De la parole à la communication politique dans le monde anglo-saxon des années 1930 à nos jours
p. 19-33
Texte intégral
1À la fois de manière intrinsèque et afin de poser quelques jalons comparatifs, une présentation nécessairement assez générale de l’évolution de la communication politique en Grande-Bretagne et aux États-Unis est ici proposée. Il s’agit de procéder à une mise en perspective dans le temps long – voire très long puisque la notion, surtout usitée à partir des années soixante, n’est pas présente explicitement au début de la période1. Les années 19302 correspondent à l’essor des usages politiques de la radiodiffusion et voient s’ouvrir le temps des sondages, notamment avec Gallup aux États-Unis. Par la suite, c’est dans le monde anglo-saxon3, qu’il est d’usage de présenter comme le foyer initial de la communication politique4, que se situent nombre de ses temps forts, autour des débats politiques radiodiffusés et télévisés, des spots politiques des campagnes présidentielles, des mutations du storytelling5, du recours aux spin doctors, de la mobilisation des réseaux. Il semble que les pratiques se soient à la fois diversifiées et intensifiées. Encore faut-il s’interroger sur les modalités de cette évolution, sur son caractère linéaire ou non, et sur les relations entre ces aspects de l’histoire de la communication et l’histoire de la parole et des formules politiques, qui renvoient parfois à un temps plus long encore, celui des hommes providentiels6, notamment lors des périodes de crise. Cette histoire, au début des années 1930, voire auparavant, surtout pour le premier d’entre eux, a été marquée par Winston Churchill et Franklin Roosevelt, dans des situations d’ailleurs très différentes : l’homme politique britannique est alors éloigné du pouvoir, alors que le démocrate américain y accède en 1933 et dispose de moyens beaucoup plus larges, notamment à travers ses « célèbres conversations au coin du feu ». Même si un système médiatique est déjà présent en politique, il n’en reste pas moins que la parole politique semble émaner alors de figures hors du commun. Est-elle ensuite devenue plus complexe, alors que des équipes plus nombreuses et plus professionnelles se sont constituées ou bien s’est-elle banalisée ou affadie, alors même que la personnalisation demeure importante ? C’est à ces questions qu’il convient de s’efforcer de répondre. Pour ce faire, une démarche fondée sur un plan chronologique et sur des travaux relevant de l’histoire, de la science politique et plus spécifiquement de la communication politique sera mise en œuvre7. De 1930 à l’après Seconde Guerre mondiale, on s’intéressera au poids des individualités et aux échos obtenus. Entre les années 1950 et le début du présent siècle, c’est de la construction et aux mutations de systèmes de communication politique qu’il sera question. On s’interrogera enfin sur la multiplication des canaux et l’éventualité d’une saturation, à l’échelle des années les plus récentes.
Le poids des individualités
2Sous ce titre, on donnera un aperçu des débuts de la communication que l’on pourrait qualifier de précontemporaine, au sens médiatique, dans les deux pays étudiés. Ce qui fait l’originalité des années trente et de la première moitié de la décennie suivante dans ce domaine, c’est avant tout, même si la place de la diffusion et des commentaires des discours dans la presse demeure considérable, l’utilisation de la radio. Si l’on songe avec le recul aux deux personnalités les plus célèbres de la période dans le monde anglo-saxon, Churchill et Roosevelt, c’est surtout ce dernier qui a été un pionnier. Il est vrai que contrairement à Churchill, il est au pouvoir sans interruption pendant plus de douze ans.
Au seuil des années 1930
3Lorsque débute la décennie en Grande-Bretagne et aux États-Unis, les données politiques sont modifiées, voire bouleversées par une crise qui affecte fortement les deux pays. Si la question de la communication politique au sens actuel n’est pas centrale dans le premier d’entre eux, le parti travailliste évoluait progressivement, entre campagnes traditionnelles et prise en compte des temps nouveaux8. Quant au parti conservateur, il avait commencé à s’organiser dans ce domaine à la fin des années vingt9. Il reste qu’après la victoire travailliste de 1929, la formation du gouvernement d’union de Ramsay Mac Donald en août 1931 suscite de fortes tensions, notamment à l’intérieur du parti travailliste. C’est d’ailleurs le parti conservateur, représenté avec efficacité par Stanley Baldwin10, qui prend nettement l’ascendant sur le plan électoral, Churchill entamant quant à lui une assez longue traversée du désert11. La situation est sans doute plus intéressante, sous l’angle ici considéré, aux États-Unis. À certains égards, même si le poids de la crise a été déterminant, on peut dire que la communication de Hoover a contribué à son affaiblissement, notamment en raison du manque d’empathie qui lui était prêté, alors que Franklin Roosevelt, a entrepris une campagne assez agressive et surtout dynamique sur le thème du New Deal, dont les contours sont encore flous lors de la campagne présidentielle de 193212.
Un modèle rooseveltien ?
4En termes de communication, il est fondé notamment sur les causeries radiophoniques au coin du feu13, déjà expérimentées lorsqu’il était gouverneur de l’État de New York. André Kaspi voit en Roosevelt un « grand communicateur14 », notamment lors de la première phase du New Deal, les « cent jours », entre mars et juin 193315. D’autre part, Franklin Roosevelt a systématisé le recours à la conférence de presse (au total 998 en 12 ans), « dans une atmosphère détendue, sans aucun protocole, avec un échange de questions et de réponses qui ressemblait à une conversation entre amis16 ». Un des aspects de la communication du président démocrate consiste à éviter qu’il ne soit montré en chaise roulante ou en situation de vulnérabilité, même si les Américains n’ignorent pas qu’il a été victime de la poliomyélite17. L’un des ressorts principaux du New Deal consiste, globalement, à restaurer l’optimisme et le dynamisme aux États-Unis et l’objectif est en partie atteint, même si la fin des années 1930, surtout en 1937-1938, est marquée par des difficultés que la communication gouvernementale ne peut guère pallier. Elle a pu jouer, en tout cas, non seulement sur le plan national, mais à l’échelle locale. Une catégorie de « communicants », les « political persuaders », se serait même manifestée pour la première fois en Californie, pour défendre un projet d’aménagement combattu par une compagnie privée18. En outre – mais cet aspect du sujet est plus difficile à cerner – le modèle rooseveltien, populaire mais parfois durement attaqué aux États-Unis, a pu jouer aussi à l’étranger, en général de manière positive, y compris au-delà de la guerre.
Le retour de Churchill
5Il est amorcé – mais l’on n’en a alors guère conscience, tant il est isolé au sein de son parti – à travers le discours aux Communes du 5 octobre 1938 dans lequel il dénonce les accords de Munich, en usant de formules célèbres, notamment sur la guerre et le déshonneur. Il s’agit d’art oratoire – et surtout de conviction – plus que de communication, et la voix de Churchill, même s’il dispose de soutiens qui se révéleront efficaces plus tard dans la jeune génération19, s’est élevée fortement et individuellement. C’est en septembre 1939 qu’il est appelé par Neville Chamberlain – jusqu’alors tenant de l’appeasement – au poste de Premier Lord de l’Amirauté, qu’il avait quitté en 1915. Une légende assure qu’il aurait fait envoyer aux navires et aux stations de la Royal Navy le message suivant « WINSTON IS BACK », mais Martin Gilbert, biographe de Churchill, n’a pu trouver la trace d’un tel signal20. C’est surtout à compter de son arrivée au 10, Downing Street, en mai 1940, que Churchill pratique la communication politique dans ses discours soigneusement élaborés (par lui-même) et destinés à galvaniser la population21.
La communication politique en temps de guerre et à la fin du conflit mondial
6Puisqu’à compter de mai 1940, Churchill et Roosevelt sont tous deux à la tête de gouvernements ou d’États, pour le second, peut-on comparer leurs usages de la communication ? Il faut tout d’abord rappeler que les États-Unis, où Roosevelt a été réélu en 194022, n’entrent en guerre qu’en décembre 1941, et que les moyens dont disposent les deux pays sont très inégaux. Il reste que certains des discours de Churchill, qui incarne tout particulièrement la combativité en Grande-Bretagne, ont eu un très large écho, notamment en mai-juin 1940, qu’il s’agisse des ondes de la BBC ou des discours à la Chambre des communes, et à travers un personnage et une silhouette mondialement connus23. Sur un autre plan, comme le note Monica Charlot, « la profession de conseil en campagnes politiques date pratiquement de la guerre, qui nécessitait une utilisation compétente des techniques de propagande de masse, pour le maintien du moral du pays24 ». Aux États-Unis, la série des « Causeries au coin de feu » se poursuit, présentant avant et surtout après décembre 1941 les enjeux aux Américains avec beaucoup de clarté et non sans une certaine familiarité25. L’appareil de propagande repose notamment, à partir de juin 1942, sur l’Office of War Information, qui déploie une activité multiforme26. Si les résultats de cette communication en matière de mobilisation de la population ne font guère de doute, les effets politiques ne sont pas homogènes, puisque si Roosevelt est aisément réélu en novembre 1944, les conservateurs conduits par Churchill sont, dans un contexte il est vrai différent, battus par les travaillistes en juillet 1945. La période de l’union nationale prend fin et les clivages ne tardent pas à resurgir, comme on le constate aussi aux États-Unis, avec la victoire républicaine lors des élections de mid-term de novembre 1946, alors que s’esquisse le basculement vers la guerre froide.
Des systèmes en construction
7Après la fin du second conflit mondial, pour des raisons techniques, culturelles et politiques, la communication politique a connu de nombreux changements, dont l’origine se trouve en grande partie dans le monde anglo-saxon, notamment aux États-Unis, qui donnent assez largement le ton ou fournissent des exemples (ou dans certains cas, des contre-exemples) de personnalités ou de procédés à l’Europe occidentale, notamment à la Grande-Bretagne, encore que celle-ci demeure attachée à ses traditions politiques, tout en s’accommodant de certaines évolutions et en poursuivant sa célèbre « special relationship » avec les États-Unis.
Les changements des années cinquante : Eisenhower, Macmillan, Kennedy
8Pour la commodité du propos, on attire ici l’attention sur une décennie, même si dès la fin des années 1940, Harry Truman a utilisé à sa manière la communication politique. En tout cas, c’est son successeur, Dwight Eisenhower, qui, à l’occasion de la campagne de 1952, a employé de nombreux slogans et est « le premier candidat à recourir à des publicités télévisées que son rival démocrate, Adlai Stevenson, juge dégradantes27 ». Parallèlement, la campagne maccarthyste repose aussi sur l’utilisation de la communication – et de l’intimidation – politique, mais, on le sait, se retourne en partie contre son auteur en 1954. En Grande-Bretagne, les conservateurs, ayant pris conscience de leurs insuffisances en matière de communication politique28, étaient revenus au pouvoir en 1951. Par la suite, plus que Churchill, vieilli et dont la réputation est très largement faite, et qu’Anthony Eden, qui a dû démissionner après la crise de Suez, c’est Harold Macmillan qui est mis en avant par la communication politique des conservateurs. À cet égard, la campagne de 1959, est caractéristique, avec ses slogans : l’un des plus connus, dû au publicitaire Geoffrey Tucker, est « Life’s Better with the Conservatives29 ». Mais plus que ce paisible homme politique britannique, c’est, l’année suivante, le jeune candidat démocrate qui, après avoir mené une « campagne électorale de quatre ans », selon l’expression d’André Kaspi30, attire l’attention des États-Unis, puis du monde. Il participe aux célèbres débats, pour la première fois télévisés, face au vice-président Richard Nixon, qui ont sans doute, même s’il ne s’agit pas du facteur décisif, favorisé sa courte victoire. John Kennedy, de plus, aidé par une équipe solide, qui compte dans ses rangs Pierre Salinger, responsable de presse avant de devenir porte-parole31, ouvre sans doute l’ère des « présidents médiatiques32 » et influence, y compris post mortem, des personnalités européennes33.
Le rôle croissant de la télévision et la prédominance des États-Unis dans les années soixante et soixante-dix
9Même s’il existe à cet égard des décalages, le rôle de la télévision comme média hégémonique dans les pays anglo-saxons se précise dans les années soixante et soixante-dix. La diversité est bien moindre que de nos jours, mais différents types de formats existent déjà, de la déclaration solennelle à l’émission plus spécialisée, sans oublier les spots électoraux dont l’usage se diffuse. Ils ont d’ailleurs marqué la campagne qui, en 1964, a entraîné l’éclatante victoire de Lyndon Johnson sur Barry Goldwater34. Quant à Richard Nixon, il a rajeuni son équipe dans la perspective du scrutin de 1968. C’est, même s’il est bien d’autres conseillers, un jeune journaliste âgé de 25 ans, Joe McGinnis, qui s’efforcerait de « promouvoir l’image d’un « nouveau Nixon35 » ou du moins la commente36, associant tactique centriste et thématique de la loi et de l’ordre. En Grande-Bretagne, la communication politique paraît par comparaison jouer un rôle moindre, encore qu’Harold Wilson ait utilisé en partie son image, dans le sens d’une plus grande modernité, lors de la campagne des élections législatives de 196437. Les années 1970, avec les débuts des difficultés des pays occidentaux et les remous de la vie politique, ne semblent pas représenter un (éventuel) âge d’or de la communication, du moins à l’échelle des pouvoirs, dans des registres d’ailleurs différents. Aux États-Unis, à l’enlisement dans le scandale du Watergate qui ruine les efforts de Richard Nixon dans le domaine de la communication38 succède, après l’intermède de Gerald Ford, la communication à la fois généreuse et maladroite de Jimmy Carter, nouveau venu disposant de peu de relais dans les milieux parlementaires. En Grande-Bretagne, les alternances entre travaillistes et conservateurs procèdent surtout de données économiques et sociales. Ni Edward Heath pour les conservateurs, ni James Callaghan pour les travaillistes, n’ont déployé de grands efforts pour moderniser leur communication. Mais la situation commence à évoluer durant la seconde moitié des années 1970.
Néolibéralisme et conservatisme : les communications de Margaret Thatcher et Ronald Reagan
10En effet, en relation avec l’essor de l’« ultralibéralisme » et du recours croissant à des techniques de communication, les deux principales personnalités anglo-saxonnes des années 1980, Margaret Thatcher et Ronald Reagan, recourent à cette arme, ou à cet instrument.
11La première, qui a succédé à Edward Heath à la tête du parti conservateur en 1975, n’avait guère d’expérience en ce domaine. Mais elle en a compris l’intérêt, notamment dans la perspective de la campagne des élections législatives de 1979. Il est fait appel à l’agence Saatchi et Saatchi, qui met au point, par l’intermédiaire d’Andrew Rutherford, le fameux slogan « Labour Isn’t Working » qui, sur fond de crise économique, accompagne en quelque sorte la victoire conservatrice de 197939. Une fois au 10, Downing Street, si sa politique est controversée, Margaret Thatcher, qu’il s’agisse de son discours ou de sa manière de se présenter, affirme sa personnalité et son autorité, avec le concours de son attaché de presse Bernard Ingham et un certain soutien des médias40.
12Le cas de Ronald Reagan n’est pas identique, car il était déjà, en tant qu’acteur, puis chargé des relations publiques de General Electric et gouverneur de Californie, au carrefour de l’entertainment, de la communication et de la politique. S’il n’est pas un homme de dossiers, il doit en partie son élection et surtout sa réélection à ses talents de « grand communicant » ou « grand communicateur41 », notamment à la télévision42, épaulé durant son premier mandat par James Baker, directeur de cabinet, Michael Deaver, son adjoint chargé de la communication et son conseiller Edwin Meese. Ronald Reagan use avec dextérité de ses formules frappantes (par exemple au sujet de l’URSS), de ses fiches, de son répertoire de plaisanteries et Michael Deaver met au point, écrit Françoise Coste dans sa récente biographie de Ronald Reagan, « la technique alors très originale de la photo opportunity ou photo-op : la mise en scène minutieuse de chaque sortie de Reagan devant les caméras et les appareils photos de la presse43 ». Le second mandat innove moins, et Ronald Reagan rencontre quelques difficultés politiques, mais son empreinte demeure forte dans le domaine de la communication présidentielle.
Spin doctors et storytelling : l’épanouissement et l’emprise d’un système à la fin d’un siècle
13Successeurs de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, John Major44 et George H. Bush n’ont pas, quant à eux, marqué l’histoire de la communication politique45, mais, dans les années 1990, ceux qui les ont battus, Bill Clinton en 1992 et Tony Blair en 199746, ont renouvelé ou tout au moins contribué à illustrer les mutations de la communication politique. Structurellement, si l’on peut dire, avec le concours de spin doctors47, dont James Carville aux États-Unis ou le célèbre Alastair Campbell en Grande-Bretagne48, ils ont adopté une position centrale, en bénéficiant des effets d’une triangulation qui consiste à incorporer au sien une partie du programme du camp opposé, notamment en termes de sécurité, et en jouant fréquemment sur l’image de modernité qu’ils incarnaient, avec certains aléas dans le cas de Bill Clinton49. Leurs qualités d’orateur et leur grande habileté ont aussi joué, mais les contours des cadres de la communication sont désormais bien visibles et l’on peut s’interroger sur les mutations entraînées par ces tendances.
Diversification et perspectives
14D’un point de vue historique, sans doute est-il un peu tôt pour proposer une synthèse centrée sur le début du xxie siècle. Pourtant, il existe des points de repère, associés à la fois à la mise en œuvre des méthodes, voire des stratégies et aux supports, relevant des divers médias50, sur lesquels elles s’appuient. Si les États-Unis retiennent avant tout l’attention depuis la fin de la première décennie du présent siècle, la Grande-Bretagne fournit un certain nombre d’exemples depuis que Tony Blair a quitté le pouvoir.
La part des réseaux
15Plus que le scrutin très indécis de 200051, qui a vu la victoire de George W. Bush face à Al Gore, à l’issue d’un vote très serré de la Cour suprême, c’est, aux États-Unis, l’élection présidentielle de 2004 qui retient l’attention, notamment sous l’angle des débuts de l’utilisation des réseaux sociaux52. C’est le scrutin à l’occasion duquel Karl Rove, déjà à l’origine du succès de George W. Bush au détriment de John Mc Cain lors des primaires de 200053, et devenu secrétaire général adjoint de la Maison-Blanche en 200154, a fait montre du cynisme et de l’efficacité qui ont fait sa réputation. C’est en effet grâce à la mobilisation des électeurs de la « moral majority » que la décision s’est faite dans les « swing states », dont l’Ohio55. Il est vrai aussi que le succès du président sortant s’inscrit dans le contexte de l’après 11 septembre. À ce sujet, un aspect relevant, durant la campagne de George W. Bush, de la communication politique est souvent cité. Il s’agit de l’« Ashley Story » : dans un spot télévisé, on voit le président George W. Bush serrer dans ses bras une adolescente dont la mère avait été tuée pendant l’attentat contre les Twin Towers56.
16À n’en pas douter, l’élection de Barack Obama en 2008 a été beaucoup plus commentée57. Cela tient notamment à la manière dont sa candidature a été préparée médiatiquement, en usant de tous les canaux disponibles : la publication d’un livre, très en amont, tranchant sur le caractère souvent peu original des ouvrages portant la signature des personnalités politiques et relevant, avec audace, de mémoires précoces58, le recours aux discours fondateurs59 et l’utilisation pendant la campagne des primaires des réseaux sociaux, pour la première fois à une telle échelle60, qui permet de mobiliser des partisans souvent jeunes, le recours aux discours, sur un mode plus traditionnel, mais avec un message qui brouille les codes habituels, tout en reprenant le thème de l’unité du Pays, ainsi que le fameux slogan « Yes We Can ». Si Barack Obama est comme ses prédécesseurs entouré de « communicants », comme David Axelrod et le jeune David Plouffe61, c’est lui qui apparaît comme le communicant en chef, pour reprendre le titre d’un des ouvrages qui lui a été consacré62. En partie en raison de la crise des subprimes qui a déferlé sur les États-Unis depuis 2007, il l’a emporté sur John McCain63, nettement plus âgé et moins habile à utiliser les réseaux sociaux. Bien que le candidat républicain ne manque pas de personnalité, la principale innovation médiatique de sa campagne, reposait sur la présence en tant que candidate à la vice-présidente de Sarah Palin64 – mais l’image politique de la gouverneure de l’Alaska s’était vite dégradée pendant la campagne et a joué par la suite un certain rôle, mais de manière inégale, dans le cadre du mouvement Tea Party. En 2012, Barack Obama, bien que très contesté par cette mouvance virulente, l’a emporté, à l’issue d’une campagne assez agressive65 et sans grande difficulté sur Mitt Romney, fils d’un ancien gouverneur républicain et déjà candidat à l’investiture en 2008.
La Grande-Bretagne en retrait au temps du post-blairisme ?
17Pendant dix ans, Tony Blair a été au centre de l’attention en Grande-Bretagne. Affaibli, malgré ses succès électoraux, par les effets de l’intervention britannique aux côtés des États-Unis en Irak, il a dû céder la place à Gordon Brown. Bien évidemment, a fortiori au temps des réseaux sociaux, les campagnes législatives en Grande-Bretagne n’ont pas le même retentissement que les élections présidentielles américaines. Le fait que la Grande-Bretagne demeure quelque peu en retrait en termes de communication politique tient aussi à la discrétion relative de Gordon Brown, et, dans un autre style, de son successeur conservateur David Cameron. Pourtant, quelques aspects relatifs à la communication politique peuvent être relevés. Tout d’abord, Alastair Campbell, un temps (en 2007) mis à l’écart – et inspirateur d’un personnage de conseiller très agressif dans le film d’Armando Iannucci, In The Loop66 (2009) – a repris du service, notamment pour soutenir Ed Milliband lors de la campagne des législatives de 201567. Mais l’échec travailliste a été retentissant, et le successeur d’Ed Milliband, Jeremy Corbyn, cultive davantage un style « Old Labour » qu’il n’est enclin à user des méthodes chères aux spin doctors – même si les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans sa conquête de la direction d’un parti qui est d’ailleurs loin de lui être entièrement favorable. Quant à David Cameron, le vainqueur de 201068 et surtout de 2015, il a eu recours à l’occasion de ce dernier scrutin aux services d’un communicant australien, Lynton Crosby, « partisan du message unique : la compétence économique ou le chaos69 ». Dans le camp conservateur, à l’approche du referendum sur l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, une voix se fait entendre : celle de l’ex-maire de Londres, Boris Johnson, expert en communication politique – et conseillé par le même Crosby –, qui use de multiples registres : à la fois journaliste, homme politique, figure affectant l’extravagance, historien de Londres et plus récemment de Churchill70, en lequel il voit une sorte de modèle. Nigel Farage, le leader de l’UKIP, a joué un rôle important dans cette campagne qui a conduit à la surprise générale à un vote en faveur du Brexit. C’est donc une forme de communication « anti-élites » qui l’a emporté, alors que Jeremy Corbyn ne formulait aucun enthousiasme à l’égard de l’Union européenne. Des tensions et des incertitudes sont actuellement présentes, alors que Teresa May a remplacé David Cameron à la tête du gouvernement conservateur.
Autour de la campagne présidentielle de 2016 : une césure dans l’histoire de la communication politique
18S’il existe, notamment à l’échelle de l’Europe, un certain nombre d’enjeux politiques relatifs à la Grande-Bretagne, l’actualité de la communication politique, au printemps 2016, était dominée par les primaires aux États-Unis, essentiellement chez les républicains, même si l’opposition entre Hillary Clinton et Bernie Sanders ne manquait pas d’intérêt chez les démocrates. Une figure hors norme est apparue sur la scène politique, en décalage sinon en rupture avec les codes de la communication politique. De très nombreux articles sont parus dans la presse, y compris en France, au sujet d’un homme qui est à bien des égards son propre communicant et n’est guère entouré d’experts71. On retiendra ici la mise en perspective historique proposée par le célèbre historien britannique Robert Paxton. Selon lui, le succès de Donald Trump, tel qu’il semblait déjà se dessiner à travers les primaires en février 2016, était l’aboutissement d’un processus privilégiant le « divertissement ». Du reste, depuis 1960, l’aisance et la confiance ont expliqué les succès de Kennedy et de Reagan. Il n’en demeure pas moins qu’il considérait, comme bien d’autres observateurs, que l’homme d’affaires « risqu[ait] […] d’avoir beaucoup plus de mal à se faire élire à la tête du pays que comme candidat du Parti républicain72 ». Cette perspective était en effet très vraisemblable. Toujours est-il que la percée de Donald Trump illustre le poids d’une forme de populisme (mais le mot n’a pas exactement le même sens aux États-Unis qu’en Europe) – et qu’il l’a finalement emporté le 8 novembre 2016 à l’issue d’un scrutin contrasté, nettement devancé en voix mais disposant d’une large majorité de grands électeurs, alors même qu’Hillary Clinton était épaulée par un appareil de communication en principe bien plus perfectionné, avec de très nombreux collaborateurs et volontaires, et censé s’appuyer sur le big data73. En outre, la candidature de Donald Trump, personnalisée à l’extrême, agressive et outrancière aux yeux de la plupart des observateurs, était combattue par de très nombreux médias. Sa victoire peut néanmoins être interprétée comme l’aboutissement d’une nouvelle utilisation politique des médias74.
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19Esquissée non sans réticences initiales, organisée, percutante, voire verbalement violente, la communication politique dans les pays anglo-saxons a-t-elle suivi un parcours linéaire et franchi un certain nombre de degrés en près d’un siècle ? Principalement sous l’impulsion des États-Unis75, elle s’est assurément diversifiée et adaptée à l’évolution, voire à la prolifération des médias. Des équipes progressivement étoffées, dans bien des cas, ont apporté leur contribution aux candidats les plus en vue, soit lorsqu’ils étaient déjà au pouvoir, soit lorsqu’ils étaient susceptibles de bénéficier d’un mouvement en leur faveur, que la communication était susceptible de confirmer ou d’amplifier. Longtemps déterminants, les rapports avec la presse sont désormais moins essentiels. Il faut surtout attirer l’attention des chaînes de télévision et utiliser avec efficacité les réseaux sociaux. Une logique de la séduction est donc à l’œuvre, sous des formes et avec des fortunes diverses. La communication ne repose pas uniquement sur des temps forts, marqués par la résolution en temps de guerre et la combativité rhétorique (qui n’exclut pas un optimisme volontariste) lorsque la paix s’est installée. Il faut aussi savoir entretenir l’empathie, ou, sur un autre registre, fasciner. Vers ces objectifs s’orientent non seulement les principaux candidats, mais les personnalités politiques, militants et/ou communicants qui les secondent. À leur sujet, une étude sociale et politique, ainsi qu’en termes de genre (le monde évoqué ne compte que bien peu de femmes en vue), qui dépasse de loin le cadre de la présente contribution, serait intéressante à mener dans la durée. Il reste qu’à quelques exceptions près, on a souvent oublié, a fortiori en France, les noms des communicants de jadis, voire de naguère. Force est de constater, pourtant, que depuis les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, ils sont fréquemment associés à ceux des vainqueurs, même si – ou parce que – leur réputation est parfois mise en cause ou tenue pour sulfureuse. Quelles que soient les méthodes, le but est en relation avec les différentes modalités de ce que l’on a longtemps appelé la propagande, dont on retient parfois encore les formules, mais surtout les images, dûment mises en scène et saturant parfois le temps des campagnes, quitte à lasser ceux à qui elles sont adressées ou à susciter de nouvelles surenchères.
Notes de bas de page
1Elle relève d’une évolution de longue durée, d’un point de vue culturel, politique et technique : voir par exemple Rey A., « Communication », Dictionnaire culturel en langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2005, t. I, p. 1704-1709. Plus spécifiquement, des ouvrages concernant la communication politique aux États-Unis remontent à la fin du xviiie siècle : voir par exemple Pfau M., Houston J.-B. et Semmeler S., Mediating the Vote in U. S. Presidential Campaigns, Lanham, Rowman & Littlefield, 2009 ; Stempel G., Media and Politics in America-A Reference Handbook, Santa Barbara, ABC-Clio, 2003 ; Tuman J., Political Communication in American Campaigns, Thousand Oaks, Sage, 2008.
2Sur cette périodisation, cf., au sujet de la France, Delporte Ch., La France dans les yeux : une histoire de la communication politique de 1930 à aujourd’hui, Paris, Flammarion, 2007.
3Les travaux d’histoire comparée sont rares : signalons néanmoins Dickason R., Haigron D. et Riviere de Franco K. (coord.), Stratégies et campagnes électorales en Grande-Bretagne et aux États-Unis, Paris, L’Harmattan, 2009.
4Voir Riutort Ph., Sociologie de la communication politique, Paris, La Découverte, 2007, p. 28-31 : « Une invention anglo-saxonne ».
5Voir Salmon Ch., Storytelling – La Machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte, 2007, notamment le chapitre v, « La “mise en histoires” de la politique », p. 111-140. Cette notion est présentée de manière critique par Neveu E., dans Les mots de la communication politique, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2012, p. 113-116.
6Au sujet de cette thématique, voir Garrigues J., Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française, Paris, Seuil, 2012.
7Pour notre sujet, même si les travaux en langue française peuvent comporter d’utiles indications, les ouvrages principaux sur la communication politique sont assez logiquement dus à des auteurs anglais et américains. Souvent assez peu accessibles, on en trouve une ample sélection à la Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, notamment dans les salles D du haut-de-jardin et N du rez-de-jardin. Ces ouvrages peuvent être très détaillés, par exemple au sujet des élections présidentielles américaines à compter de la fin des années 1970 : voir notamment ceux qu’a dirigés Robert E. Denton Jr.
8Voir Wring D., The Politics of Marketing of the Labour Party, Londres, Palgrave Macmillan, 2995, chap. i : « To Educate or Persuade ? » et chap. ii, « The Challenge of Symbolic Communication ».
9Voir l’étude de Cockett R., « The Party, Publicity and the Media », in Seldon A. et Ball S. (éd.), Conservative Century-The Conservative Party since 1900, Oxford, Oxford University Press, 1994, p. 549. L’auteur souligne le rôle de Sir Joseph Ball. Dans son étude de référence sur la démocratie britannique, Monica Charlot souligne que le parti conservateur, dans les années vingt, est « le plus adaptable » en termes de modernité : La démocratie à l’anglaise – Les campagnes électorales en Grande-Bretagne depuis 1931, Paris, Armand Colin/Presses de la FNSP, 1972, p. 342.
10Williamson Ph., Stanley Baldwin – Conservative Leadership and National Values, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.
11Expression utilisée notamment par Bedarida F., Churchill, Paris, Fayard, 1999, p. 205 (elle est transposée de l’anglais : « The wilderness years »).
12Voir par exemple Heffer J., La Grande dépression, Paris, Gallimard/Julliard, 1976, et la synthèse de Pereon Y.-M. et Trogrlic, E., Les années Roosevelt, Paris, Atlande, 2013, p. 48-53 : « La campagne de 1932 ».
13Publiées assez récemment en français : Roosevelt F. D., Causeries au coin du feu 1933-1944, Paris, Bartillat, 2013, préface et traduction de D. Griesmar. Ces causeries ont lieu « environ deux fois par an » (p. 11).
14Expression utilisée ultérieurement, on le verra, à propos de Ronald Reagan, qui, né en 1911 et initialement démocrate « conservait un souvenir enthousiaste des célèbres “causeries au coin du feu” » (voir Coste F., Reagan, Paris, Perrin, 2015, p. 275) et s’en inspira pour des interventions radiophoniques.
15Voir Kaspi A., Franklin Delano Roosevelt, Paris, rééd. Perrin, 2012, p. 263-266.
16Kaspi A. et Harter H., Les présidents américains de Washington à Obama, Paris, Tallandier, éd. 2013, p. 201. Parmi les travaux américains : Levin L., The Making of FDR : the story of Stephen T. Early, America’s First Modern Press Secretary, Amherst, Prometheus Books, 2008 ; sur Stephen Early, quelques notations dans Les Années Roosevelt, op. cit., p. 147. Plus généralement, Smith C., Presidential Press Conferences – A Critical Approach, New York, Prager, 1990.
17Voir Pereon Y.-M., « Le Président, le malheur et la guerre – La spécificité du moment Roosevelt », Pouvoirs, no 150, septembre 2014, p. 22. L’auteur signale notamment le livre de Winfield B. H., FDR and the News Media, New York, Columbia University Press, 1994.
18Voir Riutort Ph. Sociologie de la communication politique, op. cit., p. 30 (l’auteur se réfère au livre de Nimmo D., The Political Persuaders, Prentice Hall, Englewood Cliffs, 1970).
19Voir Olson L., Troublesome Young Men – The Rebels who Brought Churchill to Power in 1940 and Helped to Save Britain, Londres, Bloomsbury, 2007.
20Voir Bedarida F., op. cit., p. 264.
21Voir ibid., p. 304-306. L’auteur parle de l’« art incomparable de la communication » de Churchill.
22Moe R., Roosevelt’s Second Act-The Election of 1940 and the Politics of War, Oxford, Oxford University Press, 2013.
23Voir par exemple le chapitre de Sanderson Cl., « Économie de guerre et mobilisation des esprits en Grande-Bretagne », in Aglan A. et Frank R. (dir.), 1937-1947 La guerre-monde II, Paris, Gallimard, 2015, p. 1441-1442.
24La démocratie à l’anglaise, op. cit., p. 347, note 29.
25Causeries…, op. cit., p. 187-407 du 3 septembre 1939 au 12 juin 1944.
26Voir le chapitre de Ndiaye P., « La société américaine et la “bonne guerre” », notamment les p. 1483-1493, « Maintenir le moral et unir la population : la propagande gouvernementale », in Aglan A. et Frank R., op. cit.
27Kaspi A. et Harter H., op. cit., p. 140.
28Lord Woolton, à leur tête, recrute E. D. O’Bian. Quand il prend ses fonctions, le service de publicité du parti n’employait que « deux demoiselles » : voir Charlot M., La démocratie à l’anglaise, op. cit., p. 347.
29Voir l’étude citée de Cockett R., p. 567-568, qui parle d’« Age of Professional Advertising ». Dominic Wing, pour sa part, évoque le slogan travailliste de cette même année, « Britain Belongs to You », et précise que Tony Benn a joué un rôle important dans la campagne au sein du Labour’s Broadcasting Advisory Committee : The Politics of Marketing…, op. cit., p. 50-51 ; les travaillistes prennent ensuite leur revanche, notamment avec Harold Wilson et le slogan de 1964, « Let’s Go with Labour » (p. 67 et suiv.).
30Kaspi A., John F. Kennedy – Une famille, un président, un mythe, Bruxelles, Complexe, 2007, p. 79 et suiv. (peu d’éléments sur les communicants).
31Voir par exemple son livre, With Kennedy, New York, Avon Books, 1966. Son principe de base était « to make the campaign as easy for the press to cover as possible » (p. 54).
32Voir la troisième partie du livre d’André Kaspi et Hélène Harter.
33Voir d’autres contributions du présent volume.
34Jacques Portes juge d’ailleurs ces publicités « de bas niveau », tout en notant : « Sous cette apparence de lutte mesquine, se cache un réel affrontement idéologique entre le libéralisme démocrate et un conservatisme pur et dur, qui retrouve des couleurs après une période d’atonie » (Lyndon Johnson – Le paradoxe américain, Paris, Payot, 2007, p. 174).
35Signalons que cette expression fut mise en avant durant la campagne par Roger Ailes : voir Meyer A., Les républicains au Congrès-La résistible ascension des conservateurs américains, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 161.
36Huret R., De l’Amérique ordinaire à l’État secret – Le cas Nixon, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 110. La biographie de Richard Nixon due à Coppolani A., présente différemment McGinnis, en en faisant davantage un journaliste à l’esprit critique, à travers l’évocation de son best-seller, The Selling of A President : Nixon avait accepté qu’il le suive, et il retient de cette expérience l’utilisation de méthodes publicitaires, concourant à la mise en relief d’une « image aseptisée ». Antoine Coppolani relève que d’autres facteurs intervinrent, dont l’état troublé du pays et le « spectacle catastrophique » de la convention démocrate de Chicago (Richard Nixon, Paris, Fayard, 2013, p. 359).
37De Charlot M., voir The Wilson Years, Paris, Didier Érudition/CNED, 1998, p. 26, et surtout l’étude « Let’s Go with Labour », in Capet A. et Pichardie J.-P. (dir.), Les années Wilson (1964-1970), Publications de l’université de Rouen, no 257, 1999, p. 103-116 ; voir aussi Lemonnier B., The Wilson Years – Évolution politique, économique, sociale et culturelle de la Grande-Bretagne de 1964 à 1970, Paris, Messene, 1998, p. 16-18 (comparaison avec Macmillan et Heath).
38C’est lui qui a créé le White House Office of Communications : voir Salmon Ch., op. cit., p. 132 (qui situe d’ailleurs « l’avènement des spin doctors » sous Nixon, p. 131-134) et l’un des ouvrages qu’il recommande : Maltese J. A., Spin Control – The White House Office of Communications and the Management of Presidential News, University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1994.
39Voir l’étude citée de Cockett R., p. 572-575.
40Voir l’article de Dickason R., « Margaret Thatcher en campagne et les médias britanniques », Le temps des médias, hiver 2006-2007, no 7, p. 126-142.
41Voir l’article assez caustique de Neveu E., op. cit., p. 54-55.
42Denton Jr. R. E., The Primetime Presidency of Ronald Reagan : The Era of the Television Presidency, Londres, Praeger, 1988.
43Coste F., Reagan, Paris, Perrin, 2015, p. 276 et voir le chapitre xi : « L’image et la réalité » ; cf. Neveu E., op. cit., p. 11, article « Alibi-photo ».
44Néanmoins victorieux sur son nom lors du scrutin de 1992.
45Même si le second, plutôt modéré, a mené en 1988 une campagne agressive contre le candidat démocrate Michael Dukakis et a été influencé en cela par son conseiller de campagne Lee Atwater, qui avait travaillé pour l’homme politique ségrégationniste Strom Thurmond : voir Meyer A., Les Républicains au Congrès – La résistible ascension des conservateurs américains, op. cit., p. 49. Dans un ouvrage consacré avant tout à la France, Aurore Gorius et Michaël Moreau écrivent pour leur part que Roger Ailes, « conseil de Richard Nixon, puis le gourou en communication de Ronald Reagan » a été l’« artisan de la victoire de Bush père en 1988 », année où il publie « la bible de la communication politique, You Are the Message » ; devenu très influent, il entraîne Jacques Chirac et fonde Fox News en 1996 : voir Les gourous de la com’ – Trente ans de manipulations politiques et économiques, Paris, La Découverte, éd. de 2012, p. 23.
46Pour une approche comparée, voir Ayeni O. C., A Comparative Study of the Political Communication Styles of Bill Clinton and Tony Blair, Lampeter, The Edwin Mellon Press, 2005, ainsi que, sous un autre angle, l’étude approfondie de Avril E., « Lessons from America ou la “clintonisation” du Parti travailliste britannique », in Dickason R. et alii, op. cit., p. 35-63. Au sujet des mutations du parti travailliste, voir aussi Wing D., op. cit., chapitre v : « Designer Labour » au sujet des années 1980 et la troisième partie, « The Marketing Age » (il y est question de « clintonisation » du parti p. 127 et suiv.), ainsi que Fairclough N., New Labour, New Language ?, Londres/New York, Routledge, 2000. Sur la victoire suivante de Tony Blair, en 2001, voir, dans la série « Political Communication », Bartle J., Mortimore R. et Atkinson S. (éd.), The General Election Campaign of 2001, Londres/Portland, Frank Cass, 2002.
47Traduction usuelle : « spécialiste en communication chargé de l’image d’un parti politique » (Le Grand Robert et Collins – Dictionnaire anglais-français, troisième édition, Le Robert, 2008, p. 922). On trouvera des considérations moins formelles dans l’article de Neveu E., « Spin-Doctors », op. cit., p. 111-112 (qui relève le caractère souvent complaisant de commentaires inspirés par les intéressés) et à travers une page de Riutort Ph., op. cit., p. 64 (« Splendeur et décadence des spin doctors », qui s’appuie dur le livre de Pitcher G., The Death of Spin, Londres, John Wiley and Sons, 2003). Voir aussi Gerstle J. et Piar Ch., La communication politique, 3e éd., Paris, Colin, 2016, p. 98-101 (« Une technologie de gestion de l’information » : le spin control).
48Voir par exemple Campbell A., The Alastair Campbell Diaries, vol. 1 : Prelude to Power 1994-1997, London, Arrow Books, 2010 et The Blair Years – Extracts from the Alastair Campbell Diaries, New York, Alfred A. Knopf, 2007.
49Voir Blaney J. R. et Benoit W. L., The Clinton Scandals and the Politics of Image Restoration, Westport, Praeger, 2001, et Denton Jr. R. E. et Holloway R. L. (éd.), Images, Scandal and Communication Strategies of the Clinton Presidency, même éditeur, 2003.
50Voir, au sujet des États-Unis, la présentation synthétique de Côte C., in Fortmann M. et Martin P. (dir.), Le système politique américain, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 5e éd. revue et augmentée, 2013, p. 344-348.
51On trouve plusieurs études sur cette campagne dans Serfaty V. (dir.), L’Internet en politique des États-Unis à l’Europe, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2002.
52On peut aussi évoquer le film « Truth. Le prix de la vérité », de James Vanderbilt qui présente les conditions de la démission de Dan Rather après que des attaques selon lesquelles George W. Bush jeune se serait vu protégé pour ne pas partir combattre au Vietnam ont été taxées de partialité par les républicains : voir par exemple l’article de Schaller N., « Scoop toujours », L’Obs, 31 mars 2016, p. 94.
53Moore J. et Slater W., Bush’s Brain. How Karl Rove made George W. Bush presidential, Hoboken, John Wiley and Sons, 2003. L’introduction, « Mr Co-President » évoque un « son of a Rocky Mountain geologist, peripatetic collegian [who] saw in Bush the raw materials to create a winning candidate » (p. 7).
54Il le resta jusqu’en 2006.
55Voir Cannon C. M., Boy Genius : Karl Rove, The Architect of George W. Bush’s Remarkable Political Triumphs, New York, Public Affairs, Press, 2005. Dans la presse française, au moment de l’élection, voir l’article d’Emmanuel Saint-Martin, « Karl Rove le faiseur de roi », Le Point, 4 novembre 2004, p. 50-51, qui évoque l’ouvrage cité à la note précédente.
56Voir Neveu E., op. cit., p. 113-114.
57En français, voir par exemple le chapitre iv : « Une résistible ascension » du livre de Portes, J., Obama à l’épreuve du pouvoir, Paris, Payot, 2012. Plus spécifique, Denton Jr. R. E. (éd.), The Presidential Campaign – A Communication Perspective, Lanham, Rowman & Littlefield, 2009.
58The Dreams of My Father, parus en 1995. Barack Obama est alors âgé de 34 ans.
59Tel celui prononcé lors de la convention démocrate de 2004.
60Voir par exemple Vergniolle de Chantal F., « La voix des outsiders ? Internet dans les partis politiques américains », in Greffet F. (dir.), Continuerlalutte.com – Les partis politiques sur le Web, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 127-137, ici p. 130.
61À leur sujet, voir par exemple Kravetz M., Obama Président – Petite encyclopédie, Paris, Dalloz, 2009, p. 20-23 et 381-385, ainsi que l’article « Technologies (nouvelles) », p. 487-489.
62Hendricks J. A. et Denton Jr. R. E. (dir.), Communicator-in-chief : how Barack Obama used new Media to win the White House, Lanham, Lexington Books, 2010.
63Dont le conseiller et rédacteur des discours se nomme Mark Salter : voir Kravetz M., op. cit., p. 312-313.
64Son irruption a suscité parfois une certaine fascination : voir Salmon Ch., « Sœur Sarah et maîtresse Palin », Le Monde, 20 septembre 2008, p. 33 (rubrique « Storytelling »). À son sujet, voir le livre de McGinnis J. – celui même qui s’était fait connaître par son livre sur la campagne de Richard Nixon en 1968 –, The Rogue : Searching for the Real Sarah Palin, New York, Crown, 2011.
65Millot L., « Mitt Romney et Barack Obama, entre coups bas et spots cracra », Libération, 1er août 2012, p. 8. L’ouvrage de référence sur la campagne est celui de Denton Jr. R. E. (éd.), The 2012 Presidential Campaign – A Communication Perspective, Lanham, Rowman & Littlefield, 2014.
66Ce film se situe dans le prolongement de la série The Thick of it, qui met en évidence le même personnage de spin doctor, Malcolm Tucker.
67Voir l’article de Van Renterghem M., « Le stratège de Londres », Le Monde, 29 avril 2015, p. 14. David Axelrod l’a également conseillé : voir l’interview conduite par Goldfarb M., « The Axelrod Exit Interview », 5 juin 2015, site Politico, consulté le 7 avril 2016.
68Voir Wring D., Mortimore R. et Atkinson S., Political Communication in Britain – The Leader Debates, the Campaign and the Medias in the 2010 General Election, Londres, Palgrave Macmillan, 2011.
69Bernard Ph., « Législatives britanniques : Cameron à quitte ou double », Le Monde, 6 mai 2015 (consulté sur Le Monde. fr, le 31 mars 2016). Il est aussi question de Lynton Crosby dans un article de Halifa-Legrand S., sur la campagne des élections municipales de 2016, car il conseille le candidat conservateur Zac Goldsmith, qui brigue la succession de Boris Johnson : « C’est sur les conseils d’un certain Crosby, le sulfureux gourou de Boris Johnson et David Cameron, spécialiste des “campagnes négatives” focalisées sur l’ennemi à abattre [en l’occurrence, le candidat travailliste Sadiq Khan], que le doux Zac s’est transformé en un flingueur sans foi ni loi »(« À nous deux, Londres ! », L’Obs, 21 avril 2016, p. 45). Sa campagne a d’ailleurs fait long feu et Sadiq Khan a été élu le 5 mai. Son succès, observe Le Monde du 8-9 mai 2016, représente l’échec de la « stratégie « raciale » de Lynton Crosby (p. 2, entrefilet non signé, probablement de Bernard Ph., le correspondant du journal).
70Le titre français du dernier ouvrage est Winston – Comment un seul homme a fait l’histoire, Paris, Stock, 2015.
71Voir par exemple Autran F., « Trumpland », Libération, 9-10 avril 2016, p. 3-4 (surtout p. 40). Néanmoins, Donald Trump a engagé un lobbyiste expérimenté, Paul Manafort (Mandeville L., « Donald Trump professionnalise sa campagne », Le Figaro, 11 avril 2016, p. 6) et il utilise la plateforme NationBuilder : voir Guitton A., « NationBuilder – Aide-toi, le logiciel t’élira », Libération, 20 avril 2016, p. 2-3 (il est aussi question d’autres candidats, américains et français). Mais Paul Manafort a été remercié lors de la dernière phase de la campagne, l’équipe de communication comptant désormais dans ses rangs Kellyanne Conway, spécialiste des sondages et Stephen Bannon, ancien directeur d’un site très à droite et très controversé, « Breitbart News » : voir par exemple un article de Paris G., « Autour du milliardaire, un attelage en marge du Parti républicain et peu organisé », Le Monde, 10 novembre 2016, p. 9, et, dans le même journal, après la nomination de Stephen Bannon comme « conseiller stratégique » à la Maison-Blanche, l’article de Paris G., et l’éditorial du 17 novembre 2016, « Stephen Bannon, l’âme damnée de Trump », p. 6 et « Steve Bannon, l’idéologue incendiaire », p. 24. D’autre part, dès le début de 2015, Donald Trump avait recruté une jeune femme, Hope Hicks, mannequin travaillant dans une agence de relations publiques, remarquée par sa fille Ivanka, pour s’occuper de ses relations avec la presse : voir Gelie Ph., « Hope Hicks, le doux visage du trumpisme », Le Figaro Magazine, 2 décembre 2016, p. 28.
72Paxton R., « Donald et Miss America », Le Point, 25 février 2016, p. 44-45 (traduction de A. Collas). Voir aussi Belin C., « Jusqu’où ira Donald Trump », L’Express, 11 mai 2016, p. 64-67 (qui se réfère notamment à la notion de « pop culture politics », empruntée à Denis Lacorne).
73Sur ce point, Laurent S., « L’élection de Trump et l’échec du big data électoral », Le Monde, 16 novembre 2016, p. 8 du supplément « Éco et entreprise ».
74Voir par exemple la tribune de Dreyfus A., « Un héros de télé-réalité », Libération, 16 novembre 2916, p. 22 et l’article plus général de Duhamel A., « La victoire des “passions tristes” », même journal, 17 novembre 2016, p. 26 (« Le tribun autoproclamé du peuple a su mobiliser, grâce à son charisme baroque, son talent délétère et son culot unique, toutes les passions tristes à son service »).
75Du moins en termes de personnalisation car les rapports entre partis et communication sont différents dans les deux pays étudiés.
Auteur
-
Jean El Gammal
Professeur en histoire contemporaine, université de Lorraine, CRULH

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