Que m'arrive-t-il ?
| ,3e partie. Événements et écritures
L’événement monstrueux dans les récits de H. P. Lovecraft
Texte intégral
- 1 William Shakespeare, Macbeth, V, 5, cité par Clément Rosset, Le Réel et son double. Essai sur l’il (...)
- 2 Cette étude des récits de Lovecraft ne porte pas sur tous les récits de Lovecraft. Je ne m’occupe (...)
1L’homme, vous le savez, c’est cette créature sonore qui gesticule dans le vaste vide intersidéral. Vous le savez, car Macbeth le disait déjà à sa manière, il y a quelques siècles de cela : la vie, disait-il, « c’est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien1 ». Quant à moi, je dirai ici des choses simples. L’événement sera – à proprement parler – le cœur de mon propos. D’abord y plonger, puis suivre un des flux qu’il engendre2.
Le réel est abominable
- 3 Francis Lacassin, Lettres de H. P. Lovecraft, t. I, 1914-1926, Paris, Christian Bourgois, 1978.
- 4 Cité par Michel Houellebecq, dans son livre H. P Lovecraft. Contre le monde, contre la vie, Paris, (...)
2L’homme n’est rien. « Notre race humaine n’est qu’un accident trivial dans l’histoire de la création », écrit Howard Phillips Lovecraft le 8 août 19163.Toutes les passions, les activités, les préoccupations humaines sont la simple expression d’influx nerveux plus ou moins complexes. Quant à « l’amour réciproque d’un homme et d’une femme », c’est « une expérience de l’imagination qui consiste à attribuer à son objet une certaine relation particulière avec la vie esthético-émotionnelle de celui qui l’éprouve, et dépend de conditions particulières qui doivent être remplies par cet objet4 ». Lovecraft écrit cela à sa fiancée, Sonia Greene, en 1922.
3L’homme n’est rien, c’est-à-dire qu’il n’est rien dans la marche de l’univers. La Terre elle-même n’est qu’une oasis, miraculeuse peut-être, et vaine à coup sûr. Car :
- 5 Ibid.
Il ne faut point croire que l’homme soit le plus ancien ou le dernier maître de la Terre, ni que la masse commune de vie et de substance soit seule à fouler le sol. Les Anciens ont été, les Anciens sont encore, les Anciens seront toujours. Non point dans les espaces connus de nous, mais entre ces espaces. Primordiaux, sans dimension, puissants et sereins5.
- 6 Howard Phillips Lovecraft, Œuvres complètes, t. II, Paris, Robert Laffont, 1992, coll. « Bouquins (...)
4L’univers n’est pas vide. Entre les étoiles, derrière le bleu du ciel, il y a la présence abominable, répugnante, de créatures sans nom, sans forme et sans âge. Dans la nouvelle De l’au-delà6 (From Beyond, 1920), un certain Tillinghast – véritable « conducteur de secrets », comme on disait au Moyen Âge – invente une « machine électrique » capable de rendre visible l’ultraviolet. Mais ce que cette machine dévoile surtout, c’est « la vérité » – ce qui se cache derrière, ou plus exactement, ce qui forme « ce que les hommes appellent l’air pur et le ciel bleu ». Le narrateur en parle ainsi :
- 7 Ibid., p. 58.
Il y avait des monstruosités gélatineuses et noires, qui tremblotaient mollement selon les vibrations de la machine. Il y en avait à profusion, et je vis à ma grande horreur qu’elles se chevauchaient, qu’elles étaient à moitié fluides et capables de se traverser mutuellement, et aussi de traverser les corps que nous tenons pour solides7.
5L’homme n’est rien – parce qu’il vit dans la perpétuelle illusion que l’air est pur et que le ciel est bleu. L’homme n’est rien parce que ses sens et sa raison le rendent incapable d’appréhender, de manière directe, immédiate, le réel. L’homme n’est rien face à cette indifférence cosmique des monstruosités gélatineuses, qui sont là depuis toujours et survivront à l’extinction de l’espèce humaine et la destruction de la Terre.
6Le destin de l’homme est scellé depuis toujours. Ce destin, c’est sa destruction définitive par ces entités monstrueuses qu’avec notre pauvre vocabulaire terrien nous appelons « Anciens » ou « Grands Anciens ». Cette éradication, précise Lovecraft, aura lieu « quand les étoiles seront favorables ». Il n’y a pas grand-chose à espérer de la vie humaine. Il n’y a qu’à attendre patiemment que la mort vienne.
L’événement est le dévoilement du réel abominable
7C’est à ce moment précis que peut apparaître l’événement : dans cette tension entre un passé immémorial et inaccessible, et un futur incertain mais fatal. Il peut sembler paradoxal à première vue, qu’il y ait dans un tel étau ne serait-ce que la possibilité de l’événement. En effet, dans l’œuvre de Lovecraft, s’il s’est passé quelque chose, c’est dans un temps immémorial. Les Grands Anciens étaient sûrement là à la création de l’Univers. Peut-être même en sont-ils les artisans. Une chose est sûre, en tous cas : l’espèce humaine, nous apprend Lovecraft, n’est qu’un rejeton expérimental des Grands Anciens. Si, comme Dieu, les Grands Anciens ont fait l’homme à leur image, alors, définitivement, il n’est pas raisonnable d’espérer quoi que ce soit de la vie humaine.
8Pour le futur, c’est la même chose : la destruction de l’humanité est une certitude, mais son avènement est mystérieux. Que signifie en effet « quand les étoiles seront favorables » ? Et surtout, cette phrase impie, imprononçable (qu’on ne peut mais surtout qu’on ne doit pas prononcer) :
- 9 Sur ce point, voir Vladimir Jankélévitch, La Mort, Paris, Flammarion, 1975, coll. « Champs ».
9Que signifie-t-elle, alors même que la langue humaine peut cependant la traduire ? Que signifie, pour un esprit humain, « Dans sa demeure de R’lyeh, la morte Cthulhu rêve et attend » ? Dans la mise en rapport de ces deux morceaux de texte, on peut apercevoir le destin horrible de l’humanité. Ce temps de destruction, on l’aura compris, n’est plus historique, chronologique. Il est formulé, pourrait-on dire, de façon « mythique » : la référence aux étoiles (temps cyclique, non humain), le dépassement de la mort dans le rêve, sortent le temps de ses gonds historiques et humains. Ce temps, c’est peut-être dans cent ans, cent mille ans, ou bien à la fin de cette journée de ciel bleu. Une chose est sûre cependant – personne n’y échappera : Mors certa hora incerta9 – la mort certaine, en une heure incertaine.
10Où peut dès lors se loger l’événement – en tant qu’il est quelque chose qui se passe ? Qu’est-ce qui peut encore se passer dans un univers balisé si fort par une origine abjecte – au sens propre – et un destin terrifiant ? Rien. L’homme ne peut que gesticuler. Il peut toujours se convaincre qu’écrire un livre, ouvrir une porte, perdre un bras, faire une révolution, gagner une guerre, exterminer six millions de ses congénères ou détruire une ville d’Orient en quelques secondes est un événement. Mais le poids du réel – la présence répugnante des Grands Anciens derrière l’illusion du ciel bleu – rendra toujours ces faits insignifiants. Le rapport de forces est fondamentalement inégal, et rien ne saurait le réajuster, aucune atrocité, aucune autre découverte : l’homme n’est rien, parce qu’il ne pèse rien face au réel.
- 10 J’excepte Je suis d’ailleurs (The Outsider, 1921 ; Œuvres complètes, op. cit., t. II, p. 82-88 ; t (...)
11Il n’est pas étonnant alors de voir qu’aucune des « fictions d’épouvante » de Lovecraft ne fonctionne sur le principe de suspense10. Pas de suspense, parce que le lecteur sait déjà ce face à quoi les personnages de la fiction vont se retrouver : l’abominable, l’innommable, la monstruosité extraterrestre. Le lecteur sait déjà que ces personnages créés par Lovecraft – piètres figures sans consistance, et surtout sans psychologie – sont destinés à la folie et à la mort, à la fin du récit. Cela est d’autant plus systématique que la majorité des « récits d’épouvante » de Lovecraft sont l’irrésistible répétition d’une même matrice narrative. On pourrait résumer cette matrice ainsi : un individu de sexe masculin, érudit, poète, ou scientifique, est amené à découvrir la présence abominable d’horreurs sans nom derrière les apparences de la vie humaine ; suite à cette découverte, il sombre dans la folie ou dans la mort.
12Quoi qu’il en soit, mort et folie sont présentes dès le début du texte, ce qui ne laisse pas beaucoup d’espoir pour la suite. Le Monstre sur le seuil présente un incipit aussi maladroit que terrifiant :
- 11 Le Monstre sur le seuil (The Thing on the Doorstep, 1933), op. cit., t. I, p. 494 ; traduction : Ja (...)
Il est vrai que j’ai logé six balles dans la tête de mon meilleur ami, et pourtant j’espère montrer par le présent récit que je ne suis pas son meurtrier. D’abord, on dira que je suis fou11 […].
13De même, L’Affaire Charles Dexter Ward débute ainsi :
14« Résultat et prologue » se confondent au début du récit qui aura pour tâche de mener le lecteur jusqu’aux raisons qui ont contribué à la disparition de Charles Dexter Ward de l’asile. Tout est déjà joué, avant même que le récit ne commence réellement. Le personnage lovecraftien est piégé par la matrice narrative et attend qu’elle le broie. Quant au lecteur, il assiste au processus de dévoilement du réel dans lequel le personnage est pris. Et le point de contact, le moment où l’homme, ayant mis en rapport divers signes de l’abominable réel qui émergent parfois dans le monde humain, se retrouve face au réel, fasciné par la Gorgone, ce point de contact, je l’appelle événement. On pourrait objecter à cela qu’il y a des événements humains dans les deux récits que j’ai cités : la mort de l’ami du narrateur, la disparition de Charles Dexter Ward. Mais ces événements ne sont que des phénomènes de la dimension cosmique et abominable du réel. Cette mort violente, cette folie ne sont que des traces, des effets, de l’horreur cosmique.
15Ce qui est troublant dans ce processus de dévoilement de la présence abominable des Grands Anciens, c’est qu’il est rationnel. Ce processus de dévoilement, s’il est fait par des hommes sensibles aux sciences occultes, n’est pas pour autant un rituel mystique ou religieux. Bien plus, c’est précisément parce que ce processus de connaissance, de dévoilement du réel est logico-déductif qu’il crée un tel sentiment d’épouvante chez les personnages – et le lecteur.
- 13 Michel Houellebecq, op. cit., p. 39.
- 14 Ibid., p. 76.
16L’horreur que dévoile ce processus est, pourrait-on dire avec Michel Houellebecq, « objective ». « Aucun fantastique n’est moins psychologique, moins discutable13 » que celui de Lovecraft. Les personnages de ces récits ne sont pas fous, du moins au début du processus. Ce n’est pas comme dans Le Horla, par exemple, où la réalité du Horla n’est jamais certaine pour le lecteur : le texte de Maupassant dirige, sans l’y engager complètement, le lecteur vers la piste de la folie du narrateur. Les personnages lovecraftiens, quant à eux, sont de purs témoins de l’horreur, en ce qu’ils (s)ont exclusivement un « équipement sensoriel en bon état de marche14 ». Aucun de ces personnages n’a la possibilité de déformer, ni de mésinterprèter l’horreur. Une fois confrontés à l’horreur cosmique, les personnages ne peuvent plus se permettre le doute. La déformation – ce qui plie la droiture rationnelle – n’est pas une donnée a priori de la connaissance ; elle est, encore une fois, une conséquence du dévoilement du réel abominable.
17Mais surtout, si ce processus est rationnel, c’est que la rationalité ne permet aucune contestation, aucune échappatoire face à ce qui a été démontré. Pour Lovecraft :
- 15 H. P. Lovecraft, cité par Michel Houellebecq, op. cit., p. 18.
Tout rationalisme tend à minimiser la valeur et l’importance de la vie, et à diminuer la quantité totale de bonheur humain. Dans bien des cas, la vérité peut causer le suicide ou du moins déterminer une dépression presque suicidaire15.
18L’événement est alors le point d’achèvement de ce processus rationnel, l’instant où le processus de dévoilement du réel se condense suffisamment pour faire apparaître la réalité de l’horreur cosmique. Si l’on voulait prendre une image inoffensive pour décrire cet événement, on pourrait penser à ce jeu qui consiste à reconstruire une figure en reliant des points isolés par des traits de crayon. À un moment donné, la figure nous apparaît enfin, dans son évidente présence. Dans le récit lovecraftien, le réel apparaît aux personnages, et dans le même mouvement, apparaît également leur propre insignifiance cosmique. En suivant ce point de vue, on comprend mieux ce qui fait la véritable horreur du plus fameux élément de la section « Liste de certains éléments horrifiants fondamentaux utilement mis en œuvre dans le récit d’épouvante » du Livre de raison de Lovecraft :
19Ce qui est horrifiant, c’est que l’esprit humain puisse accomplir ce chemin jusqu’à l’horreur stellaire – et que rien ne l’en empêche.
L’événement monstrueux
20L’événement est monstrueux chez Lovecraft – c’est-à-dire qu’il est le point de contact entre l’horreur stellaire et la conscience humaine. L’événement résulte, de fait, d’une copulation monstrueuse. Dans toute l’œuvre de Lovecraft, la copulation, en ce qu’elle engendre, à partir de deux êtres, un troisième, est placée sous le signe du monstrueux. La copulation engendre des êtres difformes et répugnants, comme Wilbur Whateley, progéniture impie d’une paysanne idiote de Dunwich, et de Yog-Sototh lui-même :
- 17 L'Abomination de Dunwich (The Dunwich Horror, 1928), op. cit., t. I, p. 243-244 ; traduction : Jacq (...)
Au-dessus de la taille il était semi-anthropomorphe, bien que sa poitrine […] fut recouverte d’un cuir réticulé comme celui d’un crocodile ou d’un alligator. Le dos bigarré de jaune et de noir évoquait vaguement la peau squameuse de certains serpents. Au-dessous de la ceinture c’était bien pire ; car toute ressemblance humaine cessait, et commençait la totale fantasmagorie. Il était couvert d’une épaisse et rude fourrure noire, et de l’abdomen pendaient mollement vingt longs tentacules gris verdâtre munis de ventouses rouges. Ils étaient bizarrement disposés selon des symétries de quelque géométrie cosmique inconnue de la terre ou du système solaire17.
- 18 Quelques exceptions, mais sans conteste influencées par Lovecraft : l’œuvre du peintre Giger (créa (...)
21On comprend tout de suite, en lisant ce passage, ce qui fait la puissance de l’épouvante lovecraftienne : c’est qu’elle est capable de concevoir une horreur épistémologique. Ce n’est pas tant une horreur qui joue sur l’effet de surprise, ou le sanguinolent. Et même le répugnant, le visqueux, qui sont des éléments importants de cette poétique de l’horreur, ne sont pas ici des fins en soi. Ils ne sont que des traces d’une horreur encore plus abominable, une horreur capable de défier les principes mêmes de la raison, de la géométrie humaine. Chez Lovecraft, l’épouvante se loge jusque dans l’aride géométrie. Où, si ce n’est dans les récits de Lovecraft, peut-on trouver une architecture capable de provoquer l’effroi18 ? Dans L’Appel de Cthulhu, Gustaf Johansen, lieutenant de la goélette l’Emma, découvre en pleine mer la cité de R’lyeh. Le narrateur commente ainsi le carnet où sont consignées les descriptions que ce marin fit de ce qu’il vit :
- 19 Henry Anthony Wilcox est un jeune artiste hypersensible qui, à la suite de rêves étranges, conçut (...)
- 20 L'Appel de Cthulhu, op. cit., t. I, p. 84.
Ignorant tout du futurisme, Johansen atteint quelque chose qui y ressemble fort lorsqu’il parle de la cité. Au lieu de décrire, en effet, des structures ou des bâtiments précis, il se contente d’insister sur les impressions générales de vastes angles et de surfaces de pierre – surfaces trop grandes pour appartenir à rien qui convienne ou soit approprié à cette terre, en outre impies, car chargées d’horribles images sculptées et de hiéroglyphes. Je mentionne son évocation des angles, parce qu’elle me rappela une chose que Wilcox m’avait dite à propos de ses terribles rêves19. Il avait précisé que la géométrie du lieu de rêve qu’il avait aperçu était anormale, non-euclidienne, et qu’elle évoquait de façon abominable des sphères et des dimensions distinctes des nôtres. Et voilà qu’à présent un matelot illettré avait une réaction toute semblable au moment où il contemplait la terrible réalité20.
- 21 Ainsi le narrateur de Celui qui chuchotait dans les ténèbres nous prévient, dès l'incipit, qu’il n (...)
- 22 Sauf aux yeux des naïves utopies réalistes et auto-fictionnelles.
22L’architecture de R’lyeh n’est pas effroyable uniquement pour ses « horribles images sculptées » ; elle l’est surtout parce qu’elle témoigne de lois physiques radicalement non-humaines, auxquelles obéit cette construction. La raison humaine ne peut comprendre cette géométrie, ces angles ; du moins ne peut-elle comprendre que ces angles puissent exister dans la réalité. Le seul recours de l’esprit humain face à cet incompréhensible est celui de l’approximation – de l’approche : l’homme ne sera jamais tout à fait en contact avec l’abominable réel. Même si l’abominable réel apparaît au bout d’un processus de dévoilement, il n’est pas in fine pris tout entier dans la lumière de la conscience humaine. Ce qui est dévoilé du réel n’en est jamais qu’une ébauche, ce n’en sont jamais que les formes générales, ou bien au contraire les détails. Il y a toujours un flou, un creux, ou un intermédiaire entre l’homme et le réel21. Ainsi, les récits lovecraftiens recourent souvent à la comparaison (« un cuir réticulé comme celui d’un crocodile ou d’un alligator », etc.) ou bien aux verbes sembler et ressembler qui marquent clairement ce décalage entre l’homme et le réel. L’évocation du futurisme par le narrateur de L’Appel de Cthulhu a cette même fonction ambiguë de représentation du réel – car représenter le réel (qu’il soit abominable ou non), c’est s’en rapprocher sans pour autant coïncider avec lui22. Pour autant, cette non-transparence du réel n’empêche évidemment pas l’homme d’avoir pris conscience du réel : ce n’est pas parce que je ne connais pas la totalité du réel que je n’en connais rien.
23L’advenir de l’événement monstrueux n’est pas brutal (même s’il est, pour les personnages du moins, inattendu, imprévisible, inconcevable) ; il se fait degré par degré, pas à pas. L’événement monstrueux est toujours, dans les récits de Lovecraft, le pas de trop de l’homme vers le réel, le pas qui n’aurait jamais dû être fait. Dans ce pas de trop vers l’horreur, on peut saisir un autre lieu de la monstruosité chez Lovecraft : la copulation monstrueuse, c’est la syntaxe de l’horreur – c’est la mise en rapport d’éléments épars qui auraient dû rester isolés, mais que la raison humaine, par quelque inattention (à moins que ce ne soit par quelque vice), réunit. Ainsi, dans ce passage fameux de L’Appel de Cthulhu, typique de la mécanique lovecraftienne :
- 23 Ibid., p. 66-67.
Les coupures de presse, comme je l’ai laissé entendre, faisaient allusion à certains cas de panique, de manie ou d’excentricité constatés au cours de la même période. […] Ici, c’était un suicide qui s’était produit la nuit à Londres, parce qu’un dormeur solitaire avait sauté par la fenêtre en poussant un cri terrifiant. Là, dans la lettre incohérente adressée au directeur d’un journal d’Amérique latine, un fanatique déduisait des visions qu’il avait eues que l’avenir serait atroce. Une dépêche de Californie décrivait une colonie de théosophes qui revêtaient en masse des robes blanches, dans l’attente de quelque « accomplissement » glorieux qui ne se réalisa jamais, tandis que des entrefilets venus des Indes évoquaient à mots couverts de sérieux troubles indigènes qui s’étaient produits vers la fin du mois de mars. […] Si nombreux étaient les troubles enregistrés dans les asiles de fous que seul un miracle pouvait avoir empêché la confrérie médicale d’établir de curieux parallèles et de tirer des conclusions embarrassantes23.
24« Un miracle » – ce dévoilement du réel, cet événement, n’est pas sans danger pour l’homme et la communauté. C’est qu’il s’agit d’une connaissance interdite, occulte au sens propre, et inaccessible à la plupart des hommes. L’événement est le privilège – maudit – d’une aristocratie.
L’événement monstrueux est un viol de la quiétude humaine
25Maudit ? – Examinons les effets de l’événement. Car si l’événement n’apparaît pas pour l’instant comme une rupture dans un ordre établi, c’est que je n’ai évoqué jusque-là que le processus qui le fait advenir. C’est dans ses effets que l’événement monstrueux est rupture – et rupture radicale. D’abord, l’événement est le moment où le réel pèse le plus lourd sur l’homme et sur l’écriture :
- 24 Cité par Michel Houellebecq, op. cit., p. 138.
Leur voix crie dans le vent, la conscience de leur présence fait murmurer la terre. Ils courbent la forêt, écrasent la cité ; et pourtant, ni la forêt ni la cité n’aperçoivent la main qui frappe24.
26Dans l’écriture même, dans la typographie même, le réel pèse le plus lourd au moment de l’événement : Lovecraft, dans divers degrés de dévoilement du réel, recourt à l’italique. Ainsi, la dernière phrase de L’Abomination de Dunwich qui correspond donc à l’instant où la conscience du réel est la plus aiguë :
27L’écriture elle-même ne peut supporter le poids du réel, elle est obligée de s’y plier. Il y aurait beaucoup à dire encore sur la déformation et la destruction de la langue par l’horreur cosmique dans les récits de Lovecraft. Je n’en donnerai ici qu’un exemple, celui d’un extrait du journal de Wilbur Watheley, « un enfant de trois ans et demi qui semblait un gamin de douze ou treize ans » :
- 26 L’Abomination de Dunwich, op. cit., p. 252.
Aujourd’hui appris l’Aklo pour le Sabaoth, qui me plaît pas vu qu’on peut lui répondre de la colline mais pas d’en l’air. La chose en haut est plus en avance sur moi que j’aurais cru, et elle a pas l’air d’avoir beaucoup de cervelle de ce monde. […] Ceux du dehors aideront, mais y faut du sang humain pour qu’y prennent un corps. La chose en haut a l’air d’être tout à fait ce qu’y faut. […] Savoir comment j’serai si la terre est nettoyée et qu’y a pus de créatures dessus. Çui qu’est venu avec l’Aklo Sabaoth a dit que je peux être transfiguré, si y a beaucoup du dehors qui aide26.
28On ne saurait réduire ce balbutiement de la langue au cocasse apprentissage de l’écriture par un gamin de trois ans. Il faut plutôt frémir à l’idée que l’horreur stellaire parvient ici à se frayer un passage vers la conscience humaine grâce à l’écriture. L’écriture est alors, à proprement parler, monstrueuse et impure. Au moment de l’événement, lorsque l’esprit humain dévoile l’horreur stellaire, le poids du réel est tel que l’esprit ploie sous lui. Il est aisé de connaître le vainqueur de cette lutte : l’esprit humain est le premier à lâcher.
29Et ce qui lâche en premier lieu, c’est la certitude que le temps de l’Univers est chronologique, et que par conséquent l’homme peut en toute tranquillité construire l’Histoire. Or, j’ai déjà évoqué ce fait, l’événement monstrueux fait émerger deux temps – l’un, le passé immémorial et inaccessible ; l’autre, le futur incertain mais fatal. Ces deux temps, à proprement parler, écartèlent le présent du dévoilement. Le temps présent de l’événement – temps historique, puisque pris dans un processus rationnel – se voit obligé, par cela même qu’il vient de dévoiler, de fusionner avec un temps mythique, anhistorique. Au moment de l’événement, avec l’événement, le temps du monde se révèle comme temps mythique. Les gesticulations historicisées de l’homme ne sont plus alors, on l’aura compris, que d’insignifiants phénomènes, d’accidents sans intérêt dans ce temps qui lui échappe. L’événement est donc ce qui est advenu par le temps historique, mais qui détruit, par son avènement même, ce temps historique. Au moment où il advient, l’événement monstrueux sonne la fin de l’Histoire. À la toute fin de Dans l’abîme du temps, le narrateur fait l’expérience horrifiante de ce bouleversement du temps :
- 27 Dans l'abîme du temps (The Shadow out of Time, 1935), op. cit., t. I, p. 573 ; traduction : Jacques (...)
Aucun œil n’avait vu, aucune main n’avait touché ce livre depuis la venue de l’homme sur cette planète. Pourtant, lorsque je braquai ma torche sur lui dans ce terrifiant abîme, je vis que les caractères bizarrement colorés sur les pages de cellulose cassante et brunie par les âges n’étaient pas du tout de ces hiéroglyphes obscurs datant de la jeunesse de la terre. Non, c’étaient les lettres de notre alphabet familier, composant des mots anglais écrits de ma main27.
30Se dévoile ainsi au narrateur un temps, défiant toute logique rationnelle, où lui-même est et a été. Bien plus, ce temps n’est pas explicité : le narrateur et avec lui le lecteur se retrouvent face à cet insupportable paradoxe temporel, et ne sont pas rassurés, stabilisés, par une autre forme de temps – un temps cyclique, ou un temps divin, etc. : un temps qu’on identifierait, à coup sûr et avec soulagement, comme mythique. Ici, ce dévoilement de la nature véritable du temps n’est pas dialectique, il ne mène pas à une nouvelle connaissance du temps, une nouvelle théorie du temps (comme ce fut le cas pour la théorie de la relativité, par exemple). Il n’en résulte qu’une aporie à laquelle se heurte violemment la raison humaine.
31De la même manière, l’événement fait émerger un réel qui n’a plus rien à voir avec la rationalité humaine. La rationalité qui engendra l’événement périt au moment précis où elle dévoile ce qu’avec Clément Rosset j’appellerai le caractère tragique du réel :
- 28 Clément Rosset, Le Monde et ses remèdes, Paris, Les Belles Lettres, 2000. Je souligne.
[…] si loin que l’on remonte dans la série des causes tant dans le domaine psychique que physique, il vient toujours un terme où l’on se heurte à un irréductible, une existence déjà-là et déjà-présente, antérieure à toute spéculation – une donnée première qui certes ne contredit pas la raison, mais qui lui est incommensurablement étrangère. Aussi prenons-nous la liberté de la donner comme « inexplicable » et « irrationnelle » encore que, répétons-le, elle ne porte nulle atteinte à l’intégrité de la raison humaine lorsque celle-ci s’exerce dans le domaine qui lui revient28.
32Il y a quelque chose dans cette dernière phrase qui fait frémir le lecteur habitué de l’œuvre de Lovecraft… Car ici se trouve confirmée l’idée que ce dévoilement du réel par l’esprit humain n’aurait pas dû être fait. En effet, la rationalité des personnages n’est pas, au moment de l’événement, simplement mise de côté, elle n’est pas écartée avec pudeur et ménagement : elle est purement et irrémédiablement détruite par ce qu’elle vient de dévoiler. L’événement n’est pas le moment d’une épreuve ou d’un obstacle pour l’esprit rationnel ; il n’est pas une résistance aux capacités humaines de compréhension du monde, qui disparaîtrait devant l’évidente supériorité de l’esprit sur la matière. Le réel n’est pas – pour prendre une image – un mur qui se dresse face à l’homme, mais que l’esprit de celui-ci parvient finalement à abattre, méthodiquement, brique par brique, par l’outil logico-déductif. Si le réel est un mur, alors c’est assurément un mur qui tombe des étoiles à toute allure, et écrase impitoyablement l’homme qui, stupide, le regarde tomber. Pour cette raison, la folie est le sort commun des personnages de Lovecraft. Non comme condition de la connaissance (la folie serait alors un filtre qui permettrait de voir ce que les gens « sains » ne voient pas), mais comme résultat de cette connaissance interdite. Chez Lovecraft, l’alternative est claire : face à l’événement, soit on meurt, ou bien l’on devient fou.
- 29 Cette idée de viol s’exprime très clairement dans l’une des « continuations » de Lovecraft par Rob (...)
33L’événement est ce point de contact de l’horreur stellaire et de la conscience humaine qui, en faisant exploser le temps historique et la rationalité, empêche l’homme de penser le réel qu’il vient de dévoiler. L’événement est un viol de la quiétude humaine29. On comprendra alors les nombreuses situations de stupeur et de fascination qui frappent les personnages lovecraftiens face à l’événement :
- 30 Lovecraft, Dagon (Dagon, 1917), op. cit., t. I, p. 22 ; d’après la traduction de Paule Pérez.
Saisi de crainte devant ce spectacle d’un passé si reculé que le plus audacieux des anthropologues n’en pourra jamais concevoir de plus lointain, je demeurai dans cette contemplation, tandis que la lune jetait des reflets bizarres sur le chenal qui s’étalait devant moi30.
34Voilà un événement dont on ne saurait faire quelque chose, dont on ne saurait tirer profit. L’événement monstrueux est insaisissable, irrécupérable (d’un point de vue moral, philosophique, idéologique, politique, etc.). Aucune action humaine n’est possible face à ce réel dévoilé. L’événement monstrueux n’est jamais l’occasion pour l’homme de mieux se connaître, de mieux connaître le monde, d’aller vers le profit, le développement, le progrès ou le bonheur. L’événement ne fonde rien.
- 31 L’expression est de Clément Rosset, dans Le Réel et son double, p. 8.
35Face à l’événement monstrueux, il n’y a que des solutions de repli. Folie et mort sont sans doute les plus efficaces de ces solutions de « refus du réel31 ». Les asiles d’aliénés sont un séjour convenu pour les personnages lovecraftiens, et les cadavres (suicidés ou déchiquetés par des bouches, des griffes, des tentacules) sont monnaie courante. Mais il existe des solutions plus originales, et non moins effrayantes. Voici ce qui arrive aux trois personnages principaux de L’Abomination de Dunwich, lorsqu’ils découvrent le cadavre tératologique de Wilbur Watheley :
- 32 op. cit., p. 243. Je souligne.
Pendant une seconde, personne n’osa donner la lumière, puis Armitage rassembla son courage et tourna le commutateur. L’un des trois – on ne sait lequel – poussa un cri perçant devant ce qui s’étalait entre les tables en désordre et les chaises renversées. Le professeur Rice déclare qu’il a perdu connaissance un instant, sans pourtant trébucher ni tomber32.
36Dans cette perte de connaissance qui sonne comme une défense instinctive de l’espèce humaine, et qui laisse l’homme debout, face à l’événement, on peut voir l’une des plus belles occultations du réel, l’une des plus belles et des plus terrifiantes protections contre la Gorgone.
Conclusion
37Que faire face à l’événement ? Puisque l’événement monstrueux ne peut être l’occasion de fonder quoi que ce soit, de rendre, pour parler grossièrement, à l’homme la vie meilleure, que reste-t-il à faire ? Les récits de Lovecraft sont une réponse littéraire à cette question. Ils répètent inlassablement, sous des dehors différents, la seule chose qui vaille alors la peine d’être racontée – l’advenir de l’événement monstrueux. Quatre articulations de cela :
- La littérature de Lovecraft est d’abord une littérature rituelle – une littérature de matrice, de répétition. Lovecraft ne cherche aucunement l’originalité. Il sait bien que c’est la répétition d’une mécanique implacable qui produira le plus d’angoisse. La littérature de Lovecraft est la construction d’une « chaîne hideuse33 » de dévoilement du réel.
- C’est ensuite – et pour cela – une littérature incantatoire. Une littérature qui, peut-être, invoque les Grands Anciens, mais surtout une littérature qui appelle sa continuation et sa lecture. Si l’œuvre de Lovecraft a été autant continuée (par des écrivains malheureusement tous moins doués les uns que les autres), c’est qu’elle le demandait, structurellement.
- C’est encore une littérature d’invasion – invasion, par le réel, de la quiétude humaine. Mais c’est surtout une littérature qui s’oppose, malgré les apparences qu’on veut lui donner, à une littérature d’évasion, de diversion, de divertissement. Car c’est l’un des rares cas de la littérature occidentale (du moins ce que j’en connais) qui tente une entrée aussi radicale dans le non-humain34.
- C’est enfin – et pour cette raison même – une littérature pornographique, qui montre ce que la conscience et l’œil ne peuvent pas (ne doivent pas ?) voir : le réel insaisissable35.
Notes
1 William Shakespeare, Macbeth, V, 5, cité par Clément Rosset, Le Réel et son double. Essai sur l’illusion, Paris, Gallimard, 1984, coll. « Folio Essais », p. 51.
2 Cette étude des récits de Lovecraft ne porte pas sur tous les récits de Lovecraft. Je ne m’occupe ici que de quelques-uns de ses récits « d’épouvante » (si on peut les nommer ainsi), et non pas des récits que la critique lovecraftienne appelle « dunsaniens » (À la recherche de Kadath l’inconnue, etc.). Je n’évoque pas non plus tous les débats autour de la classification générique de ces récits (« Mythe de Cthulhu », « Mythe de Lovecraft », etc.). Des lovecraftiens scrupuleux trouveront sans doute à redire sur la précision de mes références à la mythologie lovecraftienne. Qu’ils veuillent bien me pardonner ces approximations, et comprendre que mon propos tente de se situer ailleurs.
3 Francis Lacassin, Lettres de H. P. Lovecraft, t. I, 1914-1926, Paris, Christian Bourgois, 1978.
4 Cité par Michel Houellebecq, dans son livre H. P Lovecraft. Contre le monde, contre la vie, Paris, J’ai Lu, 1999.
5 Ibid.
6 Howard Phillips Lovecraft, Œuvres complètes, t. II, Paris, Robert Laffont, 1992, coll. « Bouquins », p. 54-59 ; d’après la traduction de Paule Pérez.
7 Ibid., p. 58.
8 Lovecraft, L’Appel de Cthulhu (The Call of Cthulhu, 1926), Œuvres complètes, op. cit., t. I, 1991, p. 70 ; traduction : Claude Gilbert.
9 Sur ce point, voir Vladimir Jankélévitch, La Mort, Paris, Flammarion, 1975, coll. « Champs ».
10 J’excepte Je suis d’ailleurs (The Outsider, 1921 ; Œuvres complètes, op. cit., t. II, p. 82-88 ; traduction : Yves Rivière), où la chute fonctionne véritablement sur le suspense : ce n’est qu’à la dernière ligne (ou, s’il a un peu d’intuition, au dernier paragraphe) que le lecteur peut s’apercevoir que le narrateur est monstrueux. Cependant, cet effet de suspense se retrouve fortement amoindri si ce lecteur est, je dirais, « lovecraftien » – s’il est habitué aux récits de Lovecraft. Il ne s’agit pas qu’il ait déjà eu connaissance de Je suis d’ailleurs, mais plutôt que lui soit connue la matrice narrative des récits de Lovecraft.
11 Le Monstre sur le seuil (The Thing on the Doorstep, 1933), op. cit., t. I, p. 494 ; traduction : Jacques Papy et Simone Lamblin.
12 L’Affaire Charles Dexter Ward (The Case of Charles Dexter Ward), op. cit., p. 122 ; traduction : Jacques Papy et Simone Lamblin.
13 Michel Houellebecq, op. cit., p. 39.
14 Ibid., p. 76.
15 H. P. Lovecraft, cité par Michel Houellebecq, op. cit., p. 18.
16 Le Livre de raison (The Notes and Commonplace Book, rédigé de 1919 à 1935), op. cit., t. I, p. 1054 ; traduction : Jean-Paul Mourlon.
17 L'Abomination de Dunwich (The Dunwich Horror, 1928), op. cit., t. I, p. 243-244 ; traduction : Jacques Papy et Simone Lamblin. La description se poursuit sur une vingtaine de lignes supplémentaires.
18 Quelques exceptions, mais sans conteste influencées par Lovecraft : l’œuvre du peintre Giger (créateur du fameux monstre d'Alien et d’architectures à la fois minérales et animales), et l’adaptation du The Shining de Stephen King par Stanley Kubrick : l’hôtel et le labyrinthe végétal illustrent parfaitement cette idée d’architecture effroyable. Dans un genre moins horrifiant, mais tout aussi dérangeant, d’un point de vue géométrique, il y a bien sûr M. C. Escher : « Montée et descente » (1960), « Cascade » (1961), etc.
19 Henry Anthony Wilcox est un jeune artiste hypersensible qui, à la suite de rêves étranges, conçut un bas-relief en argile représentant Cthulhu et R’lyeh.
20 L'Appel de Cthulhu, op. cit., t. I, p. 84.
21 Ainsi le narrateur de Celui qui chuchotait dans les ténèbres nous prévient, dès l'incipit, qu’il ne « vi[t] à la fin aucune horreur se commettre sous [s]es yeux », mais à la fin il perçoit une « odeur morbide », un « hideux bourdonnement réprimé » (The Whisperer in Darkness, 1930, op. cit., t. I, p. 264 et 316 ; traduction : Jacques Papy et Simone Lamblin).
22 Sauf aux yeux des naïves utopies réalistes et auto-fictionnelles.
23 Ibid., p. 66-67.
24 Cité par Michel Houellebecq, op. cit., p. 138.
25 Op. cit., p. 263. Le texte se termine en fait sur une affirmation précautionneuse du Pr. Armitage : un érudit, dont la parole ne peut être mise en doute.
26 L’Abomination de Dunwich, op. cit., p. 252.
27 Dans l'abîme du temps (The Shadow out of Time, 1935), op. cit., t. I, p. 573 ; traduction : Jacques Papy et Simone Lamblin.
28 Clément Rosset, Le Monde et ses remèdes, Paris, Les Belles Lettres, 2000. Je souligne.
29 Cette idée de viol s’exprime très clairement dans l’une des « continuations » de Lovecraft par Robert Bloch, ami et disciple de Lovecraft. Le narrateur trouve dans une boutique obscure le livre maudit De vermiis mysteriis, « fermement coincé entre deux éditions centenaires de Shakespeare » (Le Visiteur venu des étoiles, 1935, Lovecraft, op. cit., t. I, p. 735 ; traduction : Claude Boland-Maskens).
30 Lovecraft, Dagon (Dagon, 1917), op. cit., t. I, p. 22 ; d’après la traduction de Paule Pérez.
31 L’expression est de Clément Rosset, dans Le Réel et son double, p. 8.
32 op. cit., p. 243. Je souligne.
33 L'Appel de Cthulhu, op. cit., t. I, p. 61.
34 On pourrait lui ajouter les noms de Sade et de Kafka.
35 Denis Mellier donne une très belle définition de la pornographie dans son article « Le rhéteur et le pornographe », Gilles Menegaldo (dir.), H. P. Lovecraft. Fantastique, mythe et modernité, Devry, 2002, p. 137-138 : « Une question scientifique motive alors l’observation [dans la série équestre de Muybridge en 1878, l’une des premières expériences de cinéma] : dans la course du cheval, “y a-t-il jamais un moment où aucun des quatre fers ne touche le sol ?” Cela, l’œil ne peut le voir. Le réel insaisissable le déborde. Désormais, les machines permettent de saisir tous les instants de la course du cheval et donc de répondre à cette question. » Les récits de Lovecraft, en tant que machines textuelles, assurent la même fonction. Sur Lovecraft et la pornographie voir également Hubert Carton, Pour une poétique de la pornographie suivi de Trois courts essais sur la pornographie (à paraître).
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