Apprendre à « se réinventer » au sein d’un programme de formation à la reconversion professionnelle pour les cadres

Une socialisation de renforcement aux effets contrastés

Ludivine Le Gros

p. 41-64


Texte intégral

1La reconversion professionnelle semble être devenue une voie envisageable et envisagée par les cadres alors même qu’elle avait été pensée à l’origine, au moins du point de vue des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics, pour d’autres catégories de population. En multipliant les récits de cadres reconvertis, souvent héroïsés et racontés à la première personne, la presse s’est largement fait l’écho de cette forme de mobilité professionnelle, désormais présentée comme volontaire et émancipatrice1. Les articles dépeignent de manière quasi systématique un parcours individuel marqué par un « déclic » initial, suivi d’une phase d’introspection, qui se poursuit par une séquence de définition d’un nouveau projet professionnel, souvent accompagnée d’une reprise de formation, aboutissant finalement à l’entrée dans un nouveau métier. Cette standardisation des récits de reconversions de cadres nous a amenée à nous interroger sur les espaces au sein desquels ont pu être intériorisées ce qui s’apparente à des normes et « bonnes » pratiques du parcours de reconversion. À cet égard, en contraste avec ces récits médiatiques individualisants, 75 % des cadres reconvertis que nous avons interrogés affirmaient avoir eu recours à un accompagnement ou à une formation à la reconversion professionnelle2.

2De nombreux travaux ont étudié le rôle des dispositifs d’accompagnements aux transitions professionnelles, qu’ils concernent des publics éloignés de l’emploi et peu qualifiés tels que les dispositifs prescrits de reclassement et de reconversion après des licenciements collectifs3 ou bien des publics qualifiés en montrant par exemple comment des cadres au chômage peuvent y être invités à acquérir des compétences de recherche d’emploi4 et à « travailler leur recrutabilité5 ». Pour les publics encore en emploi, les travaux d’Aurélie Gonnet sur le bilan de compétences6 donnent un éclairage sur la manière dont y sont construits les projets professionnels pour des personnes majoritairement encore en poste et relevant des catégories « employés » et « professions intermédiaires ». Enfin, l’accompagnement des cadres encore en emploi a donné lieu, quant à lui, à plusieurs recherches sur la pratique du coaching et de ses effets. Cependant ces travaux concernaient des activités de coaching au sein d’entreprises7 et ne portaient donc pas précisément sur des questions de transition professionnelle, ou étaient du moins restreints à la question de la mobilité interne. La compréhension fine d’espaces dédiés à l’accompagnement des transitions professionnelles pour des publics hautement qualifiés encore en emploi, ou du moins bien insérés sur le marché de l’emploi, demeure donc un angle mort de la recherche sociologique.

3Notre enquête menée auprès d’anciens cadres reconvertis a fait émerger une préférence marquée pour des acteurs privés de l’accompagnement aux transitions professionnelles, malgré leurs coûts élevés et en dépit de la gratuité des accompagnements proposés par des institutions telles que Pôle emploi ou l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). Un marché privé du coaching en reconversion, visant principalement les cadres, s’est en effet déployé ces dernières années, avec une accélération depuis la crise sanitaire. Comme le montre Anne Jourdain8, il se compose de trois types d’entreprises : « une dizaine d’entreprises individuelles de coachs pionnières sur le marché et faisant figure de modèles de réussite », de très nombreuses coachs indépendantes (car très majoritairement des femmes) exerçant principalement sous le régime de la microentreprise et enfin quelques start-up : des entreprises innovantes, censées croître rapidement et financées par des levées de fonds9. C’est à ce dernier type de structure, à savoir une start-up de l’accompagnement à la reconversion qui se présente comme une « alternative innovante au bilan de compétences10 », que nous avons consacré une ethnographie (voir l’encadré 1). Le programme observé consiste en un accompagnement collectif, standardisé et présenté comme un « programme de formation » destiné à des actifs qui « ne se reconnaissent plus dans ce qu’ils font et ne savent pas par où commencer », « n’arrivent pas à trouver le temps pour réfléchir dans leur coin et ont du mal à passer à l’action » et « ont envie d’une méthode innovante ». Durant huit semaines, une quarantaine de cadres, majoritairement encore en poste, et réunie au sein d’une « promotion » apprennent à switcher11. L’objectif affiché pour ces cadres est alors d’apprendre à « se réinventer », à « reprendre leur trajectoire en main » et à « construire le parcours qui leur correspond12 ». À partir de l’observation de ce programme mais aussi d’une interrogation un an après d’une partie des participants à la formation (n = 17), nous avons cherché à questionner les normes, les valeurs et les bonnes pratiques du changement professionnel qui sont diffusées dans ce type de programme, qui représente un espace de socialisation à la reconversion professionnelle. Nous nous sommes par ailleurs intéressée à leurs modes de transmission ainsi qu’à leur rencontre avec un patrimoine dispositionnel à l’échelle individuelle. En effet, postulant que toute « socialisation secondaire ne s’exerce pas sur une page blanche13 », nous avons cherché à comprendre comment cette formation entre en continuité ou non avec des dispositions déjà intériorisées par les participants. Puis, nous avons cherché à analyser en quoi l’articulation entre des socialisations passées et présentes mais aussi des ressources et des contraintes contextuelles pouvait produire des effets contrastés sur les bifurcations.

4Nous montrerons dans cette contribution que le dispositif de formation Change Together renforce en réalité des dispositions au changement professionnel déjà intériorisées pour permettre aux cadres d’envisager la reconversion comme un parcours possible et de penser la bifurcation comme un projet entrepreneurial. Cependant, nous constaterons ensuite que si cette socialisation de renforcement semble fonctionner dans la première phase du dispositif qui consiste à élaborer un projet de transition professionnelle, elle produit des effets différenciés et se heurte à des conditions sociales de possibilités dans la phase de concrétisation de la bifurcation.

Des représentations et des pratiques de la reconversion professionnelle en continuité avec les dispositions des participants

5En cherchant à former à la reconversion professionnelle des cadres encore en poste, le programme Change Together s’appuie sur des dispositions au changement professionnel, au développement personnel et à la conduite de projet déjà majoritairement intériorisées par les participants pour les amener à penser la reconversion comme un projet entrepreneurial.

La reconversion : une nouvelle forme de mobilité qui s’appuie sur des dispositions au nomadisme

6Dans une vidéo intitulée « l’ère du switch », envoyée aux participants avant le début de la formation, l’une des fondatrices du programme annonce que la carrière privilégiée des cadres « à la voie toute tracée » est vouée à disparaître au profit de « chemins singuliers qui seront faits d’entrées et de sorties, de bifurcations, de reconversions assez régulières, assez constantes ». Elle évoque une déstabilisation du travail portée par « la remise en question des contrats de longue durée et du salariat » et présente la révolution digitale comme une menace directe pour les cadres puisque selon elle « 50 % des jobs d’aujourd’hui pourraient être amenés à disparaître à un horizon de dix ans ». Apprendre à switcher apparaît selon elle comme la solution face aux menaces qui pèseraient sur le futur du travail des cadres. L’exemple du remplacement d’avocats spécialisés en arbitrage financier par une intelligence artificielle dans une grande banque d’affaires américaine est repris dans la vidéo et lors de la première séance collective comme pour rendre cette menace plus concrète pour les participants. Puisque même les cadres les plus privilégiés ne sont pas épargnés, il faut selon les formateurs apprendre à « tirer son épingle du jeu », « régulièrement se poser des questions sur son projet professionnel » et dans ce contexte mouvant et incertain « redevenir entrepreneur de sa trajectoire ». La rhétorique de l’entreprise de soi s’impose ainsi dès le discours de présentation du programme et va se poursuivre durant la formation. Il reviendrait à chacun d’être entrepreneur de soi-même, de sa carrière14 et de son employabilité15, voire de créer son propre emploi16, ce qui implique de prévoir et d’organiser ses transitions professionnelles. Les participants sont invités non seulement à être « actifs », « flexibles » et « innovants » mais surtout à être « proactifs » en anticipant les évolutions du marché du travail : « Pour ne pas être un suiveur ou un follower… on va plutôt être acteur… on va apprendre à screener [passer en revue] le marché du travail » (François le formateur, lors de la deuxième séance). Se former à la transition professionnelle est affiché comme un avantage concurrentiel sur le marché du travail : « Et dans cette nouvelle ère, le savoir-faire qui va devenir indispensable ce sera de savoir bien gérer et naviguer dans ces phases de transitions. »

7Pour des cadres de grandes entreprises encore en poste, qui représentent la très grande majorité des participants à la formation, ce discours entre en conformité avec les normes de la carrière nomade17, qui consistent à prendre en main sa propre évolution professionnelle en multipliant les mobilités internes, externes et géographiques.

8Cependant, ces cadres de grandes entreprises hautement diplômés ne semblent pas seulement avoir intériorisé la norme de la carrière nomade mais celle d’une carrière nomade ascensionnelle18, qui consiste à réaliser des mobilités ciblées dans le but d’accumuler des compétences, d’accroître ses revenus et son périmètre d’activités. Leurs parcours en amont du programme mais aussi les raisons qui sont évoquées pour justifier leur participation, alors qu’ils sont majoritairement encore en poste, en témoignent. Ils évoquent en effet une sensation de « stagner dans leur poste » (Cécile, cadre en communication), d’en avoir « fait le tour » (Antoine, consultant) ou le fait de « chercher le poste d’après » (Elsa, cadre en ressources humaines). Rester au même poste, ne pas accroître son périmètre d’action et de responsabilité et ne pas être en mesure de se projeter dans le suivant semble être un problème que ces cadres cherchent à résoudre en participant volontairement à cette formation.

9Outre le nomadisme ascensionnel affiché, les participants font cependant état de conditions de travail dégradées et de carrières bloquées, notamment pour les femmes comme en témoigne Cécile qui se dit « contrainte à partir » :

« En fait, aujourd’hui, ça ne me convient plus à ce poste-là, j’ai envie d’autres choses. J’ai formulé toutes mes envies, j’ai rencontré un maximum de gens, je suis hyper proactive en interne, et malheureusement y’a pas de suite. Donc, en fait, ça fait un an et demi que je suis en mobilité et il se passe rien, donc y’a un moment où vous êtes obligé… enfin y’a un moment, il faut qu’on trouve une solution. Donc la solution, ça a été de quitter l’entreprise » (Cécile, cadre en communication).

10La formation va justement s’appuyer sur ces difficultés professionnelles pour promouvoir le nomadisme tout en en récusant la dimension ascensionnelle, à travers une remise en cause des modèles de réussites associés à ce dernier type de carrière :

« Alors avant […] vous saviez que vous aviez réussi si vous aviez accès à des attributs de richesse, que vous aviez atteint tels niveaux hiérarchiques, tels niveaux de salaires, la grosse voiture, la grande maison, etc., etc. On vous promettait d’accéder à ça si vous suiviez bien votre plan de carrière, si vous cochiez toutes les cases. Mais le problème […] c’est que vous aurez beau cocher toutes les cases, vous aurez beau parfaitement suivre le plan de carrière, vous n’êtes pas assuré que votre job à un moment donné il disparaisse ou pas. Et donc finalement il va falloir s’affranchir de ce modèle de réussite là parce qu’il n’est plus garanti et se poser la question de quel est votre modèle de réussite pour vous » (discours de la fondatrice du programme).

11La formation constitue ainsi une chambre d’enregistrement des désirs de mobilité des participants tout en inculquant une norme de nomadisme plus large, et a priori moins contraignante que celle du nomadisme ascensionnel, dans laquelle s’inscrit désormais la reconversion professionnelle puisque selon le formateur tous seront amenés un jour à se reconvertir :

« Parfois en restant au sein du même métier, parce que vous ferez votre métier radicalement différemment, parfois ce sera en changeant de métier, en changeant de secteur, en changeant de façon plus radicale » (François, formateur, lors de la deuxième séance).

12Les formateurs mettent ainsi en avant durant tout le programme l’inéluctabilité de la reconversion mais aussi sa facilité d’exécution grâce à « la méthode » qu’ils enseignent aux participants. Cette méthode repose sur un paradoxe puisqu’il est demandé aux participants une remise de soi19 au dispositif d’accompagnement qui passe par l’exigence répétée de « faire confiance à la méthode » et un mode de formation extrêmement prescriptif alors même que la « pédagogie » du programme vise une démarche d’« appropriation » et d’« autonomisation » du parcours.

13Le programme valorise en outre abondamment la carrière entrepreneuriale. Pendant les séances de formation, le salariat dans les grandes entreprises est décrit comme la « carrière classique », le produit d’un « ancien système » « pyramidal », « rigide » et gangrené par les « jeux politiques ». L’entrepreneuriat est a contrario considéré comme le modèle émancipateur de la reprise en main de son propre parcours. Créer et diriger son entreprise est, à en croire les formateurs et les matériaux distribués durant les séances, un moyen de maîtriser ses conditions de travail, ses relations professionnelles et de travailler à sa manière, éléments à l’origine de vives critiques adressées par les participants à leur emploi actuel ou précédent. On observe donc la mise en avant répétée d’un idéal de reconversion qui consiste à passer du salariat dans une grande entreprise à l’entrepreneuriat. Cet idéal s’appuie, d’une part, sur les témoignages d’anciens participants faisant le récit de leurs parcours de réussite lors de soirées organisées au sein de l’espace de formation. D’autre part, il est véhiculé par le parcours des formateurs, l’un ancien avocat devenu entrepreneur (et formateur), l’autre diplômée d’une prestigieuse école de commerce, ayant connu une première carrière de cadre en entreprise pour ensuite bifurquer vers cette start-up, en intervenant comme free-lance. L’homologie est alors double avec les participants puisque tous les formateurs du programme (même si chaque promotion n’en verra que deux) possèdent « une expérience structurante en entreprise » puis ont tous « switché eux-mêmes et donc une vraie expérience du switch20 ». À l’instar des vendeurs de maisons d’autant plus performants qu’ils possèdent des dispositions proches de celles de leurs clients21, les formateurs mettent constamment en avant leur propre parcours de reconversion. Ces reconvertis au carré, qui forment à la reconversion en s’appuyant sur leur propre parcours de transition professionnelle, semblent alors représenter des figures de réussite pour les participants :

« C’est encore très flou pour moi mais quand j’entends ce que tu fais je me dis que c’est exactement ce que je veux faire » (discussion entre Mélodie, acheteuse et Lise la formatrice).

14Le programme Change Together constitue ainsi une forme de prolongement à la socialisation à la carrière nomade en promouvant une nouvelle forme de mobilité, à savoir la reconversion professionnelle22, avec l’entrepreneuriat comme modèle de l’entreprise de soi. Dans un monde où, selon la fondatrice du programme, les conditions de travail et d’emploi des salariés les plus privilégiés ne sont plus assurées et où « le modèle de travail » dans les grandes entreprises « n’est pas du tout en phase avec les aspirations nouvelles » de sens et d’utilité des cadres, se reconvertir pour créer son propre emploi est présenté dans cette formation comme l’ultime reprise en main de soi.

Se reconvertir pour répondre à des aspirations individuelles au travail

15Outre la dimension collective mise en avant par ses fondatrices, la particularité du programme de formation observé réside dans les répertoires d’influences à partir desquels il a été composé. En effet, ce programme d’accompagnement s’appuie sur des affinités électives entre le courant du développement personnel, qui est au cœur de la première partie de la formation et les pratiques entrepreneuriales, qui entrent en jeu dans la seconde partie dédiée à « la mise en action ».

16Dès leur arrivée, les participants sont invités à entrer dans une phase d’introspection dont l’objectif ultime est de retrouver leur « moi authentique ». Une véritable mise au travail de soi sur soi est entreprise dès la première séance collective et passe par l’application d’une série d’outils de réflexivité autobiographique visant à « mieux se connaître », à mettre en lumière les « motivations intrinsèques », les « inclinaisons naturelles » ainsi que les « valeurs et besoins fondamentaux » de chaque participant, les formateurs se réclamant cependant d’une « approche pragmatique du développement personnel ».

17Cette quête du « moi authentique » ne se fait cependant qu’au prix d’une négation des rapports sociaux23. Les causes structurelles et organisationnelles des difficultés professionnelles passées sont sous-estimées au profit d’un travail sur soi face à la contingence, l’individu portant en lui « une dé-détermination de la situation24 ». Tel le coaching en entreprise qui exerce une « fonction palliative25 », la formation vise ici à équiper les participants de solutions individuelles non pas pour agir sur leur environnement de travail mais pour en changer. Ainsi alors que certains participants comme Catherine affirment se sentir « complètement perdus » après plusieurs séances collectives parce qu’ils ont « un problème de mal-être dans [leur] travail » et ne savent pas comment le résoudre, les formateurs les incitent à « construire un job qui [leur] correspond mieux » plutôt qu’à tenter de trouver des solutions dans leur emploi actuel.

18Le recours massif au développement personnel dans ce programme qui vise une « reconnexion à ses envies les plus profondes » révèle in fine un paradigme du changement professionnel conçu à partir des aspirations individuelles et non d’un souci d’adéquation au marché du travail. Contrairement à l’accompagnement d’ouvriers au sein de cellules de reclassement tel que l’a observé Olivier Mazade26, l’ajustement aux besoins du marché du travail est pour ces cadres une donnée absente dans l’équation de la reconversion. Les participants sont ainsi invités durant tout le programme à « partir de leurs envies », voire de « leurs rêves » :

« Votre driver […], ça doit être vos envies… Les envies c’est des choses que vous n’êtes pas en train de faire mais des choses vers lesquelles vous avez envie d’aller… ça peut être des choses très différentes… vos rêves, les personnes qui vous inspirent mais aussi celles dont vous êtes jalouses » (François, le formateur lors de la première séance collective).

19Les formateurs opposent d’ailleurs constamment leur pratique de l’accompagnement à celle des bilans de compétences « classiques » qui ne consistent selon eux qu’à « établir des listes de métiers » qui relèvent d’un compromis entre des compétences individuelles et les besoins du marché du travail. Alors que leur « bilan de compétences nouvelle génération » permettrait lui de « se réinventer ». Cette dichotomie est reprise par de nombreux interrogés lors des entretiens visant notamment à retracer leur parcours d’accompagnement, à l’instar de Marielle (responsable commerciale) qui avait réalisé un bilan de compétences avant d’entrer dans la formation Change Together :

« Le bilan de compétences que j’ai fait moi, il a été naze. Je ne me reconnais pas dedans. C’était des trucs, on prend tes compétences et puis on te dit : “Bon bah voilà !” […] À l’époque avec le bilan de compétences, la consultante franchement, je l’ai pas trouvée pertinente. En fait, la méthode et tout, j’ai pas du tout trouvé ça pertinent […]. Parce que c’était, tu fais ta liste de compétences. Oh ça matche avec ça, regarde ! Royal ! […] Et comme t’as pas de passion dans ta vie et que tu sais pas quoi faire d’autre, eh ben on va faire ça » (Marielle, responsable commerciale).

20Puis interrogée sur d’éventuelles différences perçues avec le programme Change Together, elle répond que dans ce dernier a contrario « on te fait vraiment réfléchir sur toi » et en dresse un bilan très favorable alors même que ni à l’issue du programme, ni au moment de sa réinterrogation soit un an après, elle n’est parvenue à élaborer un projet de reconversion à partir de ses « envies » et se trouve donc au chômage sans réel projet professionnel.

21La très forte adhésion des participants à cette démarche d’introspection qui consiste à trouver en soi son projet professionnel s’appuie très certainement sur une socialisation passée au développement personnel. L’ensemble des personnes que nous avons réinterrogées à l’issue du programme ont affirmé avoir eu une connaissance préalable plus ou moins fine des pratiques de développement personnel avant l’entrée dans la formation. Elles y avaient été acquises notamment en école de commerce, en entreprise, à travers les tests de personnalité utilisés pour les recrutements, lors d’un bilan de compétences antérieur mais aussi par la lecture d’ouvrages, l’écoute de podcasts, le visionnage de vidéos ou la consultation de certains sites liés à la reconversion. Deux tiers des participants réinterrogés ont d’ailleurs poursuivi la pratique du développement personnel par le biais de stages (de communication non violente par exemple), de programmes de formation, l’accès à un coaching individuel, la participation à des conférences ou la lecture d’ouvrages supplémentaires, attestant finalement que la formation au sein de Change Together représente une socialisation de renforcement27 au développement personnel. Par ailleurs, si elles adhèrent à cette manière de penser la reconversion, qui consiste à ne pas se soucier des besoins du marché du travail, c’est parce qu’elles ont intériorisé leur position favorable au sein de ce marché, comme en témoigne Delphine :

« Il y a un moment, ceux qui ont le plus de risques et de précarité, bah c’est pas nous […]. Mais je me disais qu’on était quand même très privilégiés de pouvoir se poser ces questions-là tout en sachant qu’on pourrait retourner à notre boulot le lendemain avec tous les avantages » (Delphine, journaliste).

Penser la reconversion comme un projet entrepreneurial dans une start-up

22Si la première phase de la formation dédiée à la connaissance de soi et à la définition du projet révèle l’influence du développement personnel, la deuxième phase de « passage à l’action » repose également sur un certain nombre de ses préceptes, cette fois combinés avec des méthodes d’innovations entrepreneuriales, issues notamment de l’univers des start-up. L’ethos entrepreneurial se révèle non seulement dans la rhétorique de l’entreprise de soi et de son propre emploi mais aussi dans la pratique de la reconversion qui est diffusée dans cette formation. En effet, au sein de Change Together, on enseigne le « bon switch » à la manière d’un projet entrepreneurial.

23Le programme de formation est découpé en trois modules qui correspondent au triptyque de la conduite de projet : réaliser dans un premier temps un audit de la situation, pour ensuite façonner et décider du projet et enfin « se mettre en action » pour l’exécuter. Une fois la phase d’audit de soi réalisée et les premières pistes de reconversions établies, des outils de classement ont pour objectif d’accompagner la prise de décision, les différentes « pistes de reconversion » étant hiérarchisées selon qu’elles sont considérées comme « stratégiques », « prioritaires » ou « secondaires » (voir l’encadré 2). Dans l’exemple qui est donné par la formatrice, on observe que la piste d’une mobilité en filiale est « à oublier » alors que se « former au coaching » et « faire des formations en finance » pour se lancer en tant qu’indépendant sont considérés comme des pistes stratégiques.

24Le choix d’une piste « activable » et qui aura un « impact sur la vie » effectué, il s’agit de mettre très vite en place des « petits pas » pour concrétiser le changement. La bifurcation est ainsi pensée comme une somme de petits changements qu’il convient de réaliser jour après jour au travers des exercices quotidiens envoyés aux participants. La mise en place d’un plan d’action, découpé en petites séquences activables à la manière de la conduite d’un projet managérial est enfin recommandée. Puis très vite, les participants sont enjoints à « se mettre en mouvement », se donner des « micro-objectifs concrets et évaluables » en testant leur piste stratégique comme on teste un produit sur le marché. Les exercices qui se succèdent pour accompagner les participants dans la définition d’un nouveau projet professionnel s’appuient ainsi sur des dispositions à la conduite de projets mais aussi à la prise de décision et au goût de l’action, intériorisée notamment pendant leur première partie de carrière, qu’il s’agit alors pour ces cadres d’entreprises de transposer à l’univers de la reconversion.

25Dans la dernière phase, la méthode de reconversion diffusée par Change Together semble avoir été fortement inspirée par le projet entrepreneurial des deux fondatrices startupeuses.

26En effet, les méthodes d’innovation et de créativité telles que le « design thinking28 », couramment utilisées par les start-up, semblent ici être transposées à l’univers de la transition professionnelle. Au cœur de cette méthode d’innovation se trouvent l’expérimentation et l’itération, autrement dit des réajustements successifs jusqu’à l’obtention du produit final qui correspond dans le contexte de cette formation à la définition d’une piste stratégique. Les participants sont ainsi invités à expérimenter leur piste de transition professionnelle au plus vite.

« C’est finalement assez similaire à ce que vivent les entrepreneurs. Moi j’en ai côtoyé beaucoup [Lise travaillait auparavant pour un incubateur de start-up] et le piège numéro 1 des entrepreneurs c’est de vouloir penser le produit parfait et de ne le sortir que quand il sera parfait… les entrepreneurs qui arrêtent c’est souvent parce qu’ils ont lancé leur projet trop tard parce qu’ils ont passé trop de temps à y réfléchir… Ils sont pas allés assez vite à tenter de voir ce qui marche, ce qui marche pas » (Lise, la formatrice).

27Si nécessaire il faudra ensuite réajuster le produit (ici la piste de transition professionnelle) et ceci jusqu’à obtention du produit final, autrement dit le projet final de reconversion :

« L’idée, c’est que vous vous mettiez dans une mécanique itérative. Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est comme pour les start-up. Ça veut dire : j’avance et si je suis dans la bonne voie, génial, je continue à avancer dans cette direction-là. Et si je coince… je ne m’acharne pas, je change, je fais un pas de côté, je bifurque, je pivote, vous l’appelez comme vous voulez » (Lise, la formatrice, lors de la dernière séance collective).

28Le vocabulaire utilisé par les formateurs fait également référence à l’influence entrepreneuriale avec ici le terme de « pivot » utilisé par la formatrice qui renvoie aux entreprises faisant évoluer leur produit à la suite de la découverte d’une inadéquation aux besoins des utilisateurs ou d’un nouveau besoin. Le programme de formation est d’ailleurs lui-même présenté comme étant en « itération constante » (François, le formateur, lors de la première séance collective).

29Au sein de ce programme, le modèle de réussite, considéré comme une bonne « piste de reconversion » et donc une adéquation au besoin, est un projet professionnel qui permet de « se réaligner » avec « ce qu’on fait, pourquoi on le fait et comment on le fait ». Encore une fois, le choix de la piste professionnelle est tourné vers des aspirations individuelles et les besoins du marché de l’emploi sont totalement occultés.

30La temporalité accélérée de la méthode itérative prônée par les fondatrices comme facteur d’une reconversion rapide et réussie : « Try fast, fail fast : il faut se lancer vite, quitte à échouer vite pour pivoter et se relancer dans un nouveau projet » (Emma, fondatrice, dans une vidéo de présentation) donne alors parfois des allures de marche forcée au programme. En conséquence, pendant la formation, certains participants regrettent des temps d’exploration trop courts pour chacune des pistes testées et d’autres semblent acculés devant l’exigence de trouver une piste dans un temps très court et cherchent à transférer des intérêts personnels dans un nouveau métier.

31Enfin la mise en récit de soi via l’exercice du pitch omniprésent dans le programme témoigne des mécanismes de conversion à l’univers des start-up. L’elevator pitch consiste pour les startupeurs à présenter et mettre en avant leur projet en un temps très court (quelques minutes en général) en vue « d’intéresser un investisseur ou un partenaire d’affaires potentiel à un projet donné, en vue de susciter le désir de s’y associer ou de le financer29 ». Cet exercice est repris et transposé à l’univers de la reconversion dans les témoignages exposés lors des soirées d’anciens qui suivent toujours la même chronologie. Un premier récit de formation initiale dans les plus prestigieux établissements scolaires, suivi d’une carrière socialement valorisée précède celui d’une sortie volontaire de la première carrière, marquée par un élément déclencheur généralement qualifié de « révélation » ou « déclic ». Cette manière de mettre en récit sa transition professionnelle est également enseignée à la fin de la formation :

« Parce que quand tu voudras parler de toi à quelqu’un, il n’aura pas nécessairement dix minutes pour t’écouter : il faudra être efficace et percutant. Plus tu sais ce que tu veux raconter de toi et plus tu auras d’impact » (courriel envoyé aux participants).

32Le pitch de son propre parcours de transition professionnelle est défini comme « l’expression la plus simple et la plus sexy de votre valeur ajoutée » par la formatrice et apparaît alors comme un élément central de la formation à la reconversion dispensée par cette start-up.

Une formation qui produit cependant des effets contrastés

33La socialisation à la reconversion telle qu’elle est observée au sein de cette formation va finalement produire des effets contrastés sur la durée. Les entretiens longitudinaux menés un an après la sortie du programme mettent en lumière une intériorisation unanime de l’entreprise de soi et de l’urgence d’une mobilité professionnelle. Cependant, les véritables reconversions professionnelles ne sont pas si nombreuses un an après la formation, preuve qu’elles se heurtent à des conditions de possibilité.

L’intériorisation unanime de l’entreprise de soi

34Les entretiens réalisés auprès d’une partie des participants un an après la fin du programme ont permis d’interroger les éventuelles transformations perçues et réalisées. Tous font état d’une capacité retrouvée ou développée à « oser », à « prendre des initiatives » et « des risques ». Pour ces cadres qui en réalité faisaient face à des difficultés professionnelles (souvent d’ordre hiérarchique) ou à des blocages de carrière, Change Together aurait « planté des graines d’audaces » (Mélodie, acheteuse), leur aurait permis de s’autoriser désormais « à sortir des cases » et à être « plus opportunistes » (Delphine, journaliste). Ils évoquent un « changement d’état d’esprit », fondé sur l’intériorisation de la croyance en des ressources intérieures et individuelles pour conduire leur changement professionnel :

« Et là tu ouvres les yeux sur le fait que non, c’est toi qui choisis en fait. C’est toi qui choisis ce que tu fais dans la vie. Tu choisis ce que tu veux en fait. Et ça, ça a changé mon rapport au monde du travail » (Leïla, ancienne responsable webmarketing, en formation au webdesign pour proposer ses services en tant qu’indépendante).

35Cela passe également selon les participants par le dépassement de certaines appréhensions sur le plan financier ou statutaire, conditions préalables associées au goût du risque entrepreneurial.

« Maintenant je me dis : “Bon je tente un truc et peu importe ce qui adviendra, je pense que c’est cool, on s’arrangera !” » (Mélodie, responsable achats, toujours en poste un an après mais avec un projet entrepreneurial en préparation).

« Ça m’a rassurée. Aujourd’hui encore, quasi un an après, je n’ai plus cette crainte-là. Je n’ai pas cette peur de qu’est-ce que je vais faire demain » (Marielle, au chômage, anciennement responsable dans la banque).

36Mais alors que pour certains, le programme semble avoir eu pour effet de redonner une vision émancipatrice et épanouissante au travail :

« Et franchement, ça a changé mon rapport au monde du travail. Ça m’a permis de voir que le travail c’était pas juste une contrainte, que c’était pas une contrainte. Ça m’a permis d’ouvrir les yeux sur le fait qu’on peut aller chercher quelque chose qui nous correspond et qui ne nous donnerait pas la sensation d’être dans un milieu… d’être là juste pour gagner de l’argent pour vivre. Non, on peut avoir une vie professionnelle épanouie en fait. Donc c’est une autre perception » (Leïla).

37Pour d’autres, il semble au contraire avoir concouru à une mise à distance du travail :

« Ce qui est certain c’est que mon boulot, c’est plus ma vie » (Cécile, blogueuse, au chômage).

38La carrière ascensionnelle est également mise en retrait au profit d’une carrière nomade centrée sur une multiplication des expériences sans forcément impliquer de progression hiérarchique ou salariale :

« Je trouve que le monde du travail, c’est juste que ça permet à une personne de découvrir, de se développer et pas forcément de monter dans le sens où là par exemple je réalise de plus en plus que le management, c’est pas quelque chose qui va me botter » (Angélique, chef de projet, a changé d’entreprise au moment de la réinterrogation).

39Le discours de remise en cause de la centralité du travail et des critères de réussite professionnelle distillé pendant le programme, aussi parce qu’il s’est inscrit dans un contexte de difficultés professionnelles et est associé à un travail de « reconnexion à soi » notamment à travers le développement d’activités extraprofessionnelles, semble avoir produit des formes de mises en retrait du travail chez certains participants.

40On observe par ailleurs un rapport plus individualiste et utilitariste à l’égard de leur entreprise pour ceux qui sont restés salariés. Ainsi Delphine, qui avait initialement demandé une rupture conventionnelle à la sortie du programme, s’est finalement rétractée ensuite et est donc toujours au même poste au moment de l’interrogation. Elle affirme être « moins naïve » et avoir changé d’« état d’esprit » :

« Ouais, j’ai le même poste. En revanche, moi, je me suis autorisé une liberté beaucoup plus grande et je suis beaucoup plus pushy en interne parce que je sais que de toute façon, ils savent très bien quelles sont mes envies, mes aspirations et que je suis prête à partir si ça se réalise pas en interne » (Delphine, journaliste).

Une concrétisation très différenciée des projets de reconversion

L’intériorisation générale de l’urgence d’une mobilité professionnelle mais pas nécessairement d’une reconversion…

41Un an après leur participation au programme de formation, la consultation des réseaux professionnels des participants permet de constater qu’ils sont un peu plus d’un tiers à avoir entrepris des projets de reconversion (un changement de domaine et de métier simultanés). Ainsi les effets du programme sur de véritables reconversions professionnelles semblent relativement limités. En revanche, si l’on adopte une définition plus large du changement professionnel, telle qu’elle est utilisée dans le programme, en prenant en compte les reconversions mais aussi les changements de statuts, d’entreprises et de postes au sein d’une même organisation, ils sont 29 sur 36 à avoir opéré une bifurcation à l’issue du programme.

42Les entretiens réalisés a posteriori avec la moitié des participants permettent ensuite d’affiner ce premier constat. Seize personnes sur les 17 réinterrogées un an après ont opéré un changement professionnel30, malgré la situation de pandémie31. Dans le détail, cinq participants ont négocié une rupture conventionnelle et ont quitté leur entreprise avec des projets plus ou moins aboutis un an après, cinq autres ont changé d’entreprise et conservé des métiers similaires, trois ont changé de poste au sein de leur entreprise. Par ailleurs, trois personnes qui avaient déjà quitté leur emploi avant de participer au programme sont entrées en formation (dans le webdesign, dans le domaine de la création céramique et dans le coaching). Ainsi la rhétorique du changement et l’urgence de la reprise en main individuelle du parcours prônées par le programme Change Together semblent avoir trouvé un écho favorable dans des contextes professionnels contrariés et produire des effets sur les parcours individuels. On constate toutefois que seules sept personnes se sont engagées dans une véritable reconversion professionnelle32.

43Le discours emphatique sur le travail indépendant semble également avoir participé à infléchir certaines trajectoires puisqu’ils sont sept à avoir poursuivi ou continué à envisager un projet d’activité indépendante. L’objectif de travailler pour soi, plus que celui d’être un véritable chef d’entreprise d’ailleurs, semble ainsi avoir perduré chez une partie des participants de la promotion.

44Enfin, pour ceux qui ont quitté leur emploi à l’issue du programme (un tiers des personnes réinterrogées), l’idéal de transition prôné par Change Together, qui implique une sortie « par le haut » de l’entreprise employeuse avec une rupture conventionnelle, semble avoir été fortement intériorisé. Ce mode de sortie a en effet été affiché tout au long de la formation comme une bonne pratique et ressort dans les entretiens comme l’unique voie envisageable. En ce sens, le programme qui proposait des séances complémentaires, animées par un avocat spécialisé, pour « apprendre à négocier une rupture conventionnelle », fait écho au constat de l’obtention d’indemnités de ruptures conventionnelles plus élevées chez les cadres33. Cette sortie par le haut permet ainsi aux participants non seulement dans la plupart des cas de toucher une compensation financière de la part de l’ancienne entreprise mais ouvre également des droits à l’assurance chômage qui leur permettent de vivre leur transition de manière relativement sereine, du moins sur le plan financier.

45De plus, en cas d’échec les diplômes et expériences acquis agissent comme un filet de sécurité, comme l’exprime Delphine lors d’une discussion avec une autre participante :

« Et puis, vu mon parcours de toute façon, je ne serai jamais contrainte, je sais pas moi, à aller faire du ménage ou… même si je respecte tout à fait ça ! » (Delphine, journaliste).

46Au cours de la formation, la « gestion financière » de la transition professionnelle est par ailleurs traitée davantage comme un travail d’optimisation des ressources que dans l’optique d’une réelle baisse de niveau de vie :

« En fait [une reconversion] c’est un projet… et un projet, y’a un budget et un budget ça se gère… y’a toujours des manières d’augmenter les ressources et de diminuer les coûts… il faut objectiver tout ça… Il faut faire l’inventaire des revenus additionnels que je pourrais générer… faire du free-lance, aller donner des cours dans son ancienne école… chez Change Together… mettre son appartement sur AirBnB quand on part en vacances… » (Lise, la formatrice).

47Un an après, ils sont plusieurs à évoquer notamment des projets de multi-activités et se présentent comme slashers34, avec généralement une première activité professionnelle dans la continuité du domaine de compétences de la première carrière mais en l’exerçant comme free-lance, combinée avec une seconde activité moins rémunératrice (coaching, animation d’une communauté sur le Web…) mais présentée comme une passion. Allier passion et sécurité financière en multipliant les activités et parfois même les statuts est ainsi affiché comme une nouvelle manière de penser le travail.

48La rhétorique de la nécessité du changement professionnel, plus que celle d’une véritable reconversion, la valorisation du travail indépendant et des modes de sorties « par le haut », parce qu’ils s’appuient aussi sur des conditions de possibilités, semblent donc avoir produit leurs effets sur la grande majorité des participants.

… mais avec des appropriations différenciées de la méthode et des effets contextuels sur les concrétisations

49Il ressort cependant des entretiens que l’intériorisation de la méthode entrepreneuriale appliquée à la reconversion se fait tout d’abord plus difficilement pour certains participants que d’autres. Pour les quelques participants dont l’univers professionnel et la socialisation les tiennent plus éloignés du monde économique et de l’application des méthodes entrepreneuriales dont le programme se réclame, l’appropriation des outils ne va pas de soi. Si aucune question n’est jamais posée durant les formations, notamment sur les concepts et anglicismes issus du monde économique, nous avons observé un malaise chez certaines participantes non cadres et/ou éloignées de l’univers de la start-up. Elles semblaient se mettre de plus en plus en retrait au fur et à mesure de l’avancée de la formation, quitte même à abandonner comme ce fut le cas pour quatre participantes, dont une travaillait dans le milieu du cinéma, une était styliste et une autre était conseillère dans une agence immobilière (la quatrième ayant abandonné suite à un décès familial). Les entretiens conduits un an après la formation ont par ailleurs mis en lumière le désajustement de deux participantes aux méthodes de reconversion promues par Change Together. Delphine, qui est journaliste pour une chaîne de télévision, associe le programme au monde de la « start-up nation » qui la « rebutait » un peu au début car il ne « correspond pas à son univers ». Candice, diplômée en sciences politiques, est par ailleurs très critique vis-à-vis de la formation et affirme ne pas avoir adhéré aux outils trop « marketés » de ce programme de reconversion « New Age ». A contrario, Dorian qui a toujours évolué dans le milieu de la « tech » ou Bénédicte, qui travaille dans une start-up, se sentent eux totalement ajustés à la méthode de formation délivrée.

« Honnêtement, tous les éléments philosophi… enfin non je vais pas dire philosophiques mais… tous les concepts évoqués par Change Together, franchement, je les avais. C’était absolument pas contradictoire avec… » (Dorian, Directeur innovation devenu entrepreneur).

« Ce qui m’a aussi accroché chez Change Together, c’est que la façon de travailler est quand même très similaire à la façon de travailler dans mon secteur aussi » (Bénédicte, chef de projet dans une start-up).

50Si la norme de l’entreprise de soi apparaît unanimement intériorisée, la pratique de la reconversion telle qu’elle est prônée et enseignée dans ce programme semble être appropriée différemment selon le degré d’éloignement des socialisations scolaires et professionnelles à l’univers de l’entrepreneuriat et des start-up. Le programme qui annonce pourtant être ouvert à « des profils de tous les horizons professionnels35 » semble en réalité mieux adapté à de jeunes cadres d’entreprises privées déjà socialisés au monde économique et à l’univers entrepreneurial des start-up.

51Par ailleurs, si des modes de sorties avantageux et la sécurité financière semblent être relativement assurés pour les participants du programme, d’autres dimensions affectent la réalisation des projets mais aussi les types de reconversions choisies. Un « engagement total » dans la formation est exigé au mépris des contraintes personnelles et notamment familiales. Les participants, qui sont en outre surtout des femmes, doivent être présents aux séances de formation à des heures tardives, ce qui a imposé à Catherine, mère célibataire, d’employer une baby-sitter et de partir avant la fin des séances à plusieurs reprises. Ainsi la participation des femmes à la formation, comme cela est le cas pour la formation continue de manière générale, est affectée par la présence d’enfants dans le foyer et exige des réorganisations qui peuvent se révéler coûteuses36. Elles doivent également consacrer au moins trente minutes par jour à des exercices, ce qui peut s’avérer difficile pour des mères de famille comme en témoigne Marie-Cécile qui était en congé maternité au moment de la formation :

« Après, j’ai pas mal culpabilisé en fait […] parce que j’ai vraiment eu du mal à le faire à fond. Il y a beaucoup d’exercices que j’ai faits à moitié parce qu’en fait j’avais quand même vraiment du mal à les faire. À l’époque mon fils n’allait pas encore à la crèche, donc j’avais mon nourrisson avec moi à temps complet. Et en fait y’avait des exercices qui nécessitaient vraiment de pouvoir se poser deux heures un peu au calme, ce qui n’est pas possible avec un nourrisson. Donc ça a été un peu un regret […]. Parce que du coup, j’ai eu un petit peu un goût d’inachevé à la fin […]. Au début, j’y arrivais à peu près, les exercices étaient assez simples. Mais j’ai trouvé qu’au fur et à mesure qu’on devait aller un peu plus dans on mélange des trucs, etc., j’étais un peu larguée » (Marie-Cécile, au chômage un an après).

52Outre la difficulté à trouver du temps chez soi pour réaliser les exercices, la participation aux séances collectives suppose des aménagements conséquents du temps hors travail. Les mères de famille, souvent en charge d’une double journée de travail si l’on intègre le travail domestique, éprouvent donc plus de difficultés que les autres à suivre la formation.

53Par ailleurs, contrairement aux discours de la formatrice, qui associe l’idée selon laquelle « dans les start-up on ne veut pas de nous si on a plus de 30 ans » et que « passé 45 ans c’est impossible de switcher », à une « croyance limitante », nos entretiens font apparaître que la variable d’âge influence grandement les bifurcations chez ces cadres.

54L’éviction du marché du travail dans l’équation de la reconversion est questionnée par les participants les plus âgés. Amine, qui a 40 ans, estime en effet que le « marché du travail », autrement dit les recruteurs, lui pardonnerait plus difficilement une reconversion ratée que s’il avait dix ans de moins :

« La plupart des gens qui s’inscrivent à Change Together sont dans la petite trentaine, entre 30 et 34 ans on va dire, donc après cinq à sept ans d’expérience professionnelle. C’est encore tôt pour faire un move professionnel un peu radical donc y’avait pas mal de gens qui ont ouvert l’univers des possibilités professionnelles grâce à ce programme. Et ces profils-là sont toujours attractifs. On leur donne encore une chance sur le marché de l’emploi pour changer de voie. Quand on arrive à 40 ans, quand on a quinze ans d’expérience professionnelle, avec une trajectoire assez linéaire, c’est un peu plus difficile. Je dis pas que c’est impossible mais c’est plus difficile, voilà » (Amine anciennement consultant et désormais directeur du développement dans une entreprise de microfinance).

55La prise de risque lui semblant plus grande, il s’est finalement résolu à changer d’entreprise plutôt qu’à se reconvertir.

56On constate également des effets de genre sur les projets de transition. Alors que sur les cinq hommes ayant participé au programme, quatre ont poursuivi un projet entrepreneurial à l’issue du programme, les participantes ont eu davantage tendance à se regrouper autour d’intérêts liés à la maternité, l’éducation, la parentalité, du coaching et des métiers du care en général. À l’issue de la dernière séance, les participants devaient se regrouper en fonction de la proximité sectoriel ou de métier de leur projets de reconversion. Deux groupes composés exclusivement de femmes se sont ainsi formés. L’un correspondait aux « Mompreneurs » étudiées par Julie Landour37 et regroupait cinq femmes qui souhaitaient entreprendre autour des questions de maternité et d’éducation. L’autre était également composé de cinq femmes, qui désiraient se reconvertir dans les métiers de l’accompagnement, principalement dans le coaching.

57Par ailleurs certains projets entrepreneuriaux féminins semblent être envisagés seulement de manière temporaire, notamment tant que les allocations-chômage sont versées. Ainsi, Cécile et Marie-Cécile, qui se consacrent respectivement à l’animation d’une communauté autour de la parentalité sur les réseaux sociaux et à la pratique du violon, avouent envisager un retour au statut salarié dans leur métier précédent. Les effets du programme semblent ainsi circonscrits à certains moments propices dans les parcours individuels. Dans les deux cas cités plus haut, les reconversions s’inscrivent à la fois dans des contextes de maternité et se déploient le temps de la perception d’une allocation-chômage.

58Les entretiens ont enfin permis de mettre en lumière la dimension temporelle et sociale des reconversions qui s’inscrivent dans des parcours de vie. Ainsi, le contexte et la temporalité dans lesquels la formation a été suivie semblent exercer une influence sur ses effets. Les cadres interrogés estiment in fine que le programme est davantage adapté à des personnes ayant déjà une idée de projet de reconversion ou disposant de beaucoup de temps devant elles. Ainsi Cécile, qui disposait de deux ans et demi au moment de sa participation au programme pour élaborer son projet de reconversion (puisqu’il lui restait six mois d’exercice dans son entreprise avant la mise en œuvre de la rupture conventionnelle qu’elle venait de négocier et deux années d’allocations-chômage), affirme qu’elle aurait livré un bilan plus mitigé du programme si son « enjeu » avait été « d’ouvrir sa boîte au premier janvier » (le programme ayant pris fin en décembre). Elle a en effet terminé le programme avec la certitude qu’elle avait « bien fait » de quitter son entreprise, mais sans véritable projet professionnel.

59S’il est en outre totalement absent des discours des formateurs, l’entourage joue cependant un rôle dans les reconversions observées. Ce dernier peut en effet parfois freiner certaines bifurcations. Portée par la « dynamique de groupe », Elsa nous a raconté avoir « pitché » son projet de reconversion dans le domaine de la pâtisserie auprès de son mari (cadre dans la finance) à l’issue du programme. Celui-ci l’aurait alors convaincue de l’abandonner car non viable financièrement. Dans d’autres cas, comme celui de Dorian, l’entourage (ici la femme et les enfants) peut avoir au contraire favorisé la participation au programme et encouragé ensuite le changement professionnel. Pour Mélodie, la mutation de son conjoint à Lyon est présentée comme un élément ayant accentué sa volonté de créer une entreprise de construction de « tiny houses ».

60Pour d’autres participants, des événements personnels sont venus bouleverser leurs plans, comme Antoine qui est devenu père et a choisi de repousser son projet de franchise dans la restauration. Le conjoint d’une participante a déclaré une maladie de longue durée à l’issue du programme, la contraignant à envisager désormais de retourner à son ancienne carrière dans la communication. Et Adeline, dont le mari vient d’être licencié, a choisi de changer d’entreprise dans un premier temps à défaut d’entamer une véritable reconversion professionnelle comme elle le souhaitait initialement. Les récits recueillis une année après la participation au programme Change Together confirment donc le rôle central des événements et de l’entourage dans les parcours38. S’ils ont pu agir comme des déclencheurs en amont du programme, certains événements vont au contraire inhiber les projets de transitions à l’issue de la formation. Des propositions de changements de postes au sein de leurs entreprises respectives ont par exemple mis fin aux projets entrepreneuriaux d’Elsa et Mélodie.

Conclusion

61Le programme de formation que nous avons observé représente une socialisation de renforcement des normes de la carrière nomade en promouvant l’entreprise de soi et la mobilité professionnelle comme des solutions immédiates aux difficultés professionnelles rencontrées par les cadres. Par ailleurs, le paradigme de l’adéquation entre l’emploi et les aspirations individuelles défendu par le programme trouve un écho particulièrement favorable chez des populations en position très avantagée sur le marché de l’emploi et déjà exposées au courant du développement personnel, notamment au sein de leurs organisations. On constate cependant, grâce au suivi longitudinal des participants, que toutes et tous ne réalisent pas de reconversion professionnelle à l’issue de leur participation. En effet, la population des participants étant certes très homogène, on observe tout de même que lorsque la socialisation s’apparente plus à une conversion qu’à un renforcement, ses effets restent limités. Par ailleurs, l’âge, le genre, la temporalité de la participation au programme, l’entourage et des événements ayant parfois lieu dans d’autres sphères de l’existence, sont autant de variables qui semblent avoir influencé les trajectoires à l’issue de la formation. Apprendre à « se réinventer », même pour des cadres disposant de ressources économiques et relationnelles importantes, ne semble pas toujours suffire pour impulser un véritable changement de trajectoire professionnelle.

62Nous avons par ailleurs constaté que les reconversions professionnelles s’appuyaient chez les cadres que nous avons interrogés sur des dispositifs institutionnels, à l’instar des startupeurs observés par Marion Flécher39, à savoir dans notre cas la rupture conventionnelle. Cette dernière, ouvrant notamment des droits à des allocations-chômage durant deux ans, permet de poursuivre des projets professionnels qui ne semblent pas forcément toujours viables sur la durée, notamment sur le plan financier. Dans la continuité de notre analyse de la reconversion comme le produit d’une rencontre entre des socialisations, des contextes et des conditions de possibilité, il serait alors pertinent de poursuivre l’analyse longitudinale après les deux années couvertes par l’allocation-chômage afin de constater si la reconfiguration d’une des conditions de possibilité des reconversions les plus radicales ou entrepreneuriales remet en cause les effets durables du programme de formation.

Notes de bas de page

1Quelques exemples de titres parus dans la presse ces dernières années : « “Ça en vaut tellement la peine” : ils racontent leur reconversion professionnelle », Le Parisien, 17 janvier 2023 ; « Ex-cadre en marketing, je suis devenu le premier producteur de fromage du 93 », Les Échos, 22 octobre 2021.

2Donnée issue d’un questionnaire administré, dans le cadre d’une recherche doctorale, auprès de 284 anciens cadres diplômés d’école de commerce ou d’ingénieurs reconvertis.

3Mazade Olivier, 2003, Reconversion des salariés et plans sociaux, Paris, L’Harmattan.

4Henni Azdine, 2005, « Quand la recherche d’emploi devient une compétence », Formation emploi, no 92, p. 51-64.

5Pochic Sophie, 2007, « Développer la recrutabilité. L’autre versant des transitions professionnelles », Cadres CFDT, Paris, Union confédérale des ingénieurs et cadres, p. 27-34.

6Gonnet Aurélie, 2020, Des orientations au travail. Une sociologie de la construction sociale des parcours, des expériences et des qualités professionnelles dans le cadre du bilan de compétences, thèse de doctorat en sociologie, HESAM Université.

7Salman Scarlett, 2021, Aux bons soins du capitalisme. Le coaching en entreprise, Paris, Presses de Sciences Po ; Stevens Hélène, 2005, Entre désenchantement social et réenchantement subjectif, le développement personnel dans l’entreprise, thèse de doctorat en sociologie, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.

8Jourdain Anne, 2024, « Faire de l’accompagnement un business : la multiplication des formes du coaching en reconversion professionnelle », in Aurélie Gonnet, Léa Lima, Pierre Carloni, Ludivine Le Gros, Murielle Matus et Carole Tuchszirer, L’accompagnement des transitions professionnelles : un monde en soi ? Institutions, métiers, expériences, Buenos Aires, Teseo, [https://www.teseopress.com/laccompagnementdestransitionsprofessionnelles/chapter/faire-de-laccompagnement-un-business-la-multiplication/], consulté le 19 mai 2025.

9Flécher Marion, 2019, « Des inégalités d’accès aux inégalités de succès : enquête sur les fondateurs et fondatrices de start-up », Travail et emploi, no 159, p. 39-68. Créées par d’anciens diplômés d’écoles de commerce, on compte aujourd’hui deux start-up principales dans le domaine de l’accompagnement aux transitions professionnelles. L’une se réclame de la psytech et a levé 12 millions d’euros pour se développer en février 2022. L’autre a été rachetée en 2020 par un ancien incubateur de start-up qui s’est depuis spécialisé dans la formation professionnelle.

10Mentionné sur la brochure du programme.

11Anglicisme à partir du verbe switch en anglais, qui signifie changer.

12Discours de l’une des fondatrices du programme, envoyé aux participants au début de la formation.

13Darmon Muriel, Pichonnaz David et Toffel Kévin, 2018, « La socialisation secondaire ne s’exerce pas sur une page blanche mais sur une page déjà écrite et déjà froissée par les expériences antérieures : entretien avec Muriel Darmon », Émulations. Revue de sciences sociales, no 25, p. 116-121.

14Zimmermann Bénédicte, 2011, Ce que travailler veut dire. Une sociologie des capacités et des parcours professionnels, Paris, Economica.

15Dany Françoise, 2004, « La théorie des carrières : d’où venons-nous et où allons-nous », in Sylvie Guerrero, Jean-Luc Cerdin et Alain Roger (dir.), La gestion des carrières. Enjeux et perspectives, Paris, Vuibert, p. 335-349.

16Abdelnour Sarah et Lambert Anne, 2014, « “L’entreprise de soi”, un nouveau mode de gestion politique des classes populaires ? », Genèses, vol. 95, no 2, p. 27-48.

17Cadin Loïc, Bender Anne-Françoise et Saint-Giniez Véronique de, 2003, Carrières nomades : les enseignements d’une comparaison internationale, Paris, Vuibert.

18Le Gros Ludivine, 2024, Bifurquer sans trop changer. Les reconversions professionnelles volontaires parmi les élites managériales au prisme de la socialisation, thèse de doctorat en sociologie du travail, Paris, Conservatoire national des arts et métiers.

19Darmon Muriel, 2015, Classes préparatoires. La fabrique d’une jeunesse dominante, Paris, La Découverte.

20Propos issus du site Internet de l’entreprise Change Together.

21Bourdieu Pierre, 2016, Les structures sociales de l’économie, Paris, Éditions du Seuil.

22Dont la définition reste très large tout au long du programme puisqu’il peut aussi bien s’agir d’un changement de statut (forme la plus valorisée dans cette formation), que d’un changement de domaine ou de métier, qu’ils soient simultanés ou non.

23Stevens Hélène, 2008, « Quand le psychologique prend le pas sur le social pour comprendre et conduire des changements professionnels », Sociologies pratiques, no 2, p. 1-11.

24Salman Scarlett, 2021, Aux bons soins du capitalisme, op. cit., p. 257.

25Marquis Nicolas, 2014, Du bien-être au marché du malaise. La société du développement personnel, Paris, Presses universitaires de France, p. 187.

26Mazade Olivier, 2004, « Passé professionnel et reconversions : le reclassement des mineurs du Nord-Pas-de-Calais », Formation emploi, no 85, p. 41-55.

27Darmon Muriel, 2011, La socialisation, Paris, Armand Colin.

28Brown Tim, 2010, L’esprit design. Le design thinking change l’entreprise et la stratégie, Paris, Pearson Éducation France.

29Frances Jean et Le Lay Stéphane, 2020, « Docteurs, Pitches et ascenseurs : l’étrange recette du concours Ma thèse en 180 secondes® », Savoir/Agir, no 51, p. 51-58.

30À noter que la seule personne qui n’a pas réalisé de changement professionnel avait négocié une rupture conventionnelle auprès de son entreprise mais qu’elle avait demandé son annulation à l’issue du premier confinement de mars 2020.

31Les entretiens ont été réalisés entre novembre et décembre 2020.

32Au sens de Sophie Denave, impliquant une formation et un changement simultané de domaine et de métier (Denave Sophie, 2015, Reconstruire sa vie professionnelle. Sociologie des bifurcations biographiques, Paris, Presses universitaires de France).

33Bouvier Anthony, 2018, Dares Analyses, no 006 : « Quels salariés parviennent à négocier leur indemnité de rupture conventionnelle ? ».

34Le terme a été introduit par une journaliste américaine en 2007 pour définir la multiactivité comme un nouveau « style de vie ».

35Site Internet de Change Together.

36Fournier Christine et Sigot Jean-Claude, 2009, Céreq-Bref, no 262 : « Concilier vie familiale et formation continue, une affaire de femmes ».

37Landour Julie, 2020, Sociologie des Mompreneurs : entreprendre pour concilier travail et famille, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion.

38Négroni Catherine, 2007, Reconversion professionnelle volontaire, Paris, Armand Colin.

39Flécher Marion, 2023, « Des cadres en quête de prestige. L’engagement entrepreneurial des créateurs et créatrices de start-up », Formation emploi, no 161, p. 83-102.


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