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Valoriser ses acquis militants dans le cadre d’une reconversion professionnelle
Le cas de syndicalistes cégétistes en reprise d’études à l’université (1996-2010)
p. 85-106
Texte intégral
1Avec Marcel David, on pourrait avancer que l’entrée de syndicalistes à l’université a longtemps été une ambition « impossible1 » à réaliser. Bien trop de choses semblaient séparer les acteurs du mouvement social de ceux des milieux académiques. La « culture prolétarienne2 » opposée aux savoirs bourgeois, les écoles du Peuple contre celles des élites, les prises de position contre les connaissances savantes. Autant d’antagonismes constitutifs d’une opposition historique entre les deux groupes. L’obstacle semble particulièrement insurmontable en ce qui concerne l’intégration des responsables de « la CGT [Confédération générale du travail] communiste » puisque, jusque dans les années 1960, leur inscription dans l’enseignement supérieur est perçue comme « l’introduction du loup dans la bergerie3 ». Cependant, à partir des années 1960, ces suspicions réciproques se recomposent sous l’impulsion de la fondation des Instituts du travail (1955), de l’instauration du congé d’éducation d’ouvrière (lois de 1957 et 1959) ou encore de l’apparition de voies d’accès dérogatoires à l’enseignement supérieur (1969). Progressivement, les zones de contact entre syndicalistes et universitaires se multiplient et s’institutionnalisent.
2Les années 1980 marquent un nouveau tournant. Depuis cette date, les dispositifs permettant la reconnaissance des acquis des élus syndicaux ne cessent de se développer au sein de l’enseignement supérieur français4. S’il existe aujourd’hui des cursus de formation dédiés aux syndicalistes5, le phénomène s’est longtemps appuyé sur la Validation des acquis professionnels et personnels (VAPP), apparue en 1985, et la Validation des acquis de l’expérience (VAE), créée en 2002. Depuis lors, nombre d’élus syndicaux ont entrepris une formation universitaire par le biais de la validation des acquis, notamment dans la perspective d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur qui puisse servir un projet de reconversion professionnelle. Cette contribution revient précisément sur l’expérience vécue par une partie d’entre eux. Plus précisément, il s’intéresse à des militants de la Confédération générale du travail (CGT) entrés en licence de droit à la faculté Jean Monnet de l’université d’Orsay au cours de la période 1996-2010.
3Si les syndicalistes sont aujourd’hui un public régulier de la formation continue, les interrogations de Marcel David quant à leurs rapports avec le monde universitaire n’en demeurent pas moins pertinentes. C’est la raison pour laquelle, à partir de sources diverses (encadré 1), cette contribution appréhende les conditions de leur reprise d’études afin de montrer combien la conversion de leur « capital militant6 » en ressource universitaire est tributaire d’un processus collectif où s’entremêle l’action de divers acteurs.
4Les reconversions professionnelles sont souvent appréhendées à l’aune des trajectoires individuelles de ceux qui les entreprennent. Nombre de travaux sociologiques interrogent les motifs7, les compétences, les motivations ou encore les projets8 qui président au parcours des reconvertis. Cette focale est essentielle en ce qu’elle permet de saisir la reconversion comme un processus aux ressorts biographiques multiples. Toutefois, elle ne peut être isolée du contexte dans lequel se déroule la mobilité professionnelle, contexte qui détermine le rythme, le coût et l’ampleur du déplacement social. Afin de ne pas dissocier ces deux dimensions, nous avons opté pour une approche configurationnelle de la reconversion9 attentive aux institutions (l’organisation syndicale, l’université, etc.) et aux acteurs (les permanents confédéraux, les enseignants, les financeurs de la formation, etc.) qui encadrent la reprise d’études des syndicalistes. À rebours d’une perspective volontariste, uniquement centrée sur la démarche individuelle, celle-ci insiste sur le cadre collectif dans lequel se déroule le déplacement social afin d’identifier comment chaque groupe – stagiaire, accompagnateur confédéral, universitaire – s’y investit.
5Après avoir retracé la genèse de l’accès des syndicalistes à la licence de droit d’Orsay à partir du milieu des années 1990, cette contribution revient sur les profils sociaux des syndicalistes puis sur les conditions de leur entrée en formation.
Une formation continue au service des militants (et réciproquement)
Genèse d’un partenariat de formation
6Les syndicalistes entrés en licence de droit à l’université d’Orsay ont souvent été orientés vers la formation par les permanents confédéraux. Le choix d’une formation juridique n’est pas déterminé au hasard. Il correspond aux représentations que l’organisation se fait du travail syndical de ses membres. Jusqu’aux années 1980, ce sont les formations pluridisciplinaires en sciences sociales (type Administration économique et sociale, AES), correspondant à l’image d’un syndicalisme « touche à tout », qui ont la préférence de la centrale10. Or, à partir du début de la décennie 1990, les syndicalistes s’affirment de plus en plus comme des professionnels du droit en mesure de faire reconnaître, par l’université, leurs qualités juridiques11. En ce sens, l’inscription des militants dans des formations en droit est perçue comme un moyen de prolonger la spécialisation, voire la professionnalisation, connue dans l’engagement syndical.
7Au sein de l’université d’Orsay, les syndicalistes suivent une licence proposée au titre de la formation continue, c’est-à-dire uniquement ouverte aux adultes en reprise d’études. Fondé en 1996, ce cursus a été créé par Baptiste Chambérieux arrivé à la tête du service de la formation continue en 1976. Né en 1939 à Paris, fils d’un comptable, docteur en histoire du droit, ce professeur connaît un parcours universitaire atypique qui le conduit à enseigner plusieurs années en Algérie avant de réintégrer la métropole au milieu des années 1970. À son retour, bien que sollicité pour prendre la tête du département de droit de l’université d’Orsay, il se voit finalement contraint d’accepter la direction du service de la formation continue. Cette affectation, bien moins noble dans la hiérarchie des prestiges universitaires, est vécue comme un véritable déclassement par l’intéressé. Toutefois, les années 1980 puis 1990 laissent à Baptiste Chambérieux l’occasion de rehausser sa position au sein de l’établissement. Porté par l’accroissement du recours à la formation continue, dont le financement est dopé par les lois de 1984 et 199112 et le nombre de stagiaires multiplié par 2,5 en vingt ans13, le service génère beaucoup de recettes. Il constitue rapidement une source de financement non négligeable pour l’Unité de formation et de recherche (UFR) de droit. À la tête de moyens importants, Baptiste Chambérieux réussit à imposer son service comme une composante essentielle de l’université. Aux dires de ses collègues, il excelle d’ailleurs dans un rôle de représentant de la formation continue puisqu’il parvient à nouer des relations avec de nombreux financeurs, publics comme privés, mais aussi avec les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) chargés de gérer les fonds de la formation professionnelle continue. Au début des années 1990, il est contacté par un cadre de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), ancien directeur de l’emploi de la région Île-de-France, côtoyé quelques années auparavant. Celui-ci cherche à créer une formation de reconversion professionnelle dédiée aux conseillers prud’hommes et imagine nouer un accord avec l’université d’Orsay. Le projet est rapidement entériné. Dès 1996, sur la base d’une « interprétation très libérale » de la loi de 198514, les syndicalistes de la CFTC accèdent à une troisième année de licence en droit qu’ils doivent valider en un an.
8Toutefois, dès la seconde promotion, le nombre de candidats issus du vivier de la CFTC ne suffit plus à maintenir les effectifs de la formation. Ce contretemps est dommageable pour l’université dans la mesure où il menace la survie d’un dispositif pédagogique nouvellement créé. Financé à hauteur du nombre de ses stagiaires, le service de la formation continue ne peut se permettre de dispenser des cours comprenant trop peu de participants. Baptiste Chambérieux propose alors d’ouvrir la filière aux militants des autres confédérations syndicales. C’est à ce moment-là qu’il entre en contact avec Lucien Millaud, directeur du Centre confédéral de formation professionnelle (CCFP)15, qui cherche de son côté à diversifier les voies de formation universitaire ouvertes aux cadres cégétistes. Dès 1998, des syndicalistes issus de la centrale intègrent la licence. À partir des années 2000, ils constituent la source de recrutement principale de la filière, ce qui conduit un représentant de la confédération CGT à siéger au conseil d’administration de l’UFR. Chargé d’accompagner les syndicalistes dans leurs démarches d’inscription puis tout au long de la formation, il constitue un intermédiaire apprécié des universitaires.
9On le voit, le partenariat entre la CGT et le service de la formation continue s’établit progressivement à la fin de la décennie 1990. Sa formalisation relève avant tout d’un échange de bons procédés, entre un syndicat intéressé à trouver une voie de reclassement nouvelle pour ses militants et une entité universitaire soucieuse de garantir les recettes constituées par la formation continue. L’accord entre les deux parties constitue ainsi « une aubaine » financière et pédagogique16.
Une filière d’enseignement peu noble mais confortable pour les enseignants
10Au sein de l’université française, bien qu’elle constitue une source conséquente de financement, la formation continue pâtit d’un manque de prestige aux yeux d’une partie des enseignants. Pour nombre d’entre eux, et spécifiquement dans les disciplines canoniques comme le droit, enseigner à des adultes en reprise d’études constitue une affectation au rabais synonyme d’une mise en péril de la carrière universitaire. Si certains professeurs défendent avec « conviction » l’importance de la formation des adultes, cet engouement est loin d’être unanime. Au sein de l’université d’Orsay, Gaëtane Nalot, maîtresse de conférences, ancienne directrice de la formation, fait figure d’exception. Née en 1962, fille d’un médecin « déclassé et complètement fauché17 », elle connaît une socialisation universitaire atypique pour une enseignante du supérieur. Après l’obtention de son baccalauréat à sa seconde tentative, peu attirée par les études, elle devient travailleuse sociale dans une association de réinsertion par l’emploi. En parallèle et sur l’insistance de ses parents, elle s’inscrit en droit à l’université d’Orsay. Toutefois, elle ne fréquente celle-ci qu’en tant qu’étudiante salariée, c’est-à-dire à l’occasion des cours du soir réservés aux adultes en reprise d’études. Tout au long de son cursus, elle sympathise avec ses camarades « bien plus âgés » qui la sensibilisent à l’importance des dispositifs de rattrapage scolaire. Ce n’est que relativement tardivement, une fois passée la maîtrise, qu’elle renoue avec un parcours académique plus ordinaire. Devenue mère de famille, elle décide de changer de carrière professionnelle et tente sa chance à l’université. Après l’obtention d’une thèse d’histoire du droit « au-dessus de tout soupçon » à l’université Paris-Assas, elle intègre en tant que maîtresse de conférences le service de la formation continue de l’université d’Orsay. Ce choix de carrière constitue à ses yeux un moyen de perpétuer son attachement au principe d’ouverture de l’enseignement supérieur aux publics qui en sont généralement éloignés. Elle se souvient néanmoins des mises en garde formulées par ses collègues au moment d’accepter un poste en formation continue.
« Je trouvais particulièrement important que l’université s’ouvre à des publics différents et particulièrement à des publics de professionnels. Je l’ai donc fait par convictions. À un moment où, il faut le dire, ce n’était pas un choix de carrière. Jeune enseignante, choisir de travailler en formation continue, je me décrédibilisais aux yeux de mes confrères, voire de mes jurys pour l’agrégation. Dire qu’on faisait de la formation continue, cela voulait dire qu’on était mauvais. Mais je l’ai fait quand même parce que j’y croyais. Puis, je n’ai pas du tout été déçue » (entretien avec Gaëtane Nalot, 2017).
11L’apport de ces professeurs convaincus et motivés tranche avec les réticences formulées de la part d’autres enseignants. Une partie d’entre eux estime que les syndicalistes n’ont pas le niveau de connaissance nécessaire pour obtenir une licence en droit, voire qu’ils galvaudent la valeur du diplôme. À de multiples reprises, les membres de l’équipe pédagogique de Baptiste Chambérieux affrontent les remarques de leurs collègues qui ne cessent de souligner les lacunes, les déficits ou les manques des stagiaires. Lors de notre entretien, Gaëtane Nalot nous confie le travail de rééquilibrage qu’elle doit régulièrement opérer auprès de ses pairs afin de rappeler la valeur particulière des stagiaires adultes, notamment au regard des aptitudes des étudiants inscrits en formation initiale.
« Tous les profs n’ont pas la même façon de voir cette formation. Je relativise beaucoup les choses. Je ne considère pas que la licence en droit atteste de connaissances inouïes, surtout en comparaison avec nos étudiants de formation initiale. Qu’est-ce que c’est qu’un étudiant qui a une licence en droit ? Il écrit mal le français, il fait des fautes d’orthographe, etc. L’autre jour, j’ai entendu un jeune étudiant dire : “Le préfet c’est l’homme du roi sous la IIIe République” (rires). Je ne veux pas dire qu’il faut minimiser le diplôme mais je le place sur un ordre de compétences différentes […]. Cette année, on a une équipe de formation continue qui est redevenue très académique. Ils se plaignent tout le temps que les stagiaires n’ont pas le niveau, qu’ils ne savent pas si ou ça. On est dans la logique : “Ils sont cons, ils n’y arriveront pas” » (entretien avec Gaëtane Nalot, 2017).
12Toutefois, force est de reconnaître que même les professeurs les moins disposés à enseigner à des syndicalistes primo-arrivants à l’université trouvent quelques satisfactions à exercer au sein du cursus de formation continue. En effet, les conditions d’enseignement y sont très confortables : les cours sont dispensés dans des locaux particuliers, la promotion ne compte que des adultes dont le nombre ne dépasse guère une vingtaine de stagiaires, les créneaux horaires sont négociables, etc. Ainsi, la faiblesse des effectifs réduit fortement les charges administratives et le volume de copies à corriger. Elle offre également plus de flexibilité dans l’aménagement des emplois du temps. C’est donc essentiellement par confort professionnel, plus que par fidélité à l’esprit originel de la licence, que certains enseignants acceptent d’y effectuer leur service. Pour leurs collègues particulièrement investis, engagés par « vocation » dans la formation pour adulte, ces motivations signalent des « erreurs de casting » qui parasitent parfois les relations au sein de la formation.
« Certains n’aimaient pas trop ce public mais ils étaient bien contents d’être face à une dizaine d’adultes plutôt que face à un amphi de 400 étudiants. Certes, il faut revoir sa pédagogie mais on a beaucoup moins de travail. Pour cette raison, qui n’est pas glorieuse mais qui existe, c’est donc rare de voir des enseignants quitter cette formation. Ensuite, j’ai dû me battre pour le respect du choix du responsable pédagogique. Pour un public qui paie, je voulais recruter des enseignants conformes à l’objectif. Faire imposer cela a été très dur, à cause des heures de services parce qu’on était un peu la variable d’ajustement […]. Il y avait une enseignante qui ne voulait pas venir ici, elle se sentait punie, mais elle reste parce que c’est très confortable. Depuis qu’elle est revenue de congé maternité, elle voit tout l’intérêt des conditions de travail. Sur l’ensemble, il y a bien trois enseignants qui n’aiment pas cette formation et qui n’aiment pas ce public. J’ai fait des erreurs de casting en les recrutant à l’époque. Actuellement, l’esprit de départ a un peu disparu » (entretien avec Gaëtane Nalot, 2017).
13On le voit, la présence des adultes – et de surcroît des syndicalistes – en formation ne fait pas l’unanimité au sein des milieux universitaires. C’est d’autant plus vrai dans une discipline comme le droit où perdurent une forme de légitimisme et un sens hiérarchique souvent assumés. Les logiques de l’investissement professoral auprès de ce public sont pourtant multiples. Si une partie des enseignants est convaincue des qualités et des savoir-faire mobilisables par les militants, une autre demeure beaucoup plus sceptique, voire suspicieuse, à leur égard. Toutefois, parce qu’elle est porteuse de nombreux avantages financiers et logistiques, l’intégration des syndicalistes dans les dispositifs de formation continue apparaît comme une situation acceptée par une grande partie des universitaires. Elle l’est d’autant plus qu’avec le temps, les procédures d’admission en formation se sont précisées et qu’elles encadrent désormais strictement le recrutement de ces étudiants atypiques.
Parcours militant et validation des acquis
14Pour la majorité des syndicalistes de la CGT, l’accès à l’université constitue une opportunité d’entériner un parcours d’ascension sociale dont l’un des principaux moteurs demeure la promotion culturelle permise par l’activité syndicale18. À ce titre, il faut garder à l’esprit qu’avant d’être des militants, ces néoétudiants sont avant tout les produits d’une socialisation culturelle composite façonnée au cours de leur parcours scolaire et auprès des institutions de « rattrapage culturel19 » fréquentées tout au long de leur vie. C’est donc d’abord au regard de ces dispositions envers la culture légitime qu’il convient d’examiner leurs conditions d’entrée en formation. Nombreux à ne posséder ni les titres ni le capital culturel ordinairement réclamés aux étudiants de l’enseignement supérieur, ils perçoivent cette étape comme une épreuve coûteuse dans la mesure où elle leur réclame « la preuve » qu’ils se situent bien à la hauteur de leurs prétentions universitaires20. Or, face à cet impératif, tous ne sont pas égaux.
15Les matériaux à notre disposition ne permettent pas de délimiter une population statistique comprenant l’ensemble des stagiaires cégétistes de la licence en droit d’Orsay21. Seuls les dossiers de VAPP consultés et les entretiens réalisés avec d’anciens stagiaires permettent de cerner à grands traits leur profil. Trois caractéristiques apparaissent essentielles.
16D’abord, malgré un recrutement hétérogène, ils disposent d’un niveau de formation initiale marqué par la fréquentation de l’enseignement secondaire. Nés dans les années 1950-1960, ils bénéficient des politiques d’élargissement de l’accès au collège et au lycée mises en place au cours des décennies 1960-197022. En ce sens, ils ont régulièrement fréquenté l’enseignement secondaire et déclarent souvent posséder « le niveau baccalauréat » technique ou général. Pour ceux qui ont obtenu le titre, la scolarité s’est même parfois prolongée par un accès au premier cycle universitaire (brevet de technicien supérieur [BTS] ; diplôme d’études universitaires générales [Deug], etc.). Une grande partie d’entre eux a donc intériorisé les attentes du système scolaire et parvient – tant bien que mal – à les délimiter. Dès lors, si l’entrée à la faculté de droit constitue bel et bien une épreuve culturelle, celle-ci n’apparaît pas forcément indépassable eu égard à une trajectoire scolaire prolongée. Les lettres de motivation présentes dans les dossiers de VAPP révèlent que les pratiques culturelles mises en œuvre depuis leur sortie du système scolaire sont souvent ajustées à leur reprise d’études. Leur bonne volonté culturelle s’établit dans un rapport utilitariste aux connaissances puisqu’ils cherchent à dégager des outils techniques pour leur activité professionnelle ou syndicale. À ce titre, loin de se passionner pour des disciplines « nobles » telles que la philosophie ou l’histoire, ils privilégient des domaines de connaissance plus « experts » – et jugés plus « utiles » – comme le droit ou l’économie23. Ce déplacement des tropismes correspond à l’évolution de l’offre de formation syndicale. De moins en moins généraliste ou « politique », celle-ci propose désormais des contenus plus techniques et spécialisés (droit du travail, gestion financière, etc.)24.
17Ensuite, on compte une majorité de militants d’entreprise ou d’organisations confédérées qui disposent d’un détachement à temps partiel de leur poste de travail. Les conseillers prud’hommes sont surreprésentés, probablement en raison de la nature juridique de leur travail syndical et de l’histoire spécifique de la licence, originellement destinée à cette catégorie de syndicalistes. Aussi, la majorité de ces militants n’appartient pas aux élites syndicales de la centrale, comme cela peut être le cas dans d’autres cursus de reconversion25, mais davantage aux cadres de terrain de l’organisation.
18Enfin, dans l’immense majorité des cas, leur inscription à l’université est motivée par une volonté de mobilité professionnelle. Comme le révèlent leurs lettres de motivation, ils entreprennent généralement la licence de façon volontaire dans l’optique de perfectionner leurs savoir-faire juridiques afin de faire reconnaître professionnellement leurs acquis militants. Le recours à la filière universitaire ne constitue pas un choix par défaut (par exemple lié à un licenciement), au contraire il est souvent présenté comme une option mûrie de longue date et ardemment désirée. Évidemment, ce discours n’échappe pas à une forme stratégique de présentation de soi mais, dans bien des cas, l’entrée en formation est justifiée par la volonté de faire correspondre « un titre » à un « poste » (i. e. à une maîtrise des connaissances) qu’ils estiment déjà posséder en pratique26. Ainsi, ils sont nombreux à prétendre obtenir une licence de droit pour postuler à des emplois de juriste, d’avocat ou d’inspecteur du travail qui correspondraient à leurs savoir-faire militants.
La validation des acquis : une évaluation scolaire diffuse
19D’un point de vue juridique, l’accès à la licence en droit relève de la loi du 23 août 1985 relative à la Validation des acquis professionnels et personnels. En l’occurrence, l’admission s’adosse à la réalisation d’un dossier individuel évalué par un jury d’enseignants. Davantage qu’un examen strictement scolaire, l’entrée en formation implique de suivre une procédure individuelle au cours de laquelle les candidats doivent faire montre de compétences à la fois scolaires et administratives.
20Les dossiers individuels de validation des acquis sont des documents autobiographiques d’une quinzaine de pages, organisés en différentes rubriques. On y trouve des renseignements sur l’état civil de l’individu, son parcours de formation, les différentes étapes de sa vie professionnelle, sa trajectoire militante ou encore ses motivations à reprendre des études. Cet ensemble relève d’un « travail d’écriture de soi27 » à l’occasion duquel les informations fournies par le candidat sont mises en forme, hiérarchisées et classées afin d’être soumises à l’évaluation du jury universitaire28. L’enjeu du processus de sélection est double.
21Il consiste, d’une part, à démontrer la valeur des acquis personnels du postulant et leur adéquation avec les prérequis de la formation. Cette démarche nécessite d’opérer une forme de « conversion » discursive des savoir-faire praticiens afin de les ajuster aux attentes du jury d’admission. Une fois leur transférabilité établie, les universitaires attribuent une valeur académique aux différents acquis en octroyant à l’intéressé l’ensemble ou une partie des unités d’enseignement composant le diplôme29. D’autre part, le candidat doit parvenir à convaincre les membres du jury de la pertinence de son projet professionnel et de sa motivation à suivre la formation. La démarche d’inscription universitaire connaît des justifications multiples. Si elle relève majoritairement d’une volonté de changer de métier ou d’une aspiration à la promotion professionnelle, elle peut aussi inclure une volonté de perfectionner son activité syndicale ou se préparer à l’exercice de nouvelles fonctions militantes. Le dossier regroupe alors l’ensemble des pièces justificatives – administratives, scolaires, personnelles, etc. – permettant de défendre la demande de formation. Tout type de document est potentiellement mobilisable. Les conseillers prud’hommes fournissent fréquemment des procès-verbaux de jugement, certains attestent du suivi de formations syndicales (Prudis30, droits des salariés, etc.) ou de cours universitaires (capacité en droit, baccalauréat, diplôme d’université, etc.), d’autres évoquent les procédures contentieuses (fermeture d’entreprise, licenciement, etc.) ou personnelles (divorce, naturalisation, etc.) au cours desquelles ils ont pu acquérir des connaissances en droit. Le dossier de Fabienne Régis illustre la mise en valeur combinée de ces différents aspects. Elle y retrace sa trajectoire personnelle en soulignant les apports juridiques acquis au cours de ses vies professionnelle, militante et familiale.
22Née en 1952, Fabienne Régis quitte le système scolaire avec un niveau terminale G1 (« techniques administratives »). Pendant plusieurs années, mère au foyer, elle suspend son activité de secrétaire administrative pour élever ses deux enfants. Celle-ci ne reprend qu’en 1989 lorsqu’elle est embauchée comme secrétaire administrative dans un centre commercial. À partir de 1998, elle intègre les instances représentatives de son établissement. Elle est alors élue comme déléguée du personnel (DP), du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et du comité d’entreprise (CE). Néanmoins, la structuration de l’action syndicale participe à tendre le climat social dans l’entreprise. « Toutes les années qui ont suivies [sic] ont été des années conflictuelles », précise-t-elle. Très vite, elle devient l’une des principales victimes de cette dégradation des relations professionnelles. Les discriminations à son égard se multiplient, ce qui l’encourage à s’investir plus intensément dans ses mandats de représentation. L’accroissement de ses responsabilités militantes la confronte néanmoins à ses lacunes en matière juridique. En 2001, à l’occasion d’un accident du travail d’une de ses collègues, elle mesure l’étendue de son incompétence en la matière, au point de perdre la main sur le conflit en cours31. Elle connaît alors une importante crise personnelle que vient aggraver la survenue d’un divorce. Pendant près de deux années, les contrecoups psychologiques sont si importants qu’elle est contrainte de mettre en suspens son activité professionnelle. Ce n’est qu’en 2004 qu’elle revient à la vie salariée après avoir passé en candidate libre son baccalauréat de comptabilité. Elle réinvestit alors l’action militante. Devenue déléguée syndicale puis conseillère prud’hommes (2008), elle multiplie les formations juridiques auprès de l’institut Prudis. En 2012, toujours en conflit avec son employeur, elle exprime le souhait de s’inscrire en licence de droit à Orsay afin d’entreprendre une reconversion professionnelle comme « juriste en droit du travail » ou « inspectrice du travail ». Dans son dossier de validation des acquis, la syndicaliste revient sur l’ensemble de ses expériences passées, qu’elle mobilise pour démontrer son long apprentissage de la matière juridique. Passant en revue ses difficultés professionnelles, ses premiers mandats syndicaux, ses pratiques autodidactes ou encore sa procédure de divorce, elle finit par conclure que désormais elle ne « subit plus le droit » mais « le vi[t] activement » dans son action quotidienne au service des salariés. Cet exemple met en lumière le travail de réappropriation de son histoire personnelle qu’encourage le processus de VAPP, censé faire du passé une force agissante pour l’avenir32.
23On le voit, cette mise en valeur de l’histoire individuelle réclame de compiler des éléments de preuve afin qu’ils soient mis en équivalence avec les référentiels de compétences développés par les universitaires et prennent sens aux yeux du jury33. A priori éloignée d’une épreuve universitaire classique, cette procédure mobilise en réalité bien des dimensions de la culture scolaire écrite puisqu’elle est tributaire d’une aptitude à mettre en mots son expérience personnelle. Elle engage ainsi les savoir-faire scripturaux et discursifs de l’intéressé, eux-mêmes directement liés aux acquis de sa formation initiale ou professionnelle34. De même, la « retraduction35 » réclamée au candidat est aussi un travail cognitif qui implique une conversion du regard porté sur sa propre pratique. Pour les syndicalistes, les actions militantes, souvent réalisées collectivement, doivent être présentées de façon individualisée ; les savoir-faire quotidiens doivent correspondre aux registres « d’aptitudes » ou de « compétences » délimités par l’université ; l’engagement ne peut apparaître que dans ses dimensions les plus légitimes et en vertu de la professionnalité qu’il permet de développer, etc. Tous les militants ne sont pas égaux face à ces formes stratégiques de présentation de soi36. Ils maîtrisent plus ou moins bien les canons légitimes des discours autobiographiques. Qu’on pense, par exemple, au curriculum vitæ qui, selon les parcours professionnels ou l’origine sociale des candidats, s’avère être d’un usage plus ou moins courant. À ce titre, les impairs ne manquent pas comme ce militant qui classe l’activité syndicale dans la rubrique « loisirs » de son CV ou ce permanent qui multiplie les références à des « compétences » a priori bien peu lisibles (« des savoirs expérientiels », « des savoirs cognitifs liés à la connaissance », « de l’adaptabilité et de la capacité d’intégration socioprofessionnelles et socioculturelles », « la création et l’entretien de liens », etc.). Ces maladresses sont les marques d’un désajustement et révèlent leurs inégales dispositions à répondre aux attentes universitaires. Avec le dossier individuel, c’est donc autant un jugement d’ensemble sur les « pratiques » du candidat qui est porté, qu’une évaluation de ses compétences culturelles intériorisées.
Établir ses acquis et reconnaître ses lacunes
24Néanmoins, si la teneur scolaire du dossier est indéniable, l’évaluation diffuse dont il fait l’objet n’est pas sans effet sur l’acte de candidature des participants. Le coût culturel de l’admission apparaît, de prime abord, bien moins élevé que dans le cadre d’une épreuve d’entrée plus scolaire. La VAPP fournit une incitation à prétendre intégrer la communauté universitaire en tentant de sublimer théoriquement un savoir qu’ils possèdent déjà pratiquement. Cette tension entre un savoir pratique déjà acquis et une connaissance généraliste à développer est d’ailleurs au centre des lettres de motivation produites par les candidats. On la retrouve, par exemple, dans le courrier que Marc Palatier adresse au jury de VAPP en 2012. Né en 1960 à Paris, disposant d’un niveau bac A1 (« littéraire latin-grec »), responsable des achats dans l’aviation civile, il exerce divers mandats syndicaux dans son entreprise (DP, CHSCT, etc.) avant de devenir conseiller prud’hommes en 2009. Au sein de son établissement, il connaît plusieurs conflits avec son employeur qui le conduisent à concevoir un projet de reconversion pour devenir inspecteur du travail. En 2012, il cherche à s’inscrire en licence de droit à Orsay. Dans son dossier, il évoque l’étendue de ses pratiques juridiques et l’ensemble des formations suivies dans le domaine de la défense des salariés. Toutefois, il rappelle également la persistance de certaines lacunes en affirmant qu’il n’est pas encore « parvenu » au niveau des exigences universitaires.
« À titre personnel, j’ai engagé une procédure contre mon employeur et j’ai obtenu une décision de la formation plénière de la Cour de cassation, publiée au bulletin : arrêt no 1830 du 30 septembre 2010 […]. Je prends cette fonction prud’homme avec beaucoup d’implication, dans le respect des règles de droit opposables aux justiciables, dans l’impartialité et l’équité requise pour l’exercice de la fonction de juge […]. Malgré les nombreuses sessions de formation dispensées par Prudis et que j’ai suivies avec assiduité, je suis conscient de mes lacunes juridiques et de mon manque de niveau en droit, d’une manière générale […]. J’ai bien conscience que le droit ne se limite pas à ce genre d’anecdotes, mais qu’il couvre des domaines juridiques bien plus vastes que mes modestes connaissances et expériences. »
25Son propos cherche ainsi à définir un équilibre entre la mise en valeur de ses acquis personnels et un certain sens de la mesure dans l’auto-évaluation de ses compétences. On s’en doute, cette posture est valorisée par le jury d’admission dont les membres restent attachés aux manifestations d’humilité des candidats.
« Un parcours du combattant administratif »
26Par-delà la formalisation scolaire, le dossier de validation des acquis est un dispositif administratif éprouvant. À ce titre, les syndicalistes de notre corpus le comparent souvent « à un parcours du combattant » jalonné de multiples obstacles institutionnels. Segmenté en différentes étapes successives (préinscription, délibération du jury, dépôts des dossiers auprès de l’employeur et de l’Opca, regroupement des pièces justificatives, etc.), celui-ci apparaît difficile à entreprendre pour certains d’entre eux. Outre la durée des démarches, les postulants rencontrent fréquemment des difficultés techniques au moment de composer leur dossier. Salariés depuis de longues années, peu habitués aux méandres des administrations universitaires, ils se heurtent à un système bureaucratique qu’ils connaissent mal. Pour quelques-uns, cette situation est rendue encore plus difficile par l’informatisation des procédures de candidature qui nécessite une certaine maîtrise des outils numériques. Cette difficulté en redouble d’autres, déjà conséquentes. Ainsi, toutes les informations fournies par le candidat doivent être confirmées par des documents justificatifs. Or, bien des années après avoir terminé leur formation initiale ou avoir effectué leurs premières formations syndicales, beaucoup de requérants ne disposent plus des documents demandés. Une grande partie des échanges avec le service de la formation continue consiste d’ailleurs à renseigner les futurs candidats sur les démarches de préinscription mais aussi à veiller à ce que les dossiers parviennent complets aux membres du jury.
27Une fois la demande enregistrée, il est nécessaire de passer le cap du financement par l’organisme financeur de la formation professionnelle, chargé de prendre en charge les frais d’inscription du salarié (7 500 euros) et l’ensemble de ses revenus pendant neuf mois. Au regard du grand nombre de refus formulés par ces organismes, cette étape est de toute évidence la plus discriminante puisqu’une majorité de préinscriptions acceptées par le jury de validation sont finalement retoquées par l’institution de financement. Comme le confirme Gaëtane Nalot, pour disposer d’une vingtaine de stagiaires au moment de la rentrée universitaire, il est nécessaire d’accepter près d’une cinquantaine de dossiers au préalable. Cette difficulté de prise en charge s’explique par les orientations des Opca, assez défavorables aux formations de « reconversion » menées par les syndicalistes. En effet, ces organismes privilégient les demandes des salariés de petites entreprises, d’un niveau de certification inférieur au baccalauréat, inscrits dans un cursus directement lié à leur parcours professionnel et de courtes durées. Autant de critères qui laissent peu de chances aux syndicalistes souhaitant valoriser leurs acquis personnels et militants, a priori considérés comme extérieurs au domaine de la formation professionnelle et ayant peu en commun avec leur parcours professionnel d’origine.
28En creux, ces refus de financement soulignent le caractère incertain du recours à la validation des acquis puisque, à chaque étape du processus, le projet présenté peut être remis en cause. La démarche subit ainsi les affres des injonctions contradictoires formulées par les interlocuteurs institutionnels. Tantôt encouragé, tantôt décrié, perçu comme légitime ou illégitime, jugé courageux ou irréaliste, le projet de reconversion souffre régulièrement du manque de coordination entre l’ensemble des acteurs en présence37. Le cas de Patricia Mongerot est exemplaire de ce « parcours du combattant38 ». Née en 1966, ayant arrêté sa scolarité après un bac G1 (« techniques administratives »), elle exerce comme dessinatrice industrielle pendant plus de vingt ans après s’être formée « sur le tas » aux techniques du dessin assisté par ordinateur. À partir de la fin des années 1990, elle se syndique à la CGT, puis occupe plusieurs mandats dans son entreprise (CE, CHSCT, DP, etc.) et en dehors (conseillère prud’hommes). En février 2008, elle est licenciée par son employeur et souhaite entreprendre une licence en droit. Toutefois, concernant le financement de la formation, elle se heurte aux méandres des administrations d’encadrement de l’emploi. Dans un ensemble de mails envoyés à la confédération, on peut suivre les refus successifs essuyés auprès d’éventuels financeurs. L’Opca écarte sa demande en raison de son récent statut de chômeuse, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) considère la formation comme « non professionnalisante » et « sans lien direct avec [son] passé professionnel39 » et son ancienne entreprise se limite au versement des montants relatifs au droit individuel à la formation (700 euros). Après plusieurs mois d’échange avec l’ANPE, elle réussit in extremis à débloquer le financement en produisant une promesse d’embauche de la part d’une association d’aide aux victimes de l’amiante proche de la CGT. Toutefois, c’est au terme d’une longue période d’incertitude qu’elle y parvient. À l’instar de cette militante, tout au long de leurs démarches, les syndicalistes de la CGT peuvent compter sur l’accompagnement confédéral qui doit, lui aussi, s’adapter aux transformations des processus d’admission.
Accompagner les syndicalistes en formation
29Dès les années 1980, les responsables confédéraux chargés d’effectuer le suivi des militants en formation ont la particularité d’être eux-mêmes d’anciens syndicalistes ayant entrepris une reprise d’études. Leur recrutement perpétue ainsi une tradition de la doctrine organisationnelle selon laquelle certaines fonctions doivent être dévolues à des permanents disposant d’une expérience concrète de l’activité qu’ils administrent. À partir des archives de Sébastien Payrac, ancien étudiant de la licence en droit d’Orsay devenu conseiller confédéral, nous avons pu examiner en détail le travail d’accompagnement réalisé au sujet de la licence en droit.
30Le suivi confédéral constitue une aide précieuse pour les syndicalistes aspirant à une formation de reconversion. Qu’il s’agisse de cadrer leurs ambitions initiales, de les mettre en contact avec les enseignants ou de les aider à constituer leur dossier d’inscription, les collaborateurs confédéraux offrent un soutien aussi bien en amont que pendant la formation. La légitimité de ce suivi s’appuie sur leur propre expérience de l’épreuve universitaire. Leur témoignage, agrémenté au fil des ans de la parole d’autres pairs, sert ainsi de guide aux néoétudiants en position d’intégrer l’université. Ce travail testimonial révèle combien la transformation de soi et « la conversion » réclamées à l’individu sont façonnées par un certain nombre d’intermédiaires chargés de l’initier à sa nouvelle condition40. L’évocation des difficultés individuelles et collectives, mais aussi des « ficelles » de la vie universitaire, participe d’une initiation préalable des militants. Dans le cas de la licence d’Orsay, ces velléités anticipatrices incluent plus largement un soutien dans le parcours administratif de la validation des acquis.
L’expérience comme légitimité des accompagnateurs
31De 2005 à 2015, l’accompagnement des stagiaires cégétistes inscrits à la faculté Jean Monnet d’Orsay est dévolu à Sébastien Payrac, conseiller confédéral rattaché à la formation syndicale, lui-même ancien stagiaire de la licence en droit. De par son parcours syndical et son expérience d’une reprise d’études, celui-ci dispose d’un capital professionnel hybride – à la fois militant et universitaire – qui lui confère une grande légitimité vis-à-vis de ses pairs syndicalistes entrés en formation.
32Né en 1955, titulaire du certificat d’études primaires (CEP) et d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’électromécanicien, il intègre le bureau d’études de Citroën puis de Scania. Au début des années 1980, il adhère à la CGT. Mandaté dans son entreprise, participant aux activités de l’union locale, il voit sa trajectoire militante s’accélérer en quelques années. En 1987, la CGT lui propose de devenir secrétaire général permanent de l’union locale (UL) de Saint-Ouen-l’Aumône. Six ans plus tard, il est coopté par l’union départementale (UD) du Val-d’Oise en qualité de membre du secrétariat. Il demeure à ce poste jusqu’en 1999. À cette date, l’union départementale rencontre d’importantes difficultés financières, ce qui l’oblige à supprimer le salaire de Sébastien Payrac. Celui-ci tente alors de se reclasser en présentant le concours d’inspecteur du travail, sans succès. Après un bilan de compétences, il est orienté par le CCFP vers la licence en droit d’Orsay dans l’optique de perfectionner ses connaissances juridiques et de retenter sa chance au concours. Ayant interrompu sa scolarité après le CAP, il vit cette opportunité universitaire avec enthousiasme, comme un « défi à relever » et une « école de la deuxième chance ». Néanmoins, ses premiers pas sont très difficiles, il découvre un milieu qu’il ne connaît pas, les horaires d’étude extensibles, les week-ends à rédiger les devoirs réclamés par les professeurs. L’étendue de ses lacunes scolaires se révèle alors subitement. « Moi, je n’avais pas fait d’études universitaires donc il y avait des aspects méthodologiques à acquérir mais à l’époque, il n’y avait pas de cours prévu. On a été plusieurs à subir ces difficultés », explique-t-il en entretien. Au bout de quelques mois, le doute s’installe, les journées de travail sont longues et la fatigue entame sa motivation.
« Moi, le point de rupture je l’ai senti au mois de mars. Tu as du travail en retard, tu as la fatigue qui est de plus en plus présente, tu as les cours qui continuent d’avancer. Puis, dans ces périodes, tu as le doute qui s’installe. Est-ce que j’en suis capable ? Est-ce que je ne vais pas craquer ? Qu’est-ce que je vais devenir si je l’ai ou ne l’ai pas ? C’est une phase de fatigue, de doute et d’interrogation. Faut retrouver la confiance en soi et s’inscrire dans une démarche de travail partagée. »
33Les coûts – temporel, physique, émotionnel – de la reprise d’études se répercutent aussi dans la sphère familiale. « Pendant neuf mois, tu mets un certain nombre de choses entre parenthèses », nous explique-t-il au cours de l’entretien. Toutefois, il évoque aussi « la fierté personnelle » de réussir à l’université, mais aussi celle de son épouse institutrice et de ses filles, elles-mêmes inscrites dans l’enseignement supérieur. Au terme de son année de formation (2000-2001), il se voit proposer un poste à la confédération. Celle-ci cherche à embaucher un collaborateur confédéral expérimenté et formé pour coordonner l’activité des conseillers prud’hommes. Après moult difficultés à s’intégrer au collectif confédéral Droits libertés et actions juridiques (DLAJ), alors en conflit ouvert avec la direction de la CGT, il finit par être attaché à la formation syndicale. À ce poste, en 2005, il prend en charge le suivi de la licence d’Orsay. Resté proche de certains enseignants, il est rapidement convié à siéger au sein du conseil d’UFR et du jury de validation des acquis. Ancien autodidacte consacré sur le tard par l’université, il sait combien l’accompagnement confédéral peut représenter une aide précieuse pour les militants en reconversion. Il prodigue ainsi conseils et astuces en parfaite connaissance de cause. Son action se décompose en trois fonctions principales.
Cadrer les aspirations des syndicalistes
34La première consiste à enregistrer les aspirations des syndicalistes et à les orienter vers un niveau de formation adapté à leurs possibilités. Si la licence en droit est un débouché fréquemment mobilisé, elle ne convient pas à l’ensemble des militants. En fonction du parcours de l’intéressé, c’est-à-dire au regard de son âge, de son niveau de certification, de sa pratique syndicale du droit, etc., il arrive que l’accès à la licence soit perçu comme un palier beaucoup trop difficile à franchir. Il s’agit alors de proposer des voies de formation intermédiaires, plus ajustées aux propriétés – scolaires et syndicales – du militant. Comme il nous l’indique, ce travail est dicté par une démarche « réaliste » et « cohérente » qui vise à faire correspondre le niveau d’exigence de la formation avec les connaissances des candidats.
« Je suis là pour m’assurer le plus tôt possible que le niveau de connaissance de la personne corresponde bien au niveau de connaissance exigé pour entrer dans la formation. Si je constate un écart important, je dis : “Attention, il y a un problème” et je n’encourage plus à poursuivre la démarche. A contrario, je fais des propositions d’autres formations intermédiaires à faire puis, éventuellement, à postuler dans un an ou deux ans. Tout dépend aussi de l’âge de la personne. Si c’est une personne de 50 ans, je regarde la cohérence de la démarche et du projet professionnel pour évaluer si c’est réaliste ou pas. Si ce n’est pas réaliste, ce n’est pas la peine. Cette année, j’ai une personne de 55 ans qui me contacte, son projet c’était soit être avocat, soit être magistrat. Elle avait un niveau de formation initiale dans la catégorie 4 ou 5 de l’Éducation nationale. Ma démarche n’a pas été d’encourager la procédure. Faut être réaliste. Pour entrer à l’ENM [École nationale de la magistrature], il faut un master, réussir le concours d’entrée, voilà. Il ne faut pas envoyer les gens dans le mur. »
35Lui-même membre du jury de validation, Sébastien Payrac connaît les critères de sélection réellement appliqués par les universitaires au moment de la réception des dossiers. Il doit ainsi refréner les ambitions de certains candidats qui imaginent la VAPP comme un dispositif complaisant d’octroi de diplômes. Ses échanges impliquent d’amener le militant à revoir son aspiration de départ, par un travail « pédagogique41 » mêlant fermeté et empathie.
« Moi, je m’appuie sur deux principes. D’abord, le principe de réalité, c’est-à-dire : est-ce que le projet professionnel est réfléchi, réaliste ou pas. Puis, en faisant preuve aussi d’empathie. Je comprends que des gens qui ont fait du droit du travail dans leur activité syndicale puissent penser, à un moment donné, que la profession d’avocat ou de magistrat est accessible pour eux. Après, je suis dans la perspective que les gens réussissent et ne soient pas en échec. Il faut donc argumenter de façon à ne pas les heurter, simplement, les amener à prendre en compte les éléments que je développe. Il faut que la personne soit amenée à prendre conscience par elle-même de l’écart important entre ce qu’il est possible de faire et le projet professionnel auquel elle aspire. Il y a des mots à trouver. Je ne vais pas lui dire d’entrée de jeu : “Ce n’est pas possible” ou “Tu te trompes de voie”. Selon la personne, je ne vais pas dire les choses au même moment. Je fais toujours des propositions alternatives au projet qu’ils ont imaginé. Il y a d’autres pistes professionnelles qui sont souvent plus accessibles. »
36Dans le même temps, il veille à responsabiliser les militants souhaitant se reconvertir. « Tu es le seul à pouvoir définir le projet pour lequel tu veux faire cette formation diplômante », explique-t-il, par exemple, dans les courriers adressés à certains candidats.
Aider à confectionner le dossier de VAPP
37Deuxièmement, Sébastien Payrac a pour mission d’aider les candidats à « monter » et à « défendre » leur dossier de validation des acquis. Les documents de travail qu’il nous confie témoignent des corrections ou des suggestions apportées aux curriculum vitæ et aux lettres de motivation. À l’occasion d’échanges de mails, il propose aux candidats de modifier telle ou telle phrase, de revoir certaines formules ou encore d’évoquer plus amplement quelques dimensions de leur parcours. Il conserve également des modèles types de documents, accumulés au fil des ans, qu’il fournit aux militants les moins inspirés. De fait, même si elles ne portent pas sur un contenu scolaire, ces interventions sur les productions écrites des candidats constituent un premier moyen de réorienter leurs habitudes scripturales de syndicalistes. Elles ont pour objectif d’imposer un registre d’écriture présenté comme plus neutre ne mettant pas en exergue les éléments de langage caractéristiques du militantisme cégétiste. Cette attention aux codes de l’interaction avec les universitaires est d’ailleurs un élément sur lequel Sébastien Payrac insiste longuement, à la fois pour les militants et pour lui-même. Au sujet de son intervention dans les jurys de VAPP, il précise formuler ses recommandations : « dans un état d’esprit militant mais dans un vocabulaire qui ne va pas choquer les universitaires », c’est-à-dire « qui n’est pas un langage syndical ou revendicatif42 ».
38La composition du dossier de VAPP respecte les mêmes principes. Elle constitue en quelque sorte une première étape dans la transmission de ces consignes de précaution, voire de docilité, vis-à-vis de l’institution universitaire. Dans le même sens, il encourage chaque postulant cégétiste à apparaître comme un candidat exemplaire aux yeux du jury de validation, par exemple, en fournissant à temps un dossier complet et bien documenté. Il en va des chances de l’intéressé d’être admis mais aussi de la réputation de l’organisation syndicale vis-à-vis de l’université. Aussi, dans le modèle de courrier envoyé à chaque futur stagiaire, le collaborateur confédéral précise systématiquement : « sois attentif aux délais à respecter », « il faut constituer les deux dossiers correctement. Il n’y a pas de “paperasse excessive” », « les membres du jury de validation doivent disposer de toutes les informations nécessaires », etc. Cette position d’intermédiaire entre les deux parties se réactive également pendant la formation.
Soutenir les stagiaires en formation
39Tout au long de l’année universitaire, Sébastien Payrac occupe une fonction de médiateur entre les stagiaires cégétistes et les membres de l’équipe pédagogique. Son rôle consiste essentiellement à inculquer aux syndicalistes « la bonne posture » à adopter vis-à-vis des enseignants et des autres stagiaires de la licence. Face au corps professoral, il encourage ses pairs à délaisser leur point de vue de militants ou leurs attitudes revendicatives, pour s’approprier une position de stagiaires ordinaires.
« Parfois, il faut faire abstraction de son implication militante ou syndicale pour comprendre la règle de droit qui est réclamée par le cas pratique. De façon à éviter de prendre la parole systématiquement pour s’opposer au cours magistral ou à la parole de l’intervenant parce que selon qu’on soit magistrat, syndicaliste ou professionnel, l’interprétation de la règle de droit n’est pas toujours la même. »
40Il est vrai que des tensions apparaissent parfois entre acteurs syndicaux et les membres de l’équipe enseignante. Elles sont particulièrement perceptibles avec certains intervenants extérieurs (magistrats, avocats, professionnels du droit, etc.), recrutés parmi les membres de la bourgeoisie judiciaire et peu habitués à fréquenter des syndicalistes, a fortiori de la CGT. Face aux attitudes « méprisantes » ou « hautaines », Sébastien Payrac recommande aux stagiaires de ne pas céder aux provocations des intervenants puisqu’ils n’ont aucun « intérêt à créer une zone conflictuelle au sein de la fac ». C’est donc d’abord par des rappels à la nécessaire docilité du rôle d’étudiant – souvent mise à mal par les syndicalistes – que s’opère ce travail de médiation. Il vise essentiellement à favoriser leur intégration dans les routines de l’institution. On retrouve les mêmes principes dans les relations entretenues avec les autres stagiaires. Même si certains ne sont pas issus des rangs syndicaux, le conseiller confédéral rappelle l’importance de ne pas « faire bande à part et de travailler tous ensemble ».
41Le suivi ne s’arrête pas au respect de ces normes de positionnement. Il lui arrive aussi d’apporter un soutien scolaire à certains syndicalistes cégétistes en difficulté. Ses documents de travail regorgent ainsi de fiches de lectures, de notes de cours, de bibliographies ou de commentaires d’arrêts qu’il communique au cours des premiers mois de la scolarité. Il n’hésite pas non plus à leur signaler un fait d’actualité (une réforme du droit constitutionnel par exemple) ou un élément de doctrine juridique qui pourrait les aider à relier les enseignements avec leurs préoccupations militantes. S’il demeure diffus, cet encadrement vise à les assurer de son soutien en cas de nécessité impérieuse. L’objectif est ainsi qu’aucun stagiaire ne se trouve « acculé dans ses difficultés » au point de mettre en péril son engagement dans la formation et l’économie collective du groupe.
Conclusion
42À travers l’expérience des élus cégétistes entrés en licence de droit à l’université d’Orsay, nous pouvons identifier deux principaux résultats.
43Tout d’abord, cette contribution démontre tout l’intérêt de réinscrire la trajectoire de reconversion dans un ensemble de relations sociales qui participent à la façonner. En l’espèce, le choix du cursus de formation, la constitution du dossier de validation des acquis, l’obtention du financement ou encore les modes d’évaluation appliqués aux syndicalistes relèvent d’un travail collectif qui dépasse largement l’action des seuls stagiaires. Saisir le rôle de ces supports est essentiel dans la mesure où il permet de mieux identifier les ressorts extrascolaires de la reconversion, quand bien même elle s’opère par la voie universitaire. En effet, loin de se réduire uniquement à une épreuve scolaire, l’entrée en formation recèle également de difficultés financières, administratives ou logistiques qui s’avèrent d’autant plus coûteuses qu’elles ne sont pas prises en charge collectivement.
44Ensuite, l’analyse montre que l’existence d’un cadre légal propice à l’inscription universitaire des publics militants présage peu de la façon dont les universitaires s’approprient ces dispositifs. Entre pratiques organisationnelles, logiques marchandes de la formation continue, perspectives de carrière et convictions personnelles, l’accueil des syndicalistes s’opère en réalité de manière très diverse. À ce titre, on peut s’interroger sur les recompositions contemporaines du profil de l’universitaire « missionnaire43 » identifié par Lucie Tanguy. Qui sont aujourd’hui les enseignants soucieux d’intégrer les syndicalistes à l’enseignement supérieur ? Selon quelles modalités et pour quels objectifs se mobilisent-ils ? Autant de questions qui doivent être posées à l’heure où les élus syndicaux sont devenus un public à part entière du marché de la formation continue.
Notes de bas de page
1David Marcel, 1982, Témoins de l’impossible : militants du monde ouvrier à l’université, Paris, Éditions ouvrières.
2Martinet Marcel, 2004, Culture prolétarienne, Marseille, Agone.
3David Marcel, 1982, Témoins de l’impossible…, op. cit., p. 76.
4Le Quentrec Yannick, 2015, « La validation des acquis de l’expérience militante dans le champ syndical : une reconnaissance du militantisme ? », in Guy Brucy, Françoise Laot et Emmanuel de Lescure (dir.), Former les militants, former les travailleurs, Paris, L’Harmattan, p. 179-196.
5Yon Karel, 2020, « La formation des syndicalistes : un espace de plus en plus concurrentiel », Chroniques du travail, no 10, p. 36-54.
6Matonti Frédérique et Poupeau Franck, 2004, « Le capital militant. Essai de définition », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 155, no 5, p. 4-11.
7Négroni Catherine, 2005, « La reconversion professionnelle volontaire : d’une bifurcation professionnelle à une bifurcation biographique », Cahiers internationaux de sociologie, no 119, p. 311-331.
8Paranthoën Jean-Baptiste, 2014, « Déplacement social et entrées en agriculture. Carrières croisées de deux jeunes urbains devenus maraîchers », Sociétés contemporaines, vol. 96, no 4, p. 51-76.
9Denave Sophie, 2015, Reconstruire sa vie professionnelle. Sociologie des bifurcations biographiques, Paris, Presses universitaires de France.
10Simonpoli Nicolas, 2023, « Des cégétistes en Sorbonne. Conflits pédagogiques et adaptations collectives de syndicalistes entrés à l’université (1983-2001) », Sociétés contemporaines, no 129/1, p. 107-136.
11Giraud Baptiste, 2009, Faire la grève. Les conditions d’appropriation de la grève dans les conflits du travail en France, thèse de science politique, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, p. 273.
12La loi de 1984 crée le Congé individuel de formation et élargit la contribution obligatoire consacrée à la formation des salariés. Celle de 1991 introduit le thème de la formation dans les négociations professionnelles. Elle encourage les entreprises « à élaborer un programme pluriannuel de formation ». Entre 1976 et 1996, on assiste ainsi à une explosion des dépenses en matière de formation professionnelle continue puisqu’elles sont multipliées par huit en vingt ans. Dubar Claude, 2004, La formation professionnelle continue, Paris, La Découverte, p. 30-34.
13Agulhon Catherine, 2006, « La VAE à l’université, une aubaine pour les services de formations continue ? », in Frédéric Neyrat (dir.), La validation des acquis de l’expérience : la reconnaissance d’un nouveau droit, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, p. 168.
14Entretien avec Baptiste Chambérieux, 2017.
15Le CCFP est l’Opca financeur de la formation professionnelle auxquelles adhèrent les organisations de la CGT.
16Agulhon Catherine, 2006, « La VAE à l’université… », art. cité.
17Entretien avec Gaëtane Nalot (2017), les passages entre guillemets sont extraits de cet entretien.
18Sébastien Payrac, ancien stagiaire devenu conseiller confédéral, témoigne de cette dimension lors de notre entretien en 2015. Il rappelle ainsi : « Sur le plan culturel, grâce à la CGT, j’ai découvert des domaines que je ne connaissais pas et qui me semblaient hors de portée possible. À l’occasion du 43e congrès, la soirée culturelle c’était d’assister à un ballet dirigé par Béjard. Pour moi, la danse c’était un truc très abstrait pour lequel, je n’avais aucune attirance particulière. La mise en scène, la création de Béjard m’a fait regarder la danse complètement différemment. »
19Fossé-Poliak Claude, 1992, La vocation d’autodidacte, Paris, L’Harmattan.
20Lamy Yvon, 2006, « La VAE ou la preuve de l’expérience », in Frédéric Neyrat (dir.), La validation des acquis de l’expérience, op. cit., p. 436-459.
21Les dossiers de VAPP ne faisant l’objet d’aucun classement systématique de la part de l’université, nous n’avons pu consulter que les dossiers conservés par l’organisation syndicale. Or, ceux-ci sont très inégaux dans leur contenu. De plus, pour une partie d’entre eux, il ne nous est pas possible de déterminer si les militants concernés ont rempli le dossier, abandonné leur démarche de validation ou réellement entrepris la formation.
22Prost Antoine, 2004, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France depuis 1930, Paris, Perrin.
23Ainsi, ils sont souvent abonnés à des journaux de vulgarisation juridique (Revue pratique de droit social, Le Particulier, etc.) ou technique (L’Usine nouvelle).
24Ethuin Nathalie et Siblot Yasmine, 2014, « De l’éducation des militants à la science de la lutte des classes à la formation de syndiqués acteurs à la CGT », in Nathalie Ethuin et Karel Yon (dir.), La fabrique du sens syndical. La formation des représentants des salariés en France (1945-2010), Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, p. 33-67.
25Simonpoli Nicolas, 2023, « Des cégétistes en Sorbonne », art. cité.
26Bourdieu Pierre et Boltanski Luc, 1975, « Le titre et le poste : rapports entre le système de production et le système de reproduction », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 1, no 2, p. 95-107.
27Willemez Laurent, 2006, « Faire fructifier son engagement : conséquences et limites de la validation des expériences militantes », in Frédéric Neyrat (dir.), La validation des acquis de l’expérience, op. cit., p. 380.
28Pour la licence en droit, en 2012, le jury était composé de neuf membres (cinq hommes et quatre femmes) : quatre enseignants titulaires de la formation, deux représentants des organisations syndicales, un représentant des anciens stagiaires de la licence et deux intervenants extérieurs participant à l’équipe pédagogique (une avocate et un docteur en droit).
29Neyrat Frédéric, 2005, « Des reconversions académiques : quand les engagements sont mobilisés pour obtenir une reconnaissance universitaire », in Sylvie Tissot, Christophe Gaubert, Marie-Hélène Lechien et Yvon Lamy (dir.), Reconversions militantes, Limoges, Presses universitaires de Limoges, p. 63-78.
30Créée en 1979, Prudis est une association de la CGT dédiée à la formation des conseillers prud’hommes.
31« En avril 2001, une collègue a été victime d’un accident de travail grave. En tant que secrétaire du CHSCT, j’ai mené une enquête et les poursuites nécessaires. En octobre 2001, suite à une consultation du personnel sabotée par notre direction, j’ai été prise à partie et je me suis retrouvée devant un tribunal. Les juges étaient les salariés élus dits “libres” mais mis en place par la direction. Cette épreuve fut très pénible psychiquement pour moi et je me suis retrouvée en arrêt maladie pour dépression pour une période de trois mois consécutifs. En début d’année 2002, j’étais incapable de reprendre le travail. » Lettre de motivation. Dossier de VAPP.
32Agulhon Catherine, 2006, « La VAE à l’université… », art. cité.
33Ibid., p. 178.
34Allouch Annabelle, 2017, La société du concours : l’empire des classements scolaires, Paris, Éditions du Seuil.
35Willemez Laurent, 2006, « Faire fructifier son engagement… », art. cité, p. 386.
36Collovald Annie, 1988, « Identité(s) stratégique(s) », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 73, no 1, p. 29-40.
37Agulhon Catherine, 2006, « La VAE à l’université… », art. cité, p. 175.
38Mail adressé à Sébastien Payrac. Dossier de Patricia Mongerot.
39Lettre de l’ANPE datée du 19 août 2008. Dossier de Patricia Mongerot.
40Simonpoli Nicolas, 2022, « L’ambulance confédérale. Comment la CGT fabrique la reconversion professionnelle de ses cadres syndicaux », Sociologie du travail, vol. 4, no 3.
41Sur « la pédagogie » développée par les intermédiaires du marché de l’emploi, nous renvoyons à Paranthoën Jean-Baptiste, 2020, « Quand les agentes de développement agricole cultivent l’incertitude. Stratégies de légitimation de nouveaux intermédiaires dans la construction des marchés locaux », Revue française de socio-économie, vol. 24, no 1, p. 157.
42Les citations entre guillemets sont extraites de l’entretien avec Sébastien Payrac en 2015.
43Tanguy Lucie, 2006, Les instituts du travail. La formation syndicale à l’université de 1955 à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
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