Chapitre III. Un métier ambigu et polymorphe
p. 95-124
Texte intégral
1Les connaissances sur les maîtres de danse sont fragmentées. Elles surgissent au hasard de sources dispersées, sans qu’il soit envisageable d’en établir un corpus cohérent, stable et large. De ce fait, contrairement aux musiciens des églises, toute enquête prosopographique sur les maîtres à danser est condamnée à la fragilité. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas la tenter ! Rassembler des données, même trop diversifiées pour être exploitées sur un plan statistique, sera toujours une manière d’éclairer ce métier mal connu et trop souvent réduit à de répétitives caricatures.
2Chacun connaît le maître prétentieux du Bourgeois gentilhomme, d’ailleurs évoqué par Delacuisse dans la longue préface qu’il donne à son premier recueil de contredanses. Molière n’est pas le seul à avoir caricaturé la profession : après lui comme déjà avant lui, des silhouettes de maître à danser se glissent dans la littérature et le théâtre1. Tardivement encore, Châteaubriand dans ses Mémoires d’outre tombe trace en quelques mots l’inoubliable portrait d’un maître à danser par lui rencontré au cœur d’une forêt américaine :
« Un petit Français, poudré et frisé, habit vert pomme, veste de droguet, jabot et manchettes de mousseline, raclait un violon de poche, et faisait danser Madelon Friquet à ces Iroquois. Monsieur Violet (c’était son nom) était maître de danse chez les sauvages. On lui payait ses leçons en peaux de castors et en jambons d’ours2… »
3On trouve même des échantillons de maîtres à danser dans des comédies destinées aux collèges jésuites, telle Ésope au Collège du père du Cerceau (1670-1730)3, ou Le Sauvage censeur de nos mœurs, comédie en un acte jouée au collège jésuite de Caen en 17324. Dans le ballet intitulé Le Monde démasqué (1740), une mauvaise leçon de danse sert à illustrer les « faux talents ». Le maître à danser, caractérisé par le « ridicule de ses manières affectées », est mis au rang des médecins charlatans et des « prétendus philosophes5 ». Fatuité, suffisance, satisfaction de soi, sont les caractères récurrents prêtés au personnage. Souvent affublé d’un nom cocasse inspiré de sa fonction (Gambillard, Colophane, Sautenlair, Rigaudon ; M. Dumenuet, M. de Balenville, M. de l’Entrechat ou M. Le Cabrioleux…), il offre un mélange de vanité et de frivolité dont la répétition fait deviner le caractère convenu. Dans quelle mesure put-il toutefois y avoir interaction entre la réalité et sa représentation ? Les archives livrent parfois des preuves fugitives, chez les maîtres de ce que l’on peut appeler au choix prétention ou aspiration à la distinction, et chez ceux qui les fréquentent de l’utilisation du même champ de vocabulaire que celui véhiculé par la littérature. Ainsi en 1749, dans sa correspondance avec un maître de Caen, un noble possessionné en Normandie et en Puisaye appelle-t-il son correspondant « Monsieur de la Cabriolle6 ». Les clichés littéraires se sont intégrés au réel.
4Se pencher tout d’abord sur la biographie d’un maître orléanais contemporain de Jean Robert est une voie détournée pour approcher la sienne, si lacunaire. Il faudra ensuite confronter ce cas aux données plus larges dont on dispose et notamment au cadre corporatif théorique afin d’affiner la définition de ce métier moins univoque qu’on le pensait – ou qu’on se plaisait à l’imaginer7.
Jacques-Regnault Darnault (1707-1774) : des ballets jésuites aux leçons au cachet
5À travers ce maître à danser ordinaire des provinces, on découvre plusieurs facettes contrastées du métier. Jacques-Regnault Darnault et Jean Robert appartiennent à la même génération et se retrouvent au coude à coude dans les bals des années 1760.
Fils d’un boutonnier devenu ménétrier
6Si l’on ignore d’où était originaire Jean Robert, c’est à Orléans même qu’est né Jacques-Regnault Darnault8. Lors de son baptême en 1707, son père est qualifié de boutonnier9. Mais ce père évolue rapidement vers la musique, la lutherie et la danse. Le boutonnier a-t-il laissé place au ménétrier ou les deux métiers ont-ils cohabité ? La pluri-activité était chose fréquente et normale dans l’ancienne société.
7Le fait que Jacques Darnault père ait engendré 18 enfants permet de le suivre assez finement dans le registre de sa paroisse, Saint-Donatien. Dès 1712, le célébrant cesse d’ajouter à son nom l’indication professionnelle utilisée pour les baptêmes antérieurs (boutonnier, maître boutonnier). Ce métier ne sera plus jamais mentionné. On n’observe pas ces mouvements d’aller-retour qui dans d’autres cas sont le signe du maintien d’une double activité. Jacques Darnault père semble être passé radicalement du façonnage des boutons à l’univers musical, et ce d’abord par le biais d’une autre activité manuelle : en 1715, un acte de baptême à Saint-Maclou, le seul qui ait eu lieu en dehors de Saint-Donatien, le qualifie de « faiseur d’instruments », activité de lutherie confirmée et précisée par le baptême de 1726 qui le dit « faiseur de violons ». L’acte concernant un enfant mort-né le 22 décembre 1724 et le dernier baptême relevé, celui de 1728, donnent Jacques Darnault comme maître à danser. Lors de cette dernière cérémonie, le parrain est un « maître en fait d’arme » (qui se dit « ecuier du Roy » et se fait appeler « Monsieur Nicolas Fremont de la Pierre » mais est à peine alphabétisé), et la marraine est l’épouse de Marcou Crespion, lui aussi repéré comme maître de danse. Ce parrainage facilitait l’affirmation de cette spécialité par Jacques Darnault père. Elle est confirmée par d’autres actes postérieurs qui le disent maître à danser10, état parfois relayé par celui de ménétrier11. Malgré son grand âge, son acte de sépulture le dit encore « maître de dance et lutier12 ».
8Si son père a eu besoin de la lutherie pour compléter les revenus de son archet, Jacques-Regnault, en revanche, semble s’être contenté de marier jeu du violon et enseignement de la danse. Son identité musicale est claire et pérenne, quoique exprimée par des formulations diverses, complémentaires les unes des autres : maître de danse, maître à danser et musicien en cette ville, maître à danser et musicien symphoniste, « muzicien et maître à dancer »… Il a su multiplier ses domaines d’intervention, pénétrer des cercles nouveaux et par là diversifier ses sources de revenu : il était « 2e violon » au Concert de François Giroust, il jouait de la basse ou du violoncelle à la cathédrale. Mais il avait aussi antérieurement mis ses talents de maître à danser au service des jésuites, jusqu’à leur départ forcé, à la fin du mois d’août 1762.
L’importance de la danse chez les Jésuites
9Ce départ aurait pu déstabiliser gravement l’équilibre des milieux musicaux de la ville. À Orléans, le collège avait ouvert en 1617. Créé dans un contexte d’hostilité de la part des habitants, il a continué à pâtir ensuite d’un certain manque de confiance de la notabilité locale. De ce fait, ses effectifs n’ont jamais été très importants, certains parents des couches supérieures préférant envoyer à grands frais leurs fils étudier dans d’autres collèges13. Malgré tout, le départ des Jésuites a produit une secousse sensible, à l’impact d’autant plus direct sur les milieux artistiques de la ville que leur collège y était, comme partout, grand utilisateur de musique et de danse14. Dès les débuts de la Compagnie, le théâtre a été jugé formateur pour les jeunes gens : entraînement de la mémoire, travail de l’élocution voire de l’éloquence, pratique du style latin, confiance en soi, aisance en public… Sur ces scènes des collèges, à Paris comme en province, on joue d’abord des tragédies latines en cinq actes, mais aussi parfois des formes moins austères, tragédies françaises, tragi-comédies, tragédies-pastorales, ainsi que des comédies en français, comme celles du père Du Cerceau, fréquemment utilisées, y compris bien après la mort de leur auteur en 1730. Ces représentations mobilisaient tous les genres artistiques : déclamation, chant, musique instrumentale… et danse. Toujours très longues, difficiles à suivre lorsqu’elles sont en latin, les représentations sont en effet allégées par des intermèdes. Ceux-ci peuvent consister en de petites pièces de vers en français souvent chantées et mêlées de musique. Mais ils sont surtout constitués de ballets.
10Loin d’ostraciser la danse, les Jésuites considèrent au contraire qu’elle cumule plusieurs vertus. Elle aide à développer les capacités du corps (agilité, souplesse, souffle, endurance…). Comme le théâtre, elle permet de travailler la mémoire et la confiance en soi. Mais surtout, plus directement encore que le théâtre, elle enseigne efficacement la maîtrise corporelle, le geste assuré, l’allure dégagée, le port de tête ferme, le contrôle de chaque mouvement. Elle est leçon de bonne tenue, entraînement aux belles manières nécessaires à des garçons destinés à figurer dans le monde. Ce que Le Mercure de France en 1738 résume ainsi :
« Stiler [sic] les jeunes Gens à la belle prononciation et même leur dénouer le corps par le secours des Danses mêlées à ces Spectacles, afin de les accoûtumer de bonne heure à se produire et à se présenter avec décence15. »
11En prime, ces ballets des collèges se veulent porteurs de messages édifiants et de valeurs élevées, ils doivent aider à développer le sens moral des jeunes gens. La danse réalise donc la synthèse de plusieurs buts poursuivis par les pédagogues jésuites : formation corporelle, formation sociale, formation morale. Le livret d’un des rares ballets orléanais conservés, daté de 1718 et titré La Jeunesse, présente ainsi son sujet :
« Trois choses sont nécessaires pour élever & former la jeunesse. Il faut lui éclairer l’esprit par l’étude des Sciences ; lui régler le cœur en lui inspirant de l’amour pour la vertu, & de l’horreur pour le vice ; enfin les exercices du corps lui sont nécessaires pour la disposer aux fonctions d’un âge plus avancé. »
12Or, dans ces « exercices du corps » si « nécessaires », c’est la danse qui dans La Jeunesse arrive en premier, avant l’arc et l’escrime. C’est elle qui donne matière à la première entrée de la troisième partie du ballet, exécutée par onze garçons16.
13Cette valorisation de la danse n’était pas l’apanage des Jésuites : on dansait aussi chez les pères de la Doctrine Chrétienne, quoique moins intensément. En revanche, les collèges des Oratoriens, sous influence janséniste, écartaient presque totalement la danse17. Ce sont les collèges jésuites qui ont poussé le plus loin l’expérience, et fait le plus appel aux services de maîtres à danser. Ces derniers, comme les maîtres de musique et les maîtres d’armes, sont des maîtres installés dans la ville, agréés officiellement par le collège mais payés en supplément par les parents.
14Non contents de dispenser des leçons, ces maîtres de danse construisaient le ballet destiné à servir d’intermèdes à la pièce en préparation. Ils adaptaient leur chorégraphie aux niveaux et aux effectifs dont ils disposaient cette année-là, et la faisaient répéter à leurs écoliers, stimulés par cet objectif de représentation publique. Cela supposait un long entraînement, mené tout au long des années scolaires, en amont de chacune des apothéoses scéniques. Utilisant souvent des thèmes mythologiques, historiques ou exotiques, remplis de dieux et demi-dieux, de satyres ou de cyclopes, de sauvages et de Persans, de bergers et de paysans, mais aussi d’allégories personnifiées (la vaillance, l’amitié, l’amour de la patrie…), ces ballets apportent aux austères tragédies latines un contrepoint coloré et joyeux, sans cesse diversifié. Ils comportent plusieurs tableaux successifs qui viennent s’intercaler entre chaque acte de la pièce. De ce fait leur architecture la plus courante est de quatre parties, subdivisées chacune en un nombre d’entrées variant de deux à cinq, idéalement quatre. Ces ballets racontent eux aussi une histoire, qui peut avoir – ou non – un lien avec le sujet de la pièce, parfois repris sous une forme symbolique ou allusive. Pour aider les spectateurs à se repérer dans cette intrication, des programmes imprimés sont distribués. Ceux qui concernent le ballet comportent quatre, huit ou douze pages. Ils exposent l’argument général du ballet, puis résument en quelques lignes la signification de chaque épisode et indiquent la distribution. Ils sont aujourd’hui notre première source d’information sur les ballets de collège18.
15Tel était aussi le cas au collège jésuite d’Orléans. Seules quelques très rares traces en ont survécu, soit directement19, soit à travers l’évocation qu’en fait la bibliographie ancienne20. L’abbé Pataud, repris par tous les érudits orléanais après lui, a évoqué l’éclat donné par les Jésuites d’Orléans à leurs distributions des prix. Il rapporte « qu’on regarde » celle de 1684 « comme la première de celles où furent joués des drames tantôt tragiques, tantôt d’un genre moins sérieux […] mais toujours sans femmes et sans intrigues dangereuses21 ». À Orléans comme dans les autres établissements jésuites, de tels spectacles étaient présentés a minima lors de chaque distribution des prix, mais aussi parfois à Carnaval, ou pour d’autres occasions : on compte jusqu’à trois représentations annuelles durant les décennies qui précédèrent l’expulsion22. Ainsi, durant la seule année 1750 : le 3 février, le 28 août et le 7 septembre23. Même en ne comptant que deux fêtes par an, entre 1684 et le départ des Jésuites, cela suppose quelque 160 ballets ou intermèdes chorégraphiés dont les programmes ont dû être imprimés à Orléans… On compte sur les doigts d’une seule main ceux qui ont laissé une trace utilisable aujourd’hui.
16Brillants et chamarrés, techniquement élaborés, accompagnés de costumes et de décors, ces spectacles étaient des moments forts non seulement dans la vie de l’établissement, mais aussi, plus largement, dans la sociabilité des élites urbaines24. Le programme du spectacle donné en mars 1753 au collège d’Orléans contient de très intéressantes mises en garde au sujet des réservations des places, d’où il ressort qu’il y avait toujours plus de spectateurs potentiels que de sièges disponibles, ce qui pouvait entraîner « du trouble & de la confusion25 ». Les parents des jeunes acteurs « sont priés de ne point attendre trop tard à venir occuper les places qui leur sont désignées. On les prie aussi de ne pas donner à d’autres tous leurs billets » et une parenthèse précise que ce n’est pas une recommandation en l’air : « (comme il est souvent arrivé) ». Deux catégories de spectateurs sont clairement exclues par cet avertissement : les enfants « trop jeunes pour soutenir des exercices qui sont de quelque durée & quelques petits qu’ils soient, ils occupent toujours une place dont une grande personne se trouveroit contente » ; et les domestiques (« mais on donnera des billets aux domestiques des Acteurs pour le jour de la Répétition générale qui précèdera »). Les limites sociales sont évoquées de manière allusive mais probablement limpide pour les lecteurs et lectrices du livret :
« Comme il y a des personnes que l’élévation de leur rang dispense de présenter des billets pour être admis, il y a des gens au contraire qu’on est dispensé de recevoir, quand même ils auroient obtenu par hazard quelques billets par le peu de discernement des Acteurs26. »
17Certains amateurs se déplacent de loin pour assister aux représentations. Ainsi le négociant manceau Jean-Baptiste Leprince se souvient-il dans ses Mémoires être allé à cheval, en compagnie de cinq autres personnes, du Mans au collège de La Flèche « pour voir la tragédie et la distribution des prix ». Il commente : « Ce spectacle nous intéressa beaucoup, surtout le ballet qui étoit charmant et qui fut supérieurement exécuté27. » L’épisode se place au début des années 1750. Ce moment reste mal documenté par les livrets programmes fléchois retrouvés, ce qui interdit actuellement de savoir qui avait chorégraphié ce ballet « charmant ». Les précédents ballets connus, de 1738 à 1744, avaient été conçus par Gilles Crespion (1697-1751), issu d’une dynastie orléanaise de maîtres à danser.
18La requête d’un maître de danse dijonnais, quoique un peu antérieure, dit de façon frappante l’importance du maître agréé par les Jésuites à l’échelle de la ville. Pensionné de la ville de Dijon à hauteur de 5 livres par an, il semble à Jean Chalier « qu’il démériteroit dans son art » s’il ne recevait pas la même somme que les compositeurs de musique Cappus et Rameau – excusez du peu –, dont il vient d’apprendre qu’ils touchaient 30 livres. Pour prouver que son talent se situe « au même degré dans son genre que les Sieurs Cappus et Rameau dans le leur », il allègue les applaudissements qui ont salué « le dernier ballet dont il a été chargé pour le jeu du Collège des Jesuittes de cette ville ». Et il souligne qu’un « on » indéfini « a daigné faire autant d’attention à la composition qu’au zèle qu’il a aporté à élever les jeunes gens qui l’ont exécuté au gré de tout le monde ». En clair : il n’est pas seulement un répétiteur de danse, il est un compositeur, un créateur ! Le 30 décembre 1740, les magistrats dijonnais lui donnent raison et fixent sa pension désormais « sur le pied de trente livres annuellement28 ».
Vestiges de ballets orléanais
19Jean Robert ne serait arrivé à Orléans que vers la fin de la décennie 1750. Trop tard, donc, pour prendre pied sur le juteux marché des écoliers des Jésuites. C’est Jacques-Regnault Darnault qui a eu la haute main sur les chorégraphies du collège vers la fin de la période jésuite29… et donc aussi sur les leçons dispensées aux apprentis danseurs. Au-delà du revenu direct que procuraient ces leçons, enseigner au collège des Jésuites dont l’exigence en la matière est connue, assure au maître une notoriété qui élargit ses possibilités de recruter d’autres élèves. Le mécanisme s’observe dans toutes les villes, au point que Marie-Claire Mussat écrit que ceux qui enseignent leur art au collège jésuite constituent « l’élite » des maîtres à danser30.
20L’érudit orléanais Tranchau évoque « Darnaud le jeune » dansant en 1742 en intermède d’un drame comique en latin intitulé Maledici : « Afin d’ajouter à la gaîté, on y avait mis de la danse, mais pour un seul acteur appelé Darnaud le jeune, dont le frère, réputé bon compositeur, avait fait la musique31. » Sur quelle source se fonde Tranchau concernant ce frère « réputé bon compositeur » ? En 1742 deux Darnault sont actifs dans le monde de la danse et de la musique orléanaises. Le père, Jacques Darnault, maître à danser ainsi que « faiseur de violons » et ménétrier, a environ soixante ans32. Son fils aîné, Jacques-Regnault a quant à lui 35 ans. Devenu veuf l’année précédente de la sœur de l’organiste Moyreau, il s’est rapidement remarié et en 1742 vient juste d’avoir un fils33. Il est plausible, en suivant Tranchau, que le « bon compositeur » soit Jacques-Regnault, et que « Darnaud le jeune » soit l’un de ses jeunes frères34. Enquête menée, sur les très nombreux enfants issus de Jacques Darnault père, deux pourraient être candidats à être ce « Darnaud le jeune » qui a dansé un intermède sur la scène du collège en 1742 : Jean-Étienne, qui a alors 16 ans, ou Nicolas qui en a presque 1435. Dans ce cas, tout laisse penser que Darnault l’Aîné avait non seulement composé la musique de l’intermède, comme l’affirme Tranchau, mais aussi la danse elle-même, comme cela est attesté pour plusieurs ballets ultérieurs. Au lieu de l’exécuter lui-même, il l’a confiée à son jeune frère aguerri par une pratique précoce et intensive de la danse au sein du milieu familial.
21C’est Jacques-Regnault Darnault que l’on retrouve dix ans plus tard comme auteur de plusieurs ballets successifs présentés au collège d’Orléans. Le ballet suivant ayant laissé une trace dans la bibliographie ancienne est La Naissance d’Achille, dansé au collège d’Orléans les 28 et 31 août 1750, en intermède d’une comédie française, Les petits Maistres36. De la composition de Darnault, il est classiquement construit avec une ouverture puis trois parties de chacune deux entrées et enfin un ballet général. Autour du berceau d’Achille, il mobilise dieux de l’Olympe, ambassadeurs de princes étrangers, bergers et paysans… Le Destin et Mercure révèlent la destinée de leur petit-fils aux vieux rois Thessaliens qui « expriment leur joie par des danses » et on visualise sans peine les jeux de scène auxquels l’épisode pouvait donner lieu. De même lorsque Vulcain ordonne aux Cyclopes de forger les armes du héros ou lorsque Apollon avec sa lyre chante sa gloire à venir. Le ballet final fait appel à des Heures couronnées de laurier, aux Parques qui filent des jours de soie pour le jeune Achille et il résume toute l’allégresse liée à cette heureuse naissance… Cette utilisation chorégraphique des cyclopes forgerons évoque irrésistiblement trois pièces enchaînées du premier livre de clavecin publié par Christophe Moyreau en 1753, qui portent des titres suggérant une atmosphère très voisine de celle des ballets de collège : Les Cyclopes forgeants le foudre meurtrier d’Esculape, rondeau, Apollon vient les exterminer, Concert des Sicilliens delivrez du bruit des Cyclopes37. Cela invite à supposer que Darnault et son beau-frère l’organiste Moyreau ont pu collaborer pour composer les musiques des ballets du collège d’Orléans.
22L’année qui suit La Naissance d’Achille, en février 1751, on retrouve « M. Darnaud l’aîné » compositeur du ballet présenté en intermède d’une comédie intitulée L’Antiquaire38. Tranchau ne donne pas le titre de ce ballet de février 1751 mais précise qu’il comportait huit danseurs39. Ce chiffre étonnamment faible constitue un minima rarement observé. À Louis-le-Grand au siècle précédent, Nathalie Lecomte note que le nombre total des élèves prenant part au ballet variait de 6 en 1689 et 1696 à 23 en 169740. Mais elle souligne la place que prenaient en complément les baladins de profession, qu’ils soient issus de l’Académie royale de musique, attachés à d’autres troupes, ou maîtres à danser en exercice à Paris. Au point de faire monter le nombre total des interprètes parfois à près de soixante41. Les mêmes observations perdurent à Louis-le-Grand durant la première moitié du xviiie siècle. Scrutant les distributions des ballets au temps où le futur violoniste, compositeur et théoricien de la musique Michel Chabanon y fait ses études, entre 1737 et 1745, Marie Demeilliez relève que la liste des collégiens qui « danseront au ballet », imprimée sur la dernière page du programme, comporte de 23 à 30 noms, auxquels s’ajoutent selon les années entre 34 et 47 danseurs professionnels42. Soit des effectifs considérables, qui poussent à mettre le cas parisien délibérément à part. Mieux vaut comparer Orléans à d’autres collèges jésuites de province. À Rennes, Marie-Claire Mussat observe que le nombre des danseurs oscille entre 9 et 38, mais que ce sont là des cas extrêmes, les chiffres les plus fréquents étant 18 ou 2043. À La Flèche, le ballet ayant regroupé le plus faible effectif comptait 12 danseurs, pour d’autres cela peut monter jusqu’à 39. La moyenne s’établit entre 24 et 25 pour l’ensemble des livrets retrouvés, qui s’échelonnent chronologiquement de 1684 à 1761. On observe une tendance à l’augmentation des effectifs au fil des décennies : il y a près de trente danseurs sur scène pour chacun des seize ballets connus au xviiie siècle44.
23Intégré dans un recueil factice de pièces des xviiie et xixe siècles constitué par l’abbé Pataud, un autre programme de ballet est conservé à la médiathèque d’Orléans45. C’est sans doute le collectionneur qui a indiqué pour ce ballet la date de 1769. Reprise par tous les auteurs, cette datation paraît des plus douteuses, comme l’est celle de certaines autres pièces du même recueil46. La parenté avec les ballets du temps des Jésuites est tellement manifeste qu’elle rend la date de 1769 impossible. Examinons le livret du ballet. Son titre est très emblématique de l’esprit du moment : Les Avantages de la Vie Pastorale. L’argument prétend « montrer qu’on peut trouver des avantages dans les conditions qui semblent en offrir le moins » et le ballet s’ouvre sur une scène colorée mêlant Apollon en chef des bergers accueillant le Printemps et l’Automne « suivis des jeux & des ris ». Le ballet comporte ensuite trois parties de trois entrées chacune. La première, qui pour chanter « la gloire de la vie pastorale » juxtapose des dieux bergers et des bergers devenus rois, paraît spécieuse et artificielle. Les deux suivantes sont plus cohérentes par l’alignement appliqué de poncifs relatifs à la saine vie campagnarde. La Volupté, bien entendu, y est bannie par la Sagesse, l’Intempérance par la Frugalité et la Discorde par l’Union… Les jours y sont rythmés par la religion, la chasse et « la tondaille des bêtes à laine ». Propice à exhiber divers caractères, cette dernière entrée se termine par l’arrivée des marchands venus acheter la laine « bien-tôt suivis d’un joueur de Vielle & d’un Aveugle. Il se fait à cette occasion (selon la coutume) une réjouissance de Village ». Les noces en moins, l’atmosphère est celle du ballet final du Devin du Village de Rousseau (1752) où l’on chante « Allons danser sous les ormeaux… » au son des chalumeaux, ici remplacés par une vielle. Si l’aveugle apparaît bien dans la distribution (« M. le Vassor »), il n’en va pas de même du joueur de vielle que l’on peut supposer avoir été engagé à l’extérieur du collège, parmi les amis ou relations du metteur en scène. Comme toujours, la représentation se clôt par un ballet général en guise de bouquet final (voir fig. XIII). Dans celui-ci, « les Génies de la Paix & de l’Amitié suivis des Jeux & des Ris viennent inviter les Habitans des Villes à les quitter pour quelque temps », thématique qui devait parler aux élites orléanaises adeptes de la double résidence. Ce ballet général met en mouvement tous les danseurs mobilisés au cours des parties précédentes, soit seize garçons, dont on retrouve par ailleurs la liste, établie en ordre alphabétique des prénoms, à la dernière page du livret. Six d’entre eux faisaient aussi partie des huit acteurs de la pièce en intermède de laquelle le ballet a été dansé, et un septième en avait dit le prologue, ce qui suppose pour ces jeunes gens doubles répétitions en amont.
24La première des sept pages qui composent le livret du ballet constitue en effet le verso d’une page unique présentant la comédie Le Fils indocile. Ce titre, qui aurait pu permettre de dater le ballet, n’est pas cité dans les spectacles successivement évoqués par Tranchau. Toutefois celui-ci mentionne en 1759 un exercice fait par les élèves de Quatrième autour des Églogues de Virgile et autres poésies pastorales : « Un élève devait chanter le bonheur de la vie champêtre ; tous étaient habillés en bergers ; le théâtre représentait une grotte soutenue par des colonnes garnies de fleurs et de verdure, et agrémentée d’une cascade et d’un jet d’eau47. » Voilà qui paraît très cohérent avec ce ballet précisément titré Les Avantages de la Vie Pastorale, pour lequel on proposera donc la datation 1759 plutôt que 176948. Il est aussi possible qu’on ait réutilisé pour l’exercice des Quatrième en 1759 le décor et les costumes mis au point pour ce ballet qui serait alors quelque peu antérieur.
25En tout état de cause, si 1759 n’est pas une date fermement assurée, du moins peut-on être certain que 1769 est impossible. « Les Danses sont de la composition de Mr Darnault le Fils. » Or en 1769, Jacques Darnault père a environ 88 ans, il est retiré des activités dansantes depuis nombre d’années49. Son fils qui en a quant à lui déjà 62 se définirait-il encore professionnellement par rapport à son père ? Un dernier argument, plus fondamental que tous les précédents, peut enfin être avancé pour clore le débat : on ne voit pas qu’en 1769 aient encore été élaborés de tels divertissements au sein du collège municipal qui a pris la suite du collège jésuite. Les Avantages de la Vie Pastorale répond trop bien aux codes du ballet jésuite pour ne pas dater, nécessairement, de la période antérieure à 1762.
« Envoyer retirer leurs cachets »
26Partout, le départ des Jésuites en 1762 a mis dans l’embarras les maîtres de danse les plus étroitement liés aux collèges. Ainsi à Rennes Marie-Claire Mussat voit leur capitation s’effondrer dans les années qui suivent50. À La Flèche, c’est une véritable hémorragie : les maîtres de danse fuient un à un la ville, l’un pour Nantes, l’autre pour Le Mans puis Angers, le troisième pour Château-du-Loir puis Châteauroux51.
27Les Jésuites quittent Orléans à la fin du mois d’août 176252. L’événement y a cependant eu moins d’impact que dans une petite ville de la taille de La Flèche53, où la fermeture du collège fut un réel traumatisme pour les maîtres d’agrément, mais aussi pour tous les artisans, domestiques, maîtres de pension, qui tiraient du collège une part importante, si ce n’est la totalité, de leurs revenus. À Orléans, la proportion des collégiens sur l’ensemble de la population urbaine était infiniment moindre. Par ailleurs y existaient des notables beaucoup plus florissants et diversifiés, ainsi qu’une moyenne et petite bourgeoisie étoffée, désireuse de se doter des manières des groupes supérieurs. Pour eux tous, la danse est constitutive de leur identité sociale, ou de celle à laquelle ils aspirent. Ces facteurs cumulés ont permis aux maîtres de compenser la brutale perte de la clientèle du collège par d’autres types d’écoliers. Ainsi Jacques-Regnault Darnaud paraît-il être bien retombé sur ses pieds.
28La municipalité installe peu après un nouvel établissement d’éducation dans les locaux du collège, tenu par des enseignants séculiers, « tout différent de la conduite que l’on tenait sous les Jésuites » témoigne le marchand drapier Étienne Brasseux, lui-même ancien élève du collège jésuite54. L’une des différences essentielles pour le sujet qui nous occupe, est la proscription des spectacles : « Il ne sera représenté au Collège ni tragédie, ni comédie, et il ne sera rien fait qui tienne du spectacle » énonce le 13e et dernier article du règlement rédigé le 3 juillet 1763 sur les Exercices publics et la distribution des prix55. Cet article du règlement infirme en lui-même la datation « 1769 » pour le ballet Les Avantages de la Vie Pastorale, sauf à supposer que six ans après sa promulgation le règlement ait été aussi radicalement battu en brèche, ce qui est peu vraisemblable. Plus de représentation théâtrale, donc, plus de ballet qui offre un horizon scénique aux leçons de danse. Toutefois, même si la place de la danse y est moindre désormais, Darnault maintient probablement une certaine activité sinon au sein du collège du moins en son voisinage immédiat, une partie des écoliers étant toujours clients en puissance des maîtres d’agrément. Surtout, il développe sa clientèle individuelle.
29Jusqu’à quand au juste Jacques-Regnault Darnault a-t-il continué à exercer ? Deux mois après sa mort, survenue le 30 janvier 177456, à 66 ans passés, ses héritiers réclament par le biais de la presse le paiement des dernières leçons dues :
« Les personnes à qui le Sr Darnaud, maître de danse à Orléans, montroit à danser, sont priées par ses héritiers de vouloir bien envoyer retirer leurs cachets chez M. Sonnier, notaire, rue des Pâtoureaux. Ils osent se flatter qu’on leur épargnera le désagrément d’aller les présenter dans les maisons57. »
30Cette annonce laisse à première vue imaginer un maître à danser actif jusqu’à la veille de son décès. Elle entre en contradiction avec plusieurs autres documents concernant la fin de vie de Jacques-Regnault Darnault.
31Le premier est un testament qu’il a dicté un an et demi plus tôt, au cœur de l’été 177258. Il s’y présentait comme « muzicien et maître à dancer demeurant à Orléans rue des Trois Maries parroisse Saint Maclou, étant au lit mallade de corps, néanmoins saint [sic] d’esprit, mémoire et entendement ». Le principal objet de ce testament est de désigner comme exécuteur testamentaire « monsieur Alix, chanoine de l’église de Saint-Aignan d’Orléans59 ». Celui-ci sera chargé de protéger les droits du second fils du testateur, absent « en pays étranger60 ». Si Jacques-Regnault à cette date demeure encore dans sa maison, où l’acte est établi « en une chambre haute au premier, ayant vue sur la dite rue des Trois Marie », il déclare cependant « ne pouvoir signer à cause d’une infirmité à la main ». Rien n’interdit évidemment d’imaginer qu’il se soit assez bien remis de cette maladie de l’été 1772 pour recommencer à « montrer à danser » durant quelque temps.
32Toutefois, une seconde information n’incite pas à corroborer cette hypothèse : le maître à danser est mort à l’hôpital général d’Orléans. Dans des conditions confortables puisque l’inventaire après décès montre qu’il y occupait un véritable appartement61. Ce petit appartement – qu’on appellerait aujourd’hui un « duplex » – est composé « d’une petite chambre à cheminée donnant sur la première cour dudit hôpital », d’une pièce à côté, avec notamment un secrétaire en acajou garni de tiroirs « dans lequel s’est trouvé un tas de papier de musique », et à l’étage d’une troisième chambre, où sont rangés une partie des vêtements, des livres, mais aussi un pupitre, « un dessus de violle démonté et trois violons d’enfans » ainsi que « plusieurs cahiers de musique tant reliés en carton que brochés et divisés ». Les trois pièces sont garnies des propres meubles du maître, de nombreux tableaux et d’images « tant en couleurs que noir, tant entières que cornées ou déchirées », ce qui suggère une installation de fin de vie analogue à, de nos jours, une entrée en « foyer-logement » ou en « maison de retraite62 ».
33Tout cela rend assez improbable des leçons de danse dispensées jusqu’à la fin. Et oblige donc à supposer que les leçons restant dues correspondaient à des prestations déjà anciennes qu’il était aisé à des écoliers indélicats d’avoir « oubliées ». D’où le « désagrément » pour les héritiers de devoir aller « présenter dans les maisons » les cachets attestant chaque dette, comme l’évoque la petite annonce des Affiches.
34Ce « désagrément » ne fut pas épargné à Louis-Jacques Darnault, fils aîné du défunt, alors « perruquier pour dames à Rennes en Bretagne », mais venu à Orléans pour orchestrer le règlement de la succession63. Le notaire explique que « depuis le commencement du présent inventaire », soit durant le mois qui s’est écoulé entre l’inventaire des effets mobiliers et sa clôture, « ledit sieur Darnault s’est transporté chez tous les écoliers du sieur Darnault son père à l’effet de faire le recouvrement des sommes qui pouvoient lui être dues ». Il s’est fait assister dans cette tâche par le sieur Ménard qui reçoit pour cela 15 livres prises sur la succession. Ce dernier n’est autre que Jean-Adrien Ménard, jeune maître à danser disciple de Darnault, qui se proclame tel dans une annonce publiée moins de six mois après le décès, signe qu’il pensait que ce parrainage pouvait lui être profitable64. De ce fait, la démarche du recouvrement des dettes Darnault peut être analysée tout autrement que comme un pur « désagrément » : pour ce jeune homme, ce qui pourrait apparaître comme une corvée était surtout une occasion fructueuse d’établir des contacts, de se faire connaître, et de capter une partie de la clientèle en déshérence de son maître65. Suit une intéressante liste de 31 noms qui déclinent un bel échantillonnage des écoliers d’un maître à danser réputé sur la ville. La plupart doivent de petites sommes, allant de 12 sols à 24 livres, pour un total de 172 livres 4 sols et une moyenne de 5 livres 10 sols et quelques deniers. On y retrouve le « sieur Principal du collège d’Orléans », pour 3 livres, et aussi le chapitre de Sainte-Croix « pour gages, dix livres », qui doivent être ce qui restait dû au défunt en tant que bassier à la cathédrale. La dernière dette est réglée par le sieur Debaignaux, elle ne correspond pas non plus directement à des leçons de danse : « pour papiers de musique, 3 livres », ce qui indique que le maître à danser continuait à étoffer son répertoire d’airs à danser, ou peut-être fournissait à ses écoliers de quoi noter les musiques qui avaient été utilisées durant la leçon, pour en garder mémoire et pouvoir réviser la danse nouvelle en famille ou entre amis. On repense au bon garçon et à son carnet…
35Les 28 autres débiteurs se partagent à parts presque égales entre hommes (13) et femmes (15), ce qui montre le fort investissement féminin dans la conquête de la danse66. Rien cependant n’assure que les payeurs aient été les bénéficiaires directs des leçons : il peut aussi s’agir de parents réglant les cours de leurs enfants, ou de responsables de pensionnats. En dépit de quelques noms fleurant la noblesse (Villarson, du Breuil), la dominante semble appartenir à la bourgeoisie, en particulier négociante et manufacturière (Vandebergue, Seurrat de Malmusse, Jousse, de Mainville…)67.
36La dynastie Darnault eut-elle une suite ? Au moment de la mort de Jacques-Regnault, son unique fils survivant, Louis-Jacques, ne semble pas s’apprêter à prendre sa succession puisqu’il est alors perruquier à Rennes et qu’il paraît laisser la clientèle orléanaise paternelle aux mains de Jean-Adrien Ménard. Toutefois, il est troublant de rencontrer quinze ans plus tard un « sieur Darnaud, Maître de danse » installé au moins de 1787 à 1790 à Auxerre, ville qui n’est qu’à 140 km d’Orléans68. S’agit-il d’un pur hasard homonymique, ou bien le perruquier serait-il revenu au métier de ses père et grand-père ? À Orléans, c’est Thérèse Darnault (1723-1786), une jeune sœur de Jacques-Regnault, qui va pendant un temps unir à nouveau le nom des Darnault à l’enseignement de la danse69.
37Des brillants ballets de collège aux leçons au cachet, ce sont deux facettes contrastées du métier de maître à danser qui se sont révélées en suivant Jacques-Regnault Darnault. Ce qui nous ramène à Jean Robert : rien n’indique qu’il ait eu accès à la clientèle du collège jésuite avant 1762, mais les sources étant rarissimes, cela reste évidemment possible. Ce qui est parfaitement clair, en revanche, est le fait qu’il partage de nombreux traits avec Darnault, et tout d’abord cette double qualification professionnelle mêlant la musique à la danse, caractéristique du métier de maître à danser.
Musicien et maître à danser, une double compétence
38Le notaire qui instrumente après la mort de Jacques-Regnault Darnault désigne le défunt comme ayant été de son vivant « muzicien et maître à dancer ». C’est aussi la formulation qui, avec diverses nuances orthographiques, est souvent appliquée à Jean Robert. Souvent, mais pas toujours, et pas exclusivement. Allier danse et musique était normal et habituel chez les maîtres à danser : en principe toujours instrumentistes, ils prennent souvent soin d’afficher leurs deux talents ensemble, comme si l’un n’allait pas sans l’autre.
39On en trouve trace dans les autorisations administratives d’exercice comme celle accordée à Jacques Hidiard à Évreux en 1740 : bien que se présentant seulement comme « maître à danser », le requérant demande aux autorités de « l’authoriser et luy permettre de s’établir pour enseigner la Danse & musique ». Requête à laquelle le procureur du roi donne un avis favorable : « consent que le suppliant soit autorisé de s’établir en cette ville en qualité de maistre à danser et d’y avoir salle à cet effet ». La danse semble bien l’objectif premier, mais l’avis se clôt sur « même d’y montrer la musique70 ». Les avis divers des Affiches en offrent aussi d’innombrables exemples. Ainsi à Orléans, peu après la mort de Robert, le sieur Dubois, maître de danse de Paris, « offre ses services aux jeunes Gens pour leur montrer toutes sortes de danses », et ajoute qu’il enseigne aussi « à jouer du violon, & tient sa partie dans les Concerts71 ». De même près de vingt ans plus tard, un autre maître « nouvellement arrivé » à Orléans, après avoir détaillé tout ce qu’il enseignera en matière de danse et de bonnes manières, complète : « pour l’agrément il jouera du violon dans les Bals ou Sociétés72 ». Une annonce nantaise proclame encore plus nettement l’étroite complémentarité des deux arts : le sieur Guichard, maître de danse, informe les lecteurs des Affiches de Bretagne qu’il « enseigne à danser & à jouer du violon, par une méthode qui lui est particulière, pour faire entendre la mesure, & former des élèves en très-peu de temps73 ». Sa « méthode particulière » semble prioritairement viser l’apprentissage du rythme (« faire entendre la mesure ») : sur ce champ-là, en effet, danse et musique s’épaulent mutuellement avec efficacité. Un peu plus tard, à Angers, le sieur Lavigne, lui aussi maître de danse, « prévient » à la fois qu’il enseigne « les vrais principes de la danse » et qu’il « enseigne aussi le violon, pour jouer les contredances, soit par musique ou par routine74 ». Ces deux mots suggèrent que sa pédagogie s’adaptera aussi bien aux musiciens qui savent déchiffrer un air à partir de la partition (« par musique ») qu’à ceux qui l’apprendront d’oreille (« par routine »), précieuse trace des doubles modalités de transmission qui coexistent.
40Un peu différente, une annonce publiée dans les Affiches parisiennes met au contraire la musique au premier plan : « On désireroit trouver un maître de Violon », ajoutant tout aussitôt « qui réunit le talent d’apprendre à danser le Menuet75 ». La logique de la double compétence est ici inversée mais reste présente.
41C’est également la musique qui est la première compétence affichée par Jacques Colomby à Aix-en-Provence quand le 21 mars 1740, il porte plainte contre un jeune homme qui refuse de le payer pour être venu plusieurs fois jouer du violon et le divertir avec ses camarades. Jusqu’ici on reste dans le champ de compétence officiel du violoneux. Mais Colomby réclame également une rétribution « pour le temps qu’il a employé à lui montrer à faire le salut et le pas de menuet ». Le joueur de violon possède donc aussi des notions dans ce domaine, même s’il explique avoir d’abord tenté d’adresser le client à plus expert que lui (« quoiqu’il eut voulu le présenter pour cela au sieur Lesueur, maître à danser »). C’est là une petite touche passionnante qui montre incidemment comment des maîtres de danse peuvent à l’occasion trouver des écoliers en s’en faisant rabattre par des amis musiciens. Le demandeur étant particulièrement insistant (« voulut absolument qu’il lui montra ») et la commande étant étroitement circonscrite (« lui ayant dit qu’il se contentait de savoir faire le salut et le pas de menuet »), le joueur de violon lui a finalement « montré pendant quinze jours deux ou trois fois par jour », notation d’une précision elle aussi inaccoutumée76.
La communauté des maîtres à danser et joueurs d’instruments
42Cette polyvalence danse/musique parcourt toute l’histoire de la vieille communauté de Saint-Julien des Ménétriers, laquelle avait été fondée en 1321 « à l’acort commun des menestreus et menestrelles, jougleurs et jougleresses, demourant en la ville de Paris, dont les noms sont ci-dessous escripts » – soulignons au passage que sur les trente-sept noms de ces fondateurs, huit sont des femmes77. À partir de cette création, l’exercice du métier a été – comme tous les autres – réglementé : apprentissage, maîtrise, paiement de droits d’entrée à la communauté et, au dessus, au « Roi des violons de France » par l’intermédiaire de l’un de ses officiers78. On retrouve l’étroit mariage de la musique et de la danse à travers les résurgences et soubresauts de la communauté au xviiie siècle. Réactivée par le violoniste Jean-Pierre Guignon, nommé Roi des violons par Louis XV en 1741, la communauté fait l’objet en 1747 d’une vaste réorganisation, au moins théorique, limitée mais officialisée par un arrêt du Parlement du 30 mai 175079. Dans les villes où au milieu du xviiie siècle une communauté de métier subsiste, celle-ci est généralement appelée « des maîtres à danser et joueurs d’instruments ». On retrouve cette dénomination à Tours80 comme à Paris ou, avec une nuance, à Rouen81. Mais on rencontre aussi, assez fréquemment, le raccourci elliptique « les Violons82 ». On peut penser qu’il en était de même à Orléans, la ville étant l’une des quarante villes majeures distinguées dans le royaume par les statuts des ménétriers remodelés en 1747 et correspondant aux villes où les musiciens sont théoriquement organisés en métier83.
43Au début des années 1760, le sieur Étienne-Henry Barbotin d’Ayrault-Bajet, « Lieutenant général du Roi des violons », entreprend de traduire en actes, à son profit, les réformes de Guignon. Il proclame avoir « droit exclusif » sur les musiciens de son ressort, soit environ les deux tiers du pays, que ces musiciens soient « joueurs et toucheurs d’instruments, d’harmonie, maîtres de musique, musiciens, clavecinistes, professeurs et compositeurs de musique, et maîtres à danser ». Il suscite une levée de boucliers en divers points du royaume de la part de musiciens qui redoutent cette réactivation du contrôle corporatif, et plus particulièrement de la part des organistes qui veulent continuer à arrondir confortablement leurs revenus grâce aux leçons de clavecin. Sur ce personnage de Barbotin, dont le nom en lui-même prête aisément à sourire, la bibliographie ancienne a glosé à l’infini84. Elle réutilise à plaisir les formulations les plus ironiques et les plus mordantes de ses adversaires – et leurs mémoires judiciaires n’en manquaient pas. On cite en particulier les piques spirituelles alignées par Edme Dupont, musicien de la cathédrale de Chartres, et meneur de l’opposition au lieutenant particulier de Barbotin pour sa région. Dupont distinguait « les Harmonistes » de la « communauté de cabrioles » et traitait aimablement les maîtres à danser de « vils instrumenteurs qui faisoient jurer leur archet sous les Contre-danses d’une Guinguette85 ». Répété à l’envi, le procédé provoque un rideau de fumée qui rend difficile d’y voir clair sur le fond du conflit. De plus les auteurs se réfèrent à un nombre réduit de sources parisiennes qui, toutes, émanent du camp des « Organistes86 ». Elles dressent un portrait systématiquement à charge des ménétriers et maîtres à danser, en particulier lorsque sont évoqués des événements et des personnages provinciaux, lesquels ne sauraient être que vils, ridicules et en prime incompétents.
44L’examen de sources complémentaires et l’enquête personnalisée sur certains des lieutenants de Barbotin lancée par J.-F.-M. Heintzen, permet d’esquisser un tableau plus nuancé de la situation87. Force est de constater, même dans les sources parisiennes, qu’un peu partout Barbotin a trouvé des musiciens de statuts très divers, y compris parfois d’Église, pour lui prêter allégeance et lui acheter une sous-lieutenance sur une partie de son territoire qui leur permettra de conserver la moitié des droits collectés en son nom, amendes, taxes diverses ou droits de réception payés par les maîtres qu’ils agréeront. Ce qui semblerait indiquer qu’il n’était pas le fantoche mégalomane parfois décrit. Ainsi, le 17 décembre 1771, est passé devant notaire à Paris un acte instituant quatre lieutenants particuliers pour l’ouest et le centre-ouest du royaume88. Celui dont allait théoriquement dépendre Orléans est le sieur Charles Champion, « maître d’instruments de musique et musicien pour la guittarre de la ville de Chartres, y demeurant rue du Grand Cerf ». Il reçoit « la lieutenance particulière des villes, fauxbourgs et banlieues de Chartres et d’Orléans et de toutte l’étendue des diocèses des dittes villes ». Son profil est celui d’un musicien dont l’instrument principal est non le violon mais la guitare et qui ne semble pas se mêler de danse. Ses adversaires le qualifieront de « garçon perruquier » pour lui dénier toute légitimité89. Après diverses passes d’armes et procès retentissants sur lesquels il serait hors de propos de s’étendre ici, un arrêt royal vient mettre un terme à l’agitation le 13 février 1773, arrêt revêtu de lettres patentes le 3 avril suivant, et enregistré au parlement le 24 avril. En même temps, un édit de mars 1773 supprime le titre de roi des violons ou roi des ménétriers. Le vieux Jean-Pierre Guignon abdique alors son titre et moins de deux ans plus tard, il meurt. Là se termine l’histoire de la ménestrandise.
45La double compétence de Jean Robert, à la fois musicien et maître à danser, lui permettait de s’inscrire parfaitement dans les logiques corporatives. On peut même imaginer que s’il avait été encore de ce monde, il aurait aimé rivaliser avec le guitariste chartrain et réclamer le contrôle de la zone orléanaise. Les musiciens maîtres à danser ont en effet été nombreux à obtenir des « lieutenances particulières » de Barbotin, tels Jean-Baptiste Sauvageau maître à danser et musicien à Blois90, Louis Vendimène, « maître de danse et musicien privilégié du Roy pour la ville de Tours, y demeurant Grand’rue, paroisse Saint-Denis91 », Pierre-Olivier Josson, « maître de danse et musicien de la ville d’Angers, y demeurant rue Saint-Aubin, paroisse Saint-Michel de la Palud92 », ou encore François-Charles Lemaire, « maître d’instrument de musique et de danse de la ville de Bourges demeurant en ladite ville rue Ponspeuil paroisse Saint-Pierre-le-Puellier93 ». Tous ces maîtres exerçaient dans des villes situées à proximité d’Orléans et avaient un statut équivalent à celui de Jean Robert94.
46On rencontre parfois des maîtres affichant une troisième compétence : à l’enseignement de la danse et de la musique peut s’ajouter celui des armes. Ainsi au cours des années 1780, à Angers, Antoine Devert enseigne « les premiers éléments de la Musique vocale & instrumentale, ainsi que les Armes & la Danse », « à tirer des armes, à danser, jouer du violon, de la vielle, à donner du cor de chasse », et par plusieurs annonces « prévient le Public, que non seulement il continue de donner des Leçons pour les Armes, mais qu’il continue de montrer à danser95 ». Les parentés sont nombreuses entre les attitudes corporelles du danseur et de l’escrimeur, et il peut paraître logique que les deux activités soient pratiquées de pair par les mêmes hommes, comme ce fut le cas du chevalier de Saint-George96. Néanmoins ce mélange des arts librement pratiqué par le sieur Devert dans les années 1780 aurait dû antérieurement donner lieu à deux réceptions par deux communautés de métier différentes.
Maître à danser ou maître de danse ?
47Durant cette longue période de déliquescence progressive de la communauté de métier, malgré les efforts de Guignon et de Barbotin, quel sens a le mot « maître » en lui-même ? Conserve-t-il le sens de grade reconnaissant des compétences, sanctionnées par l’obtention d’une « maîtrise » ? On ne voit pas comment cela pourrait être le cas dans les villes non majeures où pour enseigner la danse il suffit d’en demander autorisation aux autorités de police locales.
« [Il] auroit dessein de s’établir en cette ville avec sa famille et comme ledit Bonnet auroit l’intention de montrer à danser ce qu’il ne peut faire sans en avoir auparavant obtenu la permission97…
… comme il a l’intention de s’établir en cette ville pour montrer à danser à la jeunesse, ce qu’il ne peut faire sans avoir obtenu votre permission, il est obligé de vous donner la présente requête98…
… il désireroit s’établir en cette ville et faire part à la jeunesse de son tallant en fait de l’art à danser, ce qu’il ne seroit [sic] cependant faire sil n’est de vous Monsieur authorisé99…
… [il désire] enseigner à la jeunesse…, ce qu’il ne seroit [sic] faire sans auparavant avoir de vous Monsieur obtenu la permission, pourquoy il a recours à votre autorité100… »
48On remarque qu’aucun des impétrants ne demande à être reçu maître à danser au sens strict. Tous évitent même soigneusement l’expression, autant lorsqu’il s’agit de se qualifier eux-mêmes que lorsqu’il s’agit d’énoncer l’objet qui les amène (« montrer à danser à la jeunesse »). Il en va de même d’une part non négligeable des petites annonces proposant des leçons de danse : un quart de celles qui ont été réunies utilisent des tournures indirectes qui n’attribuent aucun titre à l’auteur de la proposition : celui-ci « montre à danser », « enseigne la danse » ou « l’art de la danse », « enseigne à danser avec de très bons principes » et diverses déclinaisons de la même idée comme « à danser proprement & dans le dernier gout », mais en aucun cas il ne s’affiche comme « maître de danse ». Sans doute peut-on lire dans ce soigneux évitement un distingo implicite entre les « vrais » maîtres à danser reçus comme tels après apprentissage, et des gens doués pour la danse qui tentent d’en faire un gagne-pain sans pour autant faire allégeance à la communauté de métier.
49Quant aux autorités, elles statuent en fonction de critères relatifs à l’ordre public et non en fonction du bagage artistique de l’impétrant. Même s’il peut arriver qu’elles s’interrogent à ce sujet, tel le procureur fiscal de Laval qui en 1749 déplore l’installation récente d’un « étranger » lequel « sans aucun droit ni permission et sans doute sans capacité s’est avisé de s’ériger en maître à danser ». On devine que pour ce notable tout concourt à disqualifier l’arrivant. Pour autant, il ne peut intervenir que sur l’absence de permission dont le maître « demande excuse », prétendant « qu’il n’en savait rien101 ». Sous les plumes administratives, maître de danse est le simple et neutre synonyme d’enseignant en danse, de professeur de danse.
50Inversement, pour être admis comme maître dans l’une des quarante villes majeures où selon les statuts de Guignon les musiciens sont structurés en métier, il faut en principe être agréé par les jurés de la communauté – après apprentissage et examen –, puis verser des droits d’entrée à la caisse de la communauté. Cet itinéraire est bien résumé à Laval par un certain Jean Le Roux, « natif de la ville de Roüen », qui précise que « c’est là où il a fait son exercice, son étude ». Il explique que « parvenu au point d’être reçu maître, il en a reçu le titre le 5 décembre 1765 […] après l’examen […] fait par les maîtres et gardes de la Communauté des Maîtres à Danser102 »… Les « gardes » ou syndics de la corporation demandent alors au lieutenant de police, pour leur nouveau maître en titre, l’autorisation officielle d’exercer.
51Du grade corporatif à la dénomination neutre d’une activité professionnelle, on mesure la polysémie du mot maître.
***
52Une question subsidiaire consiste à examiner s’il y a lieu de discerner, comme on le dit parfois, une nuance, voire une hiérarchie, entre « maître de danse » et « maître à danser ». Les contemporains de Robert établissaient-ils une différence entre les deux formules ou bien utilisaient-ils alternativement l’un ou l’autre de ces titres qui auraient été à leurs yeux synonymes ?
53Au temps de Feuillet, et sous sa plume, le maître de danse était peut-être supérieur au maître à danser. Au premier le savoir, la science même, car la Chorégraphie est une science, ou s’affiche comme telle. Au second les entrechats… Feuillet se proclame maître de danse et écrit pour éclairer les maîtres à danser, qui ne seraient pas capables d’intellectualiser leur art comme lui sait le faire103.
54Il n’est pas certain que cette hiérarchie ait été si nettement établie, même au temps de Feuillet, puisque c’est « Le Maître à danser » que Pierre Rameau (1674-1748) choisit pour titre à son ouvrage majeur en 1725. En tout cas, si elle avait existé, éventuellement, la hiérarchie entre les deux formulations ne s’est pas maintenue dans la seconde moitié du xviiie siècle. Observons à Angers, ville relativement proche d’Orléans, un presque contemporain du sieur Robert, Pierre-Olivier Josson, aîné des trois fils de Jean-François Josson, qui tous, comme leur père, enseignent la danse dans le Maine et l’Anjou. Il exprime à plusieurs reprises sa fierté d’être « un véritable maître à danser de père en fils104 ». On est là en 1772, moins de deux ans après la mort de Robert. Le sieur Josson, tout récemment promu lieutenant particulier du roi des violons, bataille pour faire respecter ce nouveau titre. Il ne se serait pas lui-même rabaissé en utilisant à son propos une expression dépréciative. Mieux, dans le petit ouvrage qu’il a publié près de dix ans plus tôt, en 1763, Josson l’Aîné se proclame « Maître à danser de l’Académie royale établie à Angers pour les exercices du corps105 ». On peut penser qu’il a soigneusement et librement pesé la formulation et ne l’aurait pas choisie si elle avait été négativement connotée. Les observations faites dans les Affiches de Lyon, vont dans le même sens : entre 1766 et 1772, un maître important nommé Dauternaux publie six annonces dans lesquelles il se dit quatre fois « maître à danser », titre qui a décidément sa préférence106. Il n’y a donc pas lieu – pour le second xviiie siècle et dans les provinces en tout cas – de présumer une hiérarchie entre maître à danser et maître de danse. Seules les habitudes du scripteur, ou ses coquetteries de langage, semblent faire le distingo.
55Plusieurs autres expressions entrent en concurrence avec ces deux formules de base. Si au Siècle des Lumières on ne rencontre plus l’archaïque « maître en l’art de dancer », on ne peut en revanche ignorer « maître d’exercice », et toute sa déclinaison (maître d’exercice pour la jeunesse, maître d’exercice pour l’éducation de la jeunesse, maître pour l’éducation, ou pour l’instruction, de la jeunesse…)107, en attendant que s’impose au cours du xixe siècle le plus sec, plus froid et plus banal professeur de danse.
Les violons de prix du sieur Robert
56Comment les divers talents du sieur Robert s’expriment-ils dans les traces qui nous sont parvenues ? Est-ce la musique ou est-ce la danse qui domine dans les formulations utilisées à son propos ?
57Les curés orléanais indiquent rarement les métiers exercés par leurs paroissiens. Aussi n’est-ce pas dans les registres paroissiaux qu’il faut chercher réponse à ces questions. Lorsqu’en 1763 sa fille Marie-Louise se marie, par exemple, aucun des protagonistes de la cérémonie n’est doté de quelque qualificatif que ce soit relatif à un métier. En revanche, lorsque décède Marie-Thérèse Robert, en 1769, elle est bien dite « épouse de Mr Jean Robert, musicien et maître à danser ». Et l’année suivante, lorsque, à son tour, Jean Robert disparaît, la même double formule revient sous la plume du curé108. Le notaire qui règle les affaires consécutivement à ce décès reprend les deux désignations mais leur en ajoute une autre que le curé avait écartée : pour le notaire et son greffier qui plume en main s’apprêtent à dresser inventaire du Café du Midi, le « Sieur Jean Robert » est à la fois « musicien maître à danser et caffetier limonnadier à Orléans109 ». Force est de remarquer que ce métier n’est jamais mentionné dans les autres documents qui parlent de Robert.
58Les feuilles volantes parisiennes hésitent pour lui entre « Musicien et maître de danse » et « Maître de danse » tout court, on reviendra sur la signification qu’on peut attribuer à cette alternance110. A contrario, les documents orléanais ont l’habitude de dissocier, quand il y a lieu, la danse de la musique. Les petits livrets annuels tenant lieu d’annuaires et d’almanachs distinguent les maîtres de danse instrumentistes allant « jouer aux bals & aux noces », de ceux « pour la danse seulement111 ». Les premiers sont les plus nombreux, les seconds demeurant exceptionnels. Comment se désigne lui-même Robert lorsqu’il fait insérer une annonce dans les Affiches ? Sur dix-sept annonces le concernant, six le citent nominalement : trois fois il se proclame « l’un des symphonistes du bal », deux fois « maître de danse », et une fois, parce qu’il s’agit de vendre l’ancien billard de son établissement, il dit seulement « le sieur Robert, au Café du Midi112 ».
59Il est donc établi que Robert le symphoniste n’était pas un maître « pour la danse seulement », mais qu’il jouait d’un instrument. C’est le cas de presque tous ses confrères qui « sont dans l’obligation indispensable de se servir, pour provoquer la Danse, d’Instrumens dont les parties sont hautes & basses tels que Violons, Basses ou Hautbois113 ». Notons au passage que l’expression « provoquer la danse » – dans une construction directe ou indirecte –, a de beaux jours devant elle puisqu’on la trouve encore fréquemment dans les comptes rendus de fêtes civiques durant la période révolutionnaire : « Le violon provoque à la danse, les distinctions sont effacées114… »
60L’instrument avec lequel Jean Robert « provoque la danse » est bien sûr le violon, qui est au xviiie siècle le meilleur serviteur de la contredanse. Le violon est associé à la figure du maître à danser, tant dans l’iconographie que dans les textes les plus divers. Lorsqu’il donne ses leçons, le maître à danser est réputé jouer de la pochette, qui peut être sommairement définie comme un petit violon censé tenir dans la grande poche de l’habit. En 1766, un Lyonnais a égaré son outil de travail : « On a perdu un petit Violon, communément appelé Pochette ; l’on promet 12 livres, & plus, s’il le faut, à celui qui l’aura trouvé115. »
61Celui dont joue Robert n’a rien d’un violon de poche. À son domicile sont inventoriés en 1771 de nombreux instruments de musique, dont quatre violons différents116. Le premier doit être d’une qualité éminente, à en juger par l’estimation élevée qui en est faite :
« (dans la chambre au second étage sur le devant)
Quatre pardessus de violle117 estimés ensemble douze livres, ci… 12#
Un violon et son étuy, estimé cent vingt livres, ci… 120#
Un autre violon estimé soixante douze livres, ci… 72#
Un autre violon estimé quarante livres, ci… 40#
Un violoncelle estimé trente six livres, ci… 36#
(dans une petite chambre)
Un violon estimé soixante douze livres, ci… 72#. »
62À quoi il faut ajouter, rangés dans une chambre au troisième étage, avec la garde-robe du défunt, « une boîte à deux violons, estimée six livres », et dans une autre chambre « une boiste à deux Pardessus de violle » elle aussi estimée six livres. La présence de cette boîte à viole, jointe à celle des quatre pardessus dans la chambre de musique, indique que cette petite viole était très pratiquée dans la famille Robert, à la maison comme ailleurs. Au point de suggérer l’hypothèse qu’elle aurait pu servir à accompagner les leçons de danse, jouant le rôle traditionnellement dévolu à la pochette. Quoi qu’il en soit, ces deux boîtes doubles attestent la possibilité de transporter aisément deux instruments de chaque catégorie. Et comme le maître ne maniait pas quatre archets en même temps, ni même deux, cela implique que ces instruments mobiles étaient probablement destinés à servir aussi à d’autres musiciens. Peut-être à des élèves ? Et, très vraisemblablement, à sa fille.
63On arrive à un total de 364 livres pour l’ensemble de l’équipement instrumental inventorié. Si les trois autres violons de Robert ont une valeur certaine (deux sont estimés 72 livres, et le dernier 40 livres), le premier mentionné est exceptionnel par son prix (120 livres). Tous les éléments de comparaison disponibles le confirment. Ainsi des rares prix exprimés dans la presse : une décennie plus tard, à Dijon, un violon en lui-même présenté comme haut de gamme puisqu’il est dit « fait par Lecompte, Luthier rue de la Comédie Françoise, à Paris, élève du célèbre Huersan » est vendu « avec sa boîte » au prix de 75 livres118.
64Durant les trois dernières décennies de l’Ancien Régime, la plupart des violons rencontrés dans les inventaires ne sont estimés que quelques livres, moins de dix dans la plupart des cas, même s’ils n’ont pas été qualifiés de « vieil » ou de « mauvais » par l’appréciateur. On se souvient que chez J.-R. Darnault, disparu peu d’années après Robert, en 1774, le notaire ne mentionne pas d’autres instruments qu’un « dessus de violle démonté et trois violons d’enfans » estimés 9 livres avec plusieurs boîtes, une écuelle d’étain et d’autres menus objets. Pourtant, deux réparations de violon figurent dans ses dettes, ce qui laisse supposer qu’un autre violon, dont on prenait plus de soin, existait, ou avait existé du temps où les mains du maître lui obéissaient119. Chez Darnault père, mort la même année que Robert, on trouve plusieurs instruments différents120. Comme le notaire venu établir son inventaire après décès indique qu’il était « maître de dance et lutier », ces instruments étaient probablement en cours de réparation dans son atelier. Quoi qu’il en soit, ils pourraient offrir d’intéressants points de comparaison sur le plan des prix. L’estimatrice qui a évalué le reste des effets cède la place à François Lupot, « marchand lutier rue Royalle » pour estimer le plus exactement possible le contenu de l’atelier :
« Plusieurs outils de lutier estimés veu leur mauvais estat six livres
Un viollondeselle, une basse de violle estimés avec un archet trois livres
Six viollons, trois archets, huit mauvais archets et quatre archets non
achevés, le tout estimé quatre livres […]
Un étuy de basse de violle, deux etuys de violons estimés vingt sols.
Et a ledit sieur Lupot signé en cet endroit son estimation et s’est retiré.
François Lupot. »
65On aboutit à un dérisoire total de 17 livres dans lequel les huit instruments mentionnés pèsent moins que les outils, pourtant en mauvais état. La comparaison n’est pas tout à fait juste car il ne s’agit pas ici des violons personnels du maître à danser, et qu’au surplus Jacques Darnault père était alors très âgé (« âgé de 89 ans », écrit le curé).
66Chez le maître à danser Pierre-Paul Nourry, à Tours, étroit contemporain de Jean Robert puisqu’ils sont tous deux nés vers 1705, on ne trouve aucune mention d’instrument lors de l’inventaire qui suit le décès de son épouse, en 1775121. Dans ce qui semble être le cabinet de travail du maître, à l’étage, un pupitre seul est inventorié. Dans une armoire à deux battants fermant à clef sont rangés les vêtements et effets « à l’effet dudit sieur Nourry, pourquoy n’ont été estimés ». On peut penser que le ou les instruments éventuels faisaient partie de ces effets personnels non détaillés. Tout à côté une « armoire à treillis » sert de bibliothèque et renferme « dix volumes de livres » estimés à la somme dérisoire de 20 sols. Pierre-Paul Nourry lui-même est décédé près de vingt ans après Jean Robert, en 1789122. On trouve alors chez lui seulement « un petit violon de poche », qui doit être mis avec « une tabatière d’écaille à charnière » pour atteindre l’estimation de deux livres, et par ailleurs une serinette à trente sols. Une « boîte de violon » et toujours le pupitre « et son pied » rangés dans le cabinet de l’étage suggèrent pourtant qu’a dû exister un autre instrument, dont l’inventaire ne dit rien. Sa disparition pourrait-elle être liée au grand âge du défunt ? Dans son testament olographe rédigé d’une main énergique en novembre 1786, soucieux de montrer à ses héritiers qu’il avait plus que doublé les fonds inventoriés lors du décès de sa femme onze ans plus tôt, le testateur précisait : « je né pas saicé mon travaille ». Et l’on trouve dans les dettes actives du sieur Nourry la mention de 86 livres dues, selon la déclaration d’une maîtresse de pension, « pour leçons par lui données aux demoiselles ses pensionnaires ». Ce qui suggère que le vieux maître n’avait en effet pas cessé d’exercer son état. Mais il ne soutenait plus ses leçons de danse que du son aigrelet de sa pochette, emblème du maître à danser, que l’on ne trouve pas dans la maison Robert.
67À Rouen, dix ans après la mort de Robert, un autre maître à danser est en possession de violons de valeur et il les met en vente par le biais d’une petite annonce.
« Le Sieur Vallery, maître à danser de cette Ville, a deux jolis Violons italiens très-anciens, dont un pour la symphonie, fait par le sieur Rugery ; & l’autre pour la sonate, fait par le sieur Amaty, de Cremône123. »
68Vallery n’indique pas le prix de ces deux « jolis violons italiens très anciens », prix qui fera sans doute l’objet d’une négociation entre le vendeur et l’acheteur, ce qui interdit la comparaison avec les instruments de Robert124. Un autre beau violon italien se rencontre chez Jean-François Schussler, ancien musicien du duc de Penthièvre, mort au Mans en mars 1769, un an et demi avant Robert. Le notaire dressant son inventaire enregistre « une boiste fermante de clef dans laquelle s’est trouvé un violon, auteur Antonius Stradivarius125 ». Mais ce n’est pas son propre argent que Schussler avait investi dans cet instrument : son exécuteur testamentaire « proteste ne vouloir [ledit violon] être estimé, attendu qu’il appartient à son Altesse Monseigneur le Duc de Penthièvre, ainsi que le deffunt sieur Schussler luy auroit différentes fois déclaré ». En effet, on ne le retrouve pas lors de la vente où, en revanche, « une basse de violle ou violoncelle » appartenant en propre au défunt est adjugée pour 64 livres126. Rares sont donc les professionnels de la musique, fussent-ils d’un niveau reconnu et agissant dans un cadre prestigieux, qui investissent dans des instruments de la qualité de ceux que possédait Jean Robert.
69Hasard bien sûr, cinq ans avant le décès de Robert un violon presque de la même valeur que le sien – déduction faite des quatre ouvrages de musique vendus en même temps – était proposé à la vente dans les Affiches par un marchand de la rue Royale :
« Vente – Très bon violon, d’un jeu fait, fin & délicat, fait par Bonoeil, Luthier à Paris, sur un modèle de Crémone, à vendre, avec quatre Livres de Musique, 1 de Corelli, 1 de Geminiani, & deux de Michel Mascitti. Le prix du tout est de 120 livres. S’adresser à M. Foucher, marchand de draps, rue Royale, à Orléans127. »
70Même s’il ne s’agit pas de l’instrument de Robert, cette annonce en suggère indirectement une description et ouvre des perspectives : le luthier parisien, la copie de Crémone… On croit entendre le jeu « fin & délicat » appliqué aux concertos de Corelli vendus en même temps.
Notes de bas de page
1Nathalie Rizzoni, « Un représentant pittoresque de Terpsichore : le maître à danser dans le théâtre français de la première moitié du xviiie siècle », A. Montandon (dir.), Sociopoétique de la danse, Paris, Anthropos, 1998, 563 p., p. 207-222. N. Rizzoni cite des comédies, opéras-comiques et parodies émanant d’auteurs aussi divers que d’Orneval, Fuzelier, Lesage, Piron, et plusieurs autres. Une comédie de Laffichard s’intitule Le Maître à danser ou l’Amour commissaire (BnF : ms. 9321).
2François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, I, partie VII, 2 (1848-1850).
3Jean-Antoine du Cerceau, Ésope au Collège, acte III, scènes 6 à 8. Théâtre du Père Du Cerceau à l’usage des Collèges, édition revue et augmentée d’une notice sur la vie et les ouvrages de cet auteur, Paris, Auguste-Delalain, 1822, p. 222-227. Dans cette pièce, le maître à danser a été baptisé Chorégidas.
4Ad 14 : 2D 1148. Dans cette comédie, le maître à danser est appelé Gambade, et le maître d’armes Bras de Fer.
5Le Monde démasqué, ballet moral, qui sera dansé au collège de Louis le Grand […] pour la distribution des prix […], 3 août 1740 (3e entrée de la IIIe partie). Ce maître ridicule est dansé par le jeune Chabanon (Marie Demeilliez, « Apollon, Momus, Perroquet. Michel Chabanon danseur et musicien sur la scène du collège jésuite de Paris (1737-1745) », L. Quetin et G. Guertin [dir.], Michel-Paul-Guy de Chabanon et ses contemporains, Musicorum, no 6, 2007-2008, p. 35-64).
6Sic pour les deux « l ». Sylvie Granger, « Monsieur de la Cabriolle au château (xviiie siècle) », A.-M. Cocula et M. Combet (dir.), Château et divertissement, Rencontres d’Archéologie et d’Histoire en Périgord, Bordeaux, Ausonius, 2003, 257 p., p. 129-145. Voir infra « Le maître à danser aux champs » (chapitre v).
7Pour une image du maître à danser en action : voir fig. I (cahier iconographique) et fig. 17.
8La graphie « Darnault » a été adoptée en référence à la signature utilisée par le musicien. Mais de nombreux documents écrivent « Darnaud » ou « Darnaut » (orthographe qui sera respectée en cas de citation). Son prénom, Regnault, est parfois simplifié dans les sources en Renault, Renaud, et même occasionnellement en René.
9Ad Loiret : Orléans, BMS paroisse Saint-Donatien, 8 juillet 1707 (« né dans et du légitime mariage de Jacques Darnault boutonnier et de Julienne Traincard »).
10Ainsi l’acte de décès de sa première épouse, le 23 août 1738, paroisse Saint-Sulpice : « Marie-Julienne Trincard, femme de Jacques Darnault, maître à danser. »
11Ainsi l’acte de mariage de sa fille Françoise, le 28 novembre 1737, paroisse Saint-Sulpice : « fille de Jacques Darnault, ménétrier, et de Marie-Julienne Trincard ».
12Ad Loiret : 3E 1/1287, Mn. Jean-Antoine Sonnier, Orléans, inventaire après décès de Jacques Darnault père, « maître de dance et lutier », 11 avril 1770, à la requête de ses quatre enfants, Jacques-Regnault, maître de danse, Marie-Anne, Catherine et Thérèse, filles majeures. Cette dernière apparaît peu après dans les almanachs orléanais comme maîtresse à danser.
13Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les Collèges français, xvie-xviiie siècles, Répertoire 2 (France du Nord et de l’Ouest), Paris, CNRS, 1988 (sur Orléans : p. 503-514).
14La bibliographie relative aux spectacles jésuites est abondante. Sans remonter aux travaux du xixe siècle, voici quelques références plus récentes. Pierre Guillot, Les Jésuites et la musique : le Collège de la Trinité à Lyon (1565-1762), Liège, Mardaga, 1991, 320 p. ; Philippe Hourcade, Mascarades & ballets au Grand Siècle (1643-1715), Paris, Desjonquères/CND, 2002, 395 p. ; Sylvie Granger, « Danser chez les Jésuites de La Flèche », 303, Arts, Recherches et Créations, 2002, no 72, p. 58-65 ; et « Terpsichore au Collège, La Danse dans l’enseignement jésuite », La Flèche, Quatre siècles d’éducation sous le regard de l’État, La Flèche, Prytanée national militaire/université du Maine, 2006, 358 p., p. 207-240 ; Anne Piéjus (dir.), Plaire et instruire, Le spectacle dans les collèges de l’Ancien Régime, Rennes, PUR, 2007, 370 p. ; et « Archéologie d’un spectacle jésuite, Polymestor et Sigalion (1689) », xviie siècle, 2008, p. 3-154 ; Marie Demeilliez, « Un plaisir sage et réglé ». Musiques et danses sur la scène des collèges parisiens (1640-1762), thèse musicologie, dir. R. Legrand, université Paris-Sorbonne, 2010, 2 vol., 678-682 p.
15Le Mercure de France, septembre 1738, p. 2028.
16Ad Loiret : 2J 574, programmes de spectacles donnés au collège jésuite d’Orléans, Jules César, tragédie, L’École des pères, drame comique, [sans titre] Dispute entre Latins & François, La Jeunesse, balet (sic), livret imprimé à Orléans, chez François Rouzeau, août 1718, 13 p.
17Ph. Hourcade, Mascarades & ballets…, op. cit., p. 42.
18Nathalie Lecomte (« Les Interprètes des ballets dansés au Collège Louis-le-Grand de 1684 à 1699 », Plaire et instruire, op. cit., p. 113-136) a ainsi étudié de manière systématique quinze ballets dansés à Louis-le-Grand à la fin du xviie siècle. Ph. Hourcade, Mascarades & ballets…, op. cit., a analysé une quarantaine de programmes imprimés, provenant de collèges surtout parisiens. L’article cité de S. Granger, « Terpsichore au Collège… », repose également sur une quarantaine de programmes, tous délibérément provinciaux au contraire.
19Ad Loiret : 2J 574. Bm Orléans : Res E 18148.11, E 18171 et 18172, H 804.
20Abbé [Jean-Jacques] Pataud, Recherches historiques sur l’éducation nationale et les écoles publiques de l’Orléanais, Orléans, Huet-Perdoux, s. d. [1812], 23 p. (aumônier du lycée impérial puis du collège royal de 1809 à 1817 Pataud rassembla de nombreuses pièces de toutes natures sur l’histoire d’Orléans et notamment de son collège). Louis-Hippolyte Tranchau, Étude sur les représentations théâtrales, les exercices publics et les distributions de prix du Collège d’Orléans au xviiie siècle, Orléans, Herluison, 1887, 53 p. ; du même auteur, Le Collège et le lycée d’Orléans (1762-1892), Notes, souvenirs, documents, Orléans, Herluison, 1893, 662 p. Abel Huard, Le Théâtre orléanais à travers les âges jusqu’à la fin du xviiie siècle, Orléans, Gout, 1904, 100 p.
21J.-J. Pataud, Recherches historiques sur l’éducation…, op. cit., p. 18. L’interdiction des héroïnes féminines est théorique et manifestement peu respectée. Déesses, nymphes, muses, bacchantes, dryades, ou encore Diane chasseresse… se rencontrent en nombre dans les livrets, rôles tenus par des collégiens travestis.
22M.-M. Compère et D. Julia, Les Collèges français…, op. cit., p. 507.
23L.-H. Tranchau, Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 84.
24En homme de la fin du xixe siècle, L.-H. Tranchau écrivait en 1887 : « On a quelque peine à se figurer quel agrément l’auditoire et même les acteurs pouvaient prendre à cette exhibition mythologique de jeunes garçons qui ne brillent pas habituellement par la souplesse et la grâce. » Il trahit par là une réelle méconnaissance de son sujet. Les sources contemporaines sont au contraire laudatives sur la qualité de ces ballets.
25Ad 45 : 2J 574. Voir S. Granger, « Terpsichore au Collège… », art. cité, p. 219.
26Ad 45 : 2J 574.
27B. Hubert, Mémoires d’un notable manceau…, op. cit., p. 42.
28Am Dijon : F 19, supplique de Jean Chalier, 1740. Le principal intérêt de ces pensions n’était pas leur montant mais le fait qu’elles entrainaient de facto l’exemption de certains impôts et charges municipales.
29L.-H. Tranchau, Étude sur les représentations…, op. cit. Non sans un mépris appuyé (et daté) envers la province, l’auteur écrit : « Ces danses étaient réglées par un musicien du cru, M. Darnaud ; car nous ne sommes pas à Louis-le-Grand, pour qui travaillent Campra, Charpentier… »
30Marie-Claire Mussat, Musique et société à Rennes aux xviiie et xixe siècles, Genève, Minkoff, 1988, 446 p., p. 28.
31L.-H. Tranchau, Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 88.
32Plusieurs documents chronologiquement proches le donnent toujours maître de danse. Par exemple lorsque le 12 février 1745 sa seconde épouse est marraine, elle est dite « femme de Jacques Darnault maistre à danser d’Orléans » (BMS Saint-Pierre-Ensentelée).
33Ad Loiret : Orléans, BMS paroisse Sainte-Catherine, 18 février 1741, sépulture de Jeanne-Françoise Moyreau ; BMS Saint-Germain, 7 juillet 1741, mariage Jacques-Regnault Darnault – Marie-Marguerite Jousset ; BMS Saint-Éloi-Saint-Maurice, 29 mai 1742, baptême de Jacques-Louis Darnault.
34L’usage est en effet que la distinction « l’Aîné » et « le Jeune » soit appliquée dans le cas d’une fratrie, les générations étant plutôt distinguées par « Père » ou « Fils » accolé au patronyme. Mais c’est loin d’être une règle absolue.
35Jacques Darnault père et sa première épouse, Marie-Julienne Trincard, ont eu 18 enfants, dont 12 filles au moins (et un enfant mort-né au sexe non précisé). Sur les cinq garçons, deux meurent en très bas âge.
36A. Huard, Le Théâtre orléanais à travers les âges…, op. cit., p. 39-41. Ce ballet est analysé par L.-H. Tranchau, Étude sur les représentations…, op. cit., p. 139-140, et Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 89-90.
37Ch. Moyreau, Pièces de clavecin dédiées à son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc d’Orléans…, 1753, pièces 15 à 17 du premier livre.
38L.-H. Tranchau, Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 91. Pour les années suivantes, L.-H. Tranchau cite des pièces de théâtre mais néglige de reparler des ballets qui leur étaient pourtant forcément adjoints. L’érudit orléanais professait une condescendance certaine à l’égard de cet art mineur qu’est la danse…
39« Le programme nous dit : danseront entre les actes de la comédie Messieurs… ici huit noms d’écoliers, parmi lesquels MM. Germon-Seurrat, Leberche, Des Francs, Miron du Coudray » (L.-H. Tranchau, Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 91).
40N. Lecomte, « Les Interprètes des ballets dansés au Collège Louis-le-Grand… », art. cité, p. 118-122.
41Ibidem. Exemple : 56 interprètes pour le ballet Orphée en 1690.
42M. Demeilliez, « Apollon, Momus, Perroquet… », art. cité, p. 43.
43M.-Cl. Mussat, Musique et société à Rennes…, op. cit., p. 28.
44S. Granger, « Terpsichore au Collège… », art. cité, p. 233-234.
45Bm Orléans : Res. E 18148.11, Les Avantages de la Vie Pastorale, Ballet, 7 pages. Voir aussi A. Huard, Le théâtre orléanais à travers les âges…, op. cit., p. 39-41.
46À titre d’exemple d’erreur flagrante de datation, la pièce précédente du même recueil, « Prospectus de la Maison d’éducation de Mme Robillard, à Orléans », d’abord datée « 1788 », puis corrigée de la même main en « 1768 », est à l’évidence du tout début du xixe siècle, vers 1803-1804.
47L.-H. Tranchau, Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 100.
48M.-M. Compère et D. Julia (Les Collèges français…, op. cit.) indiquent pour leur part, sans explication particulière, la date de 1739.
49Jacques Darnault père meurt l’année suivante « âgé de 89 ans » (Ad Loiret : Orléans, BMS Saint-Paul, sépulture le 10 avril 1770).
50M.-Cl. Mussat, Musique et société à Rennes…, op. cit., p. 29.
51S. Granger, « Terpsichore au Collège… », art. cité, p. 239.
52C. de Vassal, Recherches sur le Collège royal d’Orléans, Orléans, Herluison, 1861, 143 p., p. 98-101. D. Lottin, Recherches historiques sur la ville d’Orléans…, op. cit., t. 2, p. 316.
534 850 habitants en 1761.
54M. Cuénin, Orléans dévoilé…, op. cit., p. 158.
55L.-H. Tranchau, Le Collège et le lycée d’Orléans…, op. cit., p. 82.
56Ad Loiret : Orléans, BMS paroisse Saint-Laurent, 1er février 1774, sépulture de Jacques-Regnault Darnault, « maître de musique, âgé d’environ 66 ans ». Décédé « de la surveille », il est inhumé en présence de Guillaume Sainsard, « beau frère » (en réalité : fils de la seconde épouse du père Darnault), qui est lui aussi maître à danser et luthier.
57Affiches de l’Orléanois, 25 mars 1774. Cachet : voir glossaire.
58Ad Loiret : 3E 11289, mn. J.-A. Sonnier, Orléans, 3 août 1772, Testament de J.-R. Darnault.
59Une trace de plus des liens entre ce maître de danse et les milieux capitulaires orléanais.
60En ce 3 août 1772, le père ignore que son « second fils » ne reviendra pas de ce « pays étranger » : Aignan Darnault est mort soldat à Pavie le 12 avril 1771 (Ad Loiret : 3E 11291, mn. J.-A. Sonnier, Orléans, 18 octobre 1774, dossier de règlement final de la succession Darnault, comportant le certificat de décès du soldat « Aignan d’Arnault »).
61Ad Loiret : 3E 11291, mn. J.-A. Sonnier, Orléans, 14 et 18 mars puis 6 et 15 avril 1774.
62On trouve dans les dettes acquittées par la succession « trois livres au nommé Breton pour avoir délogé les meubles dudit deffunt à la St-Jean 1773 » (art. 22, p. 14). On peut en déduire que Jacques-Regnault Darnault avait emménagé dans son petit appartement de l’Hôpital à la fin du mois de juin 1773.
63Au lendemain de la clôture des comptes, le fils repart pour Rennes, laissant une procuration à sa tante Thérèse, notamment pour vendre sa part des trois maisons comprises dans l’héritage (Ad Loiret : 3E 11291, mn. J.-A. Sonnier, Orléans, 16 avril 1774). Thérèse Darnault, alors installée à Beaugency, reviendra peu après s’installer à Orléans comme maîtresse de danse et de musique.
64« Le Sr Mesnard, Maître de Danses [sic] de cette Ville, élève du sieur Darnault, enseigne toutes sortes de danses, & surtout l’Angloise, à laquelle il s’est appliqué, principalement : sa demeure est rue Macheclou, près le marché de la Porte-Renard » (Affiches de l’Orléanois, 15 juillet 1774).
65Ménard est ensuite installé rue Pourpointel à Orléans comme maître de danse « & pour le violon » jusqu’en 1793 au moins (Calendrier historique de l’Orléanais puis Calendrier historique d’Orléans et du département du Loiret).
66Voir infra « Les clientèles du maître à danser » (chapitre iv).
67Parmi les autres noms, on s’interroge au sujet de l’identité du sieur Papillon qui devait 4 livres au maître défunt, sachant qu’un maître à danser du même patronyme était attesté quelques années plus tôt au collège de Pontlevoy, à 80 km de là au sud-ouest. Voir infra, chapitre vi, « Composer chorégraphies et airs à danser ».
68Affiches d’Auxerre, novembre 1789, mai et octobre 1790. Dans la dernière de ces annonces il dit : « Depuis trois ans qu’il a l’honneur d’habiter cette Ville, il ose se flatter que ses talents sont suffisamment connus… », ce qui induit une installation à l’automne 1787.
69Voir infra le développement consacré aux maîtresses à danser (chapitre v).
70Ad Eure : 1B 260, permission à Jacques Hidiard [parfois Hydiard ou autres variantes, le certificat produit étant établi au nom de Jacques « Hiard »], Évreux, mai-juin 1740 (dépouillement Pierre Mesplé).
71Affiches de l’Orléanois, 20 septembre 1771.
72Ibidem, 26 décembre 1788. Ce maître se nomme Guérard.
73Affiches de Bretagne, 20 mars 1778.
74Affiches d’Angers, 4 mars 1792. Ce sieur Lavigne descend de l’un des maîtres à danser qui exerçaient à La Flèche au temps où Jean Robert exerçait à Orléans.
75Affiches de Paris, 11 juin 1772, no 45, page 524 (merci à Christophe Maillard).
76Am Aix-en-Provence : FF 86, fo 196, Bureau de police d’Aix, 21 mars 1740. La découverte de ce document d’une richesse exceptionnelle est due à Aurélien Gras.
77Isabelle Ragnard, « Les Jongleresses au Moyen Âge : seules ou accompagnées ? », Musiciennes en duo…, op. cit., p. 151-168.
78Jean-François Maxou Heintzen, « À propos de la danse rurale en France au xviiie siècle », Analyse Musicale, no 69, 2012, p. 59-65, p. 61.
79An : MC/ET/LXXXIII/416, Dépôt par messieurs les organistes de leur titre contre la Communauté des maîtres à danser joueurs d’instruments tant haut que bas… qui prétend asservir les organistes à se faire recevoir maîtres à danser pour enseigner le clavecin, chez maître Gervais, 29 décembre 1750.
80Ad Indre-et-Loire : C147 et C148. La ville de Tours est la seule de la vaste généralité de Tours où une communauté de métier active subsiste pour les ménétriers et maîtres à danser au milieu du xviiie siècle. Il n’en est fait aucune mention à Angers, Le Mans, Laval, Saumur, Chinon, Amboise, Château-Gontier… ni dans aucune autre ville, petite ou grande, de la généralité.
81La dénomination adoptée à Rouen est « communauté des maîtres joueurs et feseurs d’instruments tant à cordes qua vent et maistres à danser » (Ad Seine-Maritime : 5E493, 1731 à 1756).
82Ad Indre-et-Loire : 2B 457, Nomination de députés des corps et communautés des métiers de cette ville… en conséquence de l’édit du roi donné à Marly en mai dernier, juin 1765. Les violons comparaissent le samedi 22 juin à midi « les quels après avoir conféré entre eux nous ont dit avoir nommé à la pluralité des voix pour leur député la personne de Joseph Pécard, violon en cette ville, y demeurant Grande Rue près le Carroir aux herbes, paroisse de Saint-Pierre-du-Boile ». Ce même Joseph Pécard est donné comme maître à danser dans d’autres documents.
83On peut le penser sans en être certain toutefois. La seule allusion retrouvée aux archives du Loiret est la mention d’un lieutenant des maîtres joueurs d’instruments, nommé Michel Léger, en 1686, soit trop de décennies avant la période qui nous occupe pour qu’on puise en inférer quoi que ce soit (inventaire de la série B, liasse B 110, détruite en 1940).
84Bernard Bernhard, « Recherches sur l’histoire de la corporation des ménétriers ou joueurs d’instruments de la ville de Paris », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. III (1841-1842), t. IV (1842-1843), t. V (1843-1844) ; Paul Lacôme, « La Grande querelle des organistes et des ménétriers », Le Ménestrel, (série d’articles parus en feuilleton du 23 janvier au 2 avril 1876, voir en particulier au 26 mars 1876) ; Émile d’Auriac, La Corporation des ménétriers, le Roi des violons de France, Paris, Dentu, 1880, 60 p. ; Paul Loubet de Sceaury, Musiciens et facteurs d’instruments sous l’Ancien Régime, Paris, Pedone, 1949 ; et, plus récemment, Luc Charles-Dominique, Les Ménétriers français sous l’Ancien Régime, Paris, Klincksieck, 1994, 335 p.
85État actuel de la Musique du Roi…, op. cit., p. 19. Sur Edme Dupont (1739-1819), voir la base de données Muséfrem.
86Notamment : État actuel de la Musique du Roi et des Trois Spectacles de Paris, Paris, Vente, 1774, 205 p. ; et Recueil d’édit [sic], arrêt du Conseil du Roi, Lettres-patentes, Mémoires et Arrêts du Parlement & c en faveur des Musiciens du Royaume, Paris, Ballard, 1774, 226 p.
87Jean-François Maxou Heintzen, « Organistes versus Ménétriers. De quelques conflits d’intérêt en milieu musical – 1741-1773 », communication aux 4es Journées d’étude Muséfrem, Être musicien d’Église à Paris. La capitale : lieu de formation et d’exercice au xviiie siècle, Clermont-Ferrand, juin 2015, à paraître.
88An : MC/ET/CXI/307, mn J.-B. Guillaume, Paris, 17 décembre 1771. Une copie de cet acte se trouve aux archives municipales d’Angers sous le titre « Acte de concession et résignation au profit de quatre lieutenants particuliers du Roi des violons, passé par devant les conseillers du roi notaires au Châtelet de Paris le 17 décembre 1771 » (Am Angers : FF 5). Cet acte du 17 décembre 1771 rappelle les diverses étapes antérieures ayant conféré ses prérogatives à Barbotin les 18 juillet et 1er décembre 1762, 5 août 1764 et 2 février 1765. On était alors dans la pleine période d’activité de Jean Robert à Orléans : il a sans doute suivi avec intérêt une affaire qui enflammait les milieux musicaux.
89État actuel de la Musique du Roi…, op. cit., p. 18.
90An : MC/ET/CXI/306, mn. J.-B. Guillaume, Paris, 28 septembre 1771. Le camp adverse disqualifie Sauvageau en le traitant de cabaretier et en lui prêtant « une humeur si processive, qu’il avoit juré publiquement qu’il mangeroit jusqu’à son bouchon plutôt que d’abandonner les glorieuses entreprises de son général Barbotin » (État actuel de la musique du Roi …, p. 20). Bien que cafetier en effet, il était reconnu comme maître à danser à Blois et avait été choisi pour représenter la communauté en 1765 (Madeleine et Jean-Paul Cabarat, Le Chant d’une ville : la musique à Blois du xve au xixe siècle, Blois, La Trinité, 1995, 350 p., p. 41).
91An : MC/ET/CXI/307, mn. J.-B. Guillaume, 17 décembre 1771.
92Ibidem.
93An : MC/ET/CXI/311, mn. J.-B. Guillaume, 23 décembre 1772. Ce Lemaire pourtant durablement attesté comme maître à danser est traité de « marchand d’orviétan et arracheur de dents » par le camp adverse (État actuel de la Musique du Roi…, p. 20-21).
94D’autres exemples de lieutenants particuliers de Barbotin sont évoqués dans État actuel de la Musique du Roi…, p. 15-21. On retrouve les actes officiels de leur nomination dans les minutiers parisiens, notamment chez Jean-Baptiste Guillaume (étude CXI) et Louis Billeheu (étude LIII). Tous les lieutenants particuliers du roi des violons ne sont pas maîtres à danser : certains sont de dignes musiciens d’Église, comme Bertrand Rocagel, organiste de la cathédrale de Langres ou André Rouen, musicien de la cathédrale de Nevers, qui en devient peu après le maître de musique. Sur ce dernier : J.-F.-M. Heintzen, « Organistes versus Ménétriers… », art. cité, et la base de données Muséfrem
95Affiches d’Angers, 15 novembre 1782, 7 novembre 1783, 16 septembre 1785.
96Joseph Bologne, dit chevalier de Saint-George (1745-1799), violoniste né à la Guadeloupe, compositeur, concertiste adulé, beau danseur, escrimeur hors pair. Son nom a été donné à une rue de Paris fin 2001 (ancienne rue Richepance).
97Ad Nièvre : 2B 209, permission à Antoine Bonnet, Nevers, 17 août 1730.
98Ad Mayenne : B 944, permission à René Josson, Laval, 1er juillet 1752.
99Ad Sarthe : 111AC 551, permission à Pierre Gouffé, Le Mans, 2 janvier 1754.
100Ad Sarthe : B 1484, permission à Jean-Baptiste Soiron, dit Legrand, Le Mans, 11 octobre 1769.
101Ad Mayenne : B 1058, 19 et 25 juillet 1749. En 1763, toujours à Laval, un autre maître pris en train de montrer à danser sans permission joue également l’innocent : « n’ayant point connaissance des règlements, n’étant arrivé des troupes que depuis cinq à six mois après 22 ans de service » (B 1090, 31 décembre 1763, merci à Frédérique Pitou).
102Ad Mayenne : B 947, permission à Jean Le Roux, Laval, 16 février 1775.
103Telle est l’analyse dominante des participants au Séminaire « Histoire sociale des spectacles (Europe, xve-xviiie siècles) », organisé par Marie Bouhaïk-Gironès (Centre Roland-Mousnier, CNRS/Paris-Sorbonne), Olivier Spina (LARHRA, Lyon 2) et Mélanie Traversier (IRHiS, Lille 3/IUF), réunis le 5 février 2016 à la Maison de la recherche, Paris-Sorbonne, autour de Marie Glon (Lille 3), « Réinventer un métier : les maîtres de danse et la “Chorégraphie ou l’art de décrire la dance” (Europe, xviiie siècle) ».
104Josson l’Aîné, Mémoire sur la lieutenance du roi des violons, Angers, Dubé, 1772, in-4o, cité par Célestin Port, « Le roi des violons de Paris et les maîtres musiciens d’Angers », Revue de L’Anjou, Angers, 1855. Voir en retour le Mémoire signifié pour les sieurs Le Cadet, Le Faure & autres organistes compositeurs de musique, faisans profession d’enseigner les Instrumens d’harmonie, & servans à l’accompagnement des voix, à Angers, contre le sieur Josson, Lieutenant particulier du Roi des Violons-Ménestriers, Maîtres à danser, Joueurs d’Instrumens, tant haut que bas & Hautbois, pour les Provinces d’Anjou & du Maine, Angers, Dubé, 1772, 16 p., Bm Toussaint, Angers : SJ 0408 – 2 (14) in-4o.
105Pierre-Olivier Josson, Traité abrégé de la danse…, Angers, Jahyer, 1763 (BnF, fonds provenant du Conservatoire : 8o B. 1262. Microfilm R. 72760).
106Affiches de Lyon, 22 octobre 1766, 7 octobre 1767, 21 septembre et 19 octobre 1768, 19 octobre 1771 et 28 octobre 1772. Les deux utilisations de « maître de danse » interviennent à un mois d’intervalle en 1768, peut-être sous une influence extérieure (Dauternaux est allé à Paris à la fin de l’été 1768).
107À titre d’exemples : ce sont ces formulations qu’emploient au Mans le curé qui le 15 avril 1760 célèbre le mariage de François Allain-Dupré paroisse Saint-Vincent, ou le notaire René Chevalier qui instrumente pour le même les 27 septembre et 10 octobre 1783 (Ad Sarthe : 4E 25/260) ; ou encore le prêtre qui à Saintes procède à l’inhumation de Jean-Baptiste Dubreuil-Delaître le 2 octobre 1791, paroisse Saint-Pierre.
108Ad Loiret : Orléans, BMS paroisse Saint-Pierre Ensentelée, 25 janvier 1769, sépulture de Marie-Thérèse Robert ; 21 novembre 1770, sépulture de Jean Robert.
109Ad Loiret : 3E 4138, mn. J.-G. Peigné, notaire à Orléans, 28 mars 1771.
110Voir infra « Marie-Louise Robert, une compositrice oubliée » (chapitre vi).
111Les premières Étrennes Orléanaises publiant une liste des maîtres de musique et de danse sont celles sorties fin 1774 pour l’année 1775. La liste des maîtres à danser comporte cette année-là six noms en tout, tous masculins, dont cinq sont aussi instrumentistes (« & pour le violon ») et un dernier, Charton, « pour la Danse seulement ». Dans Le Calendrier Historique de l’Orléanais, années 1776 à 1790, la distinction « pour la danse seulement » reste clairement maintenue. De telles listes n’étaient pas publiées, malheureusement, du temps de Robert.
112Le texte intégral de ces 17 annonces se trouve dans le document no 2.
113Recueil d’édit […] en faveur des Musiciens du Royaume, op. cit., p. 73.
114Affiches de Chartres, 25 prairial an II (13 juin 1794).
115Affiches de Lyon, 5 et 12 mars 1766. La récompense promise est élevée, signe de l’importance de cette pochette aux yeux de son propriétaire. L’annonce se termine ainsi : « s’adresser à M. Soulage, rue St-Pierre, chez Mme Clerc, faïancière ».
116Ad Loiret : 3E 4138, mn. J.-G. Peigné, Orléans, 28 mars 1771, article 174 à 177.
117Pardessus de viole : le plus petit et le plus aigu des instruments de la famille des violes.
118Affiches de Dijon, 6 juillet 1784.
119Ad Loiret : 3E 11291, mn. J.-A. Sonnier, Orléans, 14 et 18 mars puis 6 et 15 avril 1774.
120Ad Loiret : 3E 1/1287, mn. J.-A. Sonnier, Orléans, inventaire après décès de Jacques Darnault père, 11 avril 1770.
121Ad Indre-et-Loire : 3E 8/677, mn. Gervaize Pallu, Tours, 22 et 23 mars 1775, « Inventaire Sieur Nourry après le décès de la Dame son épouse et transaction avec la dame veuve Chevrier seule héritière », « dans une maison située en cette ville rue des Bons Enfants paroisse de Notre-Dame de l’Écrignole » (sic).
122Ad Indre-et-Loire : 3E 8/707, mn. Gervaize Pallu, Tours, 9 février 1789, inventaire après décès du sieur Pierre-Paul Nourry, maître de danse en cette ville, « dans une maison située en cette ville rue des Bons enfants paroisse de Saint-Pierre-le-Puellier ». La pochette est mentionnée article 7 et la serinette article 98. La pochette est rangée dans le tiroir d’une table à jouer en noyer située dans le salon principal au rez-de-chaussée. La serinette se trouve dans une chambre à l’étage.
123Affiches de Normandie, 26 mai 1780.
124La nature du document qui nous fait connaître ces deux violons (annonce commerciale) suggère qu’ils pourraient être éventuellement des objets de commerce voire de spéculation, et non à l’usage personnel du maître
125S. Granger, Musiciens dans la Ville, op. cit., p. 104.
126Ad Sarthe : 4E 19/608, mn. M.-G. Anfray, Le Mans, 5 au 8 avril 1769, inventaire, et 11 avril 1769, vente Jean-François Schussler.
127Affiches de l’Orléanois, 29 novembre 1765.

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