Introduction générale. La contredanse, reine du bal des Lumières : contribution à une histoire du bal dans les provinces
p. 15-28
Texte intégral
1La seconde moitié du xviiie siècle marque l’apogée de la contredanse française1. La contredanse est un type de danse sociale à figures, caractérisée par la mobilité, l’ingéniosité et la diversité des parcours. L’Académie française la définit comme une « sorte de danse vive & légère, qui a ses figures propres, & où plusieurs personnes dansent ensemble2 ». Elle dit en peu de mots une caractéristique essentielle aux yeux des contemporains : au lieu de regarder un couple après l’autre exécuter une belle Danse3, « plusieurs personnes » – potentiellement l’assistance entière – peuvent se mettre en mouvement et éprouver le plaisir de danser en même temps. Rousseau reprend la même idée dans son Dictionnaire de Musique en définissant la contredanse comme un type de danse « qui s’exécute à quatre, à six et à huit personnes et qu’on danse ordinairement dans les Bals après les Menuets, comme étant plus gaie et occupant plus de monde4 ». Le portrait de la contredanse se confirme comme étant une danse joyeuse et qui mobilise de nombreux danseurs en même temps. On est ainsi passé, selon la terminologie proposée par Marie Glon, d’un « art de la représentation » à un « art de la participation5 ». Le Dictionnaire de Trévoux souligne que les figures de la contredanse « s’exécutent avec tant de rapidité qu’elles échauffent extraordinairement ». La seconde nouveauté est que la figure n’est plus conçue comme un dessin à contempler, ainsi qu’il en allait dans la belle Danse antérieure, mais « comme des parcours à vivre, des relations à éprouver6 » : on se rencontre, on se croise, on se quitte, on se retrouve… La contredanse est « jeu, liberté, familiarité et caprice7 », elle est « plaisir sans contrainte, toute de gaîté et d’enjouement8 ». En cela, elle est parfaitement adaptée à l’esprit du siècle des Lumières qui à la rigoureuse ordonnance du jardin à la française, symétrique et statique, se met à préférer le foisonnement faussement désordonné du parc à l’anglaise.
2Comme ce dernier, la country dance arrive d’ailleurs d’Angleterre, et là n’est pas son moindre mérite9. On l’avait expérimentée pour la première fois à la cour de France à l’automne 1684. Un maître anglais nommé Isaac – curieusement dit « d’Orléans » –, en enseigne quelques échantillons aux dames. Celles-ci les exécutent ensuite au bal devant le roi, lequel pour voir cela « quitta le billard de bonne heure », selon le marquis de Dangeau10. Dans ces prémices de l’automne 1684, J.-M. Guilcher voit le point de départ d’un profond renouvellement des formes de la danse. Bien sûr, en notant cela, le courtisan diariste de 1684 « ne se doute pas qu’un chapitre nouveau s’ouvre dans l’histoire de la danse européenne. Et qui s’en douterait ? Jamais la danse noble à la française n’a eu plus de prestige. Il n’est belle danse que de Versailles11 »… Malgré les efforts du maître à danser André Lorin12 et malgré le voisinage du roi d’Angleterre exilé, la contre-danse a fait à la cour de France des débuts hésitants : les jeunes courtisans y prennent plaisir, mais sans l’admirer et elle reste d’abord reléguée en toute fin de bal. Progressivement elle gagne du terrain dans les lieux fréquentés par la jeune génération, tout en faisant l’objet d’une réélaboration originale qui conjugue les « apports britanniques » à « l’héritage français », pour reprendre les titres des deux premiers chapitres de l’ouvrage majeur de J.-M. Guilcher. Ainsi remodelée, la contredanse parvient à grignoter de l’espace, et durant les dernières années de son règne, Louis XIV l’admet dans les bals les plus solennels13. Mais c’est après la mort du vieux roi que son triomphe se fait éclatant et sa progression irrésistible. Là débute son règne sur le bal européen. Elle le partage seulement avec le menuet, dernier survivant des belles Danses antérieures, qui lui est complémentaire par son esprit et son style plus cérémonieux, mais qu’elle finira par supplanter14.
3Même si on continue de pratiquer les « anglaises » en colonne, la forme qui domine peu à peu est celle de la contredanse « à la française » en carré (voir fig. Va et b). Cette disposition naît et se développe à partir du Cotillon à quatre publié par Feuillet en 170515, qui dote la contre-danse française d’une structure d’ensemble bien définie. Sans entrer ici dans le détail, disons que classiquement, chaque contredanse comporte un enchaînement spécifique de figures, qui la caractérise et en fait l’unicité, alternant avec des « entrées ». Ces entrées, au nombre de huit, se retrouvent, elles, dans toutes les contredanses du temps (tours de mains, moulins, rondes…). Leur succession conserve l’armature des principaux « couplets » du Cotillon de 1705, sans en modifier l’ordre, seulement en y ajoutant les grands ronds et le tour d’allemande. L’enchaînement original propre à chaque contredanse joue donc un rôle de « refrain », revenant inchangé après chacune des entrées qui, étant toutes différentes, pourraient être surnommées « couplet ». Si la contredanse est dansée à quatre, comme l’était le cotillon, les entrées sont au nombre de sept. Si la contredanse est dansée à huit, par quatre couples disposés sur les quatre côtés d’un carré, la contredanse utilise les huit entrées et se clôt par la reprise finale de la première (le « grand rond »). L’air d’une contredanse à huit doit donc être joué neuf fois, l’air d’une contredanse à quatre sept fois16. Aussi s’agit-il d’airs en général relativement courts, sans quoi « la jeunesse se seroit ennuyer [sic] de répéter 9 fois de suite 180 mesures de danses : elles ne sont bonnes que pour le Théâtre où elles ne se répètent point17 ».
4À mesure que s’étiole la belle Danse réduite à son dernier survivant le menuet, la contredanse recueille une part de la charge esthétique dont sa prédécesseuse avait été chargée, ainsi que de la considération dont elle jouissait. Aussi, dans la seconde moitié du xviiie siècle, l’art de la contredanse atteint-il son plein épanouissement : la diversité et l’inventivité de ses figures, « l’abondance de ses ressources, l’ingéniosité de ses agencements, s’élèvent à un niveau sans précédent18 ». Son succès s’explique par le fait qu’elle répond à une attente, et qu’elle est en totale adéquation avec l’esprit du moment. Sociale sans être communautaire, elle reste une danse fédérative, mais sans l’unanimisme uniformisant des anciens branles : elle reconnaît l’individu en son sein et autorise des relations interpersonnelles. On se rencontre, on se croise, on se quitte, on se retrouve… L’émergence individuelle s’allie à une sociabilité foisonnante. J.-M. Guilcher lit en elle « un sens profondément renouvelé du rapport de l’individu au groupe19 », un « psychisme […] aux antipodes » de celui antérieurement inséparable des rondes communautaires20. La contredanse rompt tout aussi délibérément avec la belle Danse conçue pour traduire la hiérarchie des rangs à travers des couples successifs aux nobles attitudes strictement dessinées. Dans ces carrés de huit danseurs, « il n’y a plus de tête ni de queue de danse » mais huit individus égaux qui « débutant par une ronde, tournent le dos à qui n’appartient pas à leur petit noyau et n’en partage pas le mouvement et l’excitation21 ». Mettant en valeur chaque personne ou chaque couple tour à tour, tout en nouant entre eux une grande diversité de solidarités, elle apporte aux danseurs une façon inédite de marier la liberté individuelle et l’action collective, de concilier l’expression personnelle et les règles communes. C’est pourquoi la contredanse est si emblématique de la période des Lumières. Bien plus que le menuet déclinant, elle est la danse par laquelle une société exprime sa « pursuit of happiness22 ».
5Aussi gagne-t-elle sans cesse des cercles nouveaux : « Confinée au départ à l’entourage royal, elle est en un premier temps passée aux “personnes de distinction” de Paris et des provinces. Plus tard elle s’est gagné dans les villes un public populaire étendu. Le moment vient où elle va pénétrer les campagnes23. » Non seulement « la contredanse constitue le divertissement par excellence », mais « le goût qu’on a pour elle ne fait que croître24 ». Et la magistrale étude qu’en fit Jean-Michel Guilcher il y a un demi-siècle reste, écrit l’ethnologue Daniel Fabre, « la meilleure illustration de la complexité et aussi des rythmes de la circulation culturelle entre couches sociales longtemps fortement distantes mais liées par des flux incessants25 ».
6Ce qui vient d’être exposé peut sonner – aux oreilles averties – comme des généralités déjà bien étudiées correspondant à la situation observée dans la capitale. Qu’en est-il dans les provinces ? Le terme, au pluriel, est de plus en plus employé au cours du xviiie siècle, pour désigner globalement les divers territoires du royaume, alors que le mot « province » au singulier évoque avec un soupçon de condescendance des villes, grandes ou petites, « où le mode de vie est différent et déprécié par rapport à celui de Paris26 ». Sur le plan culturel, en particulier, Paris développe une supériorité héritée de la longue présence ou du voisinage du pouvoir royal et de ses multiples satellites fortunés, ce qui lui vaut de pouvoir offrir une capacité de divertissements publics infiniment variés, introuvables en province27. Or, au cours de la seconde moitié du siècle, la contredanse domine les pratiques festives dans des groupes sociaux de plus en plus larges bien au-delà de Paris : dans toutes les villes de France, elle est devenue l’incontestable « reine du bal28 ». Qu’ils soient de nature judiciaire, littéraire, commerciale, épistolaire, des documents très divers en témoignent, dont certains permettent de pénétrer en quelque sorte au cœur du bal29. Comment cette conquête a-t-elle pu s’opérer ? Le premier mécanisme est l’imitation, suscitée par l’engouement de la jeunesse et l’incessant désir de mode. Pour alimenter ces processus d’appropriation d’un nouveau répertoire, les séjours temporaires à Paris des élites provinciales, et leurs échos au sein de leurs réseaux de relations ont nécessairement joué un rôle30. Plus largement, le flot de la contredanse a coulé par deux canaux différents et complémentaires : le support de l’écrit d’une part, et l’enseignement des maîtres à danser d’autre part. Sur l’un comme sur l’autre de ces canaux, la présente étude souhaite apporter un éclairage délibérément centré sur les milieux urbains provinciaux.
7En effet, si les maîtres à danser de Paris ou de Versailles sont régulièrement convoqués dans l’historiographie traitant de la Cour à partir de Louis XIV, il n’en est pas de même de ceux des provinces. L’histoire de la danse y reste plus encore « parent pauvre de la recherche31 ». Dans un champ d’étude voisin touchant d’autres mondes musicaux, le métier de musicien d’Église au xviiie siècle fait depuis quelques années l’objet d’une très nette revalorisation historiographique, y compris lorsqu’il s’exerce loin de Paris, dans de petites villes, voire des bourgs. Cet intérêt élargi permet de reconstituer pas à pas la totalité du tissu musical cultuel de l’ancienne France32. On découvre que celui-ci constituait en fait un vaste réseau aux points d’interconnexions multiples, et qu’il comptait des milliers de personnes sur l’ensemble du royaume.
8Rien de tel encore pour la danse et ses praticiens, qui souffrent vis-à-vis de la recherche de handicaps multiples. Tout d’abord, les danseurs et les maîtres de danse sont moins nombreux que les musiciens des églises, ce qui d’emblée rend l’enquête prosopographique moins fructueuse. Ils sont aussi et surtout beaucoup plus dispersés. Le métier de musicien d’Église s’exerce au sein d’une institution solide, bien structurée et pourvoyeuse d’archives écrites, dont le fonctionnement est en principe permanent : quelle que soit la mobilité du personnel – et elle est forte –, l’enquête peut s’appuyer sur des points de repère stables et relativement pérennes. À l’inverse, le métier de maître à danser – en dehors de l’Opéra, de la cour et de quelques grandes maisons princières – s’exerce essentiellement de manière indépendante, autonome et même pour partie solitaire. Sauf exception, les accords passés entre le maître et sa clientèle ne font l’objet d’aucun écrit. De gré à gré, les engagements se concluent oralement, ils sont toujours à très court terme et éclatés entre de multiples lieux et protagonistes. La brièveté des contrats, leur irrégularité voire leur saisonnalité, combinées à l’absence de structure professionnelle officielle, se cumulent pour fragiliser les rentrées financières des maîtres. Pour faire face à la précarité qui en résulte, pour tenter de réguler leurs ressources, ceux-ci ont fréquemment recours à la pluriactivité (petit commerce, charge administrative, voire artisanat). Tout cela entraîne une volatilité extrême qui rend très difficile, voire impossible, de suivre durablement les maîtres à danser durant leur itinéraire de vie. À peine repérés, nombre d’entre eux disparaissent des radars de la recherche, et si on les retrouve parfois sous une autre désignation professionnelle, on craint inévitablement une homonymie. Malgré l’exceptionnelle densité d’informations concernant le maître de danse choisi comme principal objet de la présente étude, sa biographie reste très largement lacunaire.
9Par ailleurs, les récurrentes problématiques de la création, de la production d’œuvres, de l’analyse et de la restitution du répertoire, continuent à affaiblir le danseur face au musicien. Le second, dans certains cas, peut produire des partitions pour espérer attirer l’attention des chercheurs deux ou trois siècles plus tard. De quelle arme de survie peut se targuer le danseur vis-à-vis de la postérité ? En dehors des belles Danses gravées en système Feuillet33 des premières décennies du xviiie siècle, il est fort démuni pour établir les preuves de son talent.
10À ces divers handicaps, il faut, avec précautions, en ajouter un autre : même si cela est rarement énoncé comme tel, la recherche en danse souffre encore d’un déficit de légitimité. Lors des rencontres scientifiques organisées à l’occasion de son centenaire (2014), le relatif effacement historiographique de l’œuvre pourtant magistrale de Jean-Michel Guilcher a conduit à « s’interroger sur la discrimination des objets – objets réputés majeurs/objets considérés comme mineurs – dans le champ des sciences sociales et les processus de (dis) qualification afférents34 ». « Comment faire science », se demandent crûment les chercheuses spécialisées en danse, « comment produire des savoirs légitimés scientifiquement sur des objets polysémiques, pas “sérieux” comme la danse, le cirque, les arts de la rue, la foire35 » ? Pour compenser sans doute, la recherche en danse s’arcboute d’elle-même sur les lieux prestigieux (Versailles, l’Opéra), les noms illustres (Pécour, Noverre), la création mise en spectacle (opéras, ballets), tactiques diverses et complémentaires permettant de « prendre le futile au sérieux36 ». De ce fait, en dehors de J.-M. Guilcher, là encore à la fois pionnier et marginal, ce que l’on appelle « histoire de la danse » tend souvent à s’identifier à l’histoire du ballet. Ce fut particulièrement le cas des premières thèses soutenues dans ce domaine, au début des années 198037. Il en va encore partiellement de même aujourd’hui, en dépit d’une ouverture proclamée à la transdisciplinarité de la recherche en danse, qui convoque les disciplines anthropologiques, ethnologiques, historiques, artistiques et analytiques38. Durant les trois dernières décennies, la recherche en danse en France – et en Europe – a connu un essor notable, avec des travaux et des chercheurs en augmentation constante, et avec l’intégration (encore homéopathique) de la danse dans le paysage universitaire39. Il faut noter le développement particulier des recherches en esthétique, fondées sur l’analyse du mouvement dansé, analyse qui, certes, « permet d’aborder les œuvres et les processus de création à l’aune des logiques propres du mouvement et de la pensée sensorielle du corps40 ». Mais qui reste indifférente au parcours social de ces œuvres comme des individus qui les ont créées, portées, diffusées.
11Deux revues successives ont tenté et tentent de donner écho aux recherches menées ici ou là : au singulier globalisant de La Recherche en danse a succédé un pluriel d’ouverture avec Recherches en danse. La première avait été créée en 1982 par un groupe réuni au sein d’une « Association pour le diplôme de danse – université de Paris-Sorbonne » et portait en sous-titre « revue de travaux universitaires portant sur la danse41 ». La seconde est une revue en ligne, à comité de lecture, fondée en 201442. Portée par l’association des Chercheurs en Danse (aCD), elle publie deux numéros par an, dans lesquels la dimension historique n’est pas oubliée, tout en restant délibérément « dans une perspective spectacularo-centrée » selon l’expression d’Isabelle Launay43. Malgré l’ajout épisodique de l’adjectif « social » au mot danse dans les intitulés de séminaires, de journées d’étude ou de publications, le bilan historiographique reste concentré sur la danse de scène ou la danse sur scène44. Tout se passe comme si la discipline « Histoire de la danse », déjà si étroite, rejetait elle-même dans l’ombre les pratiques dansantes ordinaires45.
12Quelques centaines de maîtres à danser éparpillés, pour certains à l’activité chorégraphique en pointillés, peuvent-ils constituer un objet historique pertinent ? Pire : l’activité de ces individus, qu’elle soit éphémère ou pérenne, mérite-t-elle étude ? En d’autres termes, est-il bien sérieux pour un historien ou une historienne de se consacrer à étudier la danse – ou plus exactement ce type de danse ? Car la question, consciente ou non, vaut seulement pour la danse de société, pratiquée à titre récréatif et non mise en spectacle. C’est elle qui peine à être reconnue comme pleinement légitime culturellement, au motif que la part de création y est faible.
13Faux procès, dès lors que l’on considère l’histoire culturelle sans la polariser sur la production d’œuvre (« la danse, ainsi que Foucault le disait de la folie, est absence d’œuvre46 »), mais en l’envisageant au sens large, et en y intégrant l’indispensable dimension de la sociabilité. Plus qu’une pratique artistique, plus même qu’une pratique corporelle – ce qu’elle est évidemment –, la danse de bal est une pratique sociale, qui induit rencontres, fréquentations et confrontations, qui offre à chaque groupe relationnel un espace pour mettre en scène et vivre ses liens et ses rapports à autrui, qu’ils soient d’amitié, de force, de séduction… Une pratique qui a mobilisé la passion, les pensées et l’énergie d’une part importante de la population pour laquelle elle constituait un loisir essentiel, mérite, ipso facto, étude. Les mutations de ses formes au rythme des évolutions de la société attestent la place centrale de la danse sociale et obligent à la regarder comme un objet d’histoire à part entière. En eux-mêmes, les dispositifs de la danse récréative sont un reflet des mises en ordre sociales du moment47. Ils « ont quelque chose à nous dire sur les mentalités de leur temps », affirme Y. Guilcher, qui ajoute : « l’intelligence de la danse implique celle de la société où elle a cours48 ». La danse de société fait partie intégrante du patrimoine culturel. Tenter de mieux connaître ceux qui pratiquaient, diffusaient, enseignaient, renouvelaient cette danse permet de réinterroger quelques-unes des connaissances sur les sociétés anciennes. Évoquer les contredanses et les bals du siècle des Lumières, c’est offrir une nouvelle médiation pour relire l’histoire urbaine du xviiie siècle, à travers ses hiérarchies et ses aspirations, les rapports entre Paris et les villes des provinces, les comportements culturels et les mécanismes de leur transmission, la circulation et la diffusion des modes, la propagation et l’imitation des critères de distinction.
14Le renouvellement des répertoires dansés emprunte pour une part le canal de l’écrit. Ce n’est pas chose nouvelle dans la seconde moitié du xviiie siècle49. Plusieurs thèses récentes liées à l’histoire de la danse ont pris comme objet les supports écrits véhiculant la danse50. Ces travaux se concentrent sur la belle Danse connue par le système de notation Beauchamps-Feuillet, donc sur les répertoires du début du xviiie siècle, quand se multiplient les danses « mises sur le papier », selon l’expression fréquente du temps. La thèse de Marie Glon, sous-titrée « une aventure éditoriale », s’arrête délibérément au milieu du xviiie siècle. C’est alors que la vogue des contredanses génère un autre phénomène éditorial, de grande ampleur, qui est à l’évidence un tout autre sujet que celui sur lequel elle s’est penchée avec talent. En effet, lorsque « la prolifération des contredanses atteint son maximum », cela se traduit par une « surabondante production écrite » de contredanses nouvelles, marquée à partir des années 1760 par « l’apparition de notations simultanément musicales et chorégraphiques51 ». C’est ce qui constitue l’objet du premier chapitre du présent ouvrage.
15Cette production importante ne subsiste pas intégralement aujourd’hui, car elle n’a pas souvent été jugée digne d’être archivée : « C’est qu’elle consistait principalement en feuilles volantes et petits cahiers, ouvrages frivoles et fragiles, que peu d’usagers ont pris soin de conserver une fois passée la mode qui leur avait quelque temps donné du prix52. » Les recueils factices, « composés par des maîtres à danser, des musiciens, des amateurs d’autrefois53 », ont toutefois permis la survie d’une partie de ces feuilles gravées, et aident à reconstituer les grandes lignes de cette histoire éditoriale foisonnante.
16Par ailleurs, la recopie manuelle a démultiplié les danses issues des presses. On peut rencontrer dans les fonds publics ou chez des collectionneurs privés des cahiers de musique manuscrits (livres de vielle, recueils pour le violon…) regroupant de nombreux airs de contredanses54. Quelques-uns indiquent succinctement les figures à danser55. Plus rares, quelques carnets dans lesquels la priorité est donnée à la danse ont subsisté çà et là. Un bon exemple en est le plus lointainement retrouvé – et par là même encore plus intrigant : le « Livre de contredances avec les figures » conservé à Trois-Rivières (Québec)56. Ce petit cahier comprend 61 musiques de contredanses. En haut de chaque page, une ligne de portée musicale offre quatre mesures de musique notée : à l’évidence le carnet se voulait seulement aide-mémoire pour quelqu’un qui connaissait déjà très bien les airs… Sous la portée se place le titre de la danse. Vient ensuite, pour près de la moitié des pages, un texte donnant l’explication sommaire des figures, éclairée dans deux cas par des petits croquis. Ce cahier a appartenu à Pierre-René Boucher de La Bruère (1740-1794) mais n’est pas de sa main. Comme l’on sait que ce militaire séjourna plusieurs années en France avant le traité de Paris (1763), l’hypothèse la plus vraisemblable est que « ce manuscrit fut rédigé par un Français aguerri à l’écriture musicale et connaisseur en danse, et que celui-ci ait cédé ou vendu le dit manuscrit à Pierre Boucher de La Bruère » avant son embarquement pour revenir au Québec57. Peut-être faut-il y voir l’outil de travail d’un maître à danser, probablement quelque part en Normandie, puisque le cahier – indique sa couverture – a été acheté à Lisieux.
17En revanche, la juxtaposition de notations manuscrites et de feuillets imprimés semble avoir été une pratique inhabituelle : dans son très riche état des sources J.-M. Guilcher ne mentionne ce type d’assemblage qu’à propos d’un seul recueil, conservé à la bibliothèque de l’Opéra58. Il s’agit d’un petit livret, d’un format 17,5 par 12 cm, à la couverture de carton bleu, qui porte en titre Valzer et Contredanses de différents auteurs, titre écrit à la main sous une étiquette imprimée qui indique « Courtois, danseur de l’Opéra59 ». Une note au bas de la deuxième de couverture indique la date de 1819. C’est avant tout un recueil de 20 feuilles imprimées, dont la table est dressée en ouverture du volume. Les rectos et les versos, initialement vierges, de ces feuillets ont été ensuite utilisés pour noter à la main des partitions d’airs de danses (La Viennoise, Walzer par Mr Courtois Maître de danse ; La Chester anglaise, par Mr Courtois de l’Opéra…) ou, dans six cas, des figures de contredanses (La Belle Hélène, Les Plaisirs de l’hôtel de Bullion, La Dufrenoy, Larmandine par Mr Vincent, La Stephanie, et une autre dont le titre a été coupé par la régularisation des bords des feuilles opérée sans doute au moment de la reliure). La description d’une 7e contredanse est amorcée mais a été laissée inachevée puis biffée d’une croix. Sur la plupart des pages disponibles ont été préparées des portées nanties d’une clé de sol, qui n’ont pas été utilisées. Sur les deuxième et troisième de couverture ont été collées des feuilles décorées d’une vignette imprimée rehaussée d’aquarelle illustrant la partition manuscrite située au dessous (Les Plaisirs chinois et « La Virginie (trenis) par Courtois de l’Opéra, dédiée à Mlle Virginie Grégoire »).
18Cette juxtaposition au sein d’un même recueil de relevés manuscrits et de feuillets imprimés est donc rare. Il est encore plus exceptionnel de trouver les uns et les autres, manuscrits et imprimés, alliant danse et musique. C’est ce double voisinage insolite qui fait tout l’intérêt de ce mystérieux petit livre aujourd’hui conservé à la Médiathèque d’Orléans60. Intérêt scientifique, mais aussi « émotif » : ouvrir ce livre, c’est tenir en mains le témoignage d’une passion, en direct du passé. Et c’est pousser une porte vers des coulisses peu explorées de la sociabilité urbaine des provinces au temps des Lumières. C’est, du même coup, lever le voile sur un maître à danser aussi influent en son temps qu’oublié aujourd’hui. Car, dans ces coulisses, on découvre la figure haute en couleurs du sieur Jean Robert, régnant durant les années 1760 sur le monde de la danse à Orléans.
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19Centrer une telle enquête sur Orléans peut paraître une gageure. Le directeur du Conservatoire d’Orléans en 1944 disait n’avoir trouvé trace au cours de ses recherches sur le passé musical de la ville… que d’un seul maître à danser61 ! Les archives du Loiret ont subi des destructions dramatiques au début de la Seconde Guerre mondiale62. Les fonds de justice et de police, notamment, ont été anéantis63. Or c’est là que devaient se trouver les autorisations de donner des bals, ainsi que les éventuels incidents survenus durant leur déroulement, sources précieuses s’il en est sur le sujet ici évoqué. Pour tenter de combler les lacunes béantes laissées par ces pertes irréparables, il a fallu recourir aux archives équivalentes des villes proches – en particulier Tours dont les fonds de police sont au contraire abondants64. On ne s’étonnera donc pas de la fréquence des références extérieures : reconstituer la vie musicale ancienne à Orléans passe nécessairement par des stratégies de contournement, ainsi que par la bibliographie ancienne constituée avant l’incendie. Ainsi le chapitre II parvient-il à faire le point sur ce que l’on sait d’Orléans au temps de Robert dans les domaines économique, social et surtout culturel.
20Jean Robert toutefois a en partie échappé aux destructions. Les fonds notariés orléanais ont été très lourdement affectés puisque « sur les 35 études que comptait la ville, seules six subsistent65 ». Par un hasard extraordinaire, son inventaire après décès se trouve dans l’un de ces six minutiers survivants. De plus, il s’agit d’un document copieux, constitué de 13 pages denses, riches en informations66. Les registres paroissiaux et la presse locale ajoutent par touches des précisions à son portrait esquissé. Malgré la frustration persistante de n’avoir pu reconstituer son itinéraire antérieur et de ne connaître que les dix dernières années de sa vie, force est de constater qu’on dispose cependant au sujet de Jean Robert d’une concentration de renseignements peu fréquente pour un maître à danser ancien.
21En dehors de la Cour et de l’Académie de danse, le métier de maître à danser n’a généralement fait l’objet que de rapides évocations. De rares exceptions doivent être signalées, et parmi elles, la belle enquête à laquelle a donné lieu un proche contemporain de Jean Robert connu sous le nom de D’Aubat Saint-Flour, en réalité Robert Daubat (1714-1782), maître à danser exerçant à Gand mais originaire de Saint-Flour67.
22Or maîtres – et parfois maîtresses – de danse étaient des vecteurs fondamentaux dans la circulation des modes et des répertoires, à l’échelle non seulement du pays, mais de l’Europe entière. Tout ce qui pourra éclairer les conditions concrètes d’exercice de leur activité aidera à mieux comprendre ce maillon oublié de la longue chaîne des transferts culturels. C’est pourquoi il est utile de découvrir les caractéristiques principales du métier polymorphe de maître à danser dans une ville de province, ses rythmes et ses rites, ainsi que les tactiques mises en œuvre par les hommes de l’art pour en atténuer la précarité et réguler, autant que faire se peut, leurs rentrées financières… C’est à cette exploration du métier qu’est consacrée la deuxième partie de ce livre (chapitres iii à vi). On voit Jean Robert agir dans son cadre quotidien, multiplier les initiatives pour dynamiser la vie dansante locale, galvaniser la jeunesse, développer son activité commerciale, accroître sa notoriété et faire jouer ses réseaux parisiens, composer aux côtés de « Mademoiselle sa fille », parvenir à donner à leurs créations conjointes une audience nationale, et de son violon précieux impulser menuets et contredanses dans les bals d’Orléans – bals auxquels est consacrée la troisième partie de ce livre (chapitres vii et viii).
23À travers cet actif maître à danser, ressurgit un moment de la vie culturelle et des activités de loisir familières aux citadins des Lumières. Car ni Jean Robert ni Orléans ne sont uniques comme le montreront au fil de ces pages les références à nombre de ses homologues rencontrés dans d’autres villes.
24Puisse cette étude illustrer modestement ce que Jean-Michel Guilcher avait magistralement démontré il y a un demi-siècle déjà : une autre histoire de la danse est possible.
Notes de bas de page
1Jean-Michel Guilcher, La Contredanse et les renouvellements de la danse française, Paris/La Haye, Mouton, 1969, 234 p. Ouvrage réédité en 2003 sous le titre La Contredanse, Un Tournant dans l’histoire française de la danse, Bruxelles, Complexe/CND, 238 p., réédition relue, corrigée et augmentée par Naïk Raviart, enrichie d’une préface par Yves Guilcher. Cette étude reste la référence fondamentale sur le sujet. C’est à la pagination de son édition 2003 que renvoient désormais les notes.
2Dictionnaire de l’Académie françoise, « contre-danse ». Le mot « contre-danse » ne figure pas encore dans la première édition du dictionnaire (1694). La formulation est identique dans les éditions 1762 et 1776, assortie des deux mêmes affirmations : « On finit le bal par des contre-danses. Originairement les contre-danses sont des danses de village. » La seconde véhicule un postulat historiquement des plus douteux.
3Belle Danse : voir glossaire.
4Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de Musique, Paris, chez la veuve Duchesne, libraire, rue Saint-Jacques, 1768.
5Marie Glon, Les Lumières chorégraphiques. Les maîtres de danse européens au cœur d’un phénomène éditorial (1700-1760), thèse d’histoire, dir. Georges Vigarello, EHESS, soutenue à la Cité de la danse le 5 décembre 2014.
6Yves Guilcher, La Danse traditionnelle en France, d’une ancienne civilisation paysanne à un loisir revivaliste, Parthenay, Famdt-Modal/Adp, 1998, 276 p., p. 236.
7J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 19.
8Yves Guilcher, « Préface à la nouvelle édition », La Contredanse…, op. cit., p. 11.
9Sur les caractéristiques de la contredanse en Angleterre : J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 45-58, « L’Apport britannique ». La country dance est mentionnée à la cour d’Elizabeth Ire dès la seconde moitié du xvie siècle. À partir de 1651, l’éditeur de musique londonien John Playford en publie des recueils. Dans la contredanse à l’anglaise, la forme dominante (mais non exclusive) est la disposition des danseurs en deux lignes se faisant face, femmes d’un côté, hommes de l’autre.
10Journal du marquis de Dangeau, 27 et 29 octobre, 8 novembre 1684. Aucune de ces trois dates n’a été retenue parmi les « événements musicaux » de l’année 1684 par une chronologie publiée en 2004, qui cite pourtant Dangeau au 10 septembre et au 13 novembre de l’année 1684 (Marcelle Benoit, Les Événements musicaux sous le règne de Louis XIV, Chronologie, Paris, Picard, 2004, 403 p.).
11Jean-Michel Guilcher, Préface à l’ouvrage de Jean-Philippe Van Aelbrouck, Les Contredanses du journal musical liégeois « L’Écho » (1748-1773), Bruxelles, Commission royale belge de folklore, 1986, 107 p., p. iii.
12André Lorin va en Angleterre en 1685 recueillir d’autres danses. À son retour il offre à Louis XIV deux manuscrits regroupant un florilège de 17 country dances, réaménagées selon le goût français. Ces deux manuscrits sont en ligne sur Gallica depuis 2011.
13J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 61.
14Naïk Raviart, « Le bal français, du début du règne de Louis XIV à l’aube de la Révolution », Histoires de bal, vivre, représenter, recréer le bal, Paris, Cité de la musique, 1998, p. 19-54.
15Raoul-Auger Feuillet, 4e Recüeil de danses de bal pour l’année 1706, Paris, 1705, in-8o. J.-M. Guilcher montre que ce cotillon de 1705 contient en germe la future contredanse française et il souligne que, donc, « son point de départ n’est nullement britannique » (La Contredanse…, op. cit., p. 72).
16J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 127-129.
17Anonyme [probablement Delacuisse], « Observation » au sujet de « Autre figure de La Strasbourgeoise par Mr Deshayes Maître des Ballets du Théâtre François » (Répertoire des Bals, vol. 2, suite de la 49e feuille).
18Y. Guilcher, « Préface à la nouvelle édition », La Contredanse…, op. cit., p. 12.
19J.-M. Guilcher, Préface… « L’Écho », op. cit., p. vi.
20Jean-Michel Guilcher, Danse traditionnelle et anciens milieux ruraux français, Tradition, Histoire, Société, Paris, L’Harmattan, 2009, 317 p., p. 91.
21N. Raviart, « Le bal français… », art. cité, p. 44. Voir fig. Va dans le cahier iconographique.
22Thomas Jefferson, Déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, 1776.
23J.-M. Guilcher, Danse traditionnelle…, op. cit., p. 85. Cette pénétration des campagnes par la contredanse ne se produit pas au même moment partout : dès avant la Révolution dans certains milieux ruraux, plus tard pour d’autres, jamais pour quelques-uns.
24J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 86.
25Daniel Fabre, « Territoire et rythmes des circulations culturelles », dans « Jean-Michel Guilcher, 100 ans, Une œuvre », article collectif, Ethnologie française, 2015/3, no 153, p. 555-574.
26Jocelyne George, « Paris Province : un mouvement du capital », A. Djourachkovitch et Y. Leclerc (dir.), Province < > Paris, Topographies littéraires du xixe siècle, Rouen, université de Rouen, 2000, 262 p., p. 16.
27Ibidem, p. 17.
28Marie-Françoise Bouchon, « La Contredanse comme jeu social au xviiie siècle », Analyse Musicale, no 69, 2012, p. 80-86 (ici : p. 80).
29Sylvie Granger, « Le Bal dans les villes de province (seconde moitié du xviiie siècle »), Analyse Musicale, no 69, 2012, p. 73-79. Cet article analyse un incident survenu dans un bal à Tours en 1777. Voir infra « Indiquer sur les affiches les danses qui seront dansées » (chapitre viii).
30Les exemples sont légion. Donnons-en un seul, récemment tiré de l’ombre. Henriette Edme de Marans, diariste et épistolière du Perche vendômois, évoque dans une lettre du 27 juin 1784 ses correspondants de Paris, qu’elle nomme ses « nouvellistes », parce qu’ils l’informent des dernières nouvelles. Son réseau de sociabilité comporte plusieurs familles qui résident la majeure partie de l’année à Paris, et passent la fin de l’été et l’automne dans le Vendômois. Durant cette période, visites et réceptions mutuelles sont nombreuses (Mathilde Chollet, Être et savoir, Une ambition de femme au siècle des Lumières, Rennes, PUR, 2016, 300 p., notamment p. 65-78).
31Jean-Michel Guilcher et Yvon Guilcher, L’Histoire de la Danse, parent pauvre de la recherche, Isatis, cahiers d’ethnomusicologie régionale, no 3, Toulouse, Conservatoire Occitan, 1994, 94 p.
32Lancée au début des années 2000 sous l’impulsion de Bernard Dompnier, l’enquête Muséfrem (Musiques d’Église en France à l’époque moderne) est actuellement coordonnée par Sylvie Granger (Temos, Le Mans Université) et Isabelle Langlois (Chec, université Clermont-Auvergne). Elle nourrit une base de données prosopographique en ligne progressivement accessible à tous [http://philidor.cmbv.fr/musefrem/] et a déjà donné lieu à de nombreuses publications.
33Voir glossaire et chapitre i.
34Laurent Le Gall, « Une œuvre singulière à redécouvrir » dans « Jean-Michel Guilcher, 100 ans, Une œuvre », article collectif cité, p. 560.
35Betty Lefèvre, « Chercheuse et danseuse : du genre incorporé », Recherches en danse, 3 | 2015, mis en ligne le 19 janvier 2015, consulté le 16 décembre 2016 [http://danse.revues.org/942] ; DOI : [10.4000/danse. 942/].
36Claude Javeau, Prendre le futile au sérieux, Paris, Le Cerf, 1998.
37Yves Ozanam, Recherches sur l’Académie royale de musique et de danse sous la Seconde Restauration, 1815-1830, École nationale des Chartes, 1981 ; Françoise Dartois, La Danse au temps de l’Opéra-Ballet, Paris I, 1983.
38Laure Guilbert, « Brève historiographie de l’émergence des recherches en danse au sein de l’université française. Quel rôle pour l’histoire ? », Recherches en danse, 1|2014, mis en ligne le 1er mars 2014, consulté le 6 février 2017 [http://danse.revues.org/625] ; DOI : [10.4000/danse. 625/].
39Elena Cervellati, Simone Clamens, Robert Crang, Patrick Germain-Thomas, Bianca Maurmayr, Léna Massiani, Karen Nioche, Marina Nordera, Joëlle Vellet et Patrizia Veroli, « Panorama de la recherche en danse en France et en Italie », Recherches en danse, 1 |2014, mis en ligne le 1er mars 2014, consulté le 6 février 2017 [http://danse.revues.org/627] ; DOI : [10.4000/danse. 627/]. Trois universités dispensent un cursus universitaire en danse (Nice, Paris 8 et Lille), plusieurs autres proposent des options danse (Strasbourg, Lyon, Clermont-Ferrand, Toulouse…). À l’université du Mans a existé de 1987 à 2016 un cours d’Histoire de la Danse, délibérément orienté vers la danse récréative dé-spectacularisée, intitulé « Danses, Sociétés, Sociabilités ». À Tours, un cours assuré en 1999-2000 par Édith Marois à l’UFR Musicologie ne s’est pas poursuivi, faute de crédits.
40L. Guilbert, « Brève historiographie… », art. cité, § 4. Cette discipline s’est développée notamment au département de Danse de l’université Paris VIII.
41Le no 1 (juin 1982), dont le responsable de publication était Jean-Claude Serre, comportait 25 articles de longueurs très diverses. Trois seulement concernaient la période moderne. Ce numéro, et c’est significatif d’une étape dans l’histoire de la recherche en danse, annonçait un premier colloque, l’année universitaire suivante à Paris IV, intitulé « La reconstitution et la conservation des danses ». Une parenthèse en précisait la problématique : « Dans quelle mesure les danses du passé peuvent-elles être retrouvées, et comment peut-on empêcher celles du présent de disparaître ? » Sur les neuf « sections » prévues, une seule, la no 3, devait concerner « les danses du xve au xviiie siècle ».
43Joanne Clavel, Sophie Jacotot, Isabelle Launay, Ninon Prouteau-Steinhausser et Violeta Salvatierra, « Devenir chercheuses en danse », Recherches en danse, 1 | 2014, mis en ligne le 1er mars 2014, consulté le 7 février 2017 [http://danse.revues.org/516] ; DOI : [10.4000/danse. 516/].
44Roxane Martin et Marina Nordera (dir.), Les Arts de la scène à l’épreuve de l’histoire : les objets et les méthodes de l’historiographie (1635-1906), Paris, Champion, 2011, 400 p.
45Il convient de saluer comme une exception le programme proposé aux agrégatifs en musique pour les sessions 2013-2014, qui entendait « interroger les liens entre musique et danse au fil des renouvellements de celle-ci en France, de la fin du xviie siècle à la veille de la Révolution » et précisait : « L’étude concernera tant la Cour que les villes et le monde rural, et abordera aussi bien les danses récréatives que la danse de scène, le bal que le ballet, et leurs interactions. » Cette dernière phrase témoigne d’une salutaire volonté d’élargissement du regard. On peut l’espérer stimulante à long terme.
46Stéphane Legrand, « Pouillaude : irréductibles danseurs », Le Monde des Livres, 2 juillet 2009 (au sujet du « livre indispensable » de Frédéric Pouillaude, Le Désœuvrement chorégraphique, Étude sur la notion d’œuvre en danse, Paris, Vrin, 2009, 430 p.).
47Le cas le plus abouti étant en la matière la cour du Roi-Soleil. Voir Naïk Raviart, « Le Bal de la première moitié du règne de Louis XIV, Une organisation de l’espace, du temps, du groupe humain », A.-M. Gresser, F. Lucbert et A. Tourraix (dir.), L’Ordonnateur du monde, Le Mans, université du Maine, 2004, p. 59-69.
48Y. Guilcher, « Préface à la nouvelle édition », La Contredanse…, op. cit., p. 14.
49Ce point sera développé dans le chapitre i.
50Juan Ignacio Vallejos, Les Philosophes de la danse. Le projet du ballet pantomime dans l’Europe des Lumières (1760-1776), thèse d’histoire, dir. R. Chartier, EHESS, 2012. Dóra Kiss Muetzenbeg, La Saisie du mouvement : de l’écriture et de la lecture des sources de la belle danse, thèse de lettres, dir. É. Darbellay, G. Bolens et M. Nordera, universités de Genève et de Nice Sophia-Antipolis, 2013. Marie Glon, Les Lumières chorégraphiques. Les maîtres de danse européens au cœur d’un phénomène éditorial (1700-1760), thèse d’histoire, dir. G. Vigarello, EHESS, 2014.
51J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 86 et 91.
52Ibidem, p. 92.
53Ibid.
54Un exemple, constitué presque à mi-chemin du Mans et d’Orléans : le livre de vielle de la Marquise de Vibraye, antérieur d’une vingtaine d’années au livret d’Orléans, comporte près de 300 airs notés, plus de la moitié étant des contredanses ou des menuets (Bm Le Mans : Fonds Maine, ms. 413).
55Accessible à tous grâce à sa mise en ligne, un cahier de violon du début du xixe siècle – provenant selon son vendeur d’une ancienne bibliothèque nancéenne – comporte le résumé des figures. L’analyse détaillée qu’en a fait Naïk Raviart, montre que la plupart des contredanses des deux premiers tiers de ce recueil sont antérieures à la Révolution [http://jeanluc.matte.free.fr/contred/contredanse.htm/].
56Élisabeth Gallat-Morin et Jean-Pierre Pinson, La Vie musicale en Nouvelle-France, Québec, Septentrion, 2003, 570 p., p. 344-347. Pierre Chartrand et Anne-Marie Gardette, « Le Livre de contredanses… (manuscrit de Trois-Rivières) », Bulletin Mnémo, vol. 12, no 2, automne 2009 [http://mnemo.qc.ca/bulletin-mnemo/article/le-livre-de-contredanses-manuscrit/] (consulté le 23 décembre 2017).
57P. Chartrand et A.-M. Gardette, « Le Livre de contredanses… », art. cité.
58J.-M. Guilcher, La Contredanse…, op. cit., p. 225.
59Bib. Opéra : C 6282.
60Bm Orléans, fonds ancien : Collection Jarry, Mn 1954. Ce recueil a été classé dans les manuscrits, quoiqu’il comporte plusieurs pièces imprimées.
61« Nous n’avons trouvé que le nom d’un maître de danse : Isaac d’Orléans, cité dans un ouvrage de Jules Écorcheville » écrivait René Berthelot, Rapport sur la musique dans la région orléanaise (Loiret, Cher, Loir-et-Cher, Eure-et-Loir), 1944, 119 p., p. 26, note 2 (Bm Orléans : HLM 2065). Sur Isaac dit d’Orléans, voir au tout début de la présente Introduction générale.
62En juin 1940, un incendie consécutif à un bombardement a dévasté le dépôt des archives départementales.
63Sur 3 415 articles antérieurement inventoriés dans la série B, un seul a subsisté et sur les 161 articles de B supplément il n’en est resté que 12, indique le Guide des archives du Loiret (1982).
64Ad Indre-et-Loire : 2B 425 à 482, minutes des audiences du lieutenant de police, 1698 à 1789.
65Gaël Rideau, De la religion de tous à la religion de chacun, Croire et pratiquer à Orléans au xviiie siècle, Rennes, PUR, 2009, 392 p., p. 22.
66Ad Loiret : 3 E 4138, mn. Jean-Gaspard Peigné, Orléans, 28 mars 1771. On en trouvera la transcription intégrale en fin d’ouvrage (document no 7).
67Marie-Christine et Patrick Bollier, « Un bal avec D’Aubat St Flour », Annales du Comité Flamand de France, t. 69, 2016, p. 281-302.

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