Chapitre I. La Révolution n’est pas finie
p. 51-63
Texte intégral
Le Cours public et la révolution de Juillet
1Le 6 novembre 1831 à midi, nous sommes un dimanche, une certaine agitation règne devant le 12 de la rue Thévenot où un public inhabituel converge vers l’école élémentaire dirigée par celui que tout le monde appelle désormais « le citoyen Laponneraye ». Ce dernier s’apprête à tenir la première séance de son Cours public d’histoire de France depuis 1789 jusqu’en 1830. Il n’existe absolument aucune ambiguïté quant aux motivations de l’orateur qui attire dans son local, selon le souvenir du préfet de police, deux à trois cents personnes1 : il s’agit bien d’une réunion du « parti républicain2 » qui se retrouve autour du jeune professeur, pour écouter un propos qui, il y a peu, aurait relevé de l’indicible3. Ce cours est en effet la première manifestation publique d’une histoire républicaine et néojacobine des événements qui ont marqué la France depuis 1789. Jusqu’alors, même les conventionnels régicides, exilés à Bruxelles, n’hésitaient pas à dresser un « réquisitoire sans pitié », contre Robespierre ou Saint-Just4. Certes, les écrits de Guillaume Lallemant5 et de Laurent de l’Ardèche6 avaient bien tenté, pendant la Restauration, une première réhabilitation de « l’Incorruptible ». D’autres ouvrages allaient même plus loin, en proposant une véritable apologie de la Ire République, notamment ceux de Philippe Buonarroti et de René Levasseur7 : mais le premier, imprimé à Bruxelles, avait dû être diffusé sous le manteau jusqu’aux journées de 1830 et le second développait des thèses qui devaient sembler bien modérées au professeur de la rue Thévenot. L’ouvrage du député de la Sarthe à la Convention nationale, édité par Achille Roche – un ancien secrétaire de Benjamin Constant, lui-même auteur d’une histoire très anti-terroriste de la Révolution8, – a pourtant valu à ce dernier une peine de quatre mois de prison pour « outrage à la morale publique et attaque contre la dignité royale et les droits que le roi tient de sa naissance », peine dont il fut libéré par la révolution de 1830. Mais il est marqué par une grande indulgence à l’égard des girondins, se fait l’apôtre d’une alliance des robespierristes et des dantoniens, estime que le sang versé pendant la Terreur a « jeté sur notre glorieuse révolution une tache ineffaçable » et classe Saint-Just parmi les « fanatiques9 » : autant de considérations qui, malgré le fait qu’Achille Roche ait lui-même évolué vers l’extrême gauche10, le disqualifient certainement aux yeux de Laponneraye.
2En ce 6 novembre 1831, ce dernier a clairement l’intention de frapper les esprits en proclamant au grand jour des idées totalement neuves dans la bouche d’un homme né après le 9 Thermidor. Ces idées, il ne les adresse pas à n’importe quel public, mais aux « ouvriers » auxquels il destine son enseignement. Huit mois après le départ de Jacques Laffitte et la constitution du gouvernement Casimir Perier consacrant la victoire des libéraux conservateurs du parti de la Résistance, sept mois après l’adoption, le 15 avril, de la loi électorale qui, sur une population totale de 33,5 millions d’habitants, n’accorde le droit de vote aux élections législatives qu’aux seuls 170 000 Français les plus fortunés, cette simple affirmation prend un évident contenu subversif. Rue Thévenot, c’est de souveraineté populaire dont on va parler… et en quels termes : « Peuple souverain, lève-toi, fais un mouvement de ton bras puissant, et tous tes fiers oppresseurs vont tomber anéantis ; réveille-toi, terrible comme la foudre, frappe ces maîtres impitoyables qui durant tant d’années ont sucé ton sang11. » Comme on peut le constater, l’histoire n’est pas ici un simple récit du passé, mais bien un appel aux combats du présent : « je ne me renfermerai pas dans la simple narration des faits ; la tâche que je m’impose est plus vaste, je m’attacherai à vous montrer le principe des choses12 ». Il s’agit d’ailleurs d’une histoire « depuis 1789 jusqu’en 1830 », ce qui suppose que la séquence ouverte par la prise de la Bastille n’est pas close et qu’il appartient à la jeune génération de parachever l’œuvre entreprise quarante ans plus tôt. Car il n’y a pas de doute :
« La Révolution française a ébranlé le monde ; semblable à un vaste tremblement de terre qui bouleverse tout, depuis la cime des plus hautes montagnes jusqu’au fond des plus profondes vallées, elle a fait sentir sa commotion jusque sur les plus lointains rivages. Mais quel en a été le résultat ? Il est encore incertain. La lutte engagée en 1789 dure encore. Deux principes combattent avec des chances diverses ; l’un est le principe de l’aristocratie, l’autre de la démocratie, ou, en d’autres termes, car vous ne comprenez peut-être pas ceux-ci, l’intérêt du plus grand nombre, de la masse générale, du peuple enfin, et l’intérêt de quelques grands seigneurs, de quelques gros millionnaires. Voilà la question nettement posée ; il s’agit de savoir si le peuple sera libre, ou s’il sera esclave13. »
3« La lutte engagée en 1789 dure encore »… si l’on suit le propos de Laponneraye, il serait d’ailleurs plus pertinent de parler d’une reprise de cette lutte. Et si cette reprise est possible, ce serait d’abord parce que le peuple parisien, cet acteur essentiel par qui tout a commencé un certain 14 juillet 1789, serait revenu au premier plan lors des trois glorieuses journées de juillet 1830. La chute de Charles X, ce roi si fidèlement servi par l’officier Dulin de la Ponneraye, permettrait ainsi au fleuve révolutionnaire de reprendre son cours. La lecture de cet événement relativement récent, ne pourrait se faire qu’à la lumière de la Révolution française dont il ne serait qu’un nouveau soubresaut. De ce point de vue, Laponneraye ne fait d’ailleurs pas preuve d’une très grande originalité : cette perception de la Révolution « vécue comme un présent perpétuel14 » est commune à tous les courants politiques s’exprimant à cette époque dans l’espace public15. Pour les uns, de conviction libérale, il s’agirait, en 1830, de terminer le processus ouvert quarante et un ans plus tôt, en instituant enfin un régime représentatif et constitutionnel stable. Les plus conservateurs de ces libéraux, les doctrinaires au pouvoir depuis le mois de mars, auraient même tendance à considérer la révolution de Juillet comme une simple réaction suscitée par le coup de force des quatre ordonnances de Saint-Cloud16. Il ne s’agirait alors que de retrouver l’équilibre institutionnel garanti par une lecture libérale de la Charte telle qu’elle s’imposa pendant la période qui sépara la dissolution de la Chambre dite introuvable, en septembre 1816, de l’assassinat du duc de Berry, le 14 février 1820 : « [la révolution] est consommée ! […] elle consolide les vrais, les éternels principes de la révolution de 89, elle y met le sceau » résume le Journal des débats dans son édition du 4 août 1830. D’autres, tout aussi libéraux mais moins conservateurs, attendent des réformes plus profondes, ils n’en sont pas moins également convaincus que « la glorieuse révolution qui vient de se faire complète la révolution de 178917 » et y met un terme. Tous, dans ce camp, pensent, comme Alexis de Tocqueville, assister à la fin de la pièce dramatique commencée à l’été 178918. On trouve même, parmi les vaincus du jour, les anciens compagnons d’armes du père du citoyen Laponneraye, des voix pour proposer une lecture eschatologique des événements qui ne feraient que confirmer le dessein – le châtiment – que la Providence a décidé d’imposer aux hommes depuis près d’un demi-siècle19.
4Bien évidemment, les espérances du professeur de la rue Thévenot sont à l’opposé de celles des libéraux ou des nostalgiques de la Restauration. Il n’en est pas moins vrai qu’il partage avec eux, et aussi avec les cours et diplomaties européennes, la conviction que les Trois glorieuses sont une réplique de la Révolution française qui n’en finit pas de s’achever : « La révolution du 14 juillet 1789, qui a fait tomber la Bastille, ressemble à celle du 29 juillet 1830, qui a chassé la Restauration. Elles sont sœurs ; ou plutôt elles ne font qu’une20. » Il se situe, comme la plupart de ses contemporains, dans une séquence historique de plus de quarante ans. Si cette opinion est assez banale en ces années 1830, elle semble particulièrement enthousiasmante à cet « enfant du siècle ». Elle lui permet de ne plus se considérer comme appartenant à une génération arrivée trop tard, après le dénouement des combats titanesques des périodes révolutionnaire et napoléonienne, mais, au contraire, de revendiquer le droit de dénouer une tragédie dont seuls les premiers actes auraient été joués. Car il ne s’agit évidemment pas, pour lui, de considérer les Trois glorieuses comme la fin d’un processus, mais au contraire comme l’annonce d’une nouvelle déflagration, d’une parousie révolutionnaire devant réaliser les promesses d’égalité énoncées par les apôtres jacobins de la Ire République.
Fermer une parenthèse
5Dans une telle perspective, la Restauration, loin de « renouer avec la chaîne des temps » en faisant oublier la Révolution – comme l’affirme le préambule de la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 – ne serait qu’une parenthèse malencontreuse, une sorte de temps mort, dans le mouvement de l’histoire. La pièce, momentanément interrompue, peut reprendre, et cette reprise est perçue comme une répétition pure et simple. Étape par étape, la période actuelle s’apprête à emprunter le même chemin, chaque acteur à jouer un rôle déjà interprété, chaque groupe à défendre les mêmes intérêts, avec les mêmes moyens, chaque institution à copier celles qui furent élaborées au lendemain de la prise de la Bastille. Nous avons vu que ce parallélisme concerne les événements de juillet 1789 et 1830 ; mais il peut aussi être établi dans de très nombreux autres domaines ; entre la Constitution de 1791 et la Charte qui « l’une comme l’autre sont rédigées dans l’intérêt de l’aristocratie d’argent21 » ; entre le parti constitutionnel de 1789 et les doctrinaires22 ; entre les girondins et le parti du Mouvement de la monarchie de Juillet qui tous les deux rêvent « d’institutions républicaines avec un roi23 » ; entre les feuillants et le parti de la Résistance24 ; entre Louis XVI et Louis-Philippe25, etc. Non seulement tous les événements du présent sont perçus, par une sorte de jeu de miroirs, comme une réflexion de ceux que connut la France dans un passé proche, mais ce dernier nous permet même de percevoir l’avenir – la chronosophie de Krzysztof Pomian26 – de prédire la prochaine étape :
« Telle fut la fameuse révolution du 10 août 1792, qui détruisit la royauté parmi nous. Elle ne se borna pas à exterminer un roi, elle extermina une classe aristocratique, celle de la bourgeoisie ou classe moyenne. L’insurrection du 10 août fut une croisade contre la monarchie constitutionnelle. Le peuple qui, au 14 juillet 1789, avait travaillé au renversement de l’ancien régime et à l’intronisation du système représentatif, uniquement à l’avantage de la bourgeoisie, après trois ans de repos, dit : “À mon tour.” […] Le feuillantisme, ou, si vous l’aimez mieux, la faction bourgeoise régnait depuis le jour où la Bastille tomba. Sa domination a duré trois ans. Entendez-vous, feuillants de 1832, trois ans. Et puis un beau jour le peuple s’est soulevé, a fait table rase, et, le pied posé sur le cadavre meurtri de la royauté abattue, il s’est écrié avec le saint enthousiasme de la liberté : mon règne est arrivé27 ! »
6Si, jusque dans les moindres détails, les événements se répètent, ce bégaiement n’est considéré ni avec crainte ni avec ironie, mais au contraire comme une impérieuse nécessité. La pensée de Laponneraye est bien éloignée de celle de Marx lorsqu’il raille, en 1852, les hommes du premier xixe siècle qui, croyant rejouer la tragédie révolutionnaire, ne s’avéreraient capables que de présenter une farce bien pitoyable28. Pour l’auteur du Cours public, au contraire, la Révolution doit recommencer à son début parce qu’elle est restée inachevée ; la grande lutte doit reprendre pour connaître enfin sa conclusion : la « Révolution française […] a commencé en 1789 et dure encore, et ne finira que lorsque les rois auront exterminé les peuples, ou lorsque les peuples auront dévoré les rois29 ».
7L’enseignement de l’histoire prend alors une dimension très politique : il doit permettre, pour le dire comme Christophe Charle, « de maitriser le temps passé » en offrant au peuple « la boussole indispensable pour retrouver son chemin dans les turbulences contemporaines dont les Trois glorieuses, révolution surprise, démontrent la possibilité renouvelée30 ». Si les hommes de 1830 revivent une situation que leurs parents ont connue quarante ans plus tôt, il convient d’analyser ce passé récent pour déceler le moment où, par mégarde, par erreur ou par incompréhension, le cours des événements a quitté son lit pour s’égarer dans une voie sans issue. C’est bien dans cette logique que s’inscrit le cours public ouvert par Albert Laponneraye en novembre 1831. Par là même, celui-ci adopte une attitude qui concilie plusieurs perceptions du temps historique31, entre linéarité, répétition et providentialisme. Temps linéaire, parce que l’histoire s’identifierait à un vaste mouvement dont le maître mot serait le progrès et dont chaque évènement ne serait qu’une étape : « siècle d’histoire, le xixe siècle se représente comme un temps de transition, un passage entre un passé à découvrir et un avenir à pressentir32 ». Temps exemplaire et répétitif, parce que l’immédiatement contemporain ne fait que reprendre, pas à pas, le déroulé d’événements appartenant à un passé proche dont on peut se servir, sur le modèle des exempla de l’histoire chrétienne. Temps providentiel parce que l’avenir doit permettre de réaliser une promesse, « un horizon d’attente », dotée d’une forte dimension transcendantale. C’est bien la réalisation de l’égalité qui est la raison d’être de toute l’histoire humaine et donne sens au présent, comme au passé, tout en permettant d’entrevoir l’avenir.
8Il y a, chez Albert Laponneraye, une sorte de mélange entre des conceptions anciennes et modernes de l’histoire, un chevauchement entre plusieurs régimes d’historicité pour reprendre les catégories forgées, dans le prolongement des travaux de Reinhart Koselleck, par François Hartog qui définit en ces termes le régime moderne qui émerge lorsque Laponneraye présente son cours public :
« [L’histoire] est désormais conçue comme processus, avec l’idée que les événements n’adviennent plus seulement dans le temps, mais à travers lui : le temps devient acteur, sinon l’Acteur. Aux leçons de l’histoire se substitue alors l’exigence de prévisions, puisque le passé n’éclaire plus l’avenir. L’historien n’élabore plus de l’exemplaire, mais il est en quête de l’unique. Dans l’historia magistra, l’exemplaire reliait le passé au futur, à travers la figure du modèle à imiter. Derrière moi, l’homme illustre était aussi devant moi ou en avant de moi. Avec le régime moderne, l’exemplaire, comme tel, disparaît pour faire place à ce qui ne se répète pas. Le passé est, par principe ou, ce qui revient au même, par position, dépassé33. »
9On voit bien que les travaux de Laponneraye, tout du moins dans les années qui suivent la révolution de Juillet, se situent dans un entre-deux que François Hartog repère également chez Chateaubriand et même chez Napoléon. Il adopte une lecture issue des Lumières et de la rationalité scientifique qui fait du progrès le facteur explicatif du temps historique. De ce point de vue, il est incontestablement un historien « moderne », et appartient à ce moment historiographique où « les choses […] changent […] avec l’ouverture d’un nouvel horizon d’attente, avec ce que l’on a fini par conceptualiser sous la forme du progrès34 ». Pour autant, il ne conçoit pas le passé relativement récent de la Révolution française comme dépassé. Il croit au contraire qu’il s’agit, non seulement d’un volcan toujours actif, mais d’une tragédie qu’il conviendrait de rejouer scène par scène en reprenant des rôles déjà interprétés. Dans cette perspective, l’avenir n’est pas vraiment inconnu, au moins à court et moyen terme, mais est révélé par un passé qu’il conviendrait de répéter. La seule question qui soit posée aux hommes de 1830, la seule interrogation qu’ils puissent avoir quant au futur, n’est pas de savoir si les événements qu’ils vivent sont fondamentalement différents de ceux que connurent leurs pères, mais s’ils vont être capables de leur imposer un autre dénouement, en assurant le triomphe de la « démocratie » sur la « tyrannie » et « l’aristocratie ». Le fossé séparant l’expérience – la Révolution française – de l’attente est infime chez Laponneraye – tout du moins jusqu’à ce que l’on soit revenu au point où le processus révolutionnaire a été interrompu, le 9 Thermidor – et sa démarche s’éloigne de la conception moderne du temps telle que l’a définie Reinhart Koselleck35.
10Bien évidemment, cet enchevêtrement entre différentes appréhensions du temps historique est totalement inconscient, et aboutit même, il faut bien le reconnaître, à un résultat parfois un peu confus36. Il n’en est pas moins révélateur d’un moment intellectuel caractérisé par un conflit permanent entre la modernité libérale, dont notre historien révolutionnaire subit l’influence, sa formation classique et la culture de sa génération qui se défie du matérialisme pour réhabiliter l’éthique et le sentiment. Une tension, entre rationalisme, classicisme et romantisme, commune à de nombreux jeunes républicains de ce premier xixe siècle et qui se manifeste dans tous les travaux de Laponneraye : dans le fond comme dans la forme, c’est-à-dire dans sa manière d’écrire. Car, ne l’oublions pas, l’histoire est aussi récit.
Révolution sociale et révolution morale
11Mais quelles conclusions peut-on tirer de l’histoire de la Révolution française ? Quelles leçons nous donne-t-elle pour l’action dans le présent ? Pourquoi s’est-elle engagée dans une impasse qui a permis, dans un premier temps à un général ambitieux de « ressusciter la monarchie à son profit37 » et, dans un second temps, aux Bourbons de se rasseoir sur le trône de France ?
12Laponneraye propose plusieurs types de réponses à ces interrogations qu’il pose dès l’ouverture de son Cours public.
13Il envisage tout d’abord la question du point de vue de la conscience du peuple, de sa politisation si l’on veut. Ce serait le manque d’expérience et de maturité de ce dernier qui aurait égaré la Révolution dans des impasses ; péchant par naïveté, il aurait été « sans défiance comme il est sans méchanceté38 » : une analyse pour le moins osée dans un contexte encore profondément marqué par les souvenirs de la Terreur et des violences révolutionnaires. Quoi qu’il en soit, espère Laponneraye, cette situation ne peut pas se reproduire quarante ans plus tard, puisque, malgré la similitude entre les événements, il y aurait une différence quant au niveau de conscience, plus développé aujourd’hui, des acteurs. Une telle affirmation s’inscrit encore dans la logique d’une pensée positive qui considère l’histoire comme un enchaînement d’événements obéissant à une logique progressiste. Dans une perspective inverse, les libéraux adoptent le même raisonnement. Au lendemain des journées de Juillet, encore ébahis par leur audace, ils répètent à l’envi que la sagesse du peuple parisien de 1830 rend impossible la répétition des « excès » de la Ire République. Jusqu’à la caricature, les journaux de ce courant multiplient des récits des journées de juillet 1830 où est mis en scène un peuple qui a su se montrer, dans l’insurrection, modéré, avare du sang d’autrui et respectueux des propriétés. Pour les uns comme pour les autres, la différence entre 1830 et 1789 résiderait, non pas dans les événements eux-mêmes, mais dans l’intelligence politique du peuple. Mais la comparaison s’arrête là. Pour Laponneraye, l’expérience acquise par ce dernier, ne doit évidemment pas aboutir à ce qu’il range les armes et accepte de confier le pouvoir à une élite censitaire, mais au contraire à ce qu’il impose la démocratie. Pour cela il convient d’abord qu’il s’émancipe de la tutelle de la « bourgeoisie éclairée » qui veut confisquer à son avantage, en 1830 comme en 1789, une révolution populaire.
14Nous arrivons là au second degré d’explication proposé par Laponneraye pour comprendre l’échec de la Ire République. Pour lui, la Révolution française aurait été bloquée dans son développement par une contradiction fondamentale : « Ainsi donc, le peuple n’avait vaincu que pour changer de tyrans : le lendemain de la victoire, la bourgeoisie a déserté la cause de la liberté pour prendre la place de ceux contre qui, la veille, elle dirigeait les fureurs populaires39. » Cette analyse entre totalement en écho avec la propagande développée à cette époque par la gauche républicaine, celle des Sociétés des amis du peuple et des droits de l’homme40, qui ne cesse de dénoncer la façon dont « l’aristocratie des écus » se serait accaparé les fruits des Trois glorieuses ; pour le dire comme François Furet : « Le quatre-vingt-treizisme des vaincus de Juillet est l’inventaire d’une promesse avortée et d’une société à refaire41. » Une fois de plus, le jeu de miroirs entre les deux révolutions fonctionne parfaitement. Mais Laponneraye veut aller plus loin, il essaie de généraliser et de théoriser l’importance des tensions entre groupes sociaux, de la « lutte des classes », dans le déroulement du processus historique. La première leçon du Cours public propose ainsi une assez longue digression42 sur le rôle de cet affrontement dans l’histoire : division de la société entre seigneurs et serfs au viiie siècle ; remise en cause du système féodal par le pouvoir monarchique qui, à partir de Louis-le-Gros, s’appuierait dans ce but sur le peuple en affranchissant les communes ; tyrannie royale se substituant ensuite à la tyrannie féodale ; apparition de la bourgeoisie sur les ruines de la féodalité et développement de cette nouvelle classe qui profiterait de l’affaiblissement, non seulement de la noblesse mais aussi, après la réforme protestante, du clergé ; alliance, en 1789, du peuple et de la bourgeoisie qui finirait par confisquer à son seul bénéfice la Révolution ; revanche populaire en 1793 ; reprise du pouvoir de la bourgeoisie en thermidor ; revanche aristocratique en 1815 ; retour de la bourgeoisie en 1830, etc. Une lutte permanente entre groupes sociaux, entre opprimés et oppresseurs, serait ainsi le moteur de l’histoire que Laponneraye veut écrire. Cette vision, qui reprend à son compte une grille d’analyse élaborée par les historiens libéraux de la Restauration43, permet également d’inscrire dans la longue durée l’analyse, faite par la gauche démocratique, des événements survenus en France depuis la chute de Charles X.
15C’est aussi à l’aide de cette méthode d’analyse des processus historiques que le professeur de la rue Thévenot peut tenter d’aller plus loin. Dans la seizième leçon de son Cours public, il propose une autre explication à l’inachèvement de la Révolution française. La responsabilité incomberait aussi, nous explique-t-il, aux conventionnels eux-mêmes qui n’auraient pas compris que les « réformes politiques [ne] pourraient être durables sans des réformes sociales qui les affermissent, qui les rendissent impérissables44. » Tout en s’étonnant que des hommes comme « les Robespierre, les Lebas [sic], les Saint-Just » n’aient pas saisi la nécessité de tels changements, il va jusqu’à expliquer leur chute par cet oubli : « Il n’y eût point eu de 9 Thermidor si la société en France eût subi la régénération qui avait changé l’ordre politique45. »
16Une note, incluse dans la seizième leçon du Cours public, propose une liste de ces réformes sociales sans lesquelles l’œuvre de la Convention « ne fut accomplie qu’à moitié46 ». Une série de mesures portant notamment sur les salaires, les loyers, le crédit, la politique fiscale et le « morcellement des propriétés » est ainsi présentée.
17Un tel programme – que nous retrouvons dans le commentaire de la déclaration des droits de l’homme de 1793 rédigé par Laponneraye pour la Société du même nom47 – aurait permis, nous explique notre historien, de mobiliser plus largement le peuple derrière les montagnards : « Robespierre eût éveillé des sympathies bien plus vives en touchant aux intérêts matériels, par une réforme sociale, qu’en s’adressant aux pures spéculations de l’âme par un culte nouveau48. »
18En proposant de limiter – mais pas de supprimer – le droit à la propriété et en imaginant tout un système distributif capable d’imposer un nivellement des conditions, Laponneraye reprend à son compte les orientations affirmées par les hommes de l’extrême gauche démocratique qui, à ce moment, commencent à se regrouper sous le vocable de socialistes, voire de communistes49. S’appuyant sur une analyse du développement historique, il met en avant l’importance des conflits sociaux, des intérêts économiques et propose de prolonger la Révolution dans ces deux domaines. Ce faisant, il témoigne de l’influence grandissante qu’a eu Philippe Buonarroti sur les jeunes révolutionnaires des années 183050 : c’est dans les pages de la Conspiration pour l’égalité qu’il trouve l’essentiel du programme et des analyses qu’il développe ; et ce n’est évidemment pas un hasard si c’est dans cette même seizième leçon qu’est proposé un vibrant hommage à l’ancien compagnon de Babeuf51.
19Tout ceci relève d’une pensée qui conçoit l’histoire comme un mouvement progressif mû par des rapports de forces sociaux et économiques. Comme, de surcroît, Laponneraye affirme que le ressort fondamental de ces tensions est la lutte entre opprimés et oppresseurs – « L’histoire n’est autre chose que le tableau de la lutte qui est engagée, depuis l’origine des sociétés, entre les peuples et ceux qui se sont arrogé le droit de les gouverner52 » – et qu’il pose la question de la propriété, il n’en a pas fallu plus pour en faire, avec quelques autres, une sorte de précurseur du marxisme53. Sur le fond cette démarche est évidemment problématique. En se situant sur le seul terrain de l’histoire des idées, elle s’interdit de penser des trajectoires dans leur particularité, en les insérant dans un moment politique et culturel précis. En imposant une vision strictement, et pour tout dire un peu mécaniquement, diachronique, elle condamne toute singularité à ne pouvoir exister que comme précurseur ou continuateur de quelque chose ou de quelqu’un d’autre. Elle s’interdit ainsi de penser en termes de sensibilité, de cultures politiques, qui ne peuvent s’élaborer que dans une relation étroite avec leur environnement. Entre téléologie et anachronisme elle propose une lecture bien étriquée de processus complexes. L’exemple de Laponneraye en est, nous semble-t-il, une bonne illustration. Incontestablement, les passages du Cours public que nous venons de voir relèvent d’une pensée revendiquant une forme de rationalité dont le but serait de saisir le caractère inéluctable de l’enchaînement des événements historiques. Notons d’ailleurs que, du point de vue de la méthode, cela témoigne surtout de l’influence de l’école « fataliste » des historiens libéraux de la Restauration : les Thiers, les Mignet, les Guizot qui ont su « imposer d’abord le déterminisme, ensuite une philosophie des révolutions, enfin une définition du gouvernement libéral54 ». Pour autant, cette lecture n’est que partielle et les analyses faites par le professeur de la rue Thévenot montrent d’autres influences. Dans ses leçons, si l’existence de classes antagonistes est affirmée comme moteur de l’histoire, les contours de celles-ci relèvent plus de principes moraux que de réalités matérielles. Un bourgeois pour Laponneraye, s’est d’abord un être immoral, et c’est au compte d’une éthique, et non pas d’un rationalisme économique, qu’il convient de renverser sa domination :
« Les bourgeois ne pensent qu’à eux. Éminemment égoïstes, les autres hommes ne sont rien au prix d’eux-mêmes. Leur cœur desséché n’est accessible à aucun des sentiments tendres de la nature. L’amour de l’or, voilà leur passion unique. Ils ne respirent que pour l’or, l’or est le dieu qu’ils idolâtrent55. »
20L’affrontement entre groupes sociaux se ferait au nom d’une transcendance, de la réalisation d’un « bien » perceptible uniquement par ceux qui restent « accessibles [aux] sentiments tendres de la nature », d’un amour de l’autre antagoniste avec toute forme de privilège, d’un désintéressement que seul le travail manuel garantirait. De tels propos, renvoient à des représentations contemporaines, forgées par la jeunesse de ce premier xixe siècle, celle des écoles, très présente sur les barricades de juillet 1830, cette génération à laquelle Laponneraye se réfère avec tant de verve, en 1832, lorsque l’outrance de son Cours public l’envoie devant les assises de la Seine56. Cette haine du bourgeois fait étrangement penser à ce que l’on entend, il est vrai dans un autre registre, chez les artistes « Jeune France », le « petit cénacle » qui se constitue au même moment autour de Petrus Borel, Théophile Gautier ou Gérard de Nerval. L’idéalisation du peuple, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir, appartient bien à une génération intellectuelle qui rejette le matérialisme et veut obéir à une éthique ; une idée à laquelle cet autre historien romantique, de dix ans l’aîné de Laponneraye, donne, à la fin de la monarchie de Juillet, ses lettres de noblesse :
« En nationalité, c’est tout comme en géologie, la chaleur est en bas. Descendez, vous trouverez qu’elle augmente ; aux couches inférieures, elle brûle. Les pauvres aiment la France, comme lui ayant obligation, ayant des devoirs envers elle. Les riches l’aiment comme leur appartenant, leur étant obligée. Le patriotisme des premiers, c’est le sentiment du devoir ; celui des autres, l’exigence, la prétention d’un droit57. »
21La démocratie devient alors un impératif moral, le régime permettant de réaliser une parole providentielle, d’assurer enfin une harmonie entre les hommes, organisés en société, et la nature. Ici la logique laisse la place à la sensibilité et le rationalisme au romantisme.
Notes de bas de page
1Henri Gisquet, Mémoires de M. Gisquet, ancien préfet de police, écrits par lui-même, Bruxelles, Société belge de librairie, 1841, vol. 3, p. 183.
2La bibliographie est abondante sur l’histoire de ce « parti », parmi les principales synthèses notons tout d’abord trois ouvrages anciens, mais toujours incontournables : Iouda Tchernoff, Le parti républicain sous la monarchie de Juillet : formation et évolution de la doctrine républicaine, Paris, Pedone, 1901 ; Georges Weill, Histoire du parti républicain en France de 1814 à 1870, Paris, F. Alcan, 1900 ; et Gabriel Perreux, Au temps des sociétés secrètes. La propagande républicaine au début de la monarchie de Juillet (1830-1835), Paris, Hachette, 1931. Plus récemment, Jeanne Gilmore, La République clandestine 1818-1848, Paris, Aubier, 1997.
3Cf. Marc Belissa et Yannick Bosc, op. cit. ; et Jean-Clément Martin, op. cit.
4Sergio Luzzatto, Mémoires de la Terreur. Vieux montagnards et jeunes républicains en xixe siècle, Lyon, PUL, 1991, p. 31.
5Dans le quatorzième des vingt-deux volumes des Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la tribune nationale depuis 1789 jusqu’à ce jour, recueillis dans un ordre chronologique et historique, dont il a assuré la publication chez Eymery en 1822.
6Dans la Réfutation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard qu’il publie en 1828, sous pseudonyme, chez Delaforest.
7René Levasseur, Mémoires de R. Levasseur, de la Sarthe, ex-conventionnel, Paris, Rapilly, puis A. Levasseur, 1829-1831, 4 volumes. Michel Vovelle a dirigé une réédition de ces Mémoires en 1989 aux éditions Messidor (Laponneraye fait référence à cet ouvrage dans la 34e leçon de son Cours public) ; et Philippe Buonarroti, La Conspiration de l’égalité dite de Babeuf, Bruxelles, Librairie romantique, 1828 ; ce texte a été réédité par Georges Lefebvre en 1957, en deux volumes, aux Éditions sociales et, en 2014, aux éditions La ville brûle par Jean-Marc Schiappa, Jean-Numa Ducange, Alain Maillard et Stéphanie Roza.
8Achille Roche, Histoire de la Révolution française, Paris, Raymond, 1825.
9René Levasseur, op. cit., vol. 3, p. 2.
10Décoré de Juillet, membre de la Société des amis du peuple, il dirige plusieurs journaux et devient rédacteur de la Tribune. Il est alors considéré comme très proche de Buonarroti et écrit dans la Revue encyclopédique de juillet-septembre 1832 un article à la gloire de la Convention nationale. Il meurt en janvier 1834 des suites d’un duel.
11Albert Laponneraye, Cours public d’histoire de France, depuis 1789 jusqu’en 1830, Paris, 1831-1833, p. 12 (1re leçon).
12Ibid., p. 1.
13Ibid., p. 4-5.
14Cf. Emmanuel Fureix, « Une transmission discontinue, présence sensible de la Révolution française de la Restauration aux années 1830 », dans Sophie Wahnich, Histoire d’un trésor perdu. Transmettre la Révolution française, Paris, Les Prairies ordinaires, 2013 ; cf. également Domenica Chang, « Reading and Repeating the Revolutionary Script », dans Scripting Revolution. A Historal Approach to the Comparative Study of Revolutions, Stanford University Press, 2015, p. 181-198.
15Cf. Yvonne Knibiehler, « Une révolution “nécessaire” : Thiers, Mignet et l’école fataliste », dans Romantisme, 1980, no 28-29, p. 279-288.
16Le 25 juillet 1830, Charles X, en vertu de l’article 14 de la Charte, signe à Saint-Cloud six ordonnances (suspension de la liberté de la presse, dissolution de la Chambre, convocation de nouvelles élections, modification des conditions de calcul du cens électoral, diverses nominations) qui font basculer Paris dans une situation insurrectionnelle, fatale au souverain et à la dynastie.
17Le National, 2 août 1830. Le National, en cet été 1830, n’a pas encore opté pour la république, même modérée.
18« En 1830, j’avais pris la fin d’un acte pour la fin de la pièce » écrit Tocqueville en mai 1850 pour regretter, à la lumière de la révolution de 1848, son erreur (Alexis de Tocqueville, Souvenirs, dans De la démocratie en Amérique ; Souvenirs ; L’Ancien régime et la Révolution, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », p. 733).
19Cf. par exemple Louis de Bonald, Réflexions sur la révolution de juillet 1830, Toulouse, Presses IEP Toulouse, 1983.
20Albert Laponneraye, op. cit., p. 32 (2e leçon).
21Ibid., 6e leçon (cette leçon est absente du recueil de la BnF mais consultable aux AN, AE/V/117).
22Ibid., p. 105 (7e leçon).
23Ibid.
24Ibid., p. 143 (9e leçon).
25Ibid. p. 145 sq. (10e leçon).
26L’Ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984.
27Ibid., p. 143-144 (9e leçon)
28« Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. Caussidière pour Danton, Louis Blanc pour Robespierre, la Montagne de 1848 à 1851 pour la Montagne de 1793 à 1795, le neveu pour l’oncle » (Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, Paris, Éditions sociales, 1976, p. 15).
29Ibid., p. 6 (1re leçon).
30Christophe Charle, Discordance des temps. Une brève histoire de la modernité, Paris, Armand Colin, 2012, p. 36.
31Cf. Jean-Claude Caron, « La république et l’utopie face au temps et à l’histoire (France années 1830) », dans, Bruno Péquignot (dir.), Utopies et sciences sociales, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 33-54.
32Jean-Claude Caron, Frédéric Chauvaud, Jean-Luc Mayaud, Michèle Riot-Sarcey et Jean-Jacques Yvorel, « Le concordance des temps : histoire, objets et catégories en construction au xixe siècle », dans Société des études romantiques et dix-neuvièmistes, L’Invention du xixe siècle, Paris, Klincksieck et PSN, 1999, p. 141-152.
33François Hartog, op. cit., p. 145-146.
34Reinhart Koselleck, Le Futur passé, op. cit., p. 317.
35« Ma thèse, est que, au cours de Temps modernes, la différence entre expérience et attente ne cesse de croître, ou plus exactement que les Temps modernes ne se saisissent comme des temps nouveaux que depuis le moment où les attentes se sont de plus en plus éloignées de toutes les expériences faites jusqu’alors. » Ibid., p. 315.
36« Confusionnisme romantique » que nous retrouvons dans d’autres courants qui se développent au sein de cette jeune génération : les saint-simoniens par exemple (cf. Christophe Charle, Discordance des temps, op. cit., p. 67).
37Albert Laponneraye, Biographie des rois, des empereurs et des papes, Paris, au Dépôt central, 1837, vol. 2, p. 321.
38Cours public, op. cit., p. 13 (1re leçon).
39Cours public, op. cit., p. 13.
40Sur ces sociétés cf. ci-dessous, p. 201 sq.
41François Furet, La Gauche et la Révolution française au milieu du xixe siècle, Edgar Quinet et la question du jacobinisme, 1865-1870, Paris, Hachette, 1986, p. 22.
42P. 6-15.
43Cf. ci-dessous, p. 91 sq.
44Cours public, op. cit., p. 249. Cf. les remarques de J.-C. Caron, dans « La république et l’utopie », art. cité.
45Ibid., p. 250.
46Ibid., p. 252.
47Albert Laponneraye, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Avec des commentaires par le citoyen Laponneraye, Paris, Sétier, 1833. Notamment le commentaire de l’article 12.
48Ibid., p. 254. Ce texte est un des très rares où Laponneraye s’autorise une critique à l’égard de Robespierre ; il lui reproche également d’avoir une approche trop théorique et pas assez ancrée dans les réalités nationales françaises au début des Œuvres choisies (p. 18).
49Un rapport de mai 1835 du préfet de police Gisquet, fait état d’un « groupe d’hommes qui au sein du comité des détenus de Sainte-Pélagie se désignent entre eux sous le nom de radicaux, niveleurs et communistes » (AN, CC664, p. 100). Cf. Philippe Darriulat, « Aux origines du communisme français », dans Revue historique, no 287-2, 1992, p. 365-378.
50Sur Buonarroti, cf. Alessandro Galante Garrone, Philippe Buonarroti et les révolutionnaires du xixe siècle (1828-1837), Paris, Champ libre, 1975 ; Elizabeth L. Eisenstein, The First Professional Revolutionist : Filippo Michele Buonarroti (1761-1837). A Biographical Essay, Cambridge, HUP, 1959 ; Samuel Bernstein, Buonarroti, Paris, Éditions d’hier et d’aujourd’hui, 1949 ; Jean-Marc Schiappa, Buonarroti, l’inoxydable : 1761-1837, Éditions libertaires, 2008 ; Armando Saitta, Filippo Buonarroti, contributi alla storia della sua vita e del suo pensiero, 2 vol., Rome, Storia e letteratura, 1950-1951.
51Cours public, op. cit., p. 248-249. Le texte de Buonarroti circule librement depuis les journées de juillet 1830.
52Albert Laponneraye, Mélanges, op. cit., p. 154.
53Le texte le plus significatif dans ce domaine est certainement celui de Roger Garaudy, Les sources françaises du socialisme scientifique, Paris, Éditions d’hier et d’aujourd’hui, 1948.
54Yvonne Knibiehler, art. cité, p. 279. Cf. également, entre autres, les remarques éclairantes d’Eric Hobsbawm sur l’invention de la « lutte des classes » par les historiens libéraux des premières décennies du xixe siècle (« Faire une “révolution bourgeoise” », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2006/4bis, no 53, p. 51-68) ; Marcel Gauchet, « Les Lettres sur l’Histoire de France d’Augustin Thierry », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, vol. 1, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1997, p. 787-850 ; et Philosophie des sciences historiques. Le moment romantique, Paris, Seuil, 2002 ; Nathalie Richard, « Histoire et “psychologie”. Quelques réflexions sur la spécificité de l’histoire au xixe siècle », dans Romantisme, 1999, no 104, p. 69-83 ; Ceri Crossley, French historians and Romanticism. Thierry, Guizot, the Saint-Simonians, Quinet, Michelet, Londres, Routledge, 1993 ; Claude Nicolet, La Fabrique d’une nation. La France entre Rome et les Germains, Paris, Perrin, 2006, notamment le chapitre 5, p. 107-137.
55Albert Laponneraye, Cours public, op. cit., p. 36 (3e leçon).
56Cf. la citation mise en exergue du présent ouvrage.
57Jules Michelet, Le Peuple, Paris, GF-Flammarion, 1974 (1846), p. 141.

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