Les ruses de la raison adéquationniste

Quels dispositifs de formation continue pour « choisir son avenir professionnel » ?

Emmanuel de Lescure

p. 19-40


Texte intégral

1Dans son discours du 11 juin 2018, alors qu’elle présentait son projet de loi à l’Assemblée nationale, Muriel Pénicaud1, ministre du Travail, définissait les objectifs de la réforme de la formation qu’elle était sur le point d’engager. Selon elle, il fallait sortir de la « résignation » qui maintenait l’apprentissage dans une « logique malthusienne » et libérer le système de formation professionnelle de la « complexité sédimentée » qui l’avait rendu « injuste et qui ne permet[ait] plus la promotion sociale », faire en sorte que les hommes et les femmes n’aient plus à « abandonner leur projet d’évolution ou de reconversion professionnelle en raison du parcours du combattant et de l’ampleur des sacrifices à endurer pour le concrétiser ». La réforme devait permettre de renouer avec « notre promesse républicaine d’émancipation sociale » par « un accès plus simple, plus rapide, plus vaste, et plus juste à l’atout majeur du xxie siècle : les compétences » car ces compétences constituent « la protection sociale active du xxie siècle ».

2Après le vote de la loi le 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », dont le Titre premier appelle à instaurer « une nouvelle société de compétences », ce terme sera décliné à tous les niveaux du système français de formation continue : dans les entreprises, la « gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » (Gpec) et le « plan de formation » seront remplacés par le « plan de développement des compétences », les demandeurs et demandeuses d’emploi pourront bénéficier du « plan d’investissement dans les compétences » (Pic) et un « parcours emploi compétences » (Pec) sera proposé à celles et ceux qui « rencontrent des difficultés particulières d’insertion » ; de même, des « opérateurs de compétences » (Opco) se substitueront aux « organismes paritaires collecteurs agréés » (Opca) et l’ensemble de la politique de formation professionnelle sera coordonné par un établissement public à caractère administratif dénommé France Compétences. Ce mouvement concernera également l’Europe : les 27 États membres de l’Union européenne ont consacré l’année 2023 « année européenne des compétences » et adopté les objectifs sociaux de la stratégie « Europe 2030 » selon lesquels, chaque année, 60 % des adultes doivent participer à des actions de formation2.

3Ainsi, en dépit de sa polysémie – à moins que ce ne soit grâce à elle3 ? –, la notion de compétence apparaît dorénavant comme le maître mot des questions de formation. Cette conception n’est pourtant pas totalement nouvelle et s’inscrit dans un long mouvement de transformation. La « bataille de la compétence » évoquée par la ministre dans son discours était vieille d’au moins trente-trois années au moment où elle l’a prononcé, l’expression ayant servi de titre à un ouvrage publié en 1985 sous l’égide de la Cégos4, l’un des plus importants organismes privés français de formation continue. L’idée que les compétences doivent être au cœur des objectifs de la formation, initiale et continue, est elle-même débattue depuis plusieurs décennies5 et s’est imposée dans le monde du travail à partir des années 19906, notamment avec l’organisation par le Conseil national du patronat français (CNPF)7 des « journées internationales de la formation » les 7 et 8 octobre 1998 à Deauville sous le titre « objectif compétences8 ». Toutefois, l’adoption uniforme de cette terminologie à partir de 2018 signe vraisemblablement une nouvelle étape dans ce long processus qui l’oppose aux savoirs, aux diplômes et à la qualification9 et constitue sans doute un succès de plus de la « logique compétence » ou de « l’approche par compétences » sur les autres manières d’appréhender les rapports entre travail et formation.

4L’originalité de la loi du 5 septembre 2018 réside moins dans le fait d’avoir placé la notion de compétence au cœur de sa conception que dans son association avec d’autres termes et la définition de la formation que cela implique. Dans cette perspective, non seulement la compétence protégerait mais elle serait aussi un facteur puissant d’évolution professionnelle. Ainsi, selon la ministre, la formation, lieu privilégié d’obtention des compétences, devient « la clé pour avoir une progression de carrière, changer de métier, anticiper, bénéficier de nouvelles opportunités d’emploi » et « un levier d’émancipation sociale et de performance collective10 ». Pour elle, les nouveaux droits instaurés par la loi de 2018 seront des droits « concrets, facilement mobilisables, et adaptés à notre temps, capables de constituer une véritable protection professionnelle, universelle, simple et efficace, au service de l’émancipation individuelle et collective11 », ils permettront aux personnes de « choisir leur vie professionnelle tout au long de leur carrière ». L’accès à la formation sera « facilité » « autour des initiatives et des besoins des personnes, dans un souci d’équité, de liberté professionnelle », et dans le même temps l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs salariés sera « renforcé12 ». Ajoutons que, comme le précise la plaquette publiée par le ministère du Travail pour promouvoir la loi, cela se fera « quelle que soit sa [du salarié] situation de départ » et tout en « rend[ant] réelle l’égalité entre les hommes et les femmes dans les entreprises13 ».

5Voilà compétences et formations dotées de bien des vertus. Nous souhaitons examiner ici la capacité de la formation continue à répondre à des objectifs d’une telle envergure. Peut-on prendre la ministre et le législateur au mot ? Même avec un accès « sans intermédiaires », en misant « sur la transparence […] la capacité de chacun à décider pour soi » et en prenant en compte la « satisfaction des utilisateurs14 », assigner à la formation de tels objectifs ne lui confère-t-il pas un pouvoir qui dépasse de beaucoup ses capacités réelles ? Les liens entre formation continue et carrière sont pourtant loin d’aller de soi. Si, en France, la formation initiale via le système éducatif joue le rôle de grande distributrice des individus dans les places de l’espace social, ce n’est pas le cas de la formation continue, même depuis qu’elle relève de la formation tout au long de la vie. Les rapports entre formation continue et allocation des positions professionnelles sont moins univoques que l’intitulé de la loi et les discours de la ministre ne le laissent entendre15. À l’examen, l’intention promotionnelle apparaît ancienne mais peu efficiente (première partie), nous nous attacherons alors ici à relever la manière dont les dispositifs successifs ont cherché à mobiliser les individus pour les rendre « acteurs de leur formation professionnelle », en particulier par le biais du compte personnel de formation (CPF), ce qui nous permettra d’analyser les effets de cette orientation sur les inégalités face à la formation (deuxième partie). Nous nous intéresserons ensuite aux discours publics récents sur les dispositifs de reconversion qui sont appelés à contribuer à satisfaire les besoins collectifs et résoudre le problème des « emplois non pourvus » suite aux crises sanitaire et écologique (troisième partie).

Formation continue et promotion sociale : un même domaine ?

Des synonymes

6La formation postscolaire a été de longue date définie comme une instance de promotion. Déjà en 1948, elle devait donner corps au droit à la culture et à la formation professionnelle que le Préambule de la Constitution de 1946 avait institué. Les cours du soir et du samedi de la « promotion du travail » et la « promotion supérieure du travail », à l’instar de ceux du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), formaient des univers de consolation et voulaient représenter une deuxième chance pour celles et ceux qui n’avaient pu profiter d’une scolarité satisfaisante16. Ils furent renforcés par la création en 1952 des centres régionaux du Cnam et la mise en place en 1956 de l’examen spécial d’entrée à l’université (Eseu) pour les non-bacheliers17. La loi de 1959 conçue par Michel Debré, l’artisan de la Constitution de 1958 et le premier Premier ministre de la Ve République, signifiait ce lien dès son titre puisque cette loi était prudemment nommée « loi relative à diverses dispositions tendant à la promotion sociale ». Par la modestie de son intitulé18, cette loi affirmait un objectif mais sans prétendre l’atteindre complètement. La promotion sociale apparaissait à cette période comme un synonyme de ce que l’on nomme aujourd’hui, dans un sens assez large « formation continue ». Guy Thuillier, l’auteur en 1966 du « Que sais-je ? » qui lui est consacré, ira jusqu’à affirmer que la promotion sociale

« embrasse tout ce qui concerne l’éducation des adultes. Elle concerne à la fois le technicien qui veut devenir ingénieur […], le fonctionnaire ou l’employé qui cherche à s’élever dans la hiérarchie, l’ouvrier dont l’entreprise va fermer ses portes et qui doit changer de métier, le paysan qui abandonne la terre pour l’usine, le syndicaliste qui entend exercer pleinement ses responsabilités : formation des adultes à tous les niveaux, du CAP au doctorat, “passerelles”, “recyclage”, reconversion, toutes ces actions relèvent de la promotion19 ».

7La définition admise par l’administration est un peu plus restrictive mais elle n’en comprend pas moins un large spectre :

« Doit être considérée comme action de promotion sociale toute action de formation ou de perfectionnement, de quelque nature qu’elle soit, à quelque niveau qu’elle se situe, dès lors qu’elle s’adresse à une personne déjà engagée dans la vie professionnelle et qui contribue à un avancement dans l’échelle sociale20. »

8Cette proximité se retrouve dans les appellations administratives. Au sein de l’État, la formation relève de la compétence de la Délégation générale à la promotion sociale (DGPS), créée en 1961. Elle sera associée à la formation lors de la création du Fonds de la formation professionnelle et de la promotion sociale (FFPPS)21 par la loi du 3 décembre 1966, elle aussi initiée par Michel Debré.

9Selon Noël Terrot22, la loi de 1959 revêtait de fait une double finalité. D’une part, elle visait à produire la main-d’œuvre qualifiée requise par un système productif en pleine expansion et dont les employeurs regrettaient la rareté mais, d’autre part, combinée à la politique d’intéressement des salariés, elle constituait aussi une réponse politique à la doctrine de la lutte des classes que portait alors le Parti communiste français23. La première devait montrer l’existence d’intérêts partagés entre actionnaires et salariés et la seconde la possibilité de mobilité entre classes sociales en fonction des mérites individuels.

10De fait, les trente années de l’après-guerre que Jean Fourastié qualifia a posteriori de « glorieuses24 » ont été le théâtre d’une importante mobilité sociale ascendante :

« Il y a des places à prendre à l’époque et nombreux sont les salariés prêts à le faire, car cette attente est riche de l’héritage qu’a laissé chez eux la diffusion depuis près d’un siècle de l’idéologie du mérite par l’école laïque25. »

11Par rapport au début du xxe siècle, la durée de scolarisation s’est en effet étendue et ce mouvement se prolongera jusqu’au xxie siècle mais la population active est restée peu diplômée. En 1954, 87 % des actifs et actives n’ont aucun diplôme26. Si la part des cadres s’élève alors à 8 %, elle atteindra plus de 18 % dès 197527. Durant la deuxième moitié du xxe siècle, la structure de la population active se trouve bouleversée par la chute continue du nombre d’exploitants agricoles et par l’explosion du nombre d’employés, de professions intermédiaires (ensemble auparavant nommé « cadres moyens » par l’Insee) et de cadres. La baisse de la proportion d’ouvriers interviendra ensuite, pendant le dernier quart du siècle, marqué par la désindustrialisation. Dans ce contexte, la mise en place d’un système de formation pendant la vie active est propre à satisfaire les ambitions professionnelles des salariés, qu’on le nomme « perfectionnement » ou « promotion sociale ». Les résultats de la grande enquête conduite à la fin des années 1960 par Claude et Michelle Durand auprès de salariés de l’industrie de plusieurs secteurs montrent clairement que, chez les salariés, l’objectif promotionnel est bien le mobile principal du recours à la formation :

« On se forme généralement en vue d’une promotion, et l’activité de formation est d’autant plus fréquente qu’existent simultanément des possibilités de promotion et que la formation est perçue comme le moyen de monter28. »

12Formation et promotion peuvent être d’autant plus associées que les conditions sociales des salariés semblent s’améliorer. Non seulement le salaire ouvrier croît sensiblement (le salaire net moyen des ouvriers progresse de 230 % entre 1946 et 197629), mais le salaire d’embauche des jeunes est supérieur à celui qu’ont connu ceux et celles qui les ont précédés30. Ce régime salarial donne une confiance en l’avenir et porte à croire en la capacité de la formation à offrir de meilleures conditions d’existence.

Une formation réservée à une infime partie de la population active

13Pourtant, les politiques de formation resteront relativement malthusiennes. Au sujet de la formation en entreprise dans les années 1950 et 1960, François Ceyrac, ancien président du CNPF, déclarait : « La formation, c’était le désert de Gobie31 ! » La formation, alors souvent dénommée perfectionnement, était bien utilisée pour sélectionner et fidéliser la main-d’œuvre ouvrière, mais elle restait l’apanage d’une élite soigneusement choisie et destinée à alimenter les marchés du travail internes des grandes entreprises. Il s’agissait alors à la fois d’accompagner la « rationalisation de la production32 » et de s’attacher une petite part des salariés (en l’occurrence en majorité des hommes33) que l’on jugeait particulièrement aptes34. Même dans un contexte économique singulièrement favorable, les formations à visée promotionnelle n’ont finalement concerné qu’une part assez faible de la population active.

14En 1958, les auditeurs et auditrices de la promotion du travail n’étaient que 85 00035. Comme l’explique Catherine Vincent, « la volonté de promotion sociale ou d’élévation du niveau culturel reste un affichage, faute de dispositif concret pour la porter36 ». Mal financée37, cette voie était aussi très exigeante. Suivre des cours hors du temps de travail, des cours du soir le plus souvent, pour obtenir un diplôme nécessitait une grande abnégation pendant de longues années que tous et toutes ne pouvaient supporter (sept ans pour devenir ingénieur dans un institut de PST ou au Cnam). Le congé de formation institué par la loi de 1966 n’a pas permis de résoudre totalement cette difficulté. En effet, la perte de la rémunération n’était pas compensée et il faudra attendre la loi de 1971 pour que ce soit le cas. Mais c’est surtout l’instauration du Congé individuel de formation (Cif) en 1978 qui ouvrit jusqu’en 2018 une voie privilégiée à la promotion sociale par la formation. À partir de cette date, les actions de formation ont été divisées en deux grands ensembles : celles conduites à l’initiative de l’employeur et qui relevaient du plan de formation de l’entreprise et celles mises en œuvre à l’initiative des salariés. Les premières, plus courtes, visaient surtout l’adaptation au poste de travail alors que les secondes, plus longues, avaient pour objectif privilégié l’obtention d’une certification.

15Si, depuis les années 1960, le taux d’accès à la formation continue n’a cessé de s’élever pour s’établir aujourd’hui à la moitié de la population en emploi38, en raison de la faiblesse de son financement (au plus 0,2 % de la masse salariale), le nombre de Cif est toujours resté très modeste : de 1984 à 2018, il rassemble entre 30 000 et 50 000 bénéficiaires selon les années, avec un pic au-dessus de 70 000 en 199439. Cependant, le Cif est plus propice à la promotion que les autres dispositifs car, la plupart du temps, il vise des certifications40. Et il apparaît moins inégalitaire que la formation continue dans son ensemble puisque l’effet de certaines des variables qui conditionnent son accès41 (niveau de formation initiale, sexe, type de statut d’emploi, d’entreprise, de secteur d’activité, zone géographique) a pu être atténué. Ainsi, en 2018, année de sa suppression, 53,5 % des bénéficiaires du Cif étaient des femmes et il n’accueillait que 7 % de cadres et 12,5 % de professions intermédiaires contre 19 % d’ouvriers et 61,5 % d’employés. Bien que plus favorable aux classes populaires que la formation continue en général, il restait toutefois difficile d’accès avec seulement 48 % des dossiers admis et n’était pas exempt d’iniquités, en particulier territoriales, les organismes régionaux chargés d’administrer les demandes de Cif mobilisant des critères variables selon leur interprétation de la situation du marché du travail local42. Comme l’indique le sociologue Christian de Montlibert43 dont l’une des recherches était consacrée aux publics de la formation, ces formations promotionnelles intéressaient particulièrement les personnes en déclassement qui cherchaient à accéder au niveau de réussite de leur groupe social d’origine. Autrement dit, elles permettaient surtout de reclasser des déclassés, des personnes dont la scolarité n’avait pas été satisfaisante au regard de celles de leur milieu social. Et la stabilité dans le temps du nombre de ces personnes expliquerait selon Claude Dubar et Charles Gadéa la constance des flux de stagiaires relevant de la promotion sociale44.

Qui peut choisir son avenir professionnel ?

16Lorsqu’on observe l’évolution du système français de formation continue, c’est toujours au nom de l’idéal d’une société ouverte et démocratique qu’elle intervient, celui d’une société juste et égalitaire à laquelle la formation continue contribue en apportant une certaine fluidité pour passer d’une position sociale à une autre en fonction de ses mérites. Cette conception a servi à légitimer la plupart des différentes réformes des années 1960 aux années 2010. Du discours de la « nouvelle société » du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas au lendemain de mai 196845 qui introduisit la loi de 1971 sur la formation professionnelle continue « dans le cadre de l’éducation permanente » préparée par Jacques Delors, promoteur de l’idée d’une deuxième chance par la formation continue, en passant par la réforme de 197846 ou celle de 2004 qui instaura le droit individuel de la formation (Dif), jusqu’à celle de 2014 qui lui substitua le compte personnel de formation (CPF) et celle de 2018 qui le « monétisa ». Pourtant, le constat est univoque, partagé et répété, la formation continue tend plutôt, selon l’expression de Christian Baudelot et Roger Establet, à « redoubler » les inégalités scolaires47.

Le recours à l’initiative individuelle

17Déplorant de telles inégalités, alors que la loi de 1971 avait instauré pour les salariés un droit de la formation plutôt qu’un droit à la formation48, notamment en obligeant les entreprises à consacrer une part de leur masse salariale à son financement49, depuis vingt ans, les législateurs successifs ont choisi de promouvoir l’initiative individuelle. Dans un contexte d’incitations européennes à construire « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde50 », ils ont d’abord créé en 2004 un nouveau dispositif, le droit individuel à la formation (Dif)51, qui devait permettre aux salariés de suivre une formation de leur choix hors du temps de travail mais qui restait soumis à l’aval de l’employeur. Il s’agissait selon les mots des dits « partenaires sociaux » de « permettre à chaque salarié d’être acteur de son évolution professionnelle52 ». La France subissant un taux de chômage élevé, la formation était aussi appelée à faciliter les transitions professionnelles. Elle devait être un outil aux mains des salariés pour qu’ils puissent « prendre en main leur carrière […] devenir les promoteurs et les maîtres de leurs trajectoires professionnelles53 ». Pour cela, les droits acquis en matière de formation devaient être « transférables » ou « portables » d’un emploi à un autre. Si l’acquisition de ces droits restait liée à la détention d’un emploi, ils ne devaient plus se perdre chaque fois qu’un salarié changeait d’entreprise. Il s’agissait de promouvoir un acteur informé capable de pronostiquer les évolutions du marché du travail et de s’armer pour y faire face, soit une nouvelle « figure de l’individu en petite forteresse mobile, armé de titres, d’outils d’information et de communication et d’innombrables droits54 ».

18Cependant, même pourvu de nouveaux droits, attachés aux personnes plutôt qu’aux emplois, cet acteur est resté bien théorique. Le Dif n’a pas eu le succès escompté. En 2012, seulement « 53 % des personnes de 18 à 64 ans déclar[ai]ent en avoir “entendu parler”55 », ce qui permet de mieux comprendre pourquoi, six ans après sa création, seulement 6,5 % des salariés l’avaient utilisé56. Il était pourtant censé résorber la question de la faible « appétence » pour la formation des catégories de salariés les moins diplômées et les plus éloignées de la formation57. Il a donc rapidement été question de le remplacer. Ce fut le cas dès son dixième anniversaire lorsque la loi du 5 mars 2014 lui substitua le compte personnel de formation (CPF). Intégré au compte personnel d’activité, ce nouveau droit devait « donner enfin les moyens de se former à ceux qui en ont le plus besoin », permettre de « sécuriser les parcours des personnes, rendre possible la promotion sociale et professionnelle » autant que de « renforcer la compétitivité des entreprises58 ». Mais il ne vécut que quatre ans sous sa forme initiale. En effet, dès 2018, il fut lui aussi réformé et les heures capitalisables sur ce compte furent transformées en euros mobilisables sur la plateforme [moncompteformation.fr] à partir de la fin du mois de novembre 2019 selon une procédure dénommée « parcours achat direct » (PAD) qui offrait aux salariés du privé59 la possibilité d’acheter directement de la formation sans passer par des intermédiaires (Pôle emploi, régions, organismes agréés…).

Le CPF « monétisé » : un succès ambivalent

19Pour connaître l’usage qui est fait du CPF par ses bénéficiaires, deux sources existent : les chiffres produits par la Direction de l’animation de la recherche et des études statistiques (Dares) du ministère du Travail et ceux publiés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), organisme gestionnaire du CPF et de son portail numérique. Ils portent sur des populations différentes : les demandeurs d’emploi et les indépendants sont présents dans les statistiques de la Dares mais absents de celles de la CDC. De ce fait, leurs résultats ne sont donc pas tout à fait concordants. Cependant, ils montrent tous deux, à la fois, un succès sans équivoque du nouveau dispositif et également une persistance d’importantes inégalités. Mesurée par la Dares, la hausse des entrées en formation est déclarée « sans précédent60 ». Le nombre d’entrées en formation atteint 943 364 dès 2020, presque le double de l’année précédente. Cette hausse spectaculaire se poursuivra en 2021 avec 1,98 million d’entrées, avant d’accuser une décrue en 2022 avec « seulement » 1,85 million61. Même si ces chiffres sont atténués par le fait que le nombre de personnes concernées est moins élevé que celui des entrées en formation, certaines s’étant inscrites plusieurs fois62, il est indéniable qu’ils sont remarquables.

20Le passage à l’« achat direct » via la plateforme semble avoir stimulé l’accès à la formation63 et modifié les caractéristiques des bénéficiaires mais ce phénomène n’a pas pour autant éliminé les inégalités. En 2020, le taux de recours global au CPF s’élève à 2,8 % de la population active française, alors qu’il était resté cantonné à 1,5 % en moyenne entre 2016 et 2019. Cette modification des modalités d’accès semble particulièrement favorable aux demandeurs d’emploi, mais aussi aux femmes, qui voient leur proportion d’accès au CPF se rapprocher de celle qu’elles occupent dans la population active. Elle profite également aux moins de 30 ans et aux 60 ans et plus. Finalement, en 2020, 10,5 % des bénéficiaires de formation continue y ont eu accès en mobilisant leur CPF, contre 4,8 % l’année précédente.

21Les chiffres produits par la Caisse des dépôts sur les salariés du secteur privé confirment cette « explosion64 », cependant ils diffèrent de ceux de la Dares, qui portent sur l’ensemble de la population active. En 2020, 567 000 salariés du privé ont utilisé leur CPF65, leur taux de recours s’établit à 2,5 %. Parmi eux, les employés voient leur accès plus que doubler et celui des personnes les moins rémunérées (salaire inférieur à 10 000 euros annuels) a presque quadruplé tout en restant encore relativement bas. Cependant, même avec ces croissances impressionnantes sur une échelle de temps si courte, la répartition des taux de recours par catégories socioprofessionnelles continue de montrer de fortes disparités chez les salariés du privé : les ouvriers restent les moins recourants, les professions intermédiaires utilisent leur CPF 1,6 fois plus, et les cadres 1,7 fois plus.

22Les chiffres de la Dares pour 202266 montrent, quant à eux, une répartition différente du recours au CPF dans laquelle ce sont les professions intermédiaires qui apparaissent défavorisées. Ici, les bénéficiaires qui y ont proportionnellement le plus recours sont les demandeurs d’emploi, suivis des employés, des cadres et enfin arrivent les professions intermédiaires et les ouvriers. La part des professions intermédiaires dans la population active étant plus importante que celle des ouvriers, leur taux de recours au CPF apparaît plus défavorable. Il n’est pas le lieu ici de trancher entre ces deux résultats, en attendant des statistiques normalisées et comparables, nous retiendrons simplement que les inégalités entre catégories socioprofessionnelles subsistent et qu’elles semblent importantes. Cependant, si le constat de la Dares se confirme, il ouvre sur un questionnement : les professions intermédiaires bénéficiant usuellement d’un accès favorisé à la formation continue67, cela signifie-t-il que le CPF a rebattu les cartes des inégalités ou que le recours au CPF varie en fonction des possibilités de formation ouvertes aux salariés dans leurs entreprises ? Cette question restera pour l’instant en suspens en attendant une étude systématique de l’évolution des inégalités d’accès à la formation68.

23Autre source d’inégalités, selon la Caisse des dépôts, le recours au CPF chez les salariés du privé69 dépend fortement du secteur d’activité. Le taux de recours du secteur où l’accès au CPF apparaît le plus facile représente plus du double de celui où les salariés en bénéficient le moins. Le secteur des transports et de l’entreposage obtient un score important comme celui des activités financières et d’assurance, à l’inverse de ceux des activités de services administratifs et de la construction.

24Enfin, pour la Dares comme pour la Caisse des dépôts, à ces fortes disparités s’ajoutent des variations territoriales non moins élevées. Selon la Dares70, les habitants du département le plus recourant mobilisent leur CPF 5,9 fois plus que ceux résidant dans celui où on y recourt le moins. Habiter en Guyane, dans la Creuse, le Cantal ou en Lozère semble rendre moins prompt à mobiliser son CPF qu’habiter en Île-de-France, où l’on observe un taux de recours de 4,2 % et où celui de la Seine-Saint-Denis s’élève à 5,3 %, record national.

Quels effets sur les trajectoires professionnelles ?

25Face à un tel succès quantitatif, doit-on considérer qu’en attachant un droit à la formation aux personnes et en leur permettant de le mobiliser sans intermédiaire, le CPF monétisé a réussi là où le Dif avait échoué ? Que chacun et chacune a pris conscience des intérêts de la formation et est devenu « acteur et actrice de son parcours » ? La dernière enquête sur les usages du CPF menée par la Dares et France Compétences71 semble inviter à une telle conclusion. Elle s’intéresse de manière privilégiée aux intentions et à la satisfaction des bénéficiaires. En 2021, les trois quarts des deux millions de personnes qui ont mobilisé leur CPF pour acheter une formation l’ont fait à leur initiative et le plus souvent sans accompagnement. 8 % ont même financé elles-mêmes une partie de cette formation pour un montant moyen de 620 euros. Ce recours au CPF répondait à différents objectifs, parfois plusieurs simultanément : 35 % avaient pour but d’améliorer leurs perspectives de carrière, 26 % ont cherché à se reconvertir, 26 % souhaitaient être plus efficaces dans leur travail et 25 % ont déclaré vouloir obtenir une certification pour être mieux reconnues… Seules 17 % des formations ont été suivies sans que les bénéficiaires y voient une finalité professionnelle.

26Malgré ces résultats, cette conclusion semble cependant encore prématurée pour plusieurs raisons. Même si le taux de recours au CPF s’est envolé, il reste relativement bas comparé à la part de la population active qui affirme dans les sondages vouloir se reconvertir72. Qu’on prenne en compte le taux de recours de la Dares ou celui de la CDC, ils restent tous deux assez faibles par rapport à celui du Dif. Dif pour lequel un résultat bien supérieur avait été jugé « modeste73 » et avait conduit à son remplacement. En outre, les formations dispensées ne répondent pas exclusivement à des objectifs professionnels. Mais surtout, plusieurs des caractéristiques des formations portent à croire que, même si elles ont satisfait leurs bénéficiaires74, elles risquent de n’avoir qu’un effet assez secondaire sur leurs trajectoires professionnelles. En 2022, selon la Dares75, un quart des entrées en formation dans le cadre du CPF relèvent du domaine des « transports, manutention, magasinage » avec une place prépondérante pour le permis de conduire (17 %). Si l’on ne peut dénier au permis de conduire son utilité pour accéder à un emploi, doit-on le considérer systématiquement comme une formation professionnelle ? Viennent ensuite, avec un cinquième des entrées, les formations du domaine du « développement des capacités d’orientation, d’insertion ou de réinsertion sociales et professionnelles » dont en particulier les formations à la création d’entreprise (15 %), domaine qui, pour une bonne part, loin d’ouvrir vers la protection sociale promise, oriente vers des débouchés dont les travaux statistiques et sociologiques ont montré l’instabilité et la grande la fragilité76. Après ces deux grands domaines viennent les formations qui relèvent du répertoire des formations auxquelles ont généralement accès les actifs77, comme les formations en « langues vivantes » (13,5 %), du « secrétariat, bureautique » (11 %) et de l’informatique (5 %). Ces résultats sont donc loin d’être inédits et s’accordent mal avec un projet de réorientation professionnelle. De plus, dans un autre contexte institutionnel, ces formations n’auraient-elles pu être suivies dans le cadre de l’emploi et pendant le temps de travail ?

27Mais ce sont surtout les durées des formations dispensées qui conduisent à douter de leur portée sur les carrières. La mise en place du « parcours achat direct » a généré une explosion des formations de très courte durée. Leur durée moyenne s’est écroulée, elle était 4,4 fois plus élevée en 2016 (296 heures) qu’en 2020 (67 heures), de même pour leur durée médiane qui a été divisée par 4,7 en cinq ans. La moitié des formations durent 20 heures ou moins en 2020 alors que leur médiane s’élevait à 94 heures en 201678. Dès lors se pose la question de la capacité du CPF à favoriser la mobilité professionnelle autant que les discours qui l’ont promu le prétendent. S’il offre bien l’opportunité de « décider de son avenir professionnel […] quelle que soit sa situation de départ » comme l’annonçaient ses initiateurs, en donne-t-il réellement les moyens ?

À l’heure des crises sanitaire et climatique : retour des « besoins » collectifs et du « pilotage » centralisé

Vers un pilotage centralisé d’identification des « besoins » ?

28Avec la crise sanitaire, la transition écologique et les difficultés de recrutement dans certains secteurs du marché du travail, l’accompagnement des reconversions est devenu une orientation gouvernementale de premier ordre. La croissance du nombre de publications sur le sujet en atteste. La note que l’Institut Montaigne79 lui a consacrée est symptomatique. On y voit poindre le retour d’intermédiaires dans l’encadrement du choix des formations. Pour développer et sécuriser les reconversions, elle propose notamment d’engager une expérimentation qui ouvrirait la possibilité aux salariés, après validation de leur projet par un ou une conseillère en évolution professionnelle, d’acheter avec leur CPF des formations non référencées80. Elle propose également de « réorienter le recours au CPF vers des formations qualifiantes pour lesquelles des débouchés professionnels sont bien identifiés81 ». Ce nouvel encadrement et cette réorientation pourraient être guidés par une analyse de la situation formulée au niveau national, la note recommande ainsi de « refonder la gouvernance de la reconversion professionnelle en organisant via une instance nationale la Gpec de la Nation », à quoi elle ajoute la nécessité de

« renforcer les mécanismes de reconversion professionnelle en sécurisant les parcours professionnels au sein d’un dispositif chapô selon trois besoins : besoin de l’entreprise dans laquelle des emplois sont menacés, besoin de recrutements, besoin du salarié82 ».

29Ce recours à une Gpec au plus haut niveau des politiques publiques et l’appel à des « besoins » ne sont pas sans poser question. D’une part, la notion de « besoin », qu’il s’agisse de besoins de main-d’œuvre ou de formation, est particulièrement difficile à définir. Qui devra identifier lesdits besoins ? À quelles fins ? À partir de quels points de vue ? En mobilisant quelles catégories (de métiers, d’emploi, de niveaux de formation, etc.) ? Pour être reconnus, les besoins doivent être « mesurables » et « classables » dans des catégories qui sont pertinentes pour orienter les politiques publiques83. La notion de besoin apparaît cependant comme une sorte de « fiction d’institution, c’est-à-dire comme une notion dont le caractère fictif ne fait l’objet d’aucun doute de la part des membres de l’institution, mais à laquelle ils sont malgré tout tenus de se référer84 ». À une autre échelle, celle des organisations, lorsque dans les années 1960, l’idée d’analyse des besoins de formation est apparue pour définir les politiques de formation des entreprises, elle a été pensée comme une catégorie patronale, non comme une manifestation de l’expression des salariés85. D’autre part, concevoir une « gestion prévisionnelle » est inattendu alors même que l’idée de prévision a été abandonnée pour lui préférer celle de prospective tant dans le passé, les prévisions ont souvent été démenties par les faits (par exemple pour les emplois non qualifiés qui devaient disparaître et qui ont finalement crû86). Aujourd’hui, la prospective formule une pluralité de scénarios qui sont définis en tenant compte de différentes tendances, notamment de croissance87. Cette pluralité est censée diminuer les risques d’erreurs. En somme, ces scénarios relèvent plutôt d’hypothèses qui maintiennent une certaine indétermination et qui laissent l’avenir décider de quoi il sera fait.

30Les besoins de l’économie sont aussi au cœur des orientations prônées par le rapport de France Stratégie88. À la notion de reconversion, le rapport substitue celle de transition professionnelle. Ses auteurs partent du constat suivant, il y aurait

« environ 1,4 million de mobilités professionnelles s’apparentant à des reconversions […]. Pourtant, seulement 60 000 parcours de transition professionnelle sont financés par an89 ».

31Même si « toutes les transitions n’ont évidemment pas vocation à être accompagnées et encore moins à bénéficier d’une prise en charge financière90 », l’écart apparaît important et conduit les rapporteurs à recommander l’instauration d’un « pilotage global des politiques emploi-formation » qui permettrait notamment une « anticipation des besoins91 ». Ils appellent aussi à une simplification (une nouvelle fois !) des dispositifs pour en « renforcer la lisibilité et l’accessibilité ». En effet, le rapport dresse la liste des dispositifs existants (dont il regrette la « multiplicité » comme celle des intervenants) et en dénombre treize qu’il classe selon qu’ils concernent l’accompagnement de transitions « “subies” et à l’initiative de l’entreprise92 », « “choisies” et à l’initiative des individus93 », ou le fruit d’une « coconstruction individu-entreprise94 ».

32Ce qui conduit ce rapport à recommander un renforcement du pilotage central vient de la mise en relation des situations de mobilité professionnelle et des besoins importants du marché du travail. Ces derniers nécessitent en effet, selon le rapport, que soient mises en œuvre à court et à long terme des « réallocations sectorielles », les formés n’allant pas spontanément alimenter les pénuries de main-d’œuvre ici et là. Si la mobilité professionnelle répond à de nouvelles aspirations individuelles, la capacité des individus à mener à bien des transitions se révèle très inégale et pas toujours dirigée là où ils sont susceptibles d’être attendus. Dès lors, pour les auteurs du rapport :

« il existe un réel risque d’accroissement des inadéquations entre les emplois auxquels aspirent les individus et les besoins du marché du travail et de l’intérêt collectif95 ».

33Comme ils le reconnaissent, la faible attractivité des emplois (salaires, conditions de travail, sécurité de l’emploi, image des métiers) dans les métiers dits « prioritaires », combinée à une « incapacité d’une partie des employeurs à adapter leurs comportements à la conjoncture96 », expliquent leurs difficultés de recrutement mieux qu’un problème de formation97. Néanmoins, les solutions qu’ils préconisent portent exclusivement sur les modalités d’accompagnement des individus et leur régulation. Aucune n’apparaît répondre au constat selon lequel les caractéristiques des emplois sont la première cause de leur désaffection. Ainsi, les défis qu’entendent relever les auteurs du rapport visent surtout à ajuster la main-d’œuvre aux « besoins collectifs » tels qu’ils s’expriment dans les orientations des employeurs.

« Si réussir à anticiper ces besoins constitue en soi un défi majeur, c’en est un second que de réussir à accompagner les individus vers les emplois qui permettront de pourvoir ces besoins collectifs98. »

Trop de dispositifs ?

34Les dispositifs doivent alors contribuer à une bonne orientation des individus. Il ne reste plus qu’à convaincre les intéressés de leur bien-fondé. Par exemple, en confiant à un institut de sondage le soin d’interroger des bénéficiaires pour montrer les « vertus capacitantes de l’accompagnement99 », ce dont sera chargé BVA pour le compte de France Compétences. Mais ses résultats seront plus ambivalents. Selon l’étude de BVA, les reconversions ont concerné une part importante de la population. À partir d’un échantillon de 5 162 personnes représentatives de la population salariée, indépendante et des demandeurs d’emploi de moins de six mois, 37 % des actifs auraient vécu une reconversion depuis leur entrée sur le marché du travail et 25 % au cours des cinq dernières années, 17 % auraient engagé des « démarches ou actions » pour leur reconversion, soit 886 personnes de l’échantillon. Mais appréhendées de la sorte, les reconversions ne concernent des changements de métier que pour 9 % des actifs, elles peuvent prendre la forme de changements de statut qui ont lieu parfois assez rapidement. Elles n’impliquent pas non plus un changement d’employeur, un quart d’entre elles ayant lieu dans la même entreprise. Le volet quantitatif de cette étude permet d’établir que seulement les deux tiers des actifs ayant vécu une reconversion ont eu recours à une forme d’accompagnement, six sur dix à une formation et quatre sur dix ont sollicité des financements publics. L’étude souligne « qu’aucun dispositif n’a le monopole des reconversions et grande est la diversité des moyens utilisés par les actifs » qui ont recours à un « “bricolage” de dispositifs100 ». L’examen qualitatif des parcours de reconversion conduit les auteurs à recommander notamment la prise en compte de la « diversité des profils et des situations » (huit profils types ont été identifiés, profils pour qui la reconversion fait l’objet de difficultés variables et de besoins d’accompagnement différents), également du « degré d’autonomie des candidats », et de « prioriser les dispositifs qui garantissent [leur] sécurisation financière101 ». Voilà des recommandations qui contredisent la volonté de simplification des dispositifs affichée dans le rapport de France Stratégie. Leur diversité est-elle adaptée à la pluralité des situations rencontrées par les personnes en reconversion comme semble le reconnaître BVA ? Maintenir un nombre important de dispositifs peut paraître opératoire mais cela n’éloigne-t-il pas de la volonté d’orientation des reconversions vers les secteurs dont on reconnaît les besoins impératifs ?

Retour à l’intermédiation

35L’idée d’un recours à des formes intermédiées d’accès à la formation continue semble à nouveau s’imposer. Dans la conception des dispositifs, elle prend plusieurs formes. La suppression du Cif avait fait l’objet de l’expression de vifs regrets par les syndicats de salariés. Il fut finalement remplacé par le projet de transition professionnelle (PTP) qui en reprend les principales dispositions et des associations régionales « Transitions pro » (ATpro)102 ont continué le travail des organismes gestionnaires du Cif, consistant notamment à attester du « caractère réel et sérieux » des projets professionnels. Elles le font cependant avec moins de moyens puisqu’en 2020, ces ATpro ont reçu 29 075 demandes de financement et en ont accepté seulement 15 768103. Avec moins de la moitié, le nombre de bénéficiaires du PTP s’avère bien inférieur à celui du Cif lors de sa suppression104. Ces difficultés d’accès aux dispositifs de transition professionnelle ont été mises en avant par un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), notamment pour faire face à l’urgence de la transition écologique105, et les études soulignent les difficultés que comportent les reconversions106.

36Cette re-intermédiation s’exerce également via la plateforme [moncompteformation.fr]. Elle est aujourd’hui ouverte aux financements des entreprises qui peuvent, elles aussi en quelques clics, allouer des financements supplémentaires aux comptes de leurs salariés (les « abonder » dans la langue des administrateurs de la formation). Les branches peuvent, elles aussi, en signant une convention avec la CDC doter les comptes personnels d’un surcroît de financements en fonction d’orientations choisies par elles (qualifications jugées stratégiques, publics prioritaires, problèmes de recrutement…). Les entreprises peuvent également mobiliser un autre type de dispositif : « Transco » (pour transitions collectives). Opérationnel depuis janvier 2021, ce dispositif a été créé pour offrir aux salariés la possibilité de se reconvertir « de manière apaisée, préparée et sécurisée107 ». Il permet aux entreprises, après la signature d’un accord interne de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), d’obtenir le soutien du Fonds national de l’emploi (FNE) et des Opco pour assurer la formation de salariés dont l’emploi serait menacé108.

37L’appel lancé par Damien Brochier109, chargé de mission « partenariat de la formation professionnelle » au Céreq, au sujet des dispositifs d’aide aux transitions professionnelles incite, lui aussi, à mobiliser les entreprises et les branches pour « assurer la sécurisation des parcours par des mobilités qualifiantes » permettant d’améliorer l’attractivité des emplois et de fidéliser la main-d’œuvre, notamment dans les secteurs à fort turn-over. On le voit bien, la liberté de choisir dévolue aux personnes par la loi de 2018 est ici encadrée par les projets de l’employeur et des institutions qui régulent la formation, ce qui constitue bien in fine des formes intermédiées d’accès à la formation. La voie vers la « nouvelle société de compétences » dont la loi de 2018 prétendait poser les jalons apparaît pleine de vicissitudes…

Conclusion

38Comme la plupart des réformes que le système français de formation a connues depuis une vingtaine d’années, celle de 2018 voulait répondre à plusieurs objectifs : elle devait satisfaire les besoins individuels et collectifs, les besoins de sécurité professionnelle et sociale, d’évolution, de reconversion, de promotion professionnelle et sociale, elle devait offrir plus de justice et d’égalité, en particulier entre femmes et hommes, et elle devait permettre de renouer avec la « promesse républicaine d’émancipation sociale ». Si elle a été présentée par sa promotrice comme une rupture majeure, un big bang, elle ne rompait cependant pas avec ce qui constitue la principale limite au développement d’une formation émancipatrice et restait enserrée dans une perspective « adéquationniste » qui conçoit la formation et l’éducation en la rapportant exclusivement aux emplois immédiatement accessibles110. Tous ces objectifs n’ont été mis en œuvre que dans le strict respect des impératifs économiques puisque la règle selon laquelle le droit de la formation ne donne accès qu’à des formations qui correspondent « aux besoins de l’économie prévisibles à court ou moyen terme111 » n’a pas été abrogée. Alors que la formation doit bien « contribuer au développement économique et culturel112 », cette deuxième dimension n’apparaît pas prioritaire parmi les usages du CPF, si bien qu’elle est dans les faits presque entièrement orientée vers l’emploi. L’ouverture du CPF, sa monétisation et sa désintermédiation prétendaient offrir aux individus le moyen de faire valoir leur singularité en « amorçant le basculement d’un paradigme jusque-là centré sur l’individu générique vers la personne singulière113 ». Cependant, comme nous l’avons vu, il apparaît finalement comme un moyen bien médiocre pour faire évoluer sa carrière et choisir son avenir. S’il donne quelques capacités d’agir, il ne parvient toujours pas à résoudre la question des inégalités et reste une ressource insuffisante pour nombre de ses bénéficiaires. Aux impératifs économiques « ordinaires » viennent s’ajouter aujourd’hui les enjeux liés à la transition écologique, ils conduisent les pouvoirs publics à envisager des incitations pour orienter les conduites individuelles, ce qui éloigne encore de la liberté de choisir, si bien que, malgré sa validation dans le titre d’une loi, on est conduit à s’interroger sur la réalité d’un tel mot d’ordre.

Notes de bas de page

1Pénicaud Muriel, 2018, Déclaration sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel pour les chômeurs et la bataille des compétences, Paris, Assemblée nationale, 11 juin, [https://www.vie-publique.fr/discours/206056-declaration-de-mme-muriel-penicaud-ministre-du-travail-sur-le-projet-d], consulté le 23 août 2023.

2Commission européenne, s. d., « 2023, année européenne des compétences », [https://france.representation.ec.europa.eu/2023-annee-europeenne-des-competences_fr], consulté le 12 août 2023. Ajoutons à cette liste non exhaustive le fait qu’en 2021, la Fédération de la formation professionnelle (FFP), organisation patronale des organismes de formation adhérente du Mouvement des entreprises de France (Medef), de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et de la Fédération Syntec, a décidé de se rebaptiser pour devenir « Les acteurs de la compétence ».

3Stroobants Marcelle, 2002, « La qualification ou comment s’en débarrasser », Raisons éducatives, no 1, p. 61-73.

4Cannac Yves et la Cégos, 1985, La bataille de la compétence. L’éducation professionnelle permanente au cœur des stratégies de l’entreprise, Paris, Éditions Hommes et techniques.

5Ropé Françoise et Tanguy Lucie (dir.), 1994, Savoirs et compétences. De l’usage de ces notions dans l’école et l’entreprise, Paris, L’Harmattan.

6Neyrat Frédéric, 2008, « Le travail à l’épreuve de la compétence », Savoir/Agir, no 3, p. 31-36 ; et Neyrat Frédéric, 2013, Une sociogenèse de la compétence, mémoire en vue de l’obtention de l’habilitation à diriger des recherches ; Tanguy Lucie, 2001, « De l’évaluation des postes de travail à celle des qualités des travailleurs. Définitions et usages de la notion de compétences », in Hugues Lenoir et Jean-Louis Marais (dir.), Syndicalisme et formation, Paris, L’Harmattan, p. 111-138.

7Le CNPF sera rebaptisé Medef en octobre 1998, quelques semaines après les journées de Deauville.

8Ces journées internationales donnèrent lieu à la publication d’un dossier de onze tomes dont le premier portait le titre programmatique de : La compétence professionnelle, enjeu stratégique (CNPF, 1998, Objectif compétences. Actes des journées internationales de la formation, Deauville, 7-8 oct. 1998, 11 tomes, Paris, CNPF).

9Dugué Élisabeth, 1994, « La gestion des compétences : les savoirs dévalués, le pouvoir occulté », Sociologie du travail, vol. 36, no 3, p. 273-292 ; Ropé Françoise et Tanguy Lucie, 2000, « Le modèle des compétences : système éducatif et entreprise », L’Année sociologique, vol. 50, no 2, p. 493-520.

11Pénicaud Muriel, 2018, Déclaration sur le projet de loi pour la liberté…, op. cit.

12Loi du 5 septembre 2018, Exposé des motifs, p. 3.

13Ministère du Travail, Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel : la loi en dix points clés, août 2018.

14Pénicaud Muriel, 2018, Déclaration sur le projet de loi pour la liberté…, op. cit.

15Blasco Sylvie, Lê Jérôme et Monso Olivier, 2009, « Formation continue en entreprise et promotion sociale : mythe ou réalité ? », Formation et emploi, Paris, Insee, p. 27-42.

16Terrot Noël, 1997 (1983), Histoire de l’éducation des adultes en France. La part de l’éducation des adultes dans la formation des travailleurs 1789-1971, Paris, L’Harmattan.

17Devenu aujourd’hui le diplôme d’accès aux études universitaires (DAEU).

18Modestie qui apparaît d’autant mieux lorsqu’on le compare à l’intitulé de la loi du 5 septembre 2018.

19Thuillier Guy, 1966, La promotion sociale, Paris, Presses universitaires de France, p. 5.

20Définition de Bernard Chenot dans le Rapport présenté au nom de la Commission d’étude des problèmes de formation et de promotion sociale, février 1964, cité dans Benoist Pierre, 2004, « Michel Debré et la formation professionnelle, 1959-1971 », Histoire de l’éducation, no 101, p. 43.

21Dénomination qui subsistera jusqu’en 2007.

22Terrot Noël, 1997, Histoire de l’éducation des adultes…, op. cit.

23Parti qui avait recueilli 25 % des suffrages aux élections législatives de 1951 et 1956 et 20 % à celles de 1958.

24Fourastié Jean, 1979, Les Trente Glorieuses ou la révolution invisible de 1946 à 1975, Paris, Fayard.

25Terrot Noël, 2004, « 1959-1971 : apparition et mise en place du système français de formation permanente », in Emmanuel de Lescure (dir.), La construction du système français de formation professionnelle continue. Retour sur l’accord du 9 juillet 1970 et la loi du 16 juillet 1971, Paris, L’Harmattan, p. 49.

26Marchand Olivier et Thélot Claude, 1997, Le travail en France, 1800-2000, Paris, Nathan, p. 95 et 229.

27Ibid., p. 236.

28Durand Claude et Durand Michelle, 1971, De l’OS à l’ingénieur. Carrière ou classe sociale, Paris, Éditions Économie et humanisme/Éditions ouvrières, p. 276. Cette importance de la « volonté de promotion » sera confirmée quelques années plus tard (soit après la loi de 1971) par les conclusions de l’enquête menée par l’équipe dirigée par Marcel David, à la fois, dans les résultats du volet qualitatif de l’enquête (« s’élever, monter dans la hiérarchie au moyen de la formation, se retrouve peu ou prou dans tous les entretiens »), comme dans les réponses au questionnaire, où « se former pour monter dans la hiérarchie » apparaît comme l’une des principales motivations à se former (David Marcel [dir.], 1971, L’individuel et le collectif dans la formation des travailleurs, t. II : Approche sociologique, Paris, Economica, p. 43 et 260).

29Marchand Olivier et Thélot Claude, 1997, Le travail en France…, op. cit., p. 164.

30Baudelot Christian et Establet Roger, 1998, Avoir 30 ans en 1968 et en 1998, Paris, Éditions du Seuil, p. 87.

31Entretien de François Ceyrac avec Guy Brucy, 29 janvier 1999, cité dans Brucy Guy, 2011, « Former une élite ou former la masse des salariés ? Les contradictions de la formation en entreprise des années 1920 aux Trente Glorieuses », Regards sociologiques, no 41-42, p. 100.

32La rationalisation de la production vise à obtenir une production en flux continu de séries constantes et régulières en mobilisant une conception « scientifique » du travail, voir : Moutet Aimée, 1998, « La rationalisation dans l’industrie française. Une réponse aux problèmes de la seconde industrialisation ou l’invention de la consommation de masse ? », Histoire, Économie, Société, vol. 17, no 1, p. 101-117.

33Laot Françoise, 2010, « La promotion sociale des femmes : le retournement d’une politique de formation d’adultes au milieu des années 1960 », Le Mouvement social, no 232, p. 29-45.

34Brucy Guy, 2011, « Former une élite ou former la masse des salariés ? », art. cité ; et Quenson Emmanuel, 2012, Une socio-histoire des relations formation-emploi, Paris, L’Harmattan.

35Terrot Noël, 1993, « La promotion sociale et le congé individuel de formation », in Fongecif-Bretagne, Autour du congé individuel de formation, Paris, L’Harmattan, p. 64-75.

36Vincent Catherine, 2004, « Les relations sociales et les politiques d’emploi dans les années 1950-1960 », in Emmanuel de Lescure (dir.), La construction du système français de formation professionnelle continue, op. cit., p. 39.

37Benoist Pierre, 2004, « Michel Debré et la formation professionnelle, 1959-1971 », art. cité.

38Forment Virginie et Lombardo Philippe, 2018, « La moitié des personnes en emploi ont suivi une formation à but professionnel dans l’année », Formations et emploi, Paris, Insee, p. 25-36.

39Guilloux Patrick, 1996, Le congé individuel de formation. Genèse et évolution d’un droit, 1966-1996, Paris, L’Harmattan, p. 224 ; et Annexes « formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2000-2020.

40En 2016, 45 % des Cif destinent à un diplôme d’État et 37 % à un titre du ministère du Travail. Ces pourcentages sont à comparer à ceux relevés par Karine Briard : si 65,2 % des salariés ont suivi une formation entre 2010 et 2015, seulement 6,3 % ont bénéficié d’une formation d’au moins 18 heures conduisant à un diplôme (Briard Karine, 2020, Document d’études, Paris, Dares, no 237 : « L’accès des salariés à la formation professionnelle continue : où sont les inégalités entre les femmes et les hommes ? »).

41Dubar Claude, 2015, La formation professionnelle continue, Paris, La Découverte.

42Ghaffari Sarah et Podevin Gérard (dir.), 2008, Le congé individuel de formation. Un droit national, des réalités territoriales, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

43Montlibert Christian de, 1977, « L’éducation permanente et la promotion des classes moyennes », Sociologie du travail, vol. 19, no 3, p. 243-265.

44Dubar Claude et Gadéa Charles, 1999, « L’évolution du nombre de stagiaires depuis 25 ans », in Dubar Claude et Gadéa Charles (dir.), La promotion sociale en France, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, p. 163.

45Brucy Guy, 2004, « Le contexte politique de la loi de 1971 », in Emmanuel de Lescure (dir.), La construction du système français de formation professionnelle continue, op. cit., p. 17-32.

46Le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale déclarera « reconnaître de façon claire que la formation peut être détachée de l’activité professionnelle proprement dite et permettre au travailleur de chercher à satisfaire des ambitions ou des préoccupations plus personnelles : la possibilité de recourir au congé de formation pour satisfaire un souci culturel désintéressé relève au premier chef de la promotion individuelle et il faut se féliciter de la voir figurer dans ce texte » (Gissinger Antoine, Rapport no 120, au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Assemblée nationale, 21 avril 1978, p. 28, cité dans Gelot Didier, Neyrat Frédéric et Pélage Agnès, 2005, Pour l’éducation permanente, Paris, Syllepse, p. 86).

47Baudelot Christian et Establet Roger, 1982, « Formation continue : un redoublement des inégalités », Éducation et société, no 1, p. 17-20.

48Caillaud Pascal et Maggi-Germain Nicole, 2007, « Vers un droit personnel à la formation ? », Droit social, no 5, p. 574-591.

49Communément appelé le « 1 % formation », même lorsque le taux réellement appliqué était différent.

50Conseil de l’Europe, Lisbonne, 23-24 mars 2000, [https://www.europarl.europa.eu/summits/lis1_fr.htm], consulté le 23 août 2023.

51Loi du 4 mai 2004, le Dif ouvrait à chaque salarié à temps complet un droit à 20 heures de formation par an cumulable pendant six ans.

52Accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 « relatif à l’accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle », p. 3.

53Bernard Sophie, Méda Dominique et Tallard Michèle (dir.), 2016, Outiller les parcours professionnels. Quand les dispositifs publics se mettent en action, Bruxelles, Peter Lang, p. 280.

54Maillard Fabienne, 2012, « Professionnaliser les diplômes et certifier tous les individus : une stratégie française indiscutable ? », Carrefours de l’éducation, no 34, p. 43.

55Gossiaux Sébastien et Pommier Patrick, 2013, Insee Première, no 1468 : « La formation des adultes. Un accès plus fréquent pour les jeunes, les salariés des grandes entreprises et les plus diplômés », p. 4.

56Descamps Renaud, 2012, Bref Céreq, no 299-2 : « Le Dif : la maturité modeste ».

57Fournier Christine, 2004, Bref Céreq, no 209 : « Aux origines de l’inégale appétence des salariés pour la formation ».

58Exposé des motifs de la loi du 5 mars 2014.

59Les agents de la fonction publique n’ont pas accès au « processus achat direct » et leur CPF reste comptabilisé en heures. Il est mobilisable en sollicitant leur direction des ressources humaines.

60Bismuth Johanna et Valero Mathilde, 2021, Dares Résultats, no 59 : « Le compte personnel de formation en 2020. Une hausse sans précédent des entrées en formation ».

61Bismuth Johanna, 2023, Dares Résultats, no 53 : « Le compte personnel de formation en 2022. Un léger repli des entrées en formation après le pic de 2021 ».

62En 2022, 12 % des usagers du CPF ont suivi plusieurs formations cette année-là, et 17 % y avaient déjà eu recours en 2020 et/ou en 2021.

63D’ailleurs, selon la Dares, ce sont également principalement les variations des règles d’éligibilité des formations au financement du CPF qui auraient généré la décrue de 7 % des entrées en formation en 2022 (Bismuth Johanna, 2023, « Le compte personnel de formation en 2022 », précit.).

64Jaumont Laurence, 2021, Questions politiques sociales. Les Brèves, no 9 : « La montée en charge du nouveau Compte personnel de formation (CPF) : quels impacts sur la demande de formation ? », Caisse des dépôts.

65Albert Christophe, 2021, Questions politiques sociales. Les Brèves, no 10 : « Le recours au Compte personnel de formation par les salariés du secteur privé : quelles évolutions entre 2019 et 2020 ? », Caisse des dépôts.

66Bismuth Johanna, 2023, « Le compte personnel de formation en 2022 », précit.

67Lambert Marion et Marion-Vernoux Isabelle (dir.), 2014, Quand la formation continue, Marseille, Céreq.

68À notre connaissance, aucune recherche ne porte sur l’évolution des inégalités d’accès à la formation depuis les réformes des années 2000. La plupart soulignent leur persistance mais aucune ne s’est attelée à la question de savoir quels avaient été en la matière les effets de ces réformes.

69Ces secteurs représentent respectivement 7 %, 5 %, 14 % et 8 % des salariés du privé.

70Bismuth Johanna et Valero Mathilde, 2021, « Le compte personnel de formation en 2020 », précit.

71Ballini Cécile, Bismuth Johanna Carloni Pierre, Estrade Marc-Antoine, Gauthier Alix, Louvet Alexandra, Tavan Chloé et Valéro Mathilde, 2023, Quels sont les usages du compte personnel de formation ?, Paris, Dares/France Compétences.

72Selon le Centre Inffo, en 2022, 21 % des actifs « sont actuellement en train de préparer une reconversion professionnelle » (Centre Inffo, 2022, Baromètre de la formation et de l’emploi 2022, Puteaux, Institut CSA).

73Descamps Renaud, 2012, « Le Dif… », précit.

7455 % des personnes interrogées ont déclaré avoir atteint au moins un de leurs objectifs ; près des trois quarts considèrent être plus efficaces dans leur travail (Ballini Cécile et al., 2023, Quels sont les usages…, op. cit.).

75Bismuth Johanna, 2023, « Le compte personnel de formation en 2022 », précit., p. 3.

76Richet Damien, 2019, Insee Première, no 1765 : « Auto-entrepreneurs immatriculés en 2014 : trois ans après, 36 % sont actifs » ; Abdelnour Sarah, 2012, Moi, petite entreprise. Les auto-entrepreneurs, de l’utopie à la réalité, Paris, Presses universitaires de France.

77Lambert Marion et Marion-Vernoux Isabelle (dir.), 2014, Quand la formation continue, op. cit.

78La tendance s’est encore accentuée entre 2020 et 2022 : les organismes de formation ont diminué les durées des formations dispensées dans le cadre du CPF sans changer leur prix ni la nature de l’offre, en particulier, les certifications qu’elles permettent d’obtenir. Ceci a généré une augmentation importante du coût horaire moyen (+ 63,5 %) alors que celle du prix des formations est restée plus raisonnable (+ 7,7 %) [Mahieu Ronan, 2023, « L’évolution des prix des formations financées par le CPF entre 2020 et 2022 », Questions politiques sociales. Les études, no 41, Caisse des dépôts].

79Morel Franck, 2022, Reconversion professionnelle : pour le meilleur et pour l’avenir, Paris, Institut Montaigne.

80Pour être éligible au financement du CPF, une formation doit être inscrite au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au « répertoire spécifique » gérés par France Compétences. Sur les politiques de certification et le RNCP, voir Maillard Fabienne, 2017, « La politique de certification tout au long de la vie : vers la labellisation des actifs ? », Sociologies pratiques, no 35, p. 37-47.

81Morel Franck, 2022, Reconversion professionnelle…, op. cit., p. 39.

82Ibid., p. 41.

83Tanguy Lucie, 2002, « La mise en équivalence de la formation avec l’emploi dans les IVe et Ve Plans (1962-1970) », Revue française de sociologie, vol. 43, no 4, p. 685-709.

84Déplaude Marc-Olivier, 2005, « Une “fiction d’institution” : les besoins de santé de la population », in Claude Gilbert et Emmanuel Henri (dir.), Comment se construisent les problèmes de santé publique, Paris, La Découverte, p. 270.

85Montlibert Christian de, 2014, « Éducation des adultes et sociologie. Marcel Lesne et l’analyse des besoins en formation », Éducation permanente, no 199, p. 155-167.

86Méda Dominique et Vennat Francis (dir.), 2005, Le travail non qualifié. Permanences et paradoxes, Paris, La Découverte ; Bisault Laurent, 2017, Insee Première, no 1674 : « Cadres et employés non qualifiés : les deux moteurs de l’emploi des territoires ».

87Par exemple, le rapport Les métiers en 2022 proposait trois scénarios différents conçus selon trois hypothèses d’évolution macroéconomique (Groupe prospective des métiers et des qualifications, 2014, Les métiers en 2022, Paris, France Stratégie/Dares). Maillard Fabienne, 2021, « Prévoir les évolutions des emplois et sécuriser les parcours du plus grand nombre », conférence au colloque La réforme permanente de la formation continue, Amiens, Rumef, Curapp, université de Picardie Jules Verne, 18 mars.

88Bouvart Coline et Donne Vincent, 2023, Relever collectivement le défi des transitions professionnelles. Rapport du Réseau Emplois Compétences, Paris, France Stratégie.

89Bouvart Coline et Donne Vincent, 2023, « Accompagner les transitions professionnelles : un défi collectif », Note de synthèse, Paris, France Stratégie, juin, p. 1.

90Bouvart Coline et Donne Vincent, 2023, Relever collectivement le défi…, op. cit., p. 8.

91On s’étonne que ne soit pas proposé un bilan des travaux menés avec les outils de pilotage existants (France Stratégie, le Haut-Commissariat au Plan, les exercices de prospective des métiers et des qualifications, les observatoires des branches…).

92Contrat de sécurisation professionnelle (CSP), Congé de mobilité, Congé de reclassement, Plan de développement des compétences.

93Conseil en évolution professionnelle (CEP), Compte personnel de formation (CPF), CPF de transition professionnelle (ou PTP), Démission-reconversion. Sur cette dichotomie distinguant transitions subies vs choisies, voir : Négroni Catherine et Mazade Olivier, 2019, « Entre contrainte et choix, regards sur les reconversions professionnelles subies et les reconversions professionnelles volontaires », Recherche et formation, no 90, p. 87-102 ; et pour une position soulignant le caractère problématique de cette partition et les difficultés à identifier des « choix » : Denave Sophie, 2015, Reconstruire sa vie professionnelle. Sociologie des bifurcations biographiques, Paris, Presses universitaires de France.

94Entretien professionnel, Dotation volontaire employeur CPF, FNE-Formation, Reconversion ou promotion par l’alternance (Pro-A), Transitions collectives (Transco).

95Bouvart Coline et Donne Vincent, 2023, Relever collectivement le défi…, op. cit., p. 41.

96Ibid., p. 42.

97Sur la question des emplois non pourvus : Estrade Marc-Antoine, 2013, « Les emplois non pourvus : mythes et réalités », Regards croisés sur l’économie, no 13, p. 151-167 ; et Clouet Hadrien, 2023, « On ne trouve plus à recruter », in Marie-Anne Dujarier (dir.), Idées reçues sur le travail. Emploi, activité, organisation, Paris, Le Cavalier bleu, p. 87-92.

98Bouvart Coline et Donne Vincent, 2023, Relever collectivement le défi…, op. cit., p. 30.

99France Compétences, 2022, « L’offre publique d’accompagnement à l’épreuve des reconversions professionnelles », La note d’études. Analyser pour réguler, no 5, Paris, France Compétences, p. 2.

100BVA, 2021, Parcours de reconversion professionnelle, rapport final pour France Compétences, p. 12 et 14.

101Ibid., p. 81 et 83.

102Aussi nommées Commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR).

103Annexe « Formation professionnelle » du Projet de loi de finances pour 2022, op. cit., p. 123.

104Voir plus haut.

105Compain Florent et Vivier Bernard, 2021, Les reconversions professionnelles, Paris, CESE, coll. « Les avis du CESE ».

106Stephanus Camille et Vero Josiane, 2022, Céreq Bref, no 418 : « Se reconvertir, c’est du boulot ! ».

107Déclaration d’Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, communiqué de presse du 28 novembre 2020.

108La prise en charge variant de 100 % à 40 % du coût du dispositif (y compris la rémunération des stagiaires) en fonction du nombre de salariés de chaque entreprise. Soutien financier qui n’est pas sans rappeler une forme de socialisation des risques (Gräbener Josua, 2017, « Socialiser les risques de recrutement : la Préparation opérationnelle à l’emploi », Sociologies pratiques, no 35, p. 49-57).

109Brochier Damien, 2021, Céreq Bref, no 405 : « Des reconversions aux transitions : un nouvel âge des mobilités professionnelles ».

110Tanguy Lucie (dir.), 1986, L’introuvable relation formation/emploi. Un état des recherches en France, Paris, La Documentation française ; Agulhon Catherine, 2009, « Les relations entre formations et emplois : une adéquation improbable », Formation emploi, no 107, p. 73-76.

111Code du travail, art. L6314-1.

112Ibid., art. L6311-1.

113Zimmerman Bénédicte, « Sécuriser les parcours par le compte. Formation continue, droits subjectifs et politiques de la singularité », in Catherine Négroni et Marc Bessin (dir.), Parcours de vie. Logiques individuelles, collectives et institutionnelles, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, p. 198.


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