 95 % des opérations concernant des bâtiments de second degré.

  • 64 Ministère de l’Éducation nationale, direction de l’équipement scolaire, universitaire et sportif, (...)
  • 65 La Vie française, avril 1962.
  • 66 SAE, Assemblée générale ordinaire, 2 juin 1961.
  • 67 Ibid., 29 juin 1960.
  • 68 Ibid., 10 juin 1963.
  • 69 P. Douttelonde, SAE, une irrésistible ascension, op. cit., p. 87.

33Chargée désormais de désigner les constructeurs, l’administration met progressivement en place une procédure de sélection des entreprises. Lors d’une première phase, entre 1961 et 1963, un concours « conception-construction » permet de sélectionner des équipes regroupant des architectes, des bureaux d’études, des entreprises et des fabriquants de produits industriels. Tous doivent travailler ensemble sur des projets élaborés à partir des schémas du ministère. La procédure vise à faire émerger des « solutions de construction associant l’ensemble des corps d’état dans une technique coordonnée présentant sur le plan de la qualité, de l’économie et de la rapidité de la mise en œuvre des avantages indiscutables par rapport aux techniques habituellement employées en matière de constructions scolaires64 ». En échange, les entreprises sélectionnées se voient garantir une continuité des commandes. Celle-ci est jugée de nature à pousser les entreprises à investir dans les procédés de préfabrication. La SAE compte parmi les entreprises les aptes à satisfaire les exigences nouvelles de ces marchés. Elle possède déjà une expérience considérable et des moyens de production adaptés65. L’Auxiliaire a, en effet, déjà construit un millier de classes entre 1956 et 1960, dans plus d’une centaine de groupes scolaires66. À partir de 1958, persuadés des promesses de la branche scolaire, ses dirigeants l’ont dotée d’un équipement de préfabrication important. Les rapports de l’entreprise y reviennent longuement, en soulignant que le IVe Plan envisage une croissance de 32 % des équipements scolaires67. Comme pour le logement, on sait que les besoins seront supérieurs pour une longue période aux possibilités des entreprises68. En 1963, SAE entreprend de renforcer ses structures en créant une direction spécialisée pour les constructions scolaires de la Région parisienne, appelée Paris E – comme école –, installée à Morangis69.

  • 70 Journal des Finances, 18 juin 1965.
  • 71 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.
  • 72 Ministère de l’Éducation nationale, direction de l’équipement scolaire, universitaire et sportif, (...)
  • 73 J. Poussard., G. de Pouvourville, op. cit., p. 70.
  • 74 G. de Pouvourville, L’innovation dans le secteur du bâtiment. Analyse d’une action publique en fav (...)

34Elle réalise, depuis plusieurs années, la plupart des groupes scolaires situés dans le périmètre des grands ensembles qu’elle exécute70. Mais, depuis la fin de la décennie précédente, l’Auxiliaire livre des établissements d’enseignement secondaire, CES et lycées, à Limoges, Metz, Lille. En 1962, le marché de la faculté des sciences de Bordeaux lui ouvre le nouveau débouché particulièrement intéressant de la construction d’universités. Ce renouvellement de l’activité explique sa forte progression, puisqu’elle passe de moins de douze millions de Francs courants en 1960 à 38 millions en 1962. Cependant, les années suivantes enregistrent un tassement de l’activité de la branche, conséquence de la réunion de plusieurs évolutions peu favorables à l’Auxiliaire. Alors qu’un tarissement des marchés d’écoles primaires s’annonce71, le ministère entreprend de diversifier les constructeurs agréés et d’ouvrir davantage la concurrence entre les différents procédés de construction. Ce faisant, il applique la consigne transmise à l’ensemble des ministères d’aider à l’écoulement des produits de la sidérurgie. La SAE, qui utilise le béton, souffre, un temps, de cette préférence donnée aux spécialistes des structures métalliques. Mais, à partir de 1964, le contexte légal change dans un sens beaucoup plus avantageux. Engagé dans un effort de construction exceptionnel qui en fait le premier maître d’ouvrage public, le ministère de l’Éducation nationale entend pouvoir compter sur un nombre réduit d’entreprises expérimentées et performantes. La procédure des concours-conception est abandonnée au profit d’appels d’offres passés directement auprès des entreprises. Les experts du Ministère recommandent de systématiser le gré à gré, afin d’assurer une certaine stabilité des commandes d’une année sur l’autre par une « concurrence dans la continuité72 ». Aussi, sur les quelque soixante-dix entreprises qui obtiennent des marchés, seule une vingtaine y participent durant une période de plus de cinq années73. En raison des nombreuses difficultés techniques liées aux procédés métalliques, les firmes bétonnières finissent par s’imposer. Mais, pour l’emporter, une entreprise doit surtout se monter apte à se plier aux exigences très strictes du ministère en matière de prix. Les entreprises se livrent à une véritable guerre des tarifs qui avantage les plus importantes, malgré des prix plafonds beaucoup plus souples que dans le logement social. La rapidité d’exécution constitue l’autre condition déterminante. Des dérogations permettent de commencer les travaux avant que les marchés soient signés, en opposition avec toutes les règles administratives74.

  • 75 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1966.
  • 76 SAE, Conseil d’administration, 5 octobre 1966.

35Dans ces conditions de concurrence particulièrement dures, la SAE dispose d’atouts très importants. Les constructions scolaires enregistrent un véritable bond, atteignant un chiffre d’affaires de 50 millions en 1966. Bien qu’en retrait, l’enseignement primaire représente encore, chaque année, une dizaine de groupes scolaires75. Parmi les principales commandes pour l’enseignement secondaire, on relève le lycée de Massy, dans le sud de la banlieue parisienne, lieu traditionnel de développement de cette activité pour l’Auxiliaire. Limoges, autre zone habituelle de commandes, voit se construire l’université, tandis que la réalisation des facultés de lettres et de droit de Bordeaux complète les travaux déjà entrepris pour cette ville. Aux dires des responsables de l’entreprise, à la fin de l’année 1966, l’ensemble de la branche constitue le domaine d’activité dont les débouchés paraissent les plus prometteurs76. Un service spécialisé dans les techniques industrialisées de constructions des bâtiments scolaires est créé (CSI, Constructions Scolaires Industrialisées) afin de mieux promouvoir les procédés de SAE auprès du Ministère et des municipalités. La branche a su pérenniser sa place de deuxième activité de l’Auxiliaire. Si son poids relatif n’augmente guère, sa valeur fait plus que tripler, en francs constants, entre 1960 et 1966. Cette prospérité fait encore plus ressortir les difficultés chroniques du secteur des travaux publics.

Les difficultés à maintenir une activité de travaux publics

36L’activité d’origine de l’entreprise n’occupe plus qu’une place accessoire. La direction tente, pourtant, de la relancer avec énergie. La conjoncture est favorable, mais la SAE se heurte sur le marché national à une concurrence qui ne lui laisse guère de place. La percée espérée sur les marchés extérieurs n’est pas plus heureuse, malgré quelques belles réalisations.

  • 77 SAE, Assemblée générale ordinaire, 29 juin 1960.
  • 78 SAE, Conseil d’administration, 21 février 1961.
  • 79 SAE, Conseil d’administration, 18 décembre 1962.
  • 80 Journal des finances, 18 juin 1965.

37Après 1963, les travaux publics ne représentent plus guère que quatre pour cent du montant total des travaux. Pourtant, Valatelli n’a pas renoncé à tout espoir en la matière77. Un temps, la construction de centrales nucléaires paraît ouvrir une voie intéressante à la SAE. Mais il ne lui est pas possible de trouver un allié acceptant de partager les risques de l’aventure78. On pense à de nouveaux travaux pour la sidérurgie lorraine, mais les liens étroits avec la SOLLAC ne suffisent pas. Le programme autoroutier semble, lui aussi, gage de commandes de grande ampleur. Cette fois-ci, c’est la lenteur de sa réalisation, incompatible avec la rentabilisation des investissements, qui détourne l’entreprise de ce secteur. On compte, enfin, sur l’efficacité de la collaboration avec HAM, le vieux partenaire dans les travaux maritimes. L’heure est à l’aménagement de la côte du Languedoc-Roussillon. Le creusement des ports des futures stations de Leucate et de Barcarès semble offrir des possibilités telles que la SAE constitue une société de dragages à moitié avec l’entreprise néerlandaise79 puis, crée une Société Auxiliaire de dragages80.

  • 81 SAE, Assemblée générale ordinaire, 2 juin 1961.
  • 82 SAE, Conseil d’administration, 20 avril 1962.
  • 83 Ibid., 22 octobre 1963.
  • 84 SAE, Assemblée générale ordinaire, 15 juin 1962.
  • 85 SAE, Conseil d’administration, 21 février 1961.
  • 86 Ibid., 18 décembre 1962.

38Pour mieux se préparer à une éventuelle relance, la direction de l’Auxiliaire prend la décision de privilégier un petit nombre de techniques : en premier lieu, sa spécialité d’origine, le creusement des galeries ; puis, la construction de barrages en terre, inaugurée quelques années auparavant par le bel ouvrage de Matemale ; enfin, les travaux maritimes81. Un barrage assez important à Kruth, en Alsace et le creusement de la galerie de Montahut, dans l’Hérault, tout deux pour le compte d’EDF82 et la participation à la construction du pont international d’Hendaye83, constituent des marchés intéressants. Mais les débouchés font globalement défaut. Les dirigeants de l’entreprise se plaignent de la concurrence « malsaine » des entreprises qui soumissionnent à des prix très bas84. Spécialisée dans quelques créneaux, sans doute trop étroits, elle doit y affronter des firmes disposant d’une technicité supérieure et de capitaux importants. Les nouvelles spécialités auxquelles l’Auxiliaire tente de s’attaquer paraissent encore plus difficiles à conquérir : le nucléaire civil, dominé par la SGE ou SPIE, la construction d’autoroutes, domaine d’expansion des GTM, de Razel ou des Chantiers modernes. Pendant quelque temps, la direction d’accepter des opérations à perte, en particulier avec Électricité de France, dans l’espoir, le moment venu, de retrouver des commandes et de pouvoir, ainsi, conserver un personnel spécialisé85. Mais la dégradation du marché est telle que la SAE choisit finalement de se désintéresser du secteur, tant sa rentabilité demeure faible86. Finalement, il ne reste plus que les ouvrages d’infrastructures liés à la réalisation des grands ensembles pour maintenir un semblant d’activité de travaux publics dans l’entreprise.

  • 87 SAE, Conseil d’administration, 12 octobre 1960.

39Pourtant, certaines perspectives à l’étranger paraissent, un temps, prometteuses. À la fin de la décennie précédente, la SAE a remporté un beau contrat au Liban, avec l’aménagement de la chute de Chouen. Son montant, de dix millions de francs, représente les deux tiers de la valeur des travaux d’une année moyenne dans cette branche d’activité. Le creusement du tunnel d’Awali constitue l’une des magistrales réalisations de la SAE en matière de travaux souterrains. Les travaux durent plus de six années, de la fin de 1957 à 1964. Pour soumissionner à la construction du tunnel d’Awali, la SAE décide de s’associer à un de ses partenaires historiques, Astaldi, familière des travaux dans les pays méditerranéens. Mais, du commencement des travaux en décembre 1957 jusqu’au début de l’année 1961, le chantier n’apporte que déboires et difficultés techniques presque insurmontables. Cependant, la bonne collaboration entre les différents intervenants de ce chantier international, techniciens et experts français et italiens, autorités et main-d’œuvre libanaises, facilite grandement son achèvement. Le creusement de la galerie d’Awali constitue une nouvelle référence technique de prestige et une nouvelle preuve de sa maîtrise en matière de travaux souterrains. Elle décide, par ailleurs, de participer à l’augmentation de capital de sa filiale espagnole TECSA, afin d’affirmer sa présence au-delà des Pyrénées. Elle s’associe à Dragados construcciones, une des firmes espagnoles les plus réputées du secteur, pour la construction du barrage de Puente de Bibey87. Pourtant, les commandes demeurent, une fois encore, désespérément faibles. Même la filiale espagnole périclite. Les travaux qui lui avaient été confiés par la société chargée de l’aménagement de la vallée du Sil et de ses affluents s’achèvent en 1964. N’ayant plus de commandes, TECSA entre en sommeil. Lorsqu’en 1964-1965 se terminent les derniers travaux du Liban et ceux commandés par EDF, le montant des travaux de génie civil de la Société Auxiliaire s’effondre à moins de neuf millions de francs, soit à peine deux pour cent du chiffre d’affaires total de l’entreprise.

Changements de stratégies (1967-1974)

40Cette période voit une nouvelle transformation des modes de croissance de la Société Auxiliaire. Moins brutale mais aussi essentielle que celle intervenue quinze ans auparavant, cette réadaptation permet à l’entreprise de conserver la première place dans le bâtiment, malgré l’abandon des très grands chantiers de logements sociaux qui faisaient sa spécialité. Elle maintient une forte expansion en se tournant vers une clientèle privée et des marchés plus exigeants.

La fin des grands ensembles

41Au cours de la deuxième moitié des années 1960, avec l’élévation du niveau de vie, la demande en logements devient plus exigeante. Elle évolue vers des constructions de plus grande qualité jusqu’à la décision de l’État, prise en 1973, de ne plus construire de grands ensembles. Les entreprises se tournent vers des domaines plus variés. Désormais, le rôle des banques se fait de plus en plus présent, dans un secteur où la concurrence ne cesse de se durcir.

  • 88 J. Carassus, Économie de la filière construction, op. cit., p. 134.
  • 89 M. Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 315 sq.
  • 90 Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 315 sq.

42Au cours de la deuxième moitié des années 1960, la construction d’appartements atteint son maximum historique88. L’effort considérable de construction a fini par porter ses fruits et la crise liée à un manque global de logements s’atténue89. On livre plus de 350 000 logements par an dans le secteur des HLM et des logements aidés. Mais la demande a énormément évolué et ne se satisfait plus de logements bon marché et construits rapidement. Dans une société où les progrès du niveau de vie ont été spectaculaires, on souhaite s’orienter vers une forme d’habitat qui corresponde mieux aux nouveaux critères de taille, d’équipement et de cadre de vie. Les Français, de plus en plus sensibles à la qualité de leur cadre de vie, rejettent désormais une certaine forme d’urbanisme. Alors que le pourcentage de personnes mécontentes de leur cadre de vie baissait régulièrement, à partir du milieu de la décennie il recommence à augmenter90. Le grand ensemble a cessé d’être le symbole de la modernité, tandis que les médias diffusent complaisamment les thèmes de l’ennui, de la promiscuité et du sous-équipement qui caractérisent les « banlieues-dortoirs ».

  • 91 S. Bernstein, Nouvelle Histoire de France contemporaine, op. cit.
  • 92 Mengin C. « La solution des grands ensembles », xxe siècle, art. cit., p. 107.
  • 93 A. Prost, « Une histoire urgente : le temps présent des villes », Vingtième Siècle. Revue d’histoi (...)

43Dans ces conditions, le type de construction qui constitue la base de l’activité de la SAE depuis près de dix années, paraît appelé à décliner. Bien des entreprises se voient reprocher les nombreuses malfaçons de plus en plus mal supportées par la clientèle. Dorénavant, il importe de mettre en vente un produit de qualité. Comme la profession, les Pouvoirs publics se montrent sensibles à ces inquiétudes et ces mécontentements. La troisième génération de grands ensembles, après celle des années 1950 et celle du début de la décennie 1960, apparaît destinée à apporter satisfaction à l’opinion publique91. Les ZUP, socle de la croissance urbaine depuis 1958 disparaissent, remplacées en 1971 par les ZAC (zones d’aménagement concerté), dont on attend une plus grande diversité des opérations d’urbanisme92. Les villes nouvelles de la Région parisienne se voient dotées d’activités économiques et sociales complètes, relevant parfois d’un haut niveau de spécialisation. Aboutissement logique de cette évolution, l’histoire des grands ensembles s’achève en mai 1973 par la décision du ministre Olivier Guichard d’arrêter leur construction. Dans une déclaration prononcée devant les députés le 17 mai 1973, il analyse le divorce croissant entre les Français et les politiques urbaines menée jusque-là et souligne les dangers de ségrégation sociale représentés par ce type d’urbanisme, désormais totalement dépassé93.

  • 94 J. Carassus, op. cit., p. 136.
  • 95 J. Carassus, Économie de la filière construction, op. cit., p. 135.
  • 96 J.-L. Monneron, A. Rowley, Histoire du peuple français, op. cit., p. 197.
  • 97 J. Carassus, op. cit., p. 136.
  • 98 SAE, Assemblée générale ordinaire, 19 juin 1971.
  • 99 M. Campinos-Dubernet, Emploi et gestion de la main d’œuvre dans le BTP, op. cit., p. 106.

44Les aspirations des Français les poussent désormais vers l’habitat individuel qui connaît un renouveau spectaculaire. À partir de 1969, le ministère du Logement, dirigé par A. Chalandon, encourage la construction en accession à la propriété94, sous la forme de lotissements de banlieue. De 86 000 logements de ce type construits en 1960, on parvient à 183 000 dix ans plus tard95. En 1974, les maisons individuelles représentent, près de 45 % des habitations nouvelles96. Le secteur de la construction y trouve les éléments d’une relance, mais sur des bases incontestablement plus fragiles. La demande individuelle se révèle beaucoup plus sensible à la conjoncture que l’habitat social financé par la collectivité. Dès 1970, les professionnels se retrouvent avec un stock d’appartements invendus qui leur fait craindre, pour la première fois, une saturation du marché. L’âge d’or du logement s’est incontestablement achevé. Le rythme de croissance est désormais inférieur à celui de l’industrie97. En revanche, les besoins en infrastructures collectives – scolaires et hospitalières – demeurent importants98. Par ailleurs, on voit se développer de nouvelles demandes urbaines. Les opérations de rénovation, qui visent à remplacer le bâti ancien et dégradé par une architecture conforme aux normes les plus contemporaines, tendent à se généraliser au cœur des métropoles françaises. La construction de tours s’intègre, en général, à de grandes opérations de réalisation de centres directionnels, à l’exemple du quartier de Lyon la Part-Dieu, puis du nouveau quartier de la Défense, à l’Ouest de la capitale. Elles se traduisent par la production, sur des terrains à forte valeur, de constructions d’un certain niveau social, bureaux ou habitat99.

  • 100 M. Lescure, Histoire d’une filière, op. cit., p. 80 sq.
  • 101 M. Campinos-Dubernet, Emploi et gestion de la main d’œuvre dans le BTP, op. cit., p. 100.
  • 102 S. Lerat et R. Froment, La France en 1974, t. 2, Bréal, Paris, 1975, p. 144.
  • 103 SAE, Assemblée générale ordinaire, 25 avril 1968.
  • 104 M. Lescure M., Histoire d’une filière, op. cit., p. 47 sq.

45Dans ce contexte en pleine mutation, l’État achève de se désengager du système de financement du logement100. L’institution du plan d’épargne-logement permet aux banques de drainer l’épargne des ménages et de le recycler dans l’immobilier101. Le financement bancaire qui représentait seulement 16 % du financement du logement en 1964, atteint plus de 75 % en 1972. Mais l’intervention des banques dans le secteur de la construction est beaucoup plus large. Entre 1970 et 1974, elles investissent massivement le secteur de la promotion immobilière. Il connaît, de ce fait, un phénomène de concentration sans précédent. La complexité croissante des montages financiers, qui en donne l’exclusivité à des spécialistes du secteur bancaire, renforce ce mouvement. En comparaison, la structure des entreprises du bâtiment demeure toujours extrêmement morcelée. En 1971, sur 240 000 firmes du bâtiment, 125 000, c’est-à-dire plus de la moitié, n’ont aucun salarié, tandis que les 83 plus grandes, celles employant plus de mille personnes, regroupent 150 000 personnes, soit autant que les sociétés de un à cinq salariés102. Pourtant, « la profession du BTP évolue sensiblement », note le rapport à l’assemblée des actionnaires de la SAE de l’année 1968103. La productivité des chantiers, basée sur une technicité et des moyens de plus en plus importants, s’accroît fortement. La concurrence aussi, puisque les petites entreprises, imitant les plus grandes, commencent à s’équiper en matériel et se révèlent, parfois, capables de rivaliser avec celles-ci sur des chantiers d’où elles étaient jusque-là exclues. Contraint d’évoluer dans un contexte de plus en plus incertain, le monde des grandes entreprises connaît de ce fait une évolution qui n’est pas sans rappeler celle de la promotion immobilière, c’est-à-dire une main mise progressive des groupes financiers, aboutissant à un phénomène de concentration de plus en plus affirmé104.

  • 105 SAE, Conseil d’administration, 12 novembre 1969.
  • 106 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1971.

46L’ensemble des grandes entreprises du bâtiment connaît une croissance rapide, mais parsemée de difficultés. Un conseil d’administration de la SAE de la fin de l’année 1969 le souligne, en affirmant que les affaires de toutes les entreprises du bâtiment marchent bien105. Néanmoins, précise-t-on, les marges sont rognées par la hausse des coûts. Les salaires croissent d’environ dix pour cent en 1970106, le coût du matériel et les matériaux augmentent encore plus vite. Face à cette situation, la Société Auxiliaire semble réagir avec une efficacité accrue.

Une société prospère mais un nouveau rival

47Entre 1967 et 1974, la Société Auxiliaire se caractérise par une croissance quelque peu irrégulière mais elle enregistre une très belle progression de ses résultats, en particulier pour les dernières années. Cependant, l’expansion de Bouygues est encore plus spectaculaire, au point que celui-ci parvient à lui ravir le premier rang. Si les moteurs de la croissance paraissent assez semblables pour les deux rivales, un nouveau modèle stratégique, fort différent de celui de la SAE, semble s’imposer.

Tableau 6. – Les rythmes de la croissance de la SAE de 1967 à 1974.

Tableau 6. – Les rythmes de la croissance de la SAE de 1967 à 1974.

Sources : SAE, AGO.

  • 107 SAE, Conseil d’administration, 21 juillet 1967.
  • 108 Ibid., 20 mars 1961

48La croissance exceptionnelle de 1967 et celle, encore très rapide, de l’année qui suit paraissent reproduire les conditions de la période allant de 1962 à 1964. Le conseil d’administration de juillet 1967 le souligne107 : l’augmentation de l’activité et des bénéfices enregistrent des records historiques. Tous les autres indicateurs témoignent d’une même prospérité. L’Auxiliaire peut appuyer son développement sur un carnet de commandes largement rempli deux ans à l’avance108. Pour faire face à une telle progression, l’entreprise doit accroître considérablement ses moyens de production, surtout en matière financière. En deux étapes, 1967 et 1969, le capital social est augmenté des deux tiers environ, passant de vingt huit à quarante millions de Francs. Il faut, aussi, recruter près de quinze pour cent de main-d’œuvre supplémentaire en l’espace de deux ans pour parvenir à tenir les engagements de délais. Cette croissance impressionnante n’est pas liée directement à l’évolution du programme national de construction de logements. L’essor de la firme tient à l’envolée des constructions scolaires et à la reprise très nette des activités de construction de bâtiments industriels.

  • 109 SAE, Conseil d’administration, 26 mars 1969.
  • 110 Ibid., 26 mars 1970.
  • 111 SAE, Assemblée générale ordinaire, 19 avril 1971.
  • 112 SAE, Conseil d’administration, 23 octobre 1968.
  • 113 Ibid., 16 mars 1972.
  • 114 SAE, Rapport du directoire, 19 décembre 1973.

49La croissance se maintient à un rythme rapide jusqu’en 1970, malgré un ralentissement très net de l’année 1969. Un programme très important permet de sélectionner les affaires109. Les communications des dirigeants se veulent résolument optimistes. « La société n’a pas, en ce moment de problèmes commerciaux sérieux, elle a une clientèle fidèle avec laquelle elle traite directement la plupart des affaires110. » « La croissance de la SAE est très nettement supérieure à celle de la profession. Elle peut, ainsi, continuer à élargir sa place sur le marché français111. » Pourtant, l’examen du bénéfice net révèle une baisse sensible qui se prolonge durant trois années. L’Auxiliaire est, une fois de plus, directement touchée par des prix peu rémunérateurs, en raison de prix-plafonds particulièrement bas dans l’habitat social112. La concurrence exacerbée entre les entreprises vient aggraver la situation. De ce fait, 1971 et 1972 constituent un nouveau palier de croissance qui n’est pas sans rappeler la situation cinq ans auparavant. Elle semble même plus grave encore, puisque le bénéfice plonge de plus de vingt pour cent, comme lors de la crise de 1961-1962. La réaction de Maurice Mathieu est identique à celle observée dix ans plus tôt. Il donne des consignes pour que toutes les affaires peu rentables ou incertaines soient éliminées. Il rappelle aux administrateurs que l’objectif de la direction n’est pas de laisser croître exagérément le chiffre d’affaires, mais de sélectionner rigoureusement les marchés113. Cette politique est efficace puisque le bénéfice net se redresse sensiblement, le mouvement étant facilité par une reprise générale de l’activité, à la fin de 1972. L’expansion de l’entreprise retrouve alors des rythmes exceptionnellement rapides durant les deux dernières années de notre étude. Les années 1973 et 1974 renouent, en effet, avec une croissance soutenue de l’activité. Le carnet de commandes demeure florissant, avec deux ans de travaux garantis114 et, à la fin de 1973, alors que le marasme touche déjà bien des concurrents, la direction peut se réjouir, avec un bel optimisme, qu’il n’a jamais été aussi bien rempli.

50Durant ces années de transition entre deux époques, la plus belle performance de la SAE réside certainement dans ses résultats nets qui enregistrent une véritable explosion, avec une augmentation presque égale aux trois-quarts, hors inflation, entre 1972 et 1974.

Tableau 7. – Les variations du bénéfice net de la SAE de 1967 à 1974.

Tableau 7. – Les variations du bénéfice net de la SAE de 1967 à 1974.

Source : SAE, AGO.

  • 115 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2366.
  • 116 A. Santerre, « Évolution récente des grandes entreprises de bâtiment. Conséquences sur leur struct (...)

51Habituée depuis plus de dix ans à se situer au premier rang de la profession, l’Auxiliaire doit, cependant, tenir compte des progrès spectaculaires de la société dirigée par Francis Bouygues115, rivale dont les succès attirent l’attention du public. Cette nouvelle venue se révèle d’une efficacité redoutable : en 1968, son chiffre d’affaires ne représente qu’environ 34 % de celui de la SAE mais près de 58 %, deux ans plus tard. Trois années encore, et Bouygues lui a ravi la première place116.

Graphique 8. – Bouygues, un nouveau rival. Chiffres d’affaires en francs constants 1970.

Graphique 8. – Bouygues, un nouveau rival. Chiffres d’affaires en francs constants 1970.

Source : SAE, Assemblées générales ordinaires ; A. Santerre, « Évolution récente des grandes entreprises de bâtiment. Conséquences sur leur structure financière », Analyse financière, 1er trimestre 1983.

  • 117 E. Campagnac, « Système d’organisation et culture d’entreprise : l’histoire de Bouygues », in Cult (...)
  • 118 E. Campagnac, V. Nouzille, Citizen Bouygues, l’histoire secrète d’un grand patron, Paris, P. Belfo (...)

52Leur parcours a emprunté des voies sensiblement différentes117. Fondée à la fin de l’année 1951, l’entreprise de Francis Bouygues n’est qu’une entreprise du bâtiment d’importance moyenne durant la première décennie de son existence. Elle ne s’intéresse guère aux marchés du logement populaire et opte pour la promotion de luxe118. Entrepreneur audacieux, Francis Bouygues sait se tourner ensuite vers les grands équipements. Ceux-ci lui offrent la possibilité d’acquérir l’image de compétence technique qui lui faisait défaut.

  • 119 La question des choix techniques est étudiée au chapitre 7, p. 221-229.
  • 120 E. Campagnac., V. Nouzille, Citizen Bouygues, op. cit., p. 72.
  • 121 Ibid., p. 59.
  • 122 A. Santerre, « Évolution récente des grande entreprises du bâtiment », art. cit.

53L’analyse des moteurs de la croissance offre d’intéressants points de convergence119. L’Auxiliaire constitue un des modèles de Francis Bouygues en matière de gestion, chose rare pour un homme qui n’estime guère ses concurrents120. Si l’habitat social ne représente qu’une part minoritaire de son chiffre d’affaires jusqu’au milieu des années 1960, comme pour l’Auxiliaire, c’est le logement qui lui fournit l’essentiel des profits121. Les activités de travaux publics étant peu rentables, le bâtiment contribue à redresser les comptes d’une société qui, à partir de 1970, fonde paradoxalement son image de marque sur les grandes réalisations de génie civil. La montée de Bouygues apporte la preuve qu’il est encore possible pour une entreprise du bâtiment de se hisser parmi les plus grands. Les deux rivales ont en commun une évolution vers une organisation en entreprise générale122. Elle repose sur le transfert d’une grande partie des activités de production vers des filiales, par croissance externe dans le cas de Bouygues, par la filialisation de directions régionales dans le cas de la SAE. Il en résulte une très grande souplesse, liée à la légèreté des immobilisations nécessaires à la société mère et à une relative facilité d’adaptation des effectifs. L’évolution vers une structure de holding s’accompagne d’une croissance progressive de l’importance des revenus financiers. Mais, fondamentalement, le principal ressort de la croissance résulte, dans le cas des deux entreprises, d’une réputation reconnue de compétence technique au sein du métier du BTP et auprès du public. Les différences n’en demeurent pas moins considérables.

54Différence d’époque, d’abord : jusqu’à la fin de la décennie 1960 Bouygues ne compte guère. L’Auxiliaire doit faire face à des rivaux autrement dangereux, mais qu’elle connaît bien, pour les avoir pratiqués depuis de nombreuses années, à l’image de la SGE. La véritable percée de Bouygues ne date que de la période 1969-1974. Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il se révèle un concurrent sérieux. Les modes d’expansion paraissent alors presque opposés : à une Société Auxiliaire présente sur l’ensemble du territoire français mais, largement absente des marchés à l’exportation, s’oppose une société Bouygues, longtemps essentiellement parisienne, mais qui, à partir de 1971-1972, grâce au chantier du stade de Téhéran, se lance dans une politique d’exportation de grande envergure.

Tableau 8. – L’implantation régionale de la SAE en 1968 : une répartition équilibrée sur le territoire français.

Tableau 8. – L’implantation régionale de la SAE en 1968 : une répartition équilibrée sur le territoire français.

Source : SAE, AGO, juin 1969.

55Bouygues se distingue aussi par des liens beaucoup plus étroits avec les groupes bancaires, avec le soutien que lui apporte Suez et la confiance totale que lui manifeste le Crédit Lyonnais. Mais les succès spectaculaires de Bouygues relèvent, avant tout, des choix stratégiques d’un entrepreneur peu orthodoxe. Il les expérimente parfois très tôt, comme la promotion immobilière dès 1956, mais sait pleinement les exploiter durant les années 1970. Grâce à son talent de communicateur, il consacre la société comme référence en matière de travaux publics, en lui forgeant une nouvelle identité de technicité, qui apporte autorité et considération. Une telle réussite est suivie de près par les dirigeants de la SAE. Un nouveau modèle s’est imposé et c’est l’Auxiliaire qui, désormais, envie les performances de celui à qui elle servait de référence dix années auparavant.

Le retrait du logement social

56À partir de 1966, l’entreprise se retire progressivement du secteur du logement social et se développe dans des branches plus rentables. Alors que l’activité se maintient sur les grands chantiers de logements avec une incontestable continuité, l’Auxiliaire se tourne vers une clientèle privée et s’intéresse à l’habitat individuel. Mais elle puise, avant tout, les ressources de sa remarquable croissance dans des ouvrages à forte technicité, les constructions scolaires et, surtout dans les dernières années, les équipements collectifs.

  • 123 SAE, Conseil d’administration, 20 mars 1967.

57Jusqu’au début des années 1970 la construction de logements continue à occuper une place considérable dans l’activité de la SAE, le plus souvent supérieure à 70 % du chiffre d’affaires global. Des marchés de grande ampleur, entraînent sa production vers des records inédits, comme les deux projets auxquels elle participe dans le cadre du concours groupement Architectes-Entreprises, et qui lui assurent en 1967 une commande de 10 000 logements à construire en cinq ans dans les villes nouvelles de la Région parisienne123.

Graphique 9. – Évolution des grands secteurs d’activité de la SAE (1967-1974) en pourcentage du chiffre d’affaires.

Graphique 9. – Évolution des grands secteurs d’activité de la SAE (1967-1974) en pourcentage du chiffre d’affaires.

Source : SAE, AGO.

  • 124 SAE, Conseil d’administration, 25 avril 1968.
  • 125 Techniques et architecture, mai 1968.

58En 1968, elle livre 30 000 logements124, soit plus de sept pour cent de la production nationale. La SAE demeure bien la première en France dans son domaine d’expansion fondamental. Quelques chantiers, choisis entre 1967 et 1969-1971, permettent d’approfondir cette période charnière, dans sa continuité et ses évolutions. Les trois cent cinquante logements réalisées en 1968 dans le Parc des Thibaudières à Boussy-Saint-Antoine, dans l’Est de la Région parisienne permettent de comprendre comment l’Auxiliaire a su passer sans grandes difficultés à un nouveau type de construction plus exigeant125. Un souci de qualité, en particulier esthétique, préside à la conception d’ensemble. Commandés par un groupement de six promoteurs privés, les appartements sont situés sur un site exceptionnel, au cœur d’un superbe parc de dix hectares en bordure de l’Yerre. La volonté de l’architecte est de concevoir des petits immeubles bas, capables de s’intégrer au milieu, grâce à l’échelle modeste des bâtiments et à un rapport soigné au site. Les façades traduisent une incontestable recherche. Les murs porteurs sont en béton gris, les panneaux de façades en aluminium, que l’on utilise également pour les fenêtres. Ils alternent avec des parements de briques, tandis que le sapin des loggias en sapin veut rappeler le caractère forestier du lieu Mais si les préoccupations d’harmonie sont nouvelles, rien dans le gros œuvre n’est, pourtant, de nature à surprendre véritablement les techniciens de l’Auxiliaire. Les formes architecturales d’ensemble et les techniques de construction utilisées ne diffèrent pas des réalisations antérieures. La construction d’une dalle recouvrant un garage souterrain destiné à remplacer les parkings ne représente pas une réelle innovation. Le passage vers une construction d’un habitat de plus grande qualité s’effectue ici sans véritable bouleversement technique pour les équipes de l’entreprise.

  • 126 L’architecture d’aujourd’hui, n° 144, juin-juillet 1969.
  • 127 SAE, bulletin d’information, mai 1971.
  • 128 Ibid., 26 octobre 1970.

59Un autre chantier d’une toute autre ampleur, celui de Grigny, dans le département de l’Essonne manifeste très nettement les évolutions en cours. Il s’agit du dernier en date des grands ensembles construits par l’Auxiliaire et, probablement, le dernier de cette ampleur réalisé en France. La recherche urbanistique la plus ambitieuse s’y mêle à une standardisation extrêmement poussée des techniques de construction. Les architectes ont eu la volonté de créer un modèle original de grand ensemble, qui se veut presque un contre-exemple de ce qui a été fait jusque-là. L’architecte principal du projet126 déclare, dans un style pompeux, que l’essence du problème posé par les expériences du passé réside dans « la confrontation à l’innombrable, l’avilissement pour l’habitant d’être un élément négligeable d’un tout très apparemment mécanisé ». Afin de lutter contre cette monotonie répétitive, le parti est pris de favoriser des désordres apparents grâce aux volumes des immeubles qui tentent d’échapper à la géométrie habituelle, aux couleurs et la diversité des matériaux utilisés pour les revêtements, à la multiplicité des dispositions des façades agencées selon une démarche presque musicale, selon les dires du même l’architecte. Ces objectifs doivent être atteints par une préfabrication poussée à l’extrême. Ainsi avec seulement trois modèles de fenêtres, des centaines de façades différentes sont possibles en fonction des divers agencements. Située sur une des premières ZAC françaises, la réalisation de cet ensemble immobilier immense de près de 6 000 logements est confié à deux promoteurs privés, la Banque de Suez et le promoteur privé le plus en vue de l’époque, M. de Balkany, tous deux signataires d’une convention avec le ministère de l’Équipement. La SAE est désigné comme l’entreprise pilote pour l’ensemble de l’opération, et adjudicataire avec sa filiale SUPAE de 3 036 logements pour le gros œuvre127. Elle réalise ainsi deux séries d’appartements : une série dite « prête à finir » de 986 logements où l’acquéreur se charge de réaliser lui-même un certain nombre de petits travaux de second œuvre ; une série de « prêt à vivre » de 4889 logements dans laquelle tous les aménagements sont terminés. Une première tranche de 1986 appartements peut commencer à être livrée au printemps 1971, deux ans seulement après la signature du contrat. Avec Grigny, le grand ensemble, qui vit ses derniers moments, demeure assurément un des domaines d’excellence de la SAE. Pourtant, dès 1970, la société ne traite pratiquement plus de marchés d’HLM128.

  • 129 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.
  • 130 Société Générale, Note du 15 avril 1966, Archives, carton B 1595.
  • 131 SAE, Conseil d’administration, 5 octobre 1966.
  • 132 Ibid., 29 novembre 1967.

60La direction de l’entreprise se préoccupe de se développer sur des marchés nouveaux. Dès l’automne 1963, la SAE a livré un ensemble immobilier dans la station de sports d’hiver de Saint-Martin-les-Bellevilles en Savoie129. L’Auxiliaire envisage de se lancer dans la réalisation de maisons individuelles populaires130, dont le développement paraît prometteur. La société a mis au point différents modèles pour des projets d’une centaine de maisons. L’équipement intérieur et les prix sont ceux des logements HLM, « tout en essayant de se rapprocher, sur le plan architectural, du type traditionnel d’architecture régionale131 ». Mathieu pense que la société doit être prête dès le printemps 1967. Dans cette perspective, l’Auxiliaire réalise un investissement d’importance en rachetant la COGITEC, filiale de préfabrication de la société Camus132. Le développement de constructions individuelles préfabriquées requiert, en effet, des capacités de production industrielle. Cependant, le rythme du changement reste prudent.

  • 133 Ibid., 12 novembre 1969.
  • 134 Ibid., 18 mars 1970.

61Il faut, en effet, attendre deux ans pour qu’une branche constructions individuelles soit créée et confiée à la COGITEC133. Au printemps 1970, trois projets auxquels la SAE participent sont retenus par le concours dit « Chalandon » et elle se voit confier près de 8500 pavillons à exécuter en trois ans134. Néanmoins, l’expansion du secteur, sans être négligeable, demeure limitée, puisque trois années plus tard, les maisons individuelles ne représentent qu’environ huit pour cent de l’activité totale de l’entreprise et ne parviennent plus guère à progresser.

  • 135 SAE, Conseil d’administration, 26 octobre 1970.
  • 136 SAE, Assemblée générale ordinaire, 19 avril 1971.

62À partir de 1969, l’entreprise s’oriente vers des types de marchés de plus en plus éloignés de ceux du logement social. Les dirigeants de la SAE s’intéressent en priorité à la construction de tours de bureaux, de centres commerciaux et de parkings135. Dès 1966, l’entreprise a obtenu de participer aux projets de réhabilitation de l’Est parisien, sur les chantiers de La Villette, Belleville et Bagnolet, ainsi qu’au secteur de rénovation de Saint-Cloud. En 1969, les travaux du secteur Choisy-Massena, au sud du XIIIe arrondissement de Paris consacrent la nouvelle orientation, avec la construction de 4 200 logements dans quatorze tours et de plus de 4 500 places de parking. La réalisation, au même moment, d’immeubles de bureaux le long du périphérique est de Paris conforte la place de ce type d’ouvrage. Les entreprises de construction les plus importantes, qui maîtrisent des techniques relativement évoluées et disposent de moyens importants, sont particulièrement avantagées. La SAE est parmi les mieux placées pour s’imposer, en particulier dans le domaine de la construction des tours. La société « a su saisir cette évolution à son début » note le rapport à l’assemblée générale de 1971136. Grâce à des références techniques de premier plan, son carnet de commandes connaît, à partir de 1971-1972, un élargissement rapide de ce type de travaux.

  • 137 SAE, Conseil d’administration, 14 mars 1974.

63Le rapport annuel pour l’année 1973 se réjouit de cette évolution qui confère un meilleur équilibre à l’activité de l’entreprise137. La direction se montre convaincue qu’il s’agit là de la meilleure protection contre les aléas de la conjoncture et souhaite accentuer cette diversification. De fait, le logement cesse en 1974, pour la première fois depuis près de trente ans, d’être l’activité dominante de la SAE.

Graphique 10. – Évolution de la clientèle de la SAE entre 1968 et 1972.

Graphique 10. – Évolution de la clientèle de la SAE entre 1968 et 1972.

Sources : SAE, AGO.

  • 138 SAE, Conseil d’administration, 24 mars 1966.
  • 139 SAE, Assemblée générale ordinaire, 24 mars 1973.
  • 140 SAE, Conseil d’administration, 29 novembre 1967.

64La construction scolaire constitue pour l’entreprise un moyen de compenser les périodes de baisse d’activité du logement138. Sa part dans l’activité générale tourne autour de 15 % du total139. L’enseignement secondaire fournit, désormais, les plus gros débouchés, avec la multiplication des établissements de type CES, alors que les marchés de lycées, tels que ceux de Meudon, Massy ou de Limoges, continuent à se développer. La construction de bâtiments universitaires offre toujours pour l’entreprise l’occasion d’une série de travaux de référence. Après Bordeaux, Poitiers, Limoges, Lyon et Toulouse lui confient à leur tour, en quelques années, la réalisation de bâtiments universitaires. Le regroupement administratif des marchés du secteur présente un grand intérêt pour les entreprises, en raison de leur continuité qui normalise le travail de préparation et facilite la gestion des divers chantiers. Le secteur est d’autant plus attractif que, contrairement au logement, les marges sont appréciables140. La concurrence est pourtant vive entre les différentes entreprises qui se livrent à une véritable guerre des prix, mais l’expérience de la SAE, sa réputation de rapidité particulièrement appréciée des municipalités et l’importance des moyens qu’elle peut mettre en œuvre lui procurent des avantages décisifs.

  • 141 Ibid., 19 avril 1971.

65Après 1970, les commandes se font beaucoup moins nombreuses, conformément aux évolutions démographiques. La SAE réussit à maintenir son activité, grâce à une implantation régionale forte, alors que le mode de passation des marchés évolue dans le sens d’une place plus grande des collectivités. À partir de 1971-1972, les communes interviennent directement dans le choix des constructeurs. Dans la banlieue sud et est de Paris, dans le Sud-Ouest, le Nord-Est ou la région de Limoges, la firme sait utiliser sa forte notoriété. Aussi, la construction scolaire, instrument de diversification et champ d’expérimentation des techniques d’industrialisation, continue-t-il à représenter un domaine de vif intérêt141.

66À la fin de l’année 1974, la Société Auxiliaire d’Entreprises se trouve désormais bien éloignée des structures qui guidaient sa croissance au milieu de la décennie précédente. Régulièrement au cours de son histoire maintenant cinquantenaire, l’entreprise avait dû repenser les conditions de son développement. Mais, assurément, les transformations n’ont rarement pris une telle ampleur que durant la courte période allant de 1967 à 1974. Délaissant en quelques années les logements sociaux qui avait fait sa fortune, elle s’est tournée vers des constructions plus complexes. Sa clientèle s’est modifiée, plus variée et plus tournée vers le secteur privé. Le champ d’activités de la SAE demeure pour le moment encore étroitement hexagonal, mais sa direction a la ferme intention de promouvoir une internationalisation qu’elle souhaite faire reposer, non plus uniquement sur les travaux publics comme lors de tentatives précédentes décevantes, mais en utilisant son savoir faire et ses capacités exceptionnelles en matière de bâtiment. C’est l’ensemble des stratégies industrielles et des politiques commerciales qui s’en trouvent bouleversées. En ce milieu des années 1970, face à une concurrence féroce et à des marchés en évolution rapide, tout est mis en place pour permettre à l’Auxiliaire de conserver sa place dominante au sein de la construction française.

Notes

1 J.-F. Goux, Éléments d’économie immobilière, Paris, Economica, 1978, p. 35 sq ; M. Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine, t. V, op. cit., p. 281 sq.

2 J. Carassus, Économie de la filière construction, Paris, ENPC, 1987, p. 134.

3 J.-F. Goux, op. cit., p. 112.

4 SAEETP, Conseil d’administration, SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.

5 J.-L. Monneron, A. Rowley, Histoire du peuple français, op. cit., p. 113 sq.

6 Ibid.

7 J. Jaurois, Les zones à urbaniser en priorité. Un élément fondamental pour l’aménagement du territoire, Paris, Berger-Levrault, 1968, p. 12.

8 Ministère de la Construction, Conférence de presse de M. Pierre Sudreau, Paris, 22 décembre 1958.

9 Y. Lacoste, « Un problème complexe et débattu : les grands ensembles » Bulletin de l’Association des géographes français, 318-319, novembre-décembre 1963, p. 37-46.

10 J. Labasse, L’organisation de l’espace. Éléments de géographie volontaire, Paris, Herman, 1966, p. 586.

11 C. Mengin, « La solution des grands ensembles », Vingtième Siècle, Revue d’histoire, 64, Paris, oct.-déc. 1999, p. 106.

12 J.-M. Stébé, La réhabilitation de l’habitat social en France, Paris, PUF, 1995, p. 29.

13 M. Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 315.

14 S. Bernstein, Nouvelle Histoire de France contemporaine, op. cit., p. 187.

15 M. Campinos-Dubernet, Emploi et gestion de la main d’œuvre dans le BTP. Mutations de l’après-guerre à la crise, dossier du CEREQ n° 34, Paris, La Documentation française, 1984, p. 99.

16 I.B. Thomson, La France, Population, Économie et Régions, Doin, 1973, p. 66.

17 SAE, Conseil d’administration, 18 mars 1963.

18 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.

19 SAE, Conseil d’administration, 28 octobre 1963.

20 Société Générale, Note du 23 avril 1964, Archives, carton B 1595.

21 SAE, Conseil d’administration, 27 octobre 1965.

22 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.

23 SAE, Conseil d’administration, 20 mars 1967.

24 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2265.

25 W. Rostow, Les étapes de la croissance économique, Paris, Economica, 1997, p. 7.

26 SAE, Conseil d’administration, 28 mars 1965.

27 Journal des finances, 18 juin 1965.

28 SAE, Assemblée générale ordinaire, 9 juin 1964.

29 La Vie française, 28 avril 1962.

30 SAE, Assemblées générales ordinaires, 18 juin 1965, 7 juin 1966.

31 D. Barjot, Fougerolle, op. cit., p. 147-151.

32 D. Barjot, La trace des bâtisseurs : histoire du Groupe Vinci, Vinci, 2003, p. 226-231.

33 D. Barjot, « Croissance du marché et stratégie des firmes », art. cit., p. 412-413.

34 M. Mathieu, témoignage, 2002.

35 D. Barjot, La trace des bâtisseurs, op. cit., p. 261-263.

36 Ibid., p. 259-260.

37 Ibid., p. 218-220.

38 SAE, Assemblée générale ordinaire, 9 juin 1964.

39 La vie française, 28 avril 1962.

40 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1965.

41 SAE, Conseil d’administration, 24 mars 1965.

42 Ibid., 5 octobre 1966.

43 SAE, Assemblée générale ordinaire, 18 juin 1965.

44 Ibid., 15 juin 1962.

45 SAE, Conseil d’administration, 18 décembre 1962.

46 M. Mathieu, témoignage, 2002.

47 SAE, Conseil d’administration, 18 décembre 1962.

48 Les Échos, 20 septembre 1966.

49 SAE, Assemblée générale ordinaire, 18 juin 1965.

50 M. Mathieu, témoignage, 2002.

51 SAE, Assemblée générale ordinaire, 15 juin 1962.

52 P. Douttelonde (dir.), SAE, une irrésistible ascension, op cit., p. 91.

53 A. Samba Diom, « Rapport en Conseil de gouvernement sur la situation de l’opération Nouakchott au mois d’août 1959 ».

54 J.-R. Pitte, Nouakchott, capitale de la Mauritanie, Paris, Publications de la Sorbonne, n° 15, 1977, p. 49.

55 SAE, Conseil d’administration, 4 décembre 1959.

56 J.-R. Pitte, Nouakchott, op. cit., p. 49.

57 Le Monde, 29 novembre 1960.

58 SAE, Conseil d’administration, 4 décembre 1959.

59 « Réalisation d’un programme de 2 009 logements HLM à la Dame-Blanche-Garges-Les-Gonesses (S. et O.) », Annales de l’ITBTP, février 1964, n° 194, 24 p.

60 « Réalisation d’un programme de 2 196 logements à Vélizy », Annales de l’ITBTP, juillet-août 1965, n° 211-212, p. 1-24.

61 Voir A. Berthonnet, Chagnaud. L’histoire d’une fidélité, Caen, Éditions du Lys, 1996, p. 131-134.

62 J. Poussard, G. de Pouvourville, La politique de l’Éducation nationale, marchés publics et politique industrielle, Economica, 1982, p. 69.

63 Ibid.

64 Ministère de l’Éducation nationale, direction de l’équipement scolaire, universitaire et sportif, Circulaire, 1963.

65 La Vie française, avril 1962.

66 SAE, Assemblée générale ordinaire, 2 juin 1961.

67 Ibid., 29 juin 1960.

68 Ibid., 10 juin 1963.

69 P. Douttelonde, SAE, une irrésistible ascension, op. cit., p. 87.

70 Journal des Finances, 18 juin 1965.

71 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.

72 Ministère de l’Éducation nationale, direction de l’équipement scolaire, universitaire et sportif, Note sur l’industrialisation des constructions scolaires, 6 janvier 1964.

73 J. Poussard., G. de Pouvourville, op. cit., p. 70.

74 G. de Pouvourville, L’innovation dans le secteur du bâtiment. Analyse d’une action publique en faveur de l’innovation : le cas des constructions scolaires, Rapport de recherche remis au Plan Construction, 1979.

75 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1966.

76 SAE, Conseil d’administration, 5 octobre 1966.

77 SAE, Assemblée générale ordinaire, 29 juin 1960.

78 SAE, Conseil d’administration, 21 février 1961.

79 SAE, Conseil d’administration, 18 décembre 1962.

80 Journal des finances, 18 juin 1965.

81 SAE, Assemblée générale ordinaire, 2 juin 1961.

82 SAE, Conseil d’administration, 20 avril 1962.

83 Ibid., 22 octobre 1963.

84 SAE, Assemblée générale ordinaire, 15 juin 1962.

85 SAE, Conseil d’administration, 21 février 1961.

86 Ibid., 18 décembre 1962.

87 SAE, Conseil d’administration, 12 octobre 1960.

88 J. Carassus, Économie de la filière construction, op. cit., p. 134.

89 M. Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 315 sq.

90 Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 315 sq.

91 S. Bernstein, Nouvelle Histoire de France contemporaine, op. cit.

92 Mengin C. « La solution des grands ensembles », xxe siècle, art. cit., p. 107.

93 A. Prost, « Une histoire urgente : le temps présent des villes », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 64, oct.-déc. 1999, p. 121.

94 J. Carassus, op. cit., p. 136.

95 J. Carassus, Économie de la filière construction, op. cit., p. 135.

96 J.-L. Monneron, A. Rowley, Histoire du peuple français, op. cit., p. 197.

97 J. Carassus, op. cit., p. 136.

98 SAE, Assemblée générale ordinaire, 19 juin 1971.

99 M. Campinos-Dubernet, Emploi et gestion de la main d’œuvre dans le BTP, op. cit., p. 106.

100 M. Lescure, Histoire d’une filière, op. cit., p. 80 sq.

101 M. Campinos-Dubernet, Emploi et gestion de la main d’œuvre dans le BTP, op. cit., p. 100.

102 S. Lerat et R. Froment, La France en 1974, t. 2, Bréal, Paris, 1975, p. 144.

103 SAE, Assemblée générale ordinaire, 25 avril 1968.

104 M. Lescure M., Histoire d’une filière, op. cit., p. 47 sq.

105 SAE, Conseil d’administration, 12 novembre 1969.

106 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1971.

107 SAE, Conseil d’administration, 21 juillet 1967.

108 Ibid., 20 mars 1961

109 SAE, Conseil d’administration, 26 mars 1969.

110 Ibid., 26 mars 1970.

111 SAE, Assemblée générale ordinaire, 19 avril 1971.

112 SAE, Conseil d’administration, 23 octobre 1968.

113 Ibid., 16 mars 1972.

114 SAE, Rapport du directoire, 19 décembre 1973.

115 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2366.

116 A. Santerre, « Évolution récente des grandes entreprises de bâtiment. Conséquences sur leur structure financière. », Analyse financière, 1983, p. 35.

117 E. Campagnac, « Système d’organisation et culture d’entreprise : l’histoire de Bouygues », in Culture d’entreprise et innovation, J.-P. Bernard et J.-P. Daviet (dir.), Paris, CNRS, 1992, p. 25 à 31.

118 E. Campagnac, V. Nouzille, Citizen Bouygues, l’histoire secrète d’un grand patron, Paris, P. Belfond, 1988, p. 45.

119 La question des choix techniques est étudiée au chapitre 7, p. 221-229.

120 E. Campagnac., V. Nouzille, Citizen Bouygues, op. cit., p. 72.

121 Ibid., p. 59.

122 A. Santerre, « Évolution récente des grande entreprises du bâtiment », art. cit.

123 SAE, Conseil d’administration, 20 mars 1967.

124 SAE, Conseil d’administration, 25 avril 1968.

125 Techniques et architecture, mai 1968.

126 L’architecture d’aujourd’hui, n° 144, juin-juillet 1969.

127 SAE, bulletin d’information, mai 1971.

128 Ibid., 26 octobre 1970.

129 SAE, Assemblée générale ordinaire, 10 juin 1963.

130 Société Générale, Note du 15 avril 1966, Archives, carton B 1595.

131 SAE, Conseil d’administration, 5 octobre 1966.

132 Ibid., 29 novembre 1967.

133 Ibid., 12 novembre 1969.

134 Ibid., 18 mars 1970.

135 SAE, Conseil d’administration, 26 octobre 1970.

136 SAE, Assemblée générale ordinaire, 19 avril 1971.

137 SAE, Conseil d’administration, 14 mars 1974.

138 SAE, Conseil d’administration, 24 mars 1966.

139 SAE, Assemblée générale ordinaire, 24 mars 1973.

140 SAE, Conseil d’administration, 29 novembre 1967.

141 Ibid., 19 avril 1971.

Table des illustrations

Titre Graphique 6. – Logements livrés annuellement en France (1960-1966).
Légende Source : ministère de l’Urbanisme et du Logement.
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Titre Graphique 7. – La croissance des effectifs de la SAE (1960-1966). Effectifs moyens pour la France.
Légende Source : SAE, rapports aux AGO.
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Titre Tableau 3. – La SAE, première entreprise française de BTP.
Légende Sources : SAE, Rapport à l’AGO, 1965 ; 1969 ; doc. fournis par D. Barjot.
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Titre Tableau 4. – Diversité des maîtres d’ouvrage : l’année 1962.
Légende Source : SAE, AGO, 7 juin 1963.
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Titre Tableau 5. – La montée des promoteurs privés dans la clientèle de la SAE : l’exemple de l’année 1965.
Légende Source : SAE, AGO, 17 juin 1965.
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Titre Tableau 6. – Les rythmes de la croissance de la SAE de 1967 à 1974.
Légende Sources : SAE, AGO.
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Titre Tableau 7. – Les variations du bénéfice net de la SAE de 1967 à 1974.
Légende Source : SAE, AGO.
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Titre Graphique 8. – Bouygues, un nouveau rival. Chiffres d’affaires en francs constants 1970.
Légende Source : SAE, Assemblées générales ordinaires ; A. Santerre, « Évolution récente des grandes entreprises de bâtiment. Conséquences sur leur structure financière », Analyse financière, 1er trimestre 1983.
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Titre Tableau 8. – L’implantation régionale de la SAE en 1968 : une répartition équilibrée sur le territoire français.
Légende Source : SAE, AGO, juin 1969.
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Titre Graphique 9. – Évolution des grands secteurs d’activité de la SAE (1967-1974) en pourcentage du chiffre d’affaires.
Légende Source : SAE, AGO.
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Titre Graphique 10. – Évolution de la clientèle de la SAE entre 1968 et 1972.
Légende Sources : SAE, AGO.
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