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Prêtres de Bretagne au xixe siècle

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Samuel Gicquel

Chapitre II. Devenir prêtre

Texte intégral

1L’ordination d’un prêtre scelle la rencontre d’un destin individuel avec celui d’un groupe auquel il s’agrège. Le suivi des futurs prêtres, de la maison familiale au presbytère, permet de découvrir le profil des nouveaux clercs et de connaître l’accueil que leur réserve le corps ecclésiastique. Cette intégration se fait en trois étapes d’inégale durée, au cours desquelles le futur prêtre est nourri de discours institutionnels, reflets de la spiritualité dominante. Le temps de la vocation, dont la longueur varie selon les hésitations de l’individu, est le plus fluctuant. Au xixe siècle, il correspond le plus souvent à l’enfance et surtout à l’adolescence, période pendant laquelle commence la formation, indispensable pour accéder à la prêtrise. La troisième étape, consécutive à l’ordination, est la première messe, qui marque symboliquement l’intégration du nouveau prêtre dans le corps clérical.

La vocation

  • 1 Pour une approche sociologique de cette problématique, voir Bourdieu, Pierre, Raisons pratiques. S (...)

2Étymologiquement, la vocation évoque l’appel, un appel d’origine divine reçu par l’homme. Rares sont les prêtres du xixe siècle qui ont parlé de leur vocation. Les discours internes sur la vocation cachent pour la plu part des formes apologétiques et des relectures biographiques. Néanmoins, ils sont les miroirs de la spiritualité dominante des prêtres et méritent d’être ana lysés. La mise en valeur de l’importance de l’encadrement dans l’itinéraire de la vocation conduit alors in fine à s’interroger sur la liberté de celui qui choisit le sacerdoce1.

La vision cléricale de la vocation

  • 2 La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale, textes réunis et annotés par Frère Philippe Fr (...)
  • 3 Chotard, Jean-René, Séminaristes...une espèce disparue ? Histoire et structure d’un petit séminair (...)
  • 4 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes et le jansénisme, thèse dactylographiée, Rennes, 1967, 2 vol.

3Les propos sur la vocation portés par le clergé au début du xixe siècle sont frappés de culture sulpicienne. La récente publication des sermons et de la correspondance éparpillée de Jean-Marie de Lamennais en livre un exemple2, notamment en raison de l’importance accordée à l’appel sur la vocation, tant dans ses prêches que dans ses écrits. Cet idéal de vocation, partagé par les sulpiciens dont l’influence reste grande au début du xixe siècle, se retrouve dans la plupart des diocèses français3. Dans l’évêché de Vannes, les idées menaisiennes peuvent être vigoureusement combattues par les jansénistes, mais il n’en demeure pas moins que la théologie janséniste, centrée sur la grâce comme voie d’accès au salut, conduit à valoriser la place de l’appel divin dans la naissance de la vocation4. Tout au long du xixe siècle, cette vision est affirmée sans cesse : des notes personnelles anonymes d’un prêtre du diocèse de Vannes, datées de 1869, montrent combien leur auteur en est pénétré. Pour effacer les doutes qui l’assaillent, il cherche à se rassurer avec ces quelques mots sur son carnet :

  • 5 ADM, 1 J 349, petit carnet et notes spirituelles d’un prêtre, 3 janvier 1869.

« Que ma vocation est sublime ! [...] C’est Dieu qui nous a appelés. [...] Et nous avons un moyen infaillible d’être soutenu par lui, c’est de répondre à son appel5. »

  • 6 Évangile de Jean, XV, 16.
  • 7 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, rédigé par M. Dubot et MM. Les directeu (...)

4En 1901, la mise en exergue de la phrase de l’Évangile de Jean « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisi6 » dans le chapitre consacré à la vocation sacerdotale dans le règlement du grand séminaire de Vannes7 montre la permanence de cette idée. Quelques évolutions sont toutefois visibles au cours du siècle. Ainsi, le choix de la prêtrise motivé par un refus du monde corrompu, qui était une caractéristique essentielle de la vocation au début xixe siècle, disparaît des discours.

5Issues de souvenirs sélectionnés, les informations et anecdotes retenues dans les récits de vocation illustrent la diffusion de nouvelles formes spirituelles. De façon tout à fait classique, Max Nicol raconte dans sa biographie de Jean-Marie Bécel (1825-1897) que le futur évêque a été attiré par la prêtrise dès son enfance :

  • 8 Nicol, Max, Mgr Bécel, Vannes, Lafolye frères, 1903, p. 9

« Le dimanche, après la grand’messe, Jean-Marie se faisait un devoir de répéter devant la famille réunie le sermon qu’il venait d’entendre ; il y mettait toute son âme, et tous l’écoutaient avec autant de plaisir que de recueillement. [...] Dans l’après-midi, les enfants transformaient par la pensée en chapelle une grange située tout auprès. Oubliant alors ses camarades et les jeux bruyants qu’il aimait, le petit garçon « disait la messe » gravement, pieusement, comme s’il avait déjà entrevu l’avenir que Dieu lui destinait8. »

  • 9 Voir par exemple, Cabanel, Patrick, Cadets de Dieu..., op. cit., p. 113-117.
  • 10 Nicol, Max, Mgr Bécel, op. cit., p. 9.

6Cette préoccupation de faire remonter à l’enfance la vocation sacerdotale est une constante dans la deuxième partie du xixe siècle et n’est pas spécifique à la Bretagne9. Le catéchisme et la pastorale se rapprochent alors des plus jeunes en réactivant l’enseignement christique des Évangiles avec un Jésus proche des enfants. La première communion marque alors souvent une étape essentielle dans la concrétisation de la vocation d’enfance. L’exemple de Mgr Bécel, qui aurait décidé de devenir prêtre le jour de sa première communion10, est de nouveau caractéristique. Sous la plume de son biographe, se dessine ainsi le portrait de l’enfant idéal qui préfigure le saint prêtre de la deuxième moitié du xixe siècle.

  • 11 SRV, 23 mai 1903, p. 408.
  • 12 SRV, 23 mai 1903, p. 408.
  • 13 Ibid., p. 411.
  • 14 Hudon, Christine, Prêtres et fidèles dans le diocèse de Saint-Hyacinthe, 1820-1875, Sillery (Québe (...)

7Cette période correspond, du reste, à la reprise du culte des saints relayant les nombreuses apparitions et miracles, particulièrement de la Vierge Marie. Les récits de vocations des notices nécrologiques de l’époque en sont le reflet naturel. La sainteté du bon prêtre, visible dans l’événement exceptionnel, est ici mise en avant. Joseph Le Bihan, né en 1834 à Plumergat dans le diocèse de Vannes, est un de ces miraculés. Sa notice nécrologique raconte le désespoir maternel de ne pas le voir parler11. Le miracle se produisit à Colpo, à la chapelle de Notre-Dame de Kerdroguen, connue dans le pays vannetais pour soigner les enfants ayant des troubles de la parole. Selon sa notice nécrologique, « c’est là, en buvant l’eau de la fontaine sainte, que [Joseph] commença de parler12 ». La volonté de l’auteur de valoriser à l’excès la guérison miraculeuse transparaît avec la carrière de ce prêtre. Joseph Le Bihan fut certes ordonné quelques années plus tard, en 1859, mais il garda la trace de ce handicap qui freina sa carrière. L’auteur de sa notice nécrologique concède même que « Notre-Dame ne lui avait pas obtenu avec la parole le don de l’éloquence13 ». Et lorsqu’il arriva comme vicaire dans la paroisse d’Étel, son recteur évita de le laisser prêcher. Plus largement, ces exemples rattachent les diocèses de Vannes et Saint-Brieuc au reste du catholicisme occidental au xixe siècle. Le cas d’Alphonse Gatien, ordonné en 1868 dans le diocèse de Saint-Hyacinthe au Québec, en témoigne : guéri miraculeusement de ses crises d’épilepsie grâce à l’intercession de sainte Anne, il suit finalement le même modèle spirituel que Le Bihan14.

8Dans ces conditions, la justification de l’appel divin n’est plus d’échapper à la noirceur du monde et d’essayer d’y sauver les âmes. Plus démonstratif, voire festif, l’appel constitue désormais une voie privilégiée d’accès à la sainteté. Parallèlement, la nécessité de former des « bons prêtres » pousse les autorités ecclésiastiques à juger de plus en plus la qualité de l’appel en fonction des aptitudes et des intentions. Ces préoccupations sont toutefois présentes dès le début du xixe siècle chez les prêtres chargés du recrutement. Jean-Marie de Lamennais se montre par exemple exigeant avec les postulants au sacerdoce. L’idée semble nouvelle, à tel point que la surprise passée, il juge bon de préciser sa pensée :

  • 15 Lamennais (de), Jean-Marie, Écrits sur l’éducation..., op. cit., p. 664.

« J’ai appris [...] que quelques-uns d’entre vous avaient mal entendu ce que je dis, il y a quinze jours sur la vocation à l’état ecclésiastique ; ils ont compris, m’a-t-on assuré, que j’avais dit qu’il y avait trop de prêtres ; ce serait une absurdité [...]. J’ai conclu que les jeunes gens qui ont le désir de devenir prêtres doivent s’attendre à être examinés et éprouvés d’autant plus sévèrement à l’avenir qu’on aura plus de facilité de choisir entre tous ceux qui se présentent15. »

  • 16 AESB, registre des ordinations, non coté.

9Ce discours combatif, qui place presque les postulants au sacerdoce en situation de concurrence, ne pouvait être que contemporain de la reprise des ordinations. Les intentions de juger la vocation en fonction des aptitudes sont ici réelles mais, dans les faits, les exigences restent peu élevées, comme en témoignent les appréciations portées sur les registres des ordinations dans le diocèse de Saint-Brieuc16. En 1829, huit nouveaux prêtres sur 39 sont décrits comme étant médiocres. Les appréciations portées à l’encontre de Barthélémy Poidevin (1802-1849), « pas de jugement et de tournure, content de lui-même » ou de Pierre Cathou (1799-1878), « médiocre sujet, pauvre prestance » laissent penser que la qualité intellectuelle du séminariste n’était pas encore déterminante dans le discernement de sa vocation.

  • 17 Langlois, Claude, et Laplanche, François, La science catholique. L’ « encyclopédie théologique » d (...)
  • 18 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit..

10Mais au cours du xixe siècle, la reconstruction numérique du clergé étant assurée, les exigences se renforcent. Être prêtre et posséder un certain savoir ainsi qu’une capacité de raisonnement suffisante vont désormais de pair. La publication de l’Encyclopédie théologique de Migne à partir des années 1840 illustre le changement du regard clérical en France sur la science, laquelle devient une nouvelle apologétique17. Et logiquement, au début du xxe siècle, « la science et les aptitudes suffisantes » sont érigées comme « marques habituelles de la vocation sacerdotale » par le règlement des élèves du grand séminaire de Vannes18, porteur des valeurs cléricales de l’époque.

11Le discours clérical interne sur la vocation se complète donc au fur et à mesure de la période concordataire. Il précise la nature de la vocation, qui n’est plus simplement présentée comme un attrait pour la vie ecclésiastique qui s’ajouterait au sentiment d’être appelé par Dieu. L’appel se double d’une exigence comportementale et intellectuelle de plus en plus affirmée officiellement, à la fois pour améliorer la qualité du clergé mais aussi pour en éliminer les prétendants douteux. L’approche sulpicienne fondée sur l’appel est donc davantage affinée que remplacée et reste finalement dominante.

12Aussi omniprésente soit cette vision dans les discours cléricaux, la vocation d’un prêtre ne saurait pourtant se limiter à sa perception de l’appel et à ses dispositions. Un séminariste qui décide de devenir prêtre le fait généralement parce que son éducation et son mode de vie l’ont amené à avoir un regard positif sur la fonction sacerdotale.

L’environnement propice

13Lorsqu’un jeune homme hésite à entrer au séminaire ou à se faire ordonner, l’orientation vers la prêtrise se concrétise généralement s’il est persuadé que le choix du sacerdoce conduit à une amélioration de sa vie. Ce progrès peut revêtir selon les individus plusieurs formes, allant du confort matériel à la reconnaissance sociale ou à l’épanouissement spirituel. Des motivations profanes apparaissent en creux à la lecture de l’évolution de la courbe d’ordinations. Ce n’est sans doute pas un hasard si les vocations se multiplient dans l’ensemble des diocèses français au moment où la situation matérielle des prêtres s’améliore. La voie cléricale peut constituer une échappatoire, dans la mesure où elle correspond aux aspirations spirituelles.

14Cela étant, on ne trouve pas de trace de prêtre qui concèderait avoir été tenté par la prêtrise en raison de l’aisance matérielle relative qu’elle procure. L’idéal de pauvreté accolé à l’image du « bon prêtre » n’est en effet pas compatible avec un tel aveu. Mais la sur-représentation des milieux modestes aux dépens de la bourgeoisie tout au long du xixe siècle illustre bien la tentation de la sécurité matérielle qui s’exerce dans les familles de paysans et d’artisans. Les études ecclésiastiques permettent en outre d’accéder au savoir écrit. Devenir prêtre représente ainsi une promotion sociale pour beaucoup de jeunes gens qui choisissent l’état ecclésiastique. Les autorités diocésaines n’en sont pas dupes. Jean-Marie de Lamennais s’en ouvre d’ailleurs ouvertement à son public composé de jeunes gens qui s’interrogent sur leur vocation :

  • 19 Lamennais (de), Jean-Marie, Écrits sur l’éducation..., op. cit., p. 594.

« Pourquoi êtes-vous venu ici ? [...] Y êtes-vous venus uniquement pour y acquérir plus facilement qu’ailleurs la science ecclésiastique, pour mieux vous instruire de l’état des controverses, pour y faire plus de progrès dans les langues et dans les lettres humaines ? [...] Y êtes-vous venus uniquement pour vous trouver en rapport avec des hommes dont la haute réputation, les éminents services rendus à l’Église et les talents vous inspireraient une juste estime19 ? »

  • 20 AEV, Z 4, lettre de Jean-Marie Dubot, 27 juillet 1896.

15À la fin du siècle Jean-Marie Dubot fait le constat que la bourgeoisie et la noblesse ne fournissent plus de séminaristes et en attribue la cause au faible « rôle social20 » du clergé, comparativement à d’autres professions accessibles pour les familles les plus aisées. Ce faisant, il reconnaît lui aussi l’importance des motivations profanes dans l’éclosion de la vocation et sous-entend que les postulants au sacerdoce peuvent être attirés par la vie sociale et matérielle du prêtre.

  • 21 Champagne, Patrick, « La reproduction de l’identité », ARSS, n° 65, 1986, p. 41-64 et Percheron, A (...)
  • 22 Cabanel, Patrick, Cadets de Dieu..., op. cit., p. 245.
  • 23 Simon, Jules, Premières années, Paris, Flammarion, 1930, p. 40.
  • 24 Archives de l’abbaye de Timadeuc, notice nécrologique de Jean-Baptiste Vavasseur, non cotée.

16Dans l’entourage du séminariste, deux vecteurs principaux contribuent à déclencher la vocation : la famille, dont le rôle essentiel dans la transmission des valeurs a été souligné par la sociologie21, et le clergé. En Bretagne comme ailleurs, la famille forme une « unité mystique22 » dont le rôle dans la transmission de la foi et l’encouragement vers la prêtrise est visible tout au long du xixe siècle. Jules Simon, en parlant de son enfance passée à Saint-Jean-Brévelay dans le diocèse de Vannes dans le premier tiers du xixe siècle, se souvient qu’« une famille de paysans qui comptait un prêtre parmi ses membres, se considérait presque comme anoblie. On cessait de tutoyer ses membres, on les saluait, on leur cédait le pas en toutes choses23 ». Avoir un fils prêtre conférait un honneur particulier et donnait de surcroît des avantages matériels certains. Jean-Baptiste Vavasseur, qui quitta le clergé séculier en 1908 pour entrer chez les trappistes, dut ainsi retarder son entrée à Timadeuc jusqu’à la mort de ses parents parce qu’il les hébergeait dans son presbytère24. Bref, un fils prêtre constitue une véritable assurance contre les aléas de la vie.

  • 25 Lettre de Jean-Marie de Lamennais à M. Langrez, 3 janvier 1815, citée dans La Mennais, Jean-Marie (...)
  • 26 SRV, 8 mars 1888, p. 150.

17Cependant, les récits ecclésiastiques privilégient surtout le lien direct entre Dieu et le futur prêtre et mentionnent rarement la force de la pression familiale. Dans une lettre à un prêtre malouin, Jean-Marie de Lamennais en fait toutefois état en pestant contre l’obstination d’une famille à vouloir que leur fils soit prêtre, alors que celui-ci en est incapable25. Les précisions aussi explicites sont rares, les témoignages cléricaux préférant insister sur l’éducation reçue qui rendait possible l’éclosion de la vocation. Le biographe de Le Joubioux décrit la mère de celui-ci comme étant « humble et forte chrétienne » et son père comme « un brave marin qui ne craignait pas de réciter le chapelet. » Tous deux « avaient une foi vive, dont l’action puissante et douce grava profondément l’âme de l’enfant », particulièrement lors de « la prière en breton, récitée soir et matin, mains jointes, et à deux genoux26 ». Il est peu probable que l’auteur de cette notice nécrologique ait eu à sa connaissance des renseignements aussi précis, mais tout en cherchant à présenter à ses lecteurs l’éducation chrétienne idéale, il restitue l’atmosphère des foyers dans lesquels ont grandi la plupart des prêtres. L’apprentissage de l’humilité, de la piété et du zèle préfigure ici la vie du « bon prêtre ». Les archives ne sont pourtant pas assez précises pour pouvoir mesurer à quel point des familles se sont montrées pressantes pour que leurs fils deviennent prêtres. Mais il ressort de ces témoignages qu’elles ont joué un rôle essentiel dans la naissance de la vocation, ne serait-ce qu’en donnant une éducation religieuse teintée de culture cléricale.

  • 27 Delumeau, Jean, (dir.), La religion de ma mère. Le rôle des femmes dans la transmission de la foi. (...)

18Les notices nécrologiques insistent bien entendu sur l’importance de la mère, parfois jusqu’à l’excès, montrant ainsi le rôle essentiel attribué aux femmes dans la transmission de la foi au xixe siècle27. S’agit-il d’un rôle différencié de la mère au sein de la famille ou d’un discours normé sur l’éducation religieuse ? Les témoignages directs relatifs à la première partie du xixe siècle manquent. Dans la deuxième partie de la période concordataire, les prêtres qui s’expriment sur le contexte familial insistent certes sur le rôle essentiel de la mère dans l’éclosion de la vocation, mais ne négligent pas le reste de la famille.

  • 28 AEV Z4, lettre de Jean-Marie Dubot, 27 juillet 1896.

19Selon Jean-Marie Dubot, professeur au grand séminaire de Vannes de 1884 à 1898 puis supérieur, les vocations nombreuses dans certaines familles sont dues « vraisemblablement à l’influence de la mère [...] et au zèle d’un frère aîné [...] devenu prêtre28 ». Son expérience dans la direction spirituelle des jeunes séminaristes rend son témoignage crédible. Des témoignages comme ceux de Jean-Augustin Guillevic ou de Joseph Le Treste sur la seconde partie du xixe siècle insistent comme les autres sur le climat familial propice à l’émergence de la vocation. Mais ces auteurs ne cherchent pas à mettre en avant la figure maternelle ; ils tiennent tout autant à présenter comme modèle chrétien leur marraine et leurs tantes pour le premier, le domestique pour le second. Ces récits, tout en illustrant l’importance de l’entourage familial, invitent ainsi à nuancer l’omniprésence de la mère dans les notices nécrologiques des Semaines religieuses. Au sein de la famille, les influences sont multiples.

  • 29 SRV, 10 mars 1887, n° 10, p. 133.

20Le témoignage de Jean-Marie Dubot, qui met en avant le rôle et l’image du prêtre, invite à se pencher également sur la force du vecteur clérical dans le déclenchement de la vocation. Plusieurs types de prêtres font figure de modèles que de jeunes émules ont voulu suivre. Le début du xixe siècle est propice à l’éclosion de vocations encouragées par la mémoire des missionnaires de l’Ancien Régime et des martyrs de la Révolution. Le petit Joseph Briand, né en 1828 à Concoret au nord-est du diocèse de Vannes, fut ainsi nourri « du souvenir des persécutions, et, le soir, au foyer de la famille, les vieillards rappelaient, dans d’émouvants récits, les exemples d’héroïque fidélité qui ne furent pas rares en ce pays chrétien29 ». Nul doute que l’abbé réfractaire Pierre-Paul Guillotin, membre de la famille, fut bien des fois au centre du récit. Aujourd’hui encore, la légende de ce prêtre se perpétue dans la micro-toponymie locale : un chêne creux centenaire est appelé le « chêne à Guillotin », en souvenir du prêtre qui s’y serait caché pendant plusieurs semaines à l’époque de la Terreur, illustrant la vigueur locale de ce mythe.

  • 30 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 14-15.

21De nombreux ecclésiastiques estiment qu’un prêtre mythifié par la culture familiale a joué un rôle déterminant dans leur vocation. L’enfance de Jean Augustin Guillevic, dans les années 1860, est ainsi jalonnée de récits vantant les mérites de prêtres défunts. Dans ce panthéon se distingue particulièrement le Père Leleu. Après avoir été porté sur sa tombe par sa mère vers l’âge de 2 ou 3 ans, le jeune Guillevic est « miraculeusement » guéri d’une tumeur sous l’aisselle30. Dans de nombreux foyers, la figure du prêtre, idéalisée par la culture familiale, attire d’autant plus les enfants s’interrogeant sur leur avenir que peu de voies s’offrent à eux, du moins avant le développement de la fonction publique.

  • 31 Nicolas, Gilbert, L’instituteur, le système scolaire et l’identité régionale au xixe siècle, habil (...)
  • 32 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 42.

22L’admiration d’un prêtre ne se borne pas aux martyrs et aux missionnaires décédés. Certains ecclésiastiques, par une aura particulière, contribuent grandement à l’éveil des vocations et font ainsi figure de véritables prêtres recruteurs. Le clergé, comme les instituteurs normaliens bretons31, cherche à assurer sa propre reproduction. Jean-Augustin Guillevic raconte dans ses Mémoires comment le curé de la paroisse Saint-Patern de Vannes, une des figures éminentes du diocèse, usa de son autorité, en entrant un soir dans la demeure familiale pour le pousser vers l’orientation qu’il avait envisagée pour lui : « Veux-tu continuer la classe, faire des études de latin ? me dit-il tout-à-coup. [...] Veux-tu aller à Sainte-Anne pour être prêtre32 ? » Il est difficile de dire si l’enfant et les parents étaient enthousiasmés par une telle perspective ou s’ils n’osèrent pas répondre par la négative à l’un des prêtres les plus éminents du diocèse. Toujours est-il qu’à la rentrée, le jeune Guillevic prit le chemin du petit séminaire de Sainte-Anne.

  • 33 SRV, 5 août 1886, p. 421.

23D’autres prêtres sont plus déliés dans leur approche notamment ceux qui exercent des fonctions pédagogiques dans les paroisses rurales. L’imprégnation de la culture cléricale est alors plus progressive. Louis Quilleré né à Pluméliau en 1833 passa par exemple plusieurs années auprès de son des servant, Yves Grézil (1786-1846), à apprendre le latin au presbytère avant de choisir définitivement le sacerdoce, sur les conseils de celui-ci33. Le caractère entreprenant de certains ecclésiastiques se voit également à la fécondité d’écoles qui deviennent de véritables pépinières de prêtres. Ainsi entre 1805 et 1820, onze jeunes garçons natifs de Plaintel, où se trouvait une école presbytérale renommée, choisissent l’état ecclésiastique tandis qu’à la même période, de nombreuses paroisses voisines au profil social, politique et religieux similaire, n’envoient personne au grand séminaire.

  • 34 Gibson, Ralph, A social history..., op. cit., p. 72.
  • 35 SRV, 9 janvier 1879, p. 21.
  • 36 SRV, 13 août 1885, p. 455.

24La force du vecteur clérical est encore renforcée quand le prêtre est un membre de la famille. Le cas typique est le lien existant entre un oncle prêtre et un neveu qui suit la même voie34. Les exemples abondent : dans sa notice nécrologique, la mémoire de Pierre Picarda (1810-1879) est vénérée car le prêtre a instruit six neveux devenus prêtres35. Louis Chevalier, né en 1821 à Guégon, dans la partie francophone du diocèse de Vannes, s’inscrit dans la lignée de son oncle Louis Michel (1778-1859), desservant de cette paroisse de 1817 à 1859 : il sert la messe à ses côtés, se cultive sous sa hou lette puis devient prêtre et finit par lui succéder comme recteur de Guégon36. Des dynasties de prêtres traversent ainsi le xixe siècle, entraînant parfois la transmission de positions acquises dans le clergé. Cette hérédité spirituelle entre oncle et neveu ou entre frères quand la différence d’âge est importante, se vérifie tout au long de la période concordataire. Le cas de la famille Cadic de Noyal-Pontivy illustre comment une culture du sacerdoce pouvait se développer dans certaines familles. Elle constitue probablement le meilleur exemple de ces « tribus de Lévi » que l’on trouve en Bretagne au xixe siècle. François Cadic (1864-1929), fondateur de la « Paroisse bretonne » de Paris et collecteur de nombreux contes bretons, prit ses premières leçons de latin auprès de son frère Mathurin, alors vicaire de Kervignac, son aîné de 10 ans. Trois autres cousins germains de François, tous de Noyal-Pontivy, avaient déjà choisi le sacerdoce. En amont et en aval, plusieurs prêtres se rencontrent encore, comme Louis Cadic (1829-1896), oncle de François, ou Jean Le Moing, un neveu né en 1883.

25Pour autant quelle part ces exemples spectaculaires peuvent-ils représenter au sein du clergé concordataire ? Quelques sondages paroissiaux donnent un ordre de grandeur. À Plaintel, paroisse gallèse du diocèse de Saint-Brieuc bonne pourvoyeuse de prêtres, la reconstitution de la généalogie de 35 prêtres nés au xixe siècle a permis d’établir que seuls quatre d’entre eux comptentun frère, un neveu ou un oncle prêtre. À Brech, située en zone bretonnante dans le diocèse de Vannes, deux prêtres parmi les dix natifs de cette paroisse au xixe siècle ont un lien familial au premier ou au deuxième degré. Les huit autres sont les seuls à choisir le sacerdoce dans leur famille. La proportion est un peu plus élevée à Ploërmel, ville francophone de l’évêché de Vannes. Parmi les 32 prêtres concordataires nés au xixe siècle, 10 ont des liens de parenté.

  • 37 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 221.

26Dans ces échantillons, la part d’ecclésiastiques ayant un frère, un oncle ou un cousin germain prêtre oscille entre 10 et 30 % de la population cléricale. À l’échelle des deux diocèses, l’observation empirique des patronymes confirme cette proportion. Ce chiffre avoisine ainsi la fourchette de 20 à 25 % proposée par Jean-Pierre Gonnot pour le diocèse de Belley37.

27La mise en avant du rôle essentiel de la famille et du clergé dans l’itinéraire qui conduit un jeune homme vers le séminaire n’est pas sans contradiction avec le discours en usage dans le clergé : la pratique du prêtre qui sollicite un garçon ou ses parents pour devenir prêtre nuance la portée de l’appel et l’exclusivité de la relation personnelle établie entre Dieu et son futur serviteur. La réponse cléricale est de dire que le prêtre n’est que le représentant de Dieu sur terre et incarne sa volonté. Cependant, la question se pose de savoir dans quelle mesure la vocation est un choix personnel ou un choix collectif et si certains choisissent de devenir prêtre davantage par conformisme ou par crainte de décevoir, que par attrait pour la vie ecclésiastique.

La part de liberté

  • 38 AN F19 946 B, état des séminaristes fin 1803.

28Prétendre que certains séminaristes des diocèses de Vannes et de Saint-Brieuc ont été ordonnés prêtres au xixe siècle après avoir fait un choix en totale liberté serait une gageure. Aucun cas d’une ordination faite contre l’avis des parents, susceptible de fournir une preuve, n’a pu être recensé. Certes, quelques prêtres dont le parcours est atypique paraissent avoir été éloignés des pressions de leur environnement. La fermeté de la vocation des séminaristes à la fin de 1803, âgés en moyenne de 31 ans, traduit leur détermination38. Mais il est difficile d’affirmer que cette persévérance, si spectaculaire soit-elle, soit exempte de toute influence. La liberté du séminariste se voit davantage dans l’échec, c’est-à-dire dans la non-vocation, que dans l’aboutissement à la prêtrise.

  • 39 AESB, 2 H 15, registre des élèves du grand séminaire.

29Le registre des élèves du grand séminaire de Saint-Brieuc39, particulièrement précis à la fin du xixe siècle, permet de mesurer l’ampleur et surtout les raisons des départs des séminaristes. Sur une promotion de 42 aspirants ecclésiastiques entrés au séminaire en 1884, 28 seulement deviennent prêtres sans encombre, si l’on en juge par l’énumération régulière et laconique des dates des grades conduisant à la prêtrise. L’abandon de treize séminaristes – le quatorzième décède au cours de ses études – témoigne de la fragilité de la vocation sacerdotale de beaucoup. Départs vers le clergé régulier, défaut de vocation, résultats insuffisants, « amitiés particulières » : les raisons des abandons sont multiples. Pour cinq d’entre eux, le registre est plus discret ; il s’agit probablement d’élèves qui ne se représentent pas au retour des vacances, période-clef pendant laquelle les vocations fragiles étaient éprouvées.

  • 40 AEV, registre des ordinations, 1871-1912.
  • 41 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 122.
  • 42 Dumoulin, Christian, Un séminaire français..., op. cit., p. 326.
  • 43 Casta, Michel, Le prêtre corse..., op. cit., p. 196.
  • 44 Gourret, Christophe, Le curé et le régime impérial en Ille-et-Vilaine, mémoire de maîtrise, Rennes (...)

30Le registre des ordinations du diocèse de Vannes40 montre aussi combien l’absence de vocation peut se révéler au grand séminaire. Entre 1871 et 1900, 32,7 % des séminaristes abandonnent le cursus avant la prêtrise. 47 % des départs se font avant l’obtention de la tonsure, c’est-à-dire au cours des premiers mois d’études. Ce chiffre est moins élevé qu’au grand séminaire de Brou, dans l’Ain, où 75 % des abandons entre 1824 et 1904 ont lieu la première année41, mais les études y sont alors de trois ans alors que les séminaristes passent entre quatre et six ans à Vannes. L’abandon des études ecclésiastiques semble fréquent dans le diocèse de Vannes. Alors que de 1871 à 1900, le taux de persévérance n’est que de 67,3 %, il monte à 75 % dans le diocèse de Bourges entre 1862 et 187542, à 76 % au grand séminaire d’Ajaccio pour la période 1835-190543 et culmine même à 87,5 % dans le diocèse de Rennes entre 1850 et 189544.

31Une analyse affinée des différentes cohortes de postulants à la prêtrise montre que plus la génération des séminaristes est nombreuse, plus le taux d’abandon est élevé : alors qu’il n’est que de 25 % pour les générations de 20 à 29 postulants qui entrent au séminaire et de 24 % pour les promotions de 30 à 39 séminaristes inscrits en première année, le chiffre monte à 33 % quand les entrées sont comprises entre 40 et 49 et même à 38 % lorsqu’elles sont supérieures à 50. Un relâchement de l’encadrement clérical entraînerait-il une hausse des départs ?

  • 45 AESB, 2 CD1, 2 CD 2 et 2 CD 3.

32Les archives du début du xixe siècle sont moins prolixes et ne permettent pas d’établir de comparaison avec la fin du siècle mais des exemples ponctuels montrent qu’un départ du séminaire était possible à toutes les époques. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, les quelques états des séminaristes présentés aux bourses conservés entre 1808 et 181545 laissent apparaître une déperdition d’environ 25 % d’entre eux entre la date de rédaction et l’ordination. Défaut de vocation ? Difficultés pour supporter la future vie austère du presbytère ? Volonté d’échapper à une trajectoire choisie par l’entourage ? Exclusions ? Les raisons réelles des départs du séminaire échappent largement à notre connaissance.

33La vocation n’est pas un choix brutal, mais un processus. Certes, deux grandes étapes, l’entrée au séminaire et l’ordination, jalonnent la route vers la prêtrise. Mais la frontière n’est pas étanche entre la voie laïque et la voie cléricale. Les pressions et les tentations s’exercent tout au long de l’itinéraire. Et si l’encadrement clérical a pu être un facteur déterminant dans la maturation de la vocation, c’est en grande partie parce qu’il était de plus en plus fort dans la formation des futurs prêtres.

La formation

  • 46 Chotard, Jean-René, Séminaristes...une espèce disparue ?..., op. cit., ou Dumoulin, Christian, Un (...)
  • 47 Cette réflexion s’inspire en partie du débat ouvert par l’article de Boutry, Philippe, « “Vertus d (...)

34Les différentes études entreprises sur les lieux de formation des ecclésiastiques concordataires ont, depuis plusieurs décennies, établi l’importance de l’encadrement clérical dans la formation des futurs prêtres46. À chaque étape de la formation, émerge une institution cléricale spécifique scandant le parcours scolaire de la majorité des futurs prêtres : l’école presbytérale, le petit séminaire, le grand séminaire et les universités ou les instituts catholiques. L’omniprésence des prêtres dans la formation et la rupture imposée par le passage au séminaire illustrent le désir des autorités épiscopales d’encadrer les futurs prêtres. La transmission d’un savoir se double ainsi de l’apprentissage de l’état ecclésiastique47.

« Un long bain de romanisme et d’hellénisme48 »

  • 48 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 62.

35Le choix de la vocation ecclésiastique ne se faisant réellement qu’avec l’entrée au grand séminaire, il n’existe pas de formations primaire et secondaire spécifiques pour les futurs prêtres. Cependant, le désir des ecclésiastiques de susciter des vocations encourage le développement de structures temporaires ou permanentes destinées à accueillir des élèves susceptibles de devenir prêtres, à savoir les écoles presbytérales et les petits séminaires. Ces deux types d’école, qui proposent tous les deux aux élèves une formation principalement axée sur la maîtrise de la langue latine et de la culture classique, s’imposent différemment dans le paysage scolaire français qui se dessine au xixe siècle. Alors que le petit séminaire prend le pas sur l’Université comme lieu de formation pour les futurs prêtres, les écoles presbytérales s’effacent rapidement, sans toutefois disparaître.

Les écoles presbytérales

  • 49 SRV, 24 novembre 1877, p. 327.
  • 50 AEV, D 4, registres de correspondances épiscopales.
  • 51 Morin, Gilles, L’administration religieuse du diocèse de Saint-Brieuc (1802-1805), maîtrise d’hist (...)
  • 52 Laveille R.P., Jean-Marie de la Mennais (1780-1860), librairie Lafolye frères, Vannes, 1910, p. 20 (...)

36Le Ier Empire marque l’apogée des écoles presbytérales. L’enseignement scolaire secondaire relève alors théoriquement de l’Université, qui peine toutefois à s’imposer comme un point de passage obligé ; la formation primaire dépend pour sa part, en attendant la loi Guizot de 1833, des initiatives locales. De nombreux prêtres passent alors par les écoles presbytérales, tenues par un ecclésiastique qui reçoit des jeunes gens pour leur transmettre quelques connaissances et les amener aux portes du grand séminaire. Dans le diocèse de Vannes par exemple, Julien Étrillard (1758-1827), lors du rétablissement du culte catholique, fonde à Carentoir « un collège où les enfants vi[ennent] de plusieurs lieues apprendre le français, le latin, l’histoire et la géographie, le calcul49 », et à la tête duquel il reste jusqu’en 1818. L’objectif affirmé est de donner aux élèves quelques connaissances, essentiellement en littérature latine, pour leur permettre de suivre des études. Les correspondances épiscopales50 révèlent l’existence de plusieurs écoles similaires sou vent situées dans la partie gallèse du diocèse comme à Théhillac, Loyat, Ruffiac ou Questembert. Quelques écoles presbytérales se rencontrent également en Basse-Bretagne notamment à Pontivy ou à Guémené. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, les écoles presbytérales ont la même importance sous le Ier Empire. Gilles Morin en a repéré 36 en 1808, réparties très inégalement51. Signe de leur rôle essentiel dans la reconstruction numérique du clergé, elles sont surtout présentes dans les zones où les vocations étaient relativement nombreuses et rares dans la partie bretonnante où l’on en trouve que huit. L’une des plus célèbres est celle d’Yvias. François Richard (1760-1827), desservant de la paroisse à la fin des années 1810, réunissait chez lui des futurs clercs qui faisaient leurs humanités sous sa houlette en trois ou quatre ans52.

  • 53 AESB, 2 CD 1, correspondance avec les officiels.
  • 54 AESB, 1 J 9, écoles presbytérales.

37Au début du siècle, l’articulation entre les écoles presbytérales et les collèges et les lycées qui dispensent alors la formation secondaire n’est pas clairement définie. Le vocabulaire fluctuant pour désigner les écoles presbytérales sous le Ier Empire est à cet égard symptomatique. À plusieurs reprises, les autorités diocésaines désignent les écoles de Plaintel, de Ploubalay, de Plouguenast, de Gouarec et de Saint-Thélo comme des « petits séminaires53 », montrant ainsi qu’il s’agit d’antichambres du grand séminaire. L’aire géo graphique de recrutement de ces petits séminaires presbytéraux dépasse le cadre cantonal. En 1808-1809, à Plaintel, les étudiants sont originaires de 24 communes. Les 48 élèves de l’école de Ploubalay viennent eux de 16 paroisses différentes54.

  • 55 Cité par Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 308.

38Dans les années 1810, le passage par le lycée et les collèges municipaux devient toutefois de plus en plus fréquent. L’évêque de Vannes, Mgr Bausset, estime qu’en 1814 « l’usage est [...] que les jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique commencent à étudier dans leur pays et soient ensuite envoyés dans les collèges pour y faire leurs classes55 ». À la fin de l’Empire et encore partiellement sous la Restauration, l’Université joue ainsi avec ses collèges secondaires le rôle de petit séminaire dans les diocèses de Vannes et de Saint-Brieuc. La distinction entre études primaires et secondaires apparaît alors plus nettement.

39Désormais, le rôle du prêtre dans la formation primaire consiste surtout à donner quelques rudiments d’éducation puis à orienter son élève vers des structures existantes. Yves Le Vulgos (1819-1896) après quelques leçons avec son oncle prêtre, alla ainsi dans la classe des Frères de la doctrine Chrétienne. Cette superposition ou cette succession, enseignement du prêtre/ enseignement de l’instituteur, semble être particulièrement fréquente dans les années 1820 et 1830, période au cours de laquelle les écoles presbytérales s’affaiblissent face aux écoles primaires. La multiplication des écoles consécutive à l’effort congréganiste et à l’adoption de la loi Guizot entraîne un accroissement de l’offre scolaire primaire qui décharge localement des prêtres de leur tâche d’enseignant.

  • 56 Le Braz, Anatole, « Le trésor de Noël » in Âmes d’Occident, Rennes, Terre de Brume, 1996, p. 16518 (...)
  • 57 SRSB, 11 août 1905.

40Pour autant, la tradition des écoles presbytérales se maintient tout au long du xixe siècle. Un excellent exemple de ce type de formation cléricale est offert par Anatole Le Braz dans son conte « Le trésor de Noël ». Il y raconte comment son oncle prêtre, Yves-Marie Villiers de l’Isle-Adam (1808-1889), desservant de la paroisse trégoroise de Ploumilliau, le recevait dans son presbytère pour lui apprendre le latin, l’invitant même à sa table quand il jugeait son travail sur l’Epitome satisfaisant56. Parfois c’est devant une classe entière que le prêtre transmet son enseignement : à l’école presbytérale de Trégomeur près de Saint-Brieuc, « on vit réunis 17 élèves à la fois57 » dans les années 1870.

41Cependant, les écoles presbytérales qui se maintiennent au cours du xixe siècle n’ont plus le lustre des écoles tenues par les prêtres sous le Premier Empire. Elles restent certes un moyen privilégié pour le clergé d’éveiller les vocations mais leur renommée et leur utilité sociale s’est affaiblie au fur et à mesure du développement du réseau d’écoles primaires. La disparition de l’école presbytérale faisant office d’établissement secondaire ne signifie pas pour autant la perte d’influence durable des prêtres sur la formation du personnel clérical. Les petits séminaires prennent le relais.

Les petits séminaires

42Le développement des petits séminaires illustre la prise en main par le clergé diocésain de la formation secondaire des futurs ecclésiastiques. Cette évolution, particulièrement visible dans la première moitié de la période concordataire, se fait en deux temps : des années 1810 aux années 1830, le petit séminaire s’impose progressivement comme un point de passage pour les futurs prêtres, puis, au cours des deux décennies suivantes, la formation s’uniformise.

  • 58 Buleon, Jérôme, et Le Garrec, Eugène, Sainte-Anne-d’Auray, Le Petit séminaire, Lafolye, Vannes, 19 (...)
  • 59 Mémoire des vicaires généraux, 4 septembre 1815, cité dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondan (...)
  • 60 Lagree, Michel, Mentalités, religion..., op. cit., p. 199-203.

43L’ordonnance royale du 5 octobre 1814, qui permet aux évêques d’ouvrir une école secondaire dans leur diocèse, constitue un tournant dans l’histoire des petits séminaires. Dès novembre 1815, les soixante premiers élèves font leur rentrée au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray58, qui demeure jusqu’en 1881 le seul établissement de ce type dans le diocèse de Vannes. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, l’école ecclésiastique secondaire de Dinan, dont l’essor véritable date de 1815, fait office de petit séminaire depuis 1803. En outre, deux autres petits séminaires sont créés dans cet évêché. L’opiniâtreté de Jean-Marie de Lamennais et sa volonté de résoudre le problème du sous-recrutement en Basse-Bretagne sont à l’origine de ces ouvertures59. Fruit des démarches entreprises, le collège de Tréguier est transformé en petit séminaire en 1816, inaugurant une série de transformations du même genre en Bretagne, comme à Vitré et à Saint-Méen60. Quelques années plus tard, l’évêque de Saint-Brieuc développe des arguments similaires, à l’échelle de la Basse-Bretagne, pour résoudre le déficit d’ecclésiastiques persistant en Cornouaille :

  • 61 AESB, 2 CD 4, Lettre de l’évêque de Saint-Brieuc au ministre de l’intérieur, 30 septembre 1821.

« Le langage bas-breton est différent de celui des autres contrées. On appelle vulgairement ce pays si sauvage, la Cornouaille. Les prêtres y sont plus rares qu’ailleurs et on ne peut espérer de les voir se multiplier suffisamment si on n’y établit pas un collège comme dans les temps anciens61. »

44L’autorisation d’ouvrir un troisième petit séminaire en 1821 dans le diocèse de Saint-Brieuc vaut reconnaissance de ses spécificités : chaque aire culturelle, recoupant grosso modo les limites des anciens évêchés, a alors son séminaire. Avec trois petits séminaires, le diocèse de Saint-Brieuc ne fait pas pour autant exception : Soissons et Besançon en comptent le même nombre tandis que Lyon en dispose de cinq à la même époque. La même diversité culturelle caractérise le diocèse de Vannes mais la situation plus centrale du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray permet d’attirer des élèves d’horizons divers.

  • 62 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes, op. cit., p. 309-312.

45Petit à petit, les établissements ecclésiastiques supplantent les collèges préexistants dans la formation des prêtres. Dans le diocèse de Vannes, le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray devient un point de passage nécessaire pour les jeunes gens qui désirent devenir ecclésiastiques dans les années 1830 et les effectifs des établissements de l’Université s’effondrent62. Même si en théorie les deux types d’établissement accueillent tous les profils d’élèves, une amorce de la spécialisation s’esquisse alors : les fils de notables s’orientent vers les établissements universitaires tandis que les jeunes gens attirés par la prêtrise préfèrent le petit séminaire.

46À partir de 1815 dans le diocèse de Saint-Brieuc et vers 1830 dans le diocèse de Vannes, le petit séminaire est donc le point de passage de la plu part des aspirants à la prêtrise. L’uniformisation du cursus scolaire qui résulte de cette évolution est d’autant plus importante que l’enseignement dans les petits séminaires, tout en s’adaptant aux besoins du temps, répond de plus en plus à une norme imposée par les autorités diocésaines.

  • 63 AEV Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 62.
  • 64 Renan, Ernest, Souvenirs..., op. cit., p. 21.
  • 65 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève du petit séminaire de Plouguernével, Saint-Brieuc, i (...)
  • 66 AESB, 1 J 7, programme de l’enseignement dans les trois petits séminaires du diocèse de Saint-Brie (...)

47Dans la première moitié du xixe siècle, les études au petit séminaire apparaissent comme « un long bain de romanisme et d’hellénisme63 », ce que regrette Renan, élève au petit séminaire de Tréguier : « nous faisions beaucoup de vers latins ; mais on n’admettait pas que, depuis le poème de La Religion de Racine le fils, il y eût une poésie française64. » Les lamentations de Renan sur ses études trégorroises n’auraient guère différé s’il avait été dans un autre petit séminaire du diocèse de Vannes ou de Saint-Brieuc. L’enseignement à Plouguernével est marqué par l’omniprésence du français et du latin, complété du grec dans les classes supérieures65. À Dinan, la liste des auteurs étudiés établie par l’inspection diocésaine à la fin des années 1840 montre aussi la domination des auteurs classiques : La Fontaine, Racine, Ésope en classe de cinquième ; Ovide, Virgile et Plutarque en quatrième ; Boileau, Cicéron, Xénophon en troisième ; Bossuet, Virgile, Tite-Live, Homère en seconde ou encore Quintilien, Démosthène et Horace en classe de rhé torique pour prendre quelques exemples dans une liste qui renvoie invariablement à l’Antiquité66.

  • 67 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit.

48Si les lettres classiques forment le socle de l’enseignement dispensé dans les petits séminaires, celui-ci n’est toutefois pas identique d’un établissement à l’autre. Tréguier par exemple se distinguait par un enseignement de mathématiques relativement poussé, proposé par Jean Duchêne (1803-1870), professeur de 1825 à 1840. Inversement, à Plouguernével, l’enseignement de mathématiques est encore restreint dans les années 1840 et ne débute qu’en quatrième. Le grec y est également commencé plus tard que dans les autres petits séminaires67. Par ailleurs, à l’initiative personnelle de professeurs, de nouveaux enseignements apparaissent. À Plouguernével, un cours de musique est organisé sous l’impulsion de l’abbé Burel, dès son arrivée en 1840.

  • 68 AESB, 1 J 7, cours d’études du collège Saint-François-Xavier, non daté.
  • 69 AESB, 1 J 7, Projet pour unifier l’enseignement des petits séminaires, 5 juillet 1855.

49L’hétérogénéité de la formation secondaire est toutefois limitée, Mgr Le Mée ayant veillé à l’uniformité des principaux enseignements dans les petits séminaires de son évêché. La diversité s’atténue fortement à partir de 1855, date à laquelle il imposa classe par classe une liste d’auteurs à étudier, s’inspirant de ce qui était proposé au collège Saint-François-Xavier de Vannes68. L’enseignement scientifique est ainsi balisé très précisément : arithmétique les deux premières années, géométrie la troisième et la « quatrième année, physique expérimentale et appliquée, par Ganot, qui sera le cours classique dans tous les établissements69 ». Les directives sont tout aussi strictes pour les matières littéraires. En classe de quatrième par exemple, le programme imposé est le suivant :

  • 70 Idem.

« Grammaire française, entière – grammaire latine, entière – grammaire grecque, jusqu’à la syntaxe générale, inclusivement – Prosodie – Explication, latin, Virgile (Géorgiques, Épisodes) Quinte-Curce ; grec, Isocrate à Démonique, 1er livre de la Cyropédie – Rédaction des conférences religieuses – Histoire Romaine – Géographie moderne, Europe moderne comparée avec l’ancienne – Récitation, Épisodes des Géorgiques70. »

  • 71 Moulinet, Daniel, Les classiques païens dans les collèges catholiques ? Le combat de Mgr Gaume, Pa (...)

50Comme dans de nombreux collèges catholiques français au milieu du xixe siècle71, l’étude des classiques païens domine.

51Au cours de la seconde moitié de la période concordataire, la formation secondaire des futurs ecclésiastiques connaît deux évolutions importantes : la concurrence des collèges ouverts à la suite de l’adoption de la loi Falloux et l’augmentation du nombre de matières enseignées aux futurs prêtres.

  • 72 Du Bois de la Villerabel, Arthur, L’école Saint-Charles à Saint-Brieuc. Souvenirs et récits. Saint (...)
  • 73 AESB, 5 F 2, répartition des prêtres ordonnés depuis 1900 d’après les maisons d’éducation d’où ils (...)

52L’essor de collèges secondaires comme l’école Saint-Charles de Saint-Brieuc72 ou l’institution Notre-Dame de Guingamp qui forment toutes deux des postulants au grand séminaire dans la deuxième partie du xixe siècle, ne remet pas en cause la main-mise du clergé diocésain sur la formation secondaire des futurs clercs. Les nouveaux prêtres sont toujours majoritairement issus des petits séminaires : 64 % des 248 prêtres ordonnés entre 1900 et 1905 sont en effet passés par ceux de Tréguier ou de Plouguernével et 20 % par l’école secondaire de Dinan, dont l’esprit reste proche du petit séminaire officiel qu’il était jusqu’en 1881. Seuls 16 % des ecclésiastiques sont passés par Saint-Charles, à Saint-Brieuc, ou par Notre-Dame, à Guingamp73. Ces cas minoritaires montrent toutefois que plusieurs parcours sont possibles ; l’éducation secondaire des prêtres et des élites laïques n’est pas cloisonnée.

  • 74 Calcul effectué à partir des registres des élèves conservés aux archives du petit séminaire de Sai (...)
  • 75 Buleon, Jérôme, et Le Garrec, Eugène, Sainte-Anne-d’Auray..., op. cit., p. 195.

53Dans le diocèse de Vannes, la majorité des ordinands de la fin du xixe siècle provient également des petits séminaires. À Sainte-Anne-d’Auray, 152 des 291 élèves entrés en philosophie entre 1879 et 1885 deviennent prêtres74. 63 % des ecclésiastiques ordonnés entre 1885 et 1890 font ainsi leurs études secondaires dans ce petit séminaire. Les collèges privés fournissent également quelques candidats au grand séminaire. L’abbé Louis Chauffier, lui même ancien élève de Saint-François-Xavier et professeur à partir de 1882, installa en 1890, dans une maison qu’il louait, une pension pour les élèves qui y étudiaient, notamment pour les jeunes gens envoyés par des prêtres des paroisses voisines dans l’espoir d’en faire des clercs. Parmi eux, quatre ou cinq entraient en moyenne chaque année au grand séminaire75.

  • 76 Caro, Abbé, L’essor d’une fondation du vénérable Jean-Marie de La Mennais, du collège Saint-Stanis (...)
  • 77 ADCA, 1 T 297.
  • 78 Riou, Véronique, Les Cordeliers et le collège communal, 1871-1914, mémoire de maîtrise, Rennes II, (...)
  • 79 Ibid., p. 115-117.
  • 80 Ibid., p. 58.

54L’enseignement dispensé dans les collèges ne diffère guère de celui qui est proposé dans les petits séminaires. Les transitions en douceur du statut de collège à celui de petit séminaire en témoignent. À la fin du siècle, les soucis de recrutement étant moindres, un rééquilibrage est effectué entre les diocèses de Vannes et Saint-Brieuc. Dans le premier, le collège Saint-Stanislas de Ploërmel, ouvert en 1850, est transformé en 1881 en petit séminaire76. Mais depuis sa création, il était contrôlé par le clergé et jouait officieusement ce rôle dans le nord du pays gallo. La même année, le petit séminaire de Dinan, dont l’image fut ternie à la suite d’une affaire de mœurs et du décès accidentel mais suspect de l’un des membres de l’encadrement77, con naît l’évolution inverse et repasse sous une gestion privée78. Pour autant, l’enseignement classique et religieux dispensé reste sensiblement le même79 et la part des prêtres parmi les enseignants s’accroît même – on y trouve 26 ecclésiastiques contre trois laïcs en 1904 alors qu’ils étaient respectivement 21 et trois en 187280.

  • 81 Idem.
  • 82 Le Treste, Joseph, Souvenirs d’un missionnaire breton dans le Nord-Ouest canadien, Sillery (Québec (...)

55Néanmoins, la nécessité de proposer aux élèves qui se destinent à l’état laïc une formation adaptée à leurs besoins et le désir de former des clercs correspondant à l’image du « bon prêtre » entraînent une diversification des programmes. L’enseignement scientifique, par exemple, se développe. Au petit séminaire de Dinan, le supérieur Marin Dagorne (1826-1905), aidé par René Morin (1835-1896), installe un laboratoire de chimie et un cabinet de physique puis institue un prix spécial d’excellence pour récompenser l’étude des sciences81. À la même époque, l’esprit nouveau pénètre au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray : les élèves de philosophie reçoivent à partir des années 1870 un enseignement teinté de néo-thomisme et suivent des cours de physique, de chimie, de géométrie et même de cosmographie82.

  • 83 AESB, 2 H 19, Programme d’examen pour l’admission au grand séminaire de Saint-Brieuc, Saint-Brieuc (...)

56Trente plus tard, l’enseignement a encore gagné en diversité. Au début du xxe siècle, l’élève qui sollicite son entrée au grand séminaire de Saint-Brieuc doit désormais connaître la poésie de Lamartine et de Victor Hugo, sans pour autant négliger les classiques, l’histoire de la France de Louis XVI à Napoléon Ier et l’histoire de la Rome antique. Il doit également maîtriser un programme complet de sciences incluant l’électricité, l’optique, les équations du second degré et la connaissance du système nerveux83. L’enseignement du début du xixe siècle tel que l’a décrit Renan, c’est-à-dire sclérosé et imperméable aux évolutions intellectuelles, est révolu.

57Quelle que soit leur voie, les futurs prêtres commencent ainsi leur formation au xixe siècle au contact d’ecclésiastiques. L’enseignement des classiques antiques domine et s’uniformise sous la pression diocésaine. À leur entrée au grand séminaire, les jeunes gens désireux de devenir prêtre étaient dotés d’une culture littéraire commune.

La formation « professionnelle »

58À la fois lieu de formation sous l’autorité de l’évêque et espace où se forme une génération de prêtres, le huis-clos du grand séminaire constitue un révélateur pertinent de l’évolution des sensibilités religieuses. Les changements dans les enseignements traduisent les modifications de la spiritualité dominante tandis que la diversification des matières et, pour certains prêtres, la poursuite des études au delà du grand séminaire, témoignent du désir de science dans le clergé briochin et vannetais.

Le grand séminaire

59Trois tournants se distinguent dans l’histoire des grands séminaires de Saint-Brieuc et de Vannes au cours de la période concordataire : leur réouverture au début du xixe siècle, la conversion ultramontaine dans les années 1840-1850 et la diversification des enseignements à partir des années 1870.

  • 84 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 303-305 et Morin, Gilles, L’administration (...)
  • 85 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 304.
  • 86 AESB, 2 H 19, cahier contenant des notes sur l’histoire du grand séminaire, par l’abbé Louail, (18 (...)

60À la différence des petits séminaires, la mise en place des grands séminaires lors de la réorganisation concordataire est rapide84. À Vannes, sous l’impulsion de Mgr Pancemont, les premiers élèves sont accueillis dans l’ancien séminaire rendu à sa première destination fin 1803-début 180485. À Saint-Brieuc, les premiers cours de théologie débutent aussi en 1803, mais dans une maison privée, à l’initiative d’un ancien supérieur du grand séminaire de Saint-Pol-de-Léon, le lazariste Louis Chantrel (1746-1824). Les bâtiments du grand séminaire ne sont rachetés qu’en 1804 par des ecclésiastiques qui les cèdent au diocèse. L’initiative privée est également déterminante dans la constitution de la bibliothèque, issue du fonds légué par le chanoine Ruffelet, mort en 180686. Les conditions de l’étude de la théologie sont donc réunies avec quelques années de retard par rapport au diocèse de Vannes, ce qui explique en partie la reconstruction numérique plus tardive dans l’évêché de Saint-Brieuc. Exemple original dans le paysage religieux français, le grand séminaire du diocèse de Saint-Brieuc se distingue du début du xixe siècle à 1841 par l’existence d’une annexe à Dinan, dans laquelle les séminaristes peuvent suivre des cours de théologie.

  • 87 AESB, 2 H 22, règlement du grand séminaire, 1804.
  • 88 Launay, Marcel, Les séminaires français aux xixe et xxe siècles, Paris, Cerf, 2003, p. 72.

61Malgré un démarrage plus hésitant que dans le diocèse de Vannes, le grand séminaire de Saint-Brieuc offre une formation beaucoup plus complète. Au début du xixe siècle, chaque séminariste passe quatre ans et trois mois au grand séminaire de Saint-Brieuc : un an de philosophie, trois de théologie et trois mois de préparation au sacerdoce87. Au grand séminaire de Vannes, les études, sans tenir compte de la philosophie assurée par les établissements secondaires, se font en 2 ans. Cette durée, inférieure à celle du diocèse voisin, demeure toutefois supérieure au temps d’études prévu dans de nombreux séminaires français : à la même époque, une seule année est exigée à Saint-Flour et pas plus de 15 mois à Toulouse et Clermont par exemple88. L’urgence détermine alors la longueur du cursus.

62Même si elle est moins sommaire qu’ailleurs, la formation à Vannes demeure succincte. Là aussi, la reconstruction numérique du clergé doit se faire rapidement et la durée des études et la somme des connaissances minimales à acquérir sont corrélées :

  • 89 AEV, Registre du Conseil épiscopal, 17 novembre 1806.

« L’année de séminaire est de 300 jours. Les retraites, les dimanches, les fêtes et les jours de congé emportent à peu près le tiers. Ainsi il ne reste que deux cents jours de classe. Le quart au moins est employé à repasser. Il n’y a donc que 150 jours de classe pour expliquer et apprendre les traités. Si chaque professeur peut voir exactement 6 pages par classe, ce sera 12 pages par jour de classe et par conséquent 1 800 pages par chaque année. Ce serait en 2 ans 3 600 pages, c’est-à-dire, toute la Théologie de Poitiers [...]. Ainsi en 2 ans, toute la théologie doit être expliquée et apprise. Il est à désirer que le Nouveau Testament soit expliqué pendant le même temps. Il contient 264 chapitres. Il est difficile d’expliquer le tout en deux ans... le moyen d’abréger la besogne serait de procurer aux jeunes gens des concordances en latin. On expliquerait les quatre évangiles à la fois89. »

  • 90 Boutry, Philippe, « “Vertus d’état”... », op. cit., p. 208.
  • 91 ADCA, 1 T 291.

63Selon ce texte déroutant, parcourir la Théologie de Poitiers à un rythme imposé par le calendrier et un survol rapide du Nouveau Testament suffisent à former intellectuellement un prêtre au début de la période concordataire. L’exemple vannetais montre ainsi que les observations de Philippe Boutry sur la formation offerte aux grands séminaires de Paris, Lyon et Bourg90 se vérifient également en Bretagne : la rapidité l’emporte sur la qualité et le savoir transmis se limite aux enseignements indispensables, en l’occurrence la théologie et l’écriture sainte, elle-même circonscrite au Nouveau Testament. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, le nombre de matières enseignées est également faible : en 1829, la formation se limite à l’étude de la théologie, dogmatique et morale, de l’écriture sainte, et de la philosophie91.

  • 92 Voir chapitre 7, « Les divisions de l’administration diocésaine ».

64Au début du xixe siècle, la liste des manuels en usage révèle la prégnance des idéaux sulpiciens et du gallicanisme. Dans le diocèse de Vannes et de Saint-Brieuc, la Théologie de Bailly, ouvrage tout aussi rigoriste et gallican que la Théologie de Poitiers à laquelle elle succède, reste utilisée au moins jusque dans les années 1830. La rupture définitive avec un modèle d’éducation cléricale emprunté à l’Ancien Régime intervient dans les années 1840 dans le diocèse de Saint-Brieuc et, semble-t-il, dans les années 1850 dans le diocèse de Vannes. Dans l’évêché de Saint-Brieuc, le grand séminaire joue un rôle essentiel dans la conversion ultramontaine. De 1813 à 1823, le supérieur est en effet Jean-Charles Vielle (1766-1857), un proche de Jean-Marie de Lamennais. Ces deux prêtres venus du diocèse de Rennes à la demande de Mgr Caffarelli dirigent de fait l’évêché de Saint-Brieuc de 1815 à 1819, pendant la vacance épiscopale. À l’arrivée de Mgr Le Groing de La Roma gère, de violents affrontements opposent gallicans et ultramontains92. Jean-Marie de Lamennais quitte alors le diocèse et Jean-Charles Vielle est contraint d’abandonner la direction du grand séminaire en 1823. Mais leur action a permis de convertir une large partie du clergé aux idées mennaisiennes, comme l’illustre le succès remporté par la souscription ouverte par le journal L’Avenir, à laquelle plus de 170 prêtres du diocèse de Saint-Brieuc répondent. Après une période de réaction gallicane impulsée par l’évêque, l’ultramontanisme triomphe définitivement en 1841, avec l’arrivée de Mgr Le Mée. L’ancien supérieur Joseph Botrel (1794-1855) est alors remplacé par un proche de l’évêque, Jean-Marie Dubois Saint-Sévrin (1799-1852), et trois pro fesseurs, tous âgés de moins de 35 ans, remplacent l’ancienne génération.

  • 93 AESB, 2 H 19, Cahier contenant des notes sur l’histoire du grand séminaire, par l’abbé Louail, (18 (...)

65L’épiscopat de Mgr Le Mée apparaît d’autant plus comme un tournant que la conversion ultramontaine s’accompagne de la centralisation de la formation cléricale. La suppression de l’annexe dinannaise, l’envoi d’un homme à poigne – Jean Pasco (1800-1863) – comme supérieur du petit séminaire de Plouguernével en 1842, et la création de l’inspection diocésaine en 1845, sont les manifestations d’une spectaculaire reprise en main de l’enseignement sous l’épiscopat de Mgr Le Mée. Cette politique de réorganisation de la formation cléricale est affirmée symboliquement par le lancement en 1842 des travaux d’un nouveau grand séminaire, ouvert à la rentrée de 184893.

  • 94 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 581.

66Le tournant ultramontain est plus tardif dans le diocèse de Vannes, du moins au grand séminaire. Le très long épiscopat de l’anti-mennaisien Mgr de La Motte – il s’étend de 1827 à 1860 – et l’absence de personnalités ultramontaines dominantes expliquent ce décalage chronologique. En 1842, un an après la rupture briochine, Joseph Bernard semble avoir été écarté du grand séminaire en raison de ses opinions ultramontaines94. Mais, en 1854, les changements opérés dans le personnel du grand séminaire de Vannes reflètent le déclin du gallicanisme. L’arrivée d’un nouveau supérieur, Vincent Régent (1813-1901), qui remplace Yves Louer (17741855), en poste depuis 1832, s’accompagne d’un changement d’équipe. Deux jeunes ecclésiastiques sont nommés professeurs, dont Joseph Le Mené (1832-1923), un prêtre érudit dont le voyage à Rome en 1860 traduit les opinions. L’ultramontanisme semble donc s’imposer au grand séminaire de Vannes quelques années après l’adoption de la liturgie romaine, réalisée en 1850. Tandis que dans le diocèse de Saint-Brieuc la conversion ultramontaine s’est faite par le grand séminaire, elle semble avoir emprunté le canal du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray dans l’évêché de Vannes.

  • 95 Boutry, Philippe, « “Vertus d’état”... », op. cit., p. 207-228.
  • 96 AEV, registre des ordinations, 1871-1912 et AESB, 2 H 15, registre des élèves du grand séminaire.

67Les années 1855-1870 forment dans les deux diocèses une période de transition, au cours de laquelle un enseignement basé sur la théologie, l’écriture sainte et le droit canon est prodigué par des professeurs ultramontains et liguoristes. Il faut attendre le dernier tiers du xixe siècle pour voir un autre changement majeur dans l’enseignement au grand séminaire : comme ailleurs en France95, les exigences comportementales marquées par l’héritage sulpicien se complètent d’une formation intellectuelle beaucoup plus poussée, ce qui se manifeste notamment par l’allongement des études et la diversification des enseignements. La durée de la formation au grand séminaire de Vannes passe de 3 à 4 ans en 1883, ce qui permet aux professeurs de revoir les traités de philosophie étudiés au petit séminaire et d’approfondir la métaphysique et la théologie. L’exclusion ou l’envoi dans d’autres diocèses en raison de faibles résultats montre que, depuis les années 1870 au moins96, un seuil minimal de connaissances est demandé et que les formateurs attendent davantage qu’une présence au séminaire pendant un nombre d’années donné. Le recrutement abondant permet l’introduction de la concurrence, l’allongement des études et donc l’amélioration de la formation.

  • 97 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 99.
  • 98 Archives du grand séminaire de Vannes, Chronique du grand séminaire de Vannes, de 1870 à 1884, ann (...)
  • 99 AESB, 2 H 19, Livre du séminaire, « cours au grand séminaire en 1890 », p. 8.

68En outre, les enseignements se diversifient. Les séminaires de Vannes et de Saint-Brieuc sont désormais, comme le séminaire de Brou97, un lieu où la science occupe une place importante. Le savoir du prêtre ne se limite désormais plus au strict minimum pour pouvoir exercer son ministère. Ainsi, en 1876, un cours d’archéologie, dispensé par Louis Simon (1844-1920), pro fesseur de droit canon, est mis en place au grand séminaire de Vannes98. La liste des matières enseignées à Saint-Brieuc en 1890 traduit également ce désir de science à la fin du xixe siècle. Aux enseignements fondamentaux dispensés depuis plusieurs décennies comme la théologie morale, la théologie dogmatique, l’écriture sainte et le droit canon, s’ajoutent désormais la liturgie, l’histoire, l’archéologie, la musique et la langue bretonne99.

  • 100 Guiomar, Jean-Yves, Le bretonisme. Les historiens bretons au xixe siècle, Mayenne, Société d’histo (...)
  • 101 Brunel, Christian, « L’Académie bretonne au grand séminaire de Quimper », in Lagree, Michel (dir.) (...)

69Cette dernière matière est particulièrement significative des transformations opérées dans la formation au grand séminaire : alors que le besoin de prêtres gallos maîtrisant le breton était criant au début du xixe siècle en rai son de l’insuffisance de l’encadrement pastoral en Basse-Bretagne, les possibilités d’apprentissage étaient nulles. À la fin du siècle, alors que le besoin lié à un impératif pastoral s’affaiblit, l’enseignement est mis en place, répondant à l’intérêt nouveau des ecclésiastiques pour la langue et la culture bretonnes100. Ce mouvement est alors particulièrement sensible en Basse-Bretagne, comme en témoigne la fondation de l’Académie bretonne en 1894 au grand séminaire de Quimper101.

  • 102 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 343-345.
  • 103 Réglement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 2.

70Un cours de breton se met également en place à Vannes, en 1896, à la demande de plusieurs séminaristes venus solliciter Guillevic. La reconnaissance officielle n’intervint qu’a posteriori, grâce au rôle déterminant du vicaire général Jégouzo au sein du conseil épiscopal102, quand l’ordonnance de Mgr Latieule de mars 1900 inscrit le breton comme enseignement facultatif. L’apprentissage de cette langue s’ajoute alors aux cours de mystique, d’administration temporelle des paroisses ou d’architecture religieuse, récemment créés103. La démarche des séminaristes, qu’elle soit motivée par une curiosité scientifique ou par l’opportunité de prétendre à une promotion plus rapide en Basse-Bretagne, traduit l’état d’esprit nouveau face aux études cléricales à la fin du xixe siècle. L’approfondissement des études ecclésiastiques ne se limite d’ailleurs pas au cadre du grand séminaire. L’appétit scientifique nouveau et le désir des évêques d’avoir des prêtres capables d’assurer un enseignement de qualité encouragent la poursuite des études supérieures.

Les études supérieures

  • 104 Wache, Brigitte, « L’école des Carmes », in Cholvy, Gérard et Chaline, Nadine-Josette (dir.), L’en (...)

71Plusieurs types d’établissements ou de destinations se présentent aux clercs bretons qui s’apprêtent à suivre des études supérieures au xixe siècle. Les facultés, qu’il s’agisse de la Sorbonne ou de celles situées en province, sont rarement fréquentées, notamment en raison de leurs liens avec l’État et de l’absence de reconnaissance par Rome. L’École des Carmes, fondée à Paris en 1845 par Mgr Affre, rencontre davantage de succès auprès des ecclésiastiques, pour lesquels elle s’apparente à une école normale104. Elle est remplacée en 1875 par l’Institut catholique de Paris, créé comme les autres universités catholiques en application de la loi votée cette année-là. Enfin, Rome, avec l’Université Grégorienne Pontificale et, à partir de 1852, le séminaire français, constitue une destination particulièrement prisée des clercs étudiants.

  • 105 Raison du Cleuziou, Jacques, « Le chanoine Yves-Marie Villiers de l’Isle-Adam et le conte de l’Int (...)

72Les archives de l’évêché de Saint-Brieuc, un peu plus prolixes sur ce sujet que les archives vannetaises, ont permis d’identifier 81 ecclésiastiques concordataires qui ont suivi des études supérieures. La fréquence des départs de prêtres désireux d’obtenir des grades universitaires semble s’accélérer au fil de la période. Dans la première moitié du xixe siècle, de rares clercs entreprennent des études supérieures. Yves-Marie Villiers de l’Isle-Adam (18081889), qui fait ses études à Rome dans les années 1840, est une exception dans le clergé briochin. Son profil atypique renforce sa singularité : d’origine noble, il possède un réseau social plus étendu que celui des autres séminaristes. Lorsqu’il part à Rome, il suit ainsi un ami de Saint-Pol-de-Léon, Léopold de Leséleuc, parti à l’Université Grégorienne Pontificale en 1843 et sait pouvoir trouver sur place un cousin éloigné alors supérieur de Saint-Louis-des-Français, l’abbé de Bonnechose105. Malgré son doctorat de théologie, il ne fait à son retour qu’une modeste carrière de desservant, preuve que les diplômes étaient alors peu valorisés dans le clergé.

  • 106 Hilaire, Yves-Marie, « Notes sur le recrutement des élèves du séminaire français de Rome (18531914 (...)

73Les clercs qui entreprennent des études supérieures sont plus nombreux dans la deuxième moitié du xixe siècle. Yves-Marie Hilaire, qui a travaillé sur les sources romaines, a recensé entre 1853 et 1870 onze élèves du séminaire français de Rome originaires du diocèse de Saint-Brieuc, ce qui fait de cet évêché le cinquième contributeur français106. Cette importance est à relativiser par l’importance des ordinations. Ces onze élèves représentent alors moins de 2 % du nombre total de prêtres ordonnés au cours de cette période. La proportion est alors similaire dans le diocèse de Vannes, qui envoie sept élèves au séminaire français de Rome.

  • 107 Marcilhacy, Christianne, Le diocèse d’Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup (1849-1878). Socio (...)
  • 108 Boudon, Jacques-Olivier, « L’épiscopat français et le développement des hautes études ecclésiastiq (...)

74Les départs sont plus fréquents à partir des années 1880. Entre 1880 et 1905, seule période au cours de laquelle le registre individuel du clergé briochin semble recenser tous les diplômés, au moins 72 clercs du diocèse de Saint-Brieuc entreprennent des études supérieures. Ils représentent alors environ 8 % des prêtres ordonnés, une proportion néanmoins faible par rap port aux 19,3 % d’ecclésiastiques diplômés que compte le diocèse d’Orléans en 1869107. L’évêché de Mgr Dupanloup est certes sans doute atypique mais la comparaison montre que les évêques briochins, qui disposent pourtant d’un clergé nombreux, se contentent de former une élite de savants et ne souhaitent pas que la poursuite d’études supérieures devienne la règle. À cet égard, ils ne se différencient guère de la plupart de leurs confrères108.

75Les trois quarts de ces 72 clercs étaient des Hauts-Bretons. Leur importance numérique leur permet de poursuivre des études supérieures sans nuire à l’encadrement pastoral. Les Gallos sont donc sur-représentés parmi les diplômés et donc parmi les professeurs et l’élite intellectuelle du clergé, ce qui contribue à alimenter le sentiment de domination ressenti par certains prêtres Bas-Bretons.

  • 109 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 299.
  • 110 AEV, Z 4, correspondance des frères Dubot, lettre du 25 juin 1899, auteur inconnu.

76Les sources consultées ne permettent pas de quantifier le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur dans le clergé vannetais, mais quelques exemples individuels permettent de corroborer les observations faites au sujet du clergé briochin. Le destin des frères Dubot illustre le développement des études supérieures dans le clergé dans le dernier quart du xixe siècle, à une période au cours de laquelle l’idéal du prêtre-savant se propage. Tandis que Mathurin Dubot (1839-1911) entre dans le ministère paroissial dès son ordination en 1863 sans avoir fait d’études supérieures, ses frères, Jean-Marie (1853-1918) et Théophile (1855-1933), respectivement ordon nés en 1877 et en 1879, deviennent docteurs en théologie et font une brillante carrière dans l’enseignement. Pour autant, l’administration du diocèse de Vannes n’encourage pas systématiquement ses prêtres à entreprendre des études. En 1891, le vicaire général Le Guénédal (1839-1917) rejette la demande de Jean-Augustin Guillevic (1861-1937) qui, alors qu’il vient d’être nommé professeur au grand séminaire, sollicite l’autorisation de partir « une année ou deux, à Angers, à Paris ou à Rome109 ». Et en 1899, un correspondant des frères Dubot – aujourd’hui anonyme – évoque la difficulté rencontrée par leur neveu Eugène Duclos (né en 1877) pour poursuivre ses études à Rome, l’évêque de Vannes refusant d’engager les ressources financières du diocèse pour l’obtention de grades théologiques110.

77Parmi les 72 ecclésiastiques briochins recensés ayant entrepris des études supérieures entre 1880 et 1905, la destination de 52 d’entre eux est connue. Dix sont allés à Rennes, dont neuf entre 1885 et 1890, quinze à Rome et 27 ont étudié à Paris, le registre du clergé précisant pour quinze d’entre eux qu’ils fréquentent l’Institut catholique et ne donnant aucune précision pour les douze autres. L’Institut catholique d’Angers, mal desservi par le chemin de fer depuis Saint-Brieuc, paraît ignoré.

  • 111 Sur le modernisme et l’affaire Loisy, voir notamment Colin, Pierre, L’Audace et le Soupçon, la cri (...)
  • 112 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 305.
  • 113 Sardella, Louis-Pierre, Mgr Eudoxe-Irénée Mignot (1842-1918), un évêque français au temps du moder (...)

78L’Institut Catholique de Paris ne semble recevoir aucun ecclésiastique briochin entre 1889 et 1894, ce qui traduit probablement le rejet des thèses modernistes enseignées par Loisy111. Dans le diocèse de Vannes, l’administration épiscopale, outrée par l’idée que le récit du déluge pouvait être emprunté aux légendes païennes, décida en 1892 d’interdir tout départ vers l’Institut Catholique de Paris jusqu’à la suspension de Loisy112. Les évêques briochins et vannetais, comme la plupart de leurs confrères, semblent alors bien loin d’encourager les recherches exégétiques, à la différence de Mgr Mignot113, qui demeure une exception dans l’épiscopat français de l’époque.

79Le départ vers Rennes, Paris ou Rome n’était neutre ni sur le plan idéologique – étudier au séminaire français de Rome est presque une preuve d’ultramontanisme – ni pour la carrière. Les clercs qui passent par Rennes ou Paris en ressortent en général avec une licence, ès-lettres pour 82 % de l’échantillon pour lequel le diplôme est connu, de sciences physiques ou de mathématiques pour les autres. Ils se destinent alors à l’enseignement secondaire, à l’image de Julien Diveu (1850-1897) qui, alors qu’il était déjà enseignant aux Cordeliers à Dinan, obtient une licence ès-lettres à l’Institut catholique de Paris en 1884, puis poursuit sa carrière de professeur avant de devenir supérieur des Cordeliers en 1896. Les clercs qui partent pour Rome effectuent en général des études plus longues, jusqu’à l’obtention d’un doctorat en théologie, en philosophie ou en droit canonique. Avant la fin de la période concordataire, la moitié d’entre eux ont été nommés au grand séminaire, où ces prêtres doivent faire fructifier l’enseignement qu’ils ont reçu et former un clergé dont le niveau d’études moyen a incontestablement progressé depuis le début du siècle.

80Le développement de l’idéal du prêtre-savant entraîne donc une diversification et, pour certains, un approfondissement des études au cours de la période concordataire. La formation cléricale ne se limite pas à sa dimension intellectuelle. Les séminaires sont aussi des lieux propices à la transmission d’un idéal comportemental.

L’apprentissage d’un état

  • 114 Segondy, Louis, « Place et rôle des petits séminaires dans l’enseignement secondaire en France au (...)

81En matière d’éducation comportementale, petits et grands séminaires forment un bloc indissociable. Même si les petits séminaires n’ont pas le monopole de la formation secondaire des ecclésiastiques, ils sont placés sous la responsabilité de l’évêque et leur vocation première est de fournir des candidats à la prêtrise, contrairement aux collèges universitaires ou aux institutions privées114. À la différence de la formation intellectuelle, qui se spécialise lors du passage du petit au grand séminaire, l’éducation comportementale s’inscrit dans la continuité, avec comme principal objectif d’inculquer un modèle clérical.

Les progrès de l’encadrement

  • 115 AESB, 2 H 22, coutumier de 1826.

82Le moule du séminaire ne pouvait être efficace que dans la mesure où l’encadrement était suffisamment strict pour contrôler les élèves. La sup pression de l’externat révèle la volonté de proposer une formation qui englobe l’ensemble de la vie du séminariste. Dans le diocèse de Saint-Brieuc, les externes sont encore présents dans les années 1820 puisque le coutumier de 1826 prévoit que les séminaristes externes doivent être hébergés dans des pensions approuvées par le supérieur115. La construction d’un nouveau bâtiment aux allures de monastère dans les années 1840 laisse penser qu’une page est définitivement tournée à cette date et que tous les séminaristes vivent sous le même toit. Une précision en marge du coutumier de 1826, probablement datée de 1842, confirme le changement : « plus d’externes ».

  • 116 Anonyme, Le collège de Tréguier depuis sa fondation jusqu’à nos jours, René Prud’homme, 1895, p. 2 (...)
  • 117 AESB, 1 J 7, statistiques de l’enseignement secondaire libre dans les petits séminaires, 9 février (...)

83Ce calendrier concorde avec les évolutions observées dans les petits séminaires. À Tréguier par exemple, la décision de supprimer l’externat intervient en 1841 et près de 300 internes peuvent être accueillis à la rentrée 1843-1844, une fois les difficultés matérielles surmontées116. Les injonctions épiscopales, si elles provoquent une rupture significative, n’entraînent toutefois pas la disparition totale des externes qui sont encore 37 sur 389 élèves en 1858117.

84À partir des années 1830-1840, soit au moment où l’externat devient systématique, le rôle des directeurs de séminaires et des surveillants prend de l’importance. Le règlement du grand séminaire de Saint-Brieuc de 1846 insiste ainsi sur le rôle des directeurs :

  • 118 AESB, 2 H 19, article 5 du règlement du grand séminaire de Saint-Brieuc, 1846.

« Ils aimeront à se mêler parmi les élèves et à se tenir le plus possible en rapport avec eux. C’est le moyen de bien les connaître ; mais surtout c’est le moyen nécessaire pour arriver à les former. Ce sera en effet de ces rapports que mille occasions viendront s’offrir de leur faire remarquer une foule de petites choses auxquelles ils ne prennent pas garde118. »

85Leur rôle d’éducateur comportemental et spirituel, de « guide » et de « père » selon la terminologie de l’époque, ne cesse dès lors d’être réaffirmée.

86Dans leur fonction d’encadrement, les directeurs sont assistés dans les petits séminaires par des jeunes prêtres à partir des années 1830. Passée la moitié du xixe siècle, nombre de carrières ecclésiastiques commencent par un poste dans un petit séminaire comme maître d’études, préfet de discipline ou professeur chargé de l’enseignement des petites classes. La reconstitution des carrières montre que le phénomène se banalise de décennie en décennie : alors qu’aucun nouveau prêtre ordonné dans le diocèse de Saint-Brieuc en 1831 ne suit cette trajectoire, ils sont 3 en 1841, 6 en 1851, 7 en 1861 et, chiffre exceptionnel, 19 en 1871. Parmi les prêtres ordonnés en 1881, 1891 et 1901, respectivement 10, 11 et 8 passent par un petit séminaire du diocèse.

  • 119 Le Treste, Joseph, Souvenirs..., op. cit., p. 54.

87Cette évolution permet de répondre à deux besoins qui émergent dans les années 1830 : celui d’encadrer les élèves et d’offrir un poste aux jeunes prêtres, au moment où les places disponibles dans les paroisses se font rares. D’inévitables tensions surgissent alors, certains prêtres vivant leur nomination à la fonction de surveillant comme un placement sur une liste d’attente et une mise à l’écart. Joseph Le Treste, élève à Sainte-Anne-d’Auray dans les années 1870, garde le souvenir d’une autorité excessive de la part des jeunes clercs chargés de la surveillance des élèves. Peu préparés à ces fonctions, certains faisaient preuve d’une grande sévérité pour avoir un calme qui leur permettait d’étudier leur théologie, ce qui contribuait à donner à l’établissement une ambiance « caporaliste119 ».

  • 120 Chotard, Jean-René, Séminaristes..., op. cit.
  • 121 Le Treste, Joseph, Souvenirs..., op. cit., p. 55.
  • 122 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève..., op. cit., p. 172-173.

88Face aux excès d’autorité des uns et des autres, le contournement du règlement par les élèves semble avoir joué le rôle de soupape atténuant la pression ressentie, nuançant ainsi la thèse d’une acculturation traumatisante développée par Jean-René Chotard par exemple120. À Sainte-Anne-d’Auray, un surveillant jugé trop sévère voit son vase de nuit percé d’un trou microscopique mais suffisamment gros pour laisser le contenu s’échapper au pied du lit121. À Plouguernével, les professeurs désireux de voir le supérieur Ropers quitter ses fonctions et souhaitant la nomination d’un homme à poigne firent l’objet d’un véritable charivari122. Ces bravades, restées gravées dans l’esprit d’anciens séminaristes en raison de leur caractère exceptionnel, montrent qu’une norme s’est établie en matière de discipline, tant du côté des élèves que de celui des surveillants.

L’imposition d’un modèle clérical

  • 123 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 74-76.
  • 124 Dumoulin, Christian, Un séminaire français..., op. cit., p. 171.

89L’apprentissage de la régularité est le trait dominant de l’éducation comportementale du futur prêtre. Dans les petits comme dans les grands séminaires, les emplois du temps témoignent d’une remarquable permanence tout au long du siècle. Du début à la fin du siècle, la journée s’y déroule selon le même rythme immuable : lever vers 5 h, quelques exercices religieux suivis du petit déjeuner, puis vers 8 h, études et cours jusque l’heure du déjeuner. Après une récréation d’une heure environ, le reste de la journée est le symétrique de la matinée : travail scolaire, repas précédé ou suivi de la prière et coucher vers 21 h. Un regard sur les pratiques en vigueur dans les autres séminaires montre la même permanence, aussi bien au petit séminaire de Meximieux123 qu’au grand séminaire de Bourges124.

  • 125 AESB, 1 J 7, ordre de la journée dans les écoles ecclésiastiques de Tréguier et Plouguernével.
  • 126 SRV, « La journée du séminariste », 29 décembre 1881, p. 727.
  • 127 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève..., op. cit., p. 144.
  • 128 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 4.

90La précision des emplois du temps témoigne du désir d’imposer un rythme et un mode de vie précis, ne laissant pas de place à l’improvisation. Ainsi à Tréguier, les élèves devaient s’habiller « promptement, modestement et en silence125 » ; au grand séminaire de Vannes, la prière se faisait « alternativement un quart d’heure à genoux et un quart d’heure debout », et la traversée du jardin pour se rendre à la chapelle s’effectuait « à la file et silencieusement126 ». Le développement des internats entraîne un encadrement accru des promenades, traditionnellement prévues les jours de repos. Dès les années 1830, à Plouguernével, des élèves sortis sans autorisation sont sanctionnés par le conseil des professeurs de 400 vers à copier127, une sanction bien inférieure à l’exclusion prévue par le règlement du grand séminaire de Vannes de 1901 pour une telle infraction128.

91Les récréations elle-mêmes sont l’objet de toutes les préoccupations réglementaires. Afin que la détente soit compatible avec la dignité cléricale imposée, les loisirs sont davantage encadrés et la vie au séminaire ressemble de plus en plus à la vie monacale. À la fin de la période concordataire, le directoire des surveillants à l’œuvre dans le diocèse de Vannes montre qu’un pas supplémentaire est franchi dans la prise en charge des loisirs, mis au service de la formation :

  • 129 Directoire des surveillants..., op. cit., p. 30.

« Les jeux sont obligatoires. Il [le surveillant] veillera à les organiser selon les saisons. [...] Il ne souffrira point que des jeux isolés s’organisent à l’encontre d’un jeu général établi dans la division129. »

92Au fil du siècle on passe ainsi progressivement d’un cadre permettant la vie collective à l’imposition d’une norme comportementale. L’allongement des règlements est à cet égard significatif : alors que deux pages suffisaient pour organiser le fonctionnement du séminaire de Dinan en 1811, il en faut 40 en 1901 pour faire la liste des interdits et des comportements positifs au grand séminaire de Vannes.

  • 130 AESB, 2 H 22.
  • 131 AESB, 1 J 7, inspection des petits séminaires, 8 juillet 1846.

93L’éducation religieuse, comme l’acquisition d’une norme comportementale, passe par une régularité remarquable. Davantage qu’un lieu où l’on impose aux élèves une spiritualité par le discours, le petit ou le grand séminaire est au xixe siècle un endroit où les jeunes gens acquièrent des habitudes de piété. Dès le début de l’année, une retraite marque la rupture avec la période des vacances et donne la tonalité de ce que doit être la vie spirituelle des élèves. Ces retraites semblent s’imposer dans l’organisation annuelle dès que les pensionnats peuvent accueillir l’ensemble des élèves. Au grand séminaire de Saint-Brieuc, alors que leur existence n’est pas évoquée dans un règlement de l’époque de Chantrel, supérieur à partir de 1803, elle est rendue obligatoire par le coutumier de 1826130. Dans les petits séminaires du même diocèse, tous les établissements ont une retraite annuelle en 1846131.

  • 132 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 36-37.

94La lecture des règlements des grands séminaires laisse penser que la piété se mesure en partie au nombre d’exercices spirituels. Tous mentionnent l’importance des devoirs religieux du matin, du midi et du soir. Une évolution se dessine au cours du siècle avec leur multiplication. Le règlement du grand séminaire de Vannes de 1901 se fait ainsi plus précis et établit un emploi du temps qui n’est pas sans rappeler la vie monacale : dès le réveil, le séminariste doit « s’occuper du sujet d’oraison ou de quelque pieuse pensée » ; à 5 h 20, la cloche l’appelle à l’oraison et à la prière ; s’ensuivent la messe prolongée d’un quart d’heure d’action de grâces, la récitation des petites heures dans la matinée et à midi moins huit, « l’examen particulier à la fin duquel on récite le De profundis et l’Angelus ou le Regina Cœli ». L’après-midi est tout aussi planifié : le miserere est récité après dîner, les vêpres et les complies après la récréation, les matines et les laudes à 5 h 15 et le chapelet à 6 h 30 ; une dernière visite à la chapelle après le dîner puis la prière du soir terminent la journée132.

  • 133 APSSSA, Mémoires de Kerdaffrec, manuscrit, 1896, p. 17.
  • 134 Buleon, Jérôme, et Le Garrec, Eugène, Sainte-Anne-d’Auray..., op. cit., p. 195.
  • 135 APSSAA, Le Guen, Alexis, Notice historique sur le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, 1966, p. (...)

95Le contenu-même des exercices évolue également : à une spiritualité plus rigoriste marquée par l’importance du recueillement succède une formation religieuse où la piété mariale est entretenue par la récitation régulière d’hymnes mariaux et du chapelet. Ce type de dévotion est aussi entretenu par les manifestations au sein des confréries qui se multiplient dans les séminaires dans la première moitié du xixe siècle. À Sainte-Anne-d’Auray, la piété mariale est vivement encouragée par le supérieur, Jean Charil de Ruillé, qui, en 1842, établit l’archiconfrérie du Saint et Immaculé Cœur de Marie et met en place l’année suivante la dévotion du mois de Marie au petit séminaire133. La Congrégation de la Sainte-Vierge rassemble alors une élite d’élèves qui effectuent sous la houlette d’un directeur et de quelques dignitaires des exercices de piété134. Les séminaristes sélectionnés apprennent également, entre autres activités, à porter secours aux prêtres et à faire le catéchisme aux paysans des environs, se préparant ainsi à la vie sacerdotale135.

  • 136 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève..., op. cit., p. 148.
  • 137 AESB, 1 J 7.

96Au petit séminaire de Plouguernével, la congrégation de la Sainte-Vierge est introduite dans les années 1820 par un professeur, Jean-Marie Dubois-Saint-Sévrin (1799-1852)136. Le jeune prêtre, ordonné en 1822, incarne alors une piété nouvelle associée à un talent pour la direction spirituelle qui lui vaut d’être nommé supérieur du grand séminaire en 1841. Comme dans le domaine scolaire et matériel, l’épiscopat de Mgr Le Mée marque une uniformisation croissante des pratiques sur le plan religieux, l’inspection des petits séminaires qu’il a instituée vérifiant que l’éducation religieuse est conforme à la norme épiscopale137.

  • 138 AESB, 1 J 7, ordre de la journée dans les écoles ecclésiastiques de Tréguier et Plouguernével.
  • 139 SRV, « La journée du séminariste », 29 décembre 1881, p. 727.

97Tout au long du xixe siècle, un règlement particulier est institué pour le dimanche, avec une place accrue pour la détente. À Tréguier par exemple, deux heures sont prévues l’après-midi pour la promenade ou la récréation138. Les fêtes religieuses bouleversent les pratiques : à Vannes, le pain et le vin rouge cèdent leur place au gâteau et au vin blanc à l’occasion de la Fête-Dieu139. Les réjouissances sont ainsi subordonnées au religieux, contribuant à renforcer la sacralité de l’événement commémoré.

98À la fin de la période concordataire, les études au séminaire sont ainsi clairement présentées comme une éducation collective, insufflant un esprit de corps au futur clergé.

99Dès lors, tout refus du modèle éducatif du séminaire apparaît comme une vocation hésitante. Le règlement du grand séminaire de Vannes établit même clairement la relation au terme de la période concordataire :

  • 140 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 39.

« Il paraît moralement impossible en effet qu’un élève qui a observé, dans des vues surnaturelles, pendant quatre ans la règle du séminaire puisse se méprendre sur sa vocation140. »

100La règle confirmait ainsi ce que les exclusions avaient inscrit dans la pratique depuis plusieurs décennies. La sainteté du futur prêtre est liée à sa motivation pour entrer dans le moule clérical offert au séminaire. Il n’est donc pas étonnant que la chronologie de l’évolution de la formation cléricale se superpose à celle des modifications du discours clérical sur la vocation. De façon schématique, le xixe siècle peut être divisé en trois tiers qui voient se succéder des jeunes clercs capables de faire face au défi de la reconstruction religieuse des paroisses, des ecclésiastiques pénétrés des idées nouvelles liées à l’ultramontanisme, et des prêtres qui, par leur esprit de corps et leur science, peuvent faire face aux contestations anticléricales.

L’entrée dans la carrière

  • 141 Pierre Pierrard en présente toutefois le déroulement dans Pierrard, Pierre, La vie quotidienne du (...)

101L’entrée dans la carrière est un long processus, scandé par l’ordination, la première messe et la première nomination, parfois séparées de plusieurs mois. Rarement étudiée141, la première messe est une étape essentielle dans la vie du jeune prêtre. Les récits détaillés de première messe, beaucoup plus nombreux dans la seconde moitié du xixe siècle que dans la première, contrastent avec les brefs comptes rendus des ordinations tant dans les témoignages des ecclésiastiques que dans les journaux officiels comme les Semaines religieuses. L’une des explications de ce déséquilibre réside dans le relatif anonymat des cérémonies d’ordination : présidées par l’évêque, le plus souvent dans la cathédrale, elles ne laissent pas de place à la personnalisation. En revanche, la première messe est l’occasion pour le nouveau prêtre de vivre un moment plus chaleureux, entouré de ses proches et des pairs. Cette cérémonie, marquée par le rappel du rôle du bon prêtre, est l’occasion de parachever sa formation.

La première messe

  • 142 Anonyme, Le chanoine Louis-Marie Jégouzo, Imprimerie Galles, Vannes, 1916, p. 8.

102Derrière le stéréotype narratif de la « première messe », se cachent deux cérémonies différentes, chacune avec un but et un public spécifiques. La première messe, au sens littéral, se déroule le lendemain de l’ordination. Les personnes présentes se limitent généralement au célébrant, accompagné d’un prêtre expérimenté, et à la famille du jeune ecclésiastique. La première messe de Louis-Marie Jégouzo (né en 1837), en 1861, a ainsi lieu dans la chapelle de Sainte-Anne-d’Auray sous le regard de ses parents et d’un autre prêtre, le recteur de sa paroisse natale142. Les premiers actes liturgiques sont ainsi effectués sous l’œil d’un confrère expérimenté, qui contrôle le novice.

103Le caractère privé de cette cérémonie tranche avec l’éclat des premières grand-messes, dont l’objectif est de célébrer l’itinéraire du jeune prêtre. Cette rétrospective se fait principalement de deux façons : à travers le choix du lieu de la première grand-messe et par la mise en avant de la famille du nouveau prêtre.

  • 143 Le Braz, Anatole, « Le trésor de Noël », op. cit.
  • 144 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery, fondateur de la Congrégation des Filles de la Divine Providence d (...)
  • 145 SRV, 10 janvier 1903, p. 30.

104Pour la première grand-messe, l’usage est de revenir au pays natal, quelle que soit la fonction alors occupée par le prêtre. Yves-Marie Villiers de l’Isle-Adam (1808-1889) retourne pour la première fois depuis cinq ans à Maël-Pestivien pour sa première messe en 1847143. La première grand-messe devient alors l’occasion de fêter l’un des membres de la communauté paroissiale devenu prêtre. Pour Guy Homery, « la vénérable église [de Ploubalay] avait revêtu sa parure des grands jours144 ». Dans un contexte propice à la valorisation de l’identité paroissiale, les rédacteurs des comptes rendus publiés dans les Semaines religieuses se réjouissent systématiquement de l’éclat inaccoutumé des cérémonies et des réjouissances qui l’entourent. À Campénéac, les paroissiens se rendent à la cérémonie « en habits de noce », « pour mieux marquer leur joie145 ». Le retour du jeune prêtre dans sa paroisse est pour la communauté rassemblée le signe de l’esprit missionnaire qui souffle sur la paroisse et le garant de la continuité apostolique.

105Le jeune prêtre est parfois amené à célébrer plusieurs « premières » grand-messes festives, s’il peut servir de modèle en différents lieux. Ainsi, le 27 décembre 1885 Jean-Augustin Guillevic, préfet de discipline du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, célèbre sa première grand-messe dans la basilique, devant tous les élèves réunis, « avec toute la solennité des grands jours ». Une nouvelle fête est organisée le 2 mai 1886, dans sa paroisse de Saint-Patern, à l’occasion de sa première grand-messe dans l’église de son enfance. La journée s’achève par un dîner au presbytère, aux frais du jeune prêtre, qui paie 2 f. par invité. L’ancien élève et l’ancien paroissien sont tour à tour célébrés et proposés en exemple à l’assistance.

  • 146 SRV, 7 janvier 1899, p. 7.
  • 147 AP Saint-Nicolas-du-Pélem, cahier de paroisse de Bothoa, 29 janvier 1905, p. 56.
  • 148 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery..., op. cit., p. 67.

106La sollicitude envers la famille du jeune prêtre renforce la distinction de son destin. Ainsi à Guiscriff, l’un des prêtres qui officie, Jean Sylvestre (né en 1852), prend soin de rendre hommage aux parents du nouvel ecclésiastique en signalant à l’assemblée que six de leurs huit enfants ont choisi de devenir prêtre ou religieux146. Non loin de là, mais dans le diocèse de Saint-Brieuc, à Bothoa, un service est célébré pour l’honneur des parents le lendemain de la première grand-messe d’Anselme Quévarec (1879-1915). Cette solennité est renforcée par la présence des prêtres occupant les fonctions les plus prestigieuses dans les environs, à savoir le curé de Gouarec et le supérieur du petit séminaire de Plouguernével147. Le cas de Guy Homery (1781-1861), rare exemple du corpus du début du xixe siècle, montre que la valorisation de l’entourage familial lors des premières messes n’est pas spécifique à la fin de la période concordataire. Son biographe, qui s’appuie sur des témoignages écrits du prêtre, raconte qu’au premier rang de l’assistance se trouvent les parents, accompagnés de leurs enfants et de leurs petits-enfants148.

107Le souci de réserver un traitement particulier à la famille va au delà des questions de bienséance. Par la valorisation de ses parents, l’enfance et l’éducation du jeune prêtre sont proposées comme modèles. L’objectif est donc également pédagogique. Plus largement, la population chrétienne dans son ensemble est invitée à voir dans le nouveau prêtre le succès de son œuvre missionnaire. L’abbé Buléon, dans le sermon qu’il prononce à l’occasion de la première grand-messe de Jean-Augustin Guillevic, prend ainsi le soin de présenter longuement tous les acteurs ayant contribué à l’éveil et à la consolidation de la vocation du jeune prêtre. Les Frères de l’école où il fut envoyé et les professeurs du séminaire sont associés au cercle familial dans l’analyse de la réussite éducative.

  • 149 Encreve, André, Protestants français au milieu du xixe siècle. Les réformés de 1848 à 1870, Genève (...)

108Mais la première messe ne se limite pas à un retour aux sources et n’a pas qu’une valeur pédagogique pour l’assemblée. Elle fait symboliquement la transition entre le passé et l’avenir du prêtre et parachève sa formation en lui rappelant ce que doit être son futur ministère. Elle symbolise l’insertion du jeune prêtre dans le corps clérical. Le jeune prêtre est à cette occasion assisté de plusieurs ecclésiastiques d’âge variable, signe qu’une solidarité verticale se superpose à la solidarité horizontale et générationnelle du séminaire. La première messe a donc de nombreux points communs avec la consécration au ministère chez les protestants, une cérémonie au cours de laquelle un nouveau pasteur, entouré d’au moins sept confrères, doit pro fesser sa foi149.

  • 150 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery, op. cit., p. 66.
  • 151 SRV, 10 janvier 1901, p. 30.
  • 152 Anonyme, L’abbé Adolphe Charenton, 1er mai 1878-21 janvier 1907, Montpellier, Manufacture de la Ch (...)

109Lors de la première messe d’un jeune prêtre, l’ecclésiastique qui l’a orienté vers le sacerdoce est particulièrement honoré. Joseph Fouace (1748-1824), curé de Ploubalay de 1802 à 1824, célèbre avec Guy Homery (1781-1861) sa première messe, après l’avoir accueilli dans son école presbytérale pendant plusieurs années150. L’ensemble de la paroisse peut alors prendre conscience des succès de son curé en matière de recrutement. La distinction du « prêtre recruteur » est encore plus évidente lorsque celui-ci n’est plus en fonction dans la paroisse où se déroule la messe. À Campénéac par exemple, le prêtre chargé d’accueillir Henri Le Breton (né en 1878), qui célèbre sa première grand-messe, est Ferdinand Mathorel (né en 1856), ancien vicaire de la paroisse et alors aumônier à Pontivy151. À cette occasion s’établit un véritable parrainage entre deux prêtres de génération différente. Le plus jeune reconnaît l’importance qu’a eu l’aîné dans son orientation et se pose implicitement en héritier. Le « parrain » n’est cependant pas toujours celui qui a encouragé la vocation. Adolphe Chareton (1878-1907) célèbre par exemple sa première grand-messe dans la basilique de Guingamp le 18 août 1901 en présence du Père du Plessis, son directeur au Séminaire français de Rome152.

  • 153 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 245-248.

110Ce parrainage peut dépasser le cadre de la manifestation publique épisodique et s’inscrit parfois dans la durée, comme le montre la trajectoire de Joseph Huard (1830-1870). Brillant élève de Plouguernével repéré par Michel Ménard (1809-1873), il bénéficie de sa protection. Alors que l’abbé Ménard est supérieur de l’école Saint-Charles, il appelle près de lui Joseph Huard qui n’a reçu que les ordres mineurs et lui confie la charge de sur veillant. Signe de la désignation de Joseph Huard comme son héritier spirituel, le Gallo Michel Ménard fait le déplacement jusqu’à Rostrenen, à l’extrémité occidentale du diocèse de Saint-Brieuc, pour présider la première messe de son protégé153. Dès son ordination en 1854, le jeune abbé Huard est nommé professeur de philosophie au grand séminaire, alors dirigé par Michel Ménard, puis en 1860 devient son vicaire dans la principale cure du diocèse, à la cathédrale de Saint-Brieuc. Le parrainage du sacerdoce ressemble dans ce cas davantage à la désignation d’un héritier, prélude à une future passation de pouvoir, interrompue ici par le décès précoce de Joseph Huard.

  • 154 AP Saint-Nicolas-du-Pélem, Cahier de paroisse de Bothoa, 29 janvier 1905, p. 56.

111L’entourage clérical du jeune prêtre célébrant sa première messe ne se limite pas à un seul prêtre. Parfois, de nombreux ecclésiastiques assistent à la cérémonie, dessinant les contours du réseau de solidarité du jeune prêtre au moment de son ordination. À la première messe d’Anselme Quévarec (1879-1915), en 1905, sont présents le vicaire général d’origine cornouaillaise Le Provost (1846-1906), le chanoine Bidan (1841-1914), le supérieur de l’institut pour sourds et muets, les curés de Saint-Nicolas-du-Pélem, de Rostrenen, de Callac et de Corlay, Yves Poëzévara (1837-1909), alors recteur du nouvel ecclésiastique, et « les prêtres des environs154 ». L’origine géographique des curés et des desservants montre les solidarités géographiques qui s’esquissent : les prêtres de Haute-Cornouaille font le déplacement pour accueillir un nouveau membre dans le clergé local. Deux personnalités font exception – le curé de Gouarec et le supérieur de Plouguernével – mais le cahier de paroisse mentionne leur présence lors du service du lendemain, qui fait ici figure de session de rattrapage pour ceux qui n’avaient pu se déplacer la veille. La première messe marque l’intégration d’un nouveau membre dans un réseau clérical local.

  • 155 Cabanel, Patrick, Cadets de Dieu..., op. cit., p. 244.

112Cette solidarité géographique se double parfois d’une solidarité familiale. Joseph Onno (né en 1874), aumônier à Pontivy, se rend ainsi dans la paroisse voisine de Saint-Thuriau pour prononcer le sermon lors de la première messe de son cousin Jean-Marie Juin, ordonné en 1905. Le parrainage de la première messe est également marqué du sceau de la solidarité géographique et familiale, selon un principe que l’on retrouve à la même époque dans le Gévaudan155. L’image idyllique offerte à l’assemblée est celle d’un groupe de prêtres, peu concerné par les rivalités locales, qui fait corps autour du nouvel arrivant, et dont la solidarité esquissée n’est pas troublée par la concurrence pour les postes les plus intéressants.

  • 156 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 248.
  • 157 SRV, 7 janvier 1899, p. 7.

113La première messe est également l’occasion d’un rappel collectif de ce que doit être un bon pasteur. À Rostrenen, lors de la première messe d’Eugène Bouché (1828-1888) en 1855, Joseph Huart (1830-1870) monte en chaire pour montrer au futur évêque « les redoutables responsabilités du sacerdoce156 ». À la fin de la période concordataire, le sujet de l’homélie n’a pas évolué : dans son sermon, l’abbé Sylvestre (né en 1852) expose à François Martin (né en 1873), qui célèbre sa première messe à Guiscriff en 1899, « le caractère et le rôle du prêtre157 ». Le prêcheur n’hésite pas à responsabiliser son jeune pair en lui rappelant les qualités du bon prêtre.

114La première messe fait ainsi figure de transition entre la formation et l’exercice de responsabilités pastorales. Elle rappelle la genèse de la vocation du prêtre et réalise l’insertion symbolique dans le corps clérical.

Le premier poste

115La première nomination constitue le second événement qui marque le début de la carrière. Au cours du xixe siècle, la nature des postes occupés et le rythme de l’entrée dans la carrière changent. L’exemple du diocèse de Saint-Brieuc révèle la diversification croissante des ministères confiés aux nouveaux prêtres (voir le tableau ci-après).

Premier poste des prêtres du diocèse de Saint-Brieuc

Premier poste des prêtres du diocèse de Saint-Brieuc
  • 158 Gonnot, Jean-Pierre, Vocations et carrières..., op. cit., p. 247.

116Davantage encore que dans le diocèse de Belley, où les évolutions ne sont pas aussi marquées158, le vicariat perd sa fonction de porte d’entrée dans la carrière cléricale. Le basculement observé dans le diocèse de Saint-Brieuc semble se faire en deux temps : dans les années 1830-1840 puis dans les années 1870-1880, c’est-à-dire à la fin d’une vague d’ordinations. La diversification des débuts de carrière est une réponse au manque de débouchés. Le placement dans des établissements scolaires fait de surcroît écho à l’encadrement croissant des séminaristes et aux exigences accrues en matière de formation. Dans une école secondaire, le jeune clerc, tout en demeurant sous la surveillance des directeurs et des supérieurs, peut approfondir ses études. La « cléricalisation » de l’enseignement paraît donc être davantage la conséquence d’une surproduction d’ecclésiastiques que le résultat d’un plan arrêté.

117Les archives de Vannes ne sont pas aussi prolixes que les registres briochins sur les débuts de carrière. Les postes paroissiaux sont bien connus mais le placement des jeunes clercs dans des postes qui ne sont pas rétribués par l’État n’est pas recensé systématiquement. Bien qu’incomplètes, les données recueillies confirment toutefois l’évolution à l’œuvre dans le diocèse voisin. 97 % des 31 cas recensés parmi les prêtres ordonnés entre 1805 et 1807 commencent leur carrière comme vicaires. Par la suite, les nouveaux ecclésiastiques sont de plus en plus fréquemment envoyés exercer des missions non-paroissiales. C’est le cas pour au moins un quart de ceux qui furent ordonnés entre 1885 et 1887. Et il faut probablement y ajouter une part importante des 19 % dont on ignore le sort lors des premiers mois du sacerdoce, les fonctions paroissiales étant bien connues à cette époque.

  • 159 AESB, 8 CE.
  • 160 AESB, 8 CE.

118Au fur et à mesure que l’orientation vers l’enseignement au sortir du séminaire se banalise dans le diocèse de Saint-Brieuc, elle est de moins en moins réservée à une élite intellectuelle, à laquelle appartenait par exemple Yves Thébault (né en 1802), un « sujet supérieur159 » nommé professeur au petit séminaire de Dinan à sa sortie du grand séminaire en 1829. Les nouveaux prêtres qui échappent au vicariat, désormais nombreux, ont un profil intellectuel qui ne les distingue pas de l’ensemble du clergé. Toute fois, un tri qualitatif semble être opéré dans le choix de l’établissement, les séminaires recevant les meilleurs prêtres. Le futur supérieur du grand séminaire de Quimper, Pierre Éveno (1842-1911), et Jean-Baptiste Perrichon (1844-1904), auréolés de l’appréciation la plus flatteuse des promotions 1868 et 1869, commencent par exemple leur carrière comme enseignants dans un petit séminaire tandis qu’Aristide Corseul (1844-1901), qui avait des « talents médiocres, peu de réflexion » et fournissait un travail « très peu soutenu160 » est envoyé enseigner à Saint-Charles. Ce placement ressemble alors à une prolongation du séminaire, imposée pour combler les lacunes observées. Mais tout déterminisme est à exclure. Le futur directeur des Cordeliers et curé de Lamballe, Louis Le Bigot (1845-1911), brillant élève, commence aussi sa carrière comme professeur à l’école Saint-Charles, et non dans un petit séminaire. Une gestion personnalisée permet donc un rééquilibrage qualitatif.

  • 161 AEV, D 10, registre des ordinations 1855-1916.

119Dans le diocèse de Vannes, l’orientation vers l’enseignement, moins fréquente, semble rester tout au long de la période concordataire l’apanage des prêtres qui se distinguent intellectuellement. Pierre Blanche (né en 1848) et Alfred Caro (né en 1848), qui obtiennent au cours de leurs études les résultats les plus remarquables parmi la génération ordonnée en 1872, sont tous les deux nommés enseignants à l’institution Saint-Stanislas de Ploërmel. Jérôme Buléon (1854-1934), un des rares séminaristes qui reçoit la note maximale de 5 sur 5161, est envoyé enseigner au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray dès son ordination, en 1878.

  • 162 Nicolas, Gilbert, L’école normale..., op. cit., p. 518-519.

120Le fort recrutement, en partie responsable de l’orientation croissante des jeunes prêtres vers les établissements scolaires, modifie également le rythme d’entrée dans la carrière. À partir des années 1830, le manque de places disponibles conduit parfois à différer la première nomination des jeunes prêtres. Jean-Baptiste Chévrel (1805-1878) et Pierre-Marie Beurel (1811-1881), tous deux ordonnés en février 1836, ne deviennent vicaires qu’en janvier 1837, semble-t-il sans avoir exercé de fonction entre ces deux dates. L’absence de places disponibles est telle que le premier est nommé vicaire supplémentaire, c’est-à-dire qu’il n’est pas rétribué par l’État. Leur début de carrière rappelle celui de certains normaliens qui, à la même époque, devaient patienter plusieurs mois en attendant d’être placé, faute de place disponible162. Il faut attendre les années 1850 et la banalisation du placement des jeunes prêtres dans les établissements d’enseignement pour voir ces cas se raréfier.

  • 163 Encreve, André, Protestants français..., op. cit., p. 987.

121Au même moment, un mouvement apparemment contradictoire peut être observé. La prêtrise n’étant pas indispensable à l’enseignement ou à la surveillance, de jeunes clercs commencent leur ministère pastoral dans des établissements scolaires avant même leur ordination. Comme les pasteurs « proposants » qui font un stage d’un ou deux ans avant leur consécration163, de nombreux ecclésiastiques ont un aperçu du ministère pastoral avant de l’exercer pleinement. Le diocèse de Saint-Brieuc offre un excellent exemple de la banalisation du placement précoce des séminaristes dans la deuxième moitié du xixe siècle (cf. le tableau ci-dessous).

Séminaristes briochins placés dans des établissements d’enseignement avant leur ordination

Séminaristes briochins placés dans des établissements d’enseignement avant leur ordination
  • 164 AESB, 1 J 7, lettre de l’évêque aux supérieurs des petits séminaires, 23 décembre 1853.
  • 165 Idem.

122L’orientation antérieure à l’ordination devient une pratique courante vers le milieu du xixe siècle. Le premier cas retrouvé, une exception semble-t-il, est Yves Urvoy (1795-1868), nommé professeur au petit séminaire de Plouguernével en 1825, alors qu’il venait d’être promu à l’ordre du sous-diaconat. Une rupture intervient dans les années 1850, sous l’épiscopat de Mgr Le Mée, ce placement précoce concernant au moins un quart des individus ordonnés. La lecture de la correspondance de l’évêque confirme cette chronologie. En 1853, il estime que « quand il n’y a pas de prêtres disponibles, il faut bien envoyer des séminaristes comme professeurs et maîtres d’études dans les différents établissements du diocèse » et avoue que « c’est ce qu’ [il a] fait jusqu’ici164 ». Cependant, il regrette aussitôt cet état de fait, préférant encadrer les élèves par des prêtres ordonnés et conserver les ordinands au grand séminaire165, un vœu qui semble de ne pas avoir été suivi d’effet.

123Mgr Le Mée n’est pas le seul au cours de cette période à s’être interrogé sur l’utilité de recourir aux séminaristes. Le débat traverse la deuxième partie du xixe siècle sans qu’aucune réponse définitive ne soit adoptée. Ce type de placement permet à l’Église d’accroître l’encadrement clérical dans l’enseignement mais entre alors en concurrence avec le projet de contrôler davantage la vie des étudiants au grand séminaire. Les statistiques proposées précédemment montrent que le premier objectif reste prioritaire dans le diocèse de Saint-Brieuc au cours du xixe siècle. Il est vrai que le placement des séminaristes dans les établissements d’enseignement contrôlés par le clergé avait l’avantage d’offrir une main-d’œuvre abondante, correctement qualifiée, et bon marché ; l’objectif éducatif, lui, pouvait être atteint par d’autres moyens.

124Dans l’évêché de Vannes, l’absence de sources ne permet pas de quantifier les placements de diacres. Toutefois, quelques cas individuels montrent que les séminaristes sont sollicités également. Les premiers exemples se rencontrent à la fin des années 1810, soit au moment où le clergé commence à se reconstruire numériquement. Jean-Baptiste Guillemin (1796-1852), par exemple, est déjà professeur au collège de Josselin lors de son ordination en 1819. Des cas similaires se rencontrent à Vannes tout au long du xixe siècle. Jean Allanic (1816-1843), Eugène Laire (1836-1886), Adolphe Duparc (né en 1857) et Louis Hervé (né en 1876), respectivement ordonnés en 1840, 1860, 1880 et 1900, célèbrent tous les quatre leur première messe alors qu’ils sont professeurs ou surveillants au petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray. Ici aussi, l’orientation précoce des clercs vers l’enseignement permet d’équilibrer l’offre et la demande de vicariat.

125Démographie cléricale, politique de formation et début de carrière sont donc étroitement liés. Dans les années 1830, certains jeunes ecclésiastiques doivent patienter plusieurs mois avant de recevoir une fonction. Cet engorgement précoce des carrières, observable dès les premiers mois du sacerdoce, est l’une des originalités des diocèses de Saint-Brieuc et de Vannes à l’échelle française. À partir des années 1850 toutefois, l’orientation vers les établissements scolaires permet d’éviter cette inactivité prolongée et de renforcer l’encadrement des ecclésiastiques et de la société, via le contrôle de l’enseignement. La première messe, qui conserve son rôle symbolique d’intégration, perd donc sa fonction d’entrée dans le ministère sacerdotal.

Notes

1 Pour une approche sociologique de cette problématique, voir Bourdieu, Pierre, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, Paris, Seuil, 1996, p. 147-174.

2 La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale, textes réunis et annotés par Frère Philippe Friot, Rennes, PUR, 2001-2002, 7 tomes.

3 Chotard, Jean-René, Séminaristes...une espèce disparue ? Histoire et structure d’un petit séminaire, Guérande (1822-1966), Sherbrooke, Editions Naaman, 1977, 268 p.

4 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes et le jansénisme, thèse dactylographiée, Rennes, 1967, 2 vol.

5 ADM, 1 J 349, petit carnet et notes spirituelles d’un prêtre, 3 janvier 1869.

6 Évangile de Jean, XV, 16.

7 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, rédigé par M. Dubot et MM. Les directeurs du grand séminaire, approuvé par Mgr Latieule, Vannes, Imprimerie Galles, 1901, 40 p.

8 Nicol, Max, Mgr Bécel, Vannes, Lafolye frères, 1903, p. 9

9 Voir par exemple, Cabanel, Patrick, Cadets de Dieu..., op. cit., p. 113-117.

10 Nicol, Max, Mgr Bécel, op. cit., p. 9.

11 SRV, 23 mai 1903, p. 408.

12 SRV, 23 mai 1903, p. 408.

13 Ibid., p. 411.

14 Hudon, Christine, Prêtres et fidèles dans le diocèse de Saint-Hyacinthe, 1820-1875, Sillery (Québec), Septentrion, 1996, p. 150.

15 Lamennais (de), Jean-Marie, Écrits sur l’éducation..., op. cit., p. 664.

16 AESB, registre des ordinations, non coté.

17 Langlois, Claude, et Laplanche, François, La science catholique. L’ « encyclopédie théologique » de Migne (1844-1873) entre apologétique et vulgarisation, Paris, Cerf, 1992, 276 p.

18 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit..

19 Lamennais (de), Jean-Marie, Écrits sur l’éducation..., op. cit., p. 594.

20 AEV, Z 4, lettre de Jean-Marie Dubot, 27 juillet 1896.

21 Champagne, Patrick, « La reproduction de l’identité », ARSS, n° 65, 1986, p. 41-64 et Percheron, Annick, « La transmission des valeurs », in De Singly, François (dir.), La famille, l’état des savoirs, Paris, La Découverte, 1991, p. 183-193.

22 Cabanel, Patrick, Cadets de Dieu..., op. cit., p. 245.

23 Simon, Jules, Premières années, Paris, Flammarion, 1930, p. 40.

24 Archives de l’abbaye de Timadeuc, notice nécrologique de Jean-Baptiste Vavasseur, non cotée.

25 Lettre de Jean-Marie de Lamennais à M. Langrez, 3 janvier 1815, citée dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 1, p. 233.

26 SRV, 8 mars 1888, p. 150.

27 Delumeau, Jean, (dir.), La religion de ma mère. Le rôle des femmes dans la transmission de la foi. Paris, Cerf, 1992, 387 p.

28 AEV Z4, lettre de Jean-Marie Dubot, 27 juillet 1896.

29 SRV, 10 mars 1887, n° 10, p. 133.

30 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 14-15.

31 Nicolas, Gilbert, L’instituteur, le système scolaire et l’identité régionale au xixe siècle, habilitation à diriger des recherches, Paris IV, 2002, p. 383.

32 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 42.

33 SRV, 5 août 1886, p. 421.

34 Gibson, Ralph, A social history..., op. cit., p. 72.

35 SRV, 9 janvier 1879, p. 21.

36 SRV, 13 août 1885, p. 455.

37 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 221.

38 AN F19 946 B, état des séminaristes fin 1803.

39 AESB, 2 H 15, registre des élèves du grand séminaire.

40 AEV, registre des ordinations, 1871-1912.

41 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 122.

42 Dumoulin, Christian, Un séminaire français..., op. cit., p. 326.

43 Casta, Michel, Le prêtre corse..., op. cit., p. 196.

44 Gourret, Christophe, Le curé et le régime impérial en Ille-et-Vilaine, mémoire de maîtrise, Rennes II, 2002, p. 103.

45 AESB, 2 CD1, 2 CD 2 et 2 CD 3.

46 Chotard, Jean-René, Séminaristes...une espèce disparue ?..., op. cit., ou Dumoulin, Christian, Un séminaire français..., op. cit.

47 Cette réflexion s’inspire en partie du débat ouvert par l’article de Boutry, Philippe, « “Vertus d’état” et clergé intellectuel : la crise du modèle “sulpicien” dans la formation des prêtres français », Problèmes d’histoire de l’éducation, Actes des séminaires de l’École française de Rome et de l’Universita di Roma, Rome, La Sapienza, Collection de l’École française de Rome, 1988, p. 207-228.

48 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 62.

49 SRV, 24 novembre 1877, p. 327.

50 AEV, D 4, registres de correspondances épiscopales.

51 Morin, Gilles, L’administration religieuse du diocèse de Saint-Brieuc (1802-1805), maîtrise d’histoire, Rennes II, 1973, p. 476 et annexe p. 23.

52 Laveille R.P., Jean-Marie de la Mennais (1780-1860), librairie Lafolye frères, Vannes, 1910, p. 204.

53 AESB, 2 CD 1, correspondance avec les officiels.

54 AESB, 1 J 9, écoles presbytérales.

55 Cité par Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 308.

56 Le Braz, Anatole, « Le trésor de Noël » in Âmes d’Occident, Rennes, Terre de Brume, 1996, p. 165183.

57 SRSB, 11 août 1905.

58 Buleon, Jérôme, et Le Garrec, Eugène, Sainte-Anne-d’Auray, Le Petit séminaire, Lafolye, Vannes, 1921, volume 3.

59 Mémoire des vicaires généraux, 4 septembre 1815, cité dans La Mennais, Jean-Marie de, Correspondance générale..., op. cit., tome 1, p. 338.

60 Lagree, Michel, Mentalités, religion..., op. cit., p. 199-203.

61 AESB, 2 CD 4, Lettre de l’évêque de Saint-Brieuc au ministre de l’intérieur, 30 septembre 1821.

62 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes, op. cit., p. 309-312.

63 AEV Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 62.

64 Renan, Ernest, Souvenirs..., op. cit., p. 21.

65 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève du petit séminaire de Plouguernével, Saint-Brieuc, imprimerie Prud’homme, 1899, 409 p.

66 AESB, 1 J 7, programme de l’enseignement dans les trois petits séminaires du diocèse de Saint-Brieuc, sans date.

67 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit.

68 AESB, 1 J 7, cours d’études du collège Saint-François-Xavier, non daté.

69 AESB, 1 J 7, Projet pour unifier l’enseignement des petits séminaires, 5 juillet 1855.

70 Idem.

71 Moulinet, Daniel, Les classiques païens dans les collèges catholiques ? Le combat de Mgr Gaume, Paris, Cerf, 1995, 485 p.

72 Du Bois de la Villerabel, Arthur, L’école Saint-Charles à Saint-Brieuc. Souvenirs et récits. Saint-Brieuc, Imprimerie Prud’homme, 1891, 393 p.

73 AESB, 5 F 2, répartition des prêtres ordonnés depuis 1900 d’après les maisons d’éducation d’où ils sortent.

74 Calcul effectué à partir des registres des élèves conservés aux archives du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray.

75 Buleon, Jérôme, et Le Garrec, Eugène, Sainte-Anne-d’Auray..., op. cit., p. 195.

76 Caro, Abbé, L’essor d’une fondation du vénérable Jean-Marie de La Mennais, du collège Saint-Stanislas au petit séminaire Notre-Dame des Carmes, Ploërmel, 1952, 136 p.

77 ADCA, 1 T 297.

78 Riou, Véronique, Les Cordeliers et le collège communal, 1871-1914, mémoire de maîtrise, Rennes II, 1994, p. 4-8.

79 Ibid., p. 115-117.

80 Ibid., p. 58.

81 Idem.

82 Le Treste, Joseph, Souvenirs d’un missionnaire breton dans le Nord-Ouest canadien, Sillery (Québec), Les éditions du Septentrion, 1997, p. 57.

83 AESB, 2 H 19, Programme d’examen pour l’admission au grand séminaire de Saint-Brieuc, Saint-Brieuc, imprimerie René Prud’homme, 1904, 15 p.

84 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 303-305 et Morin, Gilles, L’administration religieuse..., op. cit., p. 260-275.

85 Langlois, Claude, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 304.

86 AESB, 2 H 19, cahier contenant des notes sur l’histoire du grand séminaire, par l’abbé Louail, (1815-1885). Sur la bibliothèque Ruffelet, voir AESB, M 51.

87 AESB, 2 H 22, règlement du grand séminaire, 1804.

88 Launay, Marcel, Les séminaires français aux xixe et xxe siècles, Paris, Cerf, 2003, p. 72.

89 AEV, Registre du Conseil épiscopal, 17 novembre 1806.

90 Boutry, Philippe, « “Vertus d’état”... », op. cit., p. 208.

91 ADCA, 1 T 291.

92 Voir chapitre 7, « Les divisions de l’administration diocésaine ».

93 AESB, 2 H 19, Cahier contenant des notes sur l’histoire du grand séminaire, par l’abbé Louail, (1815-1885).

94 Mahuas, Joseph, Le diocèse de Vannes..., op. cit., p. 581.

95 Boutry, Philippe, « “Vertus d’état”... », op. cit., p. 207-228.

96 AEV, registre des ordinations, 1871-1912 et AESB, 2 H 15, registre des élèves du grand séminaire.

97 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 99.

98 Archives du grand séminaire de Vannes, Chronique du grand séminaire de Vannes, de 1870 à 1884, année 1875-1876.

99 AESB, 2 H 19, Livre du séminaire, « cours au grand séminaire en 1890 », p. 8.

100 Guiomar, Jean-Yves, Le bretonisme. Les historiens bretons au xixe siècle, Mayenne, Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1987, 443 p.

101 Brunel, Christian, « L’Académie bretonne au grand séminaire de Quimper », in Lagree, Michel (dir.), Les parlers de la foi..., op. cit., p. 31-45.

102 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 343-345.

103 Réglement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 2.

104 Wache, Brigitte, « L’école des Carmes », in Cholvy, Gérard et Chaline, Nadine-Josette (dir.), L’enseignement catholique en France aux xixe et xxe siècles, Actes du colloque de Toulouse, mars 1994, Paris, Cerf, 1995, p. 237-253.

105 Raison du Cleuziou, Jacques, « Le chanoine Yves-Marie Villiers de l’Isle-Adam et le conte de l’Intersigne », MSECDN, t. LXXXIII, 1954, p. 57.

106 Hilaire, Yves-Marie, « Notes sur le recrutement des élèves du séminaire français de Rome (18531914) », Archives de sociologie des religions, janvier-juin 1967, t. 23, p. 137.

107 Marcilhacy, Christianne, Le diocèse d’Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup (1849-1878). Sociologie religieuse et mentalités collectives. Paris, Plon, 1962, p. 149.

108 Boudon, Jacques-Olivier, « L’épiscopat français et le développement des hautes études ecclésiastiques au xixe siècle », in Cholvy, Gérard et Chaline, Nadine-Josette (dir.), L’enseignement catholique..., op. cit., p. 219-235.

109 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 299.

110 AEV, Z 4, correspondance des frères Dubot, lettre du 25 juin 1899, auteur inconnu.

111 Sur le modernisme et l’affaire Loisy, voir notamment Colin, Pierre, L’Audace et le Soupçon, la crise du modernisme dans le catholicisme français, 1893-1914, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, 523 p. et Poulat, Émile, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Paris, Albin Michel, 1996, 733 p.

112 AEV, Z 4, Mémoires de Guillevic, p. 305.

113 Sardella, Louis-Pierre, Mgr Eudoxe-Irénée Mignot (1842-1918), un évêque français au temps du modernisme, Paris, Cerf, 2004, 743 p.

114 Segondy, Louis, « Place et rôle des petits séminaires dans l’enseignement secondaire en France au xixe siècle », RHEF, t. LXVI, n° 177, juillet – décembre 1980, p. 243-259.

115 AESB, 2 H 22, coutumier de 1826.

116 Anonyme, Le collège de Tréguier depuis sa fondation jusqu’à nos jours, René Prud’homme, 1895, p. 224-226.

117 AESB, 1 J 7, statistiques de l’enseignement secondaire libre dans les petits séminaires, 9 février 1858.

118 AESB, 2 H 19, article 5 du règlement du grand séminaire de Saint-Brieuc, 1846.

119 Le Treste, Joseph, Souvenirs..., op. cit., p. 54.

120 Chotard, Jean-René, Séminaristes..., op. cit.

121 Le Treste, Joseph, Souvenirs..., op. cit., p. 55.

122 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève..., op. cit., p. 172-173.

123 Gonnot, Jean-Pierre, Vocation et carrières..., op. cit., p. 74-76.

124 Dumoulin, Christian, Un séminaire français..., op. cit., p. 171.

125 AESB, 1 J 7, ordre de la journée dans les écoles ecclésiastiques de Tréguier et Plouguernével.

126 SRV, « La journée du séminariste », 29 décembre 1881, p. 727.

127 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève..., op. cit., p. 144.

128 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 4.

129 Directoire des surveillants..., op. cit., p. 30.

130 AESB, 2 H 22.

131 AESB, 1 J 7, inspection des petits séminaires, 8 juillet 1846.

132 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 36-37.

133 APSSSA, Mémoires de Kerdaffrec, manuscrit, 1896, p. 17.

134 Buleon, Jérôme, et Le Garrec, Eugène, Sainte-Anne-d’Auray..., op. cit., p. 195.

135 APSSAA, Le Guen, Alexis, Notice historique sur le petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray, 1966, p. 2.

136 Chatton, Auguste, Souvenirs d’un ancien élève..., op. cit., p. 148.

137 AESB, 1 J 7.

138 AESB, 1 J 7, ordre de la journée dans les écoles ecclésiastiques de Tréguier et Plouguernével.

139 SRV, « La journée du séminariste », 29 décembre 1881, p. 727.

140 Règlement général des élèves du grand séminaire de Vannes, op. cit., p. 39.

141 Pierre Pierrard en présente toutefois le déroulement dans Pierrard, Pierre, La vie quotidienne du prêtre français, 1801-1905, Paris, Hachette, 1986, p. 111-114.

142 Anonyme, Le chanoine Louis-Marie Jégouzo, Imprimerie Galles, Vannes, 1916, p. 8.

143 Le Braz, Anatole, « Le trésor de Noël », op. cit.

144 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery, fondateur de la Congrégation des Filles de la Divine Providence de Créhen, Paris – Tournai, Casterman, 1928, p. 66.

145 SRV, 10 janvier 1903, p. 30.

146 SRV, 7 janvier 1899, p. 7.

147 AP Saint-Nicolas-du-Pélem, cahier de paroisse de Bothoa, 29 janvier 1905, p. 56.

148 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery..., op. cit., p. 67.

149 Encreve, André, Protestants français au milieu du xixe siècle. Les réformés de 1848 à 1870, Genève, Labor et Fides, 1986, p. 987.

150 Person, Abbé, L’abbé Guy Homery, op. cit., p. 66.

151 SRV, 10 janvier 1901, p. 30.

152 Anonyme, L’abbé Adolphe Charenton, 1er mai 1878-21 janvier 1907, Montpellier, Manufacture de la Charité, 1907, p. 11.

153 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 245-248.

154 AP Saint-Nicolas-du-Pélem, Cahier de paroisse de Bothoa, 29 janvier 1905, p. 56.

155 Cabanel, Patrick, Cadets de Dieu..., op. cit., p. 244.

156 Chatton, Auguste, Souvenirs..., op. cit., p. 248.

157 SRV, 7 janvier 1899, p. 7.

158 Gonnot, Jean-Pierre, Vocations et carrières..., op. cit., p. 247.

159 AESB, 8 CE.

160 AESB, 8 CE.

161 AEV, D 10, registre des ordinations 1855-1916.

162 Nicolas, Gilbert, L’école normale..., op. cit., p. 518-519.

163 Encreve, André, Protestants français..., op. cit., p. 987.

164 AESB, 1 J 7, lettre de l’évêque aux supérieurs des petits séminaires, 23 décembre 1853.

165 Idem.

Table des illustrations

Titre Premier poste des prêtres du diocèse de Saint-Brieuc
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Titre Séminaristes briochins placés dans des établissements d’enseignement avant leur ordination
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