Les nationalistes français et le rugby (années 1920-1970)
p. 201-216
Texte intégral
1Bernard Bruneteau est bien connu pour ses articles et ouvrages multiples sur les totalitarismes et la construction européenne. Il est aussi l’auteur d’un livre de référence sur l’histoire politique et sociale du monde rural, Les paysans dans l’État1. C’est à ce titre qu’il siégea dans mon jury de thèse en 2007. Bernard est encore, ce qui jusqu’ici n’était pas forcément une information accessible à la communauté universitaire, un ancien rugbyman et un amateur toujours passionné de ce sport. C’est donc en guise de clin d’œil à cette passion partagée que je livre dans ses mélanges une contribution mettant en relation une force politique qu’il a pu appréhender en s’intéressant aux totalitarismes et aux adversaires de l’intégration européenne, en l’occurrence les nationalistes, et le rugby. S’il est assez aisé de discerner ce qu’est le rugby (quoiqu’il faille rappeler qu’il peut se jouer à sept, treize ou quinze, j’y reviendrai), il convient de définir ce que le terme « nationalistes » recouvre ici, à savoir une famille politique composite, souvent déchirée de rivalités voire de véritables différences, mais qu’unissent quelques attitudes et principes que résument Serge Berstein – qui voit en eux « champions d’un régime fort, subordonnant l’individu à l’État, admirateurs inconditionnels de l’armée qui constitue pour eux l’“arche sainte”2 » – et Bertrand Joly, qui définit le nationalisme comme « un mouvement défensif » face « à une crise prouvant les méfaits de l’évolution politique, économique, sociale et culturelle, et face à l’incapacité des forces traditionnelles, impuissantes ou complices, à empêcher cette évolution ou à en corriger les effets3 ». Cette mouvance hétérogène englobe selon les périodes les boulangistes, les antisémites, les ligueurs de l’Action française, des Jeunesses Patriotes, des Croix-de-Feu, les adhérents du PPF (Parti Populaire français)… qui représentent ce « nationalisme des nationalistes » comme le qualifie Raoul Girardet4 ou ce « nationalisme fermé » selon l’expression de Michel Winock5. Malgré sa diversité, ce spectre est moins large que ce que certains politistes entendent par nationalistes, terme qui s’apparente davantage dans leurs travaux aux tenants d’un patriotisme se faisant chauvin ou impérialiste (tel Xavier Crettiez par exemple6). En revanche, le terme « nationalistes » excède ici les seuls membres d’un parti ou d’une ligue pour intégrer aussi des intellectuels marqués par cette sensibilité7. Le monde sportif constitue pour les nationalistes français un milieu réceptif, dès l’aube du xxe siècle, et le demeure durant plusieurs décennies, y compris en servant de refuge pour des personnalités politiques compromises durant l’Occupation8. Il en va un peu différemment pour le rugby, même si sa variante quinziste – la plus connue – tire largement profit, en termes d’infrastructures et de licenciés, de l’ostracisme pratiqué par l’État français à l’encontre du rugby à XIII, en plein essor dans les années 1930 mais dont l’interdiction par le régime autoritaire ruine l’essor9. Certes, des militants nationalistes peuvent s’y mouvoir avec aisance, comme le signale Anne-Sophie Mercier à propos de Louis Aliot : « Son gabarit lui permet de faire partie du club des députés rugbymans, où tout le monde lui serre la main10. » Toutefois, le principal terrain d’observation des rapports entre les nationalistes français et le rugby est plus intellectuel. Il réside en effet dans l’attraction qu’exerce ce sport sur plusieurs plumes reconnues de cette famille politique. Une fresque murale visible au lycée Lakanal depuis 1899 en offre une image trompeuse car trop précoce. Elle représente un match de rugby qu’observent notamment Maurice Barrès et Paul Déroulède, deux des pères fondateurs du nationalisme. C’est néanmoins dans l’entre-deux-guerres seulement que les intellectuels nationalistes le célèbrent fortement, principalement Lucien Dubech, dont le relais est pris après la Seconde Guerre mondiale par les hussards et notamment Jacques Perret, figures autour desquelles s’articule ce texte d’hommage, qui restitue autant que possible leurs écrits sur le rugby et s’interroge in fine sur leur degré d’adéquation aux « valeurs du rugby », si souvent célébrées par sportifs et médias.
Des intellectuels nationalistes férus de rugby
2Tout au long du xxe siècle, des figures intellectuelles du nationalisme manifestent leur intérêt pour le rugby, allant jusqu’à en faire leur sport favori.
Lucien Dubech, médiateur du sport en milieu nationaliste
3Durant l’entre-deux-guerres, malgré les déceptions qu’elle retire des traités de paix puis sa mise au ban (temporaire) du catholicisme sous le coup d’une condamnation pontificale, l’Action française demeure l’une des principales ligues nationalistes et son journal quotidien depuis 1908, une tribune largement citée. Dans ses colonnes, le sport trouve une place non négligeable. Il le doit en grande partie à la plume de Lucien Dubech. Né en 1881, percepteur en disponibilité, celui-ci est supposé être « d’une constitution faible » selon un rapport de police. « Royaliste militant », il préside en août 1917 la section d’Action française du 10e arrondissement de Paris et participe au lendemain de la guerre à la reconstitution de la section d’Action française du 9e arrondissement. Le policier qui rédige un rapport sur lui en 1923 note également que « possédant un certain talent oratoire, Dubech est apprécié dans les milieux royalistes où il prend assez fréquemment la parole, depuis la cessation des hostilités11 ». Critique théâtral (il assure la rubrique théâtrale à L’Action française et à la Revue universelle), biographe de Racine12, auteur d’une brochure sur le royalisme13, il s’intéresse aussi au sport. Il rédige tout à la fois des chroniques sportives pour L’Action française et un essai intitulé Où va le sport ?14. Lucien Dubech est d’ailleurs largement identifié comme un spécialiste en la matière, ainsi qu’en témoignent plusieurs contemporains qui associent son intérêt pour le sport et son engagement politique, qu’il s’agisse du militant nationaliste Henry Charbonneau (qui passe de l’Action française à la Cagoule puis, neveu par alliance de Joseph Darnand, dirige l’organe de presse de la Milice et porte l’uniforme allemand)15 ou du responsable d’un périodique culturel, qui le présente comme un « écrivain lettré d’“extrême-droite” et journaliste sportif, dont l’étude si complète et si franche lie intimement le nationalisme et le sport16 ». Parmi la palette des sports que Lucien Dubech est conduit à couvrir, il en est un qu’il affectionne particulièrement, le « sport-roi » comme le qualifie Maurice Blein17. Comme le note une figure du nationalisme, Pierre Gaxotte :
« Le théâtre n’occupait pas la première place dans son cœur. C’était le rugby. Pendant des années, il fit pour L’Auto (devenue L’Équipe) le compte rendu des grands matchs disputés en Europe. Il volait d’une ville à l’autre à une époque où l’aviation commerciale s’organisait. Tous les amateurs de ballon ovale reconnaissaient sa compétence18. »
4Lucien Dubech lui-même assume cette préférence, en écrivant du rugby :
« C’est le plus beau et le plus complet des sports parce que c’est à la fois le plus violent et le plus intellectuel, aussi subtil qu’un jeu d’échecs où la décision doit être instantanée comme la foudre ; image de la guerre, image de la société ; M. Giraudoux a fait remarquer que l’équipe proposait à l’humanité un dosage modèle des ressources : huit avants pour peiner et préparer, deux demis pour ruser et unir, quatre trois-quarts pour réaliser, un arrière pour sauvegarder ; et, dernier trait oublié par M. Giraudoux, un chef pour commander, de qui l’intérêt se fond avec celui de l’équipe comme l’intérêt du roi avec celui de la Patrie19. »
5La préférence affichée par Lucien Dubech se colore donc de politique, l’auteur associant explicitement son royalisme, son patriotisme et son amour du rugby. Il en va un peu différemment pour ses homologues de l’après-guerre qui, selon Jacques Lecarme, « semblent s’être convertis à la démocratie en même temps qu’ils se convertissaient au rugby, c’est-à-dire au peuple rassemblé dans les ovales concentriques du stade et du ballon20 ».
Le rugby, sport fétiche des hussards
6Durant l’après-guerre, un groupe de jeunes écrivains de droite est désigné sous le vocable « hussards » qu’eux-mêmes ne revendiquent guère. Ils se retrouvent sous l’égide de la Table ronde, tout à la fois revue et maison d’édition. La gauche intellectuelle du temps en fait des adversaires ; Bernard Frank les qualifie ainsi : « groupe de jeunes écrivains que, par commodité, je nommerai fascistes ». Plusieurs d’entre eux sont passionnés de rugby. C’est le cas d’Antoine Blondin, par ailleurs chroniqueur fameux pour ses articles de L’Équipe, notamment sur le Tour de France21, mais aussi de Roger Nimier, Kléber Haedens22, Jacques Perret ou encore de Paul Morand, qui appartient à leur cercle et pour qui « l’œuf de Pâques, c’est le ballon de rugby de Dieu23 ». Nouveau Candide publie après la mort de Nimier une photographie avec Haedens, Blondin et Nimier en première ligne24. Le dernier nommé, Roger Nimier, écrit sur le rugby dans des périodiques un peu inattendus, Arts et la Nouvelle NRF. Dans le premier magazine, il publie en avril 1959 un article intitulé « France-Irlande : le pack d’Homère contre celui de James Joyce » mais aussi, en mars 1960, un texte où il traite tout à la fois de l’échec de Paul Morand à l’Académie française et de la rivalité rugbystique France Angleterre. Dans la Nouvelle NRF, Roger Nimier livre carrément, en juin 1961, une « Chronique de rugby » sur la saison sportive, thème peu habituel dans cette revue littéraire… Quant à Kléber Haedens, Jacques Lecarme estime qu’il « donne à ce sport le grand roman d’apprentissage qu’aucun autre écrivain n’a écrit ni même conçu25 ». Ce livre, c’est Adios, publié en 1974. En réalité, le rugby n’en constitue pas l’essentiel mais il est vrai que Kléber Haedens sait en faire ressortir la magie comme peu d’auteurs, à travers le premier contact entre le narrateur et la balle ovale, comme le lecteur pourra s’en apercevoir dans les pages suivantes. Jacques Perret enfin consacre de nombreux textes au sport, réunis dans une anthologie publiée en 199126. Né en 1901, son frère aîné est mort pendant la Première Guerre mondiale et lui-même a fait la guerre du Rif. Jacques Perret s’engage dans les corps francs au début de la Seconde Guerre mondiale et passe deux ans comme prisonnier en Allemagne avant de réussir à s’évader. Il tire de cette expérience Le caporal épinglé. Résistant, il en fait la matière de Bande à part, prix Interallié 195127. Militant de l’Algérie française, il attaque violemment Charles de Gaulle tandis que son fils est emprisonné pour avoir participé à un attentat de l’OAS. Jacques Perret se voit quant à lui tout à la fois privé de ses droits civiques et de la médaille militaire. Catholique traditionaliste, il écrit de multiples chroniques dans la presse nationaliste d’après-guerre28. Comme Lucien Dubech, il y mêle parfois des considérations politiques, estimant par exemple qu’« opposer nos succès en rugby à nos déboires en politique n’est pas si enfantin » :
« Il serait même utile de montrer comment la France tout entière pourrait, sans miracle, retrouver vigueur et lustre en demandant au rugby les secrets de sa réussite. Cela nous conduirait probablement à renoncer à la IVe République et à mettre au rebut un grand nombre d’institutions, vœu banal s’il en fut29. »
7Cet extrait peut illustrer la thèse de Jacques Lecarme pour qui l’attrait partagé des intellectuels nationalistes pour le sport s’explique par des raisons idéologiques : « La droite, dont procède incontestablement le groupe présumé “Hussard” a toujours professé un antiintellectualisme agressif : elle entend redonner sa place au corps, à l’énergie, à la compétition athlétique30. » En réalité, l’amour du rugby, s’il puise à cette source, semble plus complexe, associant dimension agonistique et exaltation de l’esthétique.
Le rugby des nations entre hiérarchies et affrontements
8La dimension internationale du rugby est fondamentale, au sens étymologique même, ses origines étant britanniques, au moins en ce qui concerne sa version contemporaine, forgée au xixe siècle dans les collèges anglais. Son nom en témoigne, vocable que le nationaliste Lucien Dubech s’efforce de gommer, en essayant « de substituer au nom de rugby, celui de ballon ovale », « louable souci de gallicisme » reconnaît Jacques Perret, qui ajoute toutefois : « Pour ma part, toujours prêt à vitupérer les capitulations du parler français, je fais exception pour rugby31. » L’affrontement avec l’adversaire anglais constitue un passage obligé des récits rugbystiques mais la rivalité entre nations est au moins autant l’occasion de célébrer le génie présumé des peuples que d’attiser les braises de la discorde entre eux. Lucien Dubech évoque d’ailleurs avec humour le retour du rugby dans les compétitions internationales après la Première Guerre mondiale :
« Au printemps de 1919, dans la joie de la paix retrouvée, on avait organisé à Paris des jeux entre les nations alliées. Par une heureuse ironie, la partie finale du jeu de ballon ovale eut lieu le jour même où fut signé le traité de Versailles. Ce fut un si joyeux massacre qu’un témoin, M. Allan Muhr, put le définir avec humour : “C’est ce qu’on peut faire de mieux sans couteaux et sans revolvers”32. »
Hiérarchies sociales, nationales et raciales
9Lucien Dubech propose une fresque historique mais aussi sociale du rugby, où il exprime sans fard des conceptions très inégalitaires. L’essayiste nationaliste évoque d’abord la naissance mythique du sport en 1823, au collège de Rugby, puis note qu’il devint « le jeu préféré de la jeunesse universitaire anglaise, et il resta très longtemps réservé à cette élite ». Lucien Dubech semble d’ailleurs persuadé que le rugby n’est pas compatible avec les classes populaires. Cette conviction le pousse à expliquer à sa façon la naissance du football comme du football américain et le déclin du rugby gallois. Dans le premier cas, il estime que le rugby étant « trop compliqué et trop intellectuel pour être goûté de la foule, celle-ci inventa à son usage une autre forme de jeu plus facile, à la fois moins violent et moins subtil, le ballon rond33 ». Lucien Dubech englobe dans son mépris les Américains pour qui « le ballon ovale était beaucoup trop raffiné » ; selon lui, ils « n’en virent et n’en acceptèrent que le côté violent », qui a donné naissance, explique-t-il, au football américain. Lucien Dubech place ensuite la fin de la suprématie galloise des années 1900 sur le compte d’un changement dans le recrutement de leurs joueurs :
« Ils enrôlèrent les mineurs du “Pays noir”, les policiers des grandes villes, et ils composèrent de la sorte des lignes d’avants qui durent quelque temps l’avantage à leur brutalité. Mais, peu à peu, les Gallois désapprirent les finesses du jeu et tombèrent au dernier rang des nations britanniques, tandis qu’en même temps il se fondait dans la Principauté une Ligue professionnelle. Celle-ci n’a jamais pu prendre la place que tient dans le sport du ballon rond l’institution équivalente : le ballon ovale exige trop d’intelligence pour pouvoir être exécuté supérieurement par des professionnels recrutés trop bas34. »
10En France, ce sont aussi « les étudiants des grandes villes » qui « furent les premiers à le pratiquer ». Après avoir joué durant les premières années « un rôle d’arrière-plan » dans le Tournoi des Cinq Nations, où la France est admise « dans le débat à titre de cinquième partenaire » en 1908, elle progresse et Lucien Dubech estime que c’est précisément grâce à tout que ce jeu « réclame de fougue et de vivacité d’intelligence ». Il note, toutefois, poncif dans les comparaisons entre pays, que « le point qui n’alla pas tout seul fut la discipline et l’effort impersonnel qu’il exige35 ». Ils sont notamment malmenés par les Méridionaux qui dominent le rugby français. Le journaliste d’Action française estime, se référant implicitement au catharisme, que « le championnat est la forme contemporaine de l’hérésie ». Pour lui, « le ballon ovale a remplacé la lutte anticléricale qui remplaçait elle-même la croisade des Albigeois » : « Ce qui descend de Paris, équipes ou principes, est regardé de travers comme au temps de Louis-le-Lion et de Montfort36. » Lucien Dubech considère ensuite que les populations du Sud-Ouest sont « déliées du souci de la résistance immédiate à l’étranger », qui se trouve maintenant au Nord-Est du pays, ce qui les rend « trop heureuses, sur une terre trop riche et trop paisible » et autorise leur « goût de la lutte intestine » :
« C’est pourquoi le clan méridional a adopté en politique la démocratie et en sport le jeu du ballon ovale. Maintenant que les passions politiques et religieuses sont émoussées, on a trouvé le championnat.
De Narbonne à la Pointe-de-Grave, de Perpignan à Bayonne, le ballon ovale est devenu sport radical-socialiste. La Dépêche de Toulouse lui consacre la place qu’elle réservait jadis à l’anticléricalisme. On ne saurait énumérer le lot innombrable des profiteurs, on nommera le personnage symbolique de M. Payra, qui doit à l’ardeur sportive un siège de député dans les Pyrénées-Orientales37. »
11L’assimilation du rugby méridional et des gauches est encore renforcée, en 1936, par la victoire en finale du championnat de France de Narbonne, terre d’élection de Léon Blum – alors chef du gouvernement –, contre l’ASM (Association sportive montferrandaise), club patronné par la famille Michelin, catholique et conservatrice. L’Action française commente alors : « Encore une victoire du Front populaire. » Pour expliquer la défaite montferrandaise, le journaliste émet quelques jugements peu amènes sur les joueurs auvergnats, « une race qui n’était pas douée d’aptitudes particulières pour le ballon ovale, qui n’avait ni l’adresse de mains des Basques, ni le réflexe des Catalans », composée d’hommes « tenaces, robustes, en général plus appliqués que rapides ». Au-delà de ces stéréotypes régionaux, affleure la condescendance sociale déjà pointée dans l’essai de Lucien Dubech en 1930 puisque l’article (non signé) souligne que l’entraîneur se plaignait « que Montferrand ne fût pas une ville universitaire, et qu’il lui manquât ces attaquants qui apportent dans le jeu les dons intellectuels38 ». En réalité, si l’ASM compte en effet un seul étudiant dans ses rangs lors de la finale de 1936, l’équipe est très hétérogène socialement, avec un tiers de joueurs exerçant des professions qui les assimilent à la bourgeoisie du moment (outre l’étudiant en médecine, elle compte un contrôleur fiscal, un ingénieur et deux comptables)39. Il est vrai qu’en retour, l’un des essais de la victoire narbonnaise est marqué par un enseignant, Francis Vals40. Le Racing Club de Narbonne compte toutefois un seul étudiant dans ses rangs, comme l’ASM. Quant à l’argument de Montferrand, ville non universitaire, il est spécieux : en effet, le quartier appartient à la commune de Clermont-Ferrand, qui compte alors plusieurs facultés, alors que Narbonne, qui n’est pas davantage universitaire, est nettement plus loin de Montpellier…
12La charge brutale de Lucien Dubech contre les Méridionaux et son mépris affiché pour les classes populaires contrastent avec la facilité avec laquelle le nationaliste français, peu chauvin sur ce point, reconnaît que, dès le début du xxe siècle, « les meilleurs joueurs de ballon ovale sont les Zélandais et les Africains du Sud, descendants des colons de Grande-Bretagne et de Hollande ». Il complète toutefois ce constat par une opinion clairement imprégnée de racisme : « jusqu’à ce jour, si les races noires l’emportent peut-être en vigueur et en dons naturels41, la race blanche tient encore la tête de très loin, par l’alliance de la solidité physique et des supériorités que confèrent l’esprit et le caractère42 ». Le rugby demeure donc à ses yeux un club d’hommes blancs. C’est à l’intérieur de celui-ci que se singularise une rivalité aux saveurs particulières.
La rivalité franco-anglaise
13Chaque année, dans le Tournoi des Cinq (puis des Six) Nations, la rencontre entre la France et l’Angleterre est appelée Crunch. L’origine du terme assez floue, souvent mythifiée, remonterait au début du xxe siècle et remobiliserait la mémoire de la guerre de Cent Ans ; en réalité, elle est forgée dans les années 1990, période propice à un phénomène d’invention de la tradition en rugby puisqu’elle correspond également à la popularisation de la chanson Flower of Scotland, qui évoque la période médiévale mais date de 1967 et fut utilisée comme hymne de l’équipe d’Écosse pour la première fois dans le Tournoi 1990, ainsi que du Swing low, sweet chariot, entonné pour la première fois par les supporters anglais lors d’un match contre l’Irlande à Twickenham en 1988, bien que le texte date du xixe siècle, negro spiritual écrit par un ancien esclave indien. La rivalité franco-anglaise s’appuie sur plusieurs siècles d’histoire remobilisés de façon parfois fort aléatoire et en oblitérant évidemment toute alliance au cours des jours qui précèdent un Crunch. Les intellectuels nationalistes férus de rugby y souscrivent. Antoine Blondin écrit dans les années 1960, suite à une défaite à Twickenham, que « la Grande Armée de Crauste43 avait connu son Waterloo, morne pelouse44 » et mentionne dans un autre article « le fameux combat des Trente en 1351 (15 seigneurs anglo-saxons contre 15 seigneurs français – le compte y est)45 ». Jacques Perret condense toutes ces références :
« Le vrai combat veut une confrontation. L’idée nous séduit parfois que les nations puissent régler leurs différends sur le pré sportif. Du train où vont les choses on peut d’ailleurs espérer que la conscience universelle augmentée de la morale cosmique interdira l’usage du matériel destructeur sagement élaboré par les États prévoyants. Si demain nos grands conflits de mystique, de prestige et de boutique admettaient ainsi la sanction sportive, il faudrait choisir le rugby de préférence aux Six-Jours ou même au badminton. Il est seul, par ses conventions, à pouvoir mettre en action l’homme tout entier, à réaliser comme on dit le plein emploi, ou presque. L’an passé, quand nous battîmes l’Angleterre, je me suis vu délivré sur-le-champ d’un vieux deuil qui m’habitait ; Crécy et Trafalgar effacés par le score. Impression naïve si vous voulez, fugitive hélas, mais sur l’instant ma joie valait bien son pesant de liesse nationale, à l’unisson d’un Te Deum. Je prends ces jubilations comme elles viennent, sans chicaner sur les causes, car une bonne gueulante est une bonne gueulante et tous les alléluias font la même musique. Quoi qu’il en soit, je me dis qu’une épreuve aussi combative et probante qu’une partie de rugby peut très bien s’apparenter à une de ces petites batailles rangées de type classique dont dépendait parfois le destin d’un peuple et dont l’histoire, en tout cas, nous garantit l’importance. Entre le combat des Trente, le 27 mars 1351, à Mivoye près de Ploërmel et le combat des Quinze le 10 avril 1954 à Colombes près de Paris, il n’y avait que la différence entre une convention chevaleresque et un règlement sportif. Notez encore que l’enjeu est toujours un lopin de terre, gazonné ou non, et que la fortune des combats est une divinité assez voisine de celle qu’on nomme la glorieuse incertitude du sport46. »
14De la guerre de Cent Ans à la défaite napoléonienne, les contentieux sont présents mais comme effacés par la victoire sportive, que l’écrivain nationaliste propose de substituer aux affrontements meurtriers, en un conflit sinon simulé ou entièrement pacifique, du moins limité à l’agressivité « sur le pré » c’est-à-dire le stade où se dispute le match. De ce point de vue, le propos de Jacques Perret illustre l’appréciation de Jacques Lecarme qui estime que les hussards, comme Denis Tillinac, autre écrivain grand amateur de ce sport, ont trouvé dans le rugby « une forme légitime du patriotisme sans haine et sans préjugés, plus proche de Michelet que de Maurras47 ». Les matchs du Tournoi des Cinq nations apparaissent même rapidement comme le lieu d’une fraternisation entre supporters et suiveurs, que montre Kléber Haedens dont le récit « dépasse le nationalisme maurrassien et le chauvinisme sportif pour une fraternité des armes et des stades48 ». L’importance de la guerre de Cent Ans se retrouve quelques pages plus loin chez Jacques Perret, qui compare Bernard Chevallier, le deuxième ligne auvergnat du XV de France, au Grand Ferré, paysan picard doté d’une force colossale49. Elle est également présente chez Kléber Haedens qui, s’il s’efforce de « gommer tout chauvinisme » entre Français et Gallois dans Adios, laisse en revanche entendre que « c’est toujours la guerre de Cent Ans entre des Français (plutôt dans la faute et la transgression) et des Anglophones, apparemment respectueux de la légalité, moitié gentlemen, moitié voyous, toujours favorisés par un arbitre, anglophone lui aussi50 ». Cette suspicion à l’égard de l’arbitre – qui alimente le thème de la perfide Albion – est perceptible aussi chez Jacques Perret, lorsqu’il écrit : « Je vous prie de croire qu’une victoire acquise en terrain anglais et sous l’œil d’un arbitre autochtone est bien peu contestable51. » L’insistance sur la guerre de Cent Ans masque, dans les années 1960, l’absence d’une autre pomme de discorde entre les deux pays, pourtant au moins aussi présente dans l’imaginaire récent : la rivalité coloniale52. Celle-ci nourrit l’anglophobie française de la fin du xixe siècle53, que cristallise Fachoda. Or, la France connaît après la guerre de 1870 « un nationalisme de repli, de doute, la fièvre née d’une blessure et non l’exaltation orgueilleuse de l’expansion », à la différence du « jingoïsme affirmatif et conquérant » des Anglais54, contexte dans lequel « l’anglophobie des nationalistes exprime un vrai complexe d’infériorité, car elle s’accompagne d’une étrange fascination pour un ennemi que l’on peut haïr mais pas mépriser55 ». Dans les années 1960, une autre raison éclaire toutefois cette absence de référence à la course au clocher : c’est la décolonisation qui prive les deux pays de leurs empires, et constitue une nouvelle blessure pour des nationalistes qui, tel Jacques Perret, ont combattu jusqu’au bout, et même au-delà, pour le maintien de l’Algérie française.
Esthétique du rugby
15Le rugby se caractérise dans les récits émanant d’intellectuels nationalistes par la célébration d’une esthétique qui puise son charme aux vertus de l’amateurisme et aux grâces d’un ballon ovale.
Les vertus discutées de l’amateurisme
16Un fameux sportif, champion olympique d’équitation et militant nationaliste (il fut responsable local du Front national dans les Pyrénées-Orientales), Pierre Jonquères d’Oriola se souvient de son enfance à Corneilla-del-Vercol en 1937 et de son attrait pour Perpignan :
« On y parlait rugby, encore de rugby, toujours de rugby. Au Palmarium, planté sur la rivière en bordure de la place Arago ; comme dans tous les cafés de la ville. Ici, la puissante USAP ; là les ambitieux Treizistes56. »
17L’USAP (Union sportive Arlequins-Perpignan) est le club de rugby à XV, concurrencé dans cette ville par le rugby à XIII. Durant l’essentiel du xxe siècle, l’opposition entre les deux types de jeu se matérialise dans leur statut, les quinzistes étant (officiellement du moins…) amateurs alors que les treizistes sont payés pour pratiquer leur sport, ce qui leur vaut les foudres des puristes élitaires qui souhaitent perpétuer le modèle britannique du sportsman éclairé voire éclectique57. Jacques Lecarme constate ainsi que Roger « Nimier dénonce dans le jeu à treize “une tumeur du rugby”, sottise d’intolérance que lui a soufflée Kléber Haedens58 ». Jacques Perret rappelle quant à lui avoir « assisté pour la première fois à un match de rugby en 1913 et précise :
« Depuis ce temps-là, je suis resté fidèle au rugby à XV et je sens que rien ne m’en fera démordre. Dans le débat qui oppose l’immarcescible pureté de l’amateur et la vénalité du professionnel, on voit que ma position est d’une simplicité robuste et primitive59. »
18Il veille d’abord à la transmission de cet héritage, évoquant son « gamin qui fait ses débuts dans les rangs virginaux du rugby quindécimal et incorruptible60 ». Jacques Perret doit toutefois avouer à l’issue d’une rencontre de rugby à XIII que celle-ci lui « a procuré une joie sensiblement égale à celle que j’ai pu ressentir aux grands matchs des Cinq Nations » :
« Talent mis à part, si je m’en tiens à l’ardeur et à la conviction des joueurs, les professionnels ne sont pas inférieurs aux amateurs. La preuve est faite depuis longtemps que les mercenaires se battent aussi bien que les autres. Si le soldat ou le talonneur n’a pas le goût de la bataille ou du jeu, ce n’est pas l’argent qui le leur donnera et, s’ils l’ont, ce n’est pas l’argent qui le leur ôtera61. »
19Lucien Dubech est encore plus nuancé. Réaliste, il constate d’abord que « tout le monde sait à quoi s’en tenir : ces amateurs sont payés, on nommerait par leur nom et l’on compterait sur les doigts ceux qui ne le sont pas62 ». Il est sceptique sur la clarification du phénomène et estime, conformément à ses convictions, que « ce ne sont pas les démocraties qui donneront l’exemple, qui proscriront l’hypocrisie et qui instaureront l’ordre, ni l’Américaine, ni la Française, ni nommément, en France, celle qui régit le ballon ovale » car :
« Une classe organisée de professionnels tomberait par nécessité sous l’autorité d’un pouvoir concentré et d’un gouvernement réaliste : que deviendrait la pêche aux électeurs ?
Il faut maintenir le principe, un parlement de huit cents membres commis par des intérêts divergents, sans compter les leurs.
D’abord, ils sont élus. Pour être élus, ils flattent au lieu de conduire. Pour contenter le plus grand nombre possible d’électeurs, ils organisent la guerre et le spectacle à l’état endémique sous le nom de championnat, image transposée au sport du régime des partis63. »
20L’essayiste nationaliste est d’ailleurs très critique envers le championnat, qui malmène le « beau jeu » (« le championnat est le paléolithique du sport64 ») pour des raisons financières, celles-ci étant donc compatibles avec l’amateurisme des joueurs eux-mêmes :
« Il faut passionner le public tout de suite : championnat, très âpre. Il faut le retenir toute la saison : championnat, très long. Si une équipe était éliminée en janvier, il ne lui resterait qu’à plier bagages jusqu’en octobre. Donc les éliminatoires dureront au moins jusqu’en avril ; pluie, neige, élections, parties à rejouer pour irrégularités, cas d’égalité, parties nulles, on arrive à des finales d’un sport d’hiver en plein été65. »
Les imprévisibles de l’ovale
21L’une des particularités majeures du rugby réside dans la forme du ballon utilisé, dont l’ovale engendre d’imprévisibles rebonds. Cette incertitude participe du charme que lui attribuent de multiples auteurs dont Jacques Perret qui lui consacre tout un paragraphe :
« Il réagit sur le terrain avec tant d’imprévu qu’il paraît y mener sa partie comme un être libre, gonflé d’intentions secrètes et généralement tracassières. Il s’amuse de son côté. C’est une créature extravagante, sans routine, primesautière, à angles vicieux, conjecturale dans ses déplacements et biscornue dans toutes ses manières. On le dirait instrument du destin si les joueurs du rugby ne méprisaient une notion si peu favorable à l’ardeur du combat. Il n’a pas les prétentions oraculaires d’une comète ni le zèle idiot d’un boomerang, ce n’est qu’un ballon à deux bouts de la part duquel il faut bien s’attendre à des bizarreries. Il affecte le fuselé des projectiles aérodynamiques promis aux trajectoires alors qu’il se complaît dans l’irrationnel. La balle du footballeur, elle, se conduit rondement. Quand il guette un rebond le gardien de but n’est qu’attentif ; mais l’arrière est anxieux66. »
22Kléber Haedens met quant à lui en scène un adolescent qui découvre le poste si sensible et stratégique de l’arrière au fond de terrain. Le jeune joueur campé par le romancier se montre tout d’abord absorbé, captivé par cette fameuse forme ovale :
« Guitter nous fit faire plusieurs fois le tour du terrain au petit trot, puis nous mit en cercle autour de lui. Il tenait le ballon d’une main contre sa cuisse. Je n’écoutais pas trop ce qu’il disait. Je regardais le ballon. Il était vraiment ovale celui-là, respirant la santé, jeune, blond, sans une égratignure, irradiant une odeur de cuir un peu grisante comme l’odeur du chèvrefeuille dans les nuits d’été. »
23L’abbé suspectant alors le narrateur de rêverie, lui adresse le ballon « d’une passe brutale qui devait me frapper au creux de l’estomac ». C’est là le que le charme opère :
« Mais le ballon vint se placer d’une manière si naturelle et franche entre mes mains qu’à la seconde même je sentis une affection pour lui qui dure encore. Je fis tourner le ballon entre mes doigts, je le regardai, je le pressai contre ma poitrine, enfin je le rendis à Guitter d’un geste nonchalant qui était le contraire du sien.
— Tiens, tiens, dit-il. Nous allons voir.
L’abbé me fit placer sur la ligne des vingt-deux, emmena deux ou trois anciens avec lui jusqu’au centre et leur demanda d’expédier le ballon à grands coups de tatane dans les angles du terrain. Mon rôle était de saisir la balle avant le rebond et de la remettre au centre d’un coup de pied.
L’exercice me parut facile. Mes camarades n’envoyaient le ballon ni très haut ni très loin. J’avais en outre l’impression que ma présence l’attirait. Il venait vers moi sans hésiter et tombait comme un fruit dans le berceau de mes bras. Je le renvoyai d’un coup de pied qui volait par-dessus la tête des anciens. J’entendais Mani et Surbier répéter dans mon dos : “Il est adroit comme un singe.” Depuis ma naissance, depuis Colette Ruisseau, c’était la première fois que je réussissais quelque chose. Je sentais craquer mes mesures, je brûlais comme ces personnages de ma mythologie que transfigure soudain le caprice d’une déesse ou d’un dieu, mes yeux s’ouvraient entre les poteaux, devant le petit bois roux qui perdait ses feuilles, je n’entendais plus les autos changer de vitesse sur la route de Bergerac, il me semblait que le monde passait un gilet de soie entre les lignes de ballon mort67. »
24Le talent, la reconnaissance, la magie du rugby infusent dans ces lignes qui peuvent sembler excessives et cousues de fil blanc à un profane mais dont un rugbyman mesure l’intransmissible expérience68.
Conclusion
25Les valeurs du rugby, véritable topos de ce sport, sont définies depuis 2009 par World rugby comme l’intégrité, la passion, la solidarité, la discipline et le respect69. Deux ans plus tard, un journaliste propose dans Valeurs actuelles, publication accueillante aux nationalistes, une liste où « camaraderie, respect, courage » voisinent avec « la ripaille » et le « panache », l’auteur citant d’ailleurs plusieurs auteurs mentionnés ici (Blondin, Perret, Tillinac)70. Il est aisé de repérer dans les écrits de ceux-ci la plupart de ces valeurs, suffisamment universelles et plastiques, qu’il s’agisse de la passion, de la nécessaire solidarité entre joueurs, de la discipline (ou plutôt de son absence…). Même l’instrumentalisation politique est assez faible, sauf chez Lucien Dubech. En revanche, quelques traits contribuent à les singulariser. La hiérarchie des talents, le génie des nations, la désignation d’un adversaire – en l’occurrence anglais, colorent leur propos, parfois empreint de distance il est vrai : Jacques Perret termine ainsi son évocation de la mêlée par une mise en garde sémantique puisque le ballon qui en sort témoigne « en fin de compte de la grandiose obstination des mortels à vouloir des triomphes qui ne seront jamais que des essais71 ». Le ballon dans sa forme ovale, voilà peut-être le protagoniste le plus exposé dans les textes exhumés à l’occasion de cette contribution, qui composent une ode au talent plus qu’à la volonté. En effet, l’importance des capacités cognitives exsude de leurs écrits : des étudiants vantés par Lucien Dubech à l’élève surdoué de Kléber Haedens, c’est le « parti de l’intelligence72 » qui est mis en avant par ces intellectuels nationalistes dans leurs odes au rugby, autant voire davantage que l’aspect collectif qui aurait pu leur permettre de vanter une de ces communautés sur lesquelles repose pourtant leur vision du monde, et qui se limite le plus souvent ici à l’énoncé de stéréotypes.
Notes de bas de page
1Bruneteau Bernard, Les paysans dans l’État. Le gaullisme et le syndicalisme agricole sous la Ve République, Paris, L’Harmattan, 1994.
2Berstein Serge, « La ligue », in Sirinelli Jean-François (dir.), Histoire des droites, 2-Cultures, Paris, Gallimard, 1992, p. 78.
3Joly Bertrand, Nationalistes et conservateurs en France 1885-1902, Paris, Les Indes savantes, 2008, p. 356.
4Girardet Raoul, Nationalismes et nation, Bruxelles, Complexe, 1996, p. 21.
5Winock Michel, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Le Seuil, 1990, p. 13.
6Crettiez Xavier, Violence et nationalisme, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 13-15 et, pour le sport, p. 253-254.
7C’est également le choix effectué par Olivier Dard pour recenser les nationalistes (Dard Olivier, « Les nationalistes dans l’État français : une tentative de bilan », in Dard Olivier et Musiedlak Didier [dir.], Être nationaliste en régime de dictature, Bruxelles, Peter Lang, 2020, p. 177-178).
8Conord Fabien, « Les nationalistes français et le milieu sportif, de l’entre-deux-guerres aux années 1960 : une relation privilégiée », Stadion. Internationale Zeitschrift für Geschichte des Sports, no 44-1, 2020, p. 158-182.
9Fassolette Robert, « L’ovale en divergence. La dichotomie XV-XIII, les frères jumeaux du rugby », Staps, no 78, 2007/4, p. 27-48 ; lors du 9e Carrefour d’histoire du sport, le même auteur utilisait le titre suivant : « La modernité sportive assassinée par décret : la mort du rugby à XIII en 1941 » ; Piot Céline, « Quand sport rime avec politique et iniquité… L’interdiction du rugby à XIII par le régime de Vichy », Historiens & géographes, no 437, novembre-décembre 2016, p. 51-56.
10Le Canard enchaîné, 19 février 2020.
11Archives de la préfecture de police, 77 W 322-210246, dossier Lucien Dubech.
12Dubech Lucien, Jean Racine politique, Paris, Grasset, 1926.
13Dubech Lucien, Pourquoi je suis royaliste, Paris, Éditions de France, 1928.
14Dubech Lucien, Où va le sport ? (1930), Paris, Libraire de la revue française, 1931.
15Charbonneau Henry, Les mémoires de Porthos I, Paris, Librairie française, 1981, p. 43.
16Les Cahiers de la République des lettres, des sciences et des arts, 2e année, no 6, 15 mai 1927, p. 5.
17Blein Maurice, Le Rugby, sport-roi, préface d’Adolphe Jauréguy, Paris, Vigot frères, 1944.
18Gaxotte Pierre, Les autres et moi, Paris, Flammarion, 1975, p. 58.
19Dubech Lucien, Où va le sport ?, op. cit., p. 147.
20Lecarme Jacques, « Quand les Hussards se passent le ballon ovale… », in Dambre Marc (dir.), Les Hussards. Une génération littéraire, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2000, p. 94.
21Blondin Antoine, Sur le Tour de France, Paris, La Table ronde, 1996 et Tours de France : chroniques intégrales de « L’Équipe », 1954-1982, édition intégrale établie et présentée par Stéphanie Rysman, Paris, La Table ronde, 2001.
22Kléber Haedens reçoit en 1947 le « prix Goncourt de Sacha Guitry et de René Benjamin », les deux écrivains écartés de l’Académie Goncourt au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, pour Salut au Kentucky, épisode qui contribue à l’ancrer dans une sensibilité autant politique que littéraire (Robichon Jacques, Le défi des Goncourt, Paris, Denoël, 1975, postface d’Hervé Bazin, p. 173-177).
23Lecarme Jacques, op. cit., p. 86.
24Ibid., p. 92.
25Ibid., p. 84.
26Perret Jacques, Articles de sport, Paris, Julliard, 1991.
27Dugrand Alain, « Jacques Perret, franc-tireur. Du Caporal épinglé aux Biffins de Gonesse », Roman 20-50, no 56, 2013/2, p. 27-36.
28Son petit-fils lui a consacré une biographie filiale : Perret Louis, Jacques Perret, 1901-1992 : portrait d’un homme libre, Paris, L. Perret, 2008.
29Perret Jacques, op. cit., p. 169.
30Lecarme Jacques, op. cit., p. 93.
31Perret Jacques, op. cit., p. 172.
32Dubech Lucien, Où va le sport ?, op. cit., p. 75.
33La hiérarchie entre rugby et football est expliquée un peu différemment, mais de manière non contradictoire, par Jacques Perret pour qui « les hommes privés de leurs mains s’expliquent mal et c’est pourquoi une partie de football ne saurait donner comme le rugby l’impression d’une querelle convenablement vidée. Le public peut siffler, applaudir, s’exciter, mais il n’assiste pas à un drame. Il ne connaît pas les arrêts du cœur. C’est au rugby que nous pouvons demander les affres d’un combat où se joue le sort d’un peuple » (Perret Jacques, op. cit., p. 173).
34Dubech Lucien, Où va le sport ?, op. cit., p. 146-147.
35Ibid., p. 147-148.
36Ibid., p. 151.
37Ibid., p. 152. Jean Payra est député socialiste des Pyrénées-Orientales à partir de 1924 puis sénateur en 1935 ; il devient maire de Perpignan en 1935 et meurt en 1937.
38L’Action française, 13 mai 1936.
39Choury Thomas, 10 mai 1936 : Montferrand-Narbonne. Histoires mêlées, match charnière, mémoire de master 2 réalisé sous la direction de Gilles Vergnon, IEP de Lyon, année universitaire 2013-2014, p. 222.
40Francis Vals, militant socialiste dès l’entre-deux-guerres, devient par la suite président du Comité départemental de libération de l’Aude et réalise une carrière politique (président du Conseil général de l’Aude, député, maire de Narbonne, député européen, président du Conseil régional du Languedoc-Roussillon).
41Cette conviction se développe dans l’entre-deux-guerres précisément, autour des performances des athlètes noirs américains notamment (Julliard François-René, « William Montague Cobb et le débat sur la supériorité des athlètes noirs dans les années 1930 », Revue d’histoire culturelle, 2020, consulté le 23 septembre 2022, [http://revues.mshparisnord.fr/rhc/index.php?id=307]).
42Dubech Lucien, Où va le sport ?, op. cit., p. 85.
43Michel Crauste (1934-2019) a été capitaine de l’équipe de France à 22 reprises.
44Texte reproduit dans Blondin Antoine, Ma vie entre des lignes, Paris, Robert Laffont, 1991, p. 1060.
45Texte reproduit dans Blondin Antoine, L’ironie du sport, Paris, Robert Laffont, 1991, p. 1264.
46Perret Jacques, op. cit., p. 173-174.
47Lecarme Jacques, op. cit., p. 94.
48Ibid., p. 83.
49Perret Jacques, op. cit., p. 186-187.
50Lecarme Jacques, op. cit., p. 82.
51Perret Jacques, op. cit., p. 173.
52Chez d’anciens pétainistes, il est possible aussi que l’hostilité à l’Angleterre churchillienne ait perduré mais son expression est plus délicate dans les années 1960…
53Un bon exemple est celui de François de Mahy, vieux parlementaire républicain et patriote (il figurait parmi les 107 protestataires de 1871) devenu nationaliste (Conord Fabien, « Réflexions d’un nationaliste désabusé. François de Mahy en 1903 », Le Magasin du xixe siècle, 2016, p. 254-261).
54Joly Bertrand, « Déroulède et l’Angleterre », in Vervaecke Philippe (dir.), À droite de la droite : droites radicales en France et en Grande-Bretagne au xxe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012, p. 41.
55Ibid., p. 45.
56Jonquères d’Oriola Pierre, À cheval sur cinq olympiades, Paris, R. Solar, 1968, p. 43-44.
57Modèle d’ailleurs battu en brèche en Angleterre même puisque c’est dans cette partie du Royaume-Uni qu’est né le professionnalisme qui s’est peu à peu incarné dans le rugby à XIII.
58Lecarme Jacques, op. cit., p. 91.
59Perret Jacques, op. cit., p. 188.
60Ibid., p. 192.
61Ibid., p. 192.
62Dubech Lucien, Où va le sport ?, op. cit., p. 152.
63Ibid., p. 153.
64Ibid., p. 159.
65Ibid., p. 157.
66Perret Jacques, op. cit., p. 171.
67Haedens Kléber, Adios, Paris, Grasset, 1974, p. 190-191.
68L’article consacré par Geoffroy Lejeune aux valeurs du rugby dans Valeurs actuelles le 22 septembre 2011 se termine lui aussi par ce thème (« en rugby, la France est la nation du panache, aussi imprévisible que sont capricieux les rebonds du “ballon à deux bouts” »).
69Dans un entretien accordé à La Gazzetta dello Sport à l’occasion du nouvel an 2021, le pape François met lui aussi en avant la loyauté et le respect qui caractérisent le rugby et estime que celui-ci pourrait donner des leçons au football (« al signor-calcio ») [https://www.gazzetta.it/Altri-Mondi/02-01-2021/papa-francesco-sport-il-doping-annulla-dignita-3902144305876.shtml].
70Lejeune Geoffroy, « Rugby : plus qu’un sport, des valeurs », Valeurs actuelles, 22 septembre 2011.
71Perret Jacques, op. cit., p. 174-175.
72L’expression renvoie naturellement au manifeste « Pour un parti de l’intelligence » rédigé par le nationaliste Henri Massis et publié dans Le Figaro du 19 juillet 1919. Il est notamment signé par Charles Maurras et son entourage, dont Lucien Dubech lui-même.
Auteur
-
Fabien Conord
Université Clermont Auvergne.
Fabien Conord, professeur d’histoire contemporaine à l’université Clermont Auvergne, est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont plusieurs portent sur l’histoire politique et l’histoire du sport, notamment Les gauches européennes au xxe siècle, Paris, Armand Colin, 2012 et Le Tour de France à l’heure nationale 1930-1968, Paris, PUF, 2014. Il a aussi codirigé avec Joris Lehnert le dossier « Rugbykultur (in) der Romania », Apropos. Perspektiven auf die Romania, 2019.

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