Chapitre II. Le tournant des grands ensembles (1950-1959)
p. 53-81
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Texte intégral
« La nationalisation de l’énergie électrique, d’une part, et l’insuffisance de débouchés dans les travaux publics, d’autre part, devaient l’amener [la Société Auxiliaire], une fois encore à évoluer et à se définir une vocation nouvelle… Il était discernable que le problème le plus important et le plus urgent auquel le pays aurait à faire face serait le logement. Or l’industrie du bâtiment sortait tout juste d’une longue léthargie, et la France ne comptait alors aucune entreprise spécialisée à la mesure de cet immense, pressant et durable besoin. Saisir cette opportunité, articuler les moyens nécessaires, inaugurer des techniques nouvelles, s’imposer par la qualité et la rapidité, tels furent les buts essentiels que se fixa alors la Direction de votre société, dont les efforts furent couronnés de succès1… »
1Gino Valatelli le rappelle, à l’occasion du quarantième anniversaire de la SAEETP, la décennie 1950 apparaît, à tous égards, comme la plus remarquable de son histoire. Elle opère, alors, des choix décisifs qui provoquent un changement radical des bases de sa croissance. La nature même de la société s’en trouve transformée. Il est vraisemblable qu’un résultat d’une telle ampleur n’a pas été prévu. C’est la conjonction de facteurs externes qui a permis le déclenchement de cette aventure peu commune. Alors que les tentatives de se tourner vers de nouveaux secteurs recueillent bien des déboires, le début d’un gigantesque effort de construction de logements vient apporter, à point nommé, d’immenses possibilités. L’importance du succès de la SAEETP transforme, en quelques années, ce qui n’était qu’une stratégie de survie en une reconversion massive. Une véritable méthode de conquête des nouveaux marchés permet à l’Auxiliaire rénovée de devenir la plus puissante des entreprises françaises du bâtiment.
À la recherche d’une nouvelle croissance (1950-1954)
2La Société Auxiliaire doit repenser entièrement son mode de croissance pendant la première moitié des années 1950. Le processus s’enclenche avec la fin des marchés d’Électricité de France. L’Auxiliaire tente, alors, une réorientation tous azimuts de ses activités. Mais ses tentatives d’expansion vers de nouvelles branches des travaux publics et le peu de succès de l’internationalisation font rapidement disparaître l’espoir d’un rebond vers des activités familières. Dans un contexte aggravé par de sérieuses difficultés financières, la situation de l’entreprise paraît fort compromise.
La difficile quête de nouveaux marchés
3Le danger ne survient pas de façon inattendue. De longue date, la direction de l’entreprise s’est efforcée d’y parer en diversifiant ses marchés. Pendant quelques années, le port de Marseille fournit un supplément d’activité intéressant. En revanche, la construction de pistes d’aérodrome se révèle rapidement décevante.
4Au début des années 1950, Le conseil d’administration constate « la réduction massive des grands travaux pour les entreprises nationalisées comme EDF2 ». Les chantiers hydroélectriques sont en voie d’achèvement, sans espoir d’en voir s’ouvrir de nouveaux3. Or les commandes d’EDF représentent les deux tiers des marchés confiés à la Société Auxiliaire. Une étude réalisée par la Société Générale, au mois de septembre 1950, met en lumière la gravité de la situation4.
Tableau 2. – Les principales constructions hydroélectriques obtenues par la SAEETP après la Deuxième Guerre mondiale.

Source : Société Générale, Note sur la SAEETP, 4 septembre 1950, Archives, dossier 3765
5Aussi, depuis plusieurs années, la direction de l’entreprise a-t-elle tenté de trouver de nouveaux marchés. Trois ans avant le tarissement des commandes, Valatelli déclare devant le conseil d’administration que « la société s’est efforcée, dans toute la mesure du possible, de rechercher des travaux ne dépendant pas uniquement d’EDF5 ». L’entreprise vient, en effet, d’obtenir une commande importante dans le domaine du génie maritime. Cette spécialité, toute nouvelle, paraît fournir le moyen d’obtenir la diversification tant recherchée depuis les années 1930. Le chantier consiste en l’approfondissement de la passe et de la rade de Port-de-Bouc. En 1946, le port de Marseille a pris la décision de construire un port pétrolier à Lavera sur l’étang de Berre. La SAEETP obtient l’aménagement du chenal menant au terminal de débarquement des navires. La taille nouvelle des pétroliers, qui désormais avoisine 50 000 à 100 000 tonnes, oblige à un travail particulièrement délicat. Il s’agit d’approfondir la passe, barrée par un banc rocheux6. La profondeur n’excédant pas 9,6 mètres, il faut dérocher un plateau de cinq hectares sur environ trois mètres d’épaisseur dans une zone particulièrement difficile, exposée à la houle.
6Valatelli se tourne, alors, vers une société hollandaise réputée, la Hollandsche Aamerning Maatschappij (HAM), qui vient d’effectuer un déroctage similaire au large de la ville du Cap, en Afrique du Sud7. Déjà présente sur le marché français en tant qu’actionnaire des Grands Travaux de l’Est8, elle dispose d’un matériel d’avant-garde et d’un personnel de grande compétence. Ses énormes marteaux à air comprimé permettent de désagréger le rocher à grande profondeur9. Valatelli qui attache une extrême importance à cette implantation de l’Auxiliaire dans le Midi, vint plusieurs fois à Marseille, où il noue des contacts amicaux avec les Néerlandais et l’administration maritime10. HAM intervient comme sous-traitant, laissant à la société française le soin des relations avec le port de Marseille11. Les travaux durent de 1948 à 1953. La collaboration SAEETP-HAM révèle son efficacité12, au point que des marchés complémentaires sont rapidement confiés au groupement, avec le dragage du futur port de Lavera, celui du port de la Pointe pour la Shell et, dans le port de Marseille même, des bassins Wilson, de Caronte et Mirabeau. L’assemblée générale du 30 avril 1948 se réjouit de l’extension considérable des travaux maritimes13. Mais l’optimisme paraît exagéré, puisque le montant des travaux demeure à une place relativement modeste. En 1950, il ne représente que 9,5 % de l’ensemble de l’activité de la firme, soit un total de 300 millions, à peine supérieur aux 250 millions du marché du barrage de Treignac14. Apport d’activité intéressant, les travaux se prolongent sur plusieurs années et reprennent à la fin de la décennie 1950. Mais les perspectives demeurent insuffisantes pour permettre à la SAE d’effectuer une percée véritable.
7La SAEETP se trouve donc dans l’obligation d’explorer d’autres voies possibles de développement15. En 1951, elle s’intéresse à la construction de pistes d’aérodrome. Elle parvient même à devenir le chef de file d’un consortium de six entreprises, au sein duquel on trouve des firmes aussi réputées que Sainrapt et Brice, Monod, Billiard et Desplats et Lefèvre. Le projet est d’importance. Il s’agit de construire des pistes en béton sur l’aérodrome de Déols, destinées aux avions de l’OTAN, pour sa base de Châteauroux. Les perpectives sont séduisantes mais le chantier se révèle très difficile à mener, en raison des normes très strictes imposées par le maître d’ouvrage américain, alors que l’Auxiliaire manque d’expérience en ce domaine16. Le début des travaux, en janvier 1952, l’oblige à l’achat d’un gros matériel très onéreux17. Le montant s’élève à 100 millions, soit deux fois et demi le bénéfice net de l’entreprise. Les obstacles techniques parvenant à être surmontées, les pistes peuvent être livrées au début de l’année 1954, à la satisfaction du donneur d’ordres. L’Auxiliaire se voit, alors, chargée, en association avec Monod et Billiard, d’un ouvrage identique, destiné à l’aérodrome d’Orléans-Bricy18. L’expérience acquise permet de le réaliser avec moins de difficultés, entre 1953 et 1955. Mais, une fois encore, l’espoir de parvenir à se doter durablement d’une branche d’activité nouvelle fait long feu. Une concurrence redoutable explique qu’elle ne réussit pas à s’imposer et les marchés ne se renouvellent pas. Face à ces échecs répétés, Valatelli, avec opiniâtreté et réalisme, explore une autre possibilité, celle de l’implantation de la SAEETP sur des marchés extérieurs.
L’échec de l’internationalisation
8Pendant quelques années la SAEETP fonde beaucoup d’espoir en une expansion hors du territoire de la France métropolitaine. Elle crée des filiales au Maroc et en Espagne mais, une fois encore, l’expérience apporte bien des déceptions.
9Après 1945, deux directions s’offrent aux entreprises qui veulent tenter leur chance en dehors de la métropole, l’Union française et les pays situés en dehors de la zone Franc19. Dès l’entre-deux-guerres, les territoires français ont constitué des zones privilégiées d’expansion pour les firmes de génie civil20. Si, après 1945, l’incertitude politique amène à un repli de l’Indochine, comme dans le cas de la société des Grands Travaux de Marseille21, les possibilités d’expansion paraissent encore importantes dans d’autres parties de l’empire : l’Afrique noire et, surtout, l’Afrique du Nord22. Mais l’intérêt de l’Auxiliaire sur les marchés extérieurs paraît de modeste ampleur. Valatelli attend que la baisse des commandes devienne une réalité pour tenter une expansion hors des frontières métropolitaines. Il choisit de limiter les efforts de prospection à deux directions, l’Afrique du Nord et l’Espagne.
10À la fin de 1949, le conseil d’administration évoque le projet d’étendre l’activité de la société à l’Afrique du Nord, « ainsi que le font de nombreuses entreprises de travaux publics23 ». La Société Auxiliaire Africaine est constituée à Casablanca en mai 195024. Le nom de la nouvelle société indique bien les espoirs de ses fondateurs de ne pas se limiter au seul Maroc. Mais l’expérience se révèle décevante. Seules, les relations anciennes qu’il entretient avec Pechiney assurent la commande du barrage d’Aouli, au sud de Fès, réalisé de 1951 à 195325. C’est l’unique chantier d’importance mené par la SAEETP en Afrique du Nord, dont la filiale ne tarde pas à péricliter, faute de travaux. La tentative d’implantation au Maroc se solde donc par un nouvel échec. Sans doute, faut-il y voir la conséquence d’une arrivée tardive : les concurrents sont bien installés et, surtout, le pays, agité par les troubles qui précèdent son accession à l’indépendance, cesse d’être un marché intéressant. En 1956, la situation est devenue telle que l’Auxiliaire prend la décision de mettre en veilleuse sa filiale africaine, sans que jamais, par la suite, elle n’ait l’occasion de la relancer26.
11En comparaison, le marché espagnol a paru apporter plus de satisfactions. À la fin de l’année 1950, Valatelli fait part au Conseil de son désir de reprendre pied en Espagne27. La conjoncture est à nouveau favorable. De grands travaux y sont à l’étude, en particulier dans le domaine de l’hydraulique agricole. L’Espagne franquiste manque de firmes convenablement équipées, à un moment où la SAEETP risque de se trouver avec un important matériel inutilisé.
12Peu de projets ont reçu autant de soins de la part du PDG. De son propre aveu, il travaille presque toute l’année 1951 à la constitution d’une filiale espagnole28. Il se rend régulièrement outre Pyrénées. Ces efforts débouchent sur la constitution d’une société dénommée Técnicas Especiales ou TECSA29. Pour respecter la législation espagnole qui ne permet pas à une société étrangère de contrôler entièrement une filiale en territoire espagnol, la SAEETP s’associe avec l’entreprise OCISA, l’une des plus importantes firmes de travaux publics du pays, et souscrit pour un quart du capital. Dès 1952, les commandes sont au rendez-vous. Ils participent à d’importants travaux souterrains dans le Nord-Ouest du pays, en particulier au creusement d’une galerie, dans le cadre des travaux d’aménagement de la vallée du Sil, dans la province de Leon30. En 1956, le rapport à l’AGO qualifie de « satisfaisante » la marche de la filiale espagnole31. En fait, comme pour les travaux maritimes, il ne s’agit tout au plus que d’un complément d’activité intéressant, sans que les archives de l’entreprise permettent de le chiffrer avec précision. Rien au milieu de la décennie ne permet plus d’envisager raisonnablement une réorientation de la croissance de l’Auxiliaire vers l’outremer ou l’étranger.
Une entreprise à nouveau en péril
13Bon nombre des entreprises de la branche sont affectés par une sévère réduction de leurs marchés. Comme certains de ses concurrents, la SAEETP éprouve de grandes difficultés à faire face à des résultats fortement dégradés. Écartée des grands projets hydroélectriques, l’équilibre de sa situation financière se trouve menacée par la lourdeur des investissements dans de nouveaux secteurs, et les retards de paiement de certains clients importants.
14La Société Auxiliaire n’est pas la seule entreprise de travaux publics à être touchée par une grave diminution de son activité. Pour l’ensemble de la profession32, le début de la décennie constitue une période difficile. À partir de 1949, l’achèvement de la remise en place des infrastructures détruites, la reconstitution des industries de base et l’inflexion très marquée de la politique d’EDF placent beaucoup de sociétés devant des perspectives très dégradées. L’effet du retrait des commandes publiques – État et entreprises publiques – est brutalement accentué par l’austérité budgétaire, mise en place par Antoine Pinay durant l’année 1952. Le secteur plonge dans une récession profonde : en un an le chiffre d’affaires des travaux publics français s’effondre de 30 %. Néanmoins, la crise ne dure pas.
15Les besoins des grandes entreprises nationalisées ne tardent pas à ouvrir de nouveaux et importants marchés, comme la construction de centrales thermiques, voulue par la nouvelle politique d’EDF ou l’électrification du réseau ferroviaire entreprise par la SNCF. Certains organismes publics ou semi-publics deviennent, aussi, d’importants clients, comme la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), chargée de l’aménagement hydroélectrique du fleuve, les diverses chambres de commerce et d’industrie, et même une organisation internationale comme l’OTAN. L’industrie fournit, aussi, d’importantes commandes, en particulier la sidérurgie en pleine expansion. Celle-ci tend à se concentrer autour d’un pôle nordiste, avec la création d’Usinor en 1947, et un pôle lorrain organisé autour la Société lorraine de laminage continu (SOLLAC) qui voit le jour en 194833. Les entreprises de travaux publics ont, par conséquent, à répondre à une demande, à la fois, en forte expansion et en forte mutation. Pour y parvenir, elles doivent s’adapter aux plans technique, financier et organisationnel34. La concurrence étant de plus en plus acharnée, elles parviennent plus ou moins facilement à trouver une réponse stratégique adaptée. Les grands de la profession, tels que les GTM ou la SGE, possèdent les ressources matérielles et humaines nécessaires. En revanche, certaines sociétés ont beaucoup plus de mal à s’adapter à la nouvelle donne. C’est le cas de la société Hersent, pourtant l’une des plus réputées du secteur35. La généralisation de procédure de l’appel d’offres restreinte, introduite par EDF, en imposant aux entreprises une compétence affirmée dans une spécialité, favorise les mieux dotées et laisse peu de place aux nouvelles venues. Campenon-Bernard, qui bénéficie d’une grande maîtrise des ouvrages d’art, parvient, ainsi, à s’imposer36. Dans ce nouvel environnement, la SAEETP dispose d’assez peu d’atouts et de beaucoup de faiblesses.
16Son image de marque demeure bonne dans la profession et auprès des donneurs d’ordres. En témoigne l’appréciation élogieuse de la Société Générale en 195037 : « Grâce au dynamisme de son Président, cette affaire a pris rapidement une place de premier plan dans son secteur d’activité… » Et la note de conclure : « Elle semble lutter avec succès contre ses concurrents », ce qui apparaît manifestement exagéré. Il est certain qu’au moment où ce rapport est écrit, la SAEETP ne dispose ni des compétences ni des moyens pour s’imposer dans de nouvelles spécialités. Lorsque EDF décide, quelques années après, de renouer avec de grands projets hydroélectriques, elle n’est plus en mesure de revenir dans la spécialité qui avait été sa raison d’être. La taille gigantesque de certains chantiers, comme Roselend, Serre-Ponçon ou celui de l’usine marémotrice de la Rance, l’écarte d’emblée38. Entreprise de taille moyenne, il lui faut trouver des alliances. La société Truchelet et Tansini a montré l’exemple en arrachant le marché du barrage de Tignes, grâce à son groupement avec l’Entreprise Industrielle39. Or, en février 1955, les mêmes Truchelet et Tansini la sollicitent pour s’associer au projet de construction du barrage de Serre-Ponçon, aux côtés de la CITRA, filiale de la SGE40. Pourtant, elle choisit de soumissionner avec les Entreprises Métropolitaines et Coloniales. C’est un échec, car il faut affronter des prix de soumission particulièrement bas de la part des autres groupements. Face à la concurrence, l’insuffisance de l’assise financière de la SAEETP constitue une grave faiblesse.
17Durant l’exercice 1949, son bénéfice net diminue d’environ 20 %, malgré une augmentation du chiffre d’affaires de 30 %41. C’est un fait général dans les travaux publics, commente le rapport à l’assemblée générale, qui invoque la diminution des marges bénéficiaires, l’âpreté de la concurrence et la fiscalité qui ne cesse d’augmenter. La quête systématique de nouveaux débouchés pratiquée par la direction de l’entreprise aggrave la situation. En 1951-1952, en acceptant le marché des pistes de l’aérodrome de Châteauroux, Valatelli prend le risque de pousser à l’extrême les capacités financières de l’entreprise, dans un contexte inflationniste, lié à la Guerre de Corée. L’achat de matériel incite à lancer une émission obligataire de vingt millions en novembre 1951. À deux reprises, en quelques mois, la société doit procéder à des augmentations de capital d’un montant de 175 millions42. Malgré ces ressources nouvelles, les pertes s’accumulent en raison de l’extrême difficulté des travaux. Elles atteignent 225 millions de francs, soit environ les trois quarts des fonds propres de l’entreprise43. Les embarras financiers sont encore accrus par les retards de paiement de nombreux clients, tels que le Port de Marseille, la Société de Wendel, pour laquelle la SAEETP réalise un parc des sports à Hayange en Lorraine, et sa filiale, la SOLLAC, qui lui a passé commande d’une adduction d’eau pour la nouvelle aciérie de Neuve-Maison44. Durant l’année 1952, la situation financière de la Société Auxiliaire paraît critique. La SAE ne doit sa survie qu’à un prêt bancaire exceptionnel, accordé par la Société Générale et le Crédit Lyonnais. Valatelli parvient à l’obtenir en offrant en garantie sa propre fortune45. Privée de commandes hydroélectriques, très affaiblie financièrement, l’Auxiliaire semble revivre la crise de 1935-1936.
La crise du logement : une opportunité historique
18Lorsque la guerre s’achève, la situation du logement en France paraît critique. La crise est générale. Mais les priorités de la Reconstruction sont ailleurs. Il faut attendre 1953 pour que les Pouvoirs publics décident d’intervenir massivement et directement. La mise en place du Plan Courant et l’arrivée de Pierre Bloch-Lainé à la tête de la Caisse des dépôts, appelée à devenir le maître d’ouvrage par excellence de la nouvelle politique46, marquent le point de départ d’une nouvelle politique. Dès lors, d’immenses possibilités s’offrent aux entreprises en matière de construction. Pourtant, ce n’est qu’avec une extrême prudence que la SAEETP décide de saisir l’occasion qui se présente à elle.
Sept décennies de retards accumulés
19Le manque de logements en France se fait ressentir dès la fin du siècle précédent. Pendant de longues décennies, soumis à une législation peu favorable, le marché de la construction demeure peu attractif, malgré l’apparition des premières mesures en faveur de l’habitat populaire. L’explosion de la demande, après la Deuxième Guerre mondiale, vient aggraver les difficultés, alors que le logement ne figure toujours pas au rang des priorités nationales
20Malgré l’absence de statistiques fiables, l’ampleur du problème posé par l’insuffisance du nombre de logements pour la période antérieure à 1940, en particulier ceux destinés aux catégories les plus modestes de la population française, est incontestable. Dans un contexte de faible croissance économique et de dépression démographique, la construction de logements connait une longue léthargie47. La croissance urbaine se ralentit tandis que les revenus des classes populaires sont atteints par la grande dépression de la fin du siècle, réduisant fortement la demande solvable. Après la Première guerre mondiale, la crise de l’immobilier, surtout celui des logements modestes, ne fait que croître. L’effort de construction de la France de l’entre-deux-guerres reste très médiocre, en comparaison de celui de certains de ses voisins. Bien qu’une synthèse des effets de la politique urbaine de la IIIe République fasse encore défaut48, le peu d’intérêt pour la construction de logements populaires est habituellement mis en relation avec le blocage des loyers. Décrété au moment de la déclaration de guerre, il est maintenu avec le retour à la paix et tend à décourager l’investissement immobilier49. Mais d’autres facteurs agissent dans le même sens. La politique fiscale, qui alourdit les droits de succession, accentue largement le phénomène50. L’inflation fait flamber le coût de la construction. Il décuple durant la période. Un recours au crédit aurait pu soutenir la demande. Mais les banques restent peu ouvertes au financement des logements. Elles doivent elles-mêmes subir les restrictions du crédit imposées par les politiques gouvernementales, et la concurrence des emprunts d’État51. Enfin, les institutions financières para-publiques, comme le Crédit foncier de France, ne souhaitent pas intervenir pour combattre la tendance récessive du marché. Jusqu’en 1948, la construction de l’habitat locatif est ainsi découragée.
21Cependant, le logement social est apparu à la fin du xixe siècle, à la suite d’initiatives des entreprises et du mouvement hygiéniste52. Mais l’aide qui est accordée demeure limitée, puisqu’elle ne prévoit que des exemptions fiscales et l’accès aux fonds des caisses d’épargne. En revanche, l’entre-deux-guerres voit la mise en place de politiques de logement et d’urbanisme d’une certaine ampleur. Les nécessités de la première Reconstruction légitiment l’intervention directe de l’État en matière de construction de logements53. La loi Loucheur du 13 juillet 1928 marque un tournant important54. De façon complémentaire à la loi Sarrault qui statue en matière d’équipement des lotissements, elle s’intéresse aux problèmes de financement. Instituant des aides de la Caisse des dépôts qui transitent annuellement par la loi de finances, le législateur prévoit sur cinq ans la construction de 200 000 logements HBM et 60 000 ILM. Le programme demeure trop modeste par rapport à des besoins s’élevant à un million de logements à l’échelle du pays55. Mais les conséquences de l’effort consenti sont incontestables. En effet, entre 1927 et 1939, les habitations à bon marché (HBM) absorbent 20 % de la dépense totale de construction et constituent le moteur de l’industrie du bâtiment jusqu’en 1933. Surtout, ce type d’action permet d’imposer peu à peu l’idée d’une intervention globale des pouvoirs publics en matière de logement social. Rompant avec leurs pratiques, les institutions financières publiques se voient assigner un rôle majeur dans le financement de l’habitat. Cette profonde évolution se traduit, aussi, par l’établissement d’un statut légal de la copropriété en 1938, pourtant autorisé dès 191356.
22Mais ces mesures n’apportent guère de solutions immédiates dans l’après-guerre. La France souffre alors d’une pénurie de logements, autant quantitative que qualitative. Elle touche la plus grande partie de la population. En 1950, sur les quatorze millions de logements que compte le pays, la moitié est surpeuplée57. Les délais d’attente pour obtenir un logement social sont considérables. Les logements libres, qu’ils soient neufs ou anciens, sont très rares, ce qui entraîne des pratiques proches du marché noir58. Trois facteurs viennent fortement aggraver la situation, au point de transformer la question du logement en un véritable drame national. Les besoins se trouvent fortement accrus par la poussée démographique, qui se fait sentir de façon très vigoureuse dès la fin de la guerre. L’urbanisation vient ajouter une pression particulière sur certains points du territoire. L’exode rural vide les campagnes et dirige les flux de population vers les grandes agglomérations, Paris en particulier. Le problème du logement est, donc, particulièrement aigu pour les ruraux qui viennent tenter leur chance en ville. Enfin, l’industrialisation attire une main d’œuvre abondante vers certaines parties du territoire, où les besoins en logements ouvriers augmentent brutalement. C’est le cas de la Lorraine, du couloir rhodanien ou, à une échelle plus réduite, mais qui intéresse au premier chef la SAEETP, la région de Lacq.
23La demande s’exprime de façon massive et brutale, alors que rien ne permet d’envisager de la satisfaire dans des délais rapides. Les initiatives prises peuvent être spectaculaires, comme l’aventure des « castors » de Pessac, en Gironde, qui construisent eux-mêmes leur habitation59. La situation demeure dramatique pendant de longues années. En 1954, 162 000 logements sont construits, alors qu’il en faudrait au moins 300 000 à 320 000 par an : 75 000 pour répondre à la croissance démographique, 120 000 pour renouveler le patrimoine immobilier et plus de 100 000 pour rattraper le retard accumulé60. La grande enquête menée en 1953 par le sociologue P. H. Chombart de Lowe, qui révèle les besoins et les aspirations fondamentaux des ménages, connaît un retentissement significatif auprès du public61. Surtout, le recensement de 1954 est le premier à offrir des précisions saisissantes sur ce qui est devenu le problème numéro un des Français. Près d’une personne sur quatre vit dans un logement surpeuplé, en particulier dans la Région parisienne, où la crise est la plus aiguë62. À Paris même, 400 000 habitent encore dans des meublés dignes de L’Assommoir63. Les statistiques à l’échelle nationale révèlent l’état d’archaïsme profond qui caractérise l’espace de vie des Français : 41,6 % des foyers n’ont pas l’eau courante, 73,1 % sont dépourvus de WC, 89,6 % d’installations sanitaires (douche ou baignoire) et de chauffage central !
Quand le logement devient une priorité nationale
24Cependant, une législation, progressivement élaborée à partir de la Libération par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), donne les moyens d’action nécessaires à une politique volontariste. Celle-ci prend toute son ampleur à partir de 1953, lorsque l’État prend à sa charge le financement d’une grand part du secteur. Mais l’aspect le plus original de cette intervention réside dans l’engagement direct de la puissance publique comme promoteur de l’habitat social, avant tout par l’action de la Caisse des dépôts.
25Pourtant, pendant de longues années, la France ne juge pas nécessaire de faire figurer la question au rang des priorités nationales, à la différence d’autres pays européens, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, qui mettent en place une politique volontariste de construction de logements sociaux dès 194564. En 1952, la République Fédérale Allemande construit cinq fois que la France. En 1945, celle-ci n’a conçu le problème qu’en terme de remplacement des logis détruits. On pense à indemniser les sinistrés. On pare au plus pressé dans les régions détruites, mais rien n’est fait pour éviter une crise chronique à l’échelle nationale. Le Plan Monnet prévoit seulement la reconstruction des immeubles dévastés. L’ensemble de la filière souffre d’une désorganisation chronique : en raison du gel de la construction, la production de ciment prend également du retard jusqu’au début des années 195065.
26Un des paradoxes de la situation est qu’une réflexion approfondie sur les solutions qu’il conviendrait de mettre en œuvre s’est développée au sein de l’Administration et des milieux économiques. Vichy est la période où se sont formés les hommes et les doctrines qui gèrent la modernisation des villes françaises à partir de la Libération66. La législation, progressivement élaborée à partir de la Libération donne les moyens d’action nécessaires à une politique volontariste. Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, qui succède à la direction de l’Urbanisme, est créé dans ce but en novembre 1944. S’appuyant sur la loi des dommages de guerre, le MRU reçoit carte blanche pour rebâtir et moderniser, en ôtant aux communes leur autonomie en matière urbaine67. Assurée d’une volonté politique forte, incarnée par Eugène Claudius-Petit, ministre de septembre 1948 à janvier 1953, la direction de la Construction du ministère, conçoit son rôle comme celui d’une réflexion et d’une impulsion. On retrouve dans les discours officiels les termes du xixe siècle : « Il faut de l’air, de la lumière pour tous68. » Il s’agit de supprimer les taudis, cause de la délinquance. Mais des arguments nouveaux apparaissent. Le garnis ouvrier empêche le redémarrage de l’économie française, handicape la productivité et entrave la réalisation du plan. En matière d’urbanisme, la loi du 15 juin 1943 constitue un véritable code, qui ouvre la voie à des interventions publiques69. Mais la pièce maîtresse de l’appareil législatif est la loi du 1er septembre 1948 qui annule les dispositifs de blocage des loyers d’après la Première Guerre mondiale. Elle vise expressément à relancer la construction, en rendant à nouveau attractif l’investissement immobilier locatif70. Une hausse régulière des loyers doit assurer un déblocage du marché de la construction. Les loyers sont désormais établis à la surface corrigée. La création de l’allocation-logement tend à faire rendre acceptable par les catégories populaires des augmentations qui ne doivent être que raisonnables71. Il s’agit de changer les mentalités des Français, qui depuis plus d’un quart de siècle, ont pris l’habitude de dépenser le moins possible pour le logement.
27Des décisions de grande ampleur sont alors prises. La loi du 21 juillet 1950 constitue une avancée considérable en généralisant les primes et le système des prêts à des taux bonifiés pour le logement social. Ils peuvent couvrir les quatre cinquièmes du coût d’achat d’un logement neuf. Ce type d’habitat qui prend le nom d’HLM, n’a plus grand chose en commun avec les anciennes HBM. La loi du 6 août 1950, en créant le Fonds national d’aménagement du territoire, dote les pouvoirs publics des possibilités de financer les dépenses d’équipement urbain. De nouvelles mesures prises en 1952 complètent ce dispositif. Un décret augmente le pourcentage de l’aide des prêts du Crédit foncier, tandis que la loi du 28 avril exonère de droits de mutation les terrains destinés à être construits, à condition de terminer les logements dans les quatre ans. La législation fixe également les normes minimales de surface et d’équipement des logements populaires. Pourtant, malgré leurs mérites, ces actions paraissent bien disproportionnées en regard d’une crise du logement qui ne cesse de s’aggraver. En 1953, la conjoncture est devenue critique. Des mouvements de protestation se développent, comme celui de l’abbé Pierre, en faveur des sans logis de Saint-Denis et de Nanterre. La presse et la radio, accordant une large place aux obsèques d’un jeune enfant mort de froid dans une roulotte de banlieue, font connaître à toute la France la gravité de la situation
28Les pouvoirs publics décident, alors, de se donner le rôle de promoteur du secteur du logement social. Cette option confère sa spécificité à la politique française du logement de la période des trente glorieuses. Bien que le problème du logement se pose dans l’ensemble des pays d’Europe de l’Ouest, on ne retrouve un interventionnisme d’une telle ampleur qu’en Italie et en Espagne72. Ce rôle de batisseur de l’État français demeure peu étudié par les historiens. Ainsi, aucune étude approfondie n’existe sur le pourtant célèbre Plan Courant, du nom du successeur d’Eugène Claudius-Petit, Pierre Courant, maire du Havre, qui incarne la politique lancée durant l’année 1953. Reprenant partiellement les projets antérieurs, il leur donne une dimension nouvelle73. L’objectif est de parvenir rapidement à doubler le nombre de logements. Il est atteint en trois ans seulement, grâce à une triple action. Elle porte, à la fois, sur la prise en charge par les Pouvoirs publics de la demande peu solvable, sur le règlement de la question foncière et sur la réorganisation d’une filière construction, capable d’une production de masse rapide et bon marché74.
Graphique 1. – Le décollage de la production de logements en France (1953-1956).

Source : ministère de l’Équipement, in D.Huault, « La crise du logement en France », Métropolis, 40, 1979.
29L’État prend à sa charge du financement du logement. La création des logécos, par le décret du 16 mars 1953, s’adresse aux catégories moyennes. On ouvre, ainsi, les aides au logement à la majorité de la population française. Une structure tripartite du marché du logement se met en place, où les aides publiques couvrent près de 90 % des logements. Le secteur social, qui existait déjà, voit son importance considérablement accrue. L’apparition des logécos est en grande partie à l’origine du développement d’un deuxième sous-marché, celui dit du « secteur aidé ». Ce type de logements bénéficie de primes élevées et de prêts spéciaux très avantageux du Crédit foncier. Là encore, la prise en charge par la collectivité est considérable puisque l’apport personnel est réduit à 20 %. Le secteur aidé connaît une expansion considérable et représente plus de 56 % du marché dès 1956. Dans ce système, seul l’habitat aisé, à haute rentabilité, constitue un marché libre, confié au capital privé.
30Les sociétés de dix salariés et plus doivent, désormais, affecter 1 % du montant des salaires bruts à la réalisation de logements neufs. D’un mécanisme très souple, la loi laisse aux entreprises le libre choix du mode d’investissement, soit directement, soit en s’adressant à des organismes. Les principaux bénéficiaires en sont, assez logiquement, les offices d’HLM ou les organismes patronaux spécialement destinés à promouvoir les logements sociaux. Le 1 % présente l’avantage de réduire le coût de la participation des entreprises. Son importance apparaît comme fondamentale puisqu’en 1961, il représente 20 % du coût de la construction totale. Il finance, ainsi, une bonne part des grandes opérations immobilières qui accompagnent la création de nouveaux sites de production.
31La loi du 6 août 1953, sur l’expropriation d’utilité publique, autorise la création de zones réservées où cette procédure est possible. En 1954, un nouveau code de l’urbanisme permet d’harmoniser les textes relatifs à la construction et l’urbanisme. Enfin la loi cadre du 7 août 1957 pose le principe des zones à urbaniser en priorité (ZUP), que l’ordonnance et les décrets du 31 décembre 1958 définissent comme des opérations de plus de 500 logements destinées à permettre de réaliser des économies d’échelle75. Mais ces performances ne sont rendues possibles que parce que l’État se préoccupe de faire sauter les blocages que pouvait susciter l’inorganisation de la filière construction. Les décrets-lois de 1953-1954-1955 permettent à des établissements publics ou des sociétés d’économie mixte de coordonner, en tant que personnes morales, l’action des différents maîtres d’œuvre chargés de la réalisation des chantiers. La présence du secteur public ou para-public devient alors un phénomène majeur de la construction française, avant tout par l’action de la Caisse des dépôts et consignations. Cette vénérable institution trouve une nouvelle mission dans la prise en charge du logement populaire par l’intermédiaire d’une filiale spécialisée76. En 1954, Pierre Bloch-Lainé, qui vient d’être nommé à sa tête, décide de l’engager dans une fonction nouvelle pour elle, celle de maîtrise d’ouvrage. À cette fin, on crée la Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts, la SCIC, dont le sigle est appelé à devenir un des symboles de la modernisation française des trente glorieuses. Elle devient, en effet, l’initiatrice d’une nouvelle échelle d’intervention en matière de logement, grâce au montage des opérations immobilières les plus considérables qu’on ait vu jusque-là. Celles-ci peuvent aller jusqu’à la création de véritables villes (annexe I).
Comment se reconvertir en entreprise du bâtiment ?
32Face à ces nouvelles perspectives dans le domaine de la construction de logements, la réorientation des activités de l’entreprise ne se dessine qu’avec une grande prudence. Les commandes de cités ouvrières en Lorraine, en 1951-1952, lui permettent de constituer ses premières équipes spécialisées. Mais il faut attendre 1953 pour que l’important chantier de Touvent permette d’envisager une reconversion. Celle-ci devient une réalité dans les années qui suivent.
33Tout indique que la démarche de Valatelli s’est accompagnée de circonspection. Son projet semble avoir mûri progressivement autour de principes simples, faciles à mettre en œuvre et sans coût excessif. La SAEETP a travaillé, auparavant, à l’édification de cités ouvrières pour le compte d’entreprises industrielles, comme Penarroya, ou d’entreprises publiques comme la SNCF et EDF. La première lui confie la charge de trente logements à Portes-Les-Valence, dans la Drôme77 ; quant à Électricité de France, elle lui demande de réaliser les logements de son personnel à proximité du barrage de Treignac. Ces deux chantiers, en date de l’année 1948, semblent se situer au point de départ de l’intérêt de l’Auxiliaire pour les techniques de construction préfabriquée. Elles lui sont imposées par ses clients qui souhaitent une livraison rapide. Dans la Drôme, la SNCF choisit une maçonnerie en béton de gravier, ce qui permet d’achever les travaux en six mois. C’est probablement à ce moment que les dirigeants de la SAEETP découvrent les avantages d’une préfabrication légère. Elle se révèle simple à mettre en œuvre, ne nécessitant ni grands moyens techniques ni beaucoup d’expérience du bâtiment, et permet une remarquable rapidité d’exécution.
34Les années 1951-1952 voient le projet hésiter avant de se préciser. En janvier 1951, le PDG explique aux représentants de la Société Générale qu’il est en train de procéder à une reconversion, mais il semble tergiverser encore plus d’une année sur l’ampleur qu’il convient de lui donner78. C’est la SOLLAC qui lui fournit l’occasion d’expérimenter les premières constructions en série. Le sidérurgique lorrain souhaite construire des milliers de logements pour ses ouvriers. Pour mener à bien cet énorme projet, il s’adresse à la SGE. Celle-ci développe au même moment de méthodes de construction nouvelles venues des États-Unis. En 1950, un contrat est signé pour la réalisation de 21 000 logements79. À Guénange, au sud de Thionville, où s’édifie un nouveau train de laminoir, en plus des petits collectifs HLM destinés à loger le personnel, la nouvelle cité doit comporter des services administratifs, des magasins, un groupe scolaire, une église, des magasins, un cinéma, un stade, une station d’autocars. Comme il est habituel dans le BTP, la SGE, soumise à des délais très courts, sous-traite des lots à diverses entreprises. La SAETP sait tirer parti des bons rapports que Roger Saloy, son directeur administratif, a tissés avec les dirigeants de la SGE sur les chantiers pyrénéens. Elle obtient la deuxième tranche du programme, représentant 189 logements.
35Le marché est signé le 16 février 1952 avec la Société Anonyme Mosellane d’HLM. Son montant s’élève à 291 millions, dont 242 pour le gros œuvre80. La commande, rémunérée à environ 8 %, doit être achevée en dix mois, sous la direction et le contrôle de la SGE. La SAEETP agit comme chef de file d’un groupement de quatre entreprises. Les principales sociétés de second œuvre qui accompagnent, ensuite, l’Auxiliaire dans son expansion sont déjà présentes. Le contrat prévoit que les murs porteurs et les planchers doivent être réalisés en béton banche de « pouzzolane d’Auvergne », selon le procédé de préfabrication Isorapid que l’Auxiliaire vient de faire breveter. Dès l’automne 1950, la technique avait été testée à Limoges avec la construction d’une maison double81. Au printemps 1951, 1a SOLLAC et la SGE exigent qu’un deuxième exemplaire soit construit, à titre de démonstration, sur les lieux mêmes du chantier. Avec de telles précautions Guénange est un succès. Les Houillères de Lorraine décident alors de lui passer la commande de quatre immeubles et l’adduction d’eau de la cité de Bousse, destinée à loger le personnel de la centrale thermique de Richemont82.
36Le chantier de Forbach occupe une place particulière dans l’histoire de l’entreprise, peut-être plus décisive que celle de Guénange. En septembre 1952, l’Association Syndicale de Reconstruction de la ville la charge de construire 48 logements HLM, de même que des boutiques et des garages83. Alors que les plans de Guénange avaient été dessinés par le bureau d’études de la SAEETP, c’est ici que se met en place la collaboration architecte-entreprise, si déterminante par la suite. L’architecte parisien choisi par les HBL, Edouard Menkès, travaille en lien étroit avec les techniciens de l’entreprise. Celle-ci occupe la place d’entreprise pilote tandis que les quatre mêmes entreprises sont chargées du second œuvre. C’est sur ce chantier que la SAEETP forme ses premières équipes compétentes. Elle s’est associée à l’entreprise Astaldi, sans doute sur les conseils de Valatelli84. Astaldi cherche précisément à développer son activité sur le marché français. Guiseppe Maggioni, beau-frère de Valatelli, en est le directeur pour la France Les Italiens disposent des plâtriers et du matériel qui font défaut à l’Auxiliaire85. L’association se révèle efficace et constitue une démonstration éclatante des possibilités offertes par le procédé de préfabrication utilisé par la SAEETP. Les travaux sont achevés en six mois, au printemps 1953, alors que des méthodes traditionnelles auraient demandé trois années pour un prix de revient supérieur. Par ce succès, dont la presse de l’époque se fait l’écho86, Forbach déclanche à partir de 1953 un mouvement de croissance rapide des commandes de logements qui propulse le bâtiment au premier rang des activités de l’Auxiliaire.
37Le marché semble ouvrir des possibilités immenses. Pour rattraper son retard, la France doit construire trois cents mille logements par an pendant vingt ans. Accomplir cet effort « à la soviétique » suppose de rationaliser le bâtiment, le planifier, regrouper les maîtres d’ouvrage. À condition de répondre à ces normes, une entreprise de construction voit s’ouvrir à elle des perspectives illimitées. Au mois d’août 1953, Valatelli déclare au conseil qu’il fonde tous ses espoirs pour les mois à venir dans cette nouvelle branche d’activité87. La forte implantation de la Société Auxiliaire dans la région de Limoges apporte une aide décisive. L’office public d’HLM de la ville lui adjuge la construction de 110 logements88, suivie, l’année suivante, de la commande de 378 appartements. Mais le tout premier chantier de très grande envergure est déjà engagé depuis le mois d’août 1953, avec les 410 logements de Brassioux, destinés aux officiers de la base américaine de Touvent, près de Châteauroux.
38Il est réalisé pour le compte de la SCI Lorraine-Aquitaine, dont le promoteur principal est le groupe d’assurances Drouot. Le délai imposé est très court : douze mois seulement. Le tout nouveau directeur du bâtiment que Valatelli vient de choisir, le jeune Maurice Mathieu, comprend l’enjeu du marché. C’est le moyen d’asseoir la réputation d’efficacité de l’entreprise. Il peut à nouveau compter sur les spécialistes d’Astaldi. Il embauche un directeur des travaux de qualité, Jean Bernasconi, qui amène avec lui des chefs de chantiers italiens expérimentés. L’osmose avec les équipes françaises s’effectue sans problèmes au point que le chantier peut être achevé avant le terme prévu. L’Auxiliaire a démontré qu’elle est capable de mener des chantiers de logements de grande envergure en un temps record. L’assemblée générale de 1955 l’annonce fièrement aux actionnaires : « La branche bâtiment a procuré à la société, surtout dans la cité de Touvent, près de Châteauroux et dans des groupes de logements de diverses catégories dans la région de Limoges, des succès très appréciés par les autorités compétentes et lui ont ouvert des nouveaux travaux pour les exercices futur89. » Les deux exercices qui suivent, 1954 et 1955, dépassent toutes les espérances. Le carnet de commande est désormais bien rempli90. La production opère un véritable décollage, avec un quasi doublement chaque année : de 400 logements livrés en 1953, on passe à 850 en 1954 et 1 500 en 1955. Dès le milieu de l’année 1955, les progrès de la nouvelle activité sont tels que Valatelli peut parler de succès91. Il considère, d’ailleurs, l’exercice 1955 « comme le dernier d’une étape troublée92 ». Trois années (1953-1955) ont donc suffi pour opérer une reconversion.
Graphique 2. – Le décollage de la construction de logements par la SAEETP (1951-1955). Nombre de logements livrés.

Source : SAEETP, 10 000 logements par jour en béton caverneux, s.d.
Changement d’échelle (1955-1959)
39Dans les années qui suivent, les activités de construction de logements de l’Auxiliaire connaissent un développement considérable et l’entreprise parvient à s’imposer sur les marchés. Les chantiers touchent désormais au gigantisme. La réalisation d’établissements scolaires vient constituer un deuxième pôle où s’affirme, en plus réduit, un succès identique. Il compense l’échec des tentatives de relance de travaux publics.
Une conquête des marchés
40La taille des marchés obtenus par la SAEETP s’élève rapidement en quelques années. Des 400 logements construits à Touvent en 1954, on passe dès l’année suivante aux 612 du chantier de Bondy. La croissance des commandes devient, ensuite, vertigineuse : 1 500 logements livrés à Poissy en 1956-1957 et plus de 3 000 pour la construction de Mourenx, quelques mois après93. L’obtention de ces travaux relève d’une véritable stratégie de conquête des marchés de l’Auxiliaire. Maurice Mathieu est amené à la définir dès les tout premiers chantiers, puis il la perfectionne ensuite. Elle consiste en quelques règles fondamentales qui imposent une image de compétence de l’entreprise. Son développement repose sur un réseau d’étroites relations entretenues avec les principaux décideurs du bâtiment. La réussite est telle qu’elle transforme l’entreprise de façon spectaculaire en l’espace de quelques années.
41Maurice Mathieu a pu constater que terminer le chantier de Touvent bien avant les délais prévus s’est révélé très rentable financièrement, grâce aux primes prévues à cet effet. L’Auxiliaire y a gagné une bonne image lui permettant d’espérer de nouvelles commandes. Du coup, il comprend que, pour se faire une place, la société doit faire siennes des pratiques inverses de celles de la plupart de ses concurrents. Il prend la décision de ne jamais déposer de réclamations auprès de ses clients94. Finir ses chantiers dans le temps le plus court devient la règle d’or de l’entreprise. Ainsi, la Société Auxiliaire gagne très rapidement une réputation de partenaire sérieux, compétent et loyal. Elle s’impose presque naturellement, lorsque l’urgence se fait particulièrement pressante. « Si un constructeur était pris par le temps, il appelait la SAEETP » se rappelle Maurice Mathieu95.
42L’établissement de liens étroits, voire personnels, avec certains hauts responsables facilite l’obtention des commandes, parfois de façon décisive. Les relations avec le Directeur Général de la SCIC, Léon-Paul Leroy, tiennent une place essentielle. Le chantier de la SCIC à Poissy a démarré depuis plusieurs mois lorsque, au milieu de l’année 1956, lorsque Mathieu est à nouveau appelé par le Directeur général de la SCIC. L’offre est encore plus spectaculaire. 3 000 logements doivent être construits dans une ville nouvelle, à Mourenx, dans les Basses Pyrénées, près du gisement de gaz de Lacq. Maurice Mathieu s’engage à livrer les 1 000 premiers logements au bout d’un an. La performance le fait choisir pour d’autres grandes réalisations de la SCIC, les Mureaux (1958-1959), Viry-Châtillon (1959-60) et Pierrelatte (1959). Elle lui vaut une commande particulièrement prestigieuse, celle de la construction de Nouakchott, capitale de la nouvelle République de Mauritanie, avec tous ses services, ministères, hôpitaux, écoles. L’image flatteuse de la SAEETP auprès des responsables de la SCIC en fait une entreprise presque indispensable. Mais elle peut également compter sur les relations privilégiées qu’elle entretient avec certains architectes.
43Officiellement l’architecte qui est choisi par le maître d’ouvrage n’a aucune marge de discussion avec lui, en ce qui concerne le choix de l’entreprise constructrice96. La réalité paraît très différente. Les architectes les plus réputés, personnages considérables, en général lauréats du prix de Rome, sont en mesure de peser sur la décision de façon déterminante. On retrouve les mêmes architectes, assez régulièrement, sur les grands chantiers de la SAEETP. Le témoignage de Maurice Mathieu permet, à nouveau, d’éclairer ces rapports. Selon lui, les architectes, à qui convenait la collaboration de la SAEETP, « faisaient tout » pour travailler à nouveau avec ses équipes97. Et de citer l’exemple de Gustave Stoskopf, maître d’œuvre de l’ensemble des chantiers réalisés par l’Auxiliaire pour le compte de la SCIC. L’architecte a apprécié la prestation des équipes de Maurice Mathieu lors du premier chantier, celui de Bondy. Aussi souhaite-t-il les retrouver pour d’autres réalisations. Selon Maurice Mathieu, Stoskopf préparait tous ses projets de façon à avantager la Société Auxiliaire et conevait les bâtiments en fonction de la technique du coffrage-grille dont elle détenait le monopole. C’est le cas, dans les années suivantes, pour Poissy-Vernouillet et les Mureaux dans la Région parisienne ou Valentigney dans l’est de la France.
44On retrouve ce même jeu d’influence des architectes auprès d’autres clients importants. À la fin de 1959, pour la construction d’une cité de 2 000 logements située à Bollène, près de la centrale atomique de Pierrelatte, l’architecte Lafon impose au Commissariat à l’énergie atomique le choix de la SAEETP. À l’échelon local, certains architectes pèsent d’un grand poids sur la décision des offices municipaux d’HLM. Ainsi, à Limoges, le groupement des architectes, Lescure, Campagne, Villemain, qui dirigent la construction de la cité du Vigenal en 1954, se retrouve dans les commandes successives de l’office municipal d’HLM98. À Strasbourg, c’est, à nouveau, grâce à Gustave Stoskopf que l’Auxiliaire réussit à s’imposer dans une région où elle n’avait pas encore de références, pour la réalisation des 2 200 logements de la Meinau et du Neuhoff, construits entre 1957 et 1960.
45Mais certaines municipalités font appel directement à la SAEETP, dont elles apprécient la rapidité d’exécution. De nombreux maires demandent au ministère de l’Éducation nationale de lui confier leurs projets de construction d’écoles. La proposition peut agir en sens inverse, certains maîtres d’ouvrage publics conseillant aux municipalités d’utiliser les services de l’Auxiliaire, pour être certains que les établissements puissent être terminés à la rentrée scolaire99. Ainsi, lorsque, à l’approche des élections municipales de 1958, le maire de Bordeaux, Jacques Chaban Delmas, souhaite donner une impulsion à la construction sociale, la SCIC lui recommande de faire appel à la Société Auxiliaire. Elle seule semble capable de terminer 1 000 logements avant les élections, c’est-à-dire en un an. Sans aucune étude préalable, Maurice Mathieu accepte et décide d’utiliser les plans des logements de Mourenx pour réaliser le même type d’appartements. L’Auxiliaire parvient ainsi à s’imposer à Bordeaux qui devient, dès lors, une de ses principales implantations. Ces liens personnels expliquent le mode très particulier de passation des marchés, fort différent de ce que la SAEETP avait connu jusque-là.
46Plus de 80 % des marchés obtenus de la SAEETP ne relèvent ni de l’adjudication ni de l’appel d’offres, mais d’un troisième mode de passation, en principe exceptionnel, celui du gré à gré100. Une telle procédure, sans recourir nécessairement à une mise en concurrence entre les entreprises, conserve à l’administration une entière liberté de choix. Elle peut, dans les faits, s’adresser directement à une société en particulier101. Le code des marchés publics prévoit que, seule, une urgence impérieuse l’autorise. Avant la guerre, les travaux militaires en bénéficiaient, mais, désormais, les administrations civiles et les entreprises publiques y recourent de plus en plus102. De ce fait, la très grande majorité des commandes confiées à la SAEETP se fait en dehors des règles habituelles de la concurrence. Seule compte la capacité à répondre à la demande, spécialité de l’Auxiliaire.
47Tous les indicateurs chiffrés de la deuxième moitié de la décennie 1950 permettent de mesurer l’ampleur du phénomène qui transforme radicalement l’entreprise. Il est, parfois, difficile d’évaluer avec précision le montant des travaux obtenus103. Néanmoins, toutes les tendances enregistrées concordent pour témoigner d’une expansion exceptionnelle. Entre 1955 et 1959, le chiffre d’affaires croît de 400 % en francs constants, soit plus de 14 % en rythme moyen annuel. À la fin de 1959, le total des bilans de l’entreprise représente plus de quatre fois le montant atteint quatre ans plus tôt. Au développement exceptionnel de l’activité répond une amélioration encore plus nette des marges bénéficiaires. L’envolée du bénéfice atteint 825 % entre 1955 et 1959, toujours en francs constants, soit 19,4 % en rythme moyen annuel.
Graphique 3. – L’essor du chiffre d’affaires et des bénéfices de la SAEETP dans la seconde moitié des années 1950 (en francs constants).

Source : rapports aux Assemblées générales de la SAEETP
48Surtout, la croissance change la nature de l’entreprise. Le bâtiment l’emporte désormais en importance sur les travaux publics.
Graphique 4. – L’évolution des activités de la SAEETP (1955-1959) en pourcentage du montant total des travaux.

Source : rapport à l’AGO pour l’exercice 1962, 15 mai 1963.
49Les années 1958-1959 voient s’opérer un changement d’échelle, pour une entreprise capable d’édifier de véritables villes. Son capital social a doublé, passant de 3,5 millions en 1954 à 7 millions en 1959, soit environ une croissance de 46 % en francs constants104. C’est, sans doute, à cette période que la Société Auxiliaire se hisse au premier rang des entreprises françaises de bâtiment. Il n’est pas possible de déterminer avec précision la date, ni même l’importance de son avance sur ses concurrents. La majorité des firmes spécialisées dans le bâtiment, non cotées en bourse, observent une prudente discrétion sur le volume de leur activité. Néanmoins, les avis convergent pour saluer la « réussite exceptionnelle » d’une entreprise qui se développe plus rapidement que l’ensemble de la branche bâtiment.
Poissy, Les Mureaux, Mourenx… les chantiers du gigantisme
50Dans sa recherche de débouchés, la Société Auxiliaire ne néglige aucune catégorie de chantiers. Elle construit des logements individuels et des petits collectifs mais la réalisation des grands ensembles devient sa spécialité. Elle y reçoit la commande de quartiers nouveaux, où l’édification de milliers d’appartements s’accompagne de réalisation de l’ensemble des équipements. La création de la première des villes nouvelles françaises achève de l’imposer comme le constructeur attitré de ce type d’urbanisme.
51Entre 1955 et 1959, la part de la SAEETP dans la production française fait plus que tripler. Sa place relative dans l’ensemble de la production française demeure, cependant, modeste.
Graphique 5. – Les logements construits par la SAEETP (1955-1959). Logements terminés.

Source : SAEETP, 10 000 logements par an en béton caverneux, s.d.
52L’activité régionale marque des différences très importantes, à la fois en volume et en rythme de croissance. La Région parisienne se trouve en tête, avec la plupart des grands chantiers confiés par la SCIC. Néanmoins, grâce à Mourenx, l’activité de la SAEETP dans le Sud-Ouest marque une poussée spectaculaire. Dans une moindre mesure, on retrouve le même phénomène dans l’Est, avec Strasbourg et Sochaux. Elle est chargée de la création ex nihilo de vastes quartiers, ou même de véritables villes nouvelles, destinés à loger « les collaborateurs d’industries nouvelles ou en expansion105 ». C’est ce type de réalisation que la Société Auxiliaire nomme « grands ensembles », en adaptant à la réalité de ses propres chantiers l’expression popularisée par le directeur de la Construction, Adrien Spinetta106. La deuxième partie des années 1950 voit l’entreprise s’imposer dans ce domaine. Entre 1956 et 1958, la construction des 3 100 logements des deux cités de Poissy et Vernouillet, pour loger le personnel des usines Simca constitue, par son ampleur, une première en France. Elle est suivie, en 1958, des 1 350 appartements des Mureaux, commandés par Renault pour ses ouvriers travaillant à l’usine de Flins. En 1959-60, le rythme des commandes s’envole, avec 2 400 logements destinés à loger le personnel de la préfecture de police à Viry-Châtillon, 2 700 construits pour le personnel de Peugeot à Valentigney près des usines de Sochaux et 2 000 commandés par le Commissariat à l’énergie atomique à proximité de la centrale de Pierrelatte dans la vallée du Rhône. Mais la réalisation majeure demeure la ville nouvelle de Mourenx dans les Basses-Pyrénées et ses 12 000 habitants à loger dont la commande est passée par la SCIC au milieu de l’année 1956.
53Les chantiers de très grande envergure autorisent un surcroît de diversité. Il est incontestable que les grands ensembles, du fait même leur ampleur, multiplient les possibilités pour les architectes et, donc, les possibilités de mise en œuvre pour les entreprises. Même si l’organisation demeure fondamentalement la même que pour les opérations de moindre ampleur, les directeurs et les chefs de chantier doivent faire siens les soucis urbanistiques du maître d’œuvre. À Vernouillet, où la Société Auxiliaire construit 748 lopofas à partir du printemps 1956 sous la direction de Gustave Stoskopf, la situation exceptionnelle autorise une réalisation d’ensemble beaucoup plus ambitieuse107. La nouvelle cité s’édifie sur le coteau de la Seine, au cœur du vaste parc d’un château dont l’architecte a le souci de préserver la perspective, en jouant sur la disposition et la hauteur des bâtiments108. Une seule tour de quatorze étages domine des bâtiments quatre niveaux. C’est une réussite. Dans une interview du 15 août 1959, où il dresse un bilan des grands ensembles, le ministre de la Construction Pierre Sudreau cite en exemple son « échelle humaine » et son « parc ombragé109 ».
54Cette volonté de bâtisseur trouve plus difficilement à s’exprimer dans l’imposante réalisation de Poissy-Beauregard. Les 2 200 logements sont organisés de part et d’autre d’une avenue centrale de 800 mètres de long, selon un agencement très nuancé de volumes, comme l’assurent les revues architecturales de l’époque. Des tours permettent des effets monumentaux, ailleurs on se contente de « paysages urbains plus modestes dans le but de traduire une certaine continuité ».
« Partout ce parti pris [de volumes très différenciés] tend à créer des effets de perspectives permettant de mettre en valeur certains bâtiments tels que tours, centres commerciaux, maison sociale, etc. Selon l’esprit recherché, les percées entre bâtiments sont plus ou moins importantes, les hauteurs et le développement linéaire extrêmement variables110. »
55Or, l’équipement systématique des grands ensembles constitue pour la SAEETP, une opportunité de premier ordre qui contribue à augmenter l’intérêt de ces marchés. Peu d’entreprises sont à même de construire des logements et réaliser les travaux d’équipement que requièrent les grands ensembles. Responsable de l’ensemble des opérations, c’est à elle que reviennent tout naturellement ces commandes supplémentaires, d’autant que les deux formes d’aménagements les plus importantes sont précisément des domaines où son expérience achève de l’imposer. La construction d’écoles est devenue une de ses spécialités, parallèlement à l’édification de logements. Les travaux de voirie et de réalisation de parkings lui permettent de renouer avec une expérience ancienne. Les grands ensembles permettent à l’Auxiliaire de déployer une synergie entre ses diverses spécialités, dont peu de firmes sont capables à l’époque.
56Parmi les sept opérations de très grande envergure que la SAEETP dirige en tant qu’entreprise générale dans la deuxième moitié des années 1950, Poissy-Vernouillet, Les Mureaux et Viry-Châtillon en Région parisienne, Strasbourg-La Meinau, Strasbourg-Neuhof et Valentigney dans l’Est, Mourenx dans le Sud-Ouest, c’est ce dernier chantier qui lui offre la possibilité la plus éclatante de manifester toute l’étendue de ses compétences.
Carte 3. – Les grands chantiers de la SAEETP durant la seconde moitié des années 1950.

57La ville nouvelle de Mourenx est la conséquence de la naissance du complexe industriel de Lacq, lui-même fruit de la mise en exploitation à la fin de l’année 1955 des gisements de gaz découverts deux ans auparavant par la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (SNPA111). Le pôle industriel conçu à partir de 1956 autour de Lacq comprend principalement la centrale thermique EDF d’Artix, l’usine d’aluminium de Péchiney à Noguères et l’ensemble chimique Aquitaine-Chimie de Pardies. La création est de toute première importance. Après avoir hésité à construire des logements dispersés dans les villages environnants, le regroupement des opérations apparaît plus rentable à la direction de la SNPA. En septembre 1956, elle demande à la SCIC de prendre en charge la construction d’une véritable ville nouvelle. Le plan d’urbanisme, arrêté en novembre rend nécessaire la création d’une véritable structure urbaine capable de loger et de fournir les services indispensables aux familles des travailleurs du pôle industriel, soit quelque 12 000 personnes.
58En mai 1957 la SCI de Lacq et de sa région est constituée entre la SNPA et la SCIC, à hauteur de 20 % des capitaux chacune, un prêt de la Caisse des Dépôts et le Crédit Foncier de France fournissant le reste112. Les autres entreprises du complexe, Pechiney, Aquitaine-Chimie et EDF viennent, ensuite, s’associer à l’opération. C’est l’architecte-urbaniste de la SNPA, J. Manneval qui fait rapidement figure de principal inspirateur. Il a le souci de construire une véritable structure urbaine, composée de quartiers distincts dénommés « unités de logements » entourant un centre ville. Il doit regrouper les fonctions administratives, commerciales et culturelles principales de la cité. L’espace est réservé aux piétons : « pour assurer l’harmonieux développement de la ville, la circulation automobile a été organisée en périphérie du centre, laissant aux piétons une circulation sans danger », note Manneval dans ses comptes rendus de chantier le 23 août 1957. Le schéma directeur prévoit cinq unités de 300 logements collectifs ou individuels, rappelant les quartiers des villes anciennes113. Une tour de douze étages, sensée évoquer un clocher, localise les équipements de base dans chacun d’entre eux : des centres commerciaux secondaires de dix à douze magasins, des équipements sociaux comprenant des garderies et des espaces de jeux pour les enfants, des équipements techniques comme les chaufferies. Les automobiles ne doivent pénétrer qu’occasionnellement à l’intérieur des unités et stationnent normalement en périphérie. C’est également en périphérie qu’ont été prévus les équipements généraux importants, comme le parc des sports et les écoles techniques et professionnelles.
59En raison de l’extrême urgence, « on avait le feu au derrière » se souvient un représentant des architectes de la ville de Mourenx114, la SCIC attribue le marché de gré à gré à la Société Auxiliaire en tant qu’entreprise pilote115, au vu de sa réussite sur le chantier de Poissy. Le chantier s’ouvre en juillet 1957, sous la direction de ses deux ingénieurs Pierre Brion et André Magnet. La majorité du millier d’ouvriers est composée des Italiens qui se contentent de conditions très sommaires d’hébergement, dans des baraquements ou même les bâtiments en construction dépourvus d’eau courante. Pourtant, Mourenx permet à la SAEETP de prouver, à nouveau, la haute productivité de ses chantiers. Une équipe de vingt-et-un hommes est capable de monter un étage de tour en trois jours et les livraisons mensuelles atteignent progressivement 270 à 280 appartements. À ce rythme, les premiers logements peuvent recevoir leurs premiers occupants dès le mois de mai 1958 et, comme elle s’y était engagée, la SAEETP livre une première tranche de 1350 appartements durant l’été. Au total, 3184 logements sont construits en un peu plus de trois ans, selon un respect scrupuleux du programme d’origine. Une deuxième tranche est achevée en septembre 1959 et la troisième un an après.
60Tout au long des travaux, la SCIC suit avec une extrême attention le déroulement des opérations. Elle a engagé son prestige dans une réalisation qui constitue une première pour le pays tout entier, celle de la création ex nihilo d’une ville dans sa totalité et sa complexité. Chaque vendredi, ses représentants viennent à Mourenx, avec les architectes et les directeurs de chantier de la SAEETP, assister à la réunion de chantier. À plusieurs reprises, L.-P. Leroy inspecte les travaux et ne se prive pas d’intervenir personnellement pour en modifier les plans. En juillet 1958, il estime que les bâtiments sont trop espacés, ce qui risque de nuire à la rentabilité de l’affaire. Suivant ses avis, les architectes décident alors de modifier le plan-masse et de rajouter une dizaine de bâtiment afin d’en densifier le tissu. Mais le maître d’ouvrage apprécie la prouesse technique dont est capable l’Auxiliaire. « La réalisation à un rythme accéléré du programme Mourenx-ville nouvelle116 » achève d’imposer l’entreprise comme l’interlocuteur naturel des décideurs publics pour les projets de grande envergure ou d’extrême urgence.
Quand les écoles remplacent les travaux publics
61Avec la construction d’écoles primaires, puis d’établissements d’enseignement secondaire, la croissance de la SAEETP puise à une autre source d’activité. Dès 1957, les constructions scolaires occupent la deuxième place parmi les spécialités de l’Auxiliaire et dépassent 10 % du chiffre d’affaires, devançant le plus souvent en importance l’activité des travaux publics. En revanche, celle-ci ne parvient pas à sortir de sa torpeur, malgré quelques commandes intéressantes.
62Le remarquable développement de la construction scolaire trouve ses origines dans des causes semblables à celui de la construction de logements : des besoins très importants et urgents et l’action d’un maître d’ouvrage – ici le ministère de l’Éducation nationale – qui tient, toute proportion gardée, le même rôle que la SCIC en accordant sa préférence aux entreprises aptes à satisfaire des exigences de délais encore plus impérieuses. C’est à partir des années 1952-1953 que la direction des Constructions scolaires du ministère de l’Éducation nationale s’efforce d’apporter une réponse globale aux besoins qui se font jour117. L’Administration est amenée à définir des schémas types de locaux scolaires (écoles, salles de classes) qui aboutissent à une codification et une normalisation extrêmement poussée. Dans le même souci de centralisation, le ministère expérimente, au cours du IIe Plan, le système des « commandes groupées » à l’échelle d’une commune ou d’un ensemble de communes. L’objectif vise à obtenir un effet de volume et, donc, de prix en matière de construction scolaire dans une zone géographique donnée. L’intérêt pour une entreprise comme l’Auxiliaire est qu’il s’agit de marchés d’importance, alors que la construction d’un seul établissement ne constitue qu’un chantier de peu d’importance. Au total, avec un peu plus de deux milliards de francs, les commandes de l’année 1958 s’élèvent à près de 25 % de son chiffre d’affaires118.
63La SAE est à même de faire valoir sa capacité à terminer avant la rentrée scolaire. « Comme nos écoles étaient prêtes à l’heure, les maires demandaient au Ministère de nous confier ses projets », se rappelle Maurice Mathieu119. Les architectes agissent en faveur d’une entreprise qui leur a donné satisfaction. René Blanchot, chargé de coordonner l’ensemble des constructions scolaires de la commune de Limoges et qui s’est lié d’amitié avec Maurice Mathieu, lui confie, ainsi, tous ses travaux pendant une douzaine d’années. L’édification de trois écoles primaires marque le point de départ. Les projets de l’architecte, élaborés en conformité avec les plans types du Ministère, sont approuvés par une décision municipale du printemps 1954120. Les travaux s’achèvent en un temps record. Les prix de revient demeurent sensiblement inférieurs aux prix maximums autorisés par l’administration. La rapidité d’exécution du gros œuvre assuré par la SAEETP et des corps d’état réalisés par treize entreprises locales permet des gains de un à trois mois sur les plannings. Les techniques de construction de l’Auxiliaire répondent donc « aux impératifs de l’économie et de la rapidité121 ». L’efficacité de ses équipes assure un décollage aussi rapide que pour le logement : à peine quatre années, entre 1954 et 1958. Aussi bien le Ministère que les communes lui passent rapidement de nouvelles commandes. Dès 1956, l’équipe Blanchot-SAEETP se voit chargée de la construction de six écoles dans le département de Haute-Vienne122. Mais la Région parisienne, où la réalisation des grands ensembles lui permet de prouver son savoir-faire en la matière, prend la première place. En 1957, toujours en collaboration avec René Blanchot, elle y reçoit la responsabilité d’une commande groupée de douze écoles en Seine-et-Oise. À la fin de la décennie, apparaissent les premières commandes de lycées, à Limoges, Melun, Massy123. En décembre 1958, le carnet de commandes est rempli pour deux ans. Ces débouchés poussent la firme à se doter, au cours de l’année 1958, de sa première usine de préfabrication, capable de satisfaire aux normes industrialisantes très exigeantes de l’Éducation nationale124. La construction scolaire donne, donc, une dimension supplémentaire à la reconversion de l’Auxiliaire qui peut s’appuyer sur deux activités nouvelles.
64Cependant, la SAEETP tient à conserver une équipe d’ingénieurs des travaux publics au sein de son bureau d’études. Elle possède toujours un matériel moderne. Il lui est possible de participer à certaines réalisations dans le domaine du génie civil. Les travaux pour le port de Marseille se poursuivent entre 1956 et 1958, la SAEETP réalise pour l’entreprise publique le barrage de Matemale dans l’Aude, en association avec la société COEHBA125. Cette même année, elle signe, en juillet, un contrat avec un organisme public du Liban, l’Office National du Litani126. Cette commande d’importance vise à creuser une galerie de dix kilomètres, le tunnel d’Awali. Elle retrouve Astaldi, son partenaire traditionnel, sur un chantier prévu pour quatre ans. La conjoncture paraît à ce point favorable que le conseil envisage de redonner toute sa place aux travaux publics127. Mais, une fois encore, les espoirs se révèlent assez rapidement décevants. Dans les années qui suivent, elle ne trouve à utiliser sa compétence et son matériel que pour réaliser deux petits ouvrages, le barrage de la Mazelle destiné à approvisionner en eau la ville de Limoges et un ouvrage en terre, le barrage de Kruth-Wildenstein commandé par le Département du Haut-Rhin pour des usages agricoles128. Au milieu de la décennie, elle décide de créer une nouvelle filiale, la Société de Stabilisation du sol, d’Assainissement et d’Irrigation (STAIR), afin d’exploiter des débouchés éventuels en matière de travaux routiers et d’hydraulique agricole. Sa création est annoncée au conseil du 16 décembre 1955 et la filiale tient son premier conseil le 4 juillet 1956. Le problème est que les premières expérimentations des procédés mis en œuvre n’ont pas permis de mesurer le prix de revient avec précision129. Les commandes demeurent insuffisantes pour rentabiliser l’affaire. « L’exploitation actuelle de la société n’est pas ce qu’elle devrait être » constate Valatelli130. Valatelli prend la décision en mai 1960 de faire cesser l’expérience en prononçant la dissolution de la STAIR131.
65L’échec, manifeste, semble sanctionner définitivement la marginalisation des travaux publics au sein des activités de l’Auxiliaire. La volonté de leur donner un nouvel essor est, certes, régulièrement renouvelée. « Il ne faudrait pas en conclure que nous ayons abandonné toute activité et toute ambition dans ce domaine », proclame ainsi le rapport aux actionnaires de l’année 1960132. Mais faute de commandes d’importance, la SAEETP ne dispose plus des références nécessaires pour s’imposer dans un secteur où la concurrence s’est accrue. Il y a déjà plusieurs années que la Société Auxiliaire a cessé d’être une firme de travaux publics qui compte sur le marché national.
66Durant les premiers mois de 1960, trois événements viennent manifester que la période de reconversion s’est définitivement achevée. Chargés chacun d’une signification hautement symbolique, ils marquent de façon visible un nouveau tournant de l’histoire de la Société Auxiliaire. Le 7 mars, la firme obtient son introduction à la cote des courtiers de la bourse de Paris133. Cette entrée dans le monde fermé des grands de l’industrie, véritable consécration, sanctionne la croissance exceptionnelle des cinq dernières années. Désormais, la grande entreprise qu’elle est devenue a besoin d’un financement considérable que le marché peut lui fournir. Le 6 mai, lors d’un conseil d’administration, Gino Valatelli propose de simplifier le nom de la société en SAE, en raison de la « confusion que crée l’ancienne appellation au sujet de la véritable spécialité de la société134 ». C’est signifier que le renouvellement de la vocation de l’entreprise constitue désormais un fait irréversible de son identité. Enfin, le 15 juin Maurice Mathieu, est nommé directeur général135, récompense logique pour « le principal artisan de la réussite136 ». C’est à lui qu’il appartient, désormais, de pérenniser les prouesses de la décennie qui vient de s’écouler.
Notes de bas de page
1 SAE, Assemblée générale ordinaire, 9 juin 1964, archives du Groupe Eiffage.
2 SAEETP, Conseil d’administration, 27 novembre 1950.
3 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 15 mai 1952.
4 Société Générale, note sur la SAEEETP, 4 septembre 1950, Archives, dossier 3592.
5 SAEETP, Conseil d’administration, 9 décembre 1946.
6 A. Berthonnet, Chagnaud, op. cit., p. 403.
7 SAEETP, Conseil d’administration, 9 décembre 1946.
8 Voir A. Goudon, Histoire d’une grande firme de TP : Les Grands Travaux de l’Est (1918-1980), maîtrise (D. Barjot dir.) Paris IV-Sorbonne, 1999, 349 p.
9 R. Guillaume, témoignage, 1988.
10 Ibid.
11 Ibid.
12 SAEETP, Conseil d’administration, 10 février 1948 ; Assemblée générale ordinaire, 15 mai 1952.
13 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 30 avril 1948.
14 Société Générale, Note sur la SAEETP, 3 août 1950, dossier 3765.
15 SAEETP, Conseil d’administration, 5 octobre 1951.
16 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 11 mai 1953.
17 Ibid.
18 SAEETP, Conseil d’administration, 26 août 1953.
19 D. Barjot, « Croissance du marché et stratégie des firmes : le cas des travaux publics (1945-1960), in Études et Documents, t. III, Histoire économique et financière de la France, Paris, 1991, p. 405-418.
20 D. Barjot, « Travaux publics et biens intermédiaires », in Histoire de la France industrielle, F. Caron (dir.), Paris, Larousse, 1996, p. 309.
21 D. Barjot, « Croissance du marché et stratégie des firmes », art. cit., p. 409.
22 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2011-2012.
23 SAEETP, Conseil d’administration, 4 octobre 1949.
24 Ibid., 26 mai 1949.
25 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 15 mai 1952.
26 Ibid., 29 juin 1956.
27 SAEETP, Conseil d’administration, 27 novembre 1950.
28 Ibid., 23 janvier 1952.
29 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 15 mai 1952.
30 SAE, Assemblée générale ordinaire, 7 juin 1963.
31 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 29 juin 1956.
32 D. Barjot, « croissance du marché et stratégie des firmes », art. cit., p. 407.
33 L. de Warren, Les fils de Vulcain, la saga des maîtres de forges, Paris, Seuil 1999, p. 13.
34 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2385.
35 D. Barjot, « croissance du marché et stratégie des firmes », art. cit., p. 410-411.
36 D. Barjot, La grande entreprise, op. cit., p. 2386.
37 Société Générale, note Sur la SAEETP, 3 août 1950, Archives, dossier 3592.
38 D. Barjot, La grande entreprise, op. cit., chap. 16.
39 Ibid., note n° 1861.
40 Ibid., note n° 1861.
41 SAEETP, Conseil d’administration, 8 février 1955.
42 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 26 mai 1950.
43 SAEETP, Conseils d’administration, 22 mai 1951 et 15 mai 1952.
44 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 11 mai 1953.
45 SAEETP, Conseil d’administration, 8 juillet 1952.
46 M. Mathieu, témoignage, 2002.
47 A. Fourcaut (dir.), « Le grand ensemble, histoire et devenir », Urbanisme, n° 322, janvier-février 2002.
48 A. Fourcaut, « L’histoire urbaine de la France contemporaine : état des lieux », Histoire urbaine, n° 8, décembre 2003, p. 180.
49 D. Barjot, « Entreprises et patronat du Bâtiment (xixe-xxe siècles) », in Histoire des métiers du bâtiment aux xixe-xxe siècles, Actes du séminaire de recherche de novembre 1989, Plan Construction et Architecture, J.-F. Crola et A. Guillerme (dir.), p. 19.
50 Ibid., p. 33.
51 Ibid., p. 21.
52 M. Lescure, op. cit., p. 36.
53 B. Marrey (dir.), Les batisseurs – Des moines cisterciens aux capitaines d’industrie, Paris, Le Moniteur, 1997, p. 153.
54 D. Barjot, « Entreprises et patronat du Bâtiment », art. cit., p. 21.
55 S. Magri, « Logement et habitat populaires », in Un siècle de banlieue parisienne (1859-1964), A. Fourcault (dir.), Paris, L’Harmattan, 1988, p. 116.
56 J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, op. cit., p. 299.
57 D. Barjot, « Entreprises et patronat du Bâtiment (xixe-xxesiècle) », art. cit., p.21.
58 M. Roncayolo, Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 76.
59 Ibid., p. 283.
60 J.-P. Rioux, Nouvelle Histoire de France contemporaine, t. XV, Paris, Seuil, 1980, p. 251.
61 G. Vincent, A. Prost, G. Duby, P. Ariès, Histoire de la vie privée, t. V, Paris, Seuil, 1987, p. 69.
62 P. Chombart de Lowe, « enquêtes sociologiques », in Techniques et Architecture, 1953, p. 76-81.
63 J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, op. cit., p. 343.
64 Histoire de la vie privée, op. cit., p. 69.
65 J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, op. cit., p. 356.
66 F. Bloch-Lainé et J. Bouvier, La France restaurée (1944-1954), Paris, Fayard, p. 197.
67 A. Fourcaut, « L’histoire urbaine de la France contemporaine : état des lieux », art. cit., p. 182-183.
68 J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, op. cit, p. 356.
69 M. Roncayolo (dir.), Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 76.
70 J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, op. cit., p. 355.
71 M. Roncayolo, Histoire de la France urbaine, op. cit., p. 81.
72 J.-P. Rioux, Nouvelle Histoire de France contemporaine, t. XV, op. cit., p. 173.
73 Encyclopaedia Universalis, art. « Grands ensembles », 1985.
74 A. Fourcaut, « La Caisse des dépôts et le logement social : questions en moyenne durée », in La Caisse des dépôts et consignations, la Seconde Guerre mondiale et le xxe siècle, A. Aglan, M. Margairaz, P. Verheyde (dir.), Missions historiques de la Banque de France, Paris, Bibliothèque Albin Michel Histoire, 2003, p. 181-184.
75 J.-P. Rioux, Nouvelle histoire de France contemporaine, t. XV, op. cit., p. 251-252.
76 J. Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, op. cit., p. 372.
77 P. Landauer, « La Caisse des dépôts face à la crise du logement (1945-1954) », in La Caisse des dépôts et consignations, la Seconde Guerre mondiale et le xxe siècle, op. cit., p. 197-212.
78 SAEETP, Chantiers de Portes-les-Valence et de Treignac, 1948.
79 Société Générale, Note sur la SAEETP, 18 janvier 1951, Archives, dossier 3765.
80 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2148.
81 SAEETP, Chantiers de l’Est, 1950.
82 SAEETP, Conseil d’administration, 27 novembre 1950.
83 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 11 mai 1953.
84 Techniques et Architecture, novembre-décembre 1953, Paris, p. 85 sq.
85 SAEETP, Conseil d’administration, 8 juillet 1952.
86 SAEETP, Conseil d’administration, 8 février 1952.
87 Techniques et Architecture, nov-dec. 1953, op. cit., p. 85 sq.
88 SAEETP, Conseil d’administration, 26 août 1953.
89 SAEETP, Conseil d’administration, 26 août 1953.
90 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 21 juin 1955.
91 SAEETP, Conseil d’administration, 7 avril 1954.
92 Ibid., 21 juin 1955.
93 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 29 juin 1956.
94 SAEETP, Conseil d’administration, 16 mai 1957.
95 M. Mathieu, témoignage, 2002.
96 M.-L. Macé, J.-M. Macé, La SCIC, organisme témoin dans le secteur de la construction et de la gestion immobilière, Paris II, 1977, dactylographié.
97 M. Mathieu, témoignage, 2002.
98 SAEETP, 10 000 logements par an en béton caverneux, s.d.
99 M. Mathieu, témoignage, 2002.
100 Ibid., 2002.
101 R. Romeul, La pratique des marchés publics, J. Delmas, Paris, 1988, p. 37.
102 D. Barjot, La grande entreprise française de travaux publics, op. cit., p. 2416.
103 Société Générale, Note, 7 juin 1960, Archives, dossier 4603.
104 La Vie française, 4 mars 1960.
105 10 000 logements, op. cit.
106 A. Spinetta, « Les grands ensembles pensés par l’homme », L’architecture d’aujourd’hui, 46, février-mars 1953.
107 SAEETP, Chantier de Vernouillet, 1956.
108 « Les réalisations de la SCIC (1954-1959) », Techniques et Architecture, numéro spécial, 1959, p. 48 sq.
109 P. Sudreau, « À propos des “grands ensembles” », interview recueillie par B. Champigneulle, Le Figaro littéraire, 15 août 1959.
110 « Les réalisations de la SCIC », in Techniques et Architecture, art. cit.
111 D. Peaucelle, A. Bruneton-Governatori, Mourenx bât. A, rue des pionniers. Regards croisées sur l’histoire de la ville de Mourenx et du bassin de Lacq, 1997, Lacq Odyssée, Mourenx, p. 49.
112 R. Parès, La SCIC au service du pays, 1992, p. 140, archives de la CDC.
113 Techniques et Architecture, « Les réalisations de la SCIC », op. cit., p. 16.
114 D. Peaucelle, A. Bruneton-Governatori, Mourenx, op. cit., p. 34.
115 Voir M.-J. Balesta, Mourenx, Ville nouvelle, mémoire de maîtrise, Institut de géographie, Université de Bordeaux III, 1969.
116 SCIC, Assemblée générale ordinaire, 1er juillet 1959, archives de la CDC.
117 J.-P. Poussard, G. de Pouvourville, Marchés publics et politiques industrielles, Economica, 1982, p. 68.
118 SAEETP, Conseil d’administration, 16 mai 1957.
119 M. Mathieu, témoignage, 2002.
120 Techniques et Architecture, « Constructions scolaires », op. cit., p. 56.
121 Ibid.
122 SAE, Assemblée générale ordinaire, 2 juin 1961.
123 SAEETP, Conseil d’administration, 4 décembre 1959.
124 SAEETP, Conseil d’administration, 27 juin 1957.
125 SAEETP, Conseil d’administration, 2 mai 1956.
126 Ibid.
127 Ibid., 16 décembre 1957.
128 Ibid, 4 décembre 1959.
129 STAIR, Conseil d’administration, 28 août 1956.
130 Ibid., 17 mai 1958.
131 Ibid., 5 mai 1960.
132 SAE, Assemblée générale ordinaire, 29 juin 1960.
133 La Vie française, 28 avril 1961.
134 SAEETP, Conseil d’administration, 6 mai 1960.
135 Ibid., 29 juin 1960.
136 SAEETP, Assemblée générale ordinaire, 24 juin 1958.
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