Chapitre VIII. Préparer l’avenir : organiser
p. 201-247
Texte intégral
Au temps des Sociétés des amis du peuple et des droits de l’homme
Le Cours public et les sociétés républicaines
1Albert Laponneraye est plus un homme de plume que d’action. Durant les dix-neuf années de sa vie militante – de la révolution de Juillet à sa mort, le 1er septembre 1849 – il a connu des révolutions, des insurrections et des soulèvements impliquant des femmes et des hommes qui partageaient peu ou prou ses opinions. Juillet 1830, octobre 1830, février et mars 1831, juin 1832, avril 1834, mai 1839, février 1848, juin 1848… autant de dates qui renvoient à des événements, pour ne mentionner que ceux qui se sont déroulés à Paris au moment où il y résidait, qui ont laissé de nombreuses archives, tant privées que judiciaires ou policières. Pourtant, nous ne trouvons aucune trace de sa présence lors des affrontements qui ont marqué ces journées. Cette absence peut également être constatée lorsque l’on consulte les organigrammes des différentes sociétés républicaines, qu’elles soient secrètes ou qu’elles ne le soient pas. La relative renommée que lui procuraient d’abord son Cours public puis L’Intelligence ne lui a pas permis d’occuper une quelconque responsabilité dans une des sociétés qui se développaient au lendemain des Trois Glorieuses, souvent sur le modèle des clubs jacobins de la Révolution française1, et constituaient ce que l’on appelait alors le « parti républicain ».
2Son état de santé, toujours précaire, ne peut suffire à expliquer cette situation. Jusqu’à son arrivée à Marseille, pour diriger La Voix du peuple et jouer un rôle déterminant au sein du groupe des montagnards provençaux, il semble qu’il soit toujours resté dans une position de relatif retrait vis-à-vis de ce qui constitue l’action politique. « Homme de lettres », historien, il se comporte comme s’il considérait qu’il devait conserver une certaine distance vis-à-vis des différentes sociétés dans lesquelles se retrouvaient les démocrates. On peut voir dans cette attitude une forme d’orgueil, un refus de se soumettre à une quelconque autorité, une difficulté à tisser des relations durables de confiance, une volonté de conserver une certaine « hauteur » vis-à-vis des luttes de factions, etc. On peut aussi soupçonner une forme de méfiance des principales figures de la gauche démocratique à l’égard d’une personnalité qui semblait difficilement contrôlable… Toujours est-il que Laponneraye ne semble pas avoir été membre, avant 1848, des cercles dirigeants de la gauche républicaine.
3Pourtant, son activité s’est toujours insérée dans les réseaux de ce parti.
4Dès son ouverture, le cours public est considéré comme un rendez-vous important de la Société des amis du peuple, fondée le 30 juillet 18302. Formellement dissoute le 2 octobre de la même année, au nom de l’article 291 du Code pénal obligeant toute association de plus de vingt personnes à obtenir une autorisation gouvernementale, elle est encore, de fait, très active lorsque s’ouvre la première leçon du cours de la rue Thévenot. En novembre 1831, un rapport de haute police nous apprend que la société avait appelé ses membres à se rendre au cours public : « on espère y attirer un grand nombre d’ouvriers pour tâcher d’en faire des prosélytes3 » ; et, à la même époque, Henri Gisquet, le préfet de police ennemi juré des républicains, fait état de la présence de plusieurs « amis du peuple » parmi l’auditoire de Laponneraye, notamment d’Auguste Caunes père qui entretenait ses voisins des dernières décisions de la société4. Ce même Gisquet, lorsqu’il établit les différents vecteurs de diffusion de la propagande républicaine, retient sept sociétés, souligne l’importance des crieurs publics, l’activité au sein des loges maçonniques, le culte de l’abbé Chatel… et le « prétendu cours d’histoire » de Laponneraye5. Il n’est donc pas étonnant que des informateurs de police se soient glissés parmi l’auditoire de la rue Thévenot… ni que les sergents de ville soient rapidement intervenus pour disperser ces réunions et saisir les leçons imprimées sur des presses, nous l’avons vu, couramment utilisées par les militants républicains. Ces interventions sont, à chaque fois, l’occasion de manifestations d’une partie de l’auditoire. Le 28 novembre 1831, le bruit aurait couru que les participants à la leçon donnée ce jour-là, se préparaient à désarmer le poste de police pour commencer un soulèvement. Les forces de l’ordre entourent le local servant d’école à Laponneraye, ce dernier congédie l’assistance qui se regroupe dans la rue en criant « à la bourse, à la bourse ! », obligeant l’organisateur de la réunion à rassurer, quant à ses intentions, deux commissaires et le maire du 5e arrondissement venus sur place6. Le 4 décembre 1831, alors qu’est présentée la cinquième leçon du cours public, la police disperse la réunion et pose des scellés sur le local. Un regroupement d’une trentaine de personnes défile alors derrière un joueur d’orgue répondant au surnom de Marquis en entonnant La Marseillaise et La Parisienne dans les rues avoisinantes7.
5Comme il se doit, la presse républicaine se fait l’écho, pour s’en indigner, des persécutions dont est victime le cours de Laponneraye8. Lorsque celui-ci est jugé, sa défense est publiée et diffusée par des militants républicains, selon une pratique alors largement répandue9.
6Une fois condamné à une lourde peine, il ouvre une souscription pour payer l’amende, là aussi, il s’agit d’une pratique courante dans les milieux de la gauche démocratique, jusqu’à ce que les lois de septembre 1835 la prohibe. Pour récolter les fonds nécessaires, on fait d’abord appel à Auguste Caunes10, le fondateur du comité des droits de l’homme, préfigurant la société du même nom, au sein de la Société des amis du peuple, et auditeur des séances de la rue Thévenot. Ultérieurement, c’est au journal La Tribune – qui annonce régulièrement la publication des nouvelles leçons du Cours public – et chez la mère de Laponneraye – elle continue à résider rue Thévenot – que les dons doivent être adressés. Les leçons imprimées du Cours public, diffusent des listes de souscripteurs11. On y relève quelques incongruités, comme la présence du général d’Hénin de Cuvillers (1755-1841), surtout célèbre pour ses travaux de magnétiseur, ou celle de « la baronne de Sternberg, née Joinville » (1773-1843), qui prétend être la fille légitime de Philippe d’Orléans (Philippe-Égalité), affirmant que ce dernier l’aurait échangée à sa naissance, afin d’avoir un héritier mâle, avec le fils d’un geôlier… qui devient 57 ans plus tard Louis-Philippe Ier, roi des Français. Le reste de la liste est nettement plus attendu. Certains donateurs souhaitant conserver l’anonymat, ne signent que d’une initiale, ou d’un prénom, généralement suivi d’un commentaire précisant leurs convictions : « une dame républicaine », « Un capitaine républicain, camarade de prison du citoyen Laponneraye, ainsi que lui victime du système jésuitique de l’infâme juste-milieu12 », « quatorze prolétaires, chauds républicains », « une républicaine, qui admire les montagnards de 93 et qui déteste 1e juste-milieu », « trois patriotes de la cité », « Michel, républicain qui veut la liberté de l’histoire », « un détenu de Sainte-Pélagie par suite des évènements des 5 et 6 juin, qui, depuis son arrestation, est plus républicain que jamais », « A. P., sergent de la garde nationale, philippiste avant les 5 et 6 juin, et républicain aujourd’hui », « un combattant de juin, républicain dans l’âme » « deux républicains, gardes nationaux », etc. La plupart de ceux qui précisent leur identité la complète d’ailleurs également de telles appréciations, soit pour affirmer leur identité politique – « X républicain », « y patriote », etc. – soit pour s’en prendre au pouvoir issu des Trois Glorieuses et plus particulièrement à la figure du roi : « Pâris, qui croit que le choléra-doctrinaire est plus mortel que le choléra-asiatique13 », « Jourdain qui déteste les riflards-citoyens14 », « Sorba, qui a l’entière conviction que la poire est assez mûre pour être abattue15 », « Moulin, qui connaît l’histoire de Gros, Gras et Bête16 », « Butlout, qui n’aime pas monsieur Chose », etc. Dans ces listes, on ne repère aucune personnalité de premier plan du parti républicain, mais il est en revanche possible – avec toujours le risque d’être abusé par une homonymie trompeuse – d’identifier un certain nombre des militants qui ont versé leur obole. Citons quelques exemples représentatifs17 : Rouanet, l’éditeur de la rue Verdelet qui publie de nombreuses brochures de la Société des amis du peuple et participe ultérieurement à la diffusion des Œuvres de Maximilien Robespierre annotées par Laponneraye ; Stanislas Vilcoq, dit jambe-de-bois, animateur de la société secrètes des Phalanges démocratiques en 1837, puis cofondateur de l’ultra-radical Moniteur républicain en 1839, ce qui lui vaut un long séjour derrière les barreaux ; Antoine Buttoud, condamné à mort pour sa participation à l’insurrection de juin 1832, sa peine étant commuée, il est enfermé d’abord à Sainte-Pélagie puis au Mont-Saint-Michel ; Jourdain, possiblement identifiable au Jourdain qui prend la parole au premier banquet communiste tenu à Belleville en 1840 ; Jules, François Marquet, ouvrier serrurier, membre des sociétés des amis du peuple et des droits de l’homme, arrêté après les insurrections de juin 1832 et avril 1834, il rejoint les sociétés secrètes des familles et des saisons ce qui lui vaut deux nouvelles arrestations en 1837 et 1839 ; Teyssier, membre de la Société des droits de l’homme et auteur d’une brochure commençant par ces mots : Citoyens, quand la tyrannie nous conteste un droit ; Louis, Nicolas Million, cocher de cabriolet, membre de la Société des droits de l’homme, puis de celle des saisons ce qui lui vaut plusieurs arrestations, animateur de la barricade de la rue Saint-Antoine en juin 1848, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité ; etc.
7Pour assurer une plus large diffusion de son Cours public, Laponneraye fait également appel à des associations républicaines. En août 1833, un débat a lieu au sein de l’assemblée centrale des délégués des associations en faveur de la presse patriote pour savoir s’il conviendrait d’apporter un soutien à cette publication. L’avocat Boussy, chargé de rapporter sur ce sujet, rend cependant un avis défavorable : bien que le texte soit rédigé « selon les bons principes […] le comité ne peut le recommander officiellement » puisqu’il a été condamné en justice18. Le 2 octobre de la même année, Laponneraye revient à la charge en se rendant lui-même devant le comité central de cette même association qui s’est réorganisée et a changé de nom pour devenir l’Association républicaine pour la défense de la liberté de la presse patriote et de la liberté individuelle. Il peut alors plaider sa cause devant Étienne Cabet avec qui il établit ultérieurement des liens de proximité, mais également devant Voyer d’Argenson, le député, membre de la Société des droits de l’homme qui accueille chez lui Philippe Buonarroti ; Adolphe Astruc, également membre de la Société des droits de l’homme et André Marchais, un ancien carbonaro, rédacteur de la Revue républicaine19. Une correspondance s’est d’ailleurs établie avec ce dernier pour lui demander d’engager « les représentants de la presse qui séjournent en ce moment à Paris de souscrire à mon cours d’histoire20 ».
8Tous ces éléments nous montrent clairement que le Cours public est partie prenante d’une propagande républicaine, diffusée par un entrelacs de réseaux avec lesquels Laponneraye est en relations étroites et directes et sur lesquels il peut s’appuyer. À une époque où la législation ne permet pas la création de mouvements politiques au sens que nous donnerions aujourd’hui à ce terme – la liberté d’association n’étant pas reconnue –, le parti républicain se compose d’un faisceau d’associations, de journaux et d’initiatives militantes. Autant d’éléments qui cherchent à affirmer leur complémentarité, même si, dans les faits ils entrent parfois en concurrence les uns avec les autres. Dans ce dispositif, le cours de Laponneraye, dispensé sous forme de leçons données rue Thévenot ou diffusé par de petits tirés à part, occupe une place qui, si elle n’est pas déterminante, n’en est pas moins unanimement reconnue. Il permet essentiellement, en réhabilitant un passé jusque-là indéfendable, de donner une certaine consistance à l’identification de la jeune génération républicaine sortie des barricades de Juillet aux révolutionnaires de la Ire République.
Un vivier révolutionnaire : Sainte-Pélagie
9Délimitée par les rues de la Clef, du Puits-de-l’Ermite, du Battoir et Copeau, située tout près du jardin des plantes et de l’actuelle mosquée de Paris, la prison de Sainte-Pélagie accueille depuis 1793 des prisonniers politiques qui y côtoient, jusqu’en 1834, les « dettiers » – les condamnées pour dettes – et les détenus mineurs qui sont transférés, en août 1831, à la Petite Roquette21.
10Arrêté le 21 janvier 1832, Albert Laponneraye est d’abord amené au dépôt de la préfecture de la rue de Jérusalem22. Il y est interrogé pendant deux jours par le juge d’instruction Zangiacomi23, avant de faire son entrée à Sainte-Pélagie, le 23 janvier, d’où il sort définitivement en septembre de l’année suivante, pour finir sa peine dans la maison de santé du docteur Cartier.
11Lorsqu’il franchit la porte du greffe de la rue du Puits-de-L’Érmite, par laquelle entrent les condamnés politiques, il est accueilli au sein d’une communauté déjà bien constituée qui prend en charge les nouveaux arrivants. Les politiques ont été regroupés, en février-mars 1831, au sein du « pavillon des princes » ouvert en 1828, strictement séparé des autres parties de la prison. Selon leur situation financière, les détenus sont logés, soit dans de longs dortoirs, où ils dorment sur la paille – c’est pourquoi on les appelle des « pailleux » –, soit dans une cellule individuelle pour laquelle ils doivent payer un loyer – il s’agit alors de « pistoliers » –, c’est à cette dernière catégorie qu’appartient le prisonnier Laponneraye.
12La vie à l’intérieur de la maison d’arrêt s’est vite organisée au sein de deux groupes, représentant les deux partis engagés dans une lutte à mort contre le régime de Louis-Philippe : les légitimistes et les républicains. Ces derniers, de loin les plus nombreux, ont leurs habitudes, leurs rites, leurs règles et leurs chefs. Le légitimiste Bérard, auteur des Cancans, incarcéré quelques semaines avant Laponneraye, se souvient de ceux qui dirigeaient ce parti, il cite : « Raspail, Kersausie, Bonnias, Trélat, Godefroy Cavaignac, Marrast, Laponneray [sic]24. » Il convient bien évidemment de relativiser ce type d’information reposant sur la seule mémoire d’un individu écrivant plusieurs décennies après les faits. Pour autant, ce témoignage nous confirme l’importance que le cours public avait conféré à son auteur parmi les républicains parisiens. Il est d’ailleurs possible de montrer que Laponneraye a participé activement à la vie de la communauté républicaine des détenus de Sainte-Pélagie où il a pu faire des adeptes25. Il y occupe même quelque temps la fonction de correspondant de l’association pour la liberté de la presse, fondée fin 1832 dans le but d’aider au paiement des amendes auxquelles sont condamnés des auteurs républicains26. Il a ainsi la charge de distribuer les secours et intervient pour attirer l’attention de ses camarades « du dehors » sur la situation de certains détenus, comme, par exemple, les « citoyens », Moussard et Guyot, membre de la Société des droits de l’homme dont la femme est gravement malade27, – des interventions qui, semble-t-il, sont restées sans effet28 –, ou les inculpés du procès dit « du coup de pistolet29 ». De même c’est à lui que s’adresse l’association afin d’obtenir des renseignements permettant de déterminer s’il convient d’apporter un soutien à La Gazette de Sainte-Pélagie, une revue publiée par des « dettiers30 ». Notons cependant que si Laponneraye est le correspondant à Sainte-Pélagie de cette association, son nom ne se retrouve dans aucune des listes connues de ses membres31. Seule sa sœur Zoé participe à deux séances du comité de secours, où la présence des épouses et sœurs des condamnés est monnaie courante, obtenant même une aide pour rembourser « trois paires de souliers32 ».
13La vie derrière les barreaux de la prison est bien réglée. À partir de six heures en été et de sept heures en hiver, les cellules sont ouvertes et les prisonniers peuvent vaquer à leurs occupations ; partenaires d’infortune, royalistes et républicains, sympathisent parfois : « sous les verrous, il n’y a plus qu’une opinion : l’amour de la liberté33 ». On trouve à Sainte-Pélagie, une salle d’escrime, une école mutuelle fondée par le docteur Gervais34, et une cantine où l’on sert de l’alcool, joue aux cartes ou aux dominos et chante à tue-tête35. De véritables fêtes sont même organisées, comme ce banquet de janvier 1832 qui justifie l’intervention au petit matin, de trente gardes municipaux36.
14Un certain nombre de rites, empreints du spiritualisme républicain de ce début de la monarchie de Juillet, émaillent également la vie de cet étrange microcosme politique.
15Le plus connu est certainement cette cérémonie quotidienne, instaurée au lendemain des Trois Glorieuses, est appelée la « prière du soir » : « animés du souvenir d’un autre temps37 », les républicains emprisonnés y embrassent, à genoux, un drapeau tricolore descendu solennellement par un des leurs, et entonnent ensuite, après s’être décoiffés de l’inévitable bonnet phrygien, des « hymnes révolutionnaires », notamment Le Chant du départ et La Marseillaise. Dans le même esprit et à la même époque, les détenus ont gravé une Table des droits de l’Homme, sur le modèle, comme en 1789 et 1793, des Tables de la Loi. Placée dans une cellule, transformée en petite chapelle, elle reçoit la pieuse visite des prisonniers qui viennent lui rendre hommage.
16Des discussions souvent enflammées peuvent aussi avoir lieu dans un univers où le temps n’est pas compté. Rapidement des dissensions voient le jour entre « montagnards » et « girondins », partisans et adversaires des conspirations. C’est derrière les barreaux de Sainte-Pélagie que, pour la première fois, serait apparu, selon Gisquet, un groupe d’hommes se désignant « sous les noms de radicaux, niveleurs et communistes38 ».
17Sainte-Pélagie est, en revanche, le seul endroit où nous ayons une référence à la participation de Laponneraye à un soulèvement ayant entraîné des affrontements avec les forces de l’ordre : et il faut bien reconnaître que cette anecdote n’est pas à son avantage. Le 1er avril 1832, a lieu une manifestation de rue, généralement interprétée comme une provocation policière39, qui s’en prend au corps de garde et au greffe de la prison. Certains prisonniers, croyant à une insurrection venant les délivrer, se soulèvent et saccagent les locaux. Ils sont réprimés par les forces de l’ordre qui arrivent très vite sur les lieux ; une célérité qui renforce la conviction de ceux qui croient à un coup monté par la Préfecture. Des coups de feu sont même tirés : un prisonnier républicain du nom de Jacobeus est tué. Pierre-Clément Bérard, se souvient d’avoir vu ce jour-là, au début du soulèvement, Laponneraye « violemment excité », armé de deux pistolets et prêt à tomber tête baissée dans le piège qui lui était tendu. Il aurait fallu l’intervention des principaux dirigeants républicains – Armand Marrast, François-Vincent Raspail, Napoléon Lebon – pour calmer son ardeur et lui faire réintégrer sa cellule40. Tout ceci est évidemment sujet à caution, la mémoire de Bérard n’étant pas fidèle comme le prouve la référence à Armand Marrast qui n’était pas incarcéré au moment des faits. Toujours est-il que lorsque la police envoie treize meneurs de cette insurrection peu glorieuse au cachot de la Force, nous trouvons Laponneraye parmi eux. Jugé pour ces faits par les assises de la Seine, il est acquitté, comme tous ses coaccusés à l’exception de Considère – l’animateur du complot de janvier 1832, dit des Tours de Notre-Dame dont les conjurés s’intitulaient « membre de la Société des amis du peuple ou disciples de Laponneraye41 » – et d’un certain Valot qui dirigeait la manifestation42. La proximité de ces faits avec son procès qui se déroule le 21 avril a cependant pu peser sur le verdict rendu ce jour-là.
18À Sainte-Pélagie, Laponneraye a pu côtoyer nombre des personnalités les plus en vue du parti républicain. Le registre d’écrou conservé par les archives de Paris43 nous donne de ce point de vue des informations intéressantes, quoique partielles puisque seuls les condamnés, à l’exclusion des prévenus, y étaient inscrits. L’ont donc croisé, entre autres, dans le « pavillon des princes » : Henri Bonnias, François-Vincent Raspail, Armand Marrast, Charles Jeanne (le chef de la barricade de Saint-Merry en juin 183244), Napoléon Lebon (blessé en 1830, trésorier de la Société des amis du peuple où il incarne la tendance la plus radicale, soutien d’Auguste Caunes pour former des sections ouvrières qui servent de base à la constitution de la Société des droits de l’homme), Charles Philipon (le directeur de la Caricature, auteur des fameuses « poires »), Anthony Thouret (membre de la Société des amis du peuple et fondateur du journal La Révolution de 1830), Kersausie, Richard O’Reilly (arrêté, drapeau rouge à la main, le 5 juin 1832), Adrien Recurt (ancien carbonaro, combattant de 1830, membre des sociétés des amis du peuple, des droits de l’homme où il prend des responsabilités, et de l’Association pour l’instruction gratuite du peuple, son courage lors de l’épidémie de choléra de 1832 lui a donné un grand prestige), etc. C’est sans doute aussi à Sainte-Pélagie que Laponneraye se lie d’amitié avec certaines personnalités qui l’accompagnent ultérieurement dans d’autres combats. C’est le cas de Charles-François Chevé, gérant de L’Intelligence pendant la période où le journal est imprimé à Senlis, ou de Victor Bazière – un chansonnier habitué des goguettes, il pouvait en fréquenter jusqu’à une vingtaine par soirée45, plusieurs fois condamné à des peines de prison – qui participe également à L’Intelligence et établit une correspondance régulière avec Laponneraye et sa sœur46.
Albert Laponneraye et la naissance du « parti » républicain
19Pendant la même période, Laponneraye est l’auteur de quelques brochures qui participent également à la diffusion de la propagande républicaine : les deux Lettres aux prolétaires et le commentaire de la déclaration des droits de l’homme. Nous avons vu que ce dernier texte joue un rôle dans le processus de constitution de la Société des droits de l’homme47. Les Lettres aux prolétaires, ont été écrites pendant la période de captivité de Laponneraye et sont publiées dans une même brochure largement diffusée. La première est, en fait, la reprise d’un article, paru dans l’édition du 26 juillet 1832 de La Tribune, pour répondre à La Constitution de 1830 qui accusait les républicains de militer pour « le pillage et l’anarchie ». Le texte est construit à partir de la figure de style de l’épiphore – chaque paragraphe se termine par « voilà pourquoi je suis républicain ! » – et reprend les grandes thématiques de l’extrême-gauche, autour des questions de l’égalité et de la division de la nation : « la nation des privilégiés et la nation des non-privilégiés ou prolétaires48 ». Rien que de très classique pour un texte républicain de cette période. La seconde Lettre aux prolétaires est un réquisitoire contre l’attitude qui aboutirait à soumettre un groupe au seul prestige d’une personnalité : « ce préjugé qui nous rend esclaves des noms propres ». L’exemple de Napoléon – « le plus épouvantable despote des temps modernes » – est mis en avant, dans un texte qui en appelle, une fois encore, aux vertus et au désintéressement. Le sens de ce plaidoyer en faveur de modernes Cincinnatus n’est pas évident. Peut-être Laponneraye a-t-il voulu combattre un parti bonapartiste pourtant encore marginal. Peut-être également souhaite-t-il participer aux débats qui animent les différents groupes républicains et aboutissent à une scission en deux comités au sein de la Société des droits de l’homme49 ? La proximité des dates – la lettre est rédigée le 26 mars 1833, six jours avant que la scission ne soit entérinée – rend l’hypothèse crédible.
20Tous ces éléments, les écrits de Laponneraye, les réseaux sur lesquels il s’appuie pour les diffuser, les personnalités avec lesquelles il est en relation directe, nous montrent qu’il est parfaitement inséré au sein des groupes les plus radicaux de la Société des amis du peuple, ceux qui constituent et développent la Société des droits de l’homme, manifestent un intérêt grandissant pour les questions sociales, essaient de tisser des relations avec les milieux ouvriers et se réclament de l’héritage jacobin et robespierriste. Parmi ses soutiens, on trouve nombre de combattants des journées insurrectionnelles de juin 1832, à tel point que le journal La Constitution de 1830 peut l’accuser d’avoir favorisé le soulèvement des sectionnaires qui ont pris les armes à l’occasion de l’enterrement du général Lamarque ; accusation à laquelle il répond dans La Tribune du 26 juillet 1832 en affirmant sa communauté de vue avec les combattants de la barricade de Saint-Merry. Il n’est donc pas étonnant que les représentants de l’autorité l’aient assimilé à cette mouvance et aux sociétés républicaines du début de la monarchie de Juillet.
21Pour autant, nous ne trouvons son nom dans aucune des listes qui sont arrivées jusqu’à nous des sociétés des amis du peuple et des droits de l’homme. La seule société à laquelle nous sommes certains qu’il ait appartenu est l’Association pour l’instruction gratuite du peuple, fondée le 15 juin 1831 par Victor Lechevalier et qui offre des cours gratuits pour les hommes des communes industrielles, pour ceux des communes rurales et « pour dames ». En plus d’un enseignement général, l’association propose des cours d’histoire à l’ensemble de ses auditeurs, quel que soit leur niveau. Albert Laponneraye anime, dans son école de la rue Thévenot, l’un de ces vingt cours ouverts à Paris50, alors que sa sœur Zoé assure, à partir de novembre 1832, des cours de « langue française pour les dames51 ». Une association fort œcuménique, qui regroupe toutes les gauches, républicaine certes – Voyer d’Argenson, Audry de Puyraveau, Étienne Cabet ou Charles Teste –, mais aussi libérale – Lafayette et Jacques Laffitte, le premier chef de gouvernement de Louis-Philippe – voire dynastique avec Odilon Barrot.
22Le Cours public offre à Laponneraye au début de la monarchie de Juillet « une immense réputation […] qui lui fit prendre au sein de la démocratie militante une place orgueilleuse », pour reprendre le jugement, peu flatteur dans son ensemble, porté par Victor Bouton52. Il lui permet de s’affirmer comme une des personnalités les plus en vue de ce parti en voie de constitution. Cette position acquise lui permet de devenir le correspondant à Sainte-Pélagie de l’Association pour la liberté de la presse. Sa renommée est suffisamment importante pour qu’il soit également sollicité pour servir de témoin de moralité à Kersausie, accusé par Gisquet d’être compromis dans le complot légitimiste de la rue des Prouvaires53. Nous retrouvons aussi son nom parmi la longue liste des personnalités républicaines s’affichant comme des défenseurs des « prévenus d’avril » : quarante républicains, dont vingt-huit sectionnaires des droits de l’homme, mis en cause dans le mouvement insurrectionnel qui touche Lyon, Paris, Grenoble, Saint-Étienne et Valence entre le 9 et le 13 avril 183454.
23Pour autant, s’il participe incontestablement à un courant bien identifié, il semble avoir toujours cherché à asseoir sa légitimité sur ses propres initiatives, et son statut d’historien républicain, plutôt que sur son engagement au sein des sociétés révolutionnaires.
24Personnalité relativement indépendante du parti républicain, il n’en est pas moins assimilé à son aile la plus extrême. À deux reprises, d’ailleurs, le radicalisme de Laponneraye et son adoration pour la période terroriste de la Révolution française, sont utilisés par le pouvoir.
25Le 13 février 1832, à l’occasion de la discussion sur le budget du ministère de la justice, Étienne Garnier-Pagès, député républicain de l’Isère, prend la parole à la tribune de la Chambre des députés, pour dénoncer les arrestations préventives d’écrivains de l’opposition. Pour lui répondre, le ministre de la Justice, Félix Barthe, s’appuie sur un passage du Cours public dont la teneur doit convaincre la représentation nationale de la légitimité des mesures prises à l’encontre de l’auteur de propos aussi scandaleux. Sous les exclamations indignées des députés de la majorité – « c’est infâme ! c’est abominable ! » – il lit un extrait de la première leçon, où Laponneraye lance avec superbe : « Tremblez, bourgeois, ce peuple qui par indolence se laisse mener par le bout du nez, peut d’un seul geste vous exterminer tous55. » L’effet est tel au sein de la Chambre que Garnier-Pagès éprouve bien des difficultés à continuer son propos et que Laponneraye se sent obligé de rédiger une réponse, publiée par La Tribune du 17 février 1832, rappelant au ministre de la Justice son devoir de réserve sur une affaire non encore jugée. De la même manière, en février 1834, lors du débat sur la loi visant à contrôler strictement l’activité des crieurs publics afin de les empêcher de propager aux quatre coins des rues la propagande républicaine, le ministre de l’Intérieur, Antoine d’Argout, reprend devant la Chambre des députés la trente-deuxième leçon du Cours public où est présentée une apologie de Marat56.
26Plus d’une fois, la radicalité des propos de Laponneraye semble avoir causé un malaise dans son propre camp. C’est le cas lorsqu’il s’en prend, dans la huitième leçon du Cours public, avec véhémence à Lafayette, un jugement que La Tribune ne peut s’empêcher de trouver « aussi injuste que peu convenable57 » ; ou, plus généralement, lorsqu’il éprouve le besoin de défendre toutes les formes de violence révolutionnaire, y compris les massacres de septembre. Dans son Histoire de dix ans, publié en 1840, Louis Blanc n’a pas de mots assez durs pour dénoncer « quelques absurdes tribuns » qui auraient discrédité le parti républicain en le rendant responsable « de leurs folles prédications, de leur ignorance, de leur orgueil, de leur penchant à parodier, sans les comprendre, les passions de 179358 » ; et nous avons vu comment Raspail juge ces « conspirateurs » apologistes de la Terreur59. Achille Roche, quant à lui, s’en prend aux « prétendues doctrines de 93 » : tout en justifiant l’œuvre des conventionnels, il estime qu’elle n’est plus d’actualité et reproche à Laponneraye des « excès » qu’il lui pardonne au nom de son courage, du sérieux de son travail, de l’importance de son auditoire et d’une « candeur républicaine digne d’intérêt60 ».
27Ces propos témoignent de tensions, au sein de la gauche républicaine, auxquelles Laponneraye ne peut échapper. Ce dernier semble pourtant avoir systématiquement cherché à rester en marge de ces affrontements ; comme si sa principale préoccupation était de trouver un positionnement lui permettant de conserver son autorité au sein de la mouvance républicaine. Une attitude qui n’est pas sans conséquence et qui peut expliquer une certaine ambiguïté, assez rapidement repérable, entre une extrême radicalité du discours et une certaine modération dès qu’il s’agit de passer à l’action. Apologiste de la Terreur, il semble être totalement étranger à cette « culture des armes » qui a irrigué les sociétés secrètes républicaines de la monarchie de Juillet et que Louis Hincker61 a repéré parmi les combattants des barricades de juin 1848. Adepte d’un discours de la rupture et de l’affrontement, il est absent de toutes les insurrections, de toutes les révolutions qui se sont déroulées sous ses fenêtres. Parfaitement intégré au sein des différents réseaux de la gauche républicaine des années 1830, il semble être toujours resté à l’écart des sociétés qui les faisaient vivre. Le magistère qu’il avait acquis était un magistère de la parole. Pour le conserver il lui fallait non seulement faire vivre cette parole sous des formes d’une rhétorique très expressionniste – ce qui le pousse dans le camp de la radicalité –, mais également faire en sorte que cette parole reste audible par l’ensemble des fractions composant le « parti » républicain – ce qui le renvoie à une position plus « centrale » et donc plus « modérée ». Autant de questions qui interrogent sur la place de « l’homme de lettres » dans un parti en constitution, y compris dans ce premier xixe siècle où le mot « parti » renvoie à en entrelacs d’initiatives et non à une association unique et centralisée. Une question qui se pose aux écrivains de cette période, ces nouveaux prophètes d’un monde désenchanté, soucieux de se faire entendre dans une société en quête de repères, sans pour autant vouloir passer par le filtre d’un quelconque groupe organisé. Une attitude évidente chez les auteurs que la postérité académique a porté au pinacle, mais que nous retrouvons également chez des personnalités plus secondaires, comme Albert Laponneraye.
Sociétés secrètes et communistes
L’Intelligence, les premières sociétés communistes et le « parti républicain »
28Lorsque parait le premier numéro de L’Intelligence, la situation dans laquelle se trouve le parti républicain est profondément différente de ce qu’elle était au moment de l’ouverture du cours public d’histoire de France. Les tentatives d’insurrection de juin 1832 et d’avril 1834 ont été de cuisants échecs, la Société des droits de l’homme a été démantelée, les libertés publiques imposées par la révolution de Juillet ont été sérieusement mises à mal par les lois de septembre 1835, les principales figures du parti républicain ont été envoyées sous les verrous et nombre d’entre elles se sont exilées après une évasion spectaculaire de la prison de Sainte-Pélagie en juillet 1835, La Tribune, le quotidien qui servait de porte-voix à la gauche républicaine, croulant sous les procès, a dû interrompre sa parution au mois de mai de cette même année 1835, etc.
29Une faiblesse qui n’empêche pas un certain « bouillonnement intellectuel et éditorial qui voit s’affiner et s’affirmer le socialisme fraternitaire et républicain, les communismes62 », en même temps qu’elle favorise une activité clandestine et conspirationniste, récemment revisitée par Jean-Noël Tardy63. Les républicains, lorsqu’ils ne se sont pas exilés, se regroupent de plus en plus dans des sociétés secrètes au sein desquelles les questions sociales prennent une importance grandissante et où les ouvriers sont plus nombreux que dans les premières sociétés républicaines de la monarchie de Juillet. L’influence de Buonarroti et des idées que l’on commence à appeler « communistes » y sont déterminantes. Ces révolutionnaires parisiens se retrouvent alors dans la Société d’action de Kersausie, la Société des familles lancée en 1835, les Phalanges démocratiques qui veulent reprendre le flambeau de la précédente après l’arrestation de leurs principaux dirigeants Lamieussens, Blanqui, Barbès, et surtout la Société des saisons, lancée par ces deux derniers – libérés, comme Laponneraye, à l’occasion de l’amnistie de 1837 – et Martin-Bernard64.
30Les liaisons entre L’Intelligence et ces groupes sont nombreuses.
31Richard Lahautière, est directement inquiété dans le cadre de l’instruction ouverte au lendemain de l’insurrection manquée des Saisons les 12 et 13 mai 1839, il bénéficie cependant d’un non-lieu65 ; il est ensuite, nous l’avons vu, contraint à l’exil après avoir manifesté pour obtenir la grâce de Barbès, condamné à mort pour cette même affaire. L’année suivante, il participe à la rédaction de L’Égalitaire, un journal lancé par Théodore Dezamy, l’un des organisateurs du premier banquet communiste de Belleville de 1840 et qui se réclame du « système de Babeuf et d’Owen ou la communauté ». Toujours en 1840 il rédige un long plaidoyer en faveur de Babeuf qui aurait « le premier consacré ce principe de propriété commune66 ». La Fraternité qu’il lance en mai 1841, publie de juillet à septembre une « Esquisse historique du communisme », doctrine dont cette feuille se réclame avec insistance.
32Pierre Joigneaux67 (1815-1892) est surtout connu comme député de la Côte-d’Or aux assemblées constituante et législative de la IIe République, rédacteur de La Réforme, spécialiste de la propagande démocrate-socialiste en direction des paysans et fondateur, en octobre 1849, de la Feuille du village qui paraît jusqu’au coup d’État du 2 décembre 1851. Nous le retrouvons parmi les rédacteurs de L’Intelligence où il signe au moins trois articles. Il rédige notamment une rubrique intitulée « galerie révolutionnaire » : en septembre 1839, on y lit un article intitulé « Les Gracques et Babeuf ». Le chef de la conspiration des Égaux y est présenté sous le meilleur jour – « un de ces colosses révolutionnaires taillés pour les grands évènements » –, son intérêt pour la question de la propriété y est salué ainsi que sa volonté de prolonger l’œuvre des révolutionnaires de l’an II68. Quand cet article paraît, Pierre Joigneaux vient d’être condamné, le 11 juin 1839, à cinq ans de prison pour sa participation à L’Homme libre, une feuille radicale jugée en même temps que Le Moniteur républicain. Lors de ce procès, il est défendu par maître Plocque, l’ami et témoin du mariage de Laponneraye qui, pour protéger son client, n’hésite pas à charger les responsables de ce journal69.
33Henri Stévenot, né en 1814, est un compositeur d’imprimerie, militant actif des sociétés des familles – il est arrêté pour ce motif en mars 1836 – puis des saisons dont il est un des trésoriers. Il participe à l’insurrection des 12 et 13 mai 1839, il y est même blessé, mais réussit à échapper à la police. Nous le retrouvons plus tard parmi les rédacteurs de L’Atelier et à La Fraternité de 1845, d’abord Organe des intérêts du Peuple, puis, Organe du Communisme. Les perquisitions faites à son domicile au lendemain du soulèvement des Saisons, attestent qu’il a envoyé, pour publication dans les colonnes de L’Intelligence, un article à Laponneraye ; ce dernier lui demandant de lui envoyer un de ses amis et collègues, afin qu’il puisse le faire embaucher dans l’atelier de Mme Fessart à Senlis70.
34Plusieurs des personnes mises en cause dans le cadre de l’instruction du procès des insurgés de mai 1839 sont d’ailleurs des abonnés de ce journal : Paul, César Mousse, un artiste peintre arrêté le 15 mai 1839 pour sa participation aux événements de l’avant-veille, il est libéré en octobre71 ; Bernard Pornin, dit jambe-de-bois, déjà poursuivi pour sa participation aux émeutes de 1832 et 1834, il est à nouveau arrêté et écroué à la Force le 10 juin 183972 ; Valentin Duclos, cet ancien militaire de l’Empire est lui aussi inquiété lors des poursuites engagées à l’encontre des membres de la Société des saisons et, en 1841, il est condamné dans le cadre de l’affaire Darmès – une tentative d’attentat sur la personne de Louis-Philippe en octobre 1840 – comme dépositaire de poudre73, etc.
35Des liens peuvent également être établis entre L’Intelligence et les radicaux lyonnais de la Société des fleurs, fondée en 1836 par Joseph Benoît, un canut influencé par les idées babouvistes74. Cette société, selon un des indicateurs de police qui l’a infiltrée, prendrait la suite, d’abord d’une Société des travailleurs qui regroupait « ce que la Société des droits de l’homme a de plus fougueux », puis de la branche lyonnaise de la Société des familles75. Toujours selon la même source, ce serait une scission au sein de la branche locale de cette dernière qui aurait donné naissance à cette Société des fleurs – ils se réunissent au « panier fleuri76 » – dont les adhérents sont condamnés, le 12 juillet 1838, pour avoir constitué une association non autorisée de plus de vingt personnes77. L’Intelligence se fait l’écho de ces persécutions78 et notamment de celles qui touchent Antoine Blanc, un dessinateur né en 1811, qui dirige cette société républicaine. D’après le commissaire de Lyon, « son seul titre à jouer un pareil rôle consistait dans les liaisons particulières avec le sieur Laponneraye, éditeur de journaux du Peuple et du Vigilant qui s’impriment en commun à Orléans et dont il est chargé ici de procurer des abonnements79 ». Dès janvier 1837, les rapports du « mouchard » font de Laponneraye une sorte de mentor et de chef d’orchestre clandestin de cette Société des fleurs. Il faut, bien évidemment, considérer avec la plus grande prudence les témoignages de cet indicateur, certainement soucieux de justifier son indemnité et de surévaluer les informations qu’il fournit. Ses rapports témoignent d’ailleurs d’une connaissance très superficielle de la situation : Laponneraye n’a jamais eu de responsabilité dans la rédaction du Vigilant et du Journal du peuple que dirigeait Michel Dupoty et qui concurrençait L’Intelligence80. Ce sont d’ailleurs ces mêmes dénonciations approximatives qui poussent l’autorité à faire, sans succès, une enquête à Orléans afin d’établir que ce dernier titre y est envoyé directement à Lyon, se dispensant ainsi de l’obligation de payer le timbre81.
36Pour autant les liens entre ce groupe de révolutionnaires lyonnais et Laponneraye n’en sont pas moins réels. Ce dernier rédige par exemple une notice nécrologique publiée dans L’Intelligence, au lendemain du décès de Louis Darlande, un des condamnés du procès intenté contre la Société des fleurs, qu’il affirme bien connaître82. La persistance avec laquelle les rapports de police parlent des relations qu’il entretient avec Antoine Blanc, ne peuvent relever que de la pure affabulation. Nous savons par ailleurs qu’il est présent à Lyon en mai 1839 pour animer, sous couvert de banquet maçonnique, une réunion de ses amis rhodaniens83. Pour autant, les interventions du principal rédacteur de L’Intelligence semblent avoir essentiellement consisté à assurer la diffusion de livres et à s’imposer comme le principal relais de cette société avec les radicaux parisiens. Il aurait notamment aidé ses amis lyonnais à monter une société de lecture, leur fournissant une abondante littérature républicaine parmi laquelle ses œuvres occupent une place de choix84. Une activité bien pacifique qui est d’ailleurs la seule que la justice ait pu reprocher à Blanc et à ses amis lors d’un procès où ils sont défendus pas Richard Lahautière85.
37Les connexions entre les groupes les plus radicaux, et parfois communistes, des sociétés secrètes et la rédaction de L’Intelligence sont donc relativement faciles à établir. Claude Latta a montré, qu’à partir du 1er avril 1839 des réunions de la Société des saisons se tiennent au domicile de Laponneraye, sans doute dans les locaux de L’Intelligence86.
38Ce dernier est d’ailleurs directement impliqué dans la tentative d’insurrection des 12 et 13 mai 1839. En effet, durant les événements une proclamation, appelant les « citoyens aux armes », est lue par Barbès : elle est signée : « Barbès, Voyer d’Argenson, Blanqui, Lamennais, Martin-Bernard, Dubosc, Laponneraye ». Ce texte joue un rôle important dans l’acte d’accusation et le rapport présenté à la cour des pairs par Joseph Mérilhou87 qui n’innocente pas Laponneraye, alors qu’il le fait pour Voyer d’Argenson et Lamennais. Il y est même fait référence aux dernières déclarations de Pépin, un complice de Fieschi qui, à la veille de son exécution en février 1836, a déclaré avoir vu Blanqui et Laponneraye diriger une société où l’on jurait « haine à la royauté ». En revanche, l’acte d’accusation ne retient aucune charge ni contre Laponneraye, ni contre Proper Dubosc. Dans l’espoir d’entraîner les parisiens, les principaux chefs des Saisons – Blanqui, Barbès, Martin-Bernard – ont ajouté, à leur appel au soulèvement, les signatures de personnalités qui bénéficient d’une certaine aura dans les milieux révolutionnaires et ouvriers. La présence de Voyer d’Argenson et de Lamennais s’explique facilement au regard de leur renommée. Celle de Laponneraye et Dubosc permet d’associer à l’insurrection les deux principaux journaux de la gauche radicale, Le Journal du peuple de Dupoty, dont Dubosc était un des rédacteurs, et L’Intelligence88. Si elle ne prouve évidemment pas l’adhésion de Laponneraye à la société blanquiste, ni son approbation de la tentative d’insurrection de mai 1839, la proclamation lue par Barbès confirme en revanche l’importance que ces conspirateurs accordaient à la presse. Au temps des sociétés secrètes cette dernière représentait le versant public d’une propagande souterraine qui, pour se protéger, bannissait l’écrit.
39 L’Intelligence, nous l’avons vu reste relativement prudente sur la question de la propriété. D’un strict point de vue de l’histoire de la pensée politique, l’affirmation d’Étienne Cabet selon laquelle ce journal serait le premier titre communiste français89 mérite évidemment d’être discutée. La « communauté des biens et des travaux » défendue par Babeuf y est réduite à une simple « répartition équitable des produits, c’est-à-dire une répartition au prorata des besoins […] [une] communauté des droits, puisque tous les biens de l’homme se résument dans ses droits ». Le projet des conjurés de 1796 est jugé, par L’Intelligence, défectueux en ce qu’il fixerait, avec son système de communauté, un horizon indépassable à l’histoire humaine ; « soyons donc babouvistes, mais babouvistes progressifs90 ». Une distance que Laponneraye marque ultérieurement avec encore plus de force, condamnant franchement toute remise en cause de la propriété privée ; tout comme il critique systématiquement les conspirations et les coups de main auxquels il préfère la propagande au grand jour91.
40Il est évidemment possible d’analyser ces prises de position à l’aune de la seule histoire des idées. Laponneraye peut alors être considéré comme un « quasi-néo-babouviste92 », un démocrate qui se serait arrêté dans la voie de la radicalisation, un modéré parmi les extrémistes, voire un républicain effrayé par tout ce qui pourrait remettre en cause la nature « bourgeoise » de la société. De tels jugements peuvent avoir leur intérêt et être l’occasion de très longues discussions. Ils ont pourtant l’inconvénient d’enfermer les acteurs dans des catégories généralement définies a posteriori par des analystes, qu’ils soient historiens, sociologues ou politologues ; et de proposer une vision peut-être un peu figée des parcours et des engagements. Plutôt que de s’engager dans une telle voie, nous préférons proposer une lecture qui mette l’accent sur les pratiques politiques. Par une telle démarche il ne s’agit pas de nier la liberté de l’individu qui serait condamné à obéir à des logiques le dépassant, et de revenir par ce biais à une forme de déterminisme ; mais plutôt de comprendre une trajectoire politique comme un processus mettant en relations constantes les idéologies avec les milieux où elles sont élaborées et les pratiques qui les mettent – ou sont censées les mettre – en œuvre.
41L’ambition de Laponneraye, en 1837, est de fonder un journal capable de rassembler l’ensemble de la gauche républicaine, de prolonger, en quelque sorte, d’un point de vue éditorial ce que les sociétés des amis du peuple et des droits de l’homme avaient commencé quelques années plus tôt. Or, les évolutions que connaît à cette époque le parti républicain, vont, par bien des aspects, contrecarrer son projet. La radicalisation d’une partie de ses membres favorise un relatif éclatement de la gauche démocratique qui avait pu se rassembler au lendemain de la révolution de juillet 1830. De surcroît, parce qu’elle est très prenante, l’action conspiratrice, comme l’a bien montré Jean-Noël Tardy93, pousse à une certaine professionnalisation des révolutionnaires, ce qui, en multipliant les chefs autoproclamés, tend presque mécaniquement à accroître les rivalités et les divisions. Ainsi, ce serait d’un parti en voie d’émiettement que L’Intelligence voudrait être l’organe. Pour exister elle doit donc essayer de donner la parole à tous les courants qui forment ce que l’on appelle alors le « parti républicain ». Les membres des sociétés secrètes qui y occupent une place de plus en plus importante, bien évidemment, mais également des personnalités comme Charles-François Chevé qui, nous l’avons dit, entame une évolution vers le christianisme social au point d’envisager, en 1841, son entrée « dans l’ordre des frères pêcheurs fondé par M. l’abbé Lacordaire94 ». Notons également que le journal publie un extrait d’une brochure de Félicien de Lamennais avec lequel il polémique pourtant à plusieurs occasions95, ainsi qu’un article intitulé « Progrès de christianisme », de David Millaud, futur maire de Tarascon et correspondant de La Voix du peuple sous la IIe République96. Parmi les rédacteurs de L’Intelligence nous trouvons également des ouvriers impliqués dans les mouvements mutuelliste et philanthropique ou dans le compagnonnage. Nous avons déjà parlé de Pierre Wahry, mais on pourrait également citer Charles Noiret, un ouvrier tisserand qui publie en 1836 des Mémoires d’un ouvrier rouennais97 : la plupart des idées de ce texte – réorganiser le travail autour de l’association ouvrière, favoriser le crédit pour les travailleurs, mécaniser la production pour libérer du temps à l’ouvrier, développer une industrie de luxe accessible à tous – sont reprises dans un long article qu’il rédige pour L’Intelligence98. Le journal ouvre également ses colonnes à des chansonniers, nous avons déjà parlé de Victor Bazière, mais il faut aussi mentionner Louis Voitelain : deux auteurs qui ont certainement favorisé la diffusion de la feuille de Laponneraye au sein des goguettes parisiennes, ces sociétés chantantes qui réunissaient essentiellement un public ouvrier99. Le journal accueille également des signatures plus connues, comme celles de Pierre et Jules Leroux : le premier, ancien saint-simonien et rédacteur du Globe, fondateur en 1836 de L’Encyclopédie nouvelle, y défend ses conceptions d’un socialisme républicain empreint d’une forte influence chrétienne ; quant à son jeune frère, il s’intéresse à l’économie politique, indissociable selon lui de la religion et de la morale, dans un texte polémiquant avec les économistes classiques et notamment Adam Smith100. À l’époque de L’Intelligence, nous pouvons également établir des relations entre Laponneraye et Flora Tristan, avec laquelle il correspond, le journal publiant par ailleurs un extrait de Mephis101. Plus tard, il est possible que ces relations aient été maintenues : Pierre Moreau, dans une lettre adressée à Flora Tristan propose, en avril 1843, d’avoir recours à l’ancien directeur de L’Intelligence pour jouer le rôle de « défenseur de la classe ouvrière102 » ; et Guillaume Carpentras, dit l’aîné, correspondant de ce journal à Marseille, puis collaborateur de La Voix du peuple, est un des fervents soutiens de l’Union ouvrière qu’il contribue à former en 1844103. Nous retrouvons même, parmi les rédacteurs de L’Intelligence, avec Anselme Petetin qui rédige quelques revues littéraires, un républicain très modéré104, proche des milieux bonapartistes, ancien rédacteur du Précurseur de Lyon et devenu journaliste au National105.
42Ce relatif éclectisme de la rédaction de L’Intelligence témoigne bien de la volonté de son initiateur : parler à l’ensemble des courants constitutifs de la gauche républicaine. Bien évidemment, les convictions de Laponneraye servent de fil directeur à la ligne éditoriale du journal : adhésion à une démocratie républicaine accordant une place importante à la question sociale, lecture très spirituelle et antimatérialiste de la vie politique, rejet des conspirations et des coups de main auxquels est préféré un patient travail de propagande et d’éducation. Pour autant, L’Intelligence ne peut exister sans répondre aux attentes de tous les démocrates issus de la Société des droits de l’homme. Elle doit donc se réclamer du radicalisme de cette dernière en cherchant à rassembler les morceaux épars qui en sont issus. De ce point de vue, Laponneraye est amené à obéir à une logique politique mais aussi, d’un certain point de vue, médiatique. N’ayant pas constitué un groupe qu’il dirigerait et qui s’identifierait à lui, le journal qu’il crée ne peut exister qu’à la condition de pouvoir trouver des abonnés dans l’ensemble de la gauche républicaine. Afin que son nom puisse conserver un certain lustre parmi ses compagnons de lutte, il lui faut, en conséquence, garder une certaine distance vis-à-vis des différentes factions de ce parti, tout en permettant à chacune d’entre elle de pouvoir utiliser L’Intelligence, ou tout du moins de se sentir relativement proches des idées qu’elle défend. Il convient donc d’être sensible au développement des idées communistes, sans totalement les adopter ; de tisser des relations étroites avec les réseaux des sociétés secrètes, tout en défendant les principes d’une propagande publique ; de parler un langage révolutionnaire, tout en adoptant un discours pacifiste indispensable à la survie d’un journal ; de valoriser les ruptures, tout en prônant une patiente pédagogie politique que seule la presse périodique pourrait porter… Et, à l’inverse, de résister à tout ce qui peut accroître les divisions au sein du groupe des démocrates auquel il ambitionne de s’adresser. L’apparition de journaux comme Le Moniteur républicain en novembre 1837 et L’Homme libre en août 1838, beaucoup plus proches des idées communistes et des sociétés secrètes et conspirationnistes, représente donc un vrai danger pour Laponneraye. Non seulement ces feuilles concurrentes, mais clandestines, voient le jour et risquent de détourner une partie des lecteurs de L’Intelligence, mais aussi, et surtout, elles remettent en cause l’idée même sur laquelle ce journal a été créé. Si chaque faction républicaine possède un titre auquel elle s’identifie, L’Intelligence perd une grande partie de sa légitimité. Les ultra-radicaux sont donc condamnés avec virulence, traités de « radicaux égoïstes » voulant « cueillir le fruit avant qu’il ne soit mûr106 ». En fait, tout ce qui peut participer à l’émiettement du parti républicain est, tout du moins dans un premier temps, critiqué : le socialisme chrétien de Buchez et de Roux107, tout comme le saint-simonisme et le fouriérisme108.
43Tout comme l’historien Laponneraye des années 1830-1835, se devait d’être le meilleur représentant des tendances néojacobines, le journaliste des années 1837-1840 doit prêcher en faveur d’une unité retrouvée des démocrates de la Société des droits de l’homme. Le choix de la presse comme moyen d’affirmation de son identité politique, le pousse de surcroît à favoriser la publicité sur l’action conspiratrice. Autant d’éléments qui entrent en évidente tension avec les évolutions du parti républicain et qui ont pu être interprétés comme des marques d’indécision. Un jugement qui mérite sans doute d’être nuancé à partir du moment où l’on considère une trajectoire politique comme un processus mettant en cause non seulement des convictions et des idéologies, mais aussi des rapports de force, la volonté de conserver une certaine visibilité dans l’espace public et des opportunités qui peuvent se présenter de façon inopinée.
Bref passage par l’Icarie
44Après l’échec de L’Intelligence, Laponneraye, nous l’avons dit, se rapproche d’Étienne Cabet. Cet ancien carbonaro est brièvement nommé préfet de la Côte-d’Or au lendemain de la révolution de 1830, avant d’être envoyé par les électeurs de ce même département à la Chambre des députés, où il défend les idées de l’extrême gauche. En 1833 il fonde Le Populaire, le journal républicain le plus diffusé à ce moment, mais doit s’exiler après une condamnation, pour délit de presse, intervenue en mars 1834. De retour en France en 1839, il publie son Voyage en Icarie, un ouvrage qui reprend la forme littéraire du roman d’utopie pour présenter un programme communiste et fait reparaître, en 1841, Le Populaire109. Beaucoup de choses rapprochent Cabet et Laponneraye dont nous savons qu’ils se connaissent, au moins par le biais de l’Association républicaine pour la défense de la liberté de la presse patriote110. Les deux hommes accordent une importance particulière à l’étude historique111, ils partagent une même défiance vis-à-vis des sociétés secrètes et des conspirations112, une même attention au travail de propagande et d’éducation, un même intérêt pour la presse et une même conviction de la nécessité de prolonger le programme démocratique dans le domaine de l’égalité sociale. Il n’est donc pas surprenant que leurs trajectoires soient amenées à se croiser et que nous retrouvions Laponneraye parmi les rédacteurs du Populaire. Pour autant, si ces deux personnalités paraissent proches sur le plan doctrinal, il semble également logique que des tensions aient rapidement vu le jour entre eux. Cabet, en fondant le « communisme icarien » – c’est en septembre 1842, que l’assemblée générale du Populaire adopte ce terme – se pose en chef de file d’une nouvelle école politique, qui souhaite, en ce début des années 1840, obtenir l’adhésion de tous les militants se réclamant de l’extrême gauche démocratique. Cette ambition ne peut que se heurter à la volonté des autres personnalités de ce courant qui souhaitent préserver leur indépendance et ne peuvent accepter de se placer sous une quelconque autorité. Si le Voyage en Icarie rencontre un incontestable succès, et donne une place importante à son rédacteur parmi les militants qui se situent le plus à gauche, il ne peut que participer à l’émiettement du parti républicain. Cabet attire à lui des chefs relativement reconnus au sein de ce groupe, mais ces alliances sont toutes de courte durée. C’est le cas avec Théodore Dezamy qui lui sert de secrétaire en 1840-1841, juste après avoir organisé le premier banquet communiste tenu à Belleville le 1er juillet 1840 ; la rupture entre eux est consommée dès 1842. C’est également le cas pour Richard Lahautière qui aurait pris contact avec Cabet à son retour d’exil en Suisse, les deux hommes publiant même un ouvrage en commun113. Cabet accuse son jeune collaborateur, de vingt-cinq ans son cadet, de s’être servi de leur amitié pour préparer en secret la parution de la Fraternité, un journal qui voit le jour en même temps que Le Populaire, cherche à « accaparer ses abonnés » et lui fait une concurrence qui « amènerait infailliblement la division avec toutes ses déplorables conséquences114 ». Il semble que cette concurrence ait été particulièrement forte à Lyon où les communistes locaux fondent également une feuille, Le Travail, dont les rédacteurs – notamment Jean, Louis Greppo – prennent parti en faveur de Richard Lahautière contre le directeur du Populaire115. C’est dans ce climat que Laponneraye entre en contact avec Cabet qu’il soutient dans sa polémique contre les communistes lyonnais du Travail116. À cette époque il se déplace beaucoup, peut-être pour assurer conjointement la diffusion du Populaire, dont le premier numéro date de mars 1841, et de ses propres écrits. En juin 1841 il est à Grenoble où il reçoit des personnalités républicaines avec lesquelles il correspond, puis se rend à Marseille ; en septembre de cette même année nous le retrouvons dans l’Aude où il rencontre des proches de Barbès résidant à Villalier117.
45Nous avons vu que, dès 1842, il devient un rédacteur régulier du Populaire qui publie une histoire fort élogieuse de L’Intelligence. Cette collaboration s’achève pourtant assez brusquement suite au procès dit « des communistes de Toulouse118 ». Le 15 janvier 1843 devait se tenir dans cette ville, sous couvert de banquet maçonnique, une réunion organisée par Adolphe Gouhenant, le correspondant local du Populaire, et présidée par Laponneraye119. Notons que c’est la seconde fois, après Lyon en 1839, que ce dernier utilise les loges comme couverture d’une réunion politique. Pour autant, rien ne semble indiquer qu’il ait été maçon, son nom n’apparaît dans aucun des tableaux des loges que nous avons pu consulter120. En revanche Gouhenant est effectivement membre de la loge des « Vrais amis réunis » depuis avril 1842, ainsi qu’au moins trois autres accusés du procès de 1843121.
46Toujours est-il que lorsque Laponneraye arrive à Toulouse, il se trouve confronté à un véritable traquenard. Le groupe des radicaux y compte en effet parmi ses membres un informateur de police qui, mû par des motifs de vengeance personnelle122, ne cesse d’envoyer des rapports accordant une importance disproportionnée aux militants qu’il dénonce et présentant le banquet présidé par l’ancien directeur de L’Intelligence, comme la réunion d’un mystérieux congrès méridional préparant un coup de main visant à renverser le gouvernement.
47Il semble, en fait, que cette réunion ait eu pour but de retisser des liens entre les démocrates de la région : se retrouvent ainsi autour de la table, ce 15 janvier 1843 de 7 heures du soir à 2 heures du matin, quarante-deux personnes, parmi lesquelles, outre l’informateur de police, des délégués d’Agde, de Béziers, d’Albi, de Condom, de Valence (Tarn-et-Garonne) et de Sainte-Livrade. Les rapports insistent également sur les liens tissés à l’extérieur de la région par les radicaux toulousains : avec Paris bien sûr, les noms de Barbès – audois jusqu’en 1831 – et de Kersausie ont été cités plusieurs fois, et Laponneraye est présenté comme « l’envoyé de Paris » ; mais aussi des lyonnais – nous les retrouvons une fois de plus dans les réseaux auxquels est associé le nom de Laponneraye123 – qui auraient voulu faire le déplacement, mais, étant prévenus trop tard, se sont contentés d’envoyer un courrier lu par Gouhenant ; avec des marseillais, par l’intermédiaire de Jacques Imbert ; des montpelliérains qui ont aussi envoyé une lettre ; mais également des Espagnols réfugiés en France après l’échec de l’insurrection barcelonaise de 1842, et notamment d’Abdon Terradas ancien alcade de Figueras, présent ce jour-là. L’émoi suscité parmi les démocrates occitans par la répression qui s’est abattue sur la capitale catalane est alors très fort et les témoignages de solidarité sont nombreux124. Il n’est donc pas étonnant que cet exilé ait occupé, avec Laponneraye et Gouhenant, une place importante lors de ce banquet. Il est également intéressant de noter l’importance de la propagande en direction des ouvriers, notamment au sein des sociétés de compagnonnage de tailleurs de pierre et de menuisiers. Le Populaire circule dans le local de la « Mère » et une lettre, rédigée de l’écriture de Laponneraye, est saisie chez Gouhenant qui tente de la détruire : elle enjoint son destinataire d’envoyer des représentants à Bordeaux pour organiser « la classe ouvrière ».
48L’indicateur de la police125, présente cette réunion comme participant d’un vaste complot et Laponneraye comme le représentant d’un mystérieux comité central parisien venu inspecter les forces dans le Midi et annoncer une insurrection pour le mois d’avril suivant. Sur ces informations, la police place tous les participants sous haute surveillance, arrête Terradas, Gouhenant et quelques autres révolutionnaires, part à la recherche de caches d’armes, et engage une procédure aboutissant à l’inculpation de cinquante-cinq personnes, treize d’entre elles étant finalement mises en accusation et jugées en cour d’assises fin août 1843. Si le commissaire de Toulouse, avec lequel correspond l’indicateur, et le préfet de la Haute-Garonne, prennent toutes ces informations au pied de la lettre, le ministère de l’Intérieur semble bien plus circonspect : il refuse de donner à l’affaire une dimension nationale, exige que l’enquête soit limitée au seul midi et semble douter de l’organisation prochaine d’un soulèvement républicain « toujours annoncé et toujours ajourné ». Cette prudence s’avère justifiée : les armes dont on assurait l’existence ne sont jamais trouvées, l’accusation est incapable de présenter la moindre preuve d’un quelconque complot et les accusés – Cabet est venu lui-même à Toulouse pour assurer la défense de Gouhenant – sont libérés à l’issue d’un procès d’où l’autorité ne sort pas grandie126.
49Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette aventure ? Bien évidemment qu’un informateur de police, stipendié et désireux à la fois de justifier son indemnité et d’assouvir une vengeance personnelle, peut mettre son employeur dans de graves difficultés ; et en retour, inviter l’historien à la plus grande prudence vis-à-vis de ce genre de sources. Elle nous montre également que la gauche républicaine est encore extrêmement divisée et semble bien incapable de se rassembler. Mais pour le reste, il faut bien avouer que nous sommes un peu réduits à faire des hypothèses. Le plus probable c’est que Laponneraye se soit rendu à Toulouse, peut-être sans en informer Cabet – c’est tout au moins ce qu’affirme ensuite ce dernier127 –, avec l’objectif de faciliter un regroupement de différentes sensibilités du « parti républicain ». Un rapport de février 1842, atteste que Gouhenant se présente, avec deux de ses camarades, comme le délégué d’un comité communiste – il s’agit évidemment des Icariens – mais que leur objectif premier est de rassembler toutes les nuances démocratiques, quitte à laisser le projet communiste « dans le vague ». Les liens établis avec L’Émancipation de Toulouse128 et son rédacteur en chef Jean-Baptiste Paya, tout comme la présence au banquet d’un délégué d’Albi, qui était, en 1840, correspondant du National dans cette ville129, semblent prouver que les hommes réunis le 1er janvier 1843 n’étaient pas tous des communistes icariens. Il est donc possible que Laponneraye, avec lequel Gouhenant se vante depuis quelque temps d’être en contact130, ait surtout cherché à rassembler, sous sa houlette autant qu’au compte d’Étienne Cabet, les branches éparses du parti républicain. Le fait qu’au lendemain de ce banquet il soit parti rencontrer des démocrates de Condom, Nérac, Agen (où il arrive très affaibli), Villeneuve, Sainte-Livrade et Bordeaux, pourrait conforter cette hypothèse. Pour le reste, on peut facilement imaginer que les motivations de l’indicateur, la volonté de Laponneraye de se mettre en valeur et les propos tenus ce soir-là, autour d’une table où, l’heure passant et sans doute l’alcool aidant, les esprits se sont inévitablement échauffés, ont suffi à étayer les inquiétudes de policiers facilement enclins à voir, dans tout rassemblement d’opposants, une conspiration.
50Toujours est-il que cette affaire a pour conséquence la rupture entre Étienne Cabet et Albert Laponneraye. Ce dernier quitte officiellement la rédaction du Populaire et se voit bientôt reproché la diffusion de ses écrits, en l’occurrence son Histoire de la Révolution française, concurremment à ceux du chef des Icariens131.
51Il semble, nous l’avons vu, qu’après cette expérience, Laponneraye se soit éloigné de l’arène politique pour se consacrer entièrement à ses travaux historiques, activité qu’il n’a jamais cessée et qui lui a certainement apporté l’essentiel des ressources lui permettant de vivre avec sa famille.
À la tête de la démocratie marseillaise
La Voix du peuple et l’organisation des démocrates des Bouches-du-Rhône
52Le 28 novembre 1848, se tient à Marseille, à la guinguette des Sept châteaux du diable, chemin de Saint-Charles, un important banquet des « démoc-soc », rassemblant mille six cents convives : un incontestable succès dans cette région qui fut un bastion royaliste et où les républicains semblent conquérir de solides positions132. Des mesures de sécurité exceptionnelles ont d’ailleurs été prises : trois cents hommes de troupe sont mis à la disposition du commissaire de police, des agents placés à la gare de chemin de fer pour surveiller les va-et-vient133, etc. L’initiative de cette manifestation revient au « club démocratique de Castellane » qui a regroupé différentes sociétés républicaines et va prendre en charge la campagne en faveur de la candidature de Ledru-Rollin à l’élection présidentielle134. Le bruit a même couru que le candidat pourrait lui-même faire le déplacement et présider cette réunion des démocrates-socialistes provençaux135. Pourtant, ce 28 novembre 1848, Ledru-Rollin n’ayant pas pu se déplacer, c’est le nouveau rédacteur en chef de La Voix du peuple, il est arrivé à Marseille le mois précédent136, qui occupe le siège de la présidence. Il revient donc à Albert Laponneraye d’ouvrir cet important rassemblement, ce qu’il fait en appelant l’ensemble des participants au calme, en leur demandant d’éviter tout cri et toute manifestation pouvant être utilisés contre les républicains qui sont des « hommes d’ordre et de patience ». Puis, comme cela est toujours le cas lors de ces banquets, qui par bien des points préfigurent les « meetings » ultérieurs137, un certain nombre de convives se lèvent pour porter un toast et prononcer quelques mots. Ces discours peuvent honorer des figures de la gauche démocratique – Louis Blanc, Ledru-Rollin – célébrer la mémoire de la Ire République ou la colonisation de l’Algérie, revendiquer le droit au travail ou la liberté de la presse, affirmer l’adhésion à la « république démocratique et sociale » ou au « génie des révolutions », témoigner de la solidarité avec les prisonniers politiques, etc. Laponneraye, quant à lui, choisit de lever son verre : « À l’union des démocrates », confirmant ainsi la priorité qu’il accorde à la réunion de l’ensemble des courants de la gauche, républicains comme socialistes ; objectif, nous l’avons vu, en parfaite adéquation avec la responsabilité d’un quotidien de ce courant.
53Le club de Castellane, est donc à l’initiative de ce rassemblement. Lorsqu’il se met en conformité avec la loi du 28 juillet 1848 réglementant la création et le fonctionnement des clubs, il est présidé par un ouvrier mécanicien du nom de Rousseau et se réunit deux fois par semaine138. Une des premières choses que fait Laponneraye en arrivant à Marseille, est de se rendre à une de ses réunions : il devient immédiatement membre du comité de vingt personnes, chargé de préparer ce banquet139.
54Tous ces éléments nous montrent que le nouveau rédacteur en chef de La Voix du peuple bénéficie d’une incontestable aura, comme « envoyé de Paris » et responsable de « leur » quotidien, parmi les montagnards marseillais. Par sa position, Laponneraye permet à ces derniers d’avoir le sentiment de s’insérer dans un mouvement plus large, de participer à une aventure nationale, d’ouvrir de nouveaux horizons à leur attente politique. Certes quelques voix ne manquent pas de s’élever contre le nouvel arrivant140, mais personne ne peut contester l’autorité que lui donne sa venue de la capitale afin d’organiser le parti républicain local. Personne ne veut, non plus, lui reprocher son extériorité aux réseaux régionaux et son absence de connaissance des territoires où il arrive en ce mois d’octobre 1848 : son « parachutage » dirait-on aujourd’hui. Les responsables des démocrates provençaux semblent aspirer à s’intégrer dans des combats politiques nationaux, et, pour se faire, tendent à minorer tout ce qui peut faire leur spécificité. Une attitude qui peut évidemment entrer en tension avec les attentes de leurs électeurs.
55L’arrivée de Laponneraye correspond d’ailleurs au moment où le club de Castellane lance toutes ses forces en faveur de la candidature de Ledru-Rollin à l’élection présidentielle. Une réunion, tenue le 21 novembre, adopte sa candidature au détriment de celle du socialiste François-Vincent Raspail, envoie des agents électoraux dans les départements voisins et décide de rompre tout rapport avec L’Indépendant des Bouches-du-Rhône, qui a pris parti en faveur d’Eugène Cavaignac, au profit de La Voix du peuple qui « serait désormais leur seul organe ». Le surlendemain, ce même club rédige un manifeste, destiné à être diffusé dans les Bouches-du-Rhône, le Var, les Basses-Alpes et le Vaucluse, en faveur du candidat de la gauche républicaine ; ainsi qu’une lettre envoyée aux démocrates parisiens pour leur demander d’abandonner tout soutien à Raspail au profit de Ledru-Rollin141. Et, bien sûr, c’est également lui qui prend en charge l’organisation du banquet des « sept châteaux du diable », véritable démonstration de force des partisans de la candidature du chef de file des démoc-soc.
56Le club de Castellane adopte ainsi une attitude qui tend à l’assimiler à une branche locale de la Solidarité républicaine, fondée dans le même but, le 4 novembre 1848. Laponneraye s’affirme d’ailleurs, très rapidement, comme le correspondant de cette société dans le Midi méditerranéen. Dès le 14 novembre il signe un article dans La Voix du peuple pour présenter sa création « dans le but de réunir en faisceaux tous les éléments épars de l’opinion démocratique […] et de constituer enfin le grand parti de la république démocratique et sociale ». Un rassemblement devant, selon lui, d’un côté, exclure « la petite église du National » et, d’un autre côté, ramener dans le giron de la gauche républicaine les socialistes qui « jugent les choses […] sans tenir compte des difficultés pratiques142 ». Le 23 novembre, c’est lui qui préside la réunion de la Société électorale démocratique qui se réunit boulevard Chave, sur des principes en tous points semblables à ceux de la Solidarité républicaine143. Enfin, et surtout, c’est le rédacteur en chef de La Voix du peuple qui préside, le 10 janvier 1849, la réunion du club Castellane qui décide de fonder la Solidarité républicaine144. Tout de suite, des poursuites sont engagées contre les républicains identifiés comme responsables de cette initiative145. Un procès-verbal est dressé contre quatre d’entre eux, parmi lesquels Laponneraye et Louis Langomazino, pour contravention à la loi du 28 juillet 1848 sur les clubs : on leur reproche de ne pas avoir déclaré la Solidarité républicaine et de l’avoir constituée sans autorisation, comme une succursale d’une association parisienne146. Il semble qu’afin d’éviter des poursuites judiciaires, les démocrates marseillais aient alors utilisé le club Castellane, qui s’était mis en conformité avec les rigueurs de la loi de juillet 1848, comme vitrine de la Solidarité républicaine, évitant ainsi d’être pourchassés pour avoir formé « une société particulière dans une société générale ». Un club dont les réunions sont régulièrement annoncées dans les colonnes de La Voix du peuple ; qui organise, le 15 juin 1849, malgré la loi du 15 mai 1849 interdisant les clubs politiques, la manifestation des démocrates marseillais contre l’intervention d’Oudinot à Rome ; qui permet la constitution d’une liste unique des démocrates lors des élections législatives de mai 1849, etc. Une correspondance entre le procureur général d’Aix-en-Provence et le président du tribunal de première instance établit d’ailleurs clairement le lien de continuité existant entre les deux structures147.
57Ces sociétés républicaines semblent avoir porté une attention toute particulière aux ouvriers. Laponneraye, a peine arrivé à Marseille, aurait d’ailleurs déclaré être venu pour soutenir la candidature de Ledru-Rollin auprès de ces derniers148. Pour ce faire, il peut s’appuyer sur le travail déjà accompli par certains de ses camarades, au sein de l’Athénée ouvrier qui œuvrait à l’instruction des travailleurs et à la diffusion d’œuvres écrites par eux. Cette société, qui avait fait un accueil triomphal à Lamartine lors de sa venue le 9 septembre 1847, était devenue, sous l’impulsion de l’ouvrier mécanicien Louis Langomazino, un foyer d’opposition. Cette politisation avait d’ailleurs suscité, en janvier 1848, une scission : un certain nombre de ses membres fondant, sous le regard bienveillant de la préfecture de police, un Athénée populaire « exclusivement artistique et littéraire149 ». Pour attirer les ouvriers, nous avons vu que La Voix du peuple leur propose un abonnement à des conditions plus intéressantes, les informe de la situation de l’emploi et ouvre régulièrement ses colonnes à leurs sociétés ; de même, dans le cadre de la préparation du banquet du 28 novembre, une collecte est organisée afin de payer le billet d’entrée à des ouvriers sans travail. Le président de la Société des ouvriers maçons fait partie des convives de ce banquet, il y lève d’ailleurs son verre : « au représentant parmi nous des héroïques combattants des barricades de février […] à Laponneraye150 ». Les liens ainsi tissés avec la classe ouvrière permettent à La Voix du peuple de publier fièrement, le 6 décembre 1848 – quatre jours avant l’ouverture du scrutin à l’élection présidentielle – un appel des corporations ouvrières en soutien à la démocratie sociale. Un beau succès dans cette ville importante du compagnonnage où les ouvriers n’avaient guère témoigné de sympathie pour les idées républicaines. Le club Castellane lui-même, est en grande partie composé d’ouvriers qui, par exemple, auraient souhaité organiser, en août 1848, un banquet pour célébrer l’anniversaire de la Ire République. Lors d’une réunion tenue le 27 octobre 1848, l’un d’entre eux a même demandé que le comité de préparation du banquet du 28 novembre soit composé pour moitié d’ouvriers, proposition rejetée au nom du fait que la république aurait passé « son niveau sous toutes les conditions151 ».
Propagande républicaine, propagande électorale
58À partir du moment où il prend la direction de La Voix du peuple, Laponneraye se trouve totalement impliqué dans la vie politique locale. Une vie politique qui, de son point de vue, a changé de nature avec l’instauration du suffrage universel masculin. Dorénavant, la priorité n’est plus de constituer des réseaux plus ou moins clandestins et de développer une propagande révolutionnaire, mais bien de s’inscrire dans un cadre institutionnel, dans un temps politique rythmé par les échéances électorales, en diffusant une argumentation ayant pour objectif d’assurer une majorité au « grand parti de la république démocratique et sociale ». Le discours se doit, en conséquence, d’être plus posé, pour, non seulement mobiliser les républicains de la veille, mais également rassurer les hésitants. Les débats doivent aussi se faire dans un espace public plus ouvert, avec des échéances précises et prédéterminées. Il faut se défendre sans cesse des accusations lancées par ses adversaires, et en premier lieu ceux du parti de l’Ordre, ce qui favorise également un relatif « lissage » du discours diffusé par les montagnards marseillais. Ces derniers doivent notamment répondre aux accusations d’« anarchisme » et d’« athéisme » lancées par leurs contempteurs. Les arguments utilisés pour répliquer à ces attaques sont assez traditionnels : d’un côté on affirme que la république sociale est le seul régime capable de garantir « l’ordre [qui] est une équitable répartition des charges et des avantages sociaux152 », quitte à faire porter la responsabilité de la Terreur sur les épaules de ceux qui ont refusé d’écouter les revendications sociales du peuple153 ; de l’autre, dans une ville où, selon Marie d’Agoult, le « clergé pénètre jusqu’au plus profond des masses populaires154 », on rappelle la proximité supposée entre le programme de la démocratie et le message originel des Évangiles : « La république est donc seule chrétienne dans le sens vrai du mot155 ». Plus que l’argumentation, c’est le cadre dans lequel s’installe le débat qui est modifié. Il ne s’agit plus de discuter avec d’autres républicains, de s’adresser à un public que l’on suppose, si ce n’est déjà conquis, au moins globalement favorable, mais de polémiquer, devant l’ensemble de la population, avec des adversaires situés à l’opposé du spectre politique. L’enjeu est bien maintenant d’accroître l’électorat potentiel avec lequel on espère pouvoir constituer une majorité.
59Ce déplacement du débat d’un espace partisan à l’espace public, donne évidemment une bien plus grande visibilité à la presse radicale et à ses principaux rédacteurs. La personnalité d’Albert Laponneraye peut alors devenir l’objet d’un nombre important d’attaques, menées parfois sur un plan strictement personnel. Nous avons vu comment ses adversaires utilisent le passage du Cours public traitant des massacres de septembre pour le disqualifier, ce qui lui vaut, en février 1849, un procès dont il sort victorieux156. Dès novembre 1848, tout de suite après son arrivée à Marseille, La Gazette du midi l’accuse également de se comporter comme un « marquis de la république », d’avoir pris un appartement luxueux rue Haxo à Marseille ainsi qu’un autre à la campagne, de s’être attribué une loge particulière au théâtre de la ville et ironise sur « nos Brutus de Marseille, qui sont Marseillais au demeurant comme cet honnête valet “qu’on avait fait venir d’Amiens pour être suisse”157 ». Par de tels propos, le journal légitimiste participe à une campagne de calomnies menée par les adversaires des démocrates. C’est ainsi qu’à Paris, Le Constitutionnel accuse Ledru-Rollin de faire des chasses à courre à Chantilly et d’accumuler des dettes considérables auprès de bijoutiers, l’ouvrier Albert est présenté en millionnaire, on affirme que Louis Blanc refuse de louer à des gens du peuple une maison qu’il ne possède pas dans le quartier aristocratique du Faubourg Saint-Germain, on fait courir le bruit de banquets fastueux donnés au palais du Luxembourg, où on se régalerait de purée d’ananas, etc. Les documents conservés aux archives départementales des Bouches-du-Rhône, ainsi que la correspondance exhumée par Sylvie Hennet, établissent pourtant que Laponneraye a d’abord dû être logé chez Charles Poumicon, puis dans deux appartements bien trop petits pour accueillir, sa mère, sa sœur, son épouse et sa fille avec lesquelles il partage son logis158. L’adresse de la rue Haxo est, en fait, celle de La Voix du peuple et non de son rédacteur en chef. Quant aux loges de théâtre, elles sont attribuées systémiquement aux journalistes, de La Voix du peuple comme de La Gazette du midi. Notons cependant que pour décrédibiliser Laponneraye, la feuille légitimiste rappelle qu’il n’est pas Marseillais : son arrivée de Paris, si elle semble lui donner de l’autorité auprès de ses camarades de lutte, peut, sans doute, l’affaiblir auprès d’une partie de la population.
60À l’autre bout du champ politique, des républicains, que le commissaire de police qualifie d’« exaltés », auraient rapidement jugé Laponneraye comme étant « trop aristocrate159 ». Surtout, un conflit majeur éclate entre Laponneraye et Pierre Tastet « rentier, ancien officier, âgé de 43 ans160 » et qui n’aurait « guère servi que dans les clubs écarlates161 ». Ce dernier se serait répandu, dans les cafés et autres lieux publics, puis par le biais de lettres publiées par Le Courrier de Marseille, La Gazette du midi et Le Nouvelliste de Marseille, accusant Poumicon d’être banqueroutier, Laponneraye d’avoir volé dix mille francs à Paris et tous les deux d’avoir détourné, à leur profit, des souscriptions réunies par leur parti. Le rédacteur en chef du quotidien montagnard est également présenté comme un égocentrique maladif, imposant son portrait aux devantures des marchands d’estampes. L’affaire est suffisamment sérieuse pour être renvoyée devant les tribunaux, les deux responsables de La Voix du peuple demandant la condamnation de Tastet et des directeurs des trois journaux, pour injure, calomnie et diffamation. Ainsi, pour la première fois, celui qui eut si souvent maille à partir avec les tribunaux, se présente devant des juges, non comme accusé, mais comme plaignant : autre manifestation d’une certaine institutionnalisation de son action. Afin d’obtenir gain de cause il présente seize témoins, lors d’une audience qui se tient le 27 août 1849. Le tribunal considère les propos tenus comme évidemment injurieux, mais les lettres publiées par les journaux ne sont pas jugées attentatoires à l’honneur et à la considération des plaignants. Leurs directeurs sont donc acquittés et Pierre Tastet condamné à une amende de 50 francs et « et aux frais pour tous dommages-intérêts envers les plaignants avec contrainte par corps162 ».
61Très vite après la tenue du banquet des « sept châteaux du diable », Laponneraye est amené à se déplacer dans le département pour animer d’autres réunions en faveur de la candidature de Ledru-Rollin. Le 3 décembre 1848, nous le retrouvons ainsi à Tarascon pour un « banquet démocratique et fraternel » qu’il préside, en compagnie de Gleize-Crivelli, un menuisier d’Aix-en-Provence, sous-commissaire du Gouvernement provisoire à Arles au lendemain de la révolution de Février et candidat malheureux des « républicains de la veille » à l’élection législative d’avril 1848163. Il y retrouve également un ancien rédacteur de L’Intelligence, David Millaud ; cet industriel est, en effet, devenu maire de cette ville en février 1848164. D’autres banquets sont organisés dans le même but, notamment à Aix-en-Provence165, assurant à la fois la campagne électorale du candidat des démocsoc et la diffusion de La Voix du peuple.
62Cette première campagne est un succès pour les montagnards des Bouches-du-Rhône : avec 24,5 % des suffrages exprimés, Ledru-Rollin obtient ici son meilleur résultat, cinq fois supérieur à son score national. De surcroît, les Bouches-du-Rhône sont un des seuls départements, avec le Var, le Finistère et le Morbihan, qui ne place pas Louis-Napoléon Bonaparte en tête du scrutin, le reléguant en troisième position avec à peine plus de 20 % des suffrages exprimés. La Voix du peuple annonce les résultats dans son édition des 18 et 19 décembre. Elle le fait d’ailleurs sans triomphalisme, reléguant cette information, qui circule d’ailleurs depuis plusieurs jours, dans les pages intérieures d’un numéro dont la « une » se félicite du « succès inouï » obtenu par le journal, en réalisant, pour la première fois, un tirage supérieur à trois mille exemplaires. L’élection de Louis-Napoléon Bonaparte y est présentée comme le résultat d’une fragile alliance des « légitimistes et des régentistes », et le journal se contente de se féliciter que « Marseille ait donné aux deux candidats républicains, Ledru-Rollin et Cavaignac, une écrasante majorité ». Le fait que le résultat de Cavaignac ait notamment été obtenu, dans ce département, par la mobilisation en sa faveur d’une partie des notables légitimistes, est passé sous silence.
63Plus fondamentalement, les démocrates-socialistes tirent de cette élection un enseignement majeur : la défaite d’Eugène Cavaignac, président du conseil des ministres depuis le 28 juin 1848, va aboutir à une bipolarisation de la vie politique et à une marginalisation des modérés du National : « Il ne peut y avoir en France que deux partis : celui de la royauté, c’est-à-dire Henri V, et celui de la démocratie166. » L’élection législative de mai 1849 va d’ailleurs conforter cette analyse. Alors que les partisans des candidatures de Cavaignac et de Bonaparte se réunissent pour proposer une liste commune167, La Voix du peuple organise la désignation des candidats de gauche à la députation pour les départements des Bouches-du-Rhône, du Var, des Hautes et Basses-Alpes168. Pour ce faire, Laponneraye et ses amis créent, une Société électorale démocratique, domiciliée à Marseille, rue Montaux169, une initiative qui répond à une consigne nationale170 et dont le but est certainement de contourner les rigueurs des mesures prises contre les clubs politiques, en mettant en avant un comité strictement électoral et non permanent. Cette société, relayée par La Voix du peuple, se charge de collecter les candidatures des démocrates et d’organiser une sélection entre elles, pour arriver à une liste unique capable de remporter la majorité.
64Dans un premier temps, il s’agit surtout de réunir tous les courants de la gauche et de l’extrême gauche républicaines. Les appels aux chefs de « partis », pour qu’ils fassent preuve d’un grand sens des responsabilités en acceptant une liste commune, se multiplient dans les colonnes du quotidien de la rue Haxo. C’est d’ailleurs au nom de la rédaction de celui-ci que Bondilh porte un toast « à Ledru-Rollin et à Raspail », lors d’un banquet tenu pour le premier anniversaire de la révolution. À la même époque, des articles, nous les avons déjà cités, cordiaux avec les Icariens sont publiés. Le ton, dans un premier temps, est donc favorable à un rassemblement des « républicains de la veille », qu’ils soient radicaux, socialistes ou même communistes. On n’hésite pas alors, à dénoncer non seulement les « sycophantes engraissés de la sueur et du sang des prolétaires » qui se seraient alliés à la république dans le seul but de la renverser, mais aussi l’ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement provisoire : « Lamartine commença la réaction en substituant le drapeau tricolore au drapeau rouge171. »
65Dix-huit candidatures sont enregistrées, parmi lesquels La Voix du peuple sélectionne neuf noms qu’entérine, le 29 avril 1849, la Société électorale démocratique. Il s’agit de Ledru-Rollin ; du fouriériste Victor Hennequin ; de Démosthène Ollivier – député sortant des Bouches-du-Rhône, ancien carbonaro, proche d’Armand Carrel et par ailleurs père du commissaire du gouvernement provisoire dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Var de février à juillet 1848 et futur ministre de Napoléon III – ; de Louis, Marius, Astouin – syndic de la puissante, en cette ville portuaire, corporation des portefaix – ; du maire d’Aix, jusqu’au 18 mai 1849, et bâtonnier des avocats, Jassuda Bédarride que nous avons déjà rencontré ; d’un ancien procureur de la république du nom de Rubin ; d’Emmanuel Barthelemy, qui fut maire de Marseille du 4 mars au 9 avril 1848, puis élu député à l’Assemblée constituante ; de Gleize-Crivelli – celui qui présidait le banquet de Tarascon avec Laponneraye – et enfin d’Édouard Dupré, représentant des militaires172. Une liste relativement hétéroclite regroupant des socialistes, des républicains radicaux, d’autres plus modérés, des dépositaires de mandats municipaux ou législatifs et des représentants de la classe ouvrière. Une liste d’unité que tous les démocrates doivent respecter : c’est tout au moins ce que ne cesse de répéter La Voix du peuple – « la victoire est à ce prix » – qui dénonce d’éventuels « agents provocateurs qui cherchent à fractionner le parti républicain » et qui rappelle « ce qui fait la force d’un parti, ce n’est pas seulement son but, c’est encore et surtout sa discipline173 ». Attirer non seulement l’électorat ayant voté pour Ledru-Rollin au mois de décembre, mais également une partie de celui qui a soutenu la candidature de Cavaignac, est l’objectif principal du comité électoral et de La Voix du peuple. La personnalité de Louis, Marius Astouin, lié à l’Union ouvrière de Flora Tristan, syndic des portefaix en 1848, animateur d’un club qui se réunit dans une brasserie de la place de Noailles, élu député à l’Assemblée constituante où il vote généralement avec les soutiens d’Eugène Cavaignac, mais proche de Laponneraye en l’honneur duquel il prononce un vibrant hommage lors de ses funérailles, permet raisonnablement d’espérer établir des ponts avec un électorat plus modéré. Une préoccupation de plus en plus perceptible dans les colonnes de La Voix du peuple au fur et à mesure que les échéances électorales approchent.
66Une fois la liste établie, le journal prend en charge la campagne électorale et joue un rôle déterminant dans son organisation :
- c’est lui qui annonce et diffuse le compte rendu des banquets et autres réunions électorales qui se tiennent dans son aire de diffusion ;
- c’est lui qui lance et centralise la souscription chargée de prendre en charge les dépenses de campagne : le numéro du 1er avril fait état de 1 214 francs collectés ;
- c’est lui qui structure les réseaux diffusant la propagande électorale des démoc-soc. Son numéro du 28 mars, propose que, dans chaque commune soit désigné un correspondant, qui recevrait le journal dans le but de le distribuer « gratuitement aux travailleurs des villes et des campagnes » ;
- c’est lui qui assure la surveillance du vote et demande l’intervention de la troupe afin d’éviter toute fraude lors du déplacement des urnes174 ;
- c’est lui qui publie le programme que doivent accepter les candidats à la députation, mélange de revendications sociales et démocratiques et d’aspirations coloniales175 ;
- c’est dans ses colonnes, enfin, que l’on découvre les textes qui rythment la campagne électorale, s’adressant parfois à des publics particuliers : des lettres aux cultivateurs de mars à mai 1849 afin de les détourner des « listes monarchistes », ou une lettre aux corporations ouvrières rappelant l’objectif des démocrates, « organisation du travail, abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme176 ».
67La campagne elle-même est marquée par une relative évolution de la tonalité politique des rédacteurs de La Voix du peuple. Si, dans un premier temps, quand il s’agit d’imposer une liste unique à tous les courants de la gauche républicaine, il n’est pas rare de lire des articles d’une sensibilité franchement radicale, voire socialisante, plus la date de l’élection législative approche, plus le journal multiplie les appels en direction de l’opinion modérée. Il peut alors affirmer être « ennemi de l’exagération177 », publier une lettre d’Adolphe Crémieux, l’ex-ministre de la Justice du Gouvernement provisoire de 1848, présenté comme un ami de Laponneraye, annonçant la création à Nîmes d’un comité « pour le triomphe de la République » unissant les démocrates-socialistes aux « citoyens autrefois dévoués à la dynastie d’Orléans178 », ou encore communiquer, « avec empressement et bonheur », la lettre anonyme d’un « libéral de 1830 » qui s’adresse aux « hommes de 1830, libéraux, gens de bien, vous qui voulez l’ordre » pour les exhorter à crier avec lui « Vive la république démocratique et honnête » afin d’empêcher « le retour de Henri V179 ». La volonté de s’adresser à un public plus large que celui ayant voté pour Ledru-Rollin le 10 décembre 1848 est manifeste. Les partisans du juste-milieu se voient ainsi interpellés, sur un mode qui n’a rien d’agressif, par ceux-là mêmes qui ont renversé le régime qu’ils défendaient. La Voix du peuple, rappelle alors le danger pouvant résulter d’une victoire des listes réactionnaires qui ne manquerait pas de mobiliser le peuple révolutionnaire, de raviver les conflits, de susciter de nouveaux désordres et, en conséquence, de désorganiser l’activité économique. Mais le journal ne se contente pas de cette argumentation qui vise à faire du programme de la gauche le meilleur garant de l’ordre. Il n’hésite pas non plus à brandir la menace de la Terreur blanche, dans ce midi qui fut profondément marqué par cet épisode du début de la seconde Restauration. Lorsque le banquet que présidait Ledru-Rollin à Moulins est attaqué par des légitimistes, le quotidien fait mine de s’interroger : « les tueries royalistes de 1815 vont-elles recommencer180 ? » ; et quand des contacts sont pris entre les partisans de la république modérée et des orléanistes avec des légitimistes en vue de l’élection législative, les amis de Laponneraye se demandent si ceux-là ont oublié : « les atrocités dont ils ont été victimes de la part de ces mêmes carlistes181 ».
Le développement dans les départements voisins
68 La Voix du peuple, créée pour devenir l’organe de la démocratie marseillaise, ne tarde pas à voir son champ d’action s’étendre dans le sud-est de la France.
69Dès son quarante-sixième numéro, daté des 18 et 19 décembre 1848 – celui qui annonce la victoire de Louis-Napoléon Bonaparte à l’élection présidentielle –, le quotidien, qui agrandit son format pour l’occasion, s’affiche comme La Voix du peuple, journal politique et commercial des Bouches-du-Rhône et du Var. Pour s’implanter dans ce dernier département le journal s’appuie sur la personnalité du médecin Théophile Pons182, que Laponneraye connaissait avant son arrivée dans le Midi, puisqu’il est cité comme rédacteur de L’Intelligence dans le prospectus de ce journal. Lorsqu’il arrive à Toulon, dans les derniers jours de 1848, Pons commence par entrer en relation avec le « cercle des phalanstériens et celui des ouvriers » où il reçoit « le plus cordial accueil183 ». Son principal contact dans la ville est alors Fulchran Suchet, qui a diffusé la doctrine saint-simonienne dans le département au lendemain de la révolution de 1830, fut maire de Toulon en 1848, révoqué au début de 1849, mais élu à l’Assemblée législative en mai 1849184. Dès le 3 janvier 1849, Pons peut écrire à Poumicon185 pour se féliciter des progrès qu’il a rencontrés dans le Var : « En général, les démocrates étaient découragés, mais ils se réveillent. » Au même moment, l’on constate une augmentation des signalements du passage de colporteurs du quotidien. Leur venue favorise d’ailleurs le réveil des clubs républicains, comme celui de Draguignan, qui a maille à partir avec la justice dès février 1849, ou celui d’Hyères, repéré à la même époque pour ses activités au compte de la gauche radicale186. Théophile Pons quitte cependant La Voix du peuple pour animer Le Démocrate du Var, créé en avril 1849 et qui devient, dans les faits, concurrent du quotidien que dirige Laponneraye.
70Louis Langomazino – nous l’avons déjà rencontré, animant, avant la révolution de Février, l’Athénée ouvrier187 – joue, dans les départements des Hautes et Basses-Alpes, un rôle similaire à celui de Théophile Pons dans le Var188. « Détaché par la rédaction centrale de La Voix du peuple pour aller fonder une succursale de ce journal189 » dans ces deux départements, il quitte Marseille en février et les résultats de son activité semblent avoir été spectaculaires. Le 21 février, il prend la parole dans une réunion du club de Manosque, devant 1 000 à 1 200 personnes, où il emporte l’adhésion de ses auditeurs. Le lendemain il est à Forcalquier : ses prédications y font scandale, dans une ville où les notables ont conservé leur influence, ce qui lui vaut un procès plaidé en août. Fin février il est à Digne, où il convainc deux avocats, Charles Cotte et Julien Sauve, ce dernier ayant été un temps sous-commissaire du Gouvernement provisoire à Forcalquier, de faire partie du comité de rédaction chargé de l’aider à tenir la chronique bas-alpine de La Voix. Puis il entreprend plusieurs tournées dans le département : durant les premiers jours d’avril, il en visite la partie méridionale où il tente de gagner à sa cause les « chambrettes » très répandues dans les villages de cette région ; du 9 au 19 avril, nous le retrouvons dans les arrondissements de Sisteron, puis de Barcelonnette. Il entreprend à ce moment une première incursion dans les Hautes-Alpes. Partout où il passe, il semble que le parti républicain connaisse une nouvelle vitalité. Durant le mois de mars 1849, une série de banquets démocratiques, toujours présidés par Laponneraye, se succèdent dans les principales villes du département : à Digne, Riez, Mezel190. À Manosque, des « toasts incendiaires » sont portés devant huit cents convives191. Des correspondances s’établissent entre les différentes sociétés créées ou « réveillées » par Langomazino qui obtient même le ralliement à La Voix du peuple du général Joseph de Laidet192, député des Basses-Alpes aux assemblées constituante et législative.
71Les succès de Langomazino, qui « effraient » le procureur général d’Aix193, ne sont cependant pas aussi spectaculaires dans le département voisin des Hautes-Alpes : « Pour les élections, il n’y a rien à faire dans les Hautes-Alpes », écrit-il à Laponneraye le 25 avril, « le peu de succès de mon voyage à Gap ne m’encourage pas à pousser jusqu’à Embrun ».
72Il semble qu’il ait existé une grande proximité entre Laponneraye et Langomazino, ce dernier quittant la rédaction de La Voix du peuple après la mort de son rédacteur en chef194.
73L’ensemble de ces indications nous montrent clairement que La Voix du peuple, a bien été le vecteur de diffusion et d’organisation des démocrates-socialistes en Provence. Ce sont ses colporteurs, ses correspondants, ses envoyés qui ont constitué la trame, établi les réseaux, de ce parti ; répondant, de ce point de vue, aux objectifs que s’était donné la Solidarité républicaine lors de sa fondation.
74Pour ce faire il a fallu que ses agents rassemblent les branches éparses d’un parti qui avait subi, depuis le mois de juin, de sérieux revers. Réunir l’ensemble de la gauche autour de La Voix du peuple était bien l’objectif de ces militants auprès desquels Laponneraye s’affirmait comme une personnalité de premier plan.
75Une position nouvelle pour un homme qui était resté jusque-là relativement en marge des différentes organisations des républicains.
L’achèvement d’une trajectoire
76Les 13 et 14 mai 1849 ont lieu les élections des députés à l’Assemblée nationale législative.
77Elles représentent un incontestable succès pour l’opposition de gauche au gouvernement du parti de l’Ordre. Succès national, qui ravive les craintes d’un réveil révolutionnaire – « la terreur était universelle » se souvient Tocqueville195 – mais succès particulièrement spectaculaire dans un grand quart sud-est de la France. Dans les Basses-Alpes, la majorité absolue est atteinte par la liste soutenue par La Voix du peuple196 et, dans le Var, trois des sept élus appartiennent à la Montagne197. Certes, dans les Bouches-du-Rhône, le système électoral ne permet à aucun des candidats démocrates-socialistes d’être élu : pourtant le vote témoigne, ici aussi, d’une nette progression de l’extrême gauche par rapport au score obtenu par Ledru-Rollin au mois de décembre précédent. Dans les trois départements, le scrutin aboutit bien à un très sensible renforcement de la gauche républicaine.
78Ce résultat, qui participe à un mouvement général, ne peut évidemment pas être attribué à la seule action de La Voix du peuple et de ses rédacteurs. Pourtant, la capacité à imposer des listes unitaires, comme le souhaitait le comité électoral constitué à Paris en février 1849, a certainement pesé dans ce résultat. Il a permis, en tout cas, d’aboutir à cette bipolarisation que Laponneraye et ses amis prédisaient depuis l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte. Dans les Bouches-du-Rhône, la nature d’une partie du vote en faveur d’Eugène Cavaignac, obtenu grâce au soutien d’une fraction des notables légitimistes, est mise en évidence : laissant ainsi la place à un face-à-face entre la Montagne et l’Ordre.
79 La Voix du peuple, peut alors ironiser sur la « victoire à la Pyrrhus » des « carlistes et les chouans198 ». Le journal entame même une campagne pour demander l’annulation de l’élection dans les Bouches-du-Rhône, qualifiée de « filouterie », au prétexte d’une dépêche du ministre de l’Intérieur, Léon Faucher, accusant certains candidats, « fauteurs d’anarchie », de se préparer pour « renouveler les journées de juin ». De plus, les bulletins du parti de l’Ordre portaient la mention « liste de conciliation », alors qu’ils n’auraient dû comporter aucune indication199.
80Au lendemain des élections, La Voix du peuple continue son travail de propagation des orientations de la gauche républicaine, mêlant une rhétorique assez radicale à des appels au calme, à l’ordre et au respect des institutions républicaines.
81Lorsqu’une élection partielle est convoquée, le 8 juillet 1849200, le journal impose la candidature de Dupont de l’Eure, qui avait fait adopter par l’Assemblée constituante, en novembre 1848, un ordre du jour proclamant que « le général Cavaignac avait bien mérité de la patrie ». Le nom de l’ancien président du gouvernement provisoire de la République est censé attirer les suffrages d’électeurs modérés : « Dupont de l’Eure c’est l’homme en qui se résume le mieux et le parti qui a triomphé en juillet 1830 et le parti qui a triomphé en février 1848 ; c’est donc l’homme qui peut le plus efficacement servir de trait d’union entre les deux partis qui n’ont aucune raison de se jalouser », lit-on dans l’article de La Voix du peuple du 29 juin 1849 qui annonce sa désignation par la Société électorale démocratique. Un choix qui ne fait cependant pas l’unanimité. Dès le 23 juin, le journal condamne préventivement, dans son article d’ouverture, certainement rédigé par Laponneraye, « les impatients en politique » qui, en cherchant à précipiter les événements ne feraient que les retarder. Opposé à la « force brutale et la violence [qui] n’ont jamais rien fondé de durable », le texte explique que l’instauration du suffrage universel a délégitimé l’insurrection, sauf dans le cas où la république elle-même serait remise en cause. Ses « impatients » existent dans les Bouches-du-Rhône. Le 1er juillet, nous apprenons que les démocrates d’Arles, certainement rebutés par la personnalité du candidat de la gauche, refusent de participer au scrutin. Après l’annonce de l’élection du candidat du parti de l’Ordre, le quotidien dénonce les républicains radicaux qui se seraient abstenus : des « Brutus », accusés de désertion, hommes de « l’avant-veille », « dont l’amour-propre et l’égoïsme sont les seuls mobiles201 ». C’est d’ailleurs dans ce climat que le conflit entre Laponneraye et Tastet éclate au grand jour202.
82Le journal semble, en fait, obéir sans cesse à des objectifs qui entrent facilement en tension. D’un côté, il développe une propagande adoptant une rhétorique radicale et accordant une attention toute particulière aux questions sociales. D’un autre côté, soucieux de respecter les institutions de la République, il se soumet entièrement à la sanction du suffrage universel et ne semble envisager de succès, sur ce terrain, qu’à la condition de rallier à sa cause des électeurs modérés, voire d’anciens partisans du régime déchu par la révolution de Février.
83Un événement peut illustrer cette vaine quête.
84Nous avons déjà eu l’occasion de revenir sur les conséquences de l’intervention romaine des troupes françaises dirigées par le général Oudinot : Ledru-Rollin, demandant le 11 juin, à la tribune de l’Assemblée nationale tout juste élue, la mise en accusation du gouvernement et du président de la République, au motif qu’ils auraient violé l’article 5 de la Constitution203 ; manifestation de rue le surlendemain, facilement dispersée par la troupe dirigée par le général Changarnier (qu’avaient envoyé à l’Assemblée nationale les électeurs des Bouches-du-Rhône) ; répression contre les républicains dont certains responsables sont arrêtés ou obligés, comme Ledru-Rollin, de s’exiler, avant d’être jugés, à l’automne, par la Haute Cour de Justice de Versailles. Des troubles ont lieu dans de nombreuses villes où les élections ont montré la forte implantation des démocrates-socialistes : à Lyon, où on dénombre de nombreux morts, dans l’Allier, à Vienne, à Perpignan, à Grenoble, etc. Pourtant rien de semblable à Marseille. Certes La Voix du peuple lance, le 9 juin 1849 : « Honte et infamie sur le général Oudinot » et demande au président de la République de révoquer ce « fou furieux qui s’est rendu coupable de cet abominable forfait », ce qui est quand même fort différent que de prôner la mise en accusation du chef de l’État. Le journal s’est d’ailleurs mobilisé précédemment autour de la figure d’Édouard Dupré, candidat malheureux de la Montagne dans les Bouches-du-Rhône en mai 1849, et qui avait été tué, dans les rangs des troupes dirigées par Oudinot, lors des combats du 30 avril. Un officier républicain, figure connue des démocrates-socialistes, tombé dans de telles conditions, permet de célébrer indifféremment « tous les français et romains morts comme lui dans la lutte impie du 30 avril204 ». C’est Laponneraye lui-même qui négocie avec la mairie les conditions de cette manifestation qui se tient le 30 mai et consiste en un service funèbre suivi d’un défilé de rue que tente vainement d’empêcher le préfet205. En juin 1849, le journal fait preuve d’une grande prudence face au cours que prennent les événements. La journée parisienne du 13 est essentiellement relatée par des extraits, non-commentés, de dépêches télégraphiques ; et si le quotidien, faisant écho au discours de Ledru-Rollin, s’interroge : « le pouvoir de Louis Bonaparte est-il au-dessus de la Constitution ? », il se garde bien d’apporter une réponse trop tranchée à cette question : « c’est à nos concitoyens à tirer de cette monstrueuse forfaiture les conclusions qui en découlent naturellement206 ». Et lorsque des Marseillais, voulant participer au mouvement qui touche de nombreuses villes, descendent dans les rues, le journal, ironisant sur le déploiement totalement disproportionné des forces du maintien de l’ordre, parle de « quelques scènes de désordre, fort regrettables sans doute, mais sans aucun caractère sérieux », affirme que ses partisans n’ont pas pu prendre part à cette manifestation « sans portée et sans but » et conclut assez péremptoirement : « nous déclarons mauvais citoyens et agents provocateurs tous ceux qui chercheraient à troubler la tranquillité publique »… tout en faisant un peu plus loin l’éloge des républicains arrêtés à Paris, notamment de Pierre Leroux207.
85Protéger son parti, éviter la répression, utiliser tous les moyens de l’action légale, chercher à convaincre les hésitants… tout en utilisant une rhétorique radicale et en affirmant son adhésion au parti des démocrates-socialistes, telle est la difficile équation que tentent de résoudre La Voix du peuple et son principal rédacteur. Une attitude qui ne manque pas de provoquer des tensions, des hésitations et de générer quelques ambiguïtés ; mais une attitude qui témoigne surtout du difficile passage d’une pratique politique révolutionnaire à une pratique politique institutionnalisée. Les objectifs sont différents, l’espace au sein duquel on s’exprime est considérablement élargi, les fonctions du responsable politique sont modifiées, mais le vocabulaire utilisé reste inchangé.
86Grâce à des lettres exhumées par Sylvie Hennet, nous savons que Laponneraye a lui-même fortement vécu ces contradictions. Les combats du présent lui ont ouvert de nouvelles perspectives. Sans doute pour la première fois de sa vie, l’avènement de la République lui permet de se projeter dans l’avenir comme un responsable politique s’inscrivant dans le jeu institutionnel et parlementaire. Deux missives adressées à sa belle-sœur, témoignent de son espoir d’être désigné député des Bouches-du-Rhône dans le cadre des élections à l’Assemblée de 1849 :
« Je juge mon élection infaillible par le résultat que j’ai obtenu pour Ledru-Rollin. Avant mon arrivée, il n’aurait eu que trois ou quatre mille voix, je lui en ai conquis vingt mille avec mon journal et cela en moins de six semaines. L’influence de La Voix du peuple est immense, elle balance celle de tous les journaux réunis […] D’après tout cela, je crois que sans trop me bercer, je puis compter sur mon élection au prochain renouvellement de l’assemblée. Tranquillisez-vous donc […] vous nous reverrez bientôt208. »
87L’un de ces deux courriers est daté du 1er mars 1849 : le 29 avril, nous l’avons vu, le comité électoral démocratique désigne une liste où le nom de Laponneraye ne figure pas. Cette exclusion, dont nous ne trouvons la trace dans aucune archive, a certainement dû susciter une vraie déception, voire frustration, chez celui qui s’appropriait, un peu rapidement il faut bien le reconnaître, le mérite du résultat de Ledru-Rollin lors de l’élection présidentielle du 10 décembre 1848. La désillusion fut d’ailleurs double, non seulement Laponneraye ne fut pas candidat, mais la liste qu’il soutenait fut battue. Cela ne l’empêche pas de prôner une rigoureuse discipline et d’exiger de tous les candidats déçus, sans jamais donner le sentiment de pouvoir relever de cette catégorie, qu’ils soutiennent ceux qui ont été désignés. Ces péripéties témoignent cependant de la naissance de nouvelles perspectives personnelles totalement liées au contexte politique. Les institutions représentatives, pour peu que leur légitimité soit reconnue, suscitent très rapidement des ambitions d’une nature inédite.
88De toute façon, quand se déroule le vote pour désigner les députés à la nouvelle assemblée, il ne reste à Laponneraye qu’un peu plus de trois mois à vivre. Le 26 août 1849 La Voix du peuple annonce qu’il est atteint d’une « maladie grave », le 30, tout en évoquant la « cruelle maladie qui, pendant plusieurs jours, a mis en péril l’existence de notre rédacteur en chef », le journal croit discerner « un faible rayon d’espérance ». Mais le 1er septembre 1849, Laponneraye, après avoir demandé les secours de la religion209, décède à son domicile marseillais de la maladie cardiaque dont il a souffert toute sa vie.
89Les 3 et 4 septembre, La Voix du peuple, sort un numéro spécial, entouré d’un liseré noir, rendant un dernier hommage à son rédacteur en chef auquel on promet le sort des « âmes des martyrs ». Dans un style très lyrique, le quotidien présente Laponneraye comme « un athlète infatigable », « un laboureur incessant du patrimoine de l’intelligence et du savoir dont il prêchait le communisme, mais seulement celui-là de communisme », sacrifiant sa vie à la cause des opprimés.
90Le dimanche 2 septembre 1849, 15 000 à 20 000 personnes accompagnent le convoi funéraire. Le cercueil, précédé de musiciens, est décoré de draperies rouges et de palmes triomphantes : « de mémoire d’homme, jamais, à Marseille, un peuple plus immense était venu donner par sa présence, de si nombreux, de si touchants témoignages de sympathie et d’amour à un simple citoyen ». Devant sa tombe, des prises de parole sont organisées : Rocoffort, au nom de La Voix du peuple, un représentant de l’Athénée ouvrier, l’ancien député Louis Astouin et un certain « citoyen Estrivier ».
91Deux souscriptions sont également ouvertes : l’une pour financer la construction d’un monument funéraire, l’autre en faveur de sa famille. Tous les témoignages insistent en effet sur la situation de cette dernière – son épouse, sa fille, sa sœur et sa mère – que son décès laisse sans ressource210.
92Ainsi, de manière posthume, Laponneraye connaît sa première vraie gloire partisane.
93En dirigeant un quotidien de la Montagne, il a acquis une position nouvelle. Il s’est également initié à un nouveau type de combat politique, celui qui se soumet au verdict du suffrage et accepte le jeu institutionnel. Une position qui suscite des ambitions inenvisageables avant la révolution de Février. Directeur de journal, il identifie manifestement son lectorat à l’opinion de gauche qu’il souhaite rassembler. Chantre de l’unité des démocrates contre le parti de l’Ordre, il s’engage dans une démarche où la volonté de regrouper tous les courants, républicains et socialistes, prend le pas sur le désir d’affirmer une doctrine dont il serait le héraut. Journaliste, il ne semble plus croire à la répétition de la Révolution française mais appréhende les évènements qui se déroulent sous ses yeux comme totalement singuliers et appartenant à une modernité politique qui ne peut se comprendre en ayant le regard tourné vers le passé.
94D’une révolution à l’autre, de 1830 à 1848, il est passé d’un régime d’historicité à un autre, d’une forme d’engagement à un autre.
95Les questions que posent ces évolutions, ne peuvent en aucun cas être analysées uniquement comme une forme de renonciation, voire de trahison, ou au contraire comme la preuve d’une maturité enfin trouvée. Elles sont celles qui interpellent tous les républicains de cette période : que veut dire être révolutionnaire en république ? quelles conséquences l’instauration du suffrage universel masculin peut-elle avoir sur les formes de l’action politique ? jusqu’où la démocratie reste inachevée ?
96Des questions auxquelles Laponneraye répond en tâtonnant, avec son caractère, mais aussi en tenant compte de multiples forces qui interagissent, influencent ses choix et fixent sa trajectoire personnelle brusquement interrompue en cette journée du 1er septembre 1849.
Notes de bas de page
1Cf. Philippe Boutry, « Des sociétés populaires de l’an II au “Parti républicain”. Réflexions sur l’évolution des formes d’association politique dans la France du premier xixe siècle », dans Maria Teresa Maiullari (dir.), Storiografia frencese ed italiana a confronto sul fenomeno associativo durante xviiie-xixe secolo, Turin, 1990, p. 107-135.
2C’est tout du moins ce qu’affirme le Manifeste de cette société publié en octobre 1830. Sur la Société des amis du peuple, cf. les reprints publiés par les EDHIS et les textes de Jean-Claude Caron déjà cités.
3AN, F.IC.I.33.
4AN, F7 3885, bulletin du 21 novembre 1831.
5Henri Gisquet, op. cit., t. 3, p. 183. On trouve les mêmes remarques dans un rapport transmis le 19 juin 1832 par ce même Gisquet au ministre de l’Intérieur (AA, E5 26 ; document que nous a envoyé Pierre Baudrier).
6C’est tout du moins ainsi que Laponneraye relate l’incident – orchestré par des provocateurs de police ? – dans une lettre qu’il envoie à la Gazette des tribunaux du 3 décembre 1831.
7Gazette des tribunaux, 5 et 6 décembre 1831.
8Par exemple, La Tribune du 5 décembre relatant la fermeture du cours la veille.
9Plusieurs défenses de ces républicains sont regroupées dans le vol. XI de la collection Les Révolutions du xixe siècle… publiée par les EDHIS en 1974.
10Albert Laponneraye, Cours public, op. cit., p. 192 (13e leçon).
11À la fin des 14e, 15e, 17e, 18e, 33e, pour ne citer que celles incluses dans le recueil de la BnF.
12Il s’agit peut-être du capitaine Kersausie, très proche de François-Vincent Raspail, il combat lors des journées de juin 1832 et devient un membre actif de la Société des droits de l’homme où il fonde, en 1834, la Société d’action qui préfigure les sociétés secrètes qui se développent ultérieurement. Il est également impliqué dans plusieurs procès engagés contre les républicains.
13Une grave épidémie de choléra avait frappé la France de mars à septembre 1832.
14Louis-Philippe appréciait, au début de la monarchie de Juillet, le surnom de roi-citoyen – une bibliographie hagiographique avait d’ailleurs été publiée sous ce titre – et aimait se faire représenter en bon bourgeois se promenant sur les boulevards avec son parapluie : un riflard en argot.
15Est-il utile de rappeler que « la poire » désignait Louis-Philippe dans la caricature et chez les chansonniers d’opposition ?
16Une chanson d’Agénor Altaroche qui, sous couvert de dénonciation du budget, tournait en ridicule le roi des Français
17Des informations qui reposent essentiellement sur les notices du DBMOF, url citée.
18AN, CC 612, registre 1.
19Ibid.
20AN, CC 613 liasse 1.
21Philippe Darriulat, « Les prisonniers de Sainte-Pélagie », dans L’Histoire, no 167, juin 1993, p. 40 à 47 ; article repris et remanié pour Les collections de l’Histoire, « Paris, la traversée des siècles », no 9, octobre 2000 ; Jacques Grandjonc, Communisme/Kommunismus, op. cit., p. 149 sq.
22Une voie aujourd’hui disparue qui donnait sur le quai des Orfèvres.
23Cf. La Tribune, 28 janvier 1832.
24Pierre-Clément Bérard, Sainte-Pélagie en 1832. Souvenirs, Nantes, Libaros, 1886, p. 24.
25C’est le cas de Joseph Moriencourt, qui, de mai 1831 à juin 1848, est de tous les combats de la gauche républicaine (cf. Jean-Noël Tardy, L’Âge des ombres. Complots, conspirations et sociétés secrètes au xixe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 419-420).
26AN, CC 613, 2e liasse.
27Ibid.
28Ibid.
29Ibid. et Procès du coup de pistolet par deux sectionnaires, publication de la Société des droits de l’homme, s. l. n. d., p. 82.
30Ibid.
31AN, CC 614. Dirigée par un comité de 30 membres renouvelé tous les six mois, elle se subdivisait en plusieurs comités. Le nom de Laponneraye n’apparaît dans aucun d’eux, ni même dans les listes de cotisants.
32AN, CC 616, 1re liasse. Elle est présente aux séances des 25 juillet et 12 septembre 1833.
33Gazette de Sainte-Pélagie, 14 février 1833.
34L.-M. Moreau-Christophe, De l’état actuel des prisons en France, considéré dans ses rapports avec la théorie pénale du code, Paris, Desrez, 1837, p. 351.
35F.-V. Raspail, op. cit., 36e lettre.
36Émile Couret, Le Pavillon des princes, histoire complète de la prison politique de Sainte-Pélagie depuis sa fondation jusqu’à nos jours, Paris, Flammarion, 1895, p. 107.
37Armand Marrast, « Sainte-Pélagie, détention politique », dans Paris ou le livre des cent-et-un, t. IV, Paris Ladvocat, 1832, p. 261-286. Gérard de Nerval, qui fut emprisonné quelque temps à Sainte-Pélagie en 1832, a également laissé des souvenirs (Paris et ses alentours, Paris, Encre, 1984).
38AN, CC 664. Cf. également Jacques Grandjonc, op. cit., p. 89.
39La Tribune écrit dans son édition du 2 avril 1832 : « Quels étaient ces jeunes gens [qui manifestaient devant Sainte-Pélagie], nous l’ignorons, les prisonniers ne les connaissaient pas davantage. Gisquet (le préfet de police) et Carlier pourraient-ils en dire autant ? » ; quant au National, il publie une lettre du baron de Rivière présentant les agresseurs de Sainte-Pélagie comme « quelques garçons de douze à quinze ans, armés de manche à balai uniformes, guidés par deux ou trois hommes plus âgés, que plusieurs d’entre nous considèrent, à tort ou à raison, comme des agents provocateurs » (3 avril 1832).
40Pierre-Clément Bérard, op. cit., p. 66.
41APP, A/A.419.
42Cour d’assises de la Seine, Acte d’accusation et jugement de dix individus accusés de rébellion pour délivrer les prisonniers de Sainte-Pélagie, et condamnation de l’un des accusés à 8 ans de travaux forcés et à l’exposition, Paris, Sétier, s. d.
43AD75, 2Y13/17 (24 juillet 1830-20 août 1831) ; 2Y13/18 (21 août 1831-17 avril 1832) ; 2Y13/19 (18 avril 1832-18 avril 1834).
44Cf. Thomas Bouchet (éd.), Charles Jeanne, À cinq heures, nous serons tous morts ! Sur la barricade Saint-Merry, 5-6 juin 1832, Paris, Vendémiaire, 2011.
45C’est tout du moins ce dont se souvient Alphonse Leclercq en 1873, dans Les Échos parisiens, artistiques et littéraires, du 13 juillet.
46Charles-François Chevé est noté sur le registre d’écrou comme étant entré le 26 août et le 29 novembre 1833 ; quant à Bazière, il fréquente Sainte-Pélagie à partir du 28 juin 1832. Quatre lettres de la correspondance Bazière-Laponneraye sont conservées aux AN, CC 600, d. 54.
47Cf. ci-dessus, p. 86.
48Cf. ci-dessus, p. 123.
49AN, F7 3886 et Gabriel Perreux, op. cit., p. 236 sq.
50Le Fondateur, journal de l’association libre pour l’éducation du peuple, 1er octobre 1832. Sur cette association cf. Carole Christen, « L’éducation industrielle vue par la presse ouvrière dans les années 1840 », dans Les Études sociales, no 159, 2014-1, p. 65-83.
51C’est ce qu’indique un carnet saisi chez le pédagogue Théophile Dolley, inquiété au lendemain de l’insurrection d’avril 1834 (AN, CC 615) et que confirme un rapport d’un indicateur de police (AN, F7 6674).
52Victor Bouton, op. cit., no 7, p. 109.
53Gisquet voulait absolument démontrer la collusion entre républicains et légitimistes. Les républicains répondent dans une lettre publiée par La Tribune du 10 mars 1832. Outre Laponneraye, signe notamment cette lettre : Raspail, H. Bonnias, Ulysse Trélat, Félix Mathé, Hubert et Godefroy Cavaignac.
54Son nom figure à côté de celui de tous les leaders républicains, tout autant dans la liste que fournit Louis Blanc dans l’annexe du quatrième volume de son Histoire de dix ans, que dans l’Histoire des sociétés secrètes (Paris, Julien, Lanier, 1850, vol. 1, p. 165) du provocateur de police Lucien de La Hodde. Son nom ne figure pas dans la liste des défenseurs que publie La Tribune le 30 mars 1835. En revanche des portraits des défenseurs des accusés d’avril ont été réalisés. Celui de Laponneraye figure bien parmi eux, c’est d’ailleurs ce portrait qui sert de couverture au présent ouvrage.
55Le Moniteur universel, supplément au numéro 45, du mardi 14 février 1832.
56Ibid., 7 février 1834, relatant la séance de la veille.
57Dans son édition du 24 juillet 1832. Un jugement mis en préambule d’une lettre de Laponneraye répondant à ce sujet à la Constitution de 1830.
58Op. cit., vol. IV, p. 456.
59Cf. ci-dessus, p. 88.
60Achille Roche, « Sur les prétendues doctrines de 93 », et recension du Cours public d’histoire de France, dans Revue encyclopédique, t. LV, Paris, juillet-septembre 1832, p. 6-27 et 465-467.
61Louis Hincker, op. cit., 2008, p. 97.
62Thomas Bouchet, Vincent Bourdeau et al., op. cit., p. 20.
63Jean-Noël Tardy, op. cit., p. 255-320.
64Claude Latta, Un républicain méconnu, Martin-Bernard, Saint-Étienne, Centre d’études foréziennes, 1980 ; Maurice Dommanget, op. cit.
65AN, CC 774 no 335 et CC 748 no 511.
66Op. cit., p. 6. Un article équivalent est publié dans le second numéro de juin 1840 de L’Égalitaire.
67Les indications biographiques ci-dessous, quand elles ne renvoient pas à des sources présentées en note, sont rédigées à partir des notices du DBMOF, url citée.
68Joigneaux reste cependant prudent sur la question de la propriété, il se contente de noter qu’elle a « depuis les Gracques occupé un grand nombre d’intelligences ». Il est fidèle en cela à la ligne éditoriale de L’Intelligence qui a choisi de ne pas aborder de front les questions qui pourraient l’amener devant les tribunaux. En août 1838 L’Intelligence publie également une lettre de Joigneaux dans laquelle ce dernier se plaint d’une perquisition policière ayant saisi, à son domicile, une liste de souscripteurs à son Histoire de la Bastille.
69« Joigneaux a remis son manuscrit, on en a abusé en le publiant contre sa volonté, on en a abusé en en dénaturant le sens de manière, peut-être, à rendre criminel ce qui était innocent. » Cf. « Arrêt rendu par la cour d’assises de la Seine… », dans Les Révolutions du xixe siècle. 12. Feuilles populaires et documents divers : 1835-1847, Paris, Edhis, n. p.
70AN, CC 729, d. 472.
71AN, CC 736, d. 127 (on trouve chez lui un bulletin d’abonnement à L’Intelligence).
72AN, AE V 172 (deux numéros de L’Intelligence sont saisis chez lui).
73AN, CC 778, scellé 1. On saisit chez lui deux numéros de L’Intelligence et une lettre de Laponneraye l’incitant à prendre des actions du journal.
74Joseph Benoit, op. cit., p. 59-60.
75AD69, 4M 262, rapport du 25 juin 1835.
76Ibid., correspondance du commissaire de Lyon au préfet du 23 novembre 1837.
77AD69, Ucor180 et Ucor929.
78Dans les numéros de mai et août 1838.
79AD69, 4M 262, correspondance du commissaire de Lyon au préfet du 23 novembre 1837 et AN BB18 1371.
80Ce que le ministre de l’Intérieur rappelle au préfet du Rhône dans une lettre du 10 janvier 1839 (ibid.).
81AD45, T. 947 (2), dossier de L’Intelligence et AD69, 4M 262.
82L’Intelligence, mars 1840. Lors du procès de 12 juillet 1838 Darlande et Antoine Blanc « ont été reconnus les principaux organisateurs » de la société (AD69, Ucor180).
83Dépêche télégraphique du 22 mai du préfet du Rhône du ministre de l’Intérieur (AN CC 748, d. 511) et fiche « Laponneraye » du fichier Bossu, [http://fichier-bossu.fr/] qui fait référence à une correspondance du sous-préfet de Gray annonçant sa venue à Lyon, après être passé par la Haute-Saône.
84C’est ce que révèlent les perquisitions qui y sont faites (AD69, 4M 262).
85Sur les sociétés lyonnaises, cf. J.-N. Tardy, op. cit., p. 288-296.
86Claude Latta, « L’insurrection de 1839 », dans Société d’histoire de la révolution de 1848, Blanqui et les blanquistes, Paris, Sedes, 1986, p. 69-85. Edward Berenson affirme, sans référence, que Laponneraye était membre des sociétés blanquistes (op. cit., introduction, p. xxi).
87Joseph Mérilhou, op. cit., pour toutes les informations ci-dessous.
88C’est d’ailleurs la thèse que défend le provocateur Lucien de la Hodde, op. cit., p. 24.
89Réfutation de la brochure de M. Thoré intitulée Du communisme en France, Paris, 1842, p. 2.
90« Babeuf et son système », dans L’Intelligence, février 1840.
91Par exemple : « Les révolutions ne se font pas par des coups de main. Une révolution est le résultat du progrès lent et irrésistible des idées ; elle éclate quand elle est arrivée à son point de maturité, jamais avant » (« Tout arrive à point à qui sait attendre », dans L’Intelligence, juillet 1839).
92Alain Maillard, La Communauté des égaux. Le communisme néo-babouviste dans la France des années 1840, Paris, Kimé, 1999, p. 260-262. Cf. également : Alain Maillard, Claude Mazauric et Éric Walter, Présence de Babeuf : Lumières, Révolution, communisme. Actes du Colloque international Babeuf, Amiens, les 7, 8 et 9 décembre 1989, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994 ; Samuel Bernstein, « Le néo-babouvisme dans la presse (1839-1848) », dans Babeuf et les problèmes du babouvisme. Colloque international de Stockholm, 21 août 1960, Paris, Éditions sociales, 1963 ; Georges Morange, Les Idées communistes dans les sociétés secrètes et dans la presse sous la monarchie de Juillet, Paris, V. Giard et E. Brière, 1905 ; Georges Sencier, Le babouvisme après Babeuf, sociétés secrètes et conspirations communistes (1830-1848), Paris, M. Rivière, 1912 ; Alessandro Galante Garrone, Philippe Buonarroti et les révolutionnaires du xixe siècle, Paris, Champ libre, 1975 (Turin, 1951) ; Jacques Valette, « Utopies sociales et utopistes sociaux en France vers 1848 », dans Société d’histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du xixe siècle, 1848, les utopismes sociaux. Utopie et action à la veille des journées de février, Paris, Sedes, 1981 ; Michel Vovelle, « Une troisième voie pour la lecture de la Conspiration des Égaux ? », dans Annales historiques de la Révolution française, no 312, 1998, p. 217-227.
93Op. cit., p. 419-424.
94Cf. Armand Cuvillier, Un journal d’ouvriers : l’Atelier (1840-1850), Paris, Éditions ouvrières, 1954 (1914), p. 204.
95Il s’agit d’un extrait de De la lutte entre la cour et le pouvoir parlementaire (Paris, Pagnerre, 1839), paru dans le numéro du 10 mai 1839.
96Dans le numéro d’octobre 1838.
97Rouen, François, 1836.
98« Réflexion sur l’industrie et le commerce considérés sous le rapport humanitaire et social », article publié dans les numéros de septembre et octobre 1838. Charles Noiret avait publié dès juin 1838 dans L’Intelligence un article contre Jacques Laffitte accusé de financer une restauration bonapartiste. Il était certainement le correspondant de ce journal à Rouen et c’est sans doute lui qui se fait l’écho, dans le numéro du 2 novembre 1838, du succès de la pétition pour la réforme électorale dans cette ville.
99Louis Voitelain publie ses chansons dans des numéros de L’Intelligence et de La Propagande en mai, juillet et octobre 1838 ainsi qu’en février 1840. Sur cet auteur et sur les goguettes, nous renvoyons à Philippe Darriulat, La Muse du peuple, op. cit.
100Pierre Leroux, « De l’égalité », dans L’Intelligence de juillet 1839 et Jules Leroux, « Économie politique », article paru dans deux numéros de L’Intelligence en janvier et février 1840. Sur Pierre Leroux, on peut consulter : Bruno Viard, Pierre Leroux, penseur de l’humanité, Sulliver, 2009 ; Jean-Jacques Goblot, La Jeune France libérale. Le Globe et son groupe littéraire (1824-1830), Paris, Plon, 1995 ; Vincent Peillon, Pierre Leroux et le socialisme républicain. Une tradition philosophique, Paris, Le Bord de l’eau éditions, 2003.
101Une lettre de Laponneraye à Flora Tristan du 19 novembre 1837 est reproduite dans le Manuel de l’amateur d’autographes, octobre-novembre 1878, p. 173. Cf. également ci-dessous, p. 237.
102Flora Tristan, Lettres. Réunies et annotées par Stéphane Michaud, Paris, Seuil, 1980, p. 153.
103L’Intelligence, septembre 1839.
104Préoccupé des questions sociales il avait appelé les canuts de 1831 à se rallier à l’autorité et, en 1834, avait affirmé son opposition aux insurrections, ce qui ne l’empêche pas de faire partie des 420 prévenus renvoyés devant une juridiction d’exception (cf. L’insurrection lyonnaise de 1834 : défense d’Anselme Petetin devant la Cour des pairs, texte édité par Marie-Christine Blaise et Bernard Collonges, Lyon, 2007).
105Cf. Anselme Petetin, Discussion de politique démocratique et mélanges, Paris, Plon, 1862.
106L’Intelligence, avril 1838.
107Ce qui lui vaut les foudres du docteur Hippolyte Belloc, Réponse d’un chrétien patriote à M. Laponneraye, Paris, au bureau de publication des Évangiles, 1837. Cf. également L’Intelligence, 22 février 1839.
108L’Intelligence, juillet 1839.
109Sur Étienne Cabet : François Fourn, Étienne Cabet ou le temps de l’utopie, Paris, Vendémiaire, 2014 ; et « L’Utopie ou la barabarie », dans Thomas Bouchet, Vincent Bourdeau et al., op. cit., p. 203-215 ; Jules Prudhommeaux, Icarie et son fondateur Étienne Cabet ; contribution à l’étude du Socialisme expérimental, Paris, E. Cornély, 1907 ; Christopher H. Johnson, Utopian communism in France, Cabet and the Icarians 1839-1851, Ithaca/Londres, Cornell University Press, 1974 ; et sur les expériences américaines des icariens : Michel Cordillot, Utopistes et exilés du Nouveau Monde. Des Français aux États-Unis de 1848 à la Commune, Paris, Vendémiaire, 2013.
110Il est également possible que des liens aient été établis par le biais d’une amie de Charlotte Robespierre, Mlle Matton « qui est allée mourir en Icarie dans la communauté de Cabet » (Pierre Joigneaux, Souvenirs historiques, t. 2, Paris, Marpon/Flammarion, p. 294).
111Cabet publie une Histoire populaire de la Révolution française de 1789 à 1830 (Paris, Pagnerre, 1839-1840). Il affirme par ailleurs avoir rédigé, pendant son exil anglais, outre son Voyage en Icarie, une Histoire universelle ancienne et moderne et une Histoire abrégée d’Angleterre (Procès de M. Cabet contre le National au sujet des Bastilles, Paris, Prévot, Rouanet, Chamerot, 1844). Il avait précédemment rédigé une Histoire de la révolution de 1830 que Laponneraye cite en la présentant comme un « excellent ouvrage » dans la 33e leçon de son Cours public.
112Cf. Jean-Noël Tardy, op. cit., p. 305-310.
113Une petite Biographie populaire de l’armée (Paris, Prévôt, 1840).
114Dans Ma ligne droite, ou le vrai chemin du salut pour le peuple (Paris, Prévôt, septembre 1841).
115Étienne Cabet, Utile et franche explication avec les communistes lyonnais sur des questions pratiques, Paris, au bureau du Populaire, octobre 1842. Cf. F. Fourn, op. cit., p. 131-147.
116Ibid.
117AN, BB18 1394, no 2204. Villalier, près de Carcassonne, est la commune où Barbès est enterré.
118Les archives départementales de la Haute-Garonne ont conservé un dossier assez complet sur cette affaire (1.M.346), sauf indication contraire, les informations que nous livrons à ce sujet en sont issues. Elles peuvent être recoupées avec celles conservées aux AN en BB18 1409. Cf. également F. Fourn, op. cit., p. 120-130.
119Cabet le présente comme « mon correspondant et mon mandataire pour le journal Le Populaire et pour mes nombreux écrits » (Étienne Cabet, Procès du communisme à Toulouse, Paris, au bureau du Populaire, 1843, p. 1).
120Ni dans le fichier « Bossu » des francs-maçons aujourd’hui en ligne sur le site de la BnF, url citée.
121Rolland, Laborde et Lacaze (loge La Française, saint Joseph des arts, en 1837) et Lamarque (loge des Cœurs réunis). Cf. fichier Bossu, url citée ; BnF mss : FM.2.38, p. 157 ; FM.2.479, d. 4 ; FM.2.484, d. 18 et AD31, 1.M.345, dossier des loges maçonniques.
122Dans un courrier adressé au commissaire de police de Toulouse, il écrit que la répression des radicaux toulousains aurait pour résultat « que vous me donnerez tous les moyens de satisfaire ma vengeance et de tenir la parole que je vous ai donné ».
123L’Écho des fabriques du 31 janvier 1843, accuse le Journal du Rhône de : « faire cause commune avec les disciples de Babeuf, de Laponneraye, de Cabet. »
124Sur Terradas et sur l’influence de Cabet en Catalogne, cf. Genís Barnosell Jorda, « Les admirateurs catalans d’Étienne Cabet : républicains et communistes à Barcelone, 1838-1856 », dans Le Mouvement social, 2015/2 (no 251), p. 133-147. Sur l’importance des solidarités internationales et la naissance d’un « cosmopolitisme d’action », cf. Sylvie Aprile, Jean-Claude Caron et Emmanuel Fureix, La Liberté guidant les peuples. Les révolutions de 1830 en Europe, Paris, Champ Vallon, 2013. Notons que la fiche qui lui est consacrée par la version espagnole de l’encyclopédie en ligne Wikipédia affirme que Terradas était lui aussi franc-maçon.
125Il peut certainement être identifié à un certain Joseph Lasalle ou Lassalle. Dans tous les cas les archives de la Haute-Garonne, qui conservent plusieurs de ses rapports, permettent de totalement écarter l’hypothèse de Christopher H. Johnson (op. cit., p. 131-132) selon laquelle Laponneraye aurait lui-même joué ce rôle. Laponneraye est également accusé d’entretenir à la mi-février 1843, « depuis 1841 » des rapports avec la police, par un représentant des compagnons de la liberté, adversaires de la Société de l’Union de Pierre Moreau qui entretenait, nous l’avons vu, des relations de proximité avec Laponneraye, accusation que rien ne peut étayer. En revanche, après son arrestation, Gouhenant – avec l’accord de Cabet ? – a tenté d’établir des relations avec la police, promettant de dénoncer des personnes riches et hauts placées dans le mouvement révolutionnaire de Marseille, Bordeaux et Lyon ainsi que la cache de 500 fusils et 2 barils de poudre, sans que cela ait pu aboutir.
126AD31, U494, no 3048. Le procureur avait manifesté son scepticisme auprès de sa tutelle et le président du tribunal avait été jusqu’à écrire qu’il considérait que l’accusation de complot était impossible à soutenir.
127« Triomphe du communisme à Toulouse », dans Le Populaire, 1er octobre 1843. Lucien de La Hodde, un autre provocateur de police, affirme que Laponneraye se serait rendu à Toulouse pour y prêcher un communisme violent opposé au communisme pacifique de Cabet, ce qui est très peu probable. Ayant rencontré un émissaire venu d’Agen, il l’aurait dessillé quant à l’influence réelle de Laponneraye – qui n’avait pas « trente partisans dans Paris » – son interlocuteur aurait maudit ce dernier et se serait empressé « de faire au père de l’Icarie, une confession appuyée des plus purs sentiments de repentir ». Un témoignage qu’il convient évidemment de considérer avec la plus grande circonspection (Lucien de la Hodde, op. cit., p. 324-328).
128Jacques Godechot, « Aux origines de la presse républicaine à Toulouse : la première Émancipation », dans Annales du Midi, t. 76, no 68-69, 1964. p. 581-598.
129Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet de la Haute-Garonne en date du 19 décembre 1840 (AD31, 1.M.345).
130Il semble qu’ils se soient rencontrés en décembre 1842 à Condom (AN, BB18 1409, d. 6043).
131Étienne Cabet, les Masques arrachés, Paris, au bureau du Populaire, décembre 1844, p. 101 sq. Les colporteurs accusés de diffuser les ouvrages de Laponneraye concurremment à ceux de Cabet – « Gros-Lourd et Joseph » – sont ceux qui accueillent Flora Tristan à Toulouse en 1844 (F. Fourn, op. cit., p. 131). S’il ne s’exprime jamais sur les motifs de sa rupture avec Cabet, Laponneraye revient ultérieurement, en termes plutôt positifs, sur ses relations que les deux hommes avaient eues : « Nous ne partageons pas ses idées, nous ne croyons pas à la réalisation de ses théories ; mais nous avons eu l’avantage de compter au nombre de ses amis, nous professons pour lui une estime profonde et nous défendons sa personne, sa probité et son honneur, envers et contre tous » (La Voix du peuple, 1er, 2 et 3 janvier 1849). Gouhenant quant à lui reste fidèle et Cabet et participe à l’expérience texane de l’Icarie qu’il rejoint en mai 1848.
132Sur ces évolutions, nous renvoyons évidemment aux travaux de Maurice Agulhon.
133AD13m, 4 M 521. La ligne Pas-des-Lanciers-Marseille venait juste d’être inaugurée, le 15 janvier 1848.
134AD13m, 1 M 605, 1 M 604, 4 M 521, 4 M 2287.
135AD13m, 4 M 2287.
136Un rapport au préfet en date du 24 octobre signale qu’il vient d’arriver et loge chez Poumicon (1 M 605).
137Cf. Vincent Robert, Le Temps des banquets : politique et symbolique d’une génération, 1818-1848, Paris, PUS, 2010.
138AD13m, 1 M 603. Notons que ce club Castellane se réunissait au « domaine Grousset », dans le local qui abritait également la communauté icarienne animée par un cordonnier du nom de Silvy.
139AD13m, 1 M 605. Cette réunion s’est tenue le 28 octobre.
140« Le premier article de M. Laponneraye n’a pas fait fureur parmi les républicains, ils l’ont trouvé pâle et sans direction », rapport de police en date du 26 octobre 1848 (AD13m, 1 M 605).
141AD13m, 4 M 2287 et 1 M 602.
142La Voix du peuple, 30 novembre 1848.
143AD13m, 4 M 2287. Le 2 décembre, cette société vote à une très large majorité en faveur de la candidature de Ledru-Rollin : 609 personnes étaient présentes, les votes se répartirent de la manière suivante : 570 voix pour Ledru-Rollin, 26 pour Cavaignac, 12 pour Raspail et une pour Louis-Napoléon Bonaparte. Pierre Dubosc, qui, le 26 février 1848, faisait partie du comité directeur qui essaya de prendre le pouvoir, était le président de cette société électorale (DBMOF, url citée et AD13m 1 M 602).
144AD13m, 1 M 603.
145AD13a, 2 U1 291, d. 6.
146AD13m, 4 M 521, lettre du commissaire au maire en date du 24 janvier 1849. Un débat anime alors les représentants de l’autorité pour savoir si la Solidarité républicaine doit être considérée comme une société secrète ou électorale, le ministère imposant la première interprétation qui permet d’engager des poursuites (AD13a, 2 U1 88).
147AD13a, 2 U1 88.
148ADm13, 1 M 602, il s’agit d’une conversation qu’aurait eu Laponneraye et que retransmet un agent de la préfecture avec ce commentaire : « malheureusement les ouvriers ne sont que trop disposés à suivre cette impulsion ».
149AD13m, 30 F 26 et 1 M 604 ; cf. également, Philippe Vigier, La Vie quotidienne en province et à Paris pendant les journées de 1848, Paris, Hachette, 1982, p. 111. Philippe Vigier a puisé ses sources dans un recueil intitulé Athénée ouvrier. Nouveau recueil de morceaux poétiques et littéraires lus dans les séances intimes et publiques, recueil appartenant à la bibliothèque personnelle de Pierre Guiral. Il semble que l’Athénée ait également essayé, en 1846, de publier un hebdomadaire, Le Phocéen, feuille sociale et littéraire.
150La Voix du peuple, 29 novembre 1848.
151AD13m, 1 M 605.
152La Voix du peuple, 1er février 1849.
153« L’histoire n’est-elle donc pas là pour dire comment a été fatalement amené 1793 ? Ne savez-vous pas qu’à force d’aiguillonner le taureau, il pourra se retourner un jour en fureur contre vous » (La Voix du peuple, 7 mars 1849).
154Daniel Stern (Marie d’Agoult), Histoire de la révolution de 1848, Paris, Balland, 1985 (1862), p. 415.
155La Voix du peuple, 3 mai 1849. E. Berenson (op. cit.), qui cite abondamment La Voix du peuple, revient longuement sur ce christianisme des républicains qu’il se refuse à réduire à une forme de naïveté ou à une influence romantique : « Rather, religious concepts provided the intellectual tools with which they fashioned a penetrating economic and political critique, a comprehensive alternative vision, and a concrete program for the realisation of that vision. Just as peasant and worker religiosity was by no means incompatible with anticlericalism and receptivity to news political ideas, so middleclass republicans saw no contradiction between Christian moralism and a forward-looking project for economic and social change. »
156Cf. ci-dessus, p. 196.
157La Gazette du midi, citée dans Le Caducée, souvenirs marseillais, provençaux et autres, t. IV, p. 264 sq. La citation renvoie aux Plaideurs, acte I, scène 1.
158Ils se situaient au no 14 de la rue des Clarisses, puis 37 rue Ferrari (AD13m, 1 M 600). Cf. également Sylvie Hennet, mémoire cité, annexe n. p.
159AD13m, 1 M 605.
160AD13a, 2 U2 4240 pour toutes les informations ci-dessous, sauf indication contraire, concernant le conflit entre Tastet et Laponneraye.
161D’après Le Caducée, op. cit., IV, p. 264.
162La veuve de Laponneraye essaie, sans succès, le 5 septembre 1849, de faire appel de ce jugement pour obtenir des dommages et intérêts.
163Cf. DBMOF, url citée.
164Ibid. et AD13m, 1 M 604. Le site de l’Association culturelle des Juifs du pape propose également une fiche biographique sur David Millaud, [http://acjp.fr/uploads/articles/8020e9813ae77ce1d7e85d810af027ed.pdf)]. Le premier acte d’état civil signé de sa main daterait du 29 février 1848 et il est encore maire en 1849.
165La Voix du peuple, 9 décembre 1848.
166La Voix du peuple, 3 mars 1849.
167« Les légitimistes et les républicains modérés ont arrêté en commun une liste pour la Chambre », annonce le responsable de la gendarmerie au préfet dans une dépêche datée du 21 avril.
168La Voix du peuple, 2 mars 1849.
169La Voix du peuple, 28 mars 1849.
170Un comité démocratique et socialiste central est constitué à la fin de février 1849, et un Appel aux électeurs républicains démocrates socialistes est publié le 3 mars.
171La Voix du peuple, 25 février 1849.
172La Voix du peuple, 29 avril 1849 et DBMOF, url citée. Les candidats éliminés sont Théodore Bac, Félix Pyat, le mécanicien Rousseau qui présidait le club Castellane, un négociant du nom de Marescot, Jules Michelet, Imbert, l’ancien gérant du Peuple souverain que nous avons déjà rencontré lors de l’affaire dite des communistes de Toulouse, un propriétaire du nom de Sarssy, Benoît, un officier retraité et Michel de Bourges.
173La Voix du peuple, 8 et 29 avril 1849. Le 11 mai le journal dénonce encore les « imposteurs et tartuffes dans le camp républicain […] qui ne veulent pas se soumettre au joug indispensable de la discipline » et, le 2 mai, il publie une lettre d’Imbert qui déclare, avec une évidente amertume, accepter les candidats « que la Voix du peuple a trouvés plus dignes que moi ».
174La Voix du peuple, 22 avril 1849.
175« La solidarité des peuples, le droit au travail, la liberté illimitée du droit de réunion et d’association, la liberté individuelle, la liberté de la presse sans cautionnement, sans mesures fiscales, l’abolition du remplacement militaire, l’élection du tiers des officiers et sous-officiers par les soldats, l’établissement d’une banque hypothécaire, la restitution du milliard, l’assimilation complète et entière de l’Algérie à la France et la colonisation sur une vaste échelle de ce magnifique pays, l’instruction gratuite, la diminution des impôts qui pèsent sur les objets de première nécessité, le rachat des chemins de fer par l’État, la réduction de l’armée dont l’entretien absorbe une partie du budget sans profit ni gloire pour la France, l’abolition de tous les cumuls et de toutes les sinécures, le suffrage universel libre et sincère pour tous les citoyens » (La Voix du peuple, 1er avril 1849).
176La Voix du peuple, 11 mars 1849.
177Ibid., 5-6 mars 1849.
178Ibid., 28 mars 1849.
179Ibid., 23-24 avril 1849.
180Ibid., 7-8 mai 1849.
181Ibid., 16 mars 1849.
182Sur Théophile Pons, cf. René Merle, « Les républicains de Toulon et de sa proche région », sur le site de l’association « 1851, pour la mémoire des résistances républicaines », url citée. Plus généralement, pour tout ce qui concerne le parti républicain dans le Var nous renvoyons évidemment aux travaux de Maurice Agulhon, notamment La République au village et Une ville ouvrière au temps du socialisme utopique.
183AD13a, 2 U1 87.
184Cf. Maurice Agulhon, Une ville ouvrière, op. cit., p. 220-226.
185AD13a, 2 U1 87. E. Berenson (op. cit., p. 181 sq.) apporte d’intéressantes précisions sur la pénétration de La Voix dans le Var.
186AN, BB18 1474a.
187Cf. ci-dessus, p. 231-232. Laponneraye était lui-même membre de cet Athénée comme en témoigne le discours du représentant de cette institution à ses funérailles.
188Sur Langomazino, cf. Philippe Vigier, La Seconde république dans la région alpine : étude politique et sociales, Paris, PUF, 1963, 2 vol., notamment vol. 2, p. 187 sq. que nous suivons principalement ici ; Dominique Lecœur, Louis Langomazino, 1820-1885 : un missionnaire républicain de la Provence aux îles Marquises, Mane, Les Mées, 2002. Né en 1820 à Saint-Tropez, il entre à l’arsenal de Toulon en 1836, d’où il est licencié en 1845, pour avoir été, en tant que président de la Société des ouvriers, un des principaux animateurs de la grève. Il s’installe ensuite à Marseille, comme mécanicien et participe activement à l’Athénée ouvrier créé en 1845 et dont il devient le président.
189La Voix du peuple, 9 mars 1848.
190La Voix du peuple, 2 et 4 mars 1849.
191Ibid., 26 mars 1849 et AN, BB18 1469.
192Qui participa pourtant à la répression de l’insurrection de juin 1832 et accompagna Bugeaud en Algérie.
193AN, BB18 1472.
194Philippe Vigier, op. cit., vol. 2, p. 187-190, pour toutes les informations, sauf indication contraire, ci-dessus.
195Alexis de Tocqueville, Souvenirs… op. cit., p. 828.
196Les élus sont cependant plutôt des « modérés ». Il s’agit d’Hippolyte Fortoul, déjà directement associé au « parti de l’Élysée », de Joseph de Laidet, que nous avons déjà rencontré, et de Melchior Yvan.
197Ledru-Rollin, Fulcran Suchet et Dominique Conte.
198La Voix du peuple, 19 mai 1849.
199La Voix du peuple, 20 mai 1849. Une pétition est lancée en ce sens, elle est publiée dans le numéro des 21 et 22 mai. Cf. Christophe Voilliot, La candidature officielle. Une pratique d’État de la Restauration à la Troisième République, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
200Il s’agissait de remplacer le général Changarnier, qui avait élu à la fois dans les Bouches-du-Rhône et la Somme et qui avait choisi ce dernier département.
201La Voix du peuple, 12 juillet 1849. Le vainqueur de Dupont de l’Eure, est le général Rullière (que La Voix orthographie Rulhière). Dupont de l’Eure a cependant obtenu 17 642 voix, dans un contexte de baisse de la participation.
202Cf. ci-dessus, p. 234-235.
203« [La République] respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n’entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n’emploie jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple. »
204La Voix du peuple, 28, 29 et 30 mai 1849. Le 19 mai Laponneraye écrivait : « Dupré était notre ami […] Quelle cruelle destinée que la sienne. Lui républicain ardent ; lui, rempli d’admiration et d’amour pour la république romaine ; lui, qui est parti le désespoir dans le cœur, prévoyant le triste rôle qui allait être dévolu à notre brave armée, il s’est trouvé obligé, victime de l’impitoyable devoir militaire, de marcher contre ses frères, et c’est une balle républicaine qui l’a frappé, lui républicain. Malédiction, trois fois malédiction sur les auteurs de cette guerre impie. »
205AD13m, 1 M 604. Le 26 le maire écrit au préfet « j’ai la conviction que cette manifestation sera entièrement pacifique », mais essaie de convaincre Laponneraye de ne maintenir que l’office religieux et de renoncer à la manifestation de rue.
206La Voix du peuple, 16 juin 1849.
207Ibid., supplément au no 139 du 17 juin 1849.
208Cf. Sylvie Hennet, mémoire cité, annexe n. p.
209Dominique Lecœur, op. cit., p. 61. Ce travail affirme également que Laponneraye serait mort du choléra, hypothèse qui ne semble pas pouvoir être retenue.
210Outre le numéro spécial de La Voix du peuple, cf. notamment Ch. Dupont, Histoire d’un enfant du peuple. Jacques Imbert de Marseille, décoré de Juillet 1830, combattant de février 1848, 1793-1851, Marseille, 1886, p. 304-308 et AD13a, 2 U1 87 et 2 U1 291.

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