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Prêtres de Bretagne au xixe siècle

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Samuel Gicquel

Chapitre VI. Le regard des prêtres sur leur carrière

Texte intégral

  • 1 Sempere, Henri, La semaine catholique de Toulouse (1861-1908), thèse d’histoire, Toulouse-Le Mirai (...)

1La seule source cléricale qui parle régulièrement des carrières ecclésiastiques est l’hebdomadaire diocésain La Semaine religieuse, publié à partir des années 1860, dont les notices nécrologiques rappellent l’itinéraire des prêtres morts. Le caractère apologétique de ces publications a depuis longtemps été mis en valeur par les historiens1. À cet égard, elles méritent d’être étudiées, afin de savoir ce qu’était une belle carrière pour cet hebdomadaire, publié sous le contrôle de l’administration diocésaine. Mais il est nécessaire d’aller au delà de la vision aseptisée véhiculée par les Semaines religieuses. Le regard que portent les prêtres sur leur carrière se lit aussi dans leurs frustrations, leurs demandes de mutations et dans la quête d’expériences nouvelles, parfois révélatrice d’insatisfaction.

La notice nécrologique : dire la carrière et la mort

  • 2 Poulat, Émile, Les « Semaines religieuses », Approche socio-historique et bibliographique des bull (...)

2Les ambitions et les déceptions n’apparaissent guère dans les notices nécrologiques des Semaines religieuses. Les Semaines religieuses des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes, publiées respectivement pour la première fois le 21 novembre 1867 et le 2 janvier 1868, révèlent davantage l’état d’esprit des scripteurs que le « secret des faits2 » et ne diffèrent guère à cet égard des autres bulletins diocésains français lancés à la même période. Comme les autres rubriques de l’hebdomadaire, les notices nécrologiques cherchent à la fois à informer et à édifier. Ces récits de vie, qui offrent une vision épurée de la carrière, ne sont pas pour autant des narrations fades et sans intérêt. L’emploi de formules décalées par rapport aux usages établis permet en effet de véhiculer des sous-entendus, inavouables autrement qu’à mots cou verts.

Un discours normé

3Les notices nécrologiques possèdent une structure, un style et une longueur propres, dont la connaissance est indispensable pour pouvoir décrypter le non-dit, omniprésent.

4La structure de la notice peut varier en fonction de sa genèse. Trois types de notices se rencontrent dans les Semaines religieuses des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes. Le premier, le plus courant, est la biographie rédigée par un prêtre dans le but d’être insérée directement dans l’hebdomadaire. C’est le genre majoritaire à Vannes jusqu’à la fin de la période concordataire et à Saint-Brieuc jusque dans les années 1880. Ces narrations, sont généralement construites en quatre parties : l’annonce de la mort, le récit de l’enfance, de la carrière et des circonstances de la mort se succèdent. Lorsque les délais d’impression l’autorisent, le récit des obsèques ou quelques extraits de l’oraison funèbre peuvent suivre.

5Les lettres envoyées à l’évêché par des prêtres afin d’annoncer le décès d’un confrère, souvent prolongées d’un court rappel de la carrière, forment le deuxième type de notice nécrologique rencontré. Il devient dominant dans l’évêché de Saint-Brieuc à partir des années 1880, représentant 95 % des annonces de décès publiées entre 1901 et 1905. Dans le diocèse de Vannes, les notices sous forme épistolaire demeurent marginales, représentant environ 4 % du corpus.

6La prédominance des curés parmi les rédacteurs (ils signent 70 % des lettres publiées entre 1901 et 1905 dans le diocèse de Saint-Brieuc) révèle les circuits d’information à la fin de la période concordataire. La plupart du temps, ceux-ci se contentent de faire suivre ou de reformuler le courrier envoyé par un ecclésiastique de la paroisse du défunt. Tout le clergé est ainsi associé à la rédaction des notices, ce qui contribue à déconcentrer dans les cures la rédaction de la Semaine religieuse de Saint-Brieuc, développe l’assise de l’hebdomadaire et évite au rédacteur de devoir solliciter sans cesse ses confrères pour glaner quelques éléments biographiques. En outre, cette forme, qui présente le témoignage d’un proche du défunt, permet de diffuser implicitement l’idéal de fraternité sacerdotale.

  • 3 SRSB, 27 juillet 1876, p. 369-373.

7Le troisième type de support rencontré, le plus rare, est l’article de journal. Il ne se rencontre que dans le diocèse de Saint-Brieuc, où il représente moins de 1 % des notices. Mais l’écart par rapport à la norme est porteur de sens : la publication d’extraits de journaux montre le rayonnement local voire national du prêtre décédé et traduit le caractère exceptionnel de sa carrière. Un article de Louis Maret du journal Le Monde est ainsi choisi pour retracer la vie de Louis Épivent (1805-1876), mort évêque d’Aire et Dax3.

  • 4 SRV, 29 juillet 1897, p. 470-474.
  • 5 SRV, 18 mars 1875, p. 165.
  • 6 SRV, 5 mars 1904, p. 192.
  • 7 SRSB, 20 août 1875, p. 495 et SRSB, 19 novembre 1875, p. 5.

8Le style employé constitue le second élément qui caractérise la notice nécrologique. Les nombreuses références religieuses montrent que le message est avant tout destiné à des lecteurs qui partagent la culture du scripteur. Un des meilleurs exemples est fourni par la notice nécrologique du chanoine Caro (1837-1897), qui commence par une citation biblique tirée du livre d’Isaïe et est parsemée de 18 locutions et citations latines, dont certaines atteignent deux lignes4. Dans de nombreuses notices, les références bibliques et chrétiennes sont omniprésentes : Pierre Jégo (1797-1875) est ainsi comparé à une « bonne semence » qui produit « une bonne moisson5 », et l’agonie de Jean-Marie Le Cosse (1822-1904) le rend « pareil à une lampe qui s’éteint6 ». Par ailleurs, les biographes usent de stéréotypes narratifs : l’enfance dans une « atmosphère de foi », les heureuses « dispositions » du défunt, sa « résignation » lors de son agonie. Les parentés entre les notices sont ainsi légion. Par exemple, Vincent Bézard (1830-1875) et Marie-Ange Ménard (1814-1875) sont tous les deux morts dans leur « paroisse natale, après de longues souffrances sanctifiées par la patience la plus édifiante7 ».

9Une longueur normative s’impose également au scripteur, en deçà ou au delà de laquelle la valeur symbolique de la notice change. Dans le dernier tiers de la période concordataire, la norme évolue, la taille moyenne des notices nécrologiques augmentant.

Pourcentage de notices nécrologiques dont la longueur atteint au moins une page

Pourcentage de notices nécrologiques dont la longueur atteint au moins une page

10Dans l’évêché de Saint-Brieuc, la standardisation de la taille des notices nécrologiques est remarquable au début du xxe siècle : plus des trois quarts de celles qui furent publiées entre 1901 et 1905 font plus d’une page mais seules 3 % d’entre elles dépassent deux pages. Une plus grande diversité est observée dans le diocèse de Vannes, où 24 % des notices écrites à la même période dépassent deux pages.

  • 8 SRV, 6 juillet 1901.
  • 9 SRV, 30 novembre 1901.

11En l’absence de discours qualitatif explicite, la longueur de la notice est déterminante pour juger de l’aura d’un prêtre. Dans les deux évêchés, une notice nécrologique de plus de deux pages est un critère de distinction. Curés, supérieurs et membres de l’administration diocésaine y sont sur-représentés, preuve que l’accès à ces fonctions marque le couronnement d’une belle carrière. Mais de longues notices sont également consacrées à des clercs qui n’ont occupé aucune fonction prestigieuse. L’objectif est de montrer que le « bon » prêtre n’est pas uniquement celui qui accède aux postes à responsabilité. La valorisation d’un défunt est également l’occasion de promouvoir un type de comportement ou de spiritualité. Les deux pages et demie de la notice nécrologique de Mathurin Allain (1839-1901)8, un recteur de Peillac qui s’est distingué par son opposition aux écoles laïques, prennent ainsi tout leur sens dans le contexte de tensions scolaires du début du xxe siècle. Son confrère Henri Bourgneuf (1857-1901), mort vicaire de Hennebont, est honoré d’une notice de trois pages9, qui vante sa dévotion mariale et encourage tacitement à développer des patronages comme il le fit.

  • 10 SRSB, 23 juin 1887, p. 295.

12À l’inverse, une notice nécrologique exceptionnellement courte équivaut presque à une condamnation posthume. La mort de Laurent-Marie Hervé (1809-1887), qui vit l’attribution d’un secours matériel conditionnée en 1859 à son départ du diocèse de Saint-Brieuc et à l’abandon de la soutane, est annoncée laconiquement : « M. Laurent-Marie Hervé, né à Quay-du-Port, le 12 mars 1809, prêtre du 18 février 1837, retiré depuis 5 ans à l’hôpital de Saint-Brieuc, y est décédé le 17 juin à l’âge de 78 ans10. » Certaines morts, alors qu’elles figurent dans le nécrologe, ne sont même pas évoquées dans les Semaines religieuses. Ni Mathurin Launay (1820-1889), emprisonné en 1869, ni Clément Gille (1843-1905), interdit en 1895, n’ont le droit à quelques lignes. Le bannissement de leur mémoire fait écho à leur mise à l’écart du clergé. La longueur de la notice nécrologique constitue donc un indice de la façon dont un prêtre est honoré par ses pairs. Tout déterminisme est cependant à exclure, d’autres facteurs pouvant influencer la longueur du récit, comme le manque d’informations sur un défunt ou un souvenir personnel qui encourage le scripteur à rendre un hommage appuyé.

13La forme de la notice peut donc être un critère de distinction, en l’absence de tout discours qualitatif explicite. Loin de révéler des indiscrétions, les portraits apologétiques dressés à l’intérieur de ce cadre ressassent souvent les mêmes thèmes. L’étude des mérites attribués aux défunts permet ainsi de connaître l’idéal clérical véhiculé dans le dernier tiers de la période concordataire.

La diffusion d’un modèle de sainteté

  • 11 SRV, 19 mai 1892, p. 307.

14Alors que dans les deux diocèses, les portraits laudatifs sont réservés à une minorité dans les premières années de parution des Semaines religieuses, l’exposé des mérites du prêtre décédé devient une composante de la notice nécrologique à la fin de la période concordataire. Cette évolution semble être la conséquence d’une politique délibérée de l’administration diocésaine. Le rédacteur de la Semaine religieuse de Vannes invitait en effet ses condisciples à fournir « quelques renseignements sur les qualités les plus remarquables de chers défunts et sur les œuvres qu’ils [avaie]nt soutenues ou fondées11. » L’objectif était de donner de la chair aux récits de carrière tout en diffusant le modèle du bon prêtre dans tout le diocèse.

15L’analyse du champ lexical utilisé, dont les résultats sont présentés dans le tableau ci-après, révèle les qualités du bon pasteur à la fin du xixe siècle.

Occurrences des qualités attribuées aux prêtres dans les notices nécrologiques

Occurrences des qualités attribuées aux prêtres dans les notices nécrologiques
  • 12 Launay, Marcel, Le bon prêtre..., op. cit., 326 p.

16Le portrait du bon prêtre breton, « pieux » et « zélé », correspond donc à l’image du bon prêtre concordataire véhiculée traditionnellement12. À la faveur de l’allongement des notices, ces deux qualités sont soulignées de plus en plus fréquemment : alors que la piété du prêtre n’est montrée en exemple que dans 5 % des notices publiées dans la Semaine religieuse de Saint-Brieuc de 1871 à 1875, ce taux atteint 21 % entre 1901 et 1905.

  • 13 SRV, 29 juillet 1897, p. 470-474.

17Cette augmentation est le reflet de la normalisation des notices nécrologiques. « La sélection d’un modèle de piété et de zèle concourt ainsi à la diffusion d’un paradigme de sainteté ». La notice de Basile Caro (1837-1897) – un prêtre dont la piété est soulignée – en fournit un des exemples les plus aboutis13. Cet ecclésiastique, membre du Tiers-Ordre de Saint-François, réunit toutes les caractéristiques de la bonne piété de la fin du xixe siècle : sa dévotion à l’Eucharistie, au Sacré-Cœur et à la Vierge Marie marque le triomphe du culte marial et d’une spiritualité plus démontrative, aux dépens de la rigueur gallicane alors surannée. L’auteur anonyme donne ensuite la recette pour entretenir cette piété : « la méditation, la lecture spirituelle, le chapelet, la récitation du bréviaire, la sainte messe ». La dévotion fervente, héritée du ligorisme et entretenue régulièrement par des exercices spirituels, est ici la voie proposée aux prêtres qui veulent se distinguer à la fin du xixe siècle.

  • 14 SRV, 5 mars 1904, p. 187.

18L’épithète « zélé » est elle surtout attribuée à quatre types de prêtres : le missionnaire (surtout dans les premières notices nécrologiques, alors que les missions extérieures sont florissantes), l’édificateur de nouvelles paroisses, et, à partir des années 1880, le bâtisseur et l’animateur d’œuvres. L’abondance de détails sur l’investissement personnel d’un prêtre honoré d’une longue notice contiennent parfois de savoureuses anecdotes. Il est ainsi surprenant de découvrir que pour financer la restauration de l’église paroissiale et l’édification d’une école, le curé de Sarzeau, Jean-Marie Le Cosse (1822-1904), vendit au musée Grévin la baignoire dans laquelle Marat fut poignardé14.

19Outre la piété et le zèle, la bonté et la charité constituent des qualités appréciées tout au long du dernier tiers de la période concordataire. En revanche, l’intelligence, qui n’apparaît pas comme un trait du bon prêtre au début des années 1870, devient par la suite un critère de distinction. Les notices nécrologiques valorisent ainsi l’idéal du prêtre savant qui se diffuse dans le dernier tiers du xixe siècle et fonctionnent comme un miroir grossissant des qualités cléricales afin de présenter un modèle comportemental au lecteur.

  • 15 SRV, 3 janvier 1903, p. 6.

20La définition du modèle du bon prêtre peut également passer par la critique. C’est particulièrement le cas dans le diocèse de Vannes, où les récits de vie échappent parfois agréablement au style convenu. Le rédacteur de la notice nécrologique d’Alexandre Geffray (1841-1902) n’hésite pas par exemple à critiquer la faiblesse de sa voix, le manque de clarté de sa rédaction et son originalité qui « attirait trop exclusivement l’attention de quel ques-uns15 ».

  • 16 SRV, 24 janvier 1903, p. 61.

21Les notices nécrologiques ne sont donc pas muettes sur les défauts. Toute fois, par des raccourcis ou des artifices rhétoriques, ceux-ci sont la plupart du temps contrebalancés par les vertus du prêtre : l’« inflexibilité » de Joseph Danet (1828-1903) se transforme en une « régularité » parfaite, typique du bon prêtre16. Sa rudesse de langage devient franchise, et sa sévérité une exigence bienvenue. L’auteur dresse le portrait du prêtre idéal, tout en décrivant le défunt sans le déshonorer. Subtilement, il parvient à faire passer le message qu’il s’agit sans doute d’un gallican à la piété dépassée, mais digne d’éloges en raison de son intense activité de bâtisseur. En mentionnant des tares qui préexistaient généralement à l’ordination et en insistant sur les mérites sacerdotaux du mort, le rédacteur montre la nature rédemptrice du ministère clérical.

22La rédaction d’une notice nécrologique est donc un exercice d’équilibriste qui consiste à dresser le portrait d’un confrère derrière lequel se dessinent le modèle du bon prêtre et le défunt dans sa faiblesse humaine. Le récit de la mort, comme celui de la vie, cherche à informer, en s’appuyant sur le réel, et à édifier, parfois en s’en éloignant.

Le miroir de la bonne mort

  • 17 Pennec, Simone (dir.), Des vivants et des morts. Des constructions de la « bonne mort », Actes du (...)

23Les notices nécrologiques peuvent contenir deux types de renseignements sur la mort d’un prêtre. Elles précisent parfois les circonstances de celle-ci, appréhendée en tant qu’événement, et détaillent souvent, dans une perspective apologétique, les derniers instants des ecclésiastiques, véritables reflets de leur spiritualité. Les récits de fin de vie, qui apprennent au lecteur à « bien mourir17 », sont aussi de la littérature d’édification.

  • 18 SRSB, 6 août 1875, p. 470.
  • 19 SRSB, 15 janvier 1875, p. 111.
  • 20 Poulat, Émile, Les « Semaines religieuses »..., op. cit., p. 26.

24Les notices nécrologiques permettent de connaître les circonstances de la mort de quelques prêtres en révélant ses causes, ainsi que le moment et le lieu du décès. La raison de la mort est surtout précisée lorsque celle-ci est brutale, afin de l’expliquer aux prêtres qui ont vu le défunt en bonne santé quelques mois plus tôt. En consacrant de larges développements aux morts spectaculaires, la Semaine religieuse ne se distingue guère des autres journaux de l’époque. À l’occasion de la noyade de quatre prêtres entre Pleubian et l’île de Bréhat en 1875, la Semaine religieuse de Saint-Brieuc parle par exemple davantage des circonstances du naufrage que des victimes18. Elle se révèle également précise pour évoquer la mort tragique de Jean-Marie Le Flohic (1802-1875), prêtre paralytique mort brûlé sur son lit qui a pris feu19, répondant ainsi à une curiosité naturelle. Ces récits de morts traduisent la volonté des Semaines religieuses de rester populaires, ce qui constitue selon Émile Poulat une de leurs caractéristiques20.

  • 21 SRV, 4 mars 1869, p. 131.
  • 22 SRV, 5 septembre 1889, p. 571.

25L’évocation des causes de la mort dépasse parfois la simple information. Elle permet par exemple d’évoquer la sainteté d’un prêtre. Jacques Mahé (1830-1869), qui succombe à la variole contractée en administrant les malades, fait ainsi figure de martyr21. Le récit de la mort peut également fournir l’occasion de combattre les rumeurs nées d’un décès dans des circonstances troubles. La notice nécrologique de Joseph Allozé (1855-1889) répète de façon insistante – suspecte ? – que la mort de ce professeur du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray ne résulte pas d’un crime ou d’un suicide mais d’un accident : le prêtre, malade du cœur, aurait en effet eu l’habitude de se suspendre par la tête pour provoquer une tension des muscles et hâter sa guérison et l’exercice aurait mal tourné22. Cette mort, aux causes pour le moins surprenantes, semble avoir été réécrite pour la rendre acceptable. Le souci d’informer se heurte ainsi à la réalité de faits inavouables.

  • 23 SRSB, 11 juillet 1868, p. 404.

26Pour les notices nécrologiques – et donc pour les clercs, principaux contributeurs des détails sur les agonies – mourir dans son lit, entouré de ses proches, constitue un idéal. La mort rêvée est celle d’Yves Daniel (17961868), curé de Saint-Nicolas-du-Pélem, qui « appuyé sur le bras de son vicaire, [...] accomplit jusqu’au bout la procession, donna une dernière bénédiction à ses paroissiens, et se retira au presbytère, où, quelques instants plus tard, il perdit la parole pour ne plus la recouvrer23 ». La présence du vicaire, symbole de l’unité du clergé, et la courte agonie, qui permet l’exercice du ministère jusqu’au décès mais laisse le temps d’administrer les derniers sacrements, sont les ingrédients de la belle mort.

  • 24 SRSB, 10 septembre 1875, p. 534.
  • 25 SRSB, 10 décembre 1875, p. 46.
  • 26 SRSB, 2 septembre 1902, p. 592.

27D’autres souhaitent mourir dans leur paroisse natale, à l’image de François Le Floc’h (1845-1875)24 ou de Louis Le Helloco (1851-1875)25. Pour les jeunes prêtres, le réconfort du foyer est parfois supérieur à l’anonymat d’une chambre de presbytère ou de petit séminaire dans laquelle ils viennent de s’installer. Leur notice nécrologique insiste sur l’assistance spirituelle du clergé local, présentée tacitement comme une preuve de la fraternité sacerdotale. La mort doit être un moment d’expression de la solidarité cléricale. À l’opposé, la mort redoutée est celle de Mathurin Bréard (1838-1902), un ecclésiastique du diocèse de Saint-Brieuc qui était précepteur à Pau. « Il est triste, Monseigneur, de mourir loin des siens, seul, en pays pro testant26 » écrit à son sujet le recteur de Trémorel, paroisse dont le défunt était originaire. L’exil, renforcé ici par la confrontation au protestantisme, prive de l’entourage réconfortant.

  • 27 SRSB, 7 mai 1875, p. 303.
  • 28 SRV, 9 mars 1905, p. 150.
  • 29 SRV, 18 juin 1904, p. 482.

28Même si la mort intervient souvent dans le presbytère ou dans la maison familiale, les notices nécrologiques se plaisent à évoquer la figure du prêtre atteint dans l’exercice ses fonctions. La mort qui « frappe au pied de l’autel » est l’un des poncifs les plus récurrents des récits de fin de vie. François Hamon (1806-1875), par exemple, a « été frappé à l’autel, vers la fin de la messe, au moment des ablutions. Sa bouche s’est ouverte pour murmurer quelques paroles, et il est tombé privé de sentiment. Relevé et transporté au presbytère, il n’a plus donné signe de vie27 ». Louis Bourdon (1832-1901) a lui été emporté alors qu’ » il se préparait à célébrer la messe et faisait son oraison28 » et Jean Le Digabel (1843-1904) quand il récitait son bréviaire29. Quelle que soit la part de vérité, l’objectif du rédacteur est ici de montrer que le défunt était fait pour être prêtre jusqu’au dernier jour de sa vie.

  • 30 SRV, 17 mai 1902, p. 383.
  • 31 SRV, 5 mars 1904, p. 186.
  • 32 SRSB, 16 août 1904, p. 518.
  • 33 SRSB, 4 janvier 1901, p. 13.

29Le jour de la mort est un autre signe d’élection. Souligner que Jean Rouillard est mort le jour de l’Ascension30, Jean-Marie Le Cosse le mercredi des Cendres31, Francisque Chamaillard le jour de la fête de saint Laurent32 – un martyr – ou Pierre Cotillard un samedi – le jour de la Vierge33 – permet de suggérer la sainteté de ces prêtres.

30Le récit de l’administration des sacrements et les dernières paroles confèrent également une dimension apologétique au discours. 48 % des notices nécrologiques briochines précisent si le défunt a reçu les derniers sacrements ou non. La belle mort est celle qui laisse le temps de les administrer. L’oxymore « la mort brutale qui ne prend pas au dépourvu » devient alors un stéréotype narratif, destiné à apaiser les craintes liées à cette issue redoutée.

  • 34 SRV, 23 mars 1871, p. 183.
  • 35 Arnold, Odile, Le corps et l’âme. La vie des religieuses au xixe siècle, Paris, Seuil, 1984, p. 28 (...)
  • 36 SRV, 25 juin 1874, p. 412.

31La diffusion d’un modèle de piété se fait aussi par le récit des derniers gestes et paroles du mourant. Le baiser au crucifix est l’ultime action la plus couramment évoquée. L’ultramontanisme pointe quand le rédacteur précise que le crucifix embrassé avait été béni par Pie IX34. Les derniers mots prêtés au mourant révèlent la spiritualité dominante dans le dernier tiers de la période concordataire. Comme les religieuses à cette époque35, les prêtres bretons s’adressent souvent à la Sainte Famille, et particulièrement à Jésus et à Marie, ce qui montre la diffusion d’une piété christologique et le succès du culte marial. Les prêtres vannetais, dont beaucoup sont passés par le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, se distinguent de leurs voisins briochins en invoquant sainte Anne, la patronne du diocèse. L’emploi de for mules latines ou rituelles, qui montrent que l’ecclésiastique a agi en prêtre jusqu’à sa mort sont également couramment retranscrites. « Saint, Saint, Saint. Agneau de Dieu qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous », supplie Jean Le Roux (1829-1874) en expirant, selon le rédacteur de sa notice nécrologique36. Mourir est un acte sacerdotal, dont chaque geste doit montrer la sainteté à laquelle la prêtrise permet d’accéder. Cette épreuve doit être l’occasion pour un ecclésiastique d’édifier une dernière fois son entourage.

32Les notices nécrologiques sont donc autant une source sur les prêtres vivants que sur les morts. La réalité de la carrière du défunt s’efface souvent devant la nécessité d’édifier. L’utilisation d’autres sources, comme les demandes de mutation, est donc impérative pour connaître le regard des prêtres sur leur carrière.

Désirs de prêtres, besoins d’Église

33Dans l’historiographie, le xixe siècle est considéré comme une période de renforcement du pouvoir des évêques, qui disposent des vicaires et des desservants comme ils l’entendent. Le Concordat prévoie en effet l’omnipotence du conseil épiscopal pour les nominations de prêtres, à l’exception de quelques fonctions, très minoritaires, où le pouvoir civil est associé à la décision. La confrontation des ambitions cléricales avec la réalité des carrières ecclésiastiques permet de mesurer les conséquences de cette évolution sur la réceptivité de l’administration épiscopale aux demandes des prêtres.

Les ambitions des prêtres

  • 37 Gerbod, Paul, La condition universitaire en France au xixe siècle, Paris, PUF, 1965, p. 122.
  • 38 Laveille, RP, Jean Marie de La Mennais (1780-1860), Vannes, Librairie Lafolye frères, 1910, p. 277

34Les souhaits de carrière des prêtres s’inscrivent dans le contexte de diversification des itinéraires, préalablement décrit. Jusqu’aux années 1830, l’ambition d’un prêtre est d’obtenir une paroisse qui lui convienne, le plus souvent proche de son pays natal. L’attrait de la paroisse natale est dans le clergé l’équivalent de la tentation des universitaires du xixe siècle de revenir exercer dans le collège où ils ont fait leurs études37. « Chacun veut rester chez soi, dans sa paroisse, dans sa famille et dormir dans son berceau » se lamente Jean-Marie de Lamennais en 181638.

35Dans le diocèse de Vannes, le registre du conseil épiscopal révèle qu’en 1822-1823, quatre vicaires bas-bretons refusèrent la promotion au rang de recteur qui leur était proposée. La diversité dialectale dans la partie bretonnante du diocèse explique peut-être leur réticence mais, à chaque fois, la destination envisagée les écartait de leur lieu natal. En revanche, Julien Guimar (1787-1860), vicaire de Plouay, quelques mois après avoir refusé de desservir la paroisse de Saint-Aignan, la plus au nord du diocèse de Vannes, accepte en 1822 le rectorat de Landévant, dans son canton natal, où il reste 38 ans. Le déroulement stéréotypé des carrières et l’absence de concurrence permettait à ces prêtres d’espérer qu’une paroisse qui leur conviendrait mieux leur serait rapidement proposée.

  • 39 AESB, 5 CD 2, séance du 5 octobre 1855.
  • 40 AEV, AP Sainte-Brigitte, lettre de Désiré Cadoret à Mgr Gazailhan, 26 mars 1865.

36L’attachement au pays natal se vérifie tout au long du siècle. En 1855, le conseil épiscopal briochin prend ainsi note du désir de Pierre-Marie Le Gueut (1800-1859) de se rapprocher de Tréguier39. Dans le diocèse de Vannes, le recteur de Sainte-Brigitte, Désiré Cadoret (1819-1881), écrit à son évêque pour lui demander un poste plus proche d’Auray, ne serait-ce que par égards pour sa mère qu’il doit héberger40. La figure maternelle revient fréquemment dans les correspondances. La volonté de retourner chez soi s’explique aussi par le fait que le prêtre meure la plupart du temps en fonction et rêve de vieillir entouré des siens.

  • 41 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 220.
  • 42 Ibid., p. 218.
  • 43 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 55.

37À partir des années 1830, la variété des itinéraires provoque une diversification des désirs des ecclésiastiques. La belle carrière ne se mesure pas à un rang de sortie objectif et davantage que l’obtention d’une paroisse donnée, c’est la nature du ministère qui préoccupe surtout le prêtre. Les postes consacrés au maintien de la discipline dans les petits séminaires rebutent fréquemment et le ministère paroissial demeure l’objectif de beaucoup de prêtres, dont la vocation a mûri au contact d’un recteur, à la place duquel ils se sont imaginé. L’orientation vers le ministère paroissial est par exemple une libération pour le futur curé de Mûr, Louis Hélary (1812-1889), chahuté par les élèves des petits séminaires de Tréguier et de Plouguernével alors qu’il était maître d’études41. L’enseignement suscite des réactions plus contrastées. Le professorat semble surtout attractif pour les ecclésiastiques talentueux qui veulent du temps libre pour s’adonner à leur passion ou avoir une activité intellectuelle parallèle. Satisfait de son statut de professeur du petit séminaire de Plouguernével, Mathurin Burel (1815-1894) y est demeuré dix-neuf ans, fondant un cours de musique dont il fut chargé jusqu’en 1859. Son talent de clarinettiste pouvait alors davantage s’exprimer que dans un presbytère42. À l’inverse, François Le Guyader (1844-1899) « avait peu d’attachement à sa charge de professeur et déclarait ouvertement qu’il n’avait d’autre ambition que de quitter la vie monotone de Sainte-Anne[-d’Auray] pour entrer dans le ministère paroissial43 ».

  • 44 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 288.

38La carrière paroissiale attire surtout par la perspective de devenir recteur. Depuis que sa durée moyenne s’est allongée, le vicariat est vécu comme un tunnel dont il faut sortir rapidement. Jean-Augustin Guillevic résume la conception du clergé de la fin du xixe siècle en écrivant que « le vicariat est le prolétariat du clergé44 » : une fonction certes utile et instructive pour un jeune clerc, mais ingrate quand elle s’éternise.

  • 45 Charle, Christophe, Les hauts fonctionnaires..., op. cit., p. 220.

39Régulièrement, les prêtres qui n’apprécient pas la nature de leur ministère pour des raisons pastorales, matérielles ou physiques, n’hésitent pas à faire part de leur volonté de changer l’orientation de leur carrière en accédant à des fonctions de prestige similaire. En revanche, ils restent beaucoup plus discrets sur leur désir d’accéder aux fonctions les plus prestigieuses, telles que curé, supérieur de séminaire ou membre de l’administration diocésaine. Dans le clergé breton, contrairement à la haute fonction publique française45, les demandes de promotion, qui laissent suspecter l’ambition, semblent rarissimes. L’humilité requise chez le bon prêtre impose la discrétion et la prudence.

  • 46 ADCA, V 583, dossier Le Mercier, lettre du sous-préfet au préfet, 31 août 1883.
  • 47 APSSSA, Mémoires de Kerdaffrec, manuscrit, 1896, p. 26.

40L’ambition de certains ecclésiastiques transparaît toutefois. En 1883, le sous-préfet de Loudéac estime ainsi que Jean-Marie Le Mercier (18331917) peut être nommé curé sans crainte, malgré ses opinions anti-républicaines, car son désir manifeste de « monter encore » le poussera à rester calme et à s’abstenir de tout militantisme, malgré son inamovibilité46. Dans le diocèse de Vannes, la recherche des honneurs du chanoine Pierre Gaudin (1807-1891) fut démasquée lorsqu’il fut avéré qu’il avait voté pour lui même lors de l’élection des vicaires capitulaires suivant la mort de Mgr de La Motte, en 186047.

  • 48 AN, F19 3024, dossier Le Men, lettre du préfet des Côtes-du-Nord au ministre des Cultes, 17 avril (...)
  • 49 SRSB, 2 novembre 1871, p. 691-695.

41L’ensemble du clergé concordataire des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes ne partage pas l’ambition de ces prêtres. Yves-Marie Le Men (né en 1858) apparaît par exemple sous la plume du préfet des Côtes-du-Nord comme « un prêtre réservé, suffisamment instruit, mais sans grande ambition48. » Des refus de promotion, observés tout au long du xixe siècle, montrent que certains ecclésiastiques choisissent le confort acquis plutôt que l’aventure d’une nouvelle mission, fut-elle prestigieuse. Une dizaine de cas ont ainsi pu être recensés au hasard des archives dans le diocèse de Vannes. En 1845, Étienne Lhermite (1787-1871) préfère ainsi sa paroisse rurale de Riantec, dont il fut le recteur pendant 48 ans, à la cure urbaine de Port-Louis. Cette fidélité remarquable lui vaut une élogieuse notice nécrologique de quatre pages dans la Semaine religieuse49, preuve supplémentaire que l’accès à la notabilité pastorale ne passe pas forcément par l’obtention des fonctions les plus prestigieuses. Les fonctions non-paroissiales les plus prestigieuses sont également parfois déclinées. Ange Le Goaster (1799-1876) préfère demeurer dans sa cure de Pontrieux plutôt que d’intégrer le chapitre de la cathédrale de Saint-Brieuc, ce qui l’aurait contraint à quitter la Basse-Bretagne.

42L’image d’un clergé concordataire ambitieux et attiré par les plus hautes fonctions est donc à tempérer. Au cours du siècle qui vit le modeste curé d’Ars incarner l’idéal du saint prêtre, la carrière rêvée pouvait revêtir des contours très différents selon les ecclésiastiques. La recherche d’une certaine stabilité est toutefois un point commun. L’étude des carrières ayant montré que la mobilité des prêtres est croissante à partir de »la vague d’ordinations de la Restauration, faut-il en conclure que l’augmentation du nombre d’ecclésiastiques a permis à l’administration épiscopale d’imposer ses choix face aux demandes des prêtres ?

Au temps de la disette, le sacerdoce choisi ?

  • 50 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 171-175.

43Jamais au cours de la période concordataire, les prêtres vannetais ne virent leurs désirs relatifs aux nominations aussi bien comblés que sous l’épiscopat de Mgr Pancemont, évêque de 1802 à 1807. La bienveillance du prélat envers son clergé, que Claude Langlois avait soulignée après avoir étudié sa correspondance50, se vérifie dans l’attention qu’il porte aux souhaits de ses ecclésiastiques.

  • 51 AEV, D 4, lettre de Allain à Le Pavec, 11 brumaire an XII.
  • 52 AEV, D 4, lettre de Allain à François Puissant, 25 vendémiaire an XII.

44À défaut de pouvoir satisfaire tous ses prêtres, Mgr Pancemont leur offre plusieurs options. Faute de rectorat vacant, Joseph Le Pavec (1757-1820) peut choisir entre les importants vicariats de Plouay, de Grand-Champ et de Pluméliau51 ; ses faveurs iront vers ce dernier. Ne pouvant exaucer les vœux de François Puissant (1760-1814), qui souhaite devenir recteur de Damgan ou Pénerff, l’évêque de Vannes lui propose une autre paroisse maritime, Locmariaquer ; le prêtre fait la fine bouche et devient finalement recteur de Saint-Jean-Brévelay, dont il était le vicaire52. Les promotions sont davantage des propositions que des changements imposés.

  • 53 AEV, D 4/6.

45Sous l’épiscopat de Mgr Pancemont, les comptes rendus des séances du conseil épiscopal fourmillent de refus53. Certaines paroisses réputées difficiles comme Kerfourn et Lignol sont rejetées six fois consécutivement. L’administration diocésaine semble plus ferme lorsque le service pastoral n’est plus assuré : « écrire à M. Le Joubioux, vicaire d’Inguiniel pour l’obliger d’accepter après la Pâques la succursale de Lignol », prévoit le conseil épiscopal du 1er avril 1805. Las ! Celui-ci est promu recteur de Lanvaudan quelques jours plus tard. La bienveillance devient alors faiblesse.

  • 54 AEV, D 4, lettre de Mgr Pancemont à Joseph Ponsard, 8 décembre 1806.
  • 55 AEV, D4/6, séance du conseil épiscopal du 17 juillet 1808.

46Progressivement, le sacerdoce à la carte prend fin. Peut-être inquiet de la culture du refus qui s’installe et de la situation pastorale du diocèse, Mgr Pancemont se montre plus intransigeant à la fin de son épiscopat, obligeant notamment en 1806 Joseph Ponsard (né en 1765) à demeurer à Plouhinec54. Dans les comptes rendus du conseil épiscopal, les refus se raréfient puis semblent disparaître à partir de 1809. Au fur et à mesure que le spectre de la division de la Petite Église s’éloigne, la fermeté s’accroît. L’indulgence vis-à-vis du clergé d’Ancien Régime cède progressivement la place à l’exigence de soumission avec les jeunes prêtres. L’arrivée de Mgr de Bausset-Roquefort en 1808 contribue à accélérer ce changement. Le nouvel évêque semble ne plus hésiter à appliquer les sanctions que son prédécesseur menaçait d’utiliser. Ainsi en 1808, Pierre Guymar (né en 1762), qui a quitté Nivillac sans y être autorisé, sous prétexte qu’il ne s’y plaisait pas, est interdit de toute fonction55. L’augmentation numérique rapide du clergé diocésain vannetais autorise cette fermeté, particulièrement à l’égard des Hauts-Bretons, plus nombreux.

  • 56 AEV, D 4/6, séances du conseil épiscopal du 18 septembre 1815 et du 16 octobre 1815.

47La fin du sacerdoce choisi ne signifie pas pour autant le triomphe immédiat de l’absolutisme épiscopal. En 1815, la demande de Pierre Le Couriault (1786-1819) de quitter le vicariat de Lanvaudan est acceptée et celui-ci est placé à Plouhinec. Ses motivations sont malheureusement inconnues. Un mois plus tard, François Le Carour (né en 1786), qui souhaite partir de Caudan, est muté. Il obtient certes satisfaction mais le conseil épiscopal, qui trouve ses arguments insuffisants, lui impose un long déplacement jusqu’à Saint-Gildas-de-Rhuys56.

  • 57 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 171-175.

48Claude Langlois considère que l’épiscopat de Mgr de Bruc, évêque de Vannes de 1819 à 1826, constitue un tournant autoritaire, en raison de la fréquente mutation des vicaires et de la disparition des refus57. Ces dernières observations sont contestables, même si la mise au pas du clergé semble réelle. En effet, la durée moyenne de chaque vicariat ne cesse de s’allonger dans le diocèse de Vannes au cours du premier tiers du xixe siècle, en Haute comme en Basse-Bretagne. En outre, au moins sept refus ont été enregistrés par le conseil épiscopal entre 1821 et 1824. La réaction épiscopale face à certaines rebuffades confirme cependant la soumission progressive du clergé. Corneille Lotodé (1795-1874), qui refuse de se rendre à Erdeven en 1821 alors qu’il est vicaire de Carnac, sa paroisse natale, est rayé de la liste des vicaires par ordre de Mgr de Bruc, ne retrouvant une fonction qu’en 1828. Marc Le Quilliec (1778-1859), un vicaire qui rejette un rectorat en 1823, est contraint à neuf ans d’immobilité. Sa promotion tardive dans la petite paroisse du Hézo, en 1832, avait valeur de dissuasion pour ses confrères tentés de refuser une promotion. L’abondance de vocations permet désormais de se passer temporairement des sujets récalcitrants.

  • 58 AESB, CE 2, journal de bord tenu par le vicaire général Manoir entre novembre 1805 et janvier 1806

49Le premier tiers du xixe siècle marque donc dans le diocèse de Vannes un glissement progressif du sacerdoce choisi au sacerdoce imposé. L’évolution est moins linéaire dans l’évêché de Saint-Brieuc. Il semble que les souhaits des prêtres aient été très rarement exaucés au cours de l’épiscopat de Mgr Caffarelli, entre 1802 et 1815. Autoritarisme et intransigeance caractérisent sa gestion, comme en témoigne sa réaction à la demande d’Antoine Mottais (1754-1818) qui sollicitait une petite paroisse, muni d’un certificat médical attestant qu’il souffrait d’une hernie. Il répondit alors au prêtre que sa seule préoccupation devait être « la gloire de Dieu » et que le recteur devait aller « là où ses supérieurs l’appel[ai]ent58 » ; l’abbé Mottais demeura à Merléac jusqu’à sa mort, en 1818.

50Le portrait accusateur du chanoine Le Sage confirme l’insensibilité de l’évêque originaire du Falga aux revendications de son clergé :

  • 59 AESB, 1 FL 3, Mémoires du chanoine Le Sage, p. 91.

« S’agissait-il de tirer un ecclésiastique d’une paroisse pour l’envoyer dans une autre, souvent fort éloignée ? On lui adressait l’ordre formel et précis de s’y rendre dans les plus brefs délais. Il arrivait à Saint-Brieuc pour exposer les raisons bonnes ou mauvaises qui fondaient sa répugnance. On ne lui donnait pas toujours le temps de les dire et souvent il était intimidé par l’accueil froid et l’air impérieux du chef. Celui-ci mettait en avant l’obéissance prompte absolue motivée sur la parfaite similitude d’un évêque à un colonel. [...] Lorsque ces arguments de parité étaient à bout, il en venait à celui-ci qu’il croyait péremptoire et sans réplique : “Vous ne voulez pas être desservant ou vicaire : mais, moi, n’a-t-il pas fallu que je fusse évêque ? [...] Ne serais-je pas mieux au château du Falga à planter mes choux”59 ? »

  • 60 Morin, Gilles, L’administration religieuse..., op. cit.
  • 61 Merlaud, André, Jean Marie de la Mennais, la renaissance d’une chrétienté, Paris, Éditions Bonne P (...)

51Rien ne permet de remettre en cause ce témoignage. Le portrait sans concession du « préfet violet60 » tranche avec l’image bienveillante de Mgr Pancemont. La raideur de Mgr Caffarelli provoqua d’ailleurs un divorce croissant avec son clergé61.

  • 62 AESB, dossier de correspondance par paroisse, Saint-Mayeux, lettre de Claude Jégou au vicaire géné (...)

52Après sa mort survenue en 1815, la gestion des prêtres semble s’assouplir. Le contexte a de surcroît changé, la crise numérique atteignant son paroxysme. Les vicaires capitulaires font alors parfois preuve d’une étonnante clémence. En 1817, Hyacinthe Barbier (1760-1821), un recteur alcoolique et violent, s’oppose à l’administration épiscopale qui veut le déplacer et obtient de demeurer à Vildé-Guingalan. Quelques faveurs sont concédées : ainsi en 1818, le desservant de Saint-Mayeux, Claude Jégou (1760-1843), se hasarde une quatrième fois en onze ans à solliciter son changement et obtient sa mutation à Plussulien, conformément à ses souhaits62. Sa patience et sa docilité sont vraisemblablement récompensées.

  • 63 Lettre de Jean-Marie de Lamennais à Philippe Ellès, 6 juin 1819, citée dans La Mennais, Jean-Marie (...)

53L’ouverture aux revendications des ecclésiastiques demeure toutefois partielle, comme le montre la tiédeur avec laquelle Jean-Marie de Lamennais répond aux attentes de certains prêtres assermentés ou récemment ordonnés. Ainsi, alors qu’il peine à trouver un prêtre qui accepte d’aller desservir Plouzélambre, il choisit un jeune vicaire pour être sûr de ne pas essuyer un nouvel échec qui prolongerait la vacance de la paroisse trégorroise. Même s’il s’attend à des réticences de la part de Jean Robert (1791-1867), il précise que l’urgence de la situation fait qu’ » il faudra [...] les vaincre puisqu’on ne peut les éviter [et que] Mr Robert doit se rendre à sa destination pour le 27 de ce mois63 ». Nul doute en effet qu’une nomination en Basse-Bretagne ne constituait pas pour ce prêtre gallo, comme pour ses 39 confrères exilés dans les années 1810, une mutation rêvée. La gravité de la pénurie conduit parfois à imposer des changements douloureux et à faire la sourde oreille aux revendications, malvenues dans un contexte de crise.

54Au début du xixe siècle, la prise en compte des souhaits de carrière des prêtres briochins et vannetais montre que celle-ci varie fortement en fonction des hommes et du contexte. La politique du sacerdoce choisi sous Mgr Pancemont tranche avec l’intransigeance de son homologue briochin Mgr Caffarelli au début de la période concordataire. Mais l’administration épiscopale a dans les deux diocèses un comportement proche à la fin des années 1810 et au début des années 1820 : une fermeté affichée, surtout face à la génération formée sous le régime concordataire, qui n’exclut toutefois pas une certaine ouverture face aux revendications justifiées. Ce traitement différencié à l’égard de la nouvelle génération prépare le triomphe de l’administration épiscopale.

Au temps de l’abondance, le sacerdoce subi ?

  • 64 Gouraud, Alcime, Conseils à un nouveau curé ou recteur, sans lieu ni date, chapitre I.

55Une intéressante brochure signée Mgr Gouraud, évêque nommé à Vannes en 1906, fut publiée pour exposer au clergé l’esprit dans lequel il devait recevoir une nomination. Son rédacteur insiste sur la primauté absolue de l’évêque, mais se prétend néanmoins attentif aux « observations respectueuses64 » des prêtres susceptibles d’être mutés. Les archives des évêchés de Saint-Brieuc et de Vannes montrent que, des années 1850 à la fin de la période concordataire, la réalité n’est guère éloignée des souhaits de Mgr Gouraud.

56Contrairement à ce qui avait pu se passer ponctuellement dans le premier quart du xixe siècle, l’administration diocésaine ne cède plus aux prêtres qui veulent choisir leur destination. Julien Philippe (1805-1879), qui refuse un rectorat en 1859, demeure vicaire d’Inzinzac le reste de sa carrière, soit 42 ans au total. La pression du nombre est alors telle que le rectorat offert ne se négocie plus ; toute épreuve de force avec le pouvoir épiscopal risque de ruiner la carrière.

  • 65 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal du 21 novembre 1853.
  • 66 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal du 5 mars 1858.
  • 67 AESB, dossier de correspondance par paroisse, Mûr, lettre de Yves Le Bihan au vicaire général, 27 (...)
  • 68 Delpal, Bernard, Entre paroisse et commune..., op. cit., p. 55.

57À la même période, les résumés des séances du conseil épiscopal briochin témoignent d’une fermeté équivalente. Le 21 novembre 1853, celui-ci décide ainsi de mettre fin à la « pénitence » de l’abbé Denis (seize mois de mise à l’écart), après que celui-ci a écrit « une lettre très convenable, paraissant suffisamment longue65 » pour exprimer à l’évêque son repentir d’avoir refusé une nomination à Trémorel. En 1858, le conseil épiscopal rejette la demande de Mathurin Collet (1802-1870), qui sollicitait une paroisse à vicaire « pour la 3e ou 4e instance66 » ; désormais, l’administration diocésaine place ses prêtres où elle l’entend. Sa toute-puissance n’est contestée que par de rares ecclésiastiques, comme le curé de Mûr, Yves Le Bihan (1796-1867), qui profite de son inamovibilité pour se plaindre, avec une rare liberté de ton, que « pour être placé dans des paroisses de choix, il faut être un peu trinbaleur [sic]67 ». Aucune polémique du type de celle lancée par les frères Allignol en 1839 dans le diocèse de Viviers68 ne semble avoir existé. La forte concurrence entre les prêtres bretons a favorisé la docilité.

  • 69 Nicol, Max, Mgr Bécel..., op. cit., p. 57-62.

58Pour éviter des réactions trop vives, une propagande vantant l’obéissance des prêtres au choix de leur évêque se diffuse, notamment dans les Semaines religieuses, où les récits de soumission stéréotypés se multiplient. Les biographies de prêtres répandent le même idéal. Max Nicol montre ainsi dans son portrait du défunt Mgr Bécel comment celui-ci se satisfaisait volontiers de postes modestes et qu’il accepta certaines promotions par souci d’obéissance, sur les recommandations de son directeur spirituel69.

59Les correspondances montrent que la norme de la soumission se diffuse dans les esprits. Et les prêtres qui osent manifester leurs souhaits n’omettent pas de faire sentir qu’ils sont pénétrés de cet idéal, ce qui donne parfois naissance à une rhétorique alambiquée, comme en témoigne ce courrier d’Yves-Marie Dérian (1804-1863) :

  • 70 AEV, AP Persquen, lettre d’Yves Marie Dérian à l’évêque, 21 janvier 1861.

« Il ne m’appartient pas de déterminer ni le temps de mon départ, ni la localité, c’est à mes très vénérés supérieurs à le faire et à moi à obéir. S’ils me permettent de leur exprimer un désir, je leur dirais qu’en avril ou mai, je partirais volontiers d’ici et désirerais approcher de mon pays70. »

60Le prêtre respectueux fut servi et quitta le pays Pourlet pour Baden. La fermeté de l’administration épiscopale, constamment affirmée dans la seconde moitié du xixe siècle, n’est donc pas un despotisme. Lorsque son autorité n’est pas remise en cause et qu’une faveur ne nuit pas à la qualité du service pastoral, elle peut accéder aux désirs des prêtres dociles.

  • 71 AESB, 5 CD 2, conseils épiscopaux du 28 février 1858 et du 12 mars 1858.
  • 72 AESB, 5 CD 2, conseil épiscopal du 12 mai 1860.
  • 73 AESB, 5 CD2, conseil épiscopal du 3 janvier 1861.

61Dans le diocèse de Saint-Brieuc, Marc Rouault (né en 1800) et Pierre De la roche au lion (né en 1796), qui ne veulent pas être nommés dans le pays de Dinan71, réussissent à convaincre le conseil épiscopal. Deux ans plus tard, Louis Rault (né en 1795) obtient son maintien comme recteur de Hénansal, arguant des difficultés qu’une mutation poserait à sa mère, alors octogénaire72. Les ecclésiastiques qui font des vœux sur la nature de leur ministère sont aussi régulièrement entendus. Ainsi Yves-Marie Le Toudic (né en 1814), qui, en 1861, préfère une aumônerie à la succursale de Plélauff qui lui est proposée, demeure chapelain des Filles du Bois de la Croix à Loudéac73. Le conseil épiscopal semble d’autant mieux disposé à répondre aux souhaits des prêtres que ceux-ci arrivent en fin de carrière et ont su se montrer dociles auparavant. La récompense des vétérans a ainsi valeur d’exemple pour les plus jeunes.

  • 74 AESB, 5 CD2, conseil épiscopal du 8 février 1861.
  • 75 AP Noyal-Pontivy, cahier de paroisse de Noyal-Pontivy, p. 17.

62Par ailleurs, l’administration épiscopale tente même de prévenir les frustrations en prévoyant des consolations pour les prêtres dont la carrière ne connaît pas l’évolution qu’elle mériterait. Le conseil épiscopal de Saint-Brieuc, qui regrette de ne pas avoir de rectorat adapté à proposer à Jean Duchesne (1803-1870), probablement diminué physiquement, lui offre un vicariat avec faculté de se mettre à son ménage74, c’est-à-dire d’habiter la maison de son choix, hors du presbytère. Finalement, le conseil revient sur cette décision et le place à la tête de la minuscule paroisse de Lanleff, libérée par le déplacement de son titulaire. En 1892, le vicaire général de Vannes Jégouzo, conscient de laisser trop longtemps François Olichon (1845-1902) très loin de son lieu natal, lui offre en compensation une « paroisse qui présente beaucoup de ressources75 ». Main de fer dans un gant de velours ? Même si son discours enjolive peut-être la réalité pour convaincre le vicaire de l’intérêt de sa future mission, il révèle néanmoins la volonté de ne pas laisser le sentiment d’injustice pénétrer dans le clergé. Un contrat tacite semble alors prévaloir au sujet des nominations : les prêtres acceptent les nominations faites par le conseil épiscopal, ne recherchent pas les oppositions frontales qui contestent l’autorité de l’évêque et celui-ci demeure réceptif aux demandes argumentées des ecclésiastiques obéissants.

63Le premier quart de siècle apparaît donc comme un temps d’expérimentation et de rapports de forces, où chacun essaie de tirer profit des nouvelles règles concordataires et de la conjoncture difficile. Brutalement dans le diocèse de Saint-Brieuc, progressivement dans le diocèse de Vannes, la carrière imposée par l’administration diocésaine devient la norme. Toute fois, le prêtre qui ne s’oppose pas à la puissance épiscopale conserve tout au long du xixe siècle un espace de discussion pour orienter sa carrière. Certains ecclésiastiques, qui refusent ce cadre strict ou se sentent trop à l’étroit dans un diocèse abondamment pourvu de prêtres, choisissent alors des voies radicalement différentes de la carrière diocésaine à laquelle ils se destinaient.

Les carrières alternatives

64Les départs des prêtres vers les ordres religieux, vers les missions, sur un navire ou dans un autre diocèse correspondent à des réalités fort différentes et, à ce titre, ont souvent été analysés séparément. Pourtant, leur coïncidence dans le temps et leur importance dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes montrent que ces itinéraires possèdent des points communs. Ils portent la marque d’une rupture plus ou moins radicale avec le diocèse d’origine et révèlent la recherche de carrières alternatives, que les considérations spirituelles et apostoliques ne suffisent pas toujours à expliquer. L’itinéraire d’un ecclésiastique traduit aussi ses ambitions et ses frustrations.

Religieux

65Pendant la période concordataire, le passage des prêtres séculiers vers le clergé régulier est beaucoup plus fréquent que l’inverse. Les incorporations d’ecclésiastiques venus d’ordres religieux semblent avoir été rares. Dans l’évêché de Vannes, les sources ne permettent pas de connaître leur fréquence mais neuf cas seulement ont été recensés dans le diocèse de Saint-Brieuc, la plupart suite à l’adoption des lois relatives aux congrégations, au début du xxe siècle.

66En revanche, au moins 98 prêtres du diocèse de Saint-Brieuc et 72 de celui de Vannes, soit un peu plus de 2 % du clergé de ces évêchés, sont entrés dans un ordre religieux après leur ordination, le plus souvent chez les cisterciens (29 cas dans le diocèse de Saint-Brieuc, 16 dans celui de Vannes) et les jésuites (respectivement 26 et 12 cas). L’effet de proximité explique l’attirance exercée par ces ordres. Les trappistes sont en effet installés depuis 1841 à Bréhan-Loudéac, à la frontière des deux évêchés et le solide ancrage des jésuites dans les deux évêchés se perpétue au début du xixe siècle : la grande mission de 1816 prêchée à Saint-Brieuc fut confiée à la compagnie de Jésus, laquelle dirigeait le collège de Vannes à la même époque.

67Les entrées dans un ordre religieux sont beaucoup plus nombreuses dans la seconde moitié du xixe siècle que dans la première, comme le montre le graphique ci-dessous :

Départs de prêtres séculiers vers les ordres religieux (missionnaires exclus)

Départs de prêtres séculiers vers les ordres religieux (missionnaires exclus)
  • 76 AESB, 3 D 18, Vie de M. de Garaby, lettre de Malo de Garaby à Mgr Le Groing de La Romagère, 6 octo (...)
  • 77 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery..., op. cit., p. 93-94.

68La fréquence des départs fluctue en fonction de l’importance des effectifs cléricaux. Au début de la période concordataire, les difficultés numériques freinent le départ des prêtres tentés de quitter le clergé séculier. Au cours des années 1820, Mgr Le Groing de La Romagère refuse par exemple à Malo de Garaby (1797-1855)76 et à Guy Homery (1781-1861)77 l’autorisation d’entrer chez les jésuites. Chaque évêque veut conserver ses prêtres pour faire face à la pénurie.

  • 78 Marsille, Henri, « Questel, Méen », in Lagree, Michel (dir.), La Bretagne..., op. cit., p. 354.

69La conjoncture change dans les années 1840. Dès lors, les autorisations pour intégrer un ordre religieux sont accordées plus facilement. Mais à aucun moment, les évêques ne semblent avoir cherché à encourager ces départs. Méen Questel (1860-1927) dut ainsi se montrer tenace pour entrer chez les jésuites : après avoir essuyé un premier refus de l’évêque de Vannes en 1894, il reçut l’autorisation d’intégrer le noviciat de Laval trois ans plus tard78, alors que les ressources cléricales ne manquaient pas.

70L’entrée dans un ordre religieux résulte d’un calcul coût/avantage propre à chaque prêtre. L’analyse de la carrière et du profil des ecclésiastiques qui choisissent cette voie permet de distinguer au moins six facteurs qui peu vent faire basculer la décision.

  • 79 Archives de Timadeuc, notice biographique de Jules Henry.

71Avoir un proche dans un ordre religieux est le premier d’entre eux. Plusieurs prêtres qui quittent le clergé séculier ont dans leur famille des clercs réguliers, à l’instar de Jules Henry (1832-1884), un prêtre du diocèse de Vannes qui entra définitivement à Timadeuc en 1862 alors qu’il était le frère d’un jésuite, de deux dominicains et de deux sœurs de la Providence79. Le proche qui ouvre la voie peut aussi être un ami. Deux ans après son ancien condisciple de séminaire Olivier Lescan (1852-1935), Pierre-Marie Boutmy (1853-1922) entra ainsi à la Trappe, dont l’abbé était François Chevalier (1850-1925), ordonnés le même jour qu’eux.

72Le deuxième facteur est l’insatisfaction éprouvée dans le ministère occupé. Dans les diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes, respectivement 58 % et 73 % des prêtres qui deviennent religieux sont vicaires. Alors que les chefs de paroisse sont approximativement aussi nombreux que les vicaires, ils ne représentent dans le diocèse de Vannes que 8 % des prêtres séculiers qui entrent dans un ordre régulier et 7 % dans celui de Saint-Brieuc. L’engorge ment des carrières, source de frustrations, explique en partie la hausse des départs dans les deux premiers tiers du xixe siècle.

  • 80 Archives de Timadeuc, notice biographique de Bily Éhanno.

73L’entrée d’un prêtre dans un ordre religieux peut aussi s’expliquer par un sentiment d’échec. Bily Éhanno (né en 1832) entra par exemple à Timadeuc en 1883 après avoir passé onze années comme aumônier à Kermaria, dans une maison de religieuses dont il n’avait pas réussi à apaiser les divisions. Sa timidité et le tourment de son échec le poussèrent à refuser la responsabilité d’une paroisse et à préférer la vie contemplative de la Trappe80. L’entrée dans un monastère peut marquer un nouveau départ spirituel, comme elle peut mettre à l’abri de tentations.

  • 81 Archives de Timadeuc, notice biographique de Joseph Guillemot.

74Les prêtres inaptes au sacerdoce, moralement ou physiquement, forment le quatrième groupe d’ecclésiastiques qui intègrent un ordre religieux. Jean-François Le Fournis (né en 1846), par exemple, choisit d’entrer à la Trappe du Port-du-Salut près de Laval en 1897 après avoir été interdit dans le diocèse de Saint-Brieuc. Il évite Timadeuc, où il a effectué plusieurs séjours sur ordre de l’évêque. L’inaptitude au sacerdoce peut n’être que la conséquence de problèmes physiques. C’est le cas pour Louis Guillemot (18531879), atteint de phtisie, qui choisit de venir mourir à Timadeuc en 187881. Pour ces prêtres comme pour les mystiques, les monastères constituent la destination privilégiée.

  • 82 Mahuas, Joseph, « Michel, Julien », in Lagree, Michel (dir.), La Bretagne..., op. cit., p. 310.
  • 83 Laplanche, François, « Fontaine, Julien », in Laplanche, François (dir.), Les sciences religieuses(...)

75Ce n’est en revanche pas le cas du cinquième groupe de prêtres, pour qui l’entrée dans un ordre religieux marque la volonté de se spécialiser dans un aspect de leur ministère. Ces clercs, souvent brillants, ont le souci de l’action et sont surtout séduits par les ordres prêcheurs et les jésuites. Le goût pour la prédication pousse par exemple Julien Michel (1849-1909) à entrer chez les capucins du Mans en 188282. Il revient souvent prêcher au milieu de ses anciens fidèles et confrères du diocèse de Vannes, preuve que son départ n’était pas une désertion. D’autres, comme Joseph Fontaine (1839-1917), fougueux polémiste devenu jésuite en 187383, choisissent de quitter le clergé séculier pour s’adonner pleinement à l’étude et à l’enseignement. Il est symptomatique de voir que 36 % des prêtres briochins qui entrent dans la Compagnie de Jésus sont professeurs, alors que ceux-ci ne représentent qu’environ 10 % du clergé diocésain.

76Parmi ces prêtres se trouvent certainement des ecclésiastiques qui ont voulu rompre avec une spiritualité dominante qui ne leur convenait pas. Cette marginalisation idéologique constitue le sixième facteur qui peut inciter au départ. Les jansénistes vannetais en offrent un bon exemple. Deux des trois prêtres sanctionnés en 1816 pour leur jansénisme deviennent en effet trappistes, sans y avoir été contraints. Dotés d’une solide formation théologique, ils se distinguent ensuite dans l’ordre cistercien. Pierre Hercelin (1787-1855), devenu Dom Joseph-Marie, meurt par exemple abbé général de Cîteaux en 1834.

77L’augmentation des départs vers les monastères et les congrégations religieuses dans les deux premiers tiers du xixe siècle participe donc à la diversification des itinéraires pendant la période concordataire. Les ordres religieux offrent une échappatoire possible pour les clercs séculiers qui souhaitent donner une nouvelle tournure à leur carrière. Même si, en apparence, le départ vers d’autres continents s’oppose à la vie cloîtrée, l’aventure missionnaire s’inscrit dans la même perspective.

Missionnaire

  • 84 Michel, Joseph, Missionnaires bretons d’outre-mer, xixe-xxe siècles, Rennes, PUR, 1997, 289 p.

78Dès le milieu du xxe siècle, la Bretagne a été décrite par les historiens comme une pépinière de missionnaires séculiers et réguliers84. Le clergé des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes gonfla leurs rangs. Pendant la période concordataire, au moins 65 prêtres briochins et 43 vannetais quittèrent leur évêché au cours de leur carrière pour devenir missionnaire.

  • 85 Sorrel, Christian, « Itinéraires missionnaires : les diocèses de Savoie, xixe-xxe siècles », in Ch (...)

79Le graphique ci-après montre que, comme en Savoie85, les prêtres séculiers viennent surtout augmenter les effectifs des missionnaires à partir du deuxième quart du xixe siècle.

  • 86 Michel, Joseph, Missionnaires bretons..., op. cit., p. 90.
  • 87 Ibid., p. 273.

80La reprise de la politique coloniale française et le recrutement désormais abondant encouragent l’embarquement de quelques prêtres pour l’outremer. La bienveillance de Mgr Le Groing de la Romagère à l’égard des missions est également à souligner. L’évêque avait projeté d’ouvrir à Tréguier un séminaire consacré à la formation de missionnaires pour les colonies et avait rendu obligatoire les leçons de natation dans les petits séminaires de Dinan et Tréguier pour préparer les futurs prêtres qui seraient amenés à naviguer86. Dans le diocèse de Vannes, la courbe des départs atteint un sommet dans les années 1870 en raison d’une fructueuse campagne de recrutement pour Haïti entreprise par un enfant du pays, Mgr Guilloux. Les années 1880 marquent le tarissement des embarquements pour l’outre-mer. Para doxalement, cette période correspond à l’apogée des départs de réguliers bretons vers les missions87. Désormais, le choix de la mission semble être antérieur à l’ordination.

Départs de membres du clergé diocésain vers les missions

Départs de membres du clergé diocésain vers les missions

81Haïti était la principale destination des prêtres devenus missionnaires (quatre départs recensés dans le diocèse de Saint-Brieuc, dix-huit dans celui de Vannes). Les possessions françaises d’outre-mer et l’Amérique du Nord continentale sont également particulièrement prisées, notamment dans le diocèse de Saint-Brieuc d’où partent neuf ecclésiastiques vers les Antilles, six vers les États-Unis, cinq à Miquelon et deux au Canada.

82L’éveil des vocations des missionnaires chez les prêtres ne diffère donc pas de celles observées par Joseph Michel : un ami, un membre de la famille ou un prêtre de la paroisse peut jouer le rôle de passeur de vocations, le retour des missionnaires sur leur terre natale constituant probablement le vecteur de vocation le plus puissant. En revanche, l’étude de leurs carrières permet de mieux comprendre leur rupture avec leur diocèse d’origine. Certes, l’argument religieux n’est pas à négliger. Mais alors que tous les prêtres sont probablement convaincus du caractère salvateur des missions, seuls quelques-uns y participent.

  • 88 AEV, D 10, registre des ordinations.
  • 89 AESB, 8 CE, registre des ordinations.

83Le choix missionnaire s’explique d’abord par la conjoncture. Dans les évêchés de Saint-Brieuc et de Vannes, recrutement sacerdotal et départs vers l’outre-mer sont étroitement liés. La mission est aussi une alternative à la faible mobilité verticale des carrières diocésaines. De nombreux prêtres préfèrent l’aventure à la longue attente d’un rectorat. Jean-Marie Le Berrigot (né en 1851), qui obtient au séminaire les moins bons résultats de sa pro motion88, part pour Haïti après douze ans de vicariat. Jean-Marie Tassel (1809-1856), prêtre « un peu original et inculte », à la conduite « scrupuleuse » et à la capacité « médiocre89 » préfère rejoindre la Guyane plutôt que de rester dans l’évêché de Saint-Brieuc où ses perspectives de carrière sont sans aucun doute réduites.

  • 90 AESB, 2 D, dossier Jean Guguen, lettre de Jean Guguen à l’abbaye de Meilleraye, 10 juin 1892.
  • 91 AESB, 2 D, dossier Joseph Guiastrennec, lettre de Joseph Guiastrennec à Mgr Fallières, 1er mars 19 (...)

84Le caractère spontané de ces départs reste à déterminer. Il est certain que des pressions ont été exercées sur certains prêtres pour les convaincre de rejoindre les missions et ainsi améliorer qualitativement le clergé diocésain. Mgr Fallières par exemple exprima clairement à Jean Guguen (1845-1894) son souhait de le voir partir pour l’Amérique en 1892, en raison de sa « conduite immorale90 », ce qu’il refusa. Il fit la même chose avec Joseph Guiastrennec qui, depuis la Trappe de Timadeuc où son évêque l’avait envoyé, menaçait de se suicider si Mgr Fallières ne l’autorisait pas à aller vivre chez sa mère91. Le prêtre se soumit et, plutôt que de vivre au Vieux-Marché comme il l’ambitionnait, partit pour le Canada en 1903. Pour tous ces prêtres, la mission offre un succédané propice.

  • 92 AESB, 8 CE.

85Mais la recherche de nouvelles perspectives ne saurait expliquer la totalité des brusques changements d’itinéraire. L’idée missionnaire fait également pénétrer un vent de liberté dans le clergé diocésain. Julien Delaune (1810-1849), vicaire de la cathédrale de Saint-Brieuc « à l’imagination vive » et très bien noté92, préfère partir à l’aventure aux États-Unis en 1839 plu tôt que de poursuivre une carrière pourtant prometteuse. Les discours enflammés des recruteurs élargissent l’horizon de leurs auditeurs, comme le montre l’achat d’un dictionnaire d’anglais par Jean-Augustin Guillevic le lendemain de la visite du vicaire apostolique de Saint-Albert au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, où il était préfet de discipline à la fin des années 1880.

  • 93 Doucere, Victor, Les populations indigènes des Nouvelles-Hébrides, Paris, Larose, 1922, 30 p. et L (...)

86Les départs vers les missions permettent également d’assouvir la curiosité du clergé intellectuel de la fin du xixe siècle. Victor Douceré (1857-1939), qui intègre la Société de Marie après cinq années d’enseignement au petit séminaire de Dinan et devient vicaire apostolique des Nouvelles-Hébrides, découvre ainsi un champ d’études vierge. En marge de son ministère, il chercha à réaliser une étude globale de ces îles, se faisant tour à tour historien, naturaliste, linguiste ou ethnologue93.

87L’étude des carrières ecclésiastiques montre que l’exceptionnel effort missionnaire de la Bretagne résulte en partie du manque de perspective dans le clergé diocésain. Mais la mission est donc loin d’être réservée à un profil pastoral particulier : l’outre-mer attire surtout des clercs qui avaient soif de liberté.

Horizons nouveaux

88Sans pour autant devenir missionnaire, d’autres prêtres choisissent de quitter leur diocèse d’origine et d’exercer leur ministère hors de celui-ci, de façon momentanée ou définitive. Les aumôniers de marine et les ecclésiastiques qui changent de diocèse, tout en restant en France métropolitaine, découvrent eux aussi de nouveaux horizons.

Aumônier de marine

  • 94 Hersart de la Villemarque, Jacqueline, « La pêche morutière française de 1550 à 1950 », Statistiqu (...)
  • 95 Cazeils, Nelson, Cinq siècles de pêche à la morue. Terre-Neuvas et Islandais, Rennes, Éditions Oue (...)

89Les prêtres des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes ont accompagné deux catégories de marins : les pêcheurs, qui partaient vers Terre-Neuve, et les militaires. Les aumôniers de Terre-Neuve se recrutent exclusivement dans le diocèse de Saint-Brieuc, dont plusieurs ports sont alors spécialisés dans la pêche à la morue. Quinze prêtres au moins ont été employés à cette fonction entre les années 1820 et 1880, la plupart entre 1840 et 1870, alors que les départs de morutiers vers Terre-Neuve atteignent leur maximum sécu laire94. Treize des quinze aumôniers recensés étaient originaires de paroisses littorales, dont quatre de Saint-Quay, l’un des principaux lieux d’armement. Fait significatif du déséquilibre du recrutement et de la géo graphie de la pêche à la morue95, la totalité d’entre eux sont des prêtres gallos.

  • 96 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal, 14 mai 1855.

90Les difficultés pastorales et les risques propres à la navigation rendent la fonction peu attractive. Dans les années 1850, le conseil épiscopal briochin se lamente en effet à plusieurs reprises de l’absence de volontaires pour embarquer : « Encore la question de l’aumônier de Terre-Neuve. Personne n’a encore répondu à l’appel. » écrit avec lassitude le rédacteur du compte rendu de séance en 1858. Des volontaires se manifestent néanmoins par fois, cherchant à obtenir quelque faveur en contrepartie. Le recteur de Tréveneuc Jean-Marie Caillet (1793-1858) souhaite par exemple être remplacé par le vicaire de Plédran, natif de la paroisse voisine96. Il est exaucé et offre ainsi une paroisse à son successeur, lui-même ancien aumônier de Terre-Neuve.

91Le manque de volontaires pousse l’administration épiscopale à récompenser les aumôniers pour leur engagement, comme en témoigne l’évolution de leur carrière :

Carrière des aumôniers de Terre-Neuve

Carrière des aumôniers de Terre-Neuve
  • 97 AESB, 2 CD 4, lettre de Jean-Marie de Lamennais à Pierre Le Bourgeois, 10 février 1819. Les reproc (...)

92Leur engagement semble profiter à leur carrière : plusieurs obtiennent un rectorat quand ils cessent les voyages vers Terre-Neuve ; les vicaires trop jeunes pour être promus patientent en moyenne trois ans de moins à cette fonction que les ecclésiastiques de leur génération et de confortables fonctions les attendent fréquemment. Louis Dobet des Forges (1822-1901) devient ainsi économe du collège Saint-Charles à Saint-Brieuc puis vicaire d’Erquy, sa paroisse natale, et Jean-Marie Pédron (1815-1884) est placé dans la lucrative succursale de Hénon en attendant un rectorat. Mieux encore, l’embarquement pour Terre-Neuve peut être un moyen de relancer une carrière. C’est le cas pour Pierre Le Bourgeois (1781-1865), qui devient aumônier de Terre-Neuve en 1827, alors qu’il est vicaire depuis 19 ans, une stagnation inhabituelle à cette époque qui s’explique par son comportement déplacé, maintes fois condamné par Jean-Marie de Lamennais97. En 1828, il est promu recteur après vingt ans d’attente contre sept en moyenne aux prêtres de sa génération. Pour beaucoup, l’accompagnement des pêcheurs vers les côtes américaines est donc une alternative au vicariat qui permet d’espérer une récompense future. À cet égard, le service des navires militaires ne s’en distingue guère.

93Au cours de la période concordataire, six prêtres du diocèse de Saint-Brieuc et dix-sept de l’évêché de Vannes sont devenus aumôniers de la Marine, la plupart dans les années 1850 et 1860, au temps de l’aumônerie de la Marine centralisée.

  • 98 Bouche, Hubert, « Les prêtres bretons de l’aumônerie de la Marine centralisée », MSHAB, 1987, p. 2 (...)

94Les contributions des diocèses bretons à l’aumônerie de la Marine centralisée sont très inégales. Le diocèse de Quimper, en fournissant 33 aumôniers entre 1852 et 1878 se distingue nettement de ses voisins98, en raison de son importante façade maritime et de l’attraction du port de Brest. Le diocèse de Vannes, second contributeur, donne treize aumôniers durant la même période, celui de Saint-Brieuc six, l’évêché de Nantes cinq et celui de Rennes trois. L’importance relative du recrutement dans le diocèse de Vannes s’explique notamment par la présence de bâtiments de guerre dans le port de Lorient, qui forme une porte ouverte vers de nouveaux horizons. En outre, en 1866, la promotion à la tête de l’aumônerie de la Marine de François Trégaro, un fils de meunier de Peillac, entraîne le recrutement de plusieurs membres du clergé vannetais à la fin des années 1860.

  • 99 SHM, CC 7, dossier Jean-Marie Moisan, lettre de recommandation de l’amiral Charner, 29 août 1864.

95À leur nomination, les aumôniers de marine briochins avaient en moyenne sept ans de sacerdoce et les Vannetais huit. Les aumôniers de marine étaient donc des prêtres jeunes, capables de supporter les rigueurs d’une longue traversée et un séjour de plusieurs semaines dans des pays où les conditions de vie pouvaient être éprouvantes. Toutefois, les aumôniers ne sont jamais choisis parmi les prêtres qui sortent du séminaire. Avant d’embarquer, un aumônier de marine doit avoir prouvé sa capacité à bien se conduire et à encadrer une population. Les aumôniers en chef ne pouvant guère s’appuyer que sur les avis des évêques et les témoignages qu’ils reçoivent pour recruter de nouveaux aumôniers, les recommandations sont essentielles pour accéder à cette fonction. Pour appuyer leur demande, certains prêtres n’hésitent donc pas à solliciter les laïcs. En 1864, Jean-Marie Moisan (né en 1829), par exemple, surmonte les réticences de l’aumônier en chef à l’employer en raison de son âge relativement avancé – il a alors 35 ans – en obtenant le soutien de l’amiral Charner, qui a été son paroissien pendant quatre ans à Pléneuf99.

  • 100 SHM, CC 7, dossier Jean-Louis Le Meur, lettre de recommandation de Pierre Denès (1799-1867), curé (...)
  • 101 Bouche, Hubert, « Les prêtres bretons... », op. cit., p. 258.

96Tous les aumôniers de marine des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes sont vicaires au moment de leur nomination, à l’exception de deux professeurs et de Louis Petit (né en 1831), auparavant secrétaire de l’évêché de Vannes. Le passage par l’aumônerie de marine est aussi une alternative à un long vicariat. Pour certains prêtres insatisfaits de leurs conditions de vie ou de leur position dans le clergé, l’entrée dans l’aumônerie de marine peut aussi être une fuite. Jean-Louis Le Meur (né en 1825) veut ainsi « quitter son pays [car] il éprouve de grands chagrins de la part de plusieurs membres de sa famille100 ». Hubert Bouché a par ailleurs noté que les aumôniers de la marine ont été « massivement gallicans101 ». Leur embarquement, qui coïncide avec le triomphe de l’ultramontanisme, semble être le fruit de la recherche d’une voie parallèle qui permette de faire une carrière intéressante sans abandonner ses opinions.

97Cette stratégie était bonne : la moitié des aumôniers font une longue et prestigieuse carrière au sein de l’aumônerie de la Marine. Les exemples les plus spectaculaires sont les destins de François Trégaro (1824-1897) et d’Eugène Bouché (1828-1888). Une fois devenu aumônier en chef de la Marine, le premier prit le second comme adjoint et les deux ecclésiastiques devinrent évêques, respectivement de Sées et de Saint-Brieuc. Plus courante était la mise à la retraite après deux ou trois décennies de service. Les vétérans qui avaient parcouru le monde pouvaient alors se retirer dans leur village natal.

  • 102 Ibid.., p. 268-269.

98Ceux qui quittent l’aumônerie moins de dix ans après y être entrés réintègrent le clergé en poursuivant un itinéraire conforme à celui de l’ensemble du clergé. Mais il ne s’agit pas pour autant d’un échec car plusieurs reviennent auréolés du prestige de leurs voyages et de leurs décorations. Ange Le Guennant (né en 1810), qui accompagna les soldats en Afrique de l’Ouest et en Crimée reçut par exemple la Légion d’honneur, comme son confrère Eugène Le Moing (né en 1831), qui avait participé à la campagne au Mexique sous le Second Empire et navigué au large des côtes de Guinée102.

99Dans le diocèse de Saint-Brieuc comme dans celui de Vannes, l’embarquement sur les mers offre ainsi une voie supplémentaire d’accès à la notabilité pastorale et une alternative au blocage des carrières. Les départs vers les autres diocèses de la France métropolitaine le permettaient aussi.

Prêtre dans un autre diocèse de France métropolitaine

  • 103 Gonnot, Jean-Pierre, Vocations et carrières..., op. cit., p. 271.

100Au moins 197 prêtres du diocèse de Saint-Brieuc, soit environ 5 % de l’effectif total, exercent leur ministère en France métropolitaine, hors de leur évêché d’origine, au cours du xixe siècle. Les ecclésiastiques vannetais qui quittent leur diocèse temporairement ou définitivement sont au moins 63, soit 2 % de l’ensemble du clergé. Ces chiffres excèdent largement ceux des diocèses pauvres en prêtres comme l’évêché de Belley, d’où 19 départs vers un diocèse français sont enregistrés entre 1823 et 1923103.

101Le graphique suivant illustre l’inégale répartition dans le temps des pas sages dans les autres évêchés.

Passage de prêtres briochins et vannetais dans un diocèse de la France métropolitaine

Passage de prêtres briochins et vannetais dans un diocèse de la France métropolitaine

102Dans les deux évêchés, la courbe de départ de prêtres suit, en accentuant ses irrégularités, la courbe de recrutement, avec toutefois un décalage d’environ une décennie dans le diocèse de Saint-Brieuc. Les départs vers d’autres diocèses sont un moyen de réguler les effectifs cléricaux, ce que confirme l’origine géographique des prêtres qui quittent leur diocèse. 80 % des ecclésiastiques briochins qui partent pour un autre évêché sont en effet nés en Haute-Bretagne, où le recrutement est abondant. La part des Gallos n’est que de 52 % dans le diocèse de Vannes mais la partie bretonnante y est environ deux fois plus étendue que la partie gallèse.

103La géographie des déplacements (voir l’annexe n° 10) révèle l’importance des départs vers les diocèses bretons et les évêchés déficitaires de la moitié nord de la France. Toutefois, les passages dans un autre diocèse breton se raréfient à partir de 1830. Alors qu’ils sont majoritaires entre 1801 et 1830, ils ne représentent plus que 29 % des départs du diocèse de Saint-Brieuc et 14 % de ceux de l’évêché de Vannes entre 1830 et 1905. Les migrations internes à la Bretagne se font surtout à une époque où l’ancien découpage des évêchés structure l’univers culturel des prêtres.

  • 104 AESB, 2 D, dossier Launay, lettre de Joseph Le Fert à Mgr David, 6 février 1863.

104À partir des années 1830, le principal courant migratoire se dirige vers les évêchés qui manquent de prêtres. Les prélats des diocèses déficitaires sollicitent leurs confrères bretons pour profiter de leurs ressources ecclésiastiques abondantes et les prélats bretons y trouvent eux une occasion de placer des jeunes prêtres à qui ils n’ont pas de poste à offrir. Pierre-François Launay (né en 1805) part ainsi dans le diocèse d’Évreux en 1852, après avoir entendu Mgr Le Mée, lors d’une retraite ecclésiastique, promettre que les prêtres qui acceptent de partir seraient récompensés à leur retour104. La carrière de ce prêtre montre que l’engagement ne fut pas tenu par le successeur de l’évêque car, malgré son rang de recteur, il n’obtint qu’un vicariat non-rétribué quand il revint dans le diocèse de Saint-Brieuc.

  • 105 AESB, 20 CE, lettre de Charles Bagas à Mgr Le Groing de La Romagère, 14 décembre 1837.
  • 106 Charle, Christophe, Les élites de la République..., op. cit., p. 195-196.

105De nombreux ecclésiastiques refusent l’excorporation proposée, non sans grandiloquence, manifestant une nouvelle fois l’attachement à leur terroir : « J’ose solliciter de votre grandeur la permission de demeurer dans la vigne à laquelle je me suis voué aux pieds des autels et pour laquelle il me semble que je suis né105 », écrit Charles Bagas (1809-1883) à son évêque en 1837. Chez les prêtres comme chez les ingénieurs des Mines ou des Ponts et Chaussées106, proclamer son attachement au pays natal permet de masquer sa répugnance pour des terres moins attractives.

106Des filières d’émigration s’organisent ainsi sous le contrôle épiscopal, comme en témoigne le passage de treize prêtres de l’évêché de Saint-Brieuc dans le diocèse de Blois au cours des années 1830. Le diocèse de Paris attire surtout à la fin de la période concordataire, drainant sans doute un clergé intellectuel. Tous les ecclésiastiques briochins qui s’y rendent étaient en effet d’anciens professeurs, à l’exception de deux d’entre eux qui suivent une famille en tant que précepteur. Dans le diocèse de Vannes, rien qu’entre 1898 et 1903, sept prêtres passent dans le diocèse de Paris pour y enseigner.

  • 107 AESB, 2 CD 4, lettre de Mgr Le Groing de La Romagère à Joseph Coupeaux, recteur de Pléneuf, 29 jui (...)

107Trois types de migrants peuvent être distingués. Les prêtres déviants forment le premier groupe, particulièrement nombreux en proportion dans le premier tiers du xixe siècle, une période au cours de laquelle les permissions de sortie sont accordées parcimonieusement. Ils sont parfois malaisés à identifier car la stratégie épiscopale est de les forcer à solliciter leur excorporation plutôt que d’exclure ces ecclésiastiques du diocèse107.

  • 108 AESB, 8 CE.
  • 109 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 144.

108Le deuxième groupe de migrants, dominant dans le deuxième tiers du xixe siècle, est formé des ecclésiastiques attirés par les espoirs de carrière dans les diocèses déficitaires. Ce sont souvent – mais pas exclusivement – des clercs médiocres, qui, en Bretagne, ne pouvaient guère prétendre qu’à un rectorat dans une petite paroisse, au terme d’une vingtaine d’années de vicariat. Sur seize prêtres du diocèse de Saint-Brieuc qui partent vers des évêchés déficitaires dans le deuxième quart du xixe siècle et dont les appréciations au sortir du séminaire sont connues108, onze ont reçu des critiques sur leur caractère ou leur capacité. Julien Blanchard (1802-1862) par exemple, qui part pour Blois dès son ordination en 1829, est « médiocre » et « maniéré ». Jean-Augustin Guillevic confirme dans ses Mémoires que les diocèses pauvres en prêtres recevaient généralement les sujets les moins brillants du diocèse de Vannes109.

  • 110 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal, 3 avril 1861.

109Tout le monde y trouve son compte : l’évêque améliore son clergé qualitativement, le diocèse déficitaire accueille un nouveau sujet et l’ecclésiastique peut faire une carrière qui lui semblait inespérée. Toussaint Rouxel (né en 1812), qui a « peu de tête », est « susceptible à l’excès », et n’a qu’une piété « très ordinaire » devient ainsi secrétaire de Mgr Dupanloup dans le diocèse d’Orléans. Son confrère Pierre Priac (1825-1898) est recteur quand il demande à revenir dans le diocèse de Saint-Brieuc, après douze années passées dans l’évêché de Versailles. Mais il mesure alors la différence de rythme entre les carrières briochine et versaillaise car, étant trop jeune pour prétendre à un rectorat dans son diocèse d’origine, il y est nommé vicaire110.

110Le troisième groupe est constitué des prêtres qui appartiennent à l’élite cléricale et dont la sortie du diocèse correspond à une promotion. Constant de Lesquen (né en 1795) quitte ainsi l’évêché de Saint-Brieuc pour devenir chanoine du diocèse de Rennes, dirigé par son oncle, Claude de Lesquen (1770-1885), qui avait auparavant laissé son évêché natal pour le trône épiscopal de Beauvais. Dans le diocèse de Vannes, l’un des meilleurs exemples est fourni par le futur évêque Jean-Marie Bécel (1825-1897) qui fut précepteur dans la famille de Saint-Bris à Tours puis vicaire à la Trinité de Paris avant de rentrer dans son diocèse natal comme curé de la cathédrale. L’élite sociale ou intellectuelle du clergé réussit à s’affranchir du cadre diocésain grâce à ses réseaux, obtenant ainsi de nouveaux points d’appui et auréolant son prestige.

  • 111 Picon, Antoine, L’invention de l’ingénieur moderne. L’École des Ponts et Chaussées, 1747-1851, Par (...)
  • 112 Gerbod, Paul, La condition universitaire..., op. cit., p. 124-126.

111Les départs du diocèse peuvent donc se faire pour des motivations très diverses. La perspective de pouvoir quitter son diocèse facilement à partir des années 1830 constitue pour tous un nouvel horizon qui s’ouvre, profitant aux ecclésiastiques médiocres comme à l’élite. Tandis que les promotions dans le clergé paroissial sont de plus en plus tardives, des voies parallèles permettent aux prêtres insatisfaits de vivre des expériences pastorales nouvelles. Toutes proportions gardées, le choix d’une carrière alternative rappelle le départ de certains ingénieurs des Ponts et chaussées vers le privé111 ou celui des professeurs vers l’enseignement supérieur et l’administration112 : il constitue l’espoir d’une vie meilleure et limite le blocage des carrières.

Notes

1 Sempere, Henri, La semaine catholique de Toulouse (1861-1908), thèse d’histoire, Toulouse-Le Mirail, 1971, 3 vol.

2 Poulat, Émile, Les « Semaines religieuses », Approche socio-historique et bibliographique des bulletins diocésains français, Lyon, Centre d’histoire du catholicisme, 1973, 109 p.

3 SRSB, 27 juillet 1876, p. 369-373.

4 SRV, 29 juillet 1897, p. 470-474.

5 SRV, 18 mars 1875, p. 165.

6 SRV, 5 mars 1904, p. 192.

7 SRSB, 20 août 1875, p. 495 et SRSB, 19 novembre 1875, p. 5.

8 SRV, 6 juillet 1901.

9 SRV, 30 novembre 1901.

10 SRSB, 23 juin 1887, p. 295.

11 SRV, 19 mai 1892, p. 307.

12 Launay, Marcel, Le bon prêtre..., op. cit., 326 p.

13 SRV, 29 juillet 1897, p. 470-474.

14 SRV, 5 mars 1904, p. 187.

15 SRV, 3 janvier 1903, p. 6.

16 SRV, 24 janvier 1903, p. 61.

17 Pennec, Simone (dir.), Des vivants et des morts. Des constructions de la « bonne mort », Actes du colloque de Brest, du 20 au 22 novembre 2002, Brest, Atelier de Recherche Sociologique, CRBC, UBO, 2004, 398 p.

18 SRSB, 6 août 1875, p. 470.

19 SRSB, 15 janvier 1875, p. 111.

20 Poulat, Émile, Les « Semaines religieuses »..., op. cit., p. 26.

21 SRV, 4 mars 1869, p. 131.

22 SRV, 5 septembre 1889, p. 571.

23 SRSB, 11 juillet 1868, p. 404.

24 SRSB, 10 septembre 1875, p. 534.

25 SRSB, 10 décembre 1875, p. 46.

26 SRSB, 2 septembre 1902, p. 592.

27 SRSB, 7 mai 1875, p. 303.

28 SRV, 9 mars 1905, p. 150.

29 SRV, 18 juin 1904, p. 482.

30 SRV, 17 mai 1902, p. 383.

31 SRV, 5 mars 1904, p. 186.

32 SRSB, 16 août 1904, p. 518.

33 SRSB, 4 janvier 1901, p. 13.

34 SRV, 23 mars 1871, p. 183.

35 Arnold, Odile, Le corps et l’âme. La vie des religieuses au xixe siècle, Paris, Seuil, 1984, p. 281.

36 SRV, 25 juin 1874, p. 412.

37 Gerbod, Paul, La condition universitaire en France au xixe siècle, Paris, PUF, 1965, p. 122.

38 Laveille, RP, Jean Marie de La Mennais (1780-1860), Vannes, Librairie Lafolye frères, 1910, p. 277.

39 AESB, 5 CD 2, séance du 5 octobre 1855.

40 AEV, AP Sainte-Brigitte, lettre de Désiré Cadoret à Mgr Gazailhan, 26 mars 1865.

41 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 220.

42 Ibid., p. 218.

43 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 55.

44 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 288.

45 Charle, Christophe, Les hauts fonctionnaires..., op. cit., p. 220.

46 ADCA, V 583, dossier Le Mercier, lettre du sous-préfet au préfet, 31 août 1883.

47 APSSSA, Mémoires de Kerdaffrec, manuscrit, 1896, p. 26.

48 AN, F19 3024, dossier Le Men, lettre du préfet des Côtes-du-Nord au ministre des Cultes, 17 avril 1902.

49 SRSB, 2 novembre 1871, p. 691-695.

50 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 171-175.

51 AEV, D 4, lettre de Allain à Le Pavec, 11 brumaire an XII.

52 AEV, D 4, lettre de Allain à François Puissant, 25 vendémiaire an XII.

53 AEV, D 4/6.

54 AEV, D 4, lettre de Mgr Pancemont à Joseph Ponsard, 8 décembre 1806.

55 AEV, D4/6, séance du conseil épiscopal du 17 juillet 1808.

56 AEV, D 4/6, séances du conseil épiscopal du 18 septembre 1815 et du 16 octobre 1815.

57 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 171-175.

58 AESB, CE 2, journal de bord tenu par le vicaire général Manoir entre novembre 1805 et janvier 1806.

59 AESB, 1 FL 3, Mémoires du chanoine Le Sage, p. 91.

60 Morin, Gilles, L’administration religieuse..., op. cit.

61 Merlaud, André, Jean Marie de la Mennais, la renaissance d’une chrétienté, Paris, Éditions Bonne Presse, 1960, p. 68.

62 AESB, dossier de correspondance par paroisse, Saint-Mayeux, lettre de Claude Jégou au vicaire général Manoir, septembre 1818.

63 Lettre de Jean-Marie de Lamennais à Philippe Ellès, 6 juin 1819, citée dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 2, p. 122.

64 Gouraud, Alcime, Conseils à un nouveau curé ou recteur, sans lieu ni date, chapitre I.

65 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal du 21 novembre 1853.

66 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal du 5 mars 1858.

67 AESB, dossier de correspondance par paroisse, Mûr, lettre de Yves Le Bihan au vicaire général, 27 janvier 1858.

68 Delpal, Bernard, Entre paroisse et commune..., op. cit., p. 55.

69 Nicol, Max, Mgr Bécel..., op. cit., p. 57-62.

70 AEV, AP Persquen, lettre d’Yves Marie Dérian à l’évêque, 21 janvier 1861.

71 AESB, 5 CD 2, conseils épiscopaux du 28 février 1858 et du 12 mars 1858.

72 AESB, 5 CD 2, conseil épiscopal du 12 mai 1860.

73 AESB, 5 CD2, conseil épiscopal du 3 janvier 1861.

74 AESB, 5 CD2, conseil épiscopal du 8 février 1861.

75 AP Noyal-Pontivy, cahier de paroisse de Noyal-Pontivy, p. 17.

76 AESB, 3 D 18, Vie de M. de Garaby, lettre de Malo de Garaby à Mgr Le Groing de La Romagère, 6 octobre 1821.

77 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery..., op. cit., p. 93-94.

78 Marsille, Henri, « Questel, Méen », in Lagree, Michel (dir.), La Bretagne..., op. cit., p. 354.

79 Archives de Timadeuc, notice biographique de Jules Henry.

80 Archives de Timadeuc, notice biographique de Bily Éhanno.

81 Archives de Timadeuc, notice biographique de Joseph Guillemot.

82 Mahuas, Joseph, « Michel, Julien », in Lagree, Michel (dir.), La Bretagne..., op. cit., p. 310.

83 Laplanche, François, « Fontaine, Julien », in Laplanche, François (dir.), Les sciences religieuses, Paris, Beauchesne, 1996, p. 244-245.

84 Michel, Joseph, Missionnaires bretons d’outre-mer, xixe-xxe siècles, Rennes, PUR, 1997, 289 p.

85 Sorrel, Christian, « Itinéraires missionnaires : les diocèses de Savoie, xixe-xxe siècles », in Cholvy, Gérard (dir.), L’éveil des catholiques français à la dimension internationale de leur foi, xixe et xxe siècles, actes du colloque du Puy de juillet 1995, Montpellier, centre régional d’histoire des mentalités, 1996, p. 69-72.

86 Michel, Joseph, Missionnaires bretons..., op. cit., p. 90.

87 Ibid., p. 273.

88 AEV, D 10, registre des ordinations.

89 AESB, 8 CE, registre des ordinations.

90 AESB, 2 D, dossier Jean Guguen, lettre de Jean Guguen à l’abbaye de Meilleraye, 10 juin 1892.

91 AESB, 2 D, dossier Joseph Guiastrennec, lettre de Joseph Guiastrennec à Mgr Fallières, 1er mars 1901.

92 AESB, 8 CE.

93 Doucere, Victor, Les populations indigènes des Nouvelles-Hébrides, Paris, Larose, 1922, 30 p. et La mission catholique aux Nouvelles-Hébrides, Lyon, Vitte, 1934, 480 p.

94 Hersart de la Villemarque, Jacqueline, « La pêche morutière française de 1550 à 1950 », Statistiques, climat, société, n° 11, 1995, 134 p.

95 Cazeils, Nelson, Cinq siècles de pêche à la morue. Terre-Neuvas et Islandais, Rennes, Éditions Ouest-France, 1997, 127 p.

96 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal, 14 mai 1855.

97 AESB, 2 CD 4, lettre de Jean-Marie de Lamennais à Pierre Le Bourgeois, 10 février 1819. Les reproches, qui ne sont pas explicites, laissent imaginer des affaires de mœurs ou une ébriété chronique.

98 Bouche, Hubert, « Les prêtres bretons de l’aumônerie de la Marine centralisée », MSHAB, 1987, p. 257-286.

99 SHM, CC 7, dossier Jean-Marie Moisan, lettre de recommandation de l’amiral Charner, 29 août 1864.

100 SHM, CC 7, dossier Jean-Louis Le Meur, lettre de recommandation de Pierre Denès (1799-1867), curé de Plouaret, 12 avril 1854.

101 Bouche, Hubert, « Les prêtres bretons... », op. cit., p. 258.

102 Ibid.., p. 268-269.

103 Gonnot, Jean-Pierre, Vocations et carrières..., op. cit., p. 271.

104 AESB, 2 D, dossier Launay, lettre de Joseph Le Fert à Mgr David, 6 février 1863.

105 AESB, 20 CE, lettre de Charles Bagas à Mgr Le Groing de La Romagère, 14 décembre 1837.

106 Charle, Christophe, Les élites de la République..., op. cit., p. 195-196.

107 AESB, 2 CD 4, lettre de Mgr Le Groing de La Romagère à Joseph Coupeaux, recteur de Pléneuf, 29 juillet 1822.

108 AESB, 8 CE.

109 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 144.

110 AESB, 5 CD 2, séance du conseil épiscopal, 3 avril 1861.

111 Picon, Antoine, L’invention de l’ingénieur moderne. L’École des Ponts et Chaussées, 1747-1851, Paris, Presses de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 1992, p. 464.

112 Gerbod, Paul, La condition universitaire..., op. cit., p. 124-126.

Table des illustrations

Titre Pourcentage de notices nécrologiques dont la longueur atteint au moins une page
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Titre Occurrences des qualités attribuées aux prêtres dans les notices nécrologiques
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Titre Départs de prêtres séculiers vers les ordres religieux (missionnaires exclus)
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Titre Départs de membres du clergé diocésain vers les missions
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Titre Carrière des aumôniers de Terre-Neuve
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Titre Passage de prêtres briochins et vannetais dans un diocèse de la France métropolitaine
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