La Campagne présidentielle de 1965 et les conseillers en communication
p. 69-83
Texte intégral
« Le véritable enjeu des élections présidentielles de 1965 n’est pas le poste de chef de l’Etat, si de Gaulle est candidat, comme tout porte à croire, car il sera très probablement réélu. […] Le véritable enjeu des élections présidentielles de 1965, c’est de savoir si elles seront la première application d’un régime qui fonctionnera régulièrement ensuite ou une aventure isolée, exceptionnelle, sans lendemain1. »
1Dans cet article paru dans « La vie française » huit mois avant les élections présidentielles de 1965, Maurice Duverger soulignait comme l’échéance électorale représentait un rendez-vous décisif pour le système politique français. Les gaullistes auraient pu vérifier le degré d’enracinement de la Cinquième République dans la culture et la coutume nationale, tandis que les opposants auraient dû dévoiler leurs cartes et montrer s’ils étaient prêts ou non à accepter les règles d’un jeu qu’ils avaient critiqué avec force mais qui avait été chaleureusement accueilli par l’opinion publique2. Dans le même temps, cependant, le rendez-vous électoral, en raison du fait que pour la première fois l’élection de la plus haute fonction politique aurait été faite au suffrage universel direct, laissait présager des développements importants également en termes de communication politique.
2Du point de vue de la communication électorale en effet la Cinquième République n’avait pas produit de nouveauté importante : tant la campagne de 1958 que celle de 1962 avaient été gérées directement par les partis et dominées par le localisme et la désaffection politique. Dans l’analyse de l’Association française de science politique sur la campagne électorale de 1958, Philip Williams et Martin Harrison l’avaient définie « anachronique » et annonçaient la « mort » prochaine de la « campagne électorale traditionnelle3 ». Quelques années après, Jean Charlot, dans une étude sur le référendum d’octobre et sur les élections de novembre 1962, annonçait que quelques nouveautés étaient intervenues comme la moindre importance des réunions publiques locales, la tendance à la nationalisation de la propagande et, surtout, l’« importance primordiale » de la radio et de la télévision4.
3Puisque pour la France, l’élection directe du Président de la République était une première absolue, il était naturel de chercher ailleurs des éléments d’information et de connaissance pour y faire face de la meilleure façon, et d’abord et avant tout vers la nouvelle frontière de la communication politique : les États-Unis, le pays dans lequel, en outre, la pratique de l’élection présidentielle était rodée. Le livre de Theodore H. White, The Making of the President, 1960, publié en France au cours de l’été 19625 contribua de manière décisive à fournir des idées, informations et suggestions. Le journaliste américain racontait la victoire de John F. Kennedy et expliquait comment le jeune sénateur du Massachusetts avait réussi à imposer sa candidature au Parti démocrate, grâce à un groupe d’amis et de conseillers, dépassant des rivaux au départ plus renommés que lui. En France, la lecture de ce livre donna l’impression qu’il était possible de « fabriquer » un candidat alternatif au Général et de l’imposer aux partis en s’appuyant sur l’opinion publique grâce à une utilisation intensive des médias et de techniques publicitaires illustrées à la classe politique par des consultants spécialisés et des experts.
4Aux États-Unis les premiers « conseillers en communication » étaient apparus dès les années 1930 et la profession avait connu une progressive diffusion et institutionnalisation dès le début des années 19506, tandis qu’en France à l’époque le métier s’exerçait encore de façon occasionnelle et informelle. C’est le cas d’un des pionniers de la publicité en France, Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur du géant Publicis7, qui pendant la Quatrième République avait fourni ses avis à Antoine Pinay, Pierre Mendès France, Guy Mollet et Maurice Bourgès-Maunoury8. En juin 1958, au lendemain de la première performance télévisuelle du Général après son retour au pouvoir, le Général, soucieux de connaître l’opinion d’un expert, avait reçu Bleustein-Blanchet à Matignon (même si le publicitaire dans ses mémoires rappelle de manière erronée avoir été reçu à l’Élysée9 !). Le publicitaire lui avait par ailleurs confirmé dans un commentaire caustique que la prestation du 13 juin n’avait pas été convaincante et admit sans prendre trop de précautions :
« Mon général, on vous a massacré ! Vous avez été présenté de profil, vos lunettes sur le nez et lisant un papier. Quand on est le général de Gaulle, on n’entre pas comme ça chez les gens […]. Vous avez peut-être cru parler à trois millions de Français. Pas du tout. Vous vous adressiez à un million de fois trois Français. La télévision, c’est un cercle familial […]. Avec elle on pénètre au domicile des gens. Et on n’entre pas chez les gens, comme vous l’avez fait, […] quand on s’appelle le général de Gaulle10. »
5L’exemple de la campagne présidentielle américaine de 1960 contribuait à créditer en France (et en Europe en général) le rôle du marketing politique et des conseillers en communication. La campagne pour l’élection présidentielle au suffrage universel de 1965 – grâce aussi au rôle joué par la télévision et les sondages – représentait le banc d’essai dans le jeu politique hexagonal de ces nouvelles techniques, apprises à la classe politique française par une nouvelle génération de professionnels de la communication.
« Fabriquer un candidat » : la campagne de « Monsieur X »
6Bien avant le début officiel de la campagne, la première candidature – inspirée explicitement des techniques de marketing politique – fut, en 1963, celle du maire socialiste de Marseille Gaston Defferre, dont l’identité resta secrète au début, cachée derrière le nom mystérieux de « Monsieur X ». Elle fut promue par l’hebdomadaire L’Express et son directeur, Jean-Jacques Servan-Schreiber, ami personnel du leader socialiste, avec le soutien du club Jean-Moulin. Un brain trust assez hétérogène y prit part. Il était composé d’une trentaine de personnes, parmi lesquelles figuraient, en plus de Servan-Schreiber et des membres du club Jean-Moulin (Olivier Chevrillon, Maurice Duverger, Georges Suffert, Georges Vedel et Paul Vignaux), des représentants d’autres cercles intellectuels tels que Citoyen 60 (Jacques Delors), des syndicalistes de la CFTC (André Jeanson) et des représentants du courant réformiste de la SFIO (Gérard Jaquet, Albert Gazier). Le but de l’initiative, comme on lit dans une note présente dans les archives du club Jean-Moulin, était triple :
« a) parvenir à l’élection d’un président de gauche ce qui n’est pas hors de portée ; b) arriver à la désignation d’un candidat unique de la gauche. Y arriver serait déjà un très grand progrès. Le risque est grand, en effet, que les partis de gauche se présentent au premier tour des élections en ordre dispersé, chacun avec son candidat ; c) l’opération doit en tout cas favoriser un regroupement et un renouvellement de la gauche, incluant les partis politiques et ce qu’il est convenu d’appeler les “forces nouvelles”. L’élection présidentielle apparaît en effet comme une occasion précieuse de donner à l’opinion publique un rôle plus important que celui qui lui laissait jouer les mécanismes traditionnels11 ».
7Il s’agissait d’une opération « externe » aux canaux institutionnels traditionnels, d’une initiative prise en dehors des partis politiques et, en partie, contre eux. Le choix même du candidat, porte-parole brillant de l’aile « présidentialiste » de la SFIO, était emblématique d’une volonté de passer outre la traditionnelle médiation des partis12. Il s’agissait, dans les intentions des promoteurs, de « préfabriquer » un candidat grâce à une désignation effectuée en dehors de toute décision de parti ou de toute consultation démocratique (les primaires, par exemple, bien qu’appliquées aux États-Unis étaient, selon le comité d’organisation, « inutilisables en France » parce qu’elles auraient multiplié « les risques d’inefficacité et de contestation13 »).
8La nouveauté de l’opération – directement inspirée de l’expérience américaine qui avait conduit à la victoire de Kennedy en 196014 – était de mettre sur pied une stratégie de communication basée sur des études d’opinion, en essayant de donner au maire de Marseille l’image moderne, attrayante et charismatique d’un chef de l’État alternatif à de Gaulle. C’étaient les premiers pas du marketing scientifique en France : à partir de janvier 1963, le club Jean-Moulin, grâce à son Centre d’information et de documentation, effectua une série de sondages d’opinion afin de déterminer, en vue des élections présidentielles, quel « type humain » apparaissait aux Français « plus apte à succéder au général de Gaulle15 ». L’enquête dura huit mois. Les résultats furent partiellement publiés sur les colonnes de L’Express au printemps suivant. Pendant ce temps, l’hebdomadaire – le principal organe de la campagne – avait déjà lancé l’opération en grand style, en annonçant à ses lecteurs « qu’il y a aujourd’hui quelque part en France, un homme qui sera candidat à la présidence de la République face au général de Gaulle16 ». Dans les semaines suivantes, ce mystérieux personnage, présenté comme un des principaux opposants au fondateur de la Cinquième République, occupa à plusieurs reprises les premières pages de L’Express, pour annoncer la nécessité de renouvellement que la France attendait. La presse se montrait intéressée : Paris-Match fit une enquête pour savoir quelle était la véritable identité de « Monsieur X » mais finalement ce fut Le Canard enchaîné qui révéla en premier que ce personnage mystérieux était en fait « l’homme au masque Defferre17 ». Le 2 février 1964, la SFIO, réunie en Congrès national extraordinaire, désireuse d’afficher sa cohésion interne, accorda à l’unanimité l’investiture au maire de Marseille18. Pendant quelques mois, au moins jusqu’à l’été, Defferre sembla avoir le vent en poupe grâce entre autres à la couverture généreuse que la presse garantissait à ses déclarations et ses rendez-vous publics19.
9Lancée de manière brillante et menée au début avec un certain succès, la campagne électorale de Gaston Defferre perdit de son élan à partir de l’hiver 1964-1965. Un an après l’annonce de la candidature, la course à l’Élysée du maire de Marseille connut un ralentissement important. Le travail du comité de soutien à la candidature de Gaston Defferre ralentit progressivement et la stratégie de communication construite autour du candidat ne tint pas sur le long terme. Après un excellent départ, avec lequel les consultants avaient réussi à capter l’attention de l’opinion publique grâce à une combinaison équilibrée d’éléments de fond – la préparation et l’élaboration d’un discours politique, la création d’une stature internationale du candidat – et d’image, la deuxième dimension prit nettement le dessus et de manière exaspérée : l’on insista auprès de Defferre pour qu’il renouvelle sa garde-robe, pour qu’il sourie devant les caméras et pour qu’il adopte « une démarche plus présidentielle20 ». Roland Cayrol, à l’époque secrétaire du club Jean-Moulin, a rappelé non sans une dose amère d’autocritique, l’insistance des conseils prodigués à Defferre afin de moderniser son image :
« Cet homme nous avons voulu le changer trop. Nous lui avons appris, parce que cela se passait comme cela en Amérique, à parler sans lunettes, et cet homme qui voit très mal arrivait avec des véritables bottins à la tribune parce qu’il n’y avait plus que trois mots écrits sur une page pour qu’il arrive à les distinguer. Nous lui avons fait renoncer, cet homme, à ses costumes classiques mal coupés, pour lui donner une allure plus moderne. Nous lui avons appris à marcher devant les caméras d’un air solennel et majestueux, à rassembler à un président. Nous lui avons appris à avoir des idées qui, tout de même, n’étaient pas exactement tout à fait les siennes, même s’il avait de la sympathie lorsqu’il les lisait21. »
10En second lieu, la candidature ne réussit pas à s’imposer à l’opinion publique. Après un intérêt initial, généré par une campagne de presse habile, l’électorat se refroidit progressivement, ce qui réduisit les chances de succès de l’opération. En février 1964, 24 % des personnes interrogées par l’IFOP affirmaient leur intention de voter pour Defferre en cas de ballottage avec de Gaulle (contre 42 % pour le Général) ; en mai de la même année, le pourcentage se stabilisa à 25 % (contre à 46 % pour de Gaulle). Face à la perspective probable d’une course à plusieurs candidats, cependant, le scénario comportait une autre faiblesse du candidat socialiste : en présence de cinq candidats (de Gaulle, Defferre, le communiste Waldeck Rochet, le progressiste André Cornu, et le nationaliste Tixier-Vignancour) Defferre ne réussissait pas à recueillir plus de 13 % des voix à la fin du mois de mai et de 14 % des voix en octobre (contre 42 % pour le Général22). Le pourcentage d’indécis était évidemment encore élevé (environ un tiers des personnes interrogées) et le résultat dépendrait en grande partie de la décision du Général de se présenter à nouveau ou non, mais il était clair que la candidature Defferre ne réussissait pas à s’imposer à l’opinion publique et semblait être dans une impasse, comme s’il avait rapidement atteint son électorat potentiel. En troisième et dernier lieu, le manque de soutien des partis politiques, restés hostiles ou pour le moins sceptiques à l’égard de Defferre, contribua de manière décisive à l’échec puis au retrait de sa candidature. En annonçant cette dernière, le maire de Marseille avait espéré être le candidat de la gauche unie. Un an après la candidature, les convergences souhaitées ne s’étaient pas produites : tant les radicaux que le PCF en passant par le PSU de Gilles Martinet continuèrent à réitérer leur refus de le soutenir sans négociations préalables qui aient pour but la mise en place d’un programme commun23.
11En juin 1965, le retrait soudain de la candidature de Gaston Defferre montra l’existence de clivages politiques loin d’être dépassés, confirmés par le choix du MRP et des gauches de présenter des candidatures séparées avec respectivement Jean Lecanuet et François Mitterrand24. Ce retrait ne relégua cependant pas aux oubliettes la nouveauté d’une expérience qui avait témoigné de l’adaptation de larges secteurs de l’opposition à la logique de l’élection directe du président de la République et aux nouvelles techniques du marketing politique qui faisaient leur apparition dans le jeu hexagonal.
Les campagnes de de Gaulle et Mitterrand : la marginalisation des conseillers en communication
12« Non, Bongrand, le Général a refusé. Il a dit qu’il n’a pas besoin de faire campagne. Je suis désolé. » Par ce coup de téléphone laconique, Jacques Foccart aurait annoncé au publicitaire Michel Bongrand, son ami de longue date et sympathisant gaulliste, l’intention du général de Gaulle de ne pas être aidé, pendant la campagne de 1965, par une agence de communication25. L’attitude du général de Gaulle, bien que dictée par une profonde méfiance à l’égard de pratiques jugées trop « américaines » était en fait due, avant tout, à des considérations structurelles, liées à son rôle de chef de l’État qui lui imposait de refuser d’être un candidat comme les autres. Quant à ses proches collaborateurs qui, inquiets, lui demandaient avec insistance des instructions pour lancer la campagne, de Gaulle répondit irrité :
« Bien sûr, je n’empêcherai pas – et vous n’empêcherez pas – qu’on fasse des réunions, mais croyez-moi, notre chance, notre vocation, c’est d’être différents des autres. Ce n’est pas parce qu’ils font des réunions, ce n’est pas parce qu’ils montent des scénarios que nous devons en faire autant. Plus nous serons différents d’eux, mieux cela vaudra pour nous26. »
13Son rival le plus crédité, François Mitterrand, se démontra moins intransigeant envers les conseillers en communication, mais leur rôle resta limité. L’équipe de campagne du candidat socialiste incluait un publicitaire comme Georges Beauchamp, ami de longue date de Mitterrand, mais qui était surtout un militant qui mettait son expertise au service du candidat de la gauche. Son rôle restait encadré à l’intérieur de l’organisation du parti et à ses structures de propagande et de communication, qui restaient sceptiques à l’égard des pratiques commerciales27. L’affiche officielle de la campagne, en noir et blanc, d’une grande sobriété, témoignait les résistances des socialistes et des autres partis de gauche aux nouvelles techniques de communication. Cependant Mitterrand accepta l’introduction de quelques nouveautés dans sa campagne : il se fit accompagner souvent par sa femme Danielle, introduisant une timide « peopolisation » de la politique28 et il fut le candidat qui consacra le plus d’attention à l’apprentissage de la télévision29. Tribun populaire plus à l’aise devant une foule rassemblée que devant la caméra, Mitterrand rencontra des difficultés à s’adapter à la campagne télévisuelle (même si l’on a par la suite excessivement critiqué la qualité de ses interventions), mais il était tout à fait conscient de l’importance du petit écran30. Ces difficultés loin de le détourner de la télévision le poussèrent au contraire à accorder un grand soin à la préparation de ses interventions au point qu’il se fit diffuser les principaux moments du débat Kennedy-Nixon de 1960 et s’entraîna chez lui en se faisant conseiller par les réalisateurs Stellio Lorenzi et Pierre Badel31.
14De Gaulle au contraire parut se désintéresser de la campagne télévisée, adoptant un profil bas, avec une stratégie fondée sur le silence, renonçant à tout le temps d’antenne auquel chaque candidat avait droit, à l’exception des 14 minutes du message télévisé retransmis le 30 novembre. Le vote de 1965 devait être, dans l’optique gaulliste, une simple ratification de sa figure et une reconnaissance des bienfaits de sa présidence32. C’étaient précisément la personnalisation et la médiatisation du scrutin qui rendaient la stratégie gaulliste particulièrement risquée car elles sous-estimaient les risques de la première campagne télévisée de l’histoire française.
15L’erreur gaulliste fut en fin de compte de ne pas comprendre que l’élection directe du président de la République renforcerait inévitablement tant le rôle des organisations que celle des moyens de communication de masse33. L’organisation de la campagne, dirigée par un comité suprême composé d’Olivier Guichard, Jacques Foccart et Pierre Lefranc34, fut ainsi confiée à la seule Association nationale pour le soutien de l’action du général de Gaulle, alors que l’Association pour la Cinquième République de Malraux et l’UNR furent exclues35. Le Général ne jugea pas nécessaire, en effet, de perdre du temps et de l’énergie pour une « partie » qu’il jugeait « déjà jouée36 ». La stratégie gaulliste, largement critiquée par la presse, fut rapidement désapprouvée également par une partie croissante de l’opinion publique, qui devint majoritaire après le début de la campagne radiotélévisée : en novembre, 46 % des Français désapprouvaient le silence du chef de l’État, contre 36 % l’approuvant et 18 % sans opinion37. Sous la pression des sondages le Général finit par interrompre son silence. Cédant aux appels de son staff de plus en plus alarmé et contraint à l’inaction38, de Gaulle décida finalement d’utiliser les deux derniers temps d’antenne disponibles avant le premier tour, le 30 novembre et le 3 décembre. La formule classique de l’appel au peuple, à un moment où la crise ne semblait plus qu’un lointain souvenir, apparut comme anachronique. Malgré son manque d’implication dans la campagne électorale, rares étaient ceux qui avaient des doutes sur la victoire du général de Gaulle au premier tour. Valéry Giscard d’Estaing rappelle que, le mercredi précédant le vote, en attendant d’être reçu par de Gaulle pour la réunion hebdomadaire habituelle concernant la gestion du ministère des Finances, le ministre de l’Intérieur Roger Frey, qui sortait du bureau du Général, lui dit : « Je viens d’apporter les derniers sondages au Général. Il est un peu déçu, parce qu’il n’aura pas l’avance sur laquelle il comptait. Mais il sera élu facilement au premier tour39. »
16Quatre jours plus tard, les résultats furent complètement différents : le Général dut se contenter de 43,7 % des suffrages, Mitterrand atteignit 32,2 %, alors que Lecanuet réalisa un véritable exploit en atteignant 15,9 %. Dans la soirée du 5 décembre, quand il fut clair que le Général ne serait pas élu au premier tour, l’amertume des dirigeants et des militants gaullistes, contraints pendant des semaines d’assister en spectateurs à la campagne électorale des adversaires, transparut dans les mots du président de l’Assemblée nationale et « baron » du gaullisme Jacques Chaban-Delmas : « Lorsqu’on veut être présent dans une élection de ce genre, il faut s’en occuper40. » Dans Le Monde, Jacques Fauvet constata que « le gaullisme ne s’[était] pas intéressé de ses relations publiques ». Il ajoutait qu’« en ne se battant pas, en clouant au sol ses propres partisans », de Gaulle n’avait pas compris qu’« une élection, même présidentielle, n’est pas un référendum. Le général a voulu l’ignorer, il le paie aujourd’hui41 ».
17La désorientation qui suivit l’annonce du ballottage du Général fut rapidement contenue. On assista alors à une mobilisation massive dans les rangs gaullistes : sous la pression de son staff (le secrétaire général de l’Élysée Étienne Burin des Roziers, le ministre de l’Information Alain Peyrefitte et l’attaché de presse de l’Élysée Gilbert Pérol), de Gaulle décida de revenir sur la scène. Il y eut aussi un voyant parmi ceux qui suggérèrent à de Gaulle de revenir sur le petit écran en vue du second tour42. De Gaulle accepta d’utiliser en vue du second tour le temps d’antenne prévu par la loi électorale pour les candidats et, surtout, pour la première fois de répondre à une interview télévisée. Le 19 décembre, le verdict électoral fut favorable au Général. À la fin d’un jour de pluie, ce qui n’eut pas d’incidence sur la participation (très élevée, avec seulement 15,45 % d’abstentions), douze millions et demi de Français (54,5 % des suffrages, contre 45,5 % pour Mitterrand) réélirent le Général à l’Élysée. La Marianne du dessinateur de presse Jacques Faizant pouvait s’exclamer au lendemain du second tour : « Ah, si tu m’avais toujours parlé comme ça, gros bêta43 ! »
Michel Bongrand au service de Jean Lecanuet : les premiers pas du marketing politique en France
18À l’occasion de la présidentielle de 1965, la campagne du candidat centriste Jean Lecanuet fut sans doute la plus surprenante. Ce député de la Seine-Maritime, un quasi inconnu de la politique nationale (au moment de sa candidature, le 19 octobre 1965, il était ignoré par 83 % des Français) allait bientôt pouvoir bénéficier d’une belle notoriété. Crédité de moins de 3 % des intentions de vote au début de la course présidentielle, il allait recueillir près de 16 % des voix au premier tour de scrutin grâce à une campagne innovante. Son organisation avait été confiée à une équipe composée par des dirigeants politiques de niveau national (Pierre Baudis, Théo Braun, Maurice Faure et Joseph Fontanet), des représentants d’une nouvelle génération qui avaient participé activement au lancement de la candidature de Gaston Defferre (Pierre Fauchon et le directeur de la revue France-Forum, Henri Bourbon) et surtout à l’agence de publicité Services et Méthodes fondée et dirigée par Michel Bongrand (celui-là même qui, après le refus encaissé par le Général, avait effectué une consultation entre ses collaborateurs qui avaient décidé de travailler au service du candidat centriste).
19Le véritable rôle de Services et Méthodes en 1965 a été l’objet de beaucoup de controverses : célébré par son fondateur et minimisé par l’entourage de Lecanuet. Ce qui paraît assez incontestable est que l’action de Bongrand a été sans doute plus « technique » que « politique ». Ses méthodes restaient plutôt empiriques et son rôle était principalement de media consulting (Bongrand l’a définie comme une campagne de « relations publiques politiques44 ») sans de véritables bases scientifiques. Convaincu que la voie de la personnalisation et du marketing politique, après les États-Unis, était en train de s’ouvrir aussi en France, Bongrand élabora une stratégie articulée sur trois niveaux avec comme but de fournir au candidat centriste une image jeune et dynamique. Le premier niveau consistait dans le lancement du « Tour de France du candidat ». Une idée inspirée de la pratique américaine et lancée par le comité Defferre, qui consistait à faire s’entretenir le candidat avec les « forces vives » du pays. Il s’agissait d’une tournée dans la province française pendant laquelle, chaque jour, Lecanuet changeait de destination et tenait deux rencontres. Dans la matinée, il y avait une conférence réservée aux notables locaux (autorités politiques, industriels, etc.), tandis que le soir le candidat centriste tenait un meeting public. Dans cette optique, l’équipe de Services et Méthodes fournissait au candidat une étude socio-économique sur chaque localité, de façon à ce que Lecanuet puisse « personnaliser » les interventions de base au public et à l’endroit où il se trouvait. Il s’agissait d’une embryonnaire opération de targeting directement inspirée par l’exemple américain et qui avait été suggérée à Bongrand par son ami Joseph Napolitan, qui l’avait testée avec succès au cours de la campagne de Kennedy en 1960.
20Le deuxième niveau consistait à fournir le maximum de visibilité au « tour de France » du candidat grâce aux contacts personnels de Bongrand avec les directeurs de la principale presse régionale et grâce à un service d’attachés de presse fourni par Service et Méthodes. Sa tâche était celle de rédiger des articles sur la campagne de Lecanuet, orientés selon la ligne éditoriale et les intérêts du journal auquel on les envoyait pour leur publication. Une stratégie efficace qui n’était pas passée inaperçue au sein du staff gaulliste. Il ressort des archives de la présidence de la République qu’au lendemain du second tour, Gilbert Pérol, attaché de presse de l’Élysée, envoya au Général une note intitulée « La presse et l’élection présidentielle ». Après avoir analysé en détail les positions des principaux journaux de la presse nationale et régionale au cours des deux tours de scrutin, et avoir observé comment « le cœur de la presse régionale a battu activement pour Lecanuet », il y invitait de Gaulle à porter plus d’attention, dans l’avenir, à la presse :
« Rarement, autant qu’à l’occasion de l’élection présidentielle, la presse française aura donné l’impression d’être aussi unanimement hostile au général de Gaulle […]. La carte électorale est dans une large mesure celle des quotidiens régionaux : preuve que ceux-ci reflètent assez fidèlement l’état d’esprit du pays, mais preuve aussi de l’influence qu’ils peuvent exercer sur l’opinion, indépendamment de ce que peut faire la télévision, et sans doute, beaucoup plus qu’elle45. »
21Le dernier niveau consistait dans une « américanisation de la campagne » fondée sur des primitives opérations de marketing. Dans une brochure électorale, le candidat centriste était photographié en scènes de vie domestique et on lui consacra aussi un numéro spécial du Courrier des démocrates. Dans les meetings, les participants étaient accueillis par des jeunes filles avec des jupes vertes (couleur de l’Europe) qui distribuaient des autocollants, des foulards, des stylos, des porte-clés, tous avec l’incontournable profession de foi « Je vote Lecanuet ». Dans son autobiographie, Pierre Fauchon parle d’une « véritable tournée nationale de type cirque46 ».
22La presse souligna cette inédite commercialisation de la politique, souvent de façon critique :
« Il y a deux ans, ce fut James Bond. Cette semaine, c’est M. Jean Lecanuet, candidat du Centre à la Présidence de la République, qu’une agence spécialisée dans le lancement des produits industriels, “Services et Méthodes”, a été chargée de faire connaître au public. Le “produit”, en l’espèce M. Lecanuet lui-même, n’escompte pas d’aussi brillants résultats que l’agent 00747. »
23Les critiques contre la désacralisation de la politique produite par les conseils de « Services et Méthodes » se multiplièrent à la veille du premier tour avec la publication des sondages qui montraient la progression du candidat centriste dans les intentions de vote48. Gilbert Cesbron dans un article du Monde titré « Les pestilentielles », dénonça « une foire grossière où les visages comptent d’abord49 ». Lecanuet fut la cible favorite des gaullistes qui ne manquaient pas une occasion pour se moquer de l’utilisation que ce « Kennedylett […] lancé, avec son air de saint Jean Bouche d’or, comme une lessive50 » faisait des techniques de marketing.
24Jean Lecanuet fut le grand gagnant des débats télévisés de la campagne de 1965. Son charme de séducteur et la rhétorique passionnée conquirent surtout le public féminin. Une femme, gaulliste de toujours, mais se disant prête à voter pour le candidat centriste après l’avoir admiré à la télévision, aurait déclaré à un enquêteur : « Non Monsieur, je ne croyais pas qu’il pouvait y avoir quelqu’un qui parle aussi bien que le général de Gaulle51. » Il s’avéra rapidement que la principale victime de la réussite du candidat centriste serait précisément le Général :
« Si le Général allait chez le coiffeur (mais c’est le coiffeur qui va chez le Général et, à partir de cet instant, un Grand, tout en gagnant du temps, perd un peu le contact), si donc le Général, après une de ces joutes oratoires dont nous sommes devenus les témoins oculaires, pouvait entendre comme mot une manucure s’écrier : “Dites-donc, Lecanuet hier soir, comme ça !” [Pouce levé], il aurait sans doute le frisson en mesurant les terrifiants effets que la déesse TV peut exercer sur les destinées du pays lorsqu’elle s’accouple au suffrage universel. Il aurait raison d’avoir le frisson. Et il aurait tort d’être à même d’avoir raison, car enfin c’est lui qui, tout le premier, a sacrifié au culte chronique de la déesse, c’est lui qui, le premier en près d’un siècle de Républiques, a préconisé le suffrage universel pour l’élection d’un président52. »
25Le « phénomène » Lecanuet, nouvelle « star » de la politique française, venait perturber des équilibres qui semblaient établis53. L’écho de son succès traversa rapidement les frontières françaises, ornant les pages des principaux journaux d’Outre-Manche :
« En Angleterre, le télé-politicien est une figure qui nous est familière à tous. La capacité à se comporter de façon naturelle face aux caméras est devenue un élément essentiel de la panoplie d’un aspirant à la politique. En France en revanche, ce genre-là était pour ainsi dire complètement inconnu, du moins jusqu’à ce que la campagne présidentielle ait commencé. Un homme bien sûr était vraiment un as de la télévision : le Général lui-même. […] À présent il a un rival qui défie non seulement sa cote de popularité télévisuelle mais aussi sa position en tant que Président. L’arrivée de Monsieur Lecanuet a complètement modifié la nature des élections présidentielles en France. […] Le facteur clef de son ascension fulgurante est sans nul doute l’usage qu’il fait de la télévision54. »
26Comme l’écrivit André Philip dans Le Monde à la suite du premier tour, « un fait nouveau » était apparu dans la course à l’Élysée : « s’il reste un très grand acteur, le président de Gaulle n’est plus le seul à savoir se servir de la télévision55 ».
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27Dans l’imaginaire collectif s’est affirmée l’idée, partagée par nombre d’historiens et spécialistes des médias56, que la communication politique experte en France a un pionnier, Michel Bongrand57, et un moment fondateur : la campagne présidentielle de 1965. Le sujet est cependant l’objet de discussions. Jean-Baptiste Legavre dans un article publié dans Questions de communication, a fait le point sur ce débat de façon très précise et a identifié trois modalités de contestation de cette vulgate. En premier lieu, il y a ceux qui « oublient » ou « ignorent » le rôle ou l’existence de Bongrand (surtout dans l’entourage gaulliste ou de Lecanuet, comme Denis Baudouin). Deuxièmement, il y a ceux qui trouvent des pionniers précédents à Bongrand (Roland Cayrol considère l’expérience Defferre comme le moment fondateur). Finalement, il y a ceux qui rejettent Bongrand dans la préhistoire de la communication politique professionnelle, qui serait née dans la décennie suivante (la visibilité publique des conseillers en communication aurait obtenu une reconnaissance surtout avec Jacques Séguéla à partir de 198158).
28Le débat sur cette « hantise des origines », cette « idole de la tribu des historiens » observée par Marc Bloch, ne concerne strictement l’objet de cette communication. D’autant plus que la nécessité de trouver des ruptures ou bien des « heures zéro » de l’histoire risque de s’avérer stérile dans l’étude des médias, dont l’évolution s’est historiquement développée plus par superposition que par substitution.
29Ce qui nous intéresse de souligner par rapport à la campagne présidentielle de 1965 est plutôt l’évolution dans le domaine de la communication politique experte qu’elle produisit et l’accréditation politique dont les conseillers en communication furent l’objet dans les années suivantes. Le principal héritage de l’élection de 1965 fut sans aucun doute l’acceptation définitive de la part de toutes les forces politiques d’une pratique institutionnelle que l’opinion publique avait métabolisé avec enthousiasme. Tous les spécialistes, au lendemain du second tour, furent d’accord pour noter que l’élection directe du chef de l’État était maintenant entrée de plein droit dans la culture et dans la coutume politique française. François Goguel, dans la Revue française de science politique observa que « le haut degré de la participation électorale, le 19 aussi bien que le 5 décembre, constitue, de la part du suffrage universel, une consécration des institutions de la Cinquième République59 ». Le scrutin marquait, en somme, « un point de non-retour. Désormais, la grande majorité des suffrages est allée à la figure juridique du président gouvernant. Celle-ci est entrée dans nos mœurs politiques60 ». Cette évolution se traduisit par la reconnaissance généralisée de l’affirmation d’une « nouvelle sainte trinité » de la communication politique : télévision, sondages, publicité61. Et par la nécessité que ce fussent des spécialistes à éduquer les hommes politiques à ces techniques et à les conseiller, surtout en période électorale.
30Un nouveau groupe professionnel spécialisé était en train de s’affirmer, aidant les hommes politiques à concevoir les affiches, à améliorer leur art rhétorique, à commander des sondages et à leur expliquer les secrets du petit écran. En effet, après 1965, les conseillers en communication connurent une double accréditation, aussi bien dans le domaine professionnel que dans le champ politique. Exception faite du parti communiste, même ceux qui s’étaient démontrés les plus hostiles envers les techniques de marketing politique et qui avaient critiqué la campagne du « Kennedylett […] lancé comme une lessive », revinrent rapidement sur leurs pas au lendemain de la campagne de 1965. Le mouvement gaulliste fit appel à Michel Bongrand en vue des législatives de 1967 pour élaborer l’affiche officielle de la campagne62, tandis que Pompidou en 1969 fit appel aux services de l’agence Havas Conseil qu’aurait réalisé le premier portrait d’un candidat en couleurs63. C’est dans la même période que la profession de conseiller en communication se structura : en 1968, sous l’impulsion de Joseph Napolitain et de Michel Bongrand, naquit l’Association internationale des conseils politiques. Leur action et leurs méthodes, faites d’un mélange de techniques issues des sciences sociales, du marketing politique et de l’utilisation de compétences diverses dans le secteur des médias s’étaient désormais imposés comme indispensables, en dépit de la méfiance initiale du monde politique français64.
Notes de bas de page
1Duverger M., « L’enjeu des “présidentielles” », La vie française, 23 avril 1965, p. 3.
2En novembre 1965, un sondage de l’IFOP notait que 78 % des inscrits étaient favorables à l’élection directe du président de la République (6 % contre et 16 % sans opinion).
3Williams P. et Harrison M., « La campagne pour le référendum et les élections législatives », in Goguel F. (dir.), Le Référendum de septembre et les élections de novembre 1958, Paris, Armand Colin, 1960, p. 21-59.
4Charlot J., « La tactique et la campagne des partis », in Goguel F. (dir.), Le Référendum d’octobre et les élections de novembre 1962, Paris, Armand Colin, 1965, p. 102.
5White T-H., La Victoire de Kennedy ou Comment on fait un président. 8 novembre 1960, Paris, Laffont, 1962.
6Voir la communication de Jean El Gammal dans le présent volume.
7Après avoir tenté sans grand succès au cours des années 1930 de suggérer à des représentants de premier plan de la classe politique française les techniques apprises aux États-Unis, Bleustein-Blanchet s’était imposé définitivement dans l’après-guerre en important en France les théories motivationnelles d’Ernst Dichter et en obtenant rapidement des contrats pharaoniques de la part de certaines entreprises de premier plan, et pas seulement françaises : Colgate-Palmolive et Prénatal en 1947, Shell en 1954, Singer en 1956, Renault en 1963. Voir Bleustein-Blanchet M., La Rage de convaincre, Paris, Laffont, 1970.
8Chauveau A., « L’homme politique et la télévision », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 80, no 4, 2003, p. 90.
9Bleustein-Blanchet M., La Traversée du siècle, Paris, Laffont, 1994, p. 176.
10La citation est reconstruite en superposant les témoignages de la rencontre reportés dans Bleustein-Blanchet M., La Rage de convaincre, Paris, Laffont, 1970, p. 181, et du même auteur Mémoires d’un lion, Paris, Perrin, 1988, p. 217, et La Traversée du siècle, op. cit., p. 177. Voir Brizzi R., De Gaulle et les médias. L’homme du petit écran, Rennes, PUR, 2014, p. 125.
11ACJM, 5 CJM 10, Note rédigée par la Commission pour les présidentielles du club Jean-Moulin, 17 avril 1964.
12Hurtig S., « La SFIO face à la Ve République. Majorité et minorités », Revue française de science politique, XIV, no 964, p. 553-554.
13ACJM, 5 CJM 10, Note rédigée par la Commission pour les présidentielles du club Jean-Moulin, 19 février 1963.
14Le livre de Theodore White était une telle référence que Georges Suffert, lien entre le club Jean-Moulin et L’Express dans la phase de lancement de la candidature de Defferre, avait l’habitude de répéter en plaisantant : « Simon Nora, c’est un peu Schlesinger ; Chevrillon, c’est Sorensen ; de Vulpian, c’est Louis Harris ; moi, je suis un peu Salinger » (Cayrol R., La Nouvelle communication politique, Paris, Larousse, 1986, p. 60).
15Suffert G., De Defferre à Mitterrand. La campagne présidentielle, Paris, Seuil, 1966, p. 20.
16Ferniot J., « Monsieur X contre de Gaulle », L’Express, 19 septembre 1963, p. 10.
17Dulong D., Moderniser la politique, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 255.
18Les principales histoires du socialisme français traitent de la candidature Defferre de manière assez superficielle, cf. Bergounioux A. et Grunberg G., Le Long remords du pouvoir. Le Parti socialiste français, 1905-1992, Paris, Fayard, 1992, p. 209 ; Estier C., Un Combat centenaire, 1905-2005. Histoire des socialistes français, Paris, Le Cherche midi, 2005, p. 94.
19À ce propos, cf. Ysmal C., Defferre parle (18 décembre 1963-25 juin 1965), Paris, FNSP, 1966.
20Chauveau A., « L’homme politique et la télévision », op. cit., p. 90.
21Andrieu C., Pour l’amour de la République. Le Club Jean Moulin 1958-1970, Paris, Fayard, 2002, p. 469.
22Piret J., « L’Opinion publique et l’élection présidentielle », Revue française de science politique, XIV, no 5, 1964, p. 943-951.
23À propos du programme de Defferre, cf. Defferre G., Un Nouvel horizon : le travail d’une équipe, Paris, Gallimard, 1965.
24Il faut souligner à cet égard le fait que certains membres du comité qui avait promu la candidature de Defferre, à la suite de son retrait, furent impliqués dans l’organisation de la campagne de Mitterrand (Georges Suffert par exemple) ou dans celle de Jean Lecanuet (comme Pierre Fauchon).
25Témoignage de M. Bongrand à l’auteur, 1er décembre 2004, cf. Brizzi R., De Gaulle et les médias. L’homme du petit écran, op. cit., p. 195.
26Foccart J., Journal de l’Élysée, t. I : Tous les soirs avec de Gaulle, 1965-1967, Paris, Fayard/Jeune Afrique, 1997, p. 256.
27Delporte Ch., « Image, politique et communication sous la Cinquième République », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 72, no 4, 2001, p. 117.
28Pour une conceptualisation de l’expression cf. Dakhlia J., Politique people, Paris, Bréal, 2008. Pour un regard sur la peopolisation de la politique dans la campagne de 1965 cf. Delporte Ch., « Quand la peopolisation des hommes politiques a-t-elle commencé ? », Le Temps des Médias, 10, no 1, 2008, p. 39-41.
29Mitterrand F., La Paille et le grain, Paris, Flammarion, 1975, p. 87.
30Ibid.
31Lors des émissions Mitterrand arriva aux studios accompagné d’un coiffeur et de conseillers techniques et y resta plus de quatre heures à enregistrer une émission qui dura à peine 14 minutes, retouchant plusieurs fois le film. Cf. Delporte Ch., La France dans les yeux. Une histoire de la communication politique de 1930 à aujourd’hui, Paris, Flammarion, 2007, p. 144.
32Le sens profond que le Général attribuait au scrutin se trouve dans la phrase qu’il prononça à la télévision le 4 novembre au moment de l’annonce de sa candidature : « À moi-même, que vous connaissez bien après tout ce que nous avons fait ensemble dans la guerre et dans la paix, chacun de vous, chacune de vous, aura l’occasion de prouver son estime et sa confiance » (INA, Fonds de Gaulle, 4 novembre 1965, 9’30”).
33Quagliariello G., La Religion gaulliste, Paris, Perrin, 2007, p. 449.
34Schwartzenberg R.-G., La Campagne présidentielle de 1965, Paris, PUF, 1967, p. 77-78.
35Pozzi J., Les mouvements gaullistes. Partis, associations et réseaux 1958-1976, Rennes, PUR, 2011, p. 127-130.
36Foccart J., Journal de l’Élysée, t. I, op. cit., p. 252.
37« La campagne a augmenté le nombre des indécis », France-Soir, 28 novembre 1965, p. 1.
38Témoignage d’Étienne Burin des Roziers à l’auteur, 12 novembre 2004.
39Duhamel O. et Jeanneney J.-N., Présidentielles, les surprises de l’histoire 1965-1995, Paris, Seuil, 2002, p. 51-52.
40Schwartzenberg R.-G., La Campagne présidentielle de 1965, op. cit., p. 19.
41Fauvet J., « Trop d’erreurs », Le Monde, 7 décembre 1965, p. 1.
42« Monsieur le Président voici le message que vous attendiez. En 1955 avec trois ans d’avance j’ai prédit votre retour au pouvoir et la dissolution du Parlement. Le 29 septembre 1963 j’ai prédit votre opération entre le 29 mars et le 3 mai 1964. Vous fûtes opéré le 17 avril 1964. Le 29 septembre 1965 jour de la St Michel je me suis penché sur les élections présidentielles […]. À l’heure présente vous êtes en ballottage. Cependant je vous ai vu faire un renversement de la situation en votre faveur à la suite d’une émission de télévision » (AN, 5AG1/349, télégramme de Belline au général de Gaulle, 21 novembre 1965). Cf. Brizzi R., De Gaulle et les médias. L’homme du petit écran, op. cit., p. 201.
43Le Figaro, 22 décembre 1965, p. 1.
44Bongrand M., Splendeurs et misères de la politique, Paris, Larousse, 1986, p. 86-87.
45AN, 5 AG 1/294, Note de Gilbert Pérol au général de Gaulle, 23 décembre 1965. Cf. Brizzi R., De Gaulle et les médias. L’homme du petit écran, op. cit., p. 201.
46Fauchon P., Le vert et le rouge. Souvenirs, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 211.
47Gros B., « M. Lecanuet succède à James Bond », L’Express, 25 octobre 1965, p. 35.
48Dans certains cas, les critiques poursuivirent aussi après la fin de la campagne : « On chuchote que le candidat ne réussit pas à stopper toutes les erreurs de “Services et Méthodes” : par exemple, la distribution de roses aux ouvriers Renault par des pin-up… Jean Lecanuet… bloqua aussi les films préparés, le montrant à toute la France, en pyjama, faisant sa toilette ». D’après Gros, B., « M. Bongrand et son nouveau produit », L’Express, 28 mars 1966, p. 36.
49Cesbron G., « Les pestilentielles », Le Monde, 25 novembre 1965, p. 4.
50« Les leaders de l’UNR attaquent les candidats de l’opposition, et principalement M. Lecanuet », Le Monde, 2 décembre 1965, p. 2.
51Delporte Ch., « Image, politique et communication sous la Cinquième République », op. cit., p. 111.
52Daninos P., « Cincinnatus, Greta Garbo, de Gaulle… », Le Monde, 4 décembre 1965, p. 4.
53« En trois semaines, le professeur de philo, à peine connu, est devenu une vedette, un champignon surgi sur l’écorce politique de la vieille France. Il n’avait pas prévu cela, ses amis non plus, personne, d’ailleurs » (Suffert G., « La percée de M. Lecanuet », L’Express, 6 décembre 1965, p. 41).
54« Television politics comes to France », The Guardian, 1er décembre 1965, p. 10.
55Philip A., « Leçons d’un scrutin », Le Monde, 9 décembre 1965, p. 2.
56On se limite ici à citer trois historiens des médias : Almeida F. d’et Delporte Ch., Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003, p. 213 ; Delporte Ch., « Image, politique et communication sous la Cinquième République », op. cit., p. 110-111 ; Chauveau A., « L’homme politique et la télévision », op. cit., p. 90-91.
57Sur la carrière de Michel Bongrand, voir la communication de Jérôme Pozzi dans le présent volume.
58Legavre J.-B., « La quête des origines. Retour sur la fondation de la communication politique experte en France », Questions de communication, no 7, 2005, p. 323-343.
59Goguel F., « L’élection présidentielle française de décembre 1965 », Revue française de science politique, 16, no 2, 1966, p. 243.
60Prélot M., « Après la campagne présidentielle », France-Forum, 69-70, 1966, p. 23.
61Cayrol R., La Nouvelle communication politique, op. cit., p. 59.
62Pozzi J., « Investitures, parachutages et communication politique des candidats gaullistes lors de la campagne des élections législatives de 1967 », in Kocher-Marboeuf E. et Dubasque F., (dir.), Terres d’élections. Les dynamiques de l’ancrage politique 1750-2009, Rennes, PUR, 2014, p. 375-384 et du même auteur : Les mouvements gaullistes. Partis, associations et réseaux 1958-1976, Rennes, PUR, 2011, p. 141-149.
63Voir la communication de Jérôme Pozzi dans le présent volume.
64Chauveau A., « L’homme politique et la télévision », op. cit., p. 91.
Auteur
-
Riccardo Brizzi
Professeur de science politique à l’université de Bologne

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