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  • Chapitre VI. Devoir de travail
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    Plan détaillé Texte intégral Socialisme sénégalais et mobilisation pour le développement « Compter sur ses propres forces » : investissement humain et mobilisation de la main-d’œuvre Mobilisation de la jeunesse au Sénégal : autopsie d’une utopie Conclusion Notes de bas de page

    Travail forcé et mobilisation de la main-d'œuvre au Sénégal

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre VI. Devoir de travail

    Mobiliser la main-d’œuvre pour la construction nationale

    p. 209-240

    Texte intégral Socialisme sénégalais et mobilisation pour le développement La nécessaire participation des masses rurales Animation rurale et mouvement coopératif : l’expérience sénégalaise Devoir de travail et répression des « fléaux sociaux » « Compter sur ses propres forces » : investissement humain et mobilisation de la main-d’œuvre L’investissement humain, capital du pauvre ? Connecter les terroirs à l’économie nationale : le train routier Une vitrine en trompe-l’œil du socialisme autogestionnaire sénégalais ? Mobilisation de la jeunesse au Sénégal : autopsie d’une utopie La jeunesse sénégalaise au service du développement Intégration ou mise au travail de la jeunesse ? L’option du service civique Le chantier-école de Savoigne Conclusion Notes de bas de page

    Texte intégral

    « Comment une population habituée à des méthodes routinières, bourrée de complexes, partie d’une attitude de laisser faire nonchalant, de l’acceptation passive de directives autoritaires, une population qui a presque perdu toute notion de dignité, parce qu’ayant perdu le sens des valeurs purement africaines, arrive-t-elle à une attitude de participation démocratique1. »

    1En 1958, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia s’opposent publiquement sur la position à adopter lors du référendum de 1958 sur la Communauté française. Mamadou Dia est partisan d’une rupture avec la France alors que Léopold Sédar Senghor souhaite conserver ses relations avec la métropole et intégrer le Sénégal à la Communauté. C’est finalement la position de Léopold Sédar Senghor qui l’emporte. En 1959, l’éphémère Fédération du Mali voit le jour, initiée par les représentants du Sénégal, du Soudan français, de la Haute-Volta et du Dahomey. Modibo Keita, du Soudan français est nommé président et Mamadou Dia vice-président. La Fédération est reconnue au sein de la Communauté par le général de Gaulle en mai 1959. Cependant, après le retrait de la Haute-Volta et du Dahomey, les relations se tendent entre les deux frères ennemis, le Sénégal et le Soudan français. Le Sénégal proclame alors son indépendance le 20 août 1960, faisant éclater la Fédération du Mali. Léopold Sédar Senghor est élu le 5 septembre 1960 président de la République et Mamadou Dia devient président du Conseil de gouvernement.

    2Alors que Léopold Sédar Senghor s’occupe des relations internationales et diplomatiques, Mamadou Dia est considéré comme le véritable technicien, celui qui prend en charge la gestion quotidienne du pouvoir, en particulier les questions de développement économique et social. Moustapha Niasse, ancien président de l’Assemblée nationale sénégalaise, décrit ainsi les deux hommes : « Dia était le développeur de l’économie sénégalaise, dans ses dimensions pratiques, théoriques, programmatiques et méthodologiques. Senghor était resté le poète, l’écrivain […]. Senghor incarnait la nation et Dia l’État2. »

    3Les relations s’enveniment rapidement entre les deux hommes et Mamadou Dia est renversé par une motion de censure le 17 décembre 1962, puis envoyé au camp pénal de Kédougou avec d’autres ministres, comme Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall, pour « tentative de coup d’État3 ». Même si Mamadou Dia est rapidement écarté du pouvoir, il impulse grandement la politique de développement du pays.

    4Au lendemain de l’indépendance, l’enjeu politique, économique et social auquel fait face la jeune République du Sénégal peut se résumer de la façon suivante : « Liberté de gérer ses propres affaires mais aussi d’en assumer la responsabilité, droit à sa part de la richesse nationale mais participation à l’accumulation de cette richesse par le travail et l’honnêteté4. » Le développement implique à la fois la construction de la nation et du citoyen et la reconstruction économique et sociale au travers de la promotion des terroirs et de la mobilisation des masses rurales pour le chantier national.

    5L’État sénégalais, inspiré par la voie socialiste, met alors en place une véritable planification du développement, impulsant de nouvelles relations entre l’État et les populations. Dans le premier plan quadriennal (1961-1964), l’État devient l’agent d’impulsion et de contrôle de l’économie, dans un esprit qui se veut en rupture nette avec la période coloniale. Ce chapitre se concentre alors sur trois projets centraux de la politique de développement des autorités sénégalaises. Dans un premier temps, la mise en place de l’animation rurale et du mouvement coopératif qui apparaissent comme la clé de voûte de la doctrine politique et économique de Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Dans un second temps, il sera question d’analyser le discours sur le travail et la mise en place d’une politique d’investissement humain, c’est-à-dire de projets de mobilisation bénévole de la main-d’œuvre pour les chantiers publics du pays. Pour un territoire confronté au sous-emploi et qui souhaite réaliser les travaux économiques indispensables pour son développement, la politique d’investissement humain devient le fer de lance de l’économie politique sénégalaise au lendemain de l’indépendance. Dans un troisième temps, la jeunesse sénégalaise constitue un enjeu de taille pour les autorités qui oscillent entre fascination et crainte à son égard. Le gouvernement sénégalais essaye de contrôler et mobiliser cette catégorie de la population – la plus nombreuse dans les années 1960 – pour le chantier national. La mise en place laborieuse du service civique national constitue le témoin privilégié de cette utopie.

    6Une réflexion critique sur ces projets apparaît néanmoins nécessaire. On remarque dans un premier temps une certaine continuité dans les discours et les pratiques utilisées par les élites postcoloniales sénégalaises, qui au nom du développement et de la construction nationale, ont mis en place un discours productiviste et certaines pratiques de mise au travail héritées directement de la période coloniale. Il convient en effet d’interroger non seulement les ruptures mais aussi les permanences et les continuités dans les mentalités et les pratiques des autorités sénégalaises. Dès lors, dans quelle mesure l’empreinte coloniale n’a-t-elle pas conditionné la dialectique volontariste et productiviste sur le travail et les pratiques de mobilisation de main-d’œuvre pour le développement des élites postcoloniales sénégalaises ?

    7Dans un second temps, malgré l’enthousiasme affiché par les autorités, relayé par la presse pro-gouvernementale, les populations se sont très rapidement montrées réticentes à participer à ces projets. Alors même que les autorités sénégalaises prônent un renouvellement des relations avec le monde rural et la jeunesse, force est de constater que dans bien des cas, les agents de l’État restent à l’initiative dans l’organisation de l’animation rurale et du mouvement coopératif, des chantiers d’investissement humain ou du service civique. On remarque alors un détournement des objectifs initiaux de ces projets. Les actions de développement sont envisagées avant tout comme des moyens de recrutement de main-d’œuvre, s’éloignant ainsi de l’idéal de conscientisation et d’animation des masses rurales.

    Socialisme sénégalais et mobilisation pour le développement

    La nécessaire participation des masses rurales

    8En juillet 1959, Léopold Sédar Senghor présente lors du congrès du Parti de la Fédération africaine, censé jeter les bases de la construction d’une nouvelle fédération de pays, un rapport intitulé « pour une voie africaine du socialisme ». Il y développe une doctrine politique qui mêle à la fois certains éléments de la tradition marxiste et une réflexion sur la spiritualité empruntée aux travaux de Theillard de Chardin5. Il s’agit de sortir de l’aliénation matérielle, comme de l’aliénation spirituelle. Le socialisme de Léopold Sédar Senghor s’inspire d’autre part de la négritude, dont le futur président Sénégalais est l’un des penseurs éminents. La négritude joue un rôle fondamental dans la doctrine politique, en affirmant un retour aux sources, à l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, et dépassant par là même l’athéisme de la tradition marxiste6. Par ailleurs, l’établissement du socialisme africain passe par un discours de rupture avec la période coloniale. Mamadou Dia rejoint Léopold Sédar Senghor quand il énonce la nécessité impérieuse de définir une voie nouvelle vers le socialisme, tournée vers les valeurs africaines :

    « Le premier pas sur la voie africaine du développement est celui du rejet révolutionnaire des anciennes structures. Avant d’entreprendre quoi que ce soit, il nous faut d’abord la volonté expresse de remplacer radicalement, dans sa logique profonde comme dans ses superstructures, le système politique, économique et social hérité de l’Ancien Régime colonial7. »

    9Mamadou Dia, théoricien du programme économique du Sénégal, souhaite une véritable politique de « destruction créatrice8 » avec un interventionnisme étatique fort. L’État sénégalais se doit d’être le seul agent viable pour gérer l’économie nationale dans l’intérêt de tous. La suppression des chefferies au niveau du canton est par exemple réalisée dans ce sens après l’indépendance, fonctionnaires et techniciens devant se substituer à ces autorités9.

    10Cette doctrine politique et économique induit dans le même temps de nouveaux rapports entre autorités et population. Les autorités sénégalaises avaient bien compris l’importance d’instaurer de nouvelles relations entre les populations et l’appareil d’État. Cependant le passif est lourd. En ce qui concerne le monde rural principalement, les paysans ont été habitués à l’arbitraire et les populations sont devenues suspicieuses et rétives à toute initiative venant des autorités. Ben Mady Cissé, ancien directeur de l’Animation rurale au Sénégal, évoque de cette manière l’héritage profond qu’a laissé le colonisateur dans les relations entre populations et pouvoir politique :

    « À force d’être soumis à l’autorité arbitraire des chefferies, aux abus et détournements commis par les fonctionnaires coloniaux au sein des organismes pseudo-coopératifs mis en place par l’administration coloniale, et à la pression d’une économie de traite envahissante et incontrôlable à son niveau, le monde rural s’était replié sur lui-même et se méfiait comme par réflexe, de toute initiative ou intervention venues de l’extérieur10. »

    11Dès lors, l’un des objectifs principaux du projet politique sénégalais est d’insuffler un véritable programme volontariste de promotion des masses rurales11, considérées comme les laissés-pour-compte du système colonial. Le monde rural représente près de 3 millions d’habitants au Sénégal au lendemain de l’indépendance, soit près de 80 % de la population12. Restaurer la confiance entre les paysans et l’État permet ainsi aux autorités sénégalaises d’entamer un nouveau dialogue avec la paysannerie et les pousser à participer à la construction nationale.

    12La mobilisation des forces vives de la nation pour le développement du pays est en effet le cœur du projet politique et économique de Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia :

    « Il faut enfin, et c’est capital, mobiliser totalement le potentiel humain du pays ; provoquer dans nos masses, dans toutes les couches sociales, chez tous nos cadres, à tous les niveaux, l’élan d’enthousiasme qui fera que chacun se mettra corps et âme au service de la nation en voie de se faire13. »

    13Une véritable réflexion est engagée par le pouvoir Sénégalais pour créer les conditions d’une participation spontanée et volontaire des populations à la construction nationale. On retrouve dans les rapports de l’époque cette préoccupation centrale :

    « Comment une population habituée à des méthodes routinières, bourrée de complexes, partie d’une attitude de laissez-faire nonchalant, de l’acceptation passive de directives autoritaires, une population qui a presque perdu toute notion de dignité, parce qu’ayant perdu le sens des valeurs purement africaines, arrive-t-elle à une attitude de participation démocratique14. »

    14Il ne faut, par ailleurs, pas non plus oublier que la promotion du monde rural a aussi une finalité politique pour les autorités sénégalaises puisque les paysans constituent un bassin de voix très important pour les élections. Étienne Smith a très bien montré comment Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia ont été les premiers à anticiper la mutation profonde du jeu politique amorcée par la loi Lamine Guèye de 1946 sur la citoyenneté, induisant un autre langage politique dès lors accessible aux masses rurales propulsées au cœur du jeu politique sénégalais15.

    15La voie politique tracée par le Sénégal, qui constitue le fondement idéologique de la politique de développement, peut alors se résumer par trois principes fondamentaux. Dans un premier temps, l’importance de la prise en compte d’une communauté, d’une nation, dans l’optique du « développement de tout l’homme et de tous les hommes16 ». De là découle la libération des aliénations anciennes qui empêchent l’épanouissement de cette communauté d’hommes dans leur vie quotidienne : « Le socialisme est une voie véritable vers la liberté » ne cesse de marteler Mamadou Dia17. Le dialogue et les nouveaux rapports institués entre autorités et populations ont cet objectif. Enfin, l’État est amené à jouer un rôle central, volontariste et interventionniste dans la création de nouveaux rapports avec la population. Un État fort à destination des masses rurales et soutenu, animé par les masses rurales : telle était la clé de voûte du socialisme africain prôné par Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia.

    Animation rurale et mouvement coopératif : l’expérience sénégalaise

    16La planification entreprise par les autorités sénégalaises au lendemain de l’indépendance doit constituer l’instrument essentiel d’un socialisme participatif et autogestionnaire au service du développement. Un premier plan quadriennal est formulé dès 1958 – et effectivement lancé en 1961 – définissant plusieurs objectifs : construction d’une économie nationale s’appuyant sur un secteur agricole dynamique et délesté de ses contraintes, mise en place d’un tissu industriel pouvant satisfaire les besoins de tout le territoire et des hommes, amélioration notable du niveau de vie des populations et de leurs conditions économiques et sociales, et enfin, répartition plus équitable du revenu national.

    17La planification formulée, il reste néanmoins à prévoir l’organisation et la philosophie qui soutiendraient et impulseraient les actions de développement. C’est dans cet esprit qu’est mise en place l’animation rurale, création la plus caractéristique du socialisme africain. Lancée à la fin de l’année 1959, initialement en Casamance et dans la région du fleuve – considérées comme les régions les plus marginalisées18 – l’animation apparaît comme un vaste outil pédagogique au service des structures de développement. Prise en charge par la direction de l’Animation et de l’Expansion (DAE) crée en 1959 au sein du ministère du Plan et du Développement, l’animation rurale a pour but premier de former, rendre responsable, animer les populations rurales, techniquement et moralement, afin de les entraîner, par une action éducative clairement définie, à prendre en charge leur propre développement.

    18L’ensemble des villages par régions constitue les cellules de base du développement. Un centre d’animation rurale y est alors installé. À travers ce réseau de cellules de base se met en place un programme d’actions locales de développement exprimé, en théorie, par les populations, et négocié avec les animateurs et l’encadrement administratif. L’originalité de l’animation rurale tient à la présence d’un seul et unique partenaire administratif contrairement à la prépondérance de la chefferie pendant la période coloniale. L’objectif est clairement défini : il faut faire remonter les aspirations des villages par le biais des centres d’animation rurale au plus haut niveau de l’État, afin qu’il oriente ses actions en fonction des besoins des paysans.

    19À côté de ces structures, les Centres d’expansion rurale (CER) constituent la pièce maîtresse de l’encadrement agricole, « les équipes de pointe de l’action technique, sociale et économique du gouvernement19 ». Interlocuteur privilégié des populations rurales, le centre coordonne les différents services de l’économie rurale dans une même cellule de base. Il soutient la population en répondant à leurs problèmes de développement local en assurant leur formation technique et en les encadrant. Ben Mady Cissé indique qu’en 1963 l’animation couvre 6 régions sur 7, 19 cercles sur 28, un millier de villages (sur 12 000 que comptait le Sénégal). 19 centres d’animation rurale masculins et un féminin sont construits et plus de 3 500 animateurs sont formés20. La tâche de l’animation vise plus largement à une prise de responsabilité globale par les masses en vue du développement. Pour les autorités sénégalaises, l’animation est là une condition nécessaire pour mettre en place un second outil central du socialisme participatif et autogestionnaire prôné par les autorités : le mouvement coopératif.

    20Le mouvement coopératif sénégalais21 se veut être un mode d’organisation de la politique agricole en rupture nette avec l’économie de traite qui avait caractérisé le fonctionnement des circuits arachidiers au Sénégal pendant la période coloniale. L’économie de traite reposait sur l’exploitation de l’arachide par le colonisateur depuis le milieu du xixe siècle. Les paysans sénégalais, producteurs d’arachide, étaient encadrés par les sociétés de prévoyance qui assuraient l’approvisionnement en semences et en matériel de culture22. Après la campagne de production, chaque paysan apportait sa récolte que les représentants des firmes achetaient et exportaient. Le paysan était complètement dépendant de ce système créé par l’administration, obligé de s’endetter tout au long de l’année pour s’approvisionner en semences et matériel et revendre sa récolte à un prix largement insuffisant pour faire face aux nombreuses contraintes financières auxquelles il était soumis (cotisation à la société de prévoyance, impôts, etc.).

    21Mamadou Dia souhaite alors assainir les circuits de production et de commercialisation de l’arachide. Son objectif est de faire passer l’ensemble de la production arachidière, cette « encombrante richesse23 » qui représente 80 % de l’économie agraire du territoire, sous contrôle national à la fin du plan quadriennal24. Dans un organe mensuel de liaison des coopératives de la région du delta du fleuve Sénégal en 1961, un article résume les objectifs du mouvement coopératif :

    « La coopérative c’est : la libération de l’usurier, la diminution des frais de production, l’augmentation du pouvoir d’achat par l’organisation du marché, une meilleur présentation des produits classés par grade et qualité. Enfin, la coopérative aide encore à l’amélioration des conditions de vie et de travail par le progrès technique25. »

    22Ce mouvement s’organise autour de réseaux de coopératives, instruments principaux du dispositif qui regroupent le produit de la récolte et doivent livrer leur production à un marché coopératif soutenu dans chaque région par des Centres régionaux d’assistance au développement (CRAD). Ces CRAD, mis en place en 1960, remplacent les anciennes Sociétés mutuelles de développement rural (SMDR) créées par le pouvoir colonial en 1953, elles-mêmes héritières des sociétés de prévoyance coloniales. L’État sénégalais créé par ailleurs un Office de commercialisation agricole (OCA) qui a vocation à acheter et distribuer la récolte dans un souci d’amélioration de la production chaque année. Albert Ndiaye, ancien directeur de la Coopération indique que pour la période 1960-1961, 812 groupements coopératifs ont commercialisé plus de 170 000 tonnes d’arachides, soit près de 20 % de la récolte totale. Pour la campagne suivante de 1961-1962, c’est plus de 1 123 groupements coopératifs qui distribuent près de 400 000 tonnes, soit environ 50 % de la récolte26.

    23Cependant, la mise en place de l’animation rurale et du mouvement coopératif doit faire face à un certain nombre de limites. Premièrement, le projet lancé par les autorités est loin de recevoir le soutien de tous les acteurs économiques et sociaux du territoire sénégalais. Le modèle socialiste autogestionnaire fondé sur les coopératives ne rassure ni la France, ni les milieux d’affaires, ni même les confréries musulmanes qui constituent le relais entre l’État et la paysannerie depuis l’époque coloniale. D’autre part, bien que les coopératives aient réussi à s’établir dans une grande partie du monde rural, son implantation dans les villes est quasiment inexistante. Enfin, une limite d’ordre politique et technocratique. La coopérative n’est pas un partenaire mais avant tout une unité de l’appareil d’État. Ainsi, la coopérative a dérivé à certains endroits vers une conception instrumentaliste au bénéfice du pouvoir politique27.

    24On assiste à une fonctionnarisation progressive du mouvement coopératif, et plus largement de l’animation rurale, qui perd au fil des ans son rôle d’appui à la formation des leaders paysans. Les paysans voient en effet leur autonomie de gestion décliner, toutes les formes d’organisation étant décidées de l’extérieur, les aspects gestionnaire et bureaucratique l’emportant sur les décisions prises par le bas. Basés sur la mise en place d’une politique productiviste et technocratique privilégiant les projets et les structures lourdes bureaucratiquement, l’animation rurale et le mouvement coopératif révèlent finalement les limites d’une conception holistique du développement rural28.

    Devoir de travail et répression des « fléaux sociaux »

    25L’animation rurale et le mouvement coopératif ont pour but initial de recentrer l’économie du pays sur les terroirs, poumon agricole du Sénégal. Cette politique a aussi pour objectif d’endiguer l’exode rural et de stopper l’inflation des grands centres urbains du territoire. Dans un article de 1964 du journal Dakar-Matin, proche du pouvoir senghorien, le journaliste Abdoulaye Bâ évoque les problèmes auxquels se retrouvent confrontés les autorités face à l’urbanisation croissante des grandes villes : « Il ne peut y avoir de développement sans urbanisation : l’afflux des ruraux, attirés par le mirage de la cité, pose le problème de son extension29. »

    26La ville, en particulier celle de Dakar, est le témoin des problèmes économiques du pays selon le journaliste. L’exode vers les villes qui frappe le territoire est le résultat du « sous-développement des zones rurales », de « l’attraction à la vie urbaine » et d’un chômage saisonnier de la masse paysanne qui se dirige vers la capitale en saison sèche. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que Dakar abritait 1 560 habitants en 1878, la ville passe à 26 000 en 1910, pour atteindre 417 000 habitants en 1964 selon l’article30. À ce titre, il faut noter que le pouvoir sénégalais n’organise pas de vaste politique dirigiste de « retour à la terre » contrairement à son voisin malien31 mais souligne la nécessité d’endiguer l’arrivée de nouveaux migrants à Dakar et suggère de mettre au travail, à des fins d’intérêt général, la main-d’œuvre urbaine inactive.

    27Le 9 mai 1960, quelques semaines avant l’indépendance du Sénégal, un article au titre évocateur est publié dans Paris-Dakar : « Travaillez, prenez de la peine32. » Ce titre, en reprenant la célèbre fable de Lafontaine qui fait une ode au travail des champs33, résume à lui seul la rhétorique du travail qui se met alors progressivement en place sur le territoire. L’auteur de l’article appelle l’ensemble des populations à se mettre au travail pour la construction nationale. Et de finir, sans une certaine pointe de lyrisme : « Pendant que nos dirigeants travaillent sans relâche, nous qui sommes l’espoir de la nation, nous devons tout faire pour nous unir, main dans la main, pour bâtir notre chère Afrique34. »

    28Le travail est en effet perçu comme un facteur de désaliénation et d’intégration sociale par le pouvoir, exigeant par là même des sacrifices pour le bien de la nation. Le discours des autorités sénégalaises se construit alors sur un effet d’inclusion/exclusion en construisant le concept de travail comme bonheur social mais aussi comme « baromètre » où se mesure le degré de participation au chantier national et l’adhésion au projet politique. Ce discours inclut toutes les personnes prêtes à s’investir pour la construction nationale mais exclut dans le même temps, en mettant « hors la loi » ou en dehors de la norme « travail », toutes les populations jugées inactives ou marginales, dont la grande majorité réside en ville.

    29On retrouve dans le discours des autorités une dénonciation constante de la paresse et de l’oisiveté, considérées comme frein à la construction nationale. Ce discours à double face, un côté prônant le travail et l’autre dénonçant l’inactivité, n’est pas sans rappeler la rhétorique coloniale qui fondait son argumentation sur la dénonciation de la paresse, décrite comme quasi inhérente à la nature même de « l’indigène », et qui servit à justifier la mise en place de formes de travail forcé dans les colonies afin d’inculquer aux populations l’ethos du travail. Dans un des bulletins de liaison du mouvement coopératif publié par la République du Sénégal, le message est clair : il faut « amener doucement mais fermement à la nette conscience qu’on n’attend pas ce que l’on désire dans l’oisiveté » et « éliminer la paresse connue chez l’Africain, celle de ne rien faire et vouloir gagner de l’or35 ». Dans la suite du bulletin l’auteur insiste sur l’importance de « montrer à ceux qui nous ont guidés jusqu’au présent que nous ne sommes plus des enfants ignorants sans initiative36 ». Cette dernière phrase est révélatrice car elle utilise exactement le même vocable colonial, celui de la métaphore d’un peuple-enfant qu’il convient d’orienter. En utilisant cette formulation, l’auteur exprime la capacité des nouvelles autorités à prendre en main le pays, tout en avalisant de manière détournée, la théorie de la « mission civilisatrice » sur laquelle s’appuya l’ancien colonisateur.

    30Ce document est par ailleurs intéressant car il traduit à la fois un discours volontariste, de modernité, tourné vers l’avenir, invitant les masses rurales à participer en travail au développement local et national, tout en mobilisant un vocabulaire emprunt de tradition. En effet, le bulletin s’intitule Niakh Tedd en wolof que l’on pourrait traduire par « qui sue s’honore ». Ce célèbre adage est une ode au travail rural, en référence directe à la figure populaire du « héros des champs » incarné chez les wolofs par le personnage de Baay Demba Waar Njaay, stakhanoviste d’un autre lieu et d’un autre temps, symbole de labeur et de zèle au travail. Le mythe veut que ce personnage ait labouré son champ des jours et des nuits entières sans relâche et ne s’arrêta que devant l’océan où il se noya37.

    31Une logique ségrégative de l’espace urbain est donc prônée par l’idéologie volontariste et productiviste des tenants du « socialisme africain » au Sénégal. Pour les pouvoirs publics, la survie sans travail en ville est suspecte. Par exemple, la figure du vagabond, déjà tant décriée sous la période coloniale38, continue à faire l’objet d’une stigmatisation et d’une répression de la part des autorités sénégalaises qui fustigent les « fléaux sociaux39 » (vagabonds, alcooliques, fous, prostituées, lépreux, etc.), ces « classes dangereuses » qui freinent la construction du « socialisme africain ».

    32Les élites postcoloniales sénégalaises façonnent un discours de mobilisation générale qui révèle une certaine ambiguïté. D’un côté, le travail est défini comme libérateur et émancipateur, vecteur d’intégration sociale pour le développement du pays, et ce dans une voie socialiste en rupture nette avec la période coloniale. De l’autre, une dialectique de la paresse, de l’oisiveté y est développée, stigmatisant certaines catégories de la population et rappelant la rhétorique coloniale justifiant la contrainte au travail. Dès lors, à travers ce discours volontariste et productiviste instituant un « devoir de travail », l’État sénégalais se positionne en autorité civilisatrice, non plus pour la « mise en valeur des colonies » mais au nom du développement national40.

    « Compter sur ses propres forces » : investissement humain et mobilisation de la main-d’œuvre

    L’investissement humain, capital du pauvre ?

    33Ce discours se traduit sur le terrain par l’organisation de chantiers de travail dénommés « investissement humain ». Cette notion apparaît dès la fin des années 1950 et devient rapidement un concept clé de la mobilisation des populations rurales pour le chantier national41. Il prend en effet une teneur nouvelle dans le contexte de l’après indépendance où l’exigence de la mobilisation des ressources nationales (humaines principalement) devient impérative. Sorte de « capital du pauvre42 », l’investissement humain se définit comme un travail collectif bénévole et volontaire pour la réalisation de certains travaux sur le plan local – du fait de l’insuffisance de capitaux et de l’incapacité de l’État à assurer toutes les charges –, et dans le but d’occuper une grande masse de populations sous-employées.

    34Dans une « note sur l’investissement humain » produite par le pouvoir sénégalais, et qui constitue en quelque sorte la feuille de route officielle de cette politique, le document évoque deux facteurs essentiels qui nécessitent l’organisation de telles actions de développement. Premièrement, le vaste programme de transformation des campagnes lancé par le plan quadriennal a besoin d’une mobilisation humaine d’importance pour soutenir les actions rurales de développement. Deuxièmement, « l’obligation d’aller vite43 » dans la transformation du pays demande un apport en bras sans précédent, que les programmes d’investissement humain sont à même de proposer. Un autre document, publié par le Commissariat général au plan en 196244, indique des facteurs d’ordre plus économique et financier pour justifier le lancement de ces projets : la rareté des capitaux disponibles pour l’investissement productif – épargne nationale insuffisante, manque de diversité de la production commercialisable – et l’importance du sous-emploi de la population45 – chômage en milieu urbain, taux de productivité du travail annuel moyen faible en milieu rural par manque d’outillage – font que le Sénégal se retrouve avec une force de travail considérable, disponible et donc « mobilisable ».

    35La notion d’investissement humain concilie à la fois un aspect quantitatif – les réalisations concrètes – et un aspect qualitatif, c’est-à-dire qu’il est pensé et théorisé par les autorités comme une véritable politique de mobilisation civique des populations pour la construction nationale. D’un côté les investissements humains constituent des opérations de mobilisation de main-d’œuvre à des fins d’accumulation de capital ou de prise en charge de coûts d’infrastructures ou d’équipements collectifs (routes, écoles, dispensaires, etc.)46. De l’autre côté, outre l’aspect économique, ces projets ont une teneur aussi morale et patriotique, comme le révèlent certains témoignages. Dans un appel radiodiffusé lancé au début des années 1960, le gouverneur de la région du Cap-Vert enjoint les populations à participer à un investissement humain visant à construire une dizaine d’écoles dans plusieurs quartiers de Dakar (Pikine, Dakar-Ville et Médina) :

    « Point n’est besoin pour moi d’insister : l’État, qui ne peut faire face à tous nos besoins, a mis à notre disposition des matériaux ; à nous de les utiliser ; de nos propres mains, au mieux de nos intérêts et de ceux de nos enfants et petits-enfants. Dakaroises, Dakarois, Cap-Verdiennes, Cap-Verdiens, pour la réalisation de notre Plan National de Développement, pour la réalisation de notre programme régional de scolarisation, pour nos enfants et pour nous-mêmes, pour notre pays, vous répondrez, j’en suis persuadé, à l’appel du Gouvernement47. »

    36Selon les autorités, la mobilisation des populations passe par une nécessaire prise de conscience du bien-fondé de telles actions. C’est ce qu’exprime Mamadou Dia, dans ses Réflexions sur l’économie de l’Afrique noire où il distingue deux types d’investissement humain : l’investissement humain comme travail collectif, mais aussi et surtout, un investissement humain à valeur morale, c’est-à-dire une opération qui se passe au niveau de la conscience personnelle de chaque individu : « Chaque homme qui fait sa tâche, avec le maximum de conscience, d’amour de son pays, cherchant à donner à tous ses gestes leur valeur et leur poids, celui-là crée un véritable investissement humain indispensable à la nation48. »

    37Pour le gouvernement sénégalais, l’investissement humain apparaît comme la traduction concrète de la doctrine politique et économique prônant un socialisme autogestionnaire et le développement participatif des campagnes. L’adhésion et l’engagement bénévole dans ces chantiers sont centraux pour les autorités. L’investissement humain ne peut alors être obtenu et relayé :

    « Par le fait du Prince ou le diktat jeté du haut vers le bas, par la contrainte ou la peur, mais bien plutôt, selon ce qui devrait représenter en l’occurrence la clef de voûte de tout le système, par l’adhésion totale et librement consentie des élites et des masses, non seulement dans l’élaboration mais surtout dans la mise en œuvre des Plans de développement49. »

    38L’investissement humain, en tant que forme de mobilisation de la main-d’œuvre, se doit d’être volontaire, et ce dans une logique de rupture nette avec la période coloniale qui avait fait du travail forcé la pierre angulaire de l’économie politique. Les populations, appuyées par l’animation rurale, doivent librement décider des actions de développement à mener et apprécier elles-mêmes la quantité de travail à fournir.

    39À ce titre, il est intéressant de noter que les autorités, craignant que les populations et les observateurs extérieurs assimilent investissement humain et travail forcé colonial, ancrent l’esprit de ces chantiers dans une certaine « tradition africaine ». Senghor et Dia voient dans l’investissement humain une réminiscence de formes de travail collectif héritées de périodes très anciennes :

    « Il ne s’agit pas là d’un apport des ex-nations colonisatrices, mais bien plutôt d’un héritage très lointain qui vient des traditions, des sources profondes de tous ces vieux pays et doit obligatoirement marquer profondément leur conception de l’investissement humain50. »

    40Dans la continuité de la mise en place de l’animation rurale et du mouvement coopératif, c’est une « réelle mise en marche du pays, déclenchée de la base51 » à laquelle le pouvoir sénégalais appelle avec la politique d’investissement humain.

    Connecter les terroirs à l’économie nationale : le train routier

    41À la veille de l’indépendance, les autorités sénégalaises mettent en place un système original dénommé « train routier » pour améliorer les voies de communication sur le territoire. Ces trains routiers, installés dans 18 circonscriptions dès janvier 1960, résument l’esprit de l’investissement humain : utilisation de la force de travail des populations à des opérations d’accumulation de capital (rénovation de routes importantes pour l’économie) en combinant le facteur humain et la machine.

    42Le train routier est une sorte de pôle mobile visant à améliorer le réseau de pistes sur le territoire dans une logique de désenclavement des territoires ruraux. Il n’est pas destiné à concurrencer les travaux publics mais à s’attaquer à un domaine nouveau qui, faute de moyens et faute d’argent, n’a pas pu l’être jusqu’alors : aménagement de terrains en vue de l’extension des cultures, petites pistes de brousse et artères, et emplacements publics des villages52. Le train routier, véritable « troupe de choc », est composé d’un élément mécanique et d’un élément humain. L’élément mécanique est constitué par un véhicule motorisé (un tracteur) et de plusieurs remorques, citernes et autres outillages lourds nécessaires à la rénovation des routes. Il représente un apport de force appuyant l’élément humain, les populations, pour les travaux. Les autorités envisagent environ 6 000 journées de travail par an, par train routier, à raison de 30 travailleurs maximum par train routier et de 200 journées par travailleur53. Le bénéfice envisagé est triple : combler le fossé entre brousse et ville en désenclavant les territoires ; jumeler l’usage de la machine avec le capital travail ; rendre l’investissement financier dans l’outillage peu élevé en termes d’achat et de fonctionnement (essentiellement outil de transport) puisque c’est la mobilisation des travailleurs qui compense la mécanisation des travaux.

    43L’administration décide par exemple au début de l’année 1960 de la réfection de la route Bignona-Tendimane-Balingore, inutilisable depuis plusieurs années, « en faisant appel à l’esprit communautaire et à l’intérêt des villageois intéressés directement par sa remise en circulation54 ». On apprend que « les habitants des villages de Diourou, Tendimane, Balingore y ont travaillé volontairement en investissement humain avec le train routier “Tigre” mis à la disposition du cercle55 ». Cette piste est utile pour les autorités puisqu’elle raccourcit le trajet entre Bignona, les villages des Djougouttes-Sud et l’important point de traite de Balingore. Le rapport sur les travaux insiste particulièrement sur la mobilisation des populations, signe de la réussite du projet :

    « Répondant à l’appel du commandant de cercle, conscient de l’intérêt général et de leur propre intérêt, convaincus par l’action psychologique menée par le centre d’animation rurale, faisant preuve d’esprit communautaire, les habitants des villages de Diourou, Tendimane, Balingore ont consacré plusieurs milliers d’heures de travail à la réfection de la route56. »

    44Cette dernière citation résume à elle seule toute la valeur et l’esprit de l’investissement humain dans le projet de développement : conscience des besoins en développement local, volonté de construction nationale, mobilisation collective, volontaire et gratuite des populations.

    45Cependant, bien que la route de Bignona apparaisse à première vue comme un exemple concluant de la mise en place des trains routiers, plusieurs limites sont néanmoins perceptibles. On apprend par exemple que cette route n’a pas reçu l’entretien nécessaire après la fin des travaux et s’est détériorée rapidement57. De plus, bien que l’exemple de la route de Bignona souligne la participation spontanée des populations, il n’en a pas toujours été le cas. Dans un reportage diffusé en janvier 1960 sur la Fédération du Mali dans la célèbre émission Cinq Colonnes à la une, un échange surprenant a lieu entre le journaliste et un homme sénégalais qui est en charge de l’organisation locale d’un train routier dans une région non déterminée du Sénégal :

    « Journaliste : Alors vous avez l’impression que cette route qui doit être terminée en dix jours, les gens pendant dix jours vont venir d’eux-mêmes travailler ? Reste la main-d’œuvre. On la récupère sur place. En principe seulement. […] Les choses ne vont pas toujours aussi facilement, et il faut parfois palabrer longuement pour obtenir quelques volontaires.
    Journaliste : Je suis passé dans un village où les gens n’avaient pas l’air très emballé. Est-ce que vous trouvez ça normal ?
    Intervenant : Ah non, ce n’est pas du tout normal. Parce qu’ils ont donné leur parole d’honneur, qu’il fallait respecter.
    Journaliste : Vous, vous leur avez fait donner leur parole ?
    Intervenant : Oui.
    Journaliste : Et généralement, quand un village collectivement donne sa parole, il la respecte ?
    Intervenant : Oui, il doit la respecter58. »

    46Devoir respecter sa parole ne veut pas forcément dire vouloir respecter sa parole. Et c’est bien ce qui semble transparaître du désarroi qu’affiche l’homme en charge de ces opérations.

    47Enfin, si l’on place la focale à l’échelle nationale, la présence d’un train routier dans chaque cercle du territoire reste relativement faible en comparaison à la densité du réseau routier national de plusieurs milliers de kilomètres de pistes qui demandent à être entretenues en permanence. Ainsi, bien que sur le papier le train routier semble remplir toutes les conditions que se fixe la politique d’investissement humain, les réalisations sur le terrain sont parfois entravées et restent limitées.

    Une vitrine en trompe-l’œil du socialisme autogestionnaire sénégalais ?

    48Avant de s’attacher aux problèmes posés par l’organisation de certains projets d’investissement humain, il est important de s’intéresser à la notion elle-même. Le concept d’investissement humain apparaît comme un terme fourre-tout sujet à une interprétation large et donc aux abus potentiels. Sous le terme d’investissement humain s’inscrivent en réalité des formes multiples et diverses de mobilisation de travailleurs et de prestations de travail qui, selon les cas, n’ont parfois pas grand-chose à voir ensemble : travail rural bénévole, action de nettoyage urbain, travaux collectifs agricoles à l’initiative d’un village, petits travaux publics, la liste est longue.

    49Par ailleurs, un point central n’est pas évoqué dans la notion : la question du recrutement des travailleurs. Alors qu’avec le terme de travail forcé et obligatoire la contrainte est au cœur du processus de recrutement, il est difficile de juger du caractère volontaire ou forcé dans la notion d’investissement humain. Une des ambiguïtés de ce concept réside dans le fait que le travailleur, en tant qu’individu, s’efface derrière la notion d’investissement qui prend un caractère collectif. Dans cette acception, il est alors difficile de juger des conditions de mise au travail du travailleur puisqu’il se fond dans un collectif indistinct. Ce qui prévaut dans la notion d’investissement humain n’est pas tant les conditions de recrutement que la réalisation du projet.

    50Dans l’optique d’un socialisme autogéré, en rupture avec les pratiques du passé, il est central pour les autorités que les populations, au cœur du dispositif, puissent librement décider des actions de développement à mener et apprécier elles-mêmes la quantité de travail à fournir : « Il importe d’éliminer toute contrainte sur elles dans des décisions qui relèvent d’elles-mêmes59 », indique le gouvernement. Dans les faits, l’initiative décidée par la base et remontant vers le haut est loin d’être légion et on peut se demander si à certains égards, des formes de contraintes ne persistent pas.

    51Dans le cadre de l’Organisation autonome du delta (OAD)60, des travaux sont lancés en 1962 en faisant appel à l’investissement humain61. Un rapport de réunion mentionne « la difficulté de prévoir sur un même chantier des tâches payées – très rondement menées –, et gratuites – toujours à la traîne –62 ». Cette formulation suggère que les populations non payées montrent une certaine nonchalance à réaliser les travaux qui leur sont assignés, contrairement aux travailleurs payés. L’argument d’une mobilisation désintéressée pour le développement national chère aux autorités sénégalaises n’est donc pas toujours au rendez-vous.

    52De plus, on peut lire dans le rapport que les personnes en charge du recrutement sont « instamment invitées à ne pas y inclure, comme l’année dernière, des vieillards tremblotants et des enfants imberbes63 ». Cette déclaration indique que le recrutement des travailleurs s’est fait de manière non libre car il est peu probable que des vieillards ou de jeunes enfants se soient mobilisés d’eux-mêmes pour des actions d’investissement qui demandent un certain effort physique. Les autorités, ne trouvant pas assez d’hommes valides, ont ciblé des populations plus vulnérables pour grossir le rang des manœuvres.

    53Par ailleurs, du fait de l’ambiguïté conceptuelle de la notion d’investissement humain, un certain nombre de travaux d’entretien ou de nettoyage ont été considérés comme de l’investissement humain alors même que la plus-value pour les populations mobilisées est minime. Dans un article de Dakar-Matin, le journaliste se fait l’écho de l’organisation d’une opération de nettoyage du quartier Grand Dakar : « Dans la liesse générale, les investisseurs ont donné aux abords de l’école un visage neuf en débroussaillant et en enlevant tous objets hétéroclites et tas d’immondices, gîtes des microbes pathogènes64. »

    54On peut se demander si cette action constitue véritablement un investissement humain productif et utile pour le développement local ou si elle ne se résume pas tout simplement à une opération de communication politique. En effet, elle est lancée à l’initiative d’un membre de l’Union progressiste sénégalaise (UPS) – le parti au pouvoir – et patronné par le ministre de l’Intérieur de l’époque Abdoulaye Fofana en personne65. On retrouve la médiatisation de ce type d’action à plusieurs reprises dans les colonnes de Dakar-Matin. Le journal mentionne par exemple l’initiative du maire de Kolda, Demba Keita, qui organise, un dimanche d’août 1963, un investissement humain dans le but de creuser 3 km de caniveau pour l’évacuation des eaux de grande pluie. L’article est sans appel : « Une fois encore les habitants de la commune de Kolda […] ont prouvé leur volonté et leur attachement au gouvernement en l’aidant dans la réalisation de son programme urbain66. »

    55On peut mettre en doute la nécessité réelle de recruter des populations bénévoles pour une action qui n’a pas trait directement au développement local ou national mais plus à la salubrité publique, mission normalement à la charge des autorités locales. Ainsi, en mentionnant la « volonté » des populations, l’article rappelle une fois de plus la valeur éminemment politique qui est donnée à ces actions. L’enthousiasme des populations est décrit par le journaliste comme un signe de conscience de l’importance du développement national mais aussi d’attachement au gouvernement. Selon la formulation de l’article, il est implicitement admis que si les populations n’étaient pas en accord avec la politique du gouvernement, elles ne se mobiliseraient pas aussi facilement pour ces projets d’« investissement humain ».

    56Dès lors, la participation des populations devient un indicateur de confiance dans l’action gouvernementale. On assiste en effet à un phénomène de politisation accrue des projets d’investissement humain, qui transforment ces actions en défilés de politiciens et élites locales en représentation. Ces actions sont souvent le lieu d’un véritable raout politique, attirant ministres d’État et autres personnalités politiques locales. Un article de février 1965 se fait par exemple l’écho de la construction d’une piste dans la région de Fatick, organisée par le préfet, et qui mobilise des centaines d’habitants, de toutes les couches de la société : « Cette journée de travail et d’action pour le développement a revêtu le caractère d’une grande mobilisation de masse par la présence d’une foule considérable d’hommes, de femmes et de jeunes sur le terrain67. » Le journaliste note par ailleurs la présence de plusieurs hautes personnalités politiques :

    « Messieurs le préfet Mandiaye Faye [organisateur de l’action], Demba Diop député responsable politique de la coordination UPS du département ; Ibou Kébé, député-maire de M’Bour, Jacques d’Erneville député ; Monsieur Samb, chargé des questions culturelles au ministère des Affaires étrangères ; le chef d’arrondissement El Hadj Abdou Diagne, vice-président de l’Assemblée de Thiès, les secrétaires des sous-sections et cités UPS de la localité, les membres du CER, l’animation féminine, les TP et de nombreux techniciens de M’Bour68. »

    57L’action initiale d’investissement humain n’apparaît dès lors que comme un moyen de plus pour les autorités de tester leur popularité et sonder l’adhésion des populations au projet politique :

    « S’adressant aux populations des villages rassemblées, M. Diop les remercia d’avoir pris librement cette initiative d’investissement humain qui reflète leur entente dans l’unité conformément aux directives et mots d’ordre du parti UPS et du gouvernement69. »

    58Dès lors, les actions d’investissement humain deviennent des outils de propagande, des labels ou slogans politiques qui collent avec l’idéologie participative et productiviste prônée par les autorités sans pour autant cibler le besoin réel des populations.

    59Bien que les projets d’investissement humain aient été érigés comme fer de lance de la politique de développement au Sénégal, les limites, tant conceptuelles que pratiques, doivent permettre de ne pas surinterpréter une forme de mobilisation en travail dont l’impact réel sur le pays reste relativement faible. Ben Mady Cissé, ancien directeur de l’Animation rurale indique par exemple que pour le Sénégal, le premier Plan quadriennal prévoyait seulement un apport des populations de 1,3 milliard de francs CFA, soit un taux de 1,4 % des investissements totaux de cette période70. Dans les faits, les actions d’investissement humain se sont soldées dans bien des cas par un échec, faute d’organisation, de suivi, et parfois de mobilisation autoritaire des populations.

    60L’obligation d’aller vite, chère aux autorités sénégalaises, s’est muée en volonté d’aller trop vite, détournant l’investissement humain de son objectif initial de développement économique pour servir les intérêts personnels de notables locaux en recherche de prestige ou servir de vitrine en trompe-l’œil à l’action gouvernementale.

    Mobilisation de la jeunesse au Sénégal : autopsie d’une utopie

    La jeunesse sénégalaise au service du développement

    61Dans le discours des autorités sénégalaises, les jeunes, qui représentent plus des deux tiers de la population totale au tournant des années 1960, sont décrits comme l’avenir du pays – la population de moins de 25 ans correspond environ à 60 % de la population totale71. La jeunesse incarne à la fois la rupture avec le passé colonial et le point de départ de la construction nationale. Elle représente le possible mais aussi et surtout le souhaitable pour les autorités. Les appels du pied se font alors nombreux. Le ministère de la Jeunesse et des Sports du Sénégal exprime l’espoir des autorités contenu dans cette catégorie de la population : « Le Sénégal sait qu’il peut compter sur sa JEUNESSE dynamique, plus que jamais dédiée et prête à s’investir pour la paix et la prospérité de la nation72. »

    62En ce qui concerne les actions de développement, les autorités souhaitent « préparer de jeunes ruraux à devenir des paysans modernes, capables de conduire leur village, leur collectivité dans la voie du progrès, dans le chemin de l’édification du Sénégal socialiste73 ». Mobiliser la jeunesse et motiver son engagement dans le contexte plus général de l’animation rurale, c’est « préparer les bases nécessaires et indispensables à la solution des problèmes de coopération, d’animation, d’organisation économique et sociale de développement74 ». Cependant, et c’est là un constat qui frise le truisme anthropologique, la jeunesse, véritable enjeu économique et politique des nouvelles élites postcoloniales, fascine autant qu’elle inquiète.

    63Véritable chance pour le développement, la jeunesse est souvent décrite par les autorités comme rebelle, instable ou volatile et le gouvernement met tout en œuvre pour garder cette catégorie de la population sous contrôle. La sédition des jeunes est la hantise du pouvoir. On retrouve dès lors, de la part des élites sénégalaises, un discours d’infantilisation, de déresponsabilisation qui vise à légitimer l’imposition de structures d’encadrement et de mise au pas de la jeunesse. Elle est tantôt décrite comme immature – « elle a tendance à se réfugier dans le verbalisme sans s’associer aux efforts poursuivis chez elle75 » –, tantôt décrite comme une « classe dangereuse » : « En intégrant les jeunes chaque jour dans la société, en se penchant avec bienveillance sur leur sort, nous n’aurons pas un jour à déplorer la naissance d’antisociaux, de jeunes préparés moralement à la révolte76. »

    64Ce qui apparaît latent dans ce discours, c’est la vision monolithique de la jeunesse qui est envisagée par les autorités. Le gouvernement sénégalais propose une vision réifiée de la jeunesse, constituant une catégorie politique homogène, se devant d’être entièrement mobilisée derrière le régime et derrière la construction nationale77. Cet appareil discursif propose une grammaire de « lecture parentale » de la sujétion politique de la jeunesse, si l’on s’inspire de la métaphore familiale filée par Achille Mbembe78. Léopold Sédar Senghor, alors chef de l’État et chef de l’UPS, son parti politique, apparaît comme le « Père de la Nation79 » et la jeunesse sénégalaise comme ses enfants. Dès lors, toute critique ou remise en cause de l’action gouvernementale ou du pouvoir en place se voit assimilée à une dissidence familiale, remettant en cause le chef de l’État comme « Père de la Nation » et la Nation elle-même comme famille étendue.

    65Dans le contexte du plan quadriennal de développement tourné essentiellement vers la promotion des terroirs, le discours et les structures mis en place par les élites postcoloniales se tournent essentiellement vers la lutte contre l’exode rural des plus jeunes. En effet, confrontés à de multiples problèmes, tant au niveau de l’éducation, de la formation et de l’accès à l’emploi, les jeunes sénégalais délaissent de plus en plus les campagnes pour venir tenter leur chance en ville. La ville devient ainsi le cœur d’un conflit générationnel entre une jeunesse aux aspirations de plus en plus libérales, et leurs familles aux modes de vies communautaires plus « traditionnels ». Ces deux tendances se retrouvent dans le discours des autorités qui oppose l’individualisme supposé des jeunes attirés par le mode de vie citadin européen à l’esprit collectif et autogéré de la vie rurale : « Comment ne pas s’inquiéter devant le dépeuplement des campagnes pour les villes ! Ces milliers de certifiés renvoyés tôt de l’école sauront-ils échapper à l’empire d’une société qui tend à l’individualisme80 ? » On retrouve ici un discours opposant le socialisme africain voulu par le gouvernement et incarné par la valorisation des terroirs, et la dénonciation de l’individualisme d’une jeunesse attirée par la « modernité » urbaine.

    66Pour les autorités, la jeunesse apparaît comme une catégorie dont il faut garder le contrôle. Cela passe par son encadrement et sa mise au travail. Outre la mise en place de structures d’encadrement et de contrôle de la jeunesse – d’ailleurs souvent héritées de la période coloniale81 –, une véritable réflexion s’amorce dans les ministères pour envisager des mesures permettant de mettre à profit, en termes de travail, cette catégorie de la population, considérée comme « un immense réservoir82 ». Dans la lignée du discours productiviste des autorités sénégalaises, un service civique est progressivement élaboré afin de mobiliser les centaines de milliers de jeunes sénégalais pour le chantier national83.

    Intégration ou mise au travail de la jeunesse ? L’option du service civique

    67Le service civique doit initialement répondre à trois objectifs : un objectif d’éducation et de formation, un objectif d’éveil civique et enfin un objectif économique. En proposant de former tant physiquement qu’intellectuellement toute une génération, le but recherché par la mise en place de cette forme d’encadrement est de faire prendre conscience aux jeunes du pays du « rôle qu’il [leur] convient de jouer dans la préparation de l’avenir national84 », en tant que citoyens mais aussi en tant que travailleurs. Le discours des autorités est à ce titre limpide :

    « Eux qui portent en eux l’espoir, eux qui supporteront, qu’ils le veuillent ou non, les conséquences de nos réussites ou de nos échecs, il est normal qu’ils ne ménagent ni leur temps, ni leurs efforts et participent à l’effort collectif en fournissant au moins une année de travail à la patrie85. »

    68Initialement, l’idée est d’incorporer tous les jeunes non intégrés dans l’armée dans le service civique. Au tournant des années 1960, les autorités sénégalaises considèrent que plus de 40 000 jeunes hommes peuvent être appelés à se présenter devant les commissions de recrutement militaire. Sur ces 40 000 individus, 6 000 sont susceptibles d’être engagés dans l’armée, laissant ainsi 34 000 jeunes disponibles pour le service civique86. Mais le gouvernement ne s’arrête pas là. Dans un rapport de synthèse des travaux d’une commission sur le chômage, les autorités proposent d’élargir les conditions de recrutement du service civique, « non seulement aux jeunes gens susceptibles d’être appelés sous les drapeaux, mais aussi à tous les sans travail valides87 ». Ce commentaire résume parfaitement l’esprit à l’œuvre dans la formulation du service civique : il y a une double volonté d’encadrer et de contrôler une frange importante de la population, tout en luttant par là même contre l’oisiveté en mobilisant de manière obligatoire tous les jeunes inactifs pour le chantier national.

    69Il faut attendre 1965 pour voir une première loi sur le service civique, et ce dans une forme beaucoup moins ambitieuse que prévu initialement, du fait de nombreuses contraintes budgétaires et de visions concurrentielles entre le ministère de la Jeunesse et des Sports et le ministère des Armées. En termes de budget et d’encadrement, le projet pèche par excès d’ambition. Le gouvernement se trouve dans l’incapacité de fournir les cadres nécessaires à la supervision des jeunes et la mise en place concrète des chantiers apparaît bien trop onéreuse, à raison de 1,3 milliard de francs pour l’encadrement pendant une année88. Cependant, diverses formules sont testées pour mobiliser la jeunesse et la faire participer, en travail, au développement national. Un premier essai peu concluant est lancé dès 1959 avec la mise en place de chantiers de jeunes volontaires. Selon une étude du Conseil économique et social du Sénégal sur la situation de la jeunesse du pays, ces chantiers doivent réunir « des jeunes de 14 à 25 ans, en vue de travailler bénévolement à la réalisation d’une œuvre d’intérêt public, telle que la construction de routes, d’écoles, de dispensaires, etc.89 ».

    70Les chantiers de jeunes volontaires ne sont cependant que de courte durée, n’attirant que très peu de monde. Ils sont rapidement reformulés en camps de jeunesse en janvier 1960. Cette nouvelle formule de mobilisation se donne le « souci d’intégrer dans les actions de développement, jeunes chômeurs des villes et jeunes ruraux désœuvrés par la morte-saison afin de les adapter aux tâches de production90 ». On remarque le changement de vocabulaire et d’objectifs. Alors que la formule de 1959, à destination de « jeunes volontaires », incite à participer « bénévolement » à des actions d’intérêt public, le camp de jeunesse quant à lui, est à destination de populations jugées inactives, qu’il faut mettre au travail en milieu rural. Les jeunes doivent encore accomplir des travaux d’intérêt public : construction d’écoles, de marchés, de dispensaires ou de pistes locales91. Plusieurs camps voient le jour entre 1960 et 1962, comme dans le Sud-Est du pays, à Tambacounda où des jeunes aménagent les caniveaux de la ville et plantent des centaines d’arbres, ou encore à Kédougou, où le camp rénove la route principale pour maintenir la liaison avec le reste du pays pendant l’hivernage.

    71En analysant l’esprit et le fonctionnement de ces chantiers, il est difficile de ne pas y voir un certain nombre de ressemblances avec la deuxième portion du contingent. Ces similitudes ne semblent d’ailleurs pas échapper au service juridique de la mission de coopération française qui se demande au début des années 1960 si le service civique est véritablement « un mode d’éducation civique du contingent ou un procédé commode de recrutement de main-d’œuvre pour des travaux d’utilité publique92 » ? Sans pour autant rentrer dans le mimétisme simpliste, on peut remarquer que quand les autorités coloniales voyaient dans la deuxième portion une main-d’œuvre stable et directement disponible pour la « mise en valeur » des colonies, les élites postcoloniales sénégalaises formulent le service civique comme un moyen de mobiliser massivement la jeunesse pour la faire participer économiquement au développement économique du territoire93.

    72Dans les années 1960, Le BIT considère d’ailleurs, en vertu de l’article premier de la convention de 1957 sur l’abolition du travail forcé, que l’enrôlement militaire de la jeunesse à des fins de participation en travail à la construction nationale peut être considéré comme une forme de travail forcé. La réaction du Sénégal et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, dont la plupart ont justement ratifié la convention de 1957 contrairement aux anciennes autorités coloniales, ne se fait pas attendre. Ils réagissent avec virulence, se sentant injustement accusés d’un crime « colonial » alors même que tout leur discours et les politiques menées se veulent être en rupture avec les pratiques coloniales passées94.

    73Le service civique est pensé comme un réservoir de main-d’œuvre et est ainsi détourné de son objectif principal : intégrer la jeunesse dans le projet national. Les jeunes sont alors nombreux à déserter les chantiers, le défaut d’encadrement et de moyens mis en place aidant. Par exemple, dans le camp de jeunesse de Richard-Toll au Nord du pays, le camp est décrit comme « plus une charge qu’un secours95 ». Même son de cloche de la part du gouverneur du Sénégal oriental où est installé le camp de Tambacounda. Dans une lettre de décembre 1960, il s’exprime en ces termes :

    « Il s’agit en effet de savoir si nous voulons procéder à un dépannage ou à une tâche de construction nationale. Pour un dépannage, on accepte la main qui souffre sans même l’examiner ; mais pour une entreprise qui doit modifier les structures d’un pays et relever le standing matériel, intellectuel et moral d’une nation, il faut des ouvriers, c’est-à-dire des gens qui savent ce qu’ils font et ce qu’ils doivent faire. Or les pionniers dont nous disposons sont propres à tout mais ne peuvent rien faire en propre. Il est donc indispensable d’élever leur niveau, d’améliorer leurs possibilités, de leur donner une teinte de spécialisation96. »

    74Cet échec pousse alors les autorités à réfléchir à une nouvelle forme de service civique pour garantir une mobilisation massive et plus effective de la jeunesse.

    Le chantier-école de Savoigne

    75Après l’échec des camps de jeunesse, une nouvelle formule d’encadrement productiviste voit le jour en 1962 avec la mise en place du système des chantiers-écoles. L’ambition principale de ce nouvel essai est d’associer participation active en travail de jeunes recrues – dénommées « pionnier » – à une formation intellectuelle, physique et civique adaptée aux nécessités nationales et intégrée au programme de développement issu de la planification rurale. L’objectif est d’installer des chantiers avec une vocation agricole précise et de former les futurs cadres paysans qui pourront prendre la tête du chantier devenu village-pilote après deux à trois années de formation. L’objectif à terme est de faire tache d’huile pour que ces jeunes pionniers, devenant cadres paysans « animés », puissent transmettre leur savoir aux autres communautés villageoises. On retrouve dans cette nouvelle formule la préoccupation majeure des autorités sénégalaises : encourager la promotion des terroirs tout en luttant contre la congestion des centres urbains en favorisant la (ré)installation de centaines de jeunes dans les campagnes.

    76Le premier chantier-école est installé à Cambérène dans la banlieue est de Dakar en 1962. Seule une petite vingtaine de recrues sont envoyées sur ce chantier tourné vers le jardinage et l’élevage avicole. D’autres chantiers voient le jour à Noto, Sédhiou, Néma ou encore Kédougou, tous organisés par le ministère de l’Éducation populaire, de la Jeunesse et des Sports avec une orientation agricole précise : culture du riz, de la tomate, du coton ou de la pomme de terre. Les projets ne remplissent cependant pas les objectifs escomptés, par manque d’effectif et d’encadrement. Ils sont jugés médiocres par la coopération française97.

    77Prenant acte des difficultés de mise en place des chantiers-écoles, l’armée sénégalaise propose alors de lancer son propre chantier à Savoigne près de Saint-Louis au Nord du Sénégal, prenant le nom de « camp de pionniers98 ». Le choix de Savoigne n’est pas anodin car le village est situé en plein cœur de la vallée du fleuve Sénégal, au bord du Lampsar et entouré de marigots, idéal pour la culture. En octobre 1964, un appel au recrutement est lancé dans le journal Dakar-Matin. L’armée appelle au recrutement de jeunes âgés entre 16 et 20 ans, célibataires, volontaires et reconnus apte à la visite médicale pour s’engager dans ce nouveau chantier dont le leitmotiv est le suivant : « Devenir un citoyen utile capable d’assurer son destin individuel99. »

    78 A posteriori, de sérieux doutes planent sur le caractère volontaire du recrutement des pionniers. Une note émanant de la mission de coopération française indique :

    « On s’est aperçu également, un peu tard hélas, que ces derniers [les pionniers], désignés par les chefs de village, n’étaient volontaires qu’en apparence et que, de plus, lors de leur recrutement, la plupart d’entre eux avaient quinze ou seize ans et non vingt comme requis100. »

    79Environ 150 pionniers sont recrutés, essentiellement dans la région de Podor, et envoyés le 11 novembre 1964 à Savoigne où 500 hectares ont été alloués à l’armée pour installer les champs de cultures et les logements des recrues.

    80La particularité du camp de Savoigne réside dans son encadrement militaire. Le chef d’état-major des armées Jean-Alfred Diallo, à l’initiative de ce projet, maintient des liens étroits pendant toute la durée du chantier avec le village et les recrues. Alioune Ndiaye, un ancien pionnier, se souvient que Diallo visite le camp tous les trois ou quatre mois101. Un lieutenant de l’armée sénégalaise fait office de commandant de la compagnie et est secondé par deux adjudants chefs. Le camp est divisé en 3 sections de 50 recrues dirigées par 3 sergents102. L’encadrement militaire assure une discipline stricte et parfois autoritaire. Alioune Ndiaye se souvient par exemple que le commandant du camp, Ousseynou Sy, le menaça de le mettre arbitrairement en prison : « Je vais te mettre en taule car je ne t’ai jamais vu en taule103. »

    81Les recrues, affublées d’un uniforme militaire, sont soumises à un emploi du temps de caserne. Levée quotidiennement au clairon à 6 heures du matin, la section en charge des activités agricoles commence par s’occuper d’arroser les plantations. Entre 7 heures et 8 heures du matin, les recrues font leur jogging quotidien avant de se rassembler sur la place centrale du camp pour un appel au drapeau104. Après le petit-déjeuner, les recrues sont envoyées sur les différents chantiers jusqu’à la fin de l’après-midi. Vient alors le temps de l’étude jusqu’à la nuit tombée. Ils reçoivent une formation générale d’alphabétisation et certains d’entre eux passent le Certificat de formation élémentaire (CFE). Cet emploi du temps répond à la double mission que se sont fixée les instigateurs du service civique : formation agricole et formation intellectuelle et civique. Des permissions sont accordées le week-end à certaines sections. Les pionniers qui restent sur le camp s’occupent des cultures et montent la garde à tour de rôle, essentiellement pour garder les rizières contre les phacochères105. Les pionniers en permission se dirigent souvent vers Saint-Louis où ils peuvent, après avoir quitté l’uniforme pour des vêtements civils, s’adonner à toutes les activités qu’offre la ville. Certaines photos récupérées à Savoigne montrent les pionniers en tenue vestimentaire citadine, chemise ouverte, lunettes de soleil et jeunes filles au bras.

    82Les trois sections de pionniers sont réparties entre les chantiers de travaux publics et les chantiers agricoles. Au niveau des constructions d’intérêt local, les pionniers réalisent en 1965, avec le soutien du génie militaire sénégalais, un pont pouvant supporter plus de 15 tonnes traversant le Lampsar. Cette construction d’envergure entraîne la mort d’un pionnier qui se noie lors des travaux106. Le pont est cependant inauguré en grande pompe par Léopold Sédar Senghor en personne en juillet 1965. Pour les autorités sénégalaises et l’armée, cette réalisation est le symbole de la réussite du camp de Savoigne. Les pionniers creusent par ailleurs trois puits, un poste de santé et participent à la construction de la piste croisant la route bitumée reliant Saint-Louis à la Mauritanie. Au niveau agricole, un ingénieur agronome français, Erwan le Menn, est envoyé à Savoigne au titre du Volontariat aide et coopération (VAC) mis en place par les accords de coopération entre la France et le Sénégal. Il raconte être arrivé dans le village en 1965, avec pour mission principale de former les pionniers aux techniques agricoles et d’impulser la production des cultures. La production de 1965-1966 est plutôt bonne : 24,4 tonnes de riz Paddy, 4 tonnes de tomates et plusieurs tonnes de pommes de terre107. Les pionniers plantent par ailleurs près de 500 arbres fruitiers dont certains donnent des fruits encore aujourd’hui.

    83Selon les termes initiaux du contrat passé entre l’armée et les pionniers, le camp doit être transformé en village-pilote autonome en novembre 1966. Les pionniers se sédentarisent sur le village et continuent de cultiver des terres, qui à présent leur appartiennent. Cependant, malgré les réalisations du camp, les autorités sénégalaises jugent que les recrues sont encore trop jeunes et ne sont pas encore prêtes pour être livrées à elles-mêmes sur le village. Il est vrai que toutes les cases censées héberger les villageois ne sont pas encore achevées, la formation agricole des recrues reste rudimentaire et les constructions d’intérêt local, bien que réalisées par les pionniers, sont avant tout le résultat de l’investissement humain et matériel des équipes du génie militaire108. Le chantier ne peut d’ailleurs pas fonctionner de manière autonome puisqu’il a été soutenu de manière indirecte par des crédits prélevés sur le budget militaire, à hauteur de 50 millions de francs CFA109.

    84Le 7 novembre 1966, soit une semaine avant la transformation du chantier-école en village autonome, les pionniers sont informés que le camp est prolongé et qu’ils doivent rester un an de plus. Du côté des pionniers, le choix leur est donné de continuer l’aventure ou de partir : « 60 élèves se déclaraient volontaires pour continuer l’expérience, 40 sollicitaient des délais pour consulter leurs parents. Le reste se déclarait hostile et réclamait l’érection, sans plus de délai, du “village coopératif”110. » Le soir même, une réunion est organisée par un petit nombre de recrues qui décident collectivement de refuser de travailler le lendemain. Dans la nuit du 7 au 8 novembre un certain nombre de parcelles sont mises à sac, même si les dégâts restent limités111. Près d’une cinquantaine de pionniers quittent effectivement le village112, et ceux qui restent, à l’image d’Alioune Diaye, bien que déçus d’avoir été en quelque sorte trompés par les autorités, comptent bien, à terme, recevoir les terres promises pour continuer leurs cultures113. Le camp de Savoigne est « libéré » – selon le terme des autorités – en novembre 1967114 et transformé en village-coopératif comme prévu initialement. Un premier chef de village est nommé, Aboudlaye Sarr Dieng115.

    85Il semble qu’une partie des tensions réside dans un malentendu entre pionniers et autorités sénégalaises sur les objectifs initiaux du projet. Alors qu’il est clair pour les autorités que le camp de Savoigne a pour ambition initiale de sédentariser dans les campagnes des jeunes afin de dynamiser la région au niveau agricole, beaucoup de pionniers pensent que l’expérience de Savoigne allait leur servir de tremplin pour justement sortir de la campagne afin de trouver un travail dans une entreprise de la région ou aller s’installer en ville. Que ce soit Alioune Ndyaye, Malick Bâ ou d’autres pionniers rencontrés sur place, ils avouent tous avoir été déçus du manque d’opportunité de travail dans les entreprises de la région offert par le chantier. On se retrouve alors en plein cœur du conflit générationnel soulevé précédemment, entre une jeunesse le plus souvent attirée par la ville et des autorités politiques qui tentent quant à elles de lutter contre la déruralisation du territoire, dénonçant l’individualisme de la jeunesse dans un contexte d’implantation d’un socialisme autogestionnaire tourné vers les zones rurales.

    86Deux anecdotes appuient cette hypothèse. Erwan le Menn se souvient de plusieurs requêtes de pionniers. Un matin, plusieurs dizaines de jeunes demandent au coopérant français d’installer des toits de tôles à la place des toits de paille sur les cases. Le Menn refuse au motif que les toits de tôle, plats, sont des conducteurs de chaleur et que les cases deviendraient invivables. Devant l’insistance des pionniers, il les laisse essayer. Il ne leur fallut pas même deux jours pour retourner au toit de paille, la case ayant été transformée en véritable étuve. Plus tard, les pionniers exigent des serrures à l’entrée de chaque case afin de bien délimiter leur espace privé de la vie en collectivité : sans succès, la direction du chantier refuse116. Ces deux anecdotes sont révélatrices d’un désir de la part des jeunes pionniers de rompre avec l’environnement social et matériel qui symbolise la campagne. Que ce soit le toit de tôle, la serrure, ou même leur tenue vestimentaire quand ils sont en permission à Saint-Louis, tous ces exemples suggèrent l’aspiration de ces jeunes ruraux à une certaine « modernité » de l’époque, le plus souvent incarnée par le mode de vie citadin.

    87À travers les difficultés rencontrées à Savoigne ou les échecs des différentes expériences de service civique précédentes, ces exemples rappellent les limites de la conception réifiante et utilitariste de la jeunesse faite par les autorités sénégalaises. À force d’invoquer l’importance de la mobilisation de la jeunesse sans pour autant en définir précisément les contours, ce projet initial d’intégration civique de la jeunesse a été vite transformé en réservoir de main-d’œuvre. Les autorités ne se sont au final que très peu interrogées sur les intérêts multiples et les aspirations particulières de la jeunesse, impactant dès lors l’effectivité des chantiers mis en place.

    88Comment qualifier l’expérience de Savoigne ? Décrit par les autorités comme une réussite mais décriée par certains pionniers déçus des promesses non tenues, l’expérience de Savoigne reste néanmoins originale à plus d’un titre. Du côté des autorités sénégalaises, Savoigne symbolise à l’échelle locale la ligne de conduite de la politique de développement du pays, tournée avant tout vers la dynamisation des terroirs. Du côté des pionniers, Savoigne constitue une étape de vie pour cette centaine de jeunes qui partagèrent leur quotidien pendant près de trois années. L’expérience est d’autant plus marquante qu’au lendemain de la transformation du camp en village coopératif, les pionniers décident de monter une association pour garder contact entre eux et faire vivre la mémoire du village. Cette association perdure jusqu’à maintenant et organise un rassemblement annuel, où des dizaines d’anciens pionniers, disséminés dans toute la sous-région font le déplacement chaque année pour revenir sur les lieux de la fin de leur adolescence.

    Conclusion

    89L’animation rurale, l’investissement humain ou le service civique éclairent trois points importants du projet socialiste sénégalais. En premier lieu, la volonté des autorités postcoloniales à construire de nouvelles relations entre les populations et l’État dans le cadre du développement économique et social du territoire. En rupture avec la période coloniale, les autorités sénégalaises ont fait de la construction nationale et de la promotion des masses rurales le fer de lance de la doctrine politique et économique du pays.

    90En second lieu, ce chapitre a souligné comment ces programmes de développement établis dans les années 1960 se sont parfois inspirés de la même rhétorique, des mêmes formes d’encadrement, de mobilisation et de mise au travail, que le modèle colonial. La dénonciation de la paresse et les formes de participation en travail imposées aux populations rurales et à la jeunesse font en effet écho à certaines pratiques usitées de manière quotidienne pendant le moment colonial. Enfin, la lourdeur des structures de développement, la relative inefficacité des agents sur le terrain incapable d’assumer la polyvalence des dispositifs, et un certain dirigisme des élites locales coupées des masses rurales ont limité les résultats effectifs des projets.

    91Les autorités sénégalaises ont eu en effet tendance à invoquer l’intérêt des populations et la nécessité de développement comme slogan gouvernemental sans pour autant s’interroger réellement sur les intérêts particuliers des populations et les besoins du « collectif à développer ». La doctrine politique et économique des autorités sénégalaises après l’indépendance s’est construite autour d’une image réifiée du monde rural et de la jeunesse, fantasmant dans bien des cas l’idée d’un collectivisme inné de la paysannerie « traditionnelle », ou d’une mobilisation spontanée de la jeunesse, sans prendre en compte les particularismes locaux et les dynamiques individuelles (rapport d’âge, de genre, influence des hiérarchies au sein des villages, etc.). La forte charge politique et idéologique de l’animation rurale, des projets d’investissement humain ou du service civique a ainsi aveuglé les autorités qui se préoccupaient, au final, plus des retombées politiques que des réalisations concrètes.

    92Ce chapitre se saurait cependant se réduire à une simple « analytique de l’échec117 », tendant à opposer les projets politiques portés par les élites au pouvoir aux réalisations effectives sur le terrain. Il faut l’envisager comme un appel à continuer de tracer le sillon fertile de nouvelles recherches permettant d’éclairer l’histoire sociale des constructions nationales en Afrique, au lendemain des indépendances.

    Notes de bas de page

    1ANS, fond de la vice-présidence du gouvernement du Sénégal, VP269, note sur le service civique national, non daté (probablement début années 1960).

    2Propos tiré du film de Mbaye Ousmane William, Président Dia, France/Sénégal, Autoproduction, 2012, 54 min.

    3Sur les détails de cette crise qui aboutit à l’éviction de Mamadou Dia voir l’ouvrage de l’ancien directeur de cabinet de Mamadou Dia, Colin Roland, Sénégal notre pirogue, Au soleil de la liberté, Journal de bord 1955-1980, Paris, Présence Africaine, 2007. Voir aussi l’ouvrage de Camara Ousmane, ancien président de la cour suprême du Sénégal, Mémoires d’un juge africain : itinéraire d’un homme libre, Paris, Karthala, 2010. Le film de Ousmane William Mbaye propose aussi un éclairage intéressant sur cette période – dont l’évocation reste encore délicate aujourd’hui encore au Sénégal – au travers de la perspective de Mamadou Dia et de ses anciens collaborateurs.

    4ANS, 11D1/181, bulletin de liaison publié par le ministère du Développement et du Plan, non daté (probablement au début des années 1960).

    5Léopold Sédar Senghor s’inspire de l’explication par Marx du colonialisme mais juge ses autres concepts, comme la lutte des classes par exemple, inadapté au contexte africain. La pensée de Theillard de Chardin vient alors contrebalancer les apories du marxisme. Pour plus de détails voir Boey Conrad, « Confiance et méfiance de L. S. Senghor à l’égard de K. Marx », in Journées africaines, Voies africaines du socialisme, Louvain, Bibliothèque de l’étoile, 1963, p. 49-62.

    6Smith Etienne, « “Senghor voulait qu’on soit tous des Senghor” : parcours nostalgiques d’une génération de lettrés », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 118, 2013, p. 92.

    7Propos tenus par Mamadou Dia en clôture du « colloque sur les politiques de développement et les diverses voies africaines vers le socialisme (Dakar, 3-8 décembre 1962) ». Cité par Diop Momar-Coumba, « Du “socialisme africain” à la “lutte contre la pauvreté” : la fin des ambitions du développement », in Gaye Daffé et Abdoulaye Diagne (dir.), Le Sénégal face aux défis de la pauvreté. Les oubliés de la croissance, Paris, Karthala, 2008, p. 326.

    8Dia Mamadou, Nations africaines et solidarité mondiale, Paris, PUF, 1960, p. 84.

    9Voir pour plus de détail Seck Assane, Sénégal, émergence d’une démocratie moderne (1945-2005) : un itinéraire politique, Paris, Karthala, 2005, p. 76.

    10Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale base essentielle de tout développement. Où en est l’expérience sénégalaise ? », Afrique documents, 1963, p. 117.

    11Cette dynamique se retrouve dans une grande partie des pays d’Afrique de l’Ouest et pêche souvent par son biais réifiant de la « paysannerie ». Voir à ce titre l’article de Chauveau Jean-Pierre, « Participation paysanne et populisme bureaucratique. Essai d’histoire et de sociologie de la culture du développement », in Jean-Pierre Jacob et Philippe Lavigne Delville (dir.), Les associations paysannes en Afrique : organisation et dynamiques, Paris, Karthala, 1994, p. 25-60. L’auteur voit dans le discours sur la participation paysanne par les leaders des États indépendants une forme reconvertie de la rhétorique de l’agrarisme colonial : oppositions mythifiées monde rural et monde urbain, « voie paysanne » du développement, etc.

    12Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 117.

    13Dia Mamadou, Réflexions sur l’économie de l’Afrique noire, Paris, Présence africaine, 1960, p. 137.

    14ANS, VP269, note sur le service civique national, non daté (probablement début années 1960).

    15Smith Étienne, « Senghor voulait qu’on soit tous des Senghor… », art. cité, p. 92.

    16Mamadou Dia cité par Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 224.

    17Ibid.

    18Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 123.

    19Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 174. Les CER sont mis en place sous le régime colonial. Ils sont ensuite transformés par Mamadou Dia en un organe polyvalent au sein duquel devaient figurer les représentants des différents services du développement en milieu rural. Les CER deviennent ensuite CERP (Centres d’expansion rurale polyvalent).

    20Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 75.

    21Le mouvement coopératif est loin d’être une originalité sénégalaise. Voir Gentil Dominique, Les mouvements coopératifs en Afrique de l’Ouest, Paris, L’Harmattan, 1986.

    22Sur l’histoire des sociétés de prévoyance, voir Sow Abdoul, Les sociétés indigènes de prévoyance du Sénégal des origines à 1947, thèse de doctorat en histoire, UCAD, 1984.

    23Mamadou Dia cité par Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 111.

    24Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 227.

    25ANS, VP252, organe mensuel de liaison des coopératives du Delta, 10 janvier 1951.

    26Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 237.

    27Voir en particulier l’article de Nim Casswell sur l’ONCAD où il montre comment cet organisme a fini par menacer la stabilité politique du mouvement coopératif qu’il était pourtant censé créer. Casswell Nim, « Autopsie de l’ONCAD : la politique arachidière au Sénégal, 1966-1980 », Politique africaine, no 14, 1984, p. 39-73.

    28Voir à ce titre l’article de Tricart Jean, « Technocrates et milieu naturel au Sénégal », Annales de Géographie, no 553, vol. 99, 1990, p. 328-335.

    29Bâ Abdoulaye, « Il ne peut y avoir de développement sans urbanisation. L’afflux des ruraux, attirés par le mirage de la cité, pose le problème de son extension », Dakar-Matin, 15 juin 1964.

    30Ibid.

    31Voir à ce titre l’article de Gary-Tounkara Daouda, « Quand les migrants demandent la route, Modibo Keïta rétorque : “retournez à la terre !”. Les Baragnini et la désertion du “chantier national” (1958-1968) », Mande Studies, no 5, 2003, p. 49-64.

    32Le journal devient Dakar-Matin en 1961. Diallo Bineta, « Travaillez, prenez de la peine… », Paris-Dakar, 9 mai 1960.

    33« Le laboureur et ses enfants », livre V, fable 9.

    34Diallo Bineta, « Travaillez, prenez de la peine… », Paris-Dakar, 9 mai 1960.

    35ANS, 11D1/181, bulletin de liaison publié par le ministère du Développement et du Plan, non daté (probablement au début des années 1960).

    36Ibid.

    37Fall Babacar, Le travail au Sénégal… op. cit., p. 15. Selon Fall, une chanson en son nom est encore chantée de nos jours dans le Kajoor et le Bawool, régions wolof du Sénégal.

    38Voir le décret du 29 mars 1923 portant répression du vagabondage en AOF.

    39Voir Diop Momar-Coumba, « L’administration sénégalaise et la gestion des “fléaux sociaux”. L’héritage colonial », in Charles Becker, Saliou Mbaye et Ibrahima Thioub (dir.), AOF : réalités et héritages…, op. cit., p. 1128-1150 ; Faye Ousseynou et Thioub Ibrahima, « Les marginaux et l’État à Dakar », Le Mouvement Social, no 204, 2003, p. 93-108. Pour la notion d’« encombrements humains » qui remplace le terme de « fléaux sociaux » dans les années 1970, voir Collignon René, « La lutte des pouvoirs publics contre les “encombrements humains” à Dakar », Canadian Journal of African Studies, no 3, vol. 18, 1984, p. 573-582 ; Ndiaye Amadou Moustapha, Des « fléaux sociaux » aux « encombrements humains » : essai d’approche de l’évolution de la sensibilité aux questions sociales à travers la presse quotidienne sénégalaise de 1960 à 1975, thèse de doctorat en philosophie, UCAD, Dakar, 1979.

    40John Lonsdale parle d’ailleurs de « new civilising mission of “development” ». Lonsdale John, « Political Accountability in African History », in Patrick Chabal (dir.), Political Domination in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, p. 153.

    41La notion est quelquefois utilisée dès le début années 1950 pour l’organisation des projets locaux du FERDES. Le FERDES est créé en AOF en 1949 et est destiné à financer un « grand programme de petits travaux » dans les colonies.

    42Guichaoua André, « Les “travaux communautaires” en Afrique centrale », Tiers-Monde, no 127, vol. 32, 1991, p. 491.

    43ANS, VP269, note sur l’investissement humain, non daté (probablement 1960-1961).

    44Présidence du Conseil du Sénégal, Commissariat général au plan, direction de l’Animation, L’investissement-humain dans le développement socialiste, Dakar, le Bureau d’études, 1962.

    45Dans un ouvrage d’inspiration marxiste, Moussa Touré indique que le travail forcé est une des raisons principales du sous-emploi après l’indépendance. Touré Moussa, Contribution à l’étude de « l’investissement humain » en Afrique noire, Paris, La Pensée universelle, 1976.

    46Ibid., p. 24.

    47ANS, VP204, allocution radiodiffusée prononcée par le gouverneur de la région du Cap-Vert, non daté (probablement début des années 1960).

    48Dia Mamadou, Réflexions…, op. cit., p. 137.

    49ANS, VP269, note sur l’investissement humain, non daté (probablement 1960-1961).

    50ANS, VP269, note sur l’investissement humain, début des années 1960.

    51Ibid.

    52ANS, VP269, note sur l’investissement humain, non daté (probablement 1960-1961).

    53Ibid.

    54ANS, 11D1/207, rapport sur l’emploi du train routier dans le cercle de Bignona, 2 septembre 1960.

    55Ibid.

    56Débroussaillage, élagage des arbres, remplissage des bennes avec du sable, étalage du sable sur la route, etc. Ibid.

    57Présidence du Conseil du Sénégal, Commissariat général au plan, direction de l’Animation, L’investissement-humain…, op. cit., p. 12.

    58Voir la vidéo complète à l’adresse suivante : [http://fresques.ina.fr/independances/fiche-media/Indepe00101/la-federation-du-mali-un-projet-politique-original.html], consulté le 28 juin 2018.

    59Ibid.

    60Projet d’aménagement du delta et de la vallée du fleuve Sénégal.

    61ANS, VP253, PV de la réunion à Ross-Bethio de l’équipe polyvalente de l’OAD et de tous les présidents des coopératives et aires rizicoles du ressort de cet organisme, 23 novembre 1962.

    62Ibid.

    63Ibid.

    64Anonyme, « Important investissement humain à Grand Dakar », Dakar-Matin, non daté [milieu des années 1960].

    65Ibid.

    66Faye Abdoulaye, « À Kolda, trois kilomètres de caniveaux ont été creusés au cours d’un investissement humain », Dakar-Matin, non daté [milieu des années 1960].

    67Anonyme, « Important investissement humain pour la construction de la piste de Dakar », Dakar-Matin, 25 février 1965.

    68Ibid.

    69Ibid.

    70Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 121.

    71Unesco, Sénégal. Plan d’un programme en faveur de l’éducation extrascolaire des jeunes, Paris, Unesco, 1969, p. 6.

    72En majuscules dans le texte. ANS, 2G60/08, ministère de la Jeunesse et des Sports du Sénégal, discours de Mamadou Dia, vers 1960.

    73Bâ Abdoulaye, « L’avenir de notre jeunesse dépend de ses loisirs. Un Sénégalais sur deux est un “moins de 20 ans” », Dakar-Matin, 25 mai 1964.

    74Ibid.

    75ANS, VP269, note sur le service civique national, début années 1960.

    76Ibid.

    77On remarquera à ce titre l’absence de réflexion des autorités sur le genre et la place des femmes et des jeunes filles dans le chantier national. Que ce soit dans le régime de Senghor ou d’autres gouvernements en Afrique de l’Ouest, la rhétorique politique de la construction nationale s’est formulée autour d’une mystique familiale où l’homme incarne le chef de famille et la femme la mère, reproduisant par là même des rapports masculinistes de pouvoir et de contrainte construisant l’homme comme seule tête de pont du développement.

    78Mbembe Achille, Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 1985, p. 14.

    79Voir en particulier Havard Jean-François, « Tuer les “Pères des indépendances” ? Comparaison de deux générations politiques post-indépendances au Sénégal et en Côte d’Ivoire », Revue internationale de politique comparée, no 2, vol. 16, 2009, p. 315-331.

    80Abdoulaye Bâ, « Du camp de jeunesse au chantier-école du Service Civique : une expérience originale qui mérite d’être soutenue moralement et financièrement », Dakar-Matin, 17 mai 1966.

    81Voir Almeida-Topor Hélène d’et Goerg Odile (dir.), Le mouvement associatif des jeunes en Afrique noire francophone au xxe siècle, Paris, L’Harmattan, 1989. Des mouvements de type scoutisme, des associations culturelles sportives et un mouvement pionnier se développent au Sénégal au lendemain de l’indépendance. Les organisations de jeunesse sont néanmoins beaucoup moins importantes que chez le voisin malien par exemple, dans un contexte d’encadrement par l’État des flux migratoires afin d’endiguer l’exode rural. Voir à ce titre la thèse de Nedelec Serge, Jeunesses, sociétés et État au Mali au xxe siècle, thèse de doctorat en histoire, Paris 7, 1994.

    82Abdoulaye Bâ, « Du camp de jeunesse au chantier-école du Service Civique : une expérience originale qui mérite d’être soutenue moralement et financièrement », Dakar-Matin, 17 mai 1966.

    83Cette initiative s’inscrit dans un mouvement plus large d’établissement de services civiques dans une majorité de pays africains au cours des années 1960.

    84ANS, VP269, note sur le service civique national, non daté (probablement début années 1960).

    85Ibid.

    86ANS, VP269, service civique, premières options à prendre immédiatement, non daté (début années 1960). La réalité du service civique mis en place en 1965 fut beaucoup moins ambitieuse.

    87ANS, VP302, rapport de synthèse sur les travaux de la commission sur le chômage, 1959.

    88ANS, VP269, service civique, premières options à prendre immédiatement, début année 1960.

    89Unesco, Sénégal. Plan d’un…, op. cit., p. 48.

    90Ibid., p. 48-49.

    91ANS, 2G60/08, ministère de la Jeunesse et des Sports, camps de jeunesse, vers 1960.

    92Centre des archives diplomatiques de Nantes (CADN), fond Ambassade de France à Dakar, 184PO/1, dossier 383 « Service civique », note sur l’organisation du service civique au Sénégal par le service juridique de mission aide et coopération, 30 octobre 1962.

    93Dans le cadre du Mali, Catherine Bogosian a montré comment les populations ont fait une association directe entre le service civique de Modibo Keita et les contingents de travailleurs forcés, enrôlés dans la deuxième portion pour les chantiers du territoire, le STIN en particulier. Voir le chapitre « “Littlefarming soldiers” : the Service Civique and the short term legacy of the deuxieme portion ». Bogosian Catherine, Forced labor, resistance and memory…, op. cit., p. 242-250.

    94Voir à ce titre l’article de Maul Daniel Roger, « The International Labour Organization… », art. cité.

    95Unesco, Sénégal. Plan d’un…, op. cit., p. 45.

    96ANS, VP275, gouverneur de la région du Sénégal oriental au ministre du Plan, du Développement et de la Coopération technique, projets de développement, 14 décembre 1960.

    97CADN, 184PO/1, dossier 383 « Service civique », note sur l’organisation du service civique au Sénégal par le chef de mission aide et coopération, 21 avril 1964.

    98Pour le détail du rôle de l’armée dans la prise d’initiative de ce projet, voir Tiquet Romain, « Service civique et développement : une utopie au cœur des relations entre armée et pouvoir politique au Sénégal (1960-1968) », Afrique Contemporaine, no 260, 2016, p. 45-59.

    99Anonyme, « L’Armée Sénégalaise recrute de jeunes Pionnier pour le chantier école de Savoigne », Dakar-Matin, 24 octobre 1964.

    100CADN, 184PO/1, dossier 326 « Camp de pionniers de Savoigne », ambassadeur de France au ministre des Affaires étrangères, le camp de pionniers de Savoigne, 16 novembre 1966. L’ambassadeur se trompe puisque l’appel de recrutement stipule à partir de 16 ans. Selon le Menn, la source est sans doute le lieutenant-colonel Étienne, conseiller militaire français auprès du général Diallo avec lequel le Menn traitait des affaires courantes.

    101Entretien avec Alioune Diaye, Savoigne, 22 janvier 2015.

    102Les commandants de compagnie sont tour à tour Souleymane Bâ, Ousseynou Sy et un certain Cissé. Les adjudants : Yoro Diana et Guèye. Les sergents de section : Demba Wade, Dimanko Dia et Babacar Bamba. Document anonyme. Selon le Menn, ce n’est pas le lieutenant – qui craint sa hiérarchie – qui commande le camp de pionnier mais plutôt l’adjudant chef Yoro Diana qui a le respect des pionniers. Une dénonciation anonyme de maltraitance contre Diana est même envoyée à l’état-major qui suspend l’adjudant chef. Les pionniers cessent alors le travail et après enquête et conciliation, l’adjudant chef est réaffecté à Savoigne et le chantier se remet à fonctionner. Entretien avec Erwan le Menn, septembre 2015.

    103Entretien avec Alioune Diaye, Savoigne, 22 janvier 2015. Les avis sont donc partagés sur le commandant du camp. Certains pionniers ont décrit le lieutenant comme autoritaire alors même que le Menn le considérait comme inactif et « indolent ». Entretien avec Erwan le Menn, septembre 2015.

    104Entretien avec Malick Bâ, Savoigne, 24 janvier 2015.

    105Entretien avec Erwan le Menn, septembre 2015.

    106Journal de bord anonyme, 3 février 1965.

    107Anonyme, « Le Ministre des Forces Armées a fait le bilan du chantier-école de Savoigne », Dakar-Matin, 4 février 1967.

    108Le Menn a pointé du doigt à plusieurs reprises le manque d’autonomie des recrues.

    109CADN, 184PO/1, dossier 326 « Camp de pionniers de Savoigne », conseiller militaire de l’Ambassade de France au Sénégal, note de renseignements sur le camp de Savoigne, 15 novembre 1966.

    110Ibid.

    111Le Menn suggère qu’un meneur extérieur d’un parti politique d’opposition a été à la tête de cette fronde mais il a été impossible de vérifier cette information. Entretien téléphonique avec Erwan le Menn, 12 avril 2014.

    112Gillette A., « Les services civiques de jeunesse dans le développement de l’Afrique rurale : nouvelles réflexions sur l’art de coiffer Saint-Pierre sans décoiffer Saint-Paul », Cahiers de l’animation, no 18, 1977, p. 33.

    113Entretien avec Alioune Diaye, Savoigne, 22 janvier 2015.

    114Anonyme, « Le Général J. Alfred Diallo a présidé à Savoigne la cérémonie de fin de cycle du Chantier-école », Dakar-Matin, 6 décembre 1967.

    115République du Sénégal, région du fleuve, décision portant nomination de chef de village de Savoigne (département de Dagana), 14 novembre 1967.

    116Entretien téléphonique avec Erwan le Menn, 12 avril 2014.

    117Wilder Gary, The French Imperial Nation-state : Negritude and Colonial Humanism between the Two World Wars, Chicago, University of Chicago Press, 2005, p. 78.

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    1ANS, fond de la vice-présidence du gouvernement du Sénégal, VP269, note sur le service civique national, non daté (probablement début années 1960).

    2Propos tiré du film de Mbaye Ousmane William, Président Dia, France/Sénégal, Autoproduction, 2012, 54 min.

    3Sur les détails de cette crise qui aboutit à l’éviction de Mamadou Dia voir l’ouvrage de l’ancien directeur de cabinet de Mamadou Dia, Colin Roland, Sénégal notre pirogue, Au soleil de la liberté, Journal de bord 1955-1980, Paris, Présence Africaine, 2007. Voir aussi l’ouvrage de Camara Ousmane, ancien président de la cour suprême du Sénégal, Mémoires d’un juge africain : itinéraire d’un homme libre, Paris, Karthala, 2010. Le film de Ousmane William Mbaye propose aussi un éclairage intéressant sur cette période – dont l’évocation reste encore délicate aujourd’hui encore au Sénégal – au travers de la perspective de Mamadou Dia et de ses anciens collaborateurs.

    4ANS, 11D1/181, bulletin de liaison publié par le ministère du Développement et du Plan, non daté (probablement au début des années 1960).

    5Léopold Sédar Senghor s’inspire de l’explication par Marx du colonialisme mais juge ses autres concepts, comme la lutte des classes par exemple, inadapté au contexte africain. La pensée de Theillard de Chardin vient alors contrebalancer les apories du marxisme. Pour plus de détails voir Boey Conrad, « Confiance et méfiance de L. S. Senghor à l’égard de K. Marx », in Journées africaines, Voies africaines du socialisme, Louvain, Bibliothèque de l’étoile, 1963, p. 49-62.

    6Smith Etienne, « “Senghor voulait qu’on soit tous des Senghor” : parcours nostalgiques d’une génération de lettrés », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 118, 2013, p. 92.

    7Propos tenus par Mamadou Dia en clôture du « colloque sur les politiques de développement et les diverses voies africaines vers le socialisme (Dakar, 3-8 décembre 1962) ». Cité par Diop Momar-Coumba, « Du “socialisme africain” à la “lutte contre la pauvreté” : la fin des ambitions du développement », in Gaye Daffé et Abdoulaye Diagne (dir.), Le Sénégal face aux défis de la pauvreté. Les oubliés de la croissance, Paris, Karthala, 2008, p. 326.

    8Dia Mamadou, Nations africaines et solidarité mondiale, Paris, PUF, 1960, p. 84.

    9Voir pour plus de détail Seck Assane, Sénégal, émergence d’une démocratie moderne (1945-2005) : un itinéraire politique, Paris, Karthala, 2005, p. 76.

    10Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale base essentielle de tout développement. Où en est l’expérience sénégalaise ? », Afrique documents, 1963, p. 117.

    11Cette dynamique se retrouve dans une grande partie des pays d’Afrique de l’Ouest et pêche souvent par son biais réifiant de la « paysannerie ». Voir à ce titre l’article de Chauveau Jean-Pierre, « Participation paysanne et populisme bureaucratique. Essai d’histoire et de sociologie de la culture du développement », in Jean-Pierre Jacob et Philippe Lavigne Delville (dir.), Les associations paysannes en Afrique : organisation et dynamiques, Paris, Karthala, 1994, p. 25-60. L’auteur voit dans le discours sur la participation paysanne par les leaders des États indépendants une forme reconvertie de la rhétorique de l’agrarisme colonial : oppositions mythifiées monde rural et monde urbain, « voie paysanne » du développement, etc.

    12Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 117.

    13Dia Mamadou, Réflexions sur l’économie de l’Afrique noire, Paris, Présence africaine, 1960, p. 137.

    14ANS, VP269, note sur le service civique national, non daté (probablement début années 1960).

    15Smith Étienne, « Senghor voulait qu’on soit tous des Senghor… », art. cité, p. 92.

    16Mamadou Dia cité par Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 224.

    17Ibid.

    18Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 123.

    19Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 174. Les CER sont mis en place sous le régime colonial. Ils sont ensuite transformés par Mamadou Dia en un organe polyvalent au sein duquel devaient figurer les représentants des différents services du développement en milieu rural. Les CER deviennent ensuite CERP (Centres d’expansion rurale polyvalent).

    20Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 75.

    21Le mouvement coopératif est loin d’être une originalité sénégalaise. Voir Gentil Dominique, Les mouvements coopératifs en Afrique de l’Ouest, Paris, L’Harmattan, 1986.

    22Sur l’histoire des sociétés de prévoyance, voir Sow Abdoul, Les sociétés indigènes de prévoyance du Sénégal des origines à 1947, thèse de doctorat en histoire, UCAD, 1984.

    23Mamadou Dia cité par Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 111.

    24Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 227.

    25ANS, VP252, organe mensuel de liaison des coopératives du Delta, 10 janvier 1951.

    26Colin Roland, Sénégal notre pirogue…, op. cit., p. 237.

    27Voir en particulier l’article de Nim Casswell sur l’ONCAD où il montre comment cet organisme a fini par menacer la stabilité politique du mouvement coopératif qu’il était pourtant censé créer. Casswell Nim, « Autopsie de l’ONCAD : la politique arachidière au Sénégal, 1966-1980 », Politique africaine, no 14, 1984, p. 39-73.

    28Voir à ce titre l’article de Tricart Jean, « Technocrates et milieu naturel au Sénégal », Annales de Géographie, no 553, vol. 99, 1990, p. 328-335.

    29Bâ Abdoulaye, « Il ne peut y avoir de développement sans urbanisation. L’afflux des ruraux, attirés par le mirage de la cité, pose le problème de son extension », Dakar-Matin, 15 juin 1964.

    30Ibid.

    31Voir à ce titre l’article de Gary-Tounkara Daouda, « Quand les migrants demandent la route, Modibo Keïta rétorque : “retournez à la terre !”. Les Baragnini et la désertion du “chantier national” (1958-1968) », Mande Studies, no 5, 2003, p. 49-64.

    32Le journal devient Dakar-Matin en 1961. Diallo Bineta, « Travaillez, prenez de la peine… », Paris-Dakar, 9 mai 1960.

    33« Le laboureur et ses enfants », livre V, fable 9.

    34Diallo Bineta, « Travaillez, prenez de la peine… », Paris-Dakar, 9 mai 1960.

    35ANS, 11D1/181, bulletin de liaison publié par le ministère du Développement et du Plan, non daté (probablement au début des années 1960).

    36Ibid.

    37Fall Babacar, Le travail au Sénégal… op. cit., p. 15. Selon Fall, une chanson en son nom est encore chantée de nos jours dans le Kajoor et le Bawool, régions wolof du Sénégal.

    38Voir le décret du 29 mars 1923 portant répression du vagabondage en AOF.

    39Voir Diop Momar-Coumba, « L’administration sénégalaise et la gestion des “fléaux sociaux”. L’héritage colonial », in Charles Becker, Saliou Mbaye et Ibrahima Thioub (dir.), AOF : réalités et héritages…, op. cit., p. 1128-1150 ; Faye Ousseynou et Thioub Ibrahima, « Les marginaux et l’État à Dakar », Le Mouvement Social, no 204, 2003, p. 93-108. Pour la notion d’« encombrements humains » qui remplace le terme de « fléaux sociaux » dans les années 1970, voir Collignon René, « La lutte des pouvoirs publics contre les “encombrements humains” à Dakar », Canadian Journal of African Studies, no 3, vol. 18, 1984, p. 573-582 ; Ndiaye Amadou Moustapha, Des « fléaux sociaux » aux « encombrements humains » : essai d’approche de l’évolution de la sensibilité aux questions sociales à travers la presse quotidienne sénégalaise de 1960 à 1975, thèse de doctorat en philosophie, UCAD, Dakar, 1979.

    40John Lonsdale parle d’ailleurs de « new civilising mission of “development” ». Lonsdale John, « Political Accountability in African History », in Patrick Chabal (dir.), Political Domination in Africa, Cambridge, Cambridge University Press, p. 153.

    41La notion est quelquefois utilisée dès le début années 1950 pour l’organisation des projets locaux du FERDES. Le FERDES est créé en AOF en 1949 et est destiné à financer un « grand programme de petits travaux » dans les colonies.

    42Guichaoua André, « Les “travaux communautaires” en Afrique centrale », Tiers-Monde, no 127, vol. 32, 1991, p. 491.

    43ANS, VP269, note sur l’investissement humain, non daté (probablement 1960-1961).

    44Présidence du Conseil du Sénégal, Commissariat général au plan, direction de l’Animation, L’investissement-humain dans le développement socialiste, Dakar, le Bureau d’études, 1962.

    45Dans un ouvrage d’inspiration marxiste, Moussa Touré indique que le travail forcé est une des raisons principales du sous-emploi après l’indépendance. Touré Moussa, Contribution à l’étude de « l’investissement humain » en Afrique noire, Paris, La Pensée universelle, 1976.

    46Ibid., p. 24.

    47ANS, VP204, allocution radiodiffusée prononcée par le gouverneur de la région du Cap-Vert, non daté (probablement début des années 1960).

    48Dia Mamadou, Réflexions…, op. cit., p. 137.

    49ANS, VP269, note sur l’investissement humain, non daté (probablement 1960-1961).

    50ANS, VP269, note sur l’investissement humain, début des années 1960.

    51Ibid.

    52ANS, VP269, note sur l’investissement humain, non daté (probablement 1960-1961).

    53Ibid.

    54ANS, 11D1/207, rapport sur l’emploi du train routier dans le cercle de Bignona, 2 septembre 1960.

    55Ibid.

    56Débroussaillage, élagage des arbres, remplissage des bennes avec du sable, étalage du sable sur la route, etc. Ibid.

    57Présidence du Conseil du Sénégal, Commissariat général au plan, direction de l’Animation, L’investissement-humain…, op. cit., p. 12.

    58Voir la vidéo complète à l’adresse suivante : [http://fresques.ina.fr/independances/fiche-media/Indepe00101/la-federation-du-mali-un-projet-politique-original.html], consulté le 28 juin 2018.

    59Ibid.

    60Projet d’aménagement du delta et de la vallée du fleuve Sénégal.

    61ANS, VP253, PV de la réunion à Ross-Bethio de l’équipe polyvalente de l’OAD et de tous les présidents des coopératives et aires rizicoles du ressort de cet organisme, 23 novembre 1962.

    62Ibid.

    63Ibid.

    64Anonyme, « Important investissement humain à Grand Dakar », Dakar-Matin, non daté [milieu des années 1960].

    65Ibid.

    66Faye Abdoulaye, « À Kolda, trois kilomètres de caniveaux ont été creusés au cours d’un investissement humain », Dakar-Matin, non daté [milieu des années 1960].

    67Anonyme, « Important investissement humain pour la construction de la piste de Dakar », Dakar-Matin, 25 février 1965.

    68Ibid.

    69Ibid.

    70Cissé Ben Mady, « L’Animation rurale… », art. cité, p. 121.

    71Unesco, Sénégal. Plan d’un programme en faveur de l’éducation extrascolaire des jeunes, Paris, Unesco, 1969, p. 6.

    72En majuscules dans le texte. ANS, 2G60/08, ministère de la Jeunesse et des Sports du Sénégal, discours de Mamadou Dia, vers 1960.

    73Bâ Abdoulaye, « L’avenir de notre jeunesse dépend de ses loisirs. Un Sénégalais sur deux est un “moins de 20 ans” », Dakar-Matin, 25 mai 1964.

    74Ibid.

    75ANS, VP269, note sur le service civique national, début années 1960.

    76Ibid.

    77On remarquera à ce titre l’absence de réflexion des autorités sur le genre et la place des femmes et des jeunes filles dans le chantier national. Que ce soit dans le régime de Senghor ou d’autres gouvernements en Afrique de l’Ouest, la rhétorique politique de la construction nationale s’est formulée autour d’une mystique familiale où l’homme incarne le chef de famille et la femme la mère, reproduisant par là même des rapports masculinistes de pouvoir et de contrainte construisant l’homme comme seule tête de pont du développement.

    78Mbembe Achille, Les jeunes et l’ordre politique en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 1985, p. 14.

    79Voir en particulier Havard Jean-François, « Tuer les “Pères des indépendances” ? Comparaison de deux générations politiques post-indépendances au Sénégal et en Côte d’Ivoire », Revue internationale de politique comparée, no 2, vol. 16, 2009, p. 315-331.

    80Abdoulaye Bâ, « Du camp de jeunesse au chantier-école du Service Civique : une expérience originale qui mérite d’être soutenue moralement et financièrement », Dakar-Matin, 17 mai 1966.

    81Voir Almeida-Topor Hélène d’et Goerg Odile (dir.), Le mouvement associatif des jeunes en Afrique noire francophone au xxe siècle, Paris, L’Harmattan, 1989. Des mouvements de type scoutisme, des associations culturelles sportives et un mouvement pionnier se développent au Sénégal au lendemain de l’indépendance. Les organisations de jeunesse sont néanmoins beaucoup moins importantes que chez le voisin malien par exemple, dans un contexte d’encadrement par l’État des flux migratoires afin d’endiguer l’exode rural. Voir à ce titre la thèse de Nedelec Serge, Jeunesses, sociétés et État au Mali au xxe siècle, thèse de doctorat en histoire, Paris 7, 1994.

    82Abdoulaye Bâ, « Du camp de jeunesse au chantier-école du Service Civique : une expérience originale qui mérite d’être soutenue moralement et financièrement », Dakar-Matin, 17 mai 1966.

    83Cette initiative s’inscrit dans un mouvement plus large d’établissement de services civiques dans une majorité de pays africains au cours des années 1960.

    84ANS, VP269, note sur le service civique national, non daté (probablement début années 1960).

    85Ibid.

    86ANS, VP269, service civique, premières options à prendre immédiatement, non daté (début années 1960). La réalité du service civique mis en place en 1965 fut beaucoup moins ambitieuse.

    87ANS, VP302, rapport de synthèse sur les travaux de la commission sur le chômage, 1959.

    88ANS, VP269, service civique, premières options à prendre immédiatement, début année 1960.

    89Unesco, Sénégal. Plan d’un…, op. cit., p. 48.

    90Ibid., p. 48-49.

    91ANS, 2G60/08, ministère de la Jeunesse et des Sports, camps de jeunesse, vers 1960.

    92Centre des archives diplomatiques de Nantes (CADN), fond Ambassade de France à Dakar, 184PO/1, dossier 383 « Service civique », note sur l’organisation du service civique au Sénégal par le service juridique de mission aide et coopération, 30 octobre 1962.

    93Dans le cadre du Mali, Catherine Bogosian a montré comment les populations ont fait une association directe entre le service civique de Modibo Keita et les contingents de travailleurs forcés, enrôlés dans la deuxième portion pour les chantiers du territoire, le STIN en particulier. Voir le chapitre « “Littlefarming soldiers” : the Service Civique and the short term legacy of the deuxieme portion ». Bogosian Catherine, Forced labor, resistance and memory…, op. cit., p. 242-250.

    94Voir à ce titre l’article de Maul Daniel Roger, « The International Labour Organization… », art. cité.

    95Unesco, Sénégal. Plan d’un…, op. cit., p. 45.

    96ANS, VP275, gouverneur de la région du Sénégal oriental au ministre du Plan, du Développement et de la Coopération technique, projets de développement, 14 décembre 1960.

    97CADN, 184PO/1, dossier 383 « Service civique », note sur l’organisation du service civique au Sénégal par le chef de mission aide et coopération, 21 avril 1964.

    98Pour le détail du rôle de l’armée dans la prise d’initiative de ce projet, voir Tiquet Romain, « Service civique et développement : une utopie au cœur des relations entre armée et pouvoir politique au Sénégal (1960-1968) », Afrique Contemporaine, no 260, 2016, p. 45-59.

    99Anonyme, « L’Armée Sénégalaise recrute de jeunes Pionnier pour le chantier école de Savoigne », Dakar-Matin, 24 octobre 1964.

    100CADN, 184PO/1, dossier 326 « Camp de pionniers de Savoigne », ambassadeur de France au ministre des Affaires étrangères, le camp de pionniers de Savoigne, 16 novembre 1966. L’ambassadeur se trompe puisque l’appel de recrutement stipule à partir de 16 ans. Selon le Menn, la source est sans doute le lieutenant-colonel Étienne, conseiller militaire français auprès du général Diallo avec lequel le Menn traitait des affaires courantes.

    101Entretien avec Alioune Diaye, Savoigne, 22 janvier 2015.

    102Les commandants de compagnie sont tour à tour Souleymane Bâ, Ousseynou Sy et un certain Cissé. Les adjudants : Yoro Diana et Guèye. Les sergents de section : Demba Wade, Dimanko Dia et Babacar Bamba. Document anonyme. Selon le Menn, ce n’est pas le lieutenant – qui craint sa hiérarchie – qui commande le camp de pionnier mais plutôt l’adjudant chef Yoro Diana qui a le respect des pionniers. Une dénonciation anonyme de maltraitance contre Diana est même envoyée à l’état-major qui suspend l’adjudant chef. Les pionniers cessent alors le travail et après enquête et conciliation, l’adjudant chef est réaffecté à Savoigne et le chantier se remet à fonctionner. Entretien avec Erwan le Menn, septembre 2015.

    103Entretien avec Alioune Diaye, Savoigne, 22 janvier 2015. Les avis sont donc partagés sur le commandant du camp. Certains pionniers ont décrit le lieutenant comme autoritaire alors même que le Menn le considérait comme inactif et « indolent ». Entretien avec Erwan le Menn, septembre 2015.

    104Entretien avec Malick Bâ, Savoigne, 24 janvier 2015.

    105Entretien avec Erwan le Menn, septembre 2015.

    106Journal de bord anonyme, 3 février 1965.

    107Anonyme, « Le Ministre des Forces Armées a fait le bilan du chantier-école de Savoigne », Dakar-Matin, 4 février 1967.

    108Le Menn a pointé du doigt à plusieurs reprises le manque d’autonomie des recrues.

    109CADN, 184PO/1, dossier 326 « Camp de pionniers de Savoigne », conseiller militaire de l’Ambassade de France au Sénégal, note de renseignements sur le camp de Savoigne, 15 novembre 1966.

    110Ibid.

    111Le Menn suggère qu’un meneur extérieur d’un parti politique d’opposition a été à la tête de cette fronde mais il a été impossible de vérifier cette information. Entretien téléphonique avec Erwan le Menn, 12 avril 2014.

    112Gillette A., « Les services civiques de jeunesse dans le développement de l’Afrique rurale : nouvelles réflexions sur l’art de coiffer Saint-Pierre sans décoiffer Saint-Paul », Cahiers de l’animation, no 18, 1977, p. 33.

    113Entretien avec Alioune Diaye, Savoigne, 22 janvier 2015.

    114Anonyme, « Le Général J. Alfred Diallo a présidé à Savoigne la cérémonie de fin de cycle du Chantier-école », Dakar-Matin, 6 décembre 1967.

    115République du Sénégal, région du fleuve, décision portant nomination de chef de village de Savoigne (département de Dagana), 14 novembre 1967.

    116Entretien téléphonique avec Erwan le Menn, 12 avril 2014.

    117Wilder Gary, The French Imperial Nation-state : Negritude and Colonial Humanism between the Two World Wars, Chicago, University of Chicago Press, 2005, p. 78.

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