Le « silence de Pie XII »
Un demi-siècle de débats historiographiques
p. 137-157
Texte intégral
1Pie XII demeure le pape le plus controversé du xxe siècle. Au cœur du débat, revient une question lancinante sur l’attitude du Vatican durant la Seconde Guerre mondiale : par son silence, Pie XII est-il pour partie responsable du génocide ? S’il avait dénoncé haut et fort l’extermination des Juifs européens, des vies auraient-elles été sauvées ? Il est généralement admis aujourd’hui qu’Eugenio Pacelli a assisté sans rien dire et sans rien faire au massacre des juifs européens, ce qui lui vaut une condamnation au tribunal de l’histoire, le plus souvent sans circonstances atténuantes. Dans le contexte actuel « d’hypermnésie » de l’extermination des juifs, il est en effet devenu impossible de comprendre et encore moins d’admettre l’impartialité du Vatican pendant la Seconde Guerre mondiale.
2Serait-ce que, dans cette question comme dans d’autres touchant à l’histoire de la seconde guerre mondiale, la mémoire aurait pris le pas sur l’histoire en légitimant et en consacrant une mise en perspective particulière du passé – le silence coupable du pape Pie XII – qui écarterait tout élément susceptible de contredire l’ordonnancement des événements proposés ? Serait-ce là un de ces « abus de la mémoire » dénoncés par Tzvetan Todorov1 ? Si l’histoire de la mémoire du génocide explique pour partie le caractère récurrent des controverses soulevées par l’attitude du Vatican pendant la guerre – les phases d’oubli et de résurgence de la question du silence de Pie XII vont en effet de pair avec les périodes d’occultation, d’anamnèse et d’hypermnésie de la question de la destruction des juifs d’Europe2 –, elle est loin d’en être le seul ressort. Sollicités en leur qualité d’expert, les historiens se sont retrouvés au cœur des débats car leurs conclusions, loin d’être univoques, ont nourri d’âpres discussions qui ont souvent très largement débordé le champ académique en donnant notamment des arguments à ceux qui souhaitaient condamner ou disculper le souverain pontife.
3Très présente dans l’historiographie contemporaine, cette tendance moralisatrice apparaît dès les années soixante : d’emblée, en effet, les historiens ont été convoqués dans le prétoire pour valider les accusations d’un dramaturge allemand, Rolf Hochhuth3, qui le premier a fait entrer dans l’espace public et dans le champ historiographique la question des non-dits du souverain pontife avec une pièce intitulée Der Stellvertreter jouée à Berlin en 19634. D’emblée aussi, les arrière-pensées religieuses ou politiques plus ou moins assumées d’un certain nombre de spécialistes ou d’historiens amateurs ont contribué à figer partisans et détracteurs de Pie XII dans un face-à-face dont on peine encore à sortir aujourd’hui.
4C’est précisément à l’apport des historiens dans cette controverse soulevée par l’attitude de Pie XII face au génocide que ces pages sont consacrées5.
Une première mise en histoire du silence de Pie XII (1963-1968)
« Le choc du Vicaire »
5En 1963, la pièce de Hochhuth déclenche un scandale mondial en accusant Pie XII d’avoir gardé le silence sur l’extermination des juifs pour ne pas affaiblir l’Allemagne nazie, dernier rempart contre le communisme, alors qu’il savait pertinemment ce qui se passait en Europe de l’Est. Fait assez inhabituel pour être signalé, l’auteur a joint à son œuvre un dossier historique d’une soixantaine de pages visant à étayer ses accusations :
« les explications qui suivent, et qui portent uniquement sur des faits ou des déclarations contestées ou discutables, tendent seulement à prouver que l’auteur de cette pièce ne s’est permis de donner libre cours à son imagination que dans la stricte mesure où c’était nécessaire […] La réalité a toujours été respectée. Elle a seulement été extraite de sa gangue6 ».
6Que ces « Éclaircissements historiques » soient entachés d’erreurs et qu’ils ne respectent nullement les règles élémentaires de la discipline ne comptent guère : Le Vicaire est d’emblée perçue par l’opinion publique comme une œuvre salutaire car elle permet, d’une part, de faire surgir dans l’espace public la question de l’extermination des juifs européens – à cet égard, cette pièce de théâtre constitue avec le procès Eichmann deux ans plus tôt, et la guerre des Six Jours, un moment cristallisateur de la mémoire du génocide7 –, et, d’autre part, de faire voler en éclat la légende dorée du souverain pontife, légende patiemment construite à la Libération par l’institution ecclésiale et diffusée bien au-delà du monde catholique.
7Avant Le Vicaire, il était en effet généralement admis que le Saint-Siège avait respecté les missions traditionnelles de l’Église en temps de guerre – en particulier favoriser la paix et soulager les souffrances des victimes innocentes, qu’elles soient juives ou non. La version répandue insistait aussi sur l’impartialité du Vatican pendant la guerre, impartialité qui contrastait avec les initiatives jugées intempestives de Benoît XV pendant la Première Guerre mondiale. L’entrée dans la guerre froide avait contribué à occulter définitivement le sujet : les attaques formulées par Moscou ou par les différents partis communistes européens sur les compromissions de l’Église avec les régimes fascistes avaient peu de portée car elles étaient perçues comme de la propagande8.
« La réalité confirme la fiction9 »
8En proposant une reconstruction de l’histoire de la papauté durant la Seconde Guerre mondiale radicalement différente de la mémoire dominante, Rolf Hochhuth invite les historiens à se prononcer dans le procès qu’il a ouvert contre Pie XII. Ce n’est pas moins de six ouvrages « historiques » qui sont publiés entre juin 1964 et 1968, la plupart signés par des historiens amateurs10, auxquels il faut ajouter des articles savants et de nombreuses contributions plus ou moins fouillées de journalistes dont certains ont d’ailleurs consulté de manière parfois approfondie les archives11. L’ouvrage le plus marquant est sans conteste Pie XII et le IIIe Reich. Documents du jeune chercheur israélien Saul Friedländer. Caché pendant la guerre dans une institution religieuse par ses parents, des juifs praguois réfugiés en France à la fin des années trente, il avoue avoir longuement hésité avant de dévoiler les documents découverts sur Pie XII en raison de la dette contractée envers les catholiques français qui lui ont sauvé la vie pendant la guerre12. Les remous suscités par Le Vicaire finissent par le convaincre de l’intérêt de publier ces extraits d’archives du ministère des Affaires étrangères du IIIe Reich qu’il a découverts au cours de recherches sur les relations diplomatiques entre l’Allemagne et les États-Unis effectuées pour l’obtention de son doctorat d’histoire à l’université de Genève en 196313. Ces documents, qu’il assortit de courtes introductions, confirment certaines accusations de Hochhuth ; d’une part, le pape était au courant des déportations et de l’extermination des juifs, et, d’autre part, la conduite de Pie XII pendant la guerre a été guidée par des préoccupations politiques :
« Sur deux points importants, les textes allemands concordent de manière impressionnante : d’une part, le souverain pontife semble avoir eu pour l’Allemagne une prédilection que ne paraît pas avoir atténuée la nature du régime nazi qui ne s’est pas démentie jusqu’en 1944 ; d’autre part, Pie xii craignait une bolchevisation de l’Europe plus que tout autre chose et espérait, semble-t-il, que l’Allemagne hitlérienne, éventuellement réconciliée avec les Anglo-Saxons, serait le rempart fondamental contre toute avance de l’Union soviétique vers l’Ouest14. »
9Si en l’absence des archives vaticanes, Saul Friedländer prend garde de ne pas « établir un lien, qu’aucun document irréfutable n’atteste, entre les deux constatations qui précèdent [germanophilie et anticommunisme] et le silence du Saint-Siège15 », il n’en reste pas moins que son ouvrage est largement perçu comme la confirmation des accusations portées par Hochhuth dans Le Vicaire et qu’il contribue au retournement de l’opinion publique envers Pacelli. Il est désormais entendu que Pie XII, alors qu’il était au courant du génocide, a choisi le silence pour des raisons politiques16.
10S’inscrivant dans ce courant critique qui devient rapidement dominant, le journaliste catholique contestataire italien Carlo Falconi fonde son réquisitoire impitoyable à l’encontre d’Eugenio Pacelli sur une analyse souvent superficielle de documents polonais et yougoslaves inédits. Dans son ouvrage Le silence de Pie XII17, le vaticaniste accuse en effet le souverain pontife de s’être tu pour ne pas mettre en péril les intérêts matériels et spirituels des catholiques et de l’Église alors que « la diffusion de graves erreurs dogmatiques ou morales » aurait dû le conduire à lancer des anathèmes fulgurants contre les régimes totalitaires18. Autrement dit, la Raison d’Église l’a emporté sur la sainte folie de l’Évangile, le temporel a primé sur le spirituel. Ce silence est d’autant plus regrettable, ajoute-t-il, qu’une prise de position ferme du souverain pontife aurait assurément semé « la panique dans les rangs mêmes des SS19 », permettant ainsi à de nombreux juifs d’avoir la vie sauve. La parole du pape aurait également comblé la forte attente « de toutes les consciences honnêtes désireuses d’être confirmées dans ce qu’elles croyaient leur devoir et angoissées de ne pas trouver de réponse autorisée à leurs attentes, d’en haut. Et autant on attendait cette parole, autant on regrettait son absence et on ne l’acceptait qu’avec une amère résignation20 ».
11Si ces deux allégations relèvent davantage de l’uchronie et de l’anachronisme que d’une analyse distanciée des faits, elles révèlent néanmoins que c’est avant tout en termes ecclésiologiques et éthiques que Falconi pose la question de l’attitude de Pie XII pendant la guerre, et au-delà, celle de l’insertion de l’Église dans le monde. Depuis la perte des États pontificaux, le Saint-Siège n’intervient pas dans les affaires du monde tant que les États respectent les droits des catholiques. En temps de guerre, l’impartialité devient une règle quasi absolue : le souverain pontife, gardien du troupeau catholique, ne doit pas mettre en péril les fidèles par des actes ou des déclarations intempestives et il doit éviter de dresser une nation contre une autre afin de ne pas attiser les violences et l’animosité des belligérants.
12Dès les crises des années trente, certains intellectuels catholiques avaient émis le souhait que l’Église se montre intraitable sur la défense des principes intangibles et absolus du droit naturel et de la loi divine, au risque de voir les droits des catholiques bafoués, mais ils n’avaient guère été entendus. En 1965, les propos de Falconi portent davantage. La théologie politique en vigueur dans l’Église de Pie XII est alors profondément remise en cause par le concile Vatican II (1962-1965). Dès 1963, le successeur de Pacelli, Jean XXIII, s’adresse pour la première fois dans l’histoire de l’Église aux « hommes de bonne volonté » dans l’encyclique Pacem in terris. L’affirmation de l’universalité de l’Église et de son message est entérinée deux ans plus tard dans la constitution Gaudium et spes (1965) : « experte en humanité » selon l’expression du pape Paul VI lors du discours qu’il prononce à l’ONU le 4 octobre 1965, l’Église considère désormais qu’aucun homme ne lui est étranger. Le pape, perçu comme un chef spirituel universel, doit puiser dans les seuls Évangiles les raisons de sa conduite et de ses choix.
13Contemporaines des débats conciliaires, les polémiques suscitées par le silence de Pie XII fonctionnent donc comme une caisse de résonance des discussions qui agitent catholiques et non-catholiques sur le rôle du magistère, la mission du pape ou bien encore l’insertion de l’Église au monde. Pour les tenants de l’aggiornamento en cours, critiquer les non-dits de Pacelli permet de se démarquer du « catholicisme politique » qui a largement dicté les choix du pape pendant la guerre. À l’inverse, le défendre, c’est refuser toute évolution. L’histoire est alors convoquée pour condamner le souverain pontife – c’est le cas de Falconi – ou, au contraire, pour le disculper : Alexis Curvers, romancier belge et pilier de la mouvance traditionaliste en voie de structuration, se pose ainsi dans Pie XII, le pape outragé en ardent défenseur à la fois de la personnalité et de l’action du pape durant la guerre, mais aussi après21.
14C’est également au miroir du Concile que l’on peut sans doute analyser le plus vibrant des plaidoyers en faveur du pape publié durant cette période, Rome et les juifs de Pinchas Lapide. Ancien consul d’Israël à Milan durant les années cinquante, ce dernier est entré dans Rome avec la Brigade juive pendant la guerre, au moment où le prestige de Pie XII était sans doute au plus haut. Durant ce séjour italien, il a rencontré de nombreux juifs qui avaient bénéficié de l’aide matérielle du Vatican et, dès décembre 1963, il livre dans la presse une apologie de Pie XII qu’il précise en 1966 dans Three Popes and the Jews. Selon l’historien américain Kevin Madigan, Lapide aurait été mandaté par le gouvernement israélien pour défendre le bilan de Pie XII dans le but d’obtenir la reconnaissance de leur pays par le Saint-Siège22. Cette hypothèse est confortée par la franche opposition du gouvernement israélien à la représentation du Vicaire en Israël23 et par les réactions très mesurées à l’éloge sans fard de Pacelli que Paul VI prononce lors de son pèlerinage en Terre sainte en janvier 196424.
15À la différence de ses prédécesseurs, Lapide ne divulgue aucune archive inédite : il s’appuie sur les travaux et les témoignages déjà publiés pour établir la liste exhaustive des secours et des interventions du pape en faveur des juifs dans tous les pays européens en omettant ce qui pourrait ternir l’image du souverain pontife. Dans le cas de la Slovaquie et de la Roumanie étudiées par les historiens de Yad Vashem, Livia Rothkirchen et Theodore Lavi25, Lapide néglige par exemple de préciser que l’aide du Saint-Siège s’adressa, dans un premier temps, aux seuls juifs baptisés avant de s’étendre à tous. De manière plus discutable, il soutient également que le souverain pontife a sauvé près de 800 000 juifs d’une mort certaine, créditant ainsi Pie XII de tous les sauvetages effectués par l’Église catholique. Si le pape n’a rien dit, du moins a-t-il agi. C’est d’ailleurs pour préserver cette action charitable que le pape a décidé de ne pas s’en prendre publiquement à Hitler. Les nombreux témoignages de reconnaissance juifs dans l’immédiat après-guerre que citent abondamment Lapide attestent, selon lui, la réalité des interventions pontificales et le bien-fondé de sa politique26.
16Le journaliste hongrois Jeno Levai défend une position identique dans un ouvrage au titre révélateur, L’Église ne s’est pas tue. Le dossier hongrois. 1940-194527. Né en 1892, cet ingénieur passé au journalisme dans les années 1930 s’est vu confié par le nouveau gouvernement de la Hongrie en 1945 le soin de collecter matériaux et témoignages sur la persécution des juifs : en 1948, il fait paraître un livre noir sur le martyre du judaïsme hongrois et en 1961 un recueil de documents sur l’action d’Adolph Eichmann en Hongrie28. En s’appuyant sur les archives de l’épiscopat hongrois, de la nonciature et de documents allemands conservés en Hongrie récemment déclassifiés, il entend réfuter la thèse du silence du pape vulgarisée par Hochhuth29. Les principales pièces du dossier consistent en un télégramme que Pie XII adressa au régent Horthy le 25 avril 1944 pour demander l’arrêt des déportations30 et une lettre de protestation que Mgr Rotta envoya au gouvernement hongrois le 15 mai 194431 dans laquelle il menaçait le régent Horthy d’une condamnation de sa politique antisémite par le Saint-Siège :
« Poussée non par une fausse compassion, mais bien par un sentiment de justice et de charité chrétienne et pour la défense des intérêts sacrés de milliers et de milliers de catholiques, elle fait encore une fois appel au gouvernement royal hongrois afin qu’il n’en vienne pas à dépasser, dans la campagne contre les juifs, les limites imposées par le droit naturel et la loi divine positive et qu’il veuille cesser toute action contre laquelle le Saint-Siège se devrait de protester énergiquement, et, avec Lui, la conscience du monde vraiment chrétien32. »
17Comme Lapide, Levai écarte tout élément qui pourrait affaiblir sa démonstration. Cette défense sans nuance du pape et de l’épiscopat hongrois résulte-t-elle de l’amélioration des relations vaticano-hongroises dans un contexte de détente entre l’Église et les régimes communistes ? La question mérite en effet d’être posée, les auteurs issus de l’Europe de l’Est s’étant montrés jusque-là plutôt très sévères pour le Saint-Siège33.
18Au lieu d’apaiser les controverses, ces ouvrages les ravivent car ils ne présentent pas seulement les résultats partiels et provisoires d’une recherche scientifique, mais assènent souvent une vérité définitive au sujet de Pie XII afin de conforter des positions politiques ou religieuses. Certains faits sont mis en avant ou au contraire occultés pour prouver la culpabilité ou l’innocence du souverain pontife. Tel est le cas des interventions diplomatiques du Saint-Siège dont l’efficacité est majorée ou minorée. Dans ces conditions, les propos équilibrés d’un Jacques Nobécourt visant à restituer à la fois le contexte dans lequel Hochhuth a écrit sa pièce et le contexte dans lequel le souverain pontife a choisi la réserve, ne suscitent qu’un intérêt limité34.
Le temps d’un relatif consensus (1969-1994)
19Deux reconstructions clairement antagonistes du silence du pape émergent donc de cette production des années soixante. À charge, la première tendance devient rapidement dominante : Eugenio Pacelli est désormais perçu comme un pape silencieux devant le sort des juifs pour de mauvaises raisons. À décharge, le second courant s’emploie, d’une part, à réfuter l’accusation de silence de Pie XII et, d’autre part, à expliquer sa réserve par la nécessité de ne pas mettre en danger la vie des juifs déjà cachés par l’Église et de ne pas aggraver les souffrances des victimes.
Les acquis : un silence relatif
20Durant les années quatre-vingt, une seconde génération d’historiens, principalement des historiens du fait religieux, corrige en partie ces deux reconstructions du passé nées dans le sillage du Vicaire35. Il est vrai qu’ils disposent de ce qui avait cruellement manqué à leurs prédécesseurs, les archives du Vatican. En 1965, Paul VI a en effet autorisé la publication de milliers de documents diplomatiques de la Secrétairerie d’État durant la guerre permettant aux historiens de procéder au croisement des sources, préalable indispensable à l’élaboration d’un tableau cohérent de l’attitude de Pie XII pendant la guerre36.
21Il est d’abord clairement établi qu’Eugenio Pacelli a été informé très tôt des déportations et de leur signification. À l’occasion du colloque organisé sur la France et la question juive en 1981, François Delpech affirme par exemple que « Pie XII en savait assez pour se rendre compte que les nazis étaient en train de massacrer les Juifs par millions, et cela, dès la fin de 1942, au plus tard au printemps 1943. Les églises locales étaient naturellement bien moins renseignées. Le pape, lui, savait37 ». Or, ajoute-t-il, il fut bien loin de prononcer les paroles de feu que certains attendaient de lui : « il est clair désormais que Pie XII a parlé le moins possible et que cette attitude ne résulte pas de l’ignorance ni d’une quelconque faiblesse pour le nazisme, mais d’une politique délibérée, d’un parti pris de discrétion qui lui ont été dictés par son expérience et par sa formation de diplomate38 ».
22Pour autant, il ne resta pas totalement silencieux. Jean-Marie Mayeur souligne en effet que le pape a parlé à demi-mot trois fois : dans son message radiophonique de Noël 1940, dans son message de Noël 1942 et dans l’allocution au Sacré-Collège du 2 juin 194339. Si le souverain pontife s’abstint de dénoncer haut et fort l’extermination des juifs, il s’est également tu devant les exactions commises par les nazis sur les Polonais et les massacres de Serbes orthodoxes assassinés par les Oustachis croates. C’est donc un « triple silence » que les historiens doivent analyser, note François Delpech, et non la seule réserve du Saint-Père devant l’extermination des juifs40.
23La clé du comportement du Saint-Siège serait donc la prudence, et non l’antisémitisme. L’examen des archives vaticanes confirme en effet que si le souverain s’est tu, il a néanmoins conduit une action charitable et diplomatique en faveur des juifs. Dans les pays satellites de l’Allemagne, le Saint-Siège intervint avec plus ou moins de bonheur et d’efficacité en fonction de la personnalité du nonce en place, de la combativité de l’épiscopat et de l’attitude des fidèles : en Slovaquie, par exemple, Jean-Marie Mayeur note que Mgr Tiso ne tint nullement compte des recommandations et exhortations du Vatican41. À l’inverse, Léon Papeleux montre que lors de la rafle de Rome le 16 octobre 1943, les autorités allemandes reculèrent devant la menace d’une condamnation publique brandie par le pape. Les déportations cessèrent, momentanément42.
… et le maintien de divergences
24Si le « demi-silence » du pape fait l’objet d’un consensus, les raisons qui conduisirent Pie XII à adopter cette politique sont plus discutées. Certains historiens mettent en avant la crainte des représailles qui imposa au pape la voie diplomatique pour dénoncer les crimes nazis et ainsi ne pas mettre en péril l’œuvre humanitaire de l’Église43 ; d’autres insistent sur sa volonté de maintenir la stricte impartialité du Saint-Siège afin de pouvoir jouer un rôle dans un éventuel règlement du conflit. D’autres encore, préfèrent mettre en avant des arguments de nature ecclésiologique : formé à l’époque où l’Église avait fait de la défense des droits des catholiques sa priorité absolue, il ne sut pas briser avec cette tradition ecclésiologique fondée sur un juridisme strict44. À l’image de Jean-Marie Mayeur, beaucoup récusent néanmoins la thèse selon laquelle Pie XII se serait « tu face à la persécution des juifs pour ne pas heurter l’Allemagne, rempart du bolchevisme ». Cette thèse est fausse, ajoute-t-il, car bâtie « sur des documents sortis de leur contexte ou mal interprétés45 ». C’est le cas notamment des rapports d’Ernst von Weizsäcker, l’ambassadeur allemand auprès du Saint-Siège, rédigés pendant la rafle de Rome en octobre 194346. Or, d’après Mayeur, l’image nettement germanophile du pape que l’ambassadeur donnait à Hitler avait pour unique but « de sauvegarder la souveraineté du Vatican47… » En dépit de son admiration pour le peuple allemand, précise-t-il encore, le pape n’éprouvait aucune sympathie pour le nazisme. Enfin, s’il abhorrait par ailleurs le communisme, cela ne l’a nullement empêché, en septembre 1941, de faire savoir aux catholiques américains que l’aide apportée par les États-Unis à l’URSS était légitime.
25À l’inverse des années soixante, ces débats se déroulent essentiellement entre spécialistes dans le cadre feutré de colloques ou de publications académiques. Il est vrai que le contexte mémoriel et religieux ne favorise guère la diffusion de cette littérature équilibrée. Durant les années soixante-dix et quatre-vingt, c’est en effet davantage la question de l’implication du régime de Vichy dans le génocide que la responsabilité du Vatican qui retient l’attention de l’opinion publique française48. Quant à l’Église, en pleine crise, elle gère tant bien que mal les retombées du Concile : les catholiques se déchirent alors sur la contraception chimique condamnée par Paul VI en 1968, la condition des prêtres, le tiers-monde, l’engagement politique, la place des femmes dans l’Église ou bien encore la réforme de la liturgie49. En 1978, l’élection de Jean-Paul II ravive l’opposition entre l’Église et les régimes communistes : l’heure est à nouveau au combat politique.
Des historiographies à front renversé (1990-2010)
26À l’orée des années 1990, de nombreux historiens jugeaient que des recherches complémentaires, puisant à de nouveaux fonds, apporteraient certes des nuances bienvenues, mais qu’elles ne modifieraient pas fondamentalement ce tableau d’ensemble50. Or, en 1995, le procès du silence de Pie XII s’ouvre à nouveau avec une vigueur étonnante et en des termes étonnamment proches de ceux mobilisés durant les années soixante. Si le révisionnisme est souvent profitable, force est de constater que l’abondante production historiographique anglo-saxonne et européenne actuelle, à quelques exceptions près, ne se démarque nullement du moralisme historiographique qui encombre la question des silences de Pacelli depuis les années 1960.
27Ce second pic historiographique s’explique par la place centrale que le génocide occupe dans l’espace public : la Shoah est en effet devenue « le socle de la mémoire occidentale » et s’est progressivement transformée en injonction éthique, le devoir de mémoire. Né à la Libération dans les milieux de déportés et d’anciens combattants pour préserver la flamme du souvenir de la guerre, notamment auprès de la jeunesse, le « devoir de mémoire » conduit les institutions et l’État à reconnaître les fautes du passé51. Le 16 mars 1998, sous l’impulsion de Jean-Paul II, l’Église s’engage également dans cette voie en publiant Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah, non sans susciter de profonds débats. Considérant que l’Église, et a fortiori le pape, dans la situation qui était la sienne, a agi au mieux, en silence, ce qui a permis le sauvetage de nombreux juifs, les détracteurs du devoir de mémoire dénoncent en effet le mea culpisme malsain à l’œuvre dans l’Église. À l’inverse, les partisans d’un retour critique de l’Église sur son passé, au regard des défaillances de la papauté et de l’institution, estiment que Rome n’est pas allée assez loin dans la reconnaissance de ses torts passés.
Hitler’s Pope ?
28Très présent dans l’espace public, le courant critique est marqué par un fort éclectisme : aux côtés d’universitaires, on trouve des journalistes et des intellectuels européens et anglo-saxons de confessions et traditions politiques très différentes. En France, l’ouvrage de l’historienne marxiste Annie Lacroix-Riz, Le Vatican, l’Europe, le Reich, publié en 1996, se démarque nettement de la littérature anti-Pie XII par les propos tenus et par son positionnement dans le champ intellectuel52. Professeur d’histoire contemporaine à Paris VII, spécialiste du mouvement ouvrier, Annie Lacroix-Riz explique les silences de Pie XII par trois constantes de la politique vaticane tout au long du xxe siècle, la germanophilie, une aversion profonde pour la Russie tsariste qui se mue en haine lorsque le pays bascule dans le communisme, et l’antisémitisme :
« Nous doutons que Pacelli ait éprouvé de la compassion pour les juifs. Trop de preuves d’antisémitisme jalonnent sa carrière pour qu’on lui prête sur les victimes des sentiments qui n’auraient été bridés que par le souci de ne pas nuire à sa “chère Allemagne” : il partageait avec ses intimes allemands une haine viscérale contre les juifs toujours assimilés au judéo-bolchevisme. On recueille aussi trop de signes que le massacre éliminant des peuples ou des fractions de peuples honnis servait la stratégie allemande du Vatican53. »
29Bien qu’émaillé de copieuses références à des fonds diplomatiques, français essentiellement, et assorti d’une bibliographie fournie mais éclectique, – les ouvrages d’historiens ayant pignon sur rue voisinent en effet avec des références plus surprenantes, telles un article de Christian Terras, directeur du magazine catholique contestataire Golias, sur le clergé français pendant l’Occupation – ce livre écrit dans une prose dense s’apparente davantage à un réquisitoire qu’à un ouvrage scientifique. L’historienne assume d’ailleurs ouvertement ses partis pris méthodologiques et heuristiques : dans l’introduction, elle explique d’abord avoir volontairement écarté les ADSS au motif qu’ils seraient « insuffisamment fiables54 ». Ils comporteraient en effet « mainte pièce rédigée d’emblée à titre de justificatif (comme l’atteste notre étude des relations épistolaires germano-vaticanes), destinée à légitimer le comportement du pape ». À titre d’objection, on ne saurait donc opposer les documents des ADSS, source essentielle de la plupart des historiens du silence de Pie XII, à « la correspondance diplomatique non destinée à la publication, source essentielle de cet ouvrage55 ». Cette analyse la conduit à s’appuyer presque exclusivement sur les archives du Quai d’Orsay dont on sait qu’elles exprimaient de 1914 à 1940 la conviction selon laquelle le Vatican était pro-allemand et anti-français. Ce faisant, l’auteur se prive d’un des fondements essentiels de la discipline historique, le croisement des sources. Annie Lacroix-Riz explique également avoir considéré le Vatican uniquement comme « une institution politique italienne, liée ou opposée à des États, entretenant avec eux des relations séculières au sens plein du terme, jusque dans leur dimension financière : c’est dire qu’on renouera ici davantage avec les traits distinctifs de la papauté médiévale et moderne qu’avec le portrait d’une puissance spirituelle56 ». Dans une lettre ouverte publiée dans Historiens et géographes, elle reconnait enfin avoir écarté les travaux des spécialistes français d’histoire religieuse qu’elle accuse de verser systématiquement dans le cléricalisme et l’hagiographie57. Dans la question du silence de Pie XII, elle s’est donc appuyée exclusivement sur l’ouvrage de Saul Friedländer, Pie XII et le IIIe Reich.
30La thèse à charge du Vatican, le Reich, l’Europe repose donc avant tout sur une grille d’analyse marxiste et anticléricale dont l’auteur ne fait nullement mystère. Annie Lacroix-Riz a en effet été pendant de nombreuses années membre du Parti communiste français, avant de rejoindre en 2004 le Pôle de renaissance communiste en France (PRCF). Elle professe également publiquement un anticléricalisme et un antipapisme en particulier sur le site du réseau Voltaire et surtout dans les colonnes de Golias, l’hebdomadaire catholique contestataire fondée par Christian Terras, dont elle devient d’ailleurs le garant scientifique : ses articles s’emploient notamment à démonter le mythe selon lequel l’Église et les catholiques se seraient opposés à l’antisémitisme racial pendant la Seconde Guerre mondiale58. Cette thèse, dans la mesure où elle se démarque de l’histoire officielle de l’Église confisquée, selon elle, par des historiens catholiques qui défendent avant tout, non pas la vérité historique, mais les intérêts supérieurs de l’Institution, aurait été censurée : alors qu’elle possède autant de titres académiques que ses « inquisiteurs anonymes », ceux-ci auraient en effet intrigué pour étouffer ses propos critiques sur le Saint-Siège, n’hésitant pas à exercer des pressions sur leurs « dépendants » pour empêcher la publication de son livre59. Annie Lacroix-Riz avait déjà expérimenté cette stratégie du scandale quelques mois auparavant en expliquant par voie de presse qu’une revue placée sous l’égide du ministère de l’économie et des finances avait censuré un article dans lequel elle révélait que le groupe Ugine avait fabriqué du Zyklon B pendant la guerre60. Alors que l’idéologie marxiste subit une érosion lente mais continue de son influence dans le monde intellectuel depuis la fin des années soixante-dix, cette stratégie de scandale et de victimisation assure un certain écho à son propos et conforte sa position dans le champ universitaire et médiatique. Ses travaux ultérieurs sur la collaboration économique des industriels français sous Vichy ou sur la famine en Ukraine s’inscrivent dans une perspective identique61.
31Mais c’est sans conteste Hitler’s Pope qui est l’ouvrage critique le plus médiatisé de la période. Son auteur, John Cornwell, devenu journaliste après avoir un temps envisagé une carrière sacerdotale, appartient à cette génération de catholiques « de gauche » qui a fondé de grands espoirs dans le concile Vatican II. Publié simultanément dans plusieurs pays d’Europe en septembre 1999, Hitler’s Pope dont le titre en français a été adouci en Le Pape et Hitler, conclut à la culpabilité sans circonstances atténuantes d’Eugenio Pacelli : « ce silence autour de la Solution finale apporta au monde la preuve que le Vicaire du Christ n’était homme de piété ni de colère. De ce point de vue, il était le pape idéal pour les desseins indicibles de Hitler. Il était un pion dans le jeu de Hitler. Il fut le pape de Hitler62 ». En se fondant sur une documentation qu’il présente comme inédite, Cornwell explique l’attitude du pape par des motifs battus et rebattus : son anticommunisme primaire dont il fait remonter l’origine à l’irruption musclée de communistes allemands à la nonciature de Munich en 1918, sa germanophilie et son antisémitisme viscéral.
32Mais s’agit-il vraiment d’histoire ? Alors que les rumeurs sur la béatification d’Eugenio Pacelli vont bon train à l’approche du Jubilé, Cornwell entend s’opposer à ce projet au motif qu’il conforterait le courant réactionnaire de l’Église. Comme le montre le dernier chapitre du livre, ce n’est donc pas tant Pie XII qui est visé que Jean-Paul II à qui le journaliste reproche son rigorisme en matière de morale sexuelle, son refus d’ordonner les femmes, sa condamnation de l’homosexualité ou de l’avortement et surtout son autoritarisme : il accuse notamment Karol Wojtyla d’être un « autocrate traditionaliste plus despotique encore que Pacelli dans sa manière de gérer l’Église63 ». La mise en cause d’un pape unanimement condamné pour son silence pendant la guerre sert donc à faire entendre des critiques qui, en raison de l’image positive dont jouit Jean-Paul II dans l’opinion publique, sont souvent peu audibles. Dans un contexte de « restauration des certitudes » où les « catholiques de gauche » voient leur influence s’éroder et leur nombre s’amenuiser64, la critique du silence d’Eugenio Pacelli permet donc de défendre des conceptions éthiques, religieuses et ecclésiologiques qui semblent en perte de vitesse dans l’Église du pape Wojtyla65.
Juste des Nations ?
33Les nombreux signes venus de Rome confirmant l’avancée de la cause de la béatification de Pie XII sous les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI sont d’ailleurs interprétés comme autant de gages donnés aux catholiques intransigeants. À cet égard, l’apologie d’Eugenio Pacelli dans la déclaration de repentance de l’Église sur la Shoah le 16 mars 1998 constitue un premier motif d’inquiétude pour les catholiques de gauche. Elle puise en effet exclusivement dans une historiographie très favorable à Pacelli dont le père Blet, dernier éditeur en vie des Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale, est la principale figure à la fin des années quatre-vingt-dix. L’année précédente, l’historien jésuite a publié une synthèse des onze volumes des Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde guerre mondiale dont « l’essentiel et les conclusions », estime-il, sont ignorés de nombreux chercheurs66. En se fondant sur les seules archives vaticanes, il affirme que Pie XII n’a rien d’un antisémite et qu’il ne s’est pas tu pendant la guerre par pusillanimité, par anticommunisme ou par sympathie pour le régime nazi, mais parce que les déclarations risquaient d’aggraver le sort des victimes et d’accroître les persécutions. Point n’est besoin d’explorer de fonds nouveaux ou de relire des archives déjà connues dans une perspective nouvelle, ajoute encore le père Blet, il suffit à celui qui veut connaître la vérité sur Pie XII de se référer aux ADSS. Le jésuite omet cependant de préciser que ces milliers de documents diplomatiques, s’ils ont permis de faire avancer l’histoire, ont néanmoins été sélectionnés selon des critères non communiqués par les quatre historiens jésuites choisis par Rome et qu’aujourd’hui encore, ils ne sont pas accessibles aux chercheurs.
34De manière étonnante, les propos de l’historien jésuite se réclament de la même stratégie que celle de Lacroix-Riz : mise en avant de la rigueur de la méthode historique employée et stratégie de victimisation. En mars 1998, le père Blet affirme dans la presse que l’origine de la « légende noire » de Pacelli remonte au Vicaire dont l’auteur aurait été manipulé par les communistes : « Pie XII a tout tenté » pour sauver les juifs et il a été injustement accusé pour ses silences par « les communistes » qui n’ont jamais pardonné à Pie XII son action pour empêcher la propagation du communisme, en Italie et ailleurs. « Nous avons maintenant toute raison de croire que bien des mouvements de contestation étaient téléguidés de l’Est67. » Un an plus tard, le jésuite reconnaît cependant que, pour l’instant, il n’y a pas de documents prouvant l’implication des Soviétiques dans la cabale contre Pacelli68.
35Il n’empêche que l’idée selon laquelle la « légende noire de Pie XII » aurait été forgée par les communistes dans les années soixante permet d’écarter une éventuelle défaillance du souverain pontife, et donc d’ouvrir la voie à une béatification car les vertus personnelles de Pacelli ne pourraient plus alors être opposées à sa gestion de l’Église pendant la Seconde Guerre mondiale. La campagne médiatique orchestrée par des néoconservateurs américains visant à présenter le souverain pontife comme un Juste des Nations s’inscrit également dans cette stratégie de justification dont le rabbin David Dalin est, dès 2002, un des plus fervents promoteurs69. Appartenant au courant conservateur du judaïsme américain, Dalin enseigne les sciences politiques et l’histoire à l’université catholique traditionnaliste Ave Maria fondée en 2003 par un magnat américain dans le but de dispenser un enseignement conforme au magistère de l’Église70. Il collabore à de nombreux périodiques conservateurs où il côtoie des intellectuels catholiques et non catholiques très impliquées dans la défense du pape, notamment Joseph Bottum, directeur littérature du Weekly Standard, Richard Neuhaus (1909-2009), luthérien converti au catholicisme fondateur de l’hebdomadaire First Things, Ronald Rychlack, un juriste de l’université du Mississipi ou le philosophe Ralph McInerny de l’université de Notre-Dame. Tous se retrouvent dans la défense de valeurs politiques, éthiques et religieuses telles que le respect de l’autorité, le refus de la licence sexuelle, la lutte contre l’avortement, la critique de l’individualisme ou du relativisme71.
36La thèse de Dalin est d’une simplicité déconcertante : si le Saint-Père s’est tu, c’est pour sauver des juifs. Au lieu de le condamner pour son silence, on devrait l’en féliciter et lui remettre la médaille de Juste des Nations pour son œuvre de sauvetage :
« On peut lire dans le Talmud : “celui qui sauve une vie sauve l’humanité”. Pie XII, plus qu’aucun autre homme d’État du xxe siècle, a accompli cela à l’heure où le destin des juifs européens était menacé. Aucun autre Pape n’avait autant été loué par les juifs avant lui, et ils ne se sont pas trompés. Leur gratitude ainsi que celle de tous les survivants de l’Holocauste prouve que Pie XII fut véritablement et profondément un Juste parmi les Nations72. »
37Sur le plan historique, le rabbin américain n’apporte aucun élément nouveau : comme ses prédécesseurs, il écarte en effet tout matériau pouvant ternir la mémoire du pape et s’appuie sur les nombreux témoignages de reconnaissance des juifs, notamment des juifs italiens pour asseoir sa démonstration. Relayé par différentes organisations catholiques, ce plaidoyer d’un juif en faveur d’Eugenio Pacelli – la « judéité » de Dalin est un point sur lequel la presse catholique conservatrice insiste – semble avoir les faveurs de Rome. Le 8 mai 2007, la Congrégation des saints vote en effet à l’unanimité l’octroi de vertus héroïques à Pie XII en se fondant sur le dossier compilé par les jésuites Peter Gumpel et de Paul Molinari, entériné par une commission historique dont la composition n’est pas révélée. Deux ans plus tard, le 19 décembre 2009, Benoît XVI signe le décret proclamant l’héroïcité des vertus de Pacelli en même temps que celui de Karol Wojtyla. Il s’agit là de l’ultime étape avant la béatification73.
38Pourquoi vouloir béatifier un pape dont l’attitude pendant la guerre face au génocide suscite une désapprobation quasi générale ? Dans la mesure où Jean-Paul II et Benoît XVI ont clairement utilisé les canonisations et les béatifications comme des instruments de politique ecclésiastique, la béatification probable de Pacelli est interprétée comme le retour à une ligne intransigeante dans l’Église et comme la promotion d’un « ultrapapisme » dont les successeurs de Pie XII, Jean XXIII et Paul VI, semblaient s’être défaits. Dans la mesure où Pacelli est devenu le symbole de l’Église d’avant Vatican II, les passes d’armes historiographiques autour de son silence pendant la guerre traduisent aussi et surtout l’affrontement toujours vif entre « catholiques de gauche » et « catholiques de droite » toujours divisés sur la question de la conception du ministère pontifical, du gouvernement de l’Église et sur la manière dont le spirituel doit s’insérer dans le temporel.
39Moins médiatisé que les deux précédents, un troisième courant historiographique peine à se faire entendre car il n’entend pas disculper ou condamner Pie XII, mais expliquer ses choix. En Europe, deux études retiennent l’attention : la première biographie historique d’Eugenio Pacelli, Pie XII, diplomate et pasteur, publiée par Philippe Chenaux74, professeur à l’université du Latran, et de la somme de Giovanni Miccoli, Les silences et les dilemmes de Pie XII75. Le premier analyse avec profit la période de formation de Pacelli en montrant qu’il est un pur produit de la diplomatie vaticane. Le second, professeur à l’université de Trieste, en s’appuyant sur les nombreux fonds d’archives diplomatiques ouverts aux chercheurs, élabore une synthèse qui tord le cou aux lieux communs. Miccoli réexamine notamment la question de l’anticommunisme du Vatican : s’inscrivant en faux contre la thèse formulée par Saul Friedländer, il soutient que ce n’est pas tant la nécessité de « ne pas affaiblir l’Allemagne dans sa lutte contre le communisme » qui explique la réserve de Rome, mais la « volonté de maintenir des relations avec celle-ci, en vue de cette œuvre de médiation et de pacification que le Saint-Siège jugea pendant longtemps souhaitable, même si elle n’était pas encore possible76 ». Le chapitre sur la rafle de Rome montre que dans ce cas comme dans d’autres, le Saint-Siège avait une marge de manœuvre limitée et que le souci d’éviter des maux plus grands – pas seulement pour les juifs, mais aussi pour l’Église –, pesa effectivement en faveur de l’adoption d’une prudente réserve : « le Vatican finissait donc souvent par s’en remettre à la compréhension de ses interlocuteurs ou à leur opinion, quand ils la lui donnaient, et la courtoisie des échanges, héritage d’anciennes traditions, l’amenait bien souvent à se bercer d’illusions77 ». Cette incapacité à saisir l’essence du nazisme joua également à plein dans l’Église allemande dont le silence, tout au long de la guerre, lia les mains du pape. L’ouvrage s’achève par l’évocation de la culture catholique devant l’antisémitisme et pose la question de la porosité entre antisémitisme racial moderne et antijudaïsme séculaire.
40Cette complexité du réel que la mémoire savante oppose aux éloges sans nuances et aux réquisitoires sévères est loin d’être toujours comprise : alors qu’une littérature équilibrée est disponible depuis les années 1980, les clichés les plus tenaces continuent en effet d’encombrer le débat et brouillent la compréhension de l’attitude de la papauté durant la guerre. Il ne s’agit pas de comprendre les motivations de Pie XII, mais d’en faire soit un saint, soit le diable : les faits continuent donc à être ressassés, déformés, ignorés parfois, par des spécialistes ou des historiens amateurs dont le positionnement en tant qu’experts les conduit à s’ériger en juges de l’attitude du pape et à régler par voie de presse des différends que des articles de fonds et des ouvrages érudits n’ont pas réussi à aplanir.
41À bien des égards, Pie XII apparaît donc comme « un pape qui ne passe pas78 ». La question de ses silences est en effet devenu un des lieux de clivages politiques, religieux et mémoriels qui affectent aujourd’hui le catholicisme comme la société. S’interroger sur la réserve du pape pendant la guerre, c’est s’interroger d’abord sur l’insertion de l’Église dans le temporel et sur la place que les sociétés sont prêtes à lui accorder ; c’est aussi questionner la papauté comme figure se réclamant d’un magistère moral universel, ce qui est loin d’aller de soi dans les sociétés occidentales sécularisées ; c’est enfin s’interroger sur les différentes manières d’appréhender le passé et sur la surmémorisation de la Shoah qui, aujourd’hui, affecte la compréhension de l’impartialité du Saint-Siège pendant la guerre en la réduisant souvent au seul silence de Pie XII devant le génocide.
42Il est vrai que le contraste entre l’image positive de Pacelli, construite à la fin de la guerre par les autorités ecclésiales et jamais modifiée depuis, et la réalité autrement dérangeante a exacerbé les passions et préparé les abcès de fixation actuels. À l’image de l’affaire Touvier, seule l’ouverture totale des archives d’Eugenio Pacelli, promise par Jean-Paul II en 2002 et repoussée à maintes reprises par Rome depuis, pourra vider la querelle d’une partie de son contenu en permettant à l’Église « d’assumer son passé », sans quoi, comme l’écrivait déjà le cardinal Pacelli en 1936, « elle creusera sa tombe79 ».
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Notes de bas de page
1Todorov T., Les abus de la mémoire, Paris, Arléa, 2004.
2Les travaux des historiens de la mémoire de l’extermination des juifs ont en effet montré que le massacre des juifs européens a été dans un premier temps largement occulté, qu’il a ensuite connu, à partir des années soixante, une lente réminiscence et qu’il occupe aujourd’hui une place centrale dans le champ de l’historiographie et dans celui des représentations collectives. Cf. Novick P., L’Holocauste dans la vie américaine, Paris, Gallimard, 2001 ; Segev T., Le septième million. Les Israéliens et le Génocide, Paris, L. Levi, 1993 ; Zertal I., La nation et la mort : la Shoah dans le discours et la politique d’Israël, Paris, La Découverte, 2004 ; Wieviorka A., Déportation et génocide : entre la mémoire et l’oubli, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1992 ; Azouvi F., Le mythe du grand silence. Auschwitz, les Français, la mémoire, Paris, Fayard, 2012.
3Hochhuth R., Der Stellvertreter, Rowholt, 1963, trad. fr. en 1963 aux Éditions du Seuil avec le titre suivant : Le Vicaire.
4En 1951, Léon Poliakov publie dans une indifférence quasi-générale le premier ouvrage historique sur le génocide dans lequel il évoque l’attitude des Églises face à l’extermination des juifs. Cf. Poliakov L., Bréviaire de la haine, Paris, Calmann-Lévy, 1951.
5La bibliographie sur la question des silences de Pie XII étant pléthorique, j’ai choisi de centrer mon article sur la littérature francophone et sur la littérature étrangère traduite en français.
6Hochhuth R., op. cit., p. 217.
7Cf. Azouvi F., op. cit.
8Cf. Guittat-Naudin M., « “Les silences de Pie XII” entre mémoire et oubli. 1944-1958 », Revue d’histoire ecclésiastique, vol. 106,1, juillet-décembre 2011, p. 215-239.
9Titre à la une du mensuel du Fonds social juif unifié, L’Arche, en novembre 1964.
10Cf. Nobécourt J., Le Vicaire et l’histoire, Paris Seuil, 1964 ; Friedländer S., Pie XII et le IIIe Reich. Documents, Paris, Seuil, 1964 ; Jean-Nesmy C., 6 000 000 de morts, Paris, Desclée de Brouwer, 1964 ; Falconi C., Le silence de Pie XII, Monaco, Éditions du Rocher, 1965 ; Lewy G., L’Église catholique et l’Allemagne nazie, Paris, Stock, 1965 ; Levai J., L’Église ne s’est pas tue. Le dossier hongrois. 1940-1945, Paris, Seuil, 1966 ; Lapide P., Rome et les juifs, Paris, Seuil, 1967 ; etc.
11C’est le cas, notamment, du journaliste du Monde Jacques Nobécourt dans son ouvrage précédemment cité ou de Deslile René dans « Pie XII et les Allemands », France-Observateur, no 754, 15 octobre 1964, p. 7-10.
12Cf. Friedländer S., « Pourquoi j’ai écrit Pie XII et le IIIe Reich », L’Arche, no 94, novembre 1964, p. 24.
13Friedländer S., Hitler et les États-Unis, Genève, Droz, 1963. Friedländer a enseigné l’histoire de la Shoah et du nazisme à l’université de Genève, puis en Israël avant de terminer sa carrière à l’université de Californie (UCLA).
14Friedländer S., art. cité, p. 24.
15Friedländer S., Pie XII et le IIIe Reich. Documents, op. cit., p. 219.
16La même année, aux États-Unis, Guenter Lewy, un politologue d’origine israélienne, parvient aux mêmes conclusions dans L’Église catholique et l’Allemagne nazie.
17Ordonné prêtre en 1938, il quitte l’Église en 1949.
18Falconi C., op. cit., p. 8.
19Ibid., p. 65-66.
20Ibid., p. 63.
21Cf. Curvers A., Pie XII, le pape outragé, Paris, Robert Laffont, 1964.
22Kevin Madigan est professeur invité d’histoire du christianisme à la Harvard School of Divinity et au Catholic Theological Union de Chicago. Il développe la thèse suivante dans « What the Vatican knew about the Holocaust and When », Commentary, octobre 2001, [http://www.commentarymagazine.com].
23Cf. « Le Vicaire sera-t-il joué en Israël ? », Informations catholiques internationales, no 202, 15 octobre 1963, p. 17.
24L’écho soulevé par le pèlerinage de Paul VI a été analysé par Jean-Dominique Durand dans « Les papes et la Terre sainte », in Onorio J.-B. d’(dir.), Géopolitique et religions au Proche-Orient, Paris, Salvator, 2011, p. 137-173.
25Cf. Rothkirchen L., « Vatican policy and the Jewish Problem in independent Slovakia », Yad Vashem Studies, vol. 6, 1967, p. 27-53 ; Lavi T., « The Vatican’s Endeavors on Behalf of Rumanian Jewry during the Second World War », Yad Vashem Studies, vol. 5, 1963, p. 405-417.
26Lapide P., Rome et les Juifs, op. cit., p. 173 sq.
27Levai, L’Église ne s’est pas tue, op. cit.
28Levai J., Black Book on the Martyrdom of Hungarian Jewry, Budapest, 1948 et Eichmann in Hungary : Documents, Budapest, 1961. Ce dernier ouvrage lui valut d’être appelé à témoigner lors du procès Eichmann à Jérusalem.
29Levai J., L’Église ne s’est pas tue, op. cit., p. 18.
30Ce télégramme avait été publié dès 1945. Cf. « 25 juin : message du pape à l’Amiral Horthy », La Documentation catholique, no 937, 29 avril 1945, p. 345.
31Cette lettre avait été publiée par Raul Hilberg dans The Destruction of European Jewry en 1961. Comme pour le Bréviaire de la haine de Poliakov L., The Destruction of European Jewry ne rencontre qu’un écho très limité. Il est traduit en français près de trente ans plus tard.
32Levai J., L’Église ne s’est pas tue, op. cit., p. 21-22.
33Cf. Scheinmann M., Der Vatikan Zweiten Weltkrieg, Berlin, 1954.
34À la différence des ouvrages précédemment cités, Le Vicaire et l’histoire de Jacques Nobécourt ne bénéficie d’aucune traduction.
35Cf. Delpech F., « La papauté et la persécution nazie », in Kaspi A., Klarsfeld S. et Wellers G. (dir.), La France et la question juive. 1940-1944, Paris, Éditions Sylvie Messinger, 1981, p. 197-209 ; Montclos X. de, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme. L’épreuve totalitaire. 1939-1945, Paris, Plon, 1983 ; Mayeur J.-M., « L’Église catholique », in Mayeur J.-M., Vauchez A. et Vénard M. (dir.), Histoire du christianisme, t. XII : Guerres mondiales et totalitarismes (19514-1958), Paris, Desclée/Fayard, 1990, p. 297-345 ; Papeleux L., Les silences de Pie XII, Bruxelles, Nouvelles éditions Vokaer, 1980.
36Cf. Actes et Documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale, Città del Vaticano, Libreria, éditrice vaticana, 1965-1981. Ces documents ont été sélectionnés par quatre éditeurs jésuites mandatés par Paul VI.
37Delpech F., op. cit., p. 206.
38Ibid., p. 209.
39Mayeur J.-M., op. cit., p. 333.
40Delpech F., op. cit., p. 197.
41Mayeur J.-M., op. cit., p. 331.
42Papeleux L., op. cit., p. 245-246.
43Mayeur J.-M., op. cit., p. 334.
44C’est le cas, notamment, de Léon Papeleux.
45Mayeur J.-M., op. cit., p. 327.
46Le 28 octobre 1943, au lendemain de la rafle des juifs de Rome, Weiszäcker écrit : « Bien que pressé de toutes parts, le Pape ne s’est laissé entrainer à aucune réprobation démonstrative de la déportation des Juifs de Rome. Encore qu’il doive s’attendre à ce que son attitude lui soit reprochée par nos ennemis et qu’elle soit exploitée par les milieux protestants des pays anglo-saxons dans leur propagande contre le catholicisme. Il a également tout fait dans cette épreuve délicate pour ne pas mettre à l’épreuve les relations avec le gouvernement allemand et avec les milieux allemands de Rome. Comme il n’y aura sans doute pas lieu d’attendre d’autres actions allemandes à Rome contre les Juifs, on peut compter que cette question désagréable pour les relations entre l’Allemagne et le Vatican est liquidée. » Ce texte clôt la pièce de Rolf Hochhuth.
47Mayeur J.-M., op. cit., p. 328.
48Cf. Rousso H., Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Seuil, coll. « Points histoire », 1990.
49Cf. Pelletier D., La crise catholique : religions, politique et société en France (1965-1978), Paris, Payot, 2002.
50Cf., par exemple, Fouilloux E., « Le Vatican et les juifs », dans Les chrétiens entre crise et libération. 1937-1947, Paris, Seuil, 1997, p. 81-98.
51Lalieu O., « L’invention du devoir de mémoire », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 69, 2001/1, p. 83-94.
52Lacroix-Riz A., Le Vatican, le Reich, l’Europe, Paris, Armand Colin, 1996.
53Ibid., p. 509.
54Ibid., p. 3.
55Ibid., p. 3.
56Ibid., p. 3.
57Une recension jugée complaisante du Vatican, le Reich, l’Europe dans la revue Historiens et géographe a donné lieu à une passe d’armes entre Annie Lacroix-Riz et ses détracteurs qui éclaire les intentions de l’auteur. Cf. Lacroix-Riz A., « Courrier des lecteurs », Historiens et géographes, mars-avril 1998, p. 553-554, p. 553.
58Cf. Lacroix-Riz, « Le Vatican, de l’antisémitisme des années trente au sauvetage-recyclage des bourreaux », Golias, no 47, mai 1996, p. 72-77.
59Lacroix-Riz A., « Courrier des lecteurs », op. cit., p. 554.
60Smadja G., « Argent et Zyklon B : la revue d’un ministère censure une historienne », L’Humanité, 8 octobre 1996.
61Lacroix-Riz A., Industriels et banquiers sous l’Occupation : la collaboration économique avec le Reich et Vichy, Paris, Armand Colin, 1999 ; « Sur la famine en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane », [http://www.historiographie.info/holodomor08.pdf], site personnel d’Annie Lacroix-Riz.
62Cornwell J., Le pape et Hitler, Paris, Albin Michel, 1999, p. 10.
63Ibid., p. 455.
64Cf. Pelletier D. et Schlegel J.-L., À la gauche du Christ. Les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil, 2012.
65Des auteurs aussi différents que Ferdinand Desmurs, résistant et ancien collaborateur de Témoignage chrétien, ou les essayistes américains Gary Wills et James Carrol utilisent une stratégie identique à celle de Cornwell. Cf. Carrol J., Constantine’s Sword : the Church and the Jews, Houghton Mifflin, 2001 ; Desmurs F., Pie XII, le pape du silence : toujours à l’affiche, Paris, Berg, 2002 ; Wills G., Papal Sin. Structures of Deceit, Darton, Longman and Todd, 2000.
66Blet P., Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d’après les archives du Vatican, Paris, Perrin, 1997, p. 9.
67Blet P., « Pie XII a tout tenté », Le Figaro, 23 mars 1998.
68Blet P., « Une machination contre l’Église », Le Figaro, 17 septembre 1999.
69Dalin D., « Pie XII et les juifs », La Documentation catholique, no 2266, 17 mars 2002, p. 289-296. Publié dans The Weekly Standard, le 26 février 2002. En 2005, il publie The Myth of Hitler’s Pope. How Pope Pius XII Rescued Jews from the Nazis, Washington, Regnery Publishing inc. Trad. fr. en 2007.
71La controverse autour du « silence de Pie XII vérifie la recomposition désormais achevée du paysage religieux américain aujourd’hui divisé non plus en « denominational lines », selon les confessions, mais en « political lines ». Cf. Wuthnow R., The Restructuring of American Religion : Society and Faith since World War II, Princeton, Princeton University Press, 1988.
72Dalin D., « Pie XII et les juifs », op. cit., p. 296.
73Benoît XVI a finalement renoncé à la béatification de Pie XII.
74Chenaux P., Pie XII, diplomate et pasteur, Paris, Cerf, 2003.
75Miccoli G., Les dilemmes et silences de Pie XII, Bruxelles, Complexe, 2005.
76Ibid., p. 248.
77Ibid., p. 176.
78Titre à la une de Libération le 27 février 2002.
79Cité par Henri Madelin, dans la préface à Meurice J.-M., Le vrai pouvoir du Vatican, Paris, Albin Michel, 2010, p. 9.
Auteur
-
Muriel Guittat-Naudin
Professeur agrégé en histoire, détachée à l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) et membre du Groupe sociétés, religions, laïcités (GSRL).

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