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    Plan détaillé Texte intégral L’Union européenne, une manifestation moderne de l’idée d’empire L’empire, utopie dangereuse Notes de bas de page Auteur

    L’Europe et le totalitarisme

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    L’Union européenne : les habits neufs de l’empire ?

    Bertrand Vayssière

    p. 33-48

    Texte intégral L’Union européenne, une manifestation moderne de l’idée d’empire In varietate concordia La norme sans la force Imperium sine fine : des frontières mouvantes L’empire, utopie dangereuse Une mémoire hostile Résister à l’uniformisation Résister à la normalisation Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Bernard Bruneteau s’est toujours intéressé à l’Europe, en tant que réalité mais peut-être plus encore en tant qu’idée. En ce sens, il a accompagné le tournant historiographique ayant marqué les études européennes au cours des années quatre-vingt dix, qui ont cessé de se focaliser sur les institutions communautaires pour se pencher sur les représentations du projet européen. Ce faisant, il nous a invité à changer notre regard sur l’Europe elle-même : celui-ci ne se tournait plus exclusivement vers l’horizon mais se faisait plus rétrospectif, et, conséquence induite par ce processus de retour sur soi, ne prêtait pas au projet européen l’unique ambition de légitimer une identité marquée par les seuls déterminants libéraux et démocratiques. Faire l’histoire de l’idée européenne, c’est démontrer que celle-ci s’inscrit dans le passé de l’Europe, dans le brassage et parfois l’entrechoquement d’expériences diverses et souvent douloureuses, qui ne peuvent aboutir à un élément univoque.

    2C’est ainsi que Bernard Bruneteau est l’un de ceux qui, en France, est allé le plus loin dans la déconstruction du discours apaisant et lénifiant dont l’effet revenait à essentialiser l’objet politique européen, que les historiens classiques avaient peut-être trop tendance à prendre comme point de départ ou comme point d’ancrage. Il est vrai que ce travail est à replacer dans un contexte qui n’autorisait plus un quelconque aveuglement et au fond, une telle irresponsabilité.

    3Pour effectuer cette déconstruction, Bernard Bruneteau a pris en compte la diversité des discours sur l’Europe à l’exclusion d’aucuns, comme le montrent ses anthologies1 éclairant l’antériorité de ces discours par rapport à la période « canonique » où la construction européenne effectue ses premiers pas, à une époque où « l’européisme » est en quête de toutes les expériences, y compris celle du nazisme2. Mauvais esprit ? Certains regretteront qu’un scientifique d’une telle renommée ait pu mettre sur les rails, avec d’autres, l’étude du souverainisme et plus généralement de l’anti-européisme3 : Bernard Bruneteau a pourtant fait œuvre de pionnier et d’historien à part entière, en contribuant à la « politisation » de l’objet Europe au meilleur sens du terme, même si celle-ci semble pour l’instant se retourner contre son objet. La plasticité des intérêts et ce croisement permanent des temps – servis par une double approche d’historien et de politologue – qui caractérisent son œuvre nous laissent des travaux accomplis et des pistes de recherche toujours stimulantes.

    4Pour faire honneur à ces Mélanges, j’aurais aimé prolonger une réflexion lancée par Bernard Bruneteau lui-même dans son ouvrage Combattre l’Europe, où il s’intéresse aux pièces du procès qui aujourd’hui sont utilisées par certains intellectuels et une partie de la société civile contre l’Union européenne (UE), à propos des tendances impériales que celle-ci masquerait4.

    5À notre tour, et afin de profiter des idées florissantes lancées par l’historien, nous aimerions tenter de faire un tour d’horizon de cette référence insoupçonnée dans la forme et dans l’inspiration de l’UE aujourd’hui, et de répondre à cette question : la formule de l’empire peut-elle être convoquée pour qualifier un acteur qui souhaite s’affranchir de la formule de l’État-nation et édifier un espace politique transnational ? Pour y répondre, nous allons voir tour à tour les éléments politiques, juridiques et rhétoriques qui permettent soit de souligner ce lien entre idée européenne et forme impériale, soit de le nier ou de le condamner.

    L’Union européenne, une manifestation moderne de l’idée d’empire

    6La présence de la référence impériale et sa récente montée en puissance dans le discours européen peut nous amener à nous interroger sur la pertinence de l’appariement. Quels éléments rapprocheraient l’UE de la formule de l’empire, ou au moins l’éloigneraient de celle des États-nations ?

    In varietate concordia

    7La forme fédérale que prend l’ensemble communautaire est un argument de poids, paraissant faire écho à la pratique déterritorialisée du pouvoir qui était celle de la plupart des empires. D’après Pierre Hassner, l’UE présente aujourd’hui trois caractéristiques qui la rapprochent d’une fédération : une unité politique se référant à une autorité centrale légitimée par la primauté du droit européen ; le caractère hétérogène de l’ensemble au sein de frontières mobiles ; le rapport s’instituant entre le centre et les périphéries par l’institutionnalisation de politiques actives dans les espaces outre-européens5. Unité dans la diversité à l’intérieur, volonté d’influence à l’extérieur, tout cela contribue à l’affirmation d’une société complexe, qui ne peut se déployer que dans un cadre fédéral ou « supranational », mot qui fait son apparition dans les traités européens avec l’article 9 du traité de Paris établissant la CECA (1951)6.

    8Sur le plan juridique, certains éléments donnent corps à ce cadre de référence : il en est ainsi des directives de l’UE, l’une des principales sources du droit dérivé communautaire, qui sont des « lois-cadres », certes obligatoires dans leur but puisqu’elles lient les États membres quant au résultat à atteindre, mais ce sont les autorités nationales qui définissent la forme de ce résultat en droit interne ; la subsidiarité, stratégie de la différence et de la ressemblance dont le principe figure dans l’article 5 du traité sur l’UE, offre également un cadre qui justifie une hiérarchisation de l’action publique au sein de laquelle les acteurs sont invités à trouver le niveau pertinent pour que la décision soit la mieux adaptée au terrain. De même, la jurisprudence menée par la CJUE est interprétée de manière maximale par les juges communautaires, brisant le tabou de l’indivisibilité de la souveraineté étatique : pour l’un de ses anciens juges, Pierre Pescatore, « nulle souveraineté ne peut plus être considérée comme complète, ni absolue, ni intangible, ni indivisible, ni non aménageable7 ». Cette tendance semble nous éloigner du modèle de l’État-nation et offrir une comparaison avec celui de l’empire : ce dernier a en effet l’obsession d’assurer le soutien de ses membres par la prise en compte de leurs différences, qu’il canalise en leur attribuant des droits particuliers. La volonté de contrôle n’est pas son fait : ce n’est pas un hasard si le « monopole de la violence légitime » (Max Weber) a été pensé pour les États-nations, à l’ère des masses démocratiques et du triomphe de l’idéologie nationaliste8.

    9De fait, l’empire est un ensemble composite, formé de territoires différents. Vastitude et hétérogénéité sont en effet les thèmes qui ont alimenté l’essentiel des réflexions tournant autour de la formation et de la conservation des grands ensembles que constituent les empires (Montesquieu). Ces deux facteurs sont, pour les classiques comme Althusius, reliés par l’imperium qui fait d’espaces hétérogènes un corps politique à part entière reposant sur la relation entre l’un (le Pouvoir) et le multiple (les membres), comme l’âme était, d’après Platon, composée d’éléments dont la cohésion se voyait garantie par le gouvernement de la « partie supérieure9 ». Certes, dire que les empires ont toujours été des fédérations est un peu réducteur, car la pensée fédéraliste est d’essence très contemporaine, et ce serait un anachronisme que de l’appliquer à des temps plus anciens. De plus, la formule fédérale accompagne un idéal politique d’abord démocratique, qui n’est pas celui de la plupart des empires historiques. Si le rapprochement n’a pas de valeur du point de vue philosophique, il en a beaucoup plus en termes d’organisation pratique, car le fond importe ici moins que la forme : l’empire trouve sa cohérence dans un agir politique, pas dans un cadre territorial de gouvernement, si bien que c’est cet « agir » qui distingue les « bons » et les « mauvais » élèves plus sûrement que leurs nationalités, distinction que l’on retrouve aujourd’hui dans l’aptitude plus ou moins aisée des différents États de l’UE à se comporter ou non en « bons Européens ». Pas de nouveauté dans cette classification où la nationalité ne sous-tend pas le projet politique si on relève les mots de Nicolas Ier, qui disait que les meilleurs Russes étaient… les sujets allemands de son empire, alors que Palacký estimait pour sa part que les seuls vrais Autrichiens de son temps étaient les Slaves10.

    La norme sans la force

    10Autre facteur qui soude des éléments reconnus comme différents mais qui œuvrent à une cohésion commune : la dynamique de la normalisation. La préférence des Européens pour les solidarités concrètes plutôt que pour une construction d’ensemble démontre que l’Europe existe avant tout par un corpus de normes, dont le but final est l’intégration du Vieux continent. L’« acquis communautaire », soit l’ensemble du corpus juridique de l’UE, et donc la somme des droits et obligations qui lient ses États membres entre eux aujourd’hui, est en ce sens présenté comme le meilleur moyen pour rapprocher les Européens. Ce prédicat est le plus visible dans la politique de conditionnalité démocratique à destination des pays qui se portent candidats à l’UE : pour Bruxelles, il s’agit pour eux de « surmonter [l’]héritage du passé », comme le souligne le Rapport 2010 sur la stratégie d’élargissement destiné aux pays balkaniques, qui doivent accepter le soutien et le conseil des autorités communautaires dans les domaines de l’État de droit, de la justice et de la police (missions EULEX au Kosovo et Proxima en Macédoine). Cette volonté justifie le concept de « puissance civile » appliqué à l’UE, ressemblant fort à celui de soft power (Robert Kehoane), qui rejoint une certaine vision de l’empire : ce ne sont pas les forces militaires qui priment, mais le droit, l’économie et, dans l’idéal, la culture.

    11Dans cette optique, on pourrait dire que la Normpolitik a remplacé dans l’UE la Realpolitik, aboutissant à construire un « empire normatif » pour Zaki Laïdi, un « empire sans imperator11 » pour Ulrich Beck, et débouche sur une notion adoucie de la conquête, l’élargissement12. Pour Beck, cette approche justifie l’« empire européen », qui signe à ses yeux la fin des repères traditionnels, dont celui de l’État, et la prégnance du fait transnational. Cette pensée se nourrit de doctrines diverses, telles que le constructivisme ou l’institutionnalisme, pour désigner et justifier les missions que l’UE se doit de mener et qui en font un acteur à part entière, conscient de son rôle (François Duchêne, Ian Manners) : vers l’intérieur où Bruxelles impose à tous les pays candidats des normes comme principaux marqueurs de l’identité européenne (notamment en direction des pays de l’Est avec les critères de Copenhague en 1993) et vers l’extérieur où l’UE joue sur l’interdépendance et le long terme avec ses partenaires internationaux (protocole de Kyoto, défense des problèmes écologiques, développement durable, droit de l’homme et démocratie). Dans les deux cas, la référence n’est plus l’État, échelle traditionnelle de la souveraineté, mais une vision universelle, qui lui est supérieure, visant à promouvoir des « biens publics mondiaux » par le biais de grands textes et de grands principes13.

    12La question de la dilution de la souveraineté dans l’UE aujourd’hui relativise la distinction entre dimensions nationales et internationales, et s’intègre dans notre réflexion sur l’empire en nous poussant à réviser nos conceptions traditionnelles de l’autorité politique, largement héritées des Lumières : l’UE serait un « méta-gouverneur », c’est-à-dire avant tout un médiateur entre un réseau complexe de niveaux de décision interdépendants, dans une démarche à l’opposé du processus d’intégration à l’œuvre dans la construction d’un État de type westphalien. Qui plus est, l’UE serait dépourvue, de par cette nature particulière, de « raison d’État », élément de rapprochement avec des structures médiévales qui ignoraient ce concept. Où se situe alors concrètement la souveraineté en Europe ? En la matière, la réflexion est avancée chez les juristes, notamment ceux du droit privé international, qui théorisent depuis longtemps la mort des codes et la nécessité d’un pragmatisme juridique dans l’adoption de nouvelles normes au sein d’un cadre transnational (par exemple Alberto Romano dès la fin de la Première Guerre mondiale) : c’est un peu le retour de la lex mercatoria du Moyen Âge, ce corpus de règles qui évoluait de façon autonome par accord contractuel entre personnes d’une même juridiction, qui n’est plus celle d’un État. La dimension métalinguistique du mot empire peut ici nous aider à qualifier cette réalité, marquée par la porosité croissante de la frontière public/privé ou par la fragmentation des souverainetés entre ordres nationaux et supranationaux. Cette dimension est de plus en plus prise en compte par les sciences humaines : les European Studies évoluent ainsi de l’étude de la construction d’un ordre confédéral où les États jouent leur rôle (analyse des politiques publiques) vers celle des cadres domestiques dans un système ouvert facilitant les échanges, en-dehors de toute considération institutionnelle (primat social), et où une action commune vaut mieux qu’un compromis14.

    Imperium sine fine : des frontières mouvantes

    13Autre cas à évoquer, et qui éclaire le rapport entre politique et espace, celui de la gestion des frontières. La question n’est pas anodine, tellement l’histoire nous démontre que le destin et, parfois, la fin des empires se sont souvent décidés dans leurs périphéries. Ces dernières, on le sait, se sont multipliées au sein de l’UE à mesure de l’élargissement de son aire. Cette complexification évoque de plus en plus celle que connaissent tous les grands ensembles territoriaux, parmi lesquels les empires.

    14On ne doit en effet pas oublier le caractère discontinu de l’espace impérial, avec des frontières internes et externes qui définissent des territoires aux statuts divers (fronts pionniers, concessions) et aux logiques différentes (politique, juridique, fiscale, etc.). La complexification de la gestion des frontières n’est pas propre à l’Europe, et est à relier aux tendances mondiales de globalisation policière et de déterritorialisation du politique, mais également à une réalité géopolitique que nous rappelle le philosophe Frédéric Gros : le danger contre lequel se dressent ces frontières est désormais plus diffus, qui ne protègent plus contre des États avec lesquels une guerre devient de plus en plus improbable, mais contre des « états de violence15 » qui maintiennent une situation élevée d’alerte, à l’image de celle qu’évoque le terrorisme international. De ce fait, on assiste à la fin de l’ère de la « haute territorialité » des frontières propres aux siècles qui ont suivi le Moyen Âge, où celles-ci, autrefois contingentes, étaient devenu l’outil de gouvernement pour la maîtrise d’un territoire et l’affirmation d’une souveraineté. Elles y ont été cartographiées, associées par leurs promoteurs au relief, à la langue, à la race ou à l’histoire, enveloppant tout naturellement un État dès lors essentialisé (le mot État étant dérivé du radical stare : être et demeurer, ce qui traduit et revendique une permanence fondamentale). Or, les frontières conçues par les empires ressemblent plus à celles que l’UE doit gérer aujourd’hui : celles-ci sont passées de la ligne à la zone vers l’extérieur, tiennent compte des gradients internes de souveraineté à l’intérieur, et sont pensées comme évolutives. De même, elles doivent rester incertaines pour s’adapter aux circonstances, celles en particulier qui résultent d’un élargissement toujours en cours : ce point nous rappelle le principe d’indétermination autour de la souveraineté européenne par rapport à celui qui définit les États, où la frontière est par définition une enveloppe a priori définitive.

    15Cette gestion complexe est bien celle de l’UE avec ses multiples espaces internes (zones euro et Schengen) et son voisinage immédiat, constitué de ce qu’on appelle parfois les « protectorats » balkaniques de l’UE et, plus généralement, des espaces voisins de l’UE qui n’entrent pas dans un projet d’adhésion (sud de la Méditerranée, Ukraine). La gestion des premiers est par définition provisoire, car mise sous pression d’un élargissement mécanique qui parfois évoque une version pacifiée de la politique que les tsars pratiquaient à l’égard des confins (Catherine II disait : « Je ne sais pas défendre mes frontières sinon en les étendant »). Concernant les seconds, présents en particulier dans le cadre de la « Politique européenne de voisinage » mise en place par l’UE en 2011, certains voient dans l’action normative qui en est l’objet un moyen d’imposer une forme de stabilisation à des périphéries remuantes (Adrian Hyde-Price, Peter Seeberg), une approche réaliste donc qui relèverait d’une intention impériale, notamment à l’égard des pays méditerranéens16.

    16Ainsi, les frontières au sud de l’Europe s’épaississent, voire se délocalisent, avec par exemple la « clause migratoire » comme condition de soutien apportée par l’UE aux pays qui l’entourent, et qui porte la frontière vers l’extérieur (Turquie). De fait, la politique frontalière européenne se décompose en quatre filtres : en amont (politique de visa et de coopération), dans les zones de contact, aux frontières elles-mêmes et en aval (échange d’information entre services policiers). C’est la zone qui l’emporte dans la conception de contrôle et les pratiques de surveillance, à travers des opérations communautaires comme Héra (îles Canaries) ou Triton (soutien à l’Italie), et des organismes comme Eurosur qui luttent contre l’immigration clandestine, définissant des limites qui commencent de facto de l’autre côté de la Méditerranée.

    17La gestion de la frontière européenne est une nouvelle illustration de la mutation des théories juridiques et politiques de la souveraineté, qui alignaient frontières des droits et des contrôles. Celle-ci est de fait confiée à Frontex (2005), qui ne supervise cependant pas toutes les marges de l’UE, mais celles de certains États membres « sensibles » au sud du continent, son mandat n’étant pas politique, mais technique, illustration de cet entre-deux qui situe l’UE à mi-chemin entre national et européen, soulignant une mutation non suivie d’effets institutionnels.

    L’empire, utopie dangereuse

    18Comparaison n’est pas raison. Qui plus est, si l’on peut relever des éléments qui semblent rapprocher formule impériale et projet européen, il faut quand même noter que ce rapprochement se fait le plus souvent de manière implicite. Les thèses contraires, tout aussi nombreuses, sont à l’opposé formulées d’une façon beaucoup plus directe.

    Une mémoire hostile

    19La vision d’un empire européen souffre parfois de la légende noire qui entoure certaines de ses structures politiques anciennes, parfois maladroitement utilisées dans le discours politique pour le légitimer.

    20On peut utiliser un exemple contemporain pour illustrer l’absence de prise des références impériales sur les Européens : le mythe de Charlemagne, que Bruxelles a tenté de raviver dans les années cinquante, n’a absolument pas eu d’écho dans les pays de la CEE. Il faut reconnaître que cette figure historique faiblissait déjà au xixe siècle17, s’étant détachée de l’histoire vivante, qui d’ores et déjà se déployait autour de personnalités considérées comme plus « nationales », telle Jeanne d’Arc en France ; de leur côté, les Allemands ont préféré que le Kaiser soit couronné à Versailles et non à Aix-la-Chapelle, ne voyant en Charlemagne que le massacreur des Saxons (différend particulier que l’on retrouvera dans les pays de l’Est, incapables de se reconnaître dans un personnage qui a signifié l’hostilité aux Slaves), sans compter que l’idée même d’empire sera plus tard combattue en RFA, associée au Reich qui l’a précédée18. Sur le plan plus strictement historique, certains se rappellent que Charlemagne voulait faire de sa capitale « la Rome qui vient », comme un défi à Constantinople. Or, son empire décline vite et, à rebours de ce que proclament les cérémonies nostalgiques d’aujourd’hui, on ne peut que constater l’échec immédiat de l’État carolingien : celui-ci n’a pas constitué un « prélude d’empire », mais tout au plus un « faux départ » (Roberto S. Lopez).

    21Cette hostilité touche également la référence austro-hongroise, à rebours d’une nostalgie qui ne touche plus que peu de monde en Europe centrale même. Le mythe habsbourgeois surévalue ainsi le fédéralisme austro-hongrois en tant que tel, et s’illusionne en souhaitant le réactiver dans la partie médiane du Vieux Continent, parce que l’espace en jeu est celui qui a été le plus bouleversé dans l’Europe du xxe siècle : les nationalismes y ont été dévastateurs, de même que les ingérences, notamment celle de Moscou, y ont été profondes. Les ravages de l’histoire sont ici terribles, et les urgences du présent n’incitent pas vraiment au rapprochement, fût-il implicite : en 1992, un projet d’exposition universelle Vienne-Budapest pour l’année 1995 a ainsi échoué à la suite d’un référendum repoussant majoritairement cette manifestation. De manière générale, après 1989, peu de ressortissants d’Europe de l’Est ont trouvé opérante la résurrection d’un espace privilégié centre-européen pour amorcer un projet fédéral particulier, la majorité préférant se tourner vers les solutions globales qu’offraient l’OTAN et l’UE, au détriment d’une Mitteleuropa jugée peu sûre, voire ambiguë19.

    22Au-delà de cette mauvaise presse, qui renvoie à la légende noire de la « prison des peuples » du xixe siècle, l’idée historique d’empire sert d’argument à ceux qui veulent renvoyer dos à dos tous les despotismes, éclairés ou non, dans l’Europe d’aujourd’hui. Un détournement insidieux a ainsi été effectué par de nombreux détracteurs de l’UE, qui lui prédisent le même sort que celui des anciens empires. Dans cette optique, celle-ci leur apparaît bien comme une nouvelle configuration impériale, mais dans un sens d’abord liberticide : c’est la démarche de l’ancien dissident Vladimir Boukovski établissant un parallèle entre l’UE et l’URSS (« l’UERSS »), jusque dans l’affichage de leurs prétentions (« J’ai vécu dans votre futur, et ça n’a pas marché20 »). Plus modéré, on peut évoquer la thèse du « doux monstre de Bruxelles » (Hans Magnus Enzensberger) dénonçant les excès d’une bureaucratie tatillonne avec sa volonté de réglementer jusqu’aux courbures des concombres, l’exemple même de ce que David Chandler appelle des « Phantom States », redoutables dans leur efficacité mais manquant de légitimité sociale et politique21. Les souverainistes, et les intellectuels néo-marxistes avec eux22, se nourrissent de cette critique, dénonçant la propension de Bruxelles à confisquer la démocratie au profit – au choix – des multinationales, du Marché ou de Washington.

    23Avec le thème des apatrides et des technocrates qui alimente la plupart des critiques à l’encontre de l’Europe en construction, on peut observer, dans le réquisitoire contre un projet « impérialiste », la résurgence de la crainte d’une hégémonie allemande, seul résultat tangible de ce que donnerait une quelconque formule supranationale23, et qui fait dire à l’historien autrichien Michael Gehler que, s’il y a un empire européen, c’est bien pour éviter qu’il y ait un empire allemand24 : les vieux États-nations, en particulier, sont présentés comme mis en danger par la résurgence d’une formule politique qui, historiquement, se rapproche de ce qui a fait l’Allemagne (le Saint Empire), et de ce qui lui assurera une suprématie incontestable dans l’avenir25. Contre ce danger, autrefois dénoncé par des plumes aussi diverses que celles de Maurras (« Pan Europe, Mittel Europa, Pan Germania », 1930) ou de Joseph Hours (« L’idée européenne et l’idéal du Saint-Empire », 1953), il s’agit de « revenir à la nation26 » pour éviter la dilution d’un peuple dans un ensemble forcément impérial, et donc fatalement à l’avantage des Allemands.

    Résister à l’uniformisation

    24Peut-on écrire que l’UE est un espace fédéral, ce qui la situerait dans un rapport au pouvoir et aux territoires comparable à une certaine pratique impériale ? Le problème, c’est que l’UE, comme le dit bien son nom, est une Union, et non pas une fédération, ce qui signifie que la prégnance des souverainetés nationales en son sein reste un fait incontestable. Le modèle absolu demeurant la nation ou l’État, on a donc avec l’UE, soit une nation inachevée, soit un État fédéral incomplet, donc à chaque fois une catégorie politique hybride.

    25Cette indétermination peut se vérifier dans la plupart des domaines de l’action politique et économique. En ce qui concerne ce dernier exemple, l’ingérence des autorités de Bruxelles est pourtant un fait dès le départ. C’est sans compter sur la résistance des chancelleries à ces empiètements, qui a entraîné une série d’aménagements par la réorganisation des services au sein des différents ministères nationaux. Même si l’on peut noter que leurs compétences sont de plus en plus concurrencées par la multiplication des comités spécialisés européens, et que la complexification liée à la croissance des niveaux de référence érode la suprématie des États, ces derniers s’adaptent graduellement avec la mise en place d’une politique européenne « défensive » visant d’abord à soutenir les intérêts nationaux plutôt qu’une diplomatie européenne positive27. Cette résistance a été étudiée dans les ouvrages de Samy Cohen et surtout d’Alan Milward, qui pensent que l’Europe a surtout été un moyen pour les États de se reconstituer28. Les années quatre-vingt dix ont vu se multiplier les travaux qui relativisent l’élément transnational au sein de l’UE, démontrant que l’idée de nation ne s’est pas affaiblie, et que les moyens de communication qui sont censés éroder les différences ne font que raffermir les liens préexistants, principalement à l’échelle nationale, et dans le même temps la conscience de la différence avec les autres. C’est un peu la thèse de Jean-François Bayart, pour qui globalisation et souveraineté se renforcent29.

    26D’autres faits relativisent les facultés de commandement, ou au moins d’entraînement, qui permettraient à l’UE de se présenter comme un acteur politique (la moindre des choses pour pouvoir prétendre donner un nom à ce que pense être l’Europe) sur la scène européenne comme sur la scène internationale. En interne, on peut évoquer une capacité de contrainte de Bruxelles qui a des effets limités, comme le démontre au quotidien l’inefficacité des mesures qu’elle prend ou menace de prendre contre les éléments récalcitrants, que ce soit en matière monétaire avec Paris et Berlin, ou dans un cadre politique avec la Hongrie ou la Pologne, ces dernières remettant dangereusement en question les valeurs démocratiques qui sont censées être au socle du projet européen. Vers l’extérieur, on doit se rappeler que la normalisation en direction des pays des Balkans s’appuie avant tout sur le préalable de la création d’États-nations avant même l’intégration de standards communautaires (Monténégro en 2006, Kosovo en 2008) : est-ce que l’UE, plus que de garantir l’absence de conflits par la diffusion de son modèle d’organisation, ne viserait pas en priorité à garantir la stabilité d’États en eux-mêmes, se résignant à leurs différences irréductibles ?

    27Si le terme « européanisation » reste ambigu, et demanderait des éclaircissements sur ce que ce néologisme veut réellement dire appliqué à des pays qui sont pourtant déjà européens, que penser de son pendant, qui fait florès ces temps derniers, notamment à l’Est : la « déseuropéanisation », synonyme de désagrégation ? Peut-on considérer que le Brexit est une première manifestation de cette réalité ? Il est en tout cas un rappel que l’UE n’est pas une fédération, puisque la sécession y est normalement impossible. En politique étrangère, la force des sentiments nationaux a également un impact sur les moteurs de l’européanisation entretenus par Bruxelles : les contradictions permanentes de la politique des États sur la scène diplomatique affaiblissent l’unité dont l’UE doit se targuer si elle veut compter et, en la matière, les exemples sont fort nombreux (désaccords à propos de l’attitude à tenir à l’égard de la Russie, de la question environnementale ou de la place de l’OTAN). Ces contradictions empêchent en tout cas l’UE d’être un acteur global en matière politique comme elle a pu le devenir en matière économique.

    Résister à la normalisation

    28La normalisation est-elle un moteur viable pour « créer » un ensemble politique nouveau ? Les termes de « construction » et d’« intégration », qui en soutiendraient la logique, seraient-ils justifiés dans les faits ? Des questions paraissent pouvoir être posées en ce sens, et conduisent à interroger la dialectique européenne qui lie unité et diversité, et cherche à concilier norme et hétérogénéité. La norme, oublieuse d’histoire, finit pourtant par se heurter à des résistances fondées sur le passé, irréductibles à des zones particulières du territoire européen qui refusent une standardisation étouffant tout particularisme. Ces coercitions donnent lieu à des résistances qui se vérifient contre les règlements communautaires, autre type d’acte juridique qui a tendance à supplanter les directives : à la différence de ces dernières, les règlements sont obligatoires dans tous leurs éléments, et directement applicables sans aucune mesure de transcription nationale. Cette tendance est de plus en plus combattue à l’échelle d’États qui se sentent dessaisis de leurs prérogatives, preuve que la légitimité de Bruxelles ne s’impose pas d’elle-même, même dans le domaine du droit où elle doit pouvoir pourtant compter sur la primauté.

    29Les pays de l’Est dénoncent en particulier dans la politique de Bruxelles le reflet d’une « pensée impériale » dont l’instrument est la norme, et leur rejet dans les « banlieues » de l’Europe (Jacques Rupnik) la finalité. La réponse des autorités de Bruxelles se veut rassurante : dans une zone de l’Europe où l’histoire a bouleversé les relations entre États et exacerbé leurs différences ethniques, l’UE jouerait un rôle fonctionnel équivalent à celui des Habsbourg autrefois, consistant à favoriser la neutralisation des tensions entre nations centre-européennes et à équilibrer les relations de chacun d’entre eux avec un centre commun. Peut-on appliquer à ce modèle ce que Ghassam Salamé nomme, plutôt à l’usage des pays faibles issus de la décolonisation, l’« appel d’empire30 », et est-on bien sûr que cet appel s’adresse à Bruxelles ? Il est en tout cas certain que les formations nationalistes qui triomphent à l’Est, et dont le Fidesz de Viktor Orbán est le représentant le plus voyant (et pourtant pas forcément le plus radical !), s’appuient sur la dénonciation d’un « colonialisme occidental », sous-tendu par les normes bruxelloises, pour rappeler les vertus de la seule démocratie qui vaille, celle de la nation (et certains poussent jusqu’à l’ethnie), dans un système revendiqué par opposition comme étant « illibéral31 ».

    30Le problème du contrôle politique, formel ou informel, direct ou indirect, se pose pour tout empire, comme il peut se poser pour l’Europe, même si celle-ci ne revendique pas directement ce modèle. Cette réflexion rappelle les mots du comte Leinsdorf, haut fonctionnaire de l’empire austro-hongrois dans L’homme sans qualités de Robert Musil, qui évoquait à propos de l’Autriche de son temps le conflit entre les forces immanentes du désir d’association et leur contradiction croissante avec une autorité souveraine garante d’un ordre uniforme, conflit hypothéquant à terme tout effort d’unité ; elle nous renvoie aussi à ce constat de Maurice Duverger, pour qui la « solidité des empires » repose aussi bien sur une part de consensus que sur une part de contrainte.

    31L’ordre que propose l’UE est celui de la « solidarité concrète » vu comme vecteur de rapprochement (c’est la base de la méthode Monnet), mais il est vrai que la théorie classique reste muette sur cette ambition à l’échelle européenne. Il s’agit dès lors de ruser avec le principe de souveraineté sans pour autant l’abolir, ce qui a été fait dès le départ lorsqu’on a prétendu que faire le Marché commun n’aurait aucune incidence politique (Rome, 1957) : l’évolution du modèle était ainsi imputable à la vie économique, et non à un être transcendant, qu’il soit le « Peuple » ou la « Nation ». Or, cette démarche a ses limites, dans la mesure où elle finit toujours par buter sur un seuil politique. L’empire « souriant », dont ses sujets pouvaient s’imaginer l’avoir choisi (pourtant, peu de votes populaires ont été organisés qui prennent pour cadre l’Europe, et dans ces cas ils ont rarement été positifs), n’est pas un fait pour les Européens, car la série de normes sur laquelle il s’est bâti n’a pas suffi à fournir cette substance politique dont toute communauté a besoin pour « incarner » son existence : « faire communauté » est d’autant plus difficile dans un espace qui se dilate, en fonction d’intérêts stratégiques et d’appartenances de plus en plus diversifiées32… Peut-être retrouvons-nous ici les éléments géographiques propres à l’Europe qui, pour certains, expliquent l’impossibilité d’« impérialiser » un continent naturellement bigarré, fait d’unités géopolitiques protégées les unes des autres et en constante « rivalité mimétique » entre elles33.

    ⁂

    32Ce thème de la référence impériale dans le débat sur l’Europe est loin d’être épuisé, et ce que nous présentons ici n’est qu’une esquisse d’une réflexion plus générale dont la pertinence n’est pas de façade si on se penche sur les controverses publiques contemporaines. Au-delà de la comparaison, elle nous renseigne sur le fait qu’aucune « fin de l’histoire » n’attend ce projet communautaire que l’on a construit avec des arrière-pensées apologétiques. Certains ont déjà étudié et analysé ce ton prophétique qui a légitimé par le discours la place que prendrait et qu’occuperait une Europe forcément vertueuse et fervemment attendue par tous34. La « fin de l’Histoire » n’a en fait été que la fin de la guerre froide. Personne ne peut nier aujourd’hui qu’il existe bien un Rideau de Fer virtuel en Europe avec, de part et d’autre, des mémoires différentes, des économies divergentes et des attitudes démographiques contrastées.

    33De fait, il y a des conséquences à cette situation de décalage et parfois d’incompréhension mutuelle, et qui montrent que le libéralisme n’est pas le grand vainqueur de l’histoire. La principale erreur vient peut-être des traités européens post-guerre froide (Maastricht, Amsterdam, Nice), oublieux de la dimension messianique qui a initialement accompagné le projet européen en réduisant le passage vers une ère plus démocratique à de simples problèmes technocratiques, et qui ont eu le tort d’imposer aux pays potentiellement candidats un « impératif de l’imitation » bien peu adapté aux circonstances35.

    34Le procès intellectuel dont parle Bernard Bruneteau existe bel et bien, et renvoie l’UE à ce manque de légitimité qu’elle a toujours traité comme une question de détail. Mais l’historien n’est pas un simple observateur, étudiant avec froideur un insecte à travers son microscope : il est lui-même un intellectuel qui, dans la lignée des Benda ou des Morin, peut être une vigie pour qui veut bien l’entendre. Au-delà des controverses visant l’Europe, et quelles que soient les critiques qu’on lui adresse, parfois elles-mêmes critiquables (comme le fait de placer l’inoxydable Monnet au cœur de tous les complots), l’auteur nous rappelle que c’est notre vision de la démocratie qui est en jeu, dans un monde où les attributions du citoyen semblent si fragiles face aux droits de l’individu. En ce sens, dépolitisation et démagogie sont deux réalités que les élites européennes se devraient de comprendre plutôt que de les ignorer superbement.

    35En ce sens, l’œuvre de Bernard Bruneteau a définitivement tourné le dos à l’angélisme des origines et au parti-pris institutionnel qui délaisse l’étude de sociétés humaines condamnées à suivre l’Europe en marche… comme si celle-ci pouvait se faire sans elles ! Ce qui intéressera son lecteur n’est pas une énième discussion sur le sexe des anges, en l’occurrence sur la qualité plus ou moins fédéraliste de l’Europe à venir, mais une réflexion sur la façon dont celle-ci est représentée au-delà du temps et des institutions de Bruxelles, utile leçon de modestie pour idéalistes trop pressés…

    Notes de bas de page

    1Bruneteau Bernard, Histoire de l’idée européenne au premier xxe siècle à travers les textes, Paris, Armand Colin, 2006 ; Histoire de l’idée européenne au second xxe siècle, Paris, Armand Colin, 2008.

    2Bruneteau Bernard, Les « collabos » de l’Europe nouvelle, Paris, CNRS Éditions, 2016.

    3Bruneteau Bernard, Combattre l’Europe. De Lénine à Marine Le Pen, Paris, CNRS Éditions, 2018.

    4Ibid., p. 233-237.

    5Hassner Pierre, « Crise de l’Europe et dialectique de la territorialité », Cahiers du CEFRES, no 14f, « Regards communs sur l’Europe », 1998, p. 48-52.

    6Sur le concept de supranationalité, Bailleux Julie, Penser l’Europe par le droit : l’invention du droit communautaire en France (1945-1990), Paris, Dalloz, 2014 ; Canihac Hugo, La fabrique savante de l’Europe : une archéologie du discours de l’Europe communautaire (1870-1973), thèse de doctorat en science politique, IEP de Bordeaux, 2017.

    7Pescatore Pierre, « La Constitution, son contenu, son utilité », Revue de droit suisse, 1992, p. 51.

    8Martinez-Gros Gabriel, Brève histoire des empires, Paris, Points, 2016, p. 200.

    9Cité par Duso Giuseppe, « La constitution mixte et le principe du gouvernement : le cas Althusius », in Gaille-Nikodimov Marie, Le gouvernement mixte. De l’idéal politique au monstre constitutionnel en Europe (xiiie-xviie siècle), Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2005, p. 162.

    10Cité dans Vantuch Anton, « L’Europe centrale écorchée », Europe, no 24-25, 1992, p. 175.

    11Laïdi Zaki, « Les formes inattendues de la puissance européenne », Telos, décembre 2007, p. 1-17.

    12Beck Ulrich et Grande Edgar, Pour un empire européen, Paris, Flammarion, 2007.

    13Laïdi Zaki, La norme sans la force : l’énigme de la puissance européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, p. 110-115.

    14Baisnée Olivier, L’Europe telle qu’elle se fait : européanisation et sociétés politiques nationales, Paris, CNRS Éditions, 2007.

    15Gros Frédéric, États de violence. Essai sur la fin de la guerre, Paris, Gallimard, 2006.

    16Sarto Raffaella del, « Normative Empire Europe: the European Union, its Borderlands, and the “Arab Spring” », Journal of Common Market Studies, 2016, vol. 54, no 2, p. 225.

    17Morrissey Robert, L’Empereur à la barbe fleurie : Charlemagne dans la mythologie et dans l’histoire de France, Paris, Gallimard, 1997.

    18Gaupp Friedrich, Die Fälschung der abendländischen Reichsidee (La falsification de l’idée d’empire en Occident), Baden-B.,Vlg. f. Kunst u. Wissenschaft, 1948.

    19L’écrivain Rolf Schneider écrivait : « Du point de vue historico-philosophique, une “Patrie Mitteleuropa” est un fait aussi chatoyant, aussi mou et d’une substance aussi insaisissable et peu nourrissante qu’un pudding à la framboise », cité dans Kreissler Felix, « Mitteleuropa – Paneuropa – Neutralité et l’adhésion à la CEE vue d’Autriche », in Gilli Marita, Le cheminement de l’idée européenne dans les idéologies de la paix et de la guerre, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 364.

    20Stroilov Pavel et Boukovski Vladimir, L’Union européenne, une nouvelle URSS ?, Paris, Éd. du Rocher, 2005.

    21Chandler David, Empire in Denial: The Politics of State-Building, Londres, Pluto Press, 2006, p. 9.

    22Un colloque s’est tenu les 8 et 9 janvier 2016 à la Maison de la recherche de Paris-Sorbonne sur le thème « Impérialismes : approches marxistes » où l’UE figure en bonne place.

    23Parmi les articles fondateurs de ce discours, celui de Chevènement Jean-Pierre, « Pour pouvoir redresser l’Europe », Le Monde, 2 mai 1992. Sur cette thématique aujourd’hui, voir les ouvrages de Cohen Antonin, De Vichy à la Communauté européenne, Paris, PUF, 2012, de Joly Marc, L’Europe de Jean Monnet, Paris, Biblis, 2017, ou de Riondel Bruno, Cet étrange Monsieur Monnet, Paris, L’Artilleur, 2017.

    24Gehler Michael, « The European Union: A Post-Democratic, Post-Modern, and Post-National Empire? », Journal of European Integration History, 2, vol. 24, 2018, p. 259.

    25Ce que Vittorio Feltri et Gennaro Sangiuliano appellent Il Quarto Reich (Come la Germania ha sottomesso l’Europa), Rome, Mondadori, 2015. On en retrouve des échos chez Jean-Pierre Chevènement, par exemple dans l’article « À l’Allemagne, parlons franc », Le Monde, 12 octobre 1994.

    26Harouel Jean-Louis, Revenir à la nation, Paris, Godefroy Éditions, 2014.

    27C’est dans cette optique qu’a été pensé en France le Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), chargé, sous l’autorité du Premier ministre, de la coordination interministérielle sur les questions liées à l’Europe.

    28Cohen Samy, La résistance des États, Paris, Le Seuil, 2003 ; Milward Alan, The European Rescue of the Nation State, Londres, Taylor & Francis, 2000.

    29Bayart Jean-François, Le gouvernement du monde, Paris, Fayard, 2004.

    30Salamé Ghassam, Appels d’empire. Ingérences et résistance à l’âge de la mondialisation, Paris, Fayard, 1996.

    31Innes Abby, « Hungary’s Illiberal Democracy », Current History, vol. 114, no 770, mars 2015, p. 95-100 ; Rupnik Jacques, « La démocratie illibérale en Europe centrale », Esprit, juin 2017, p. 69-85 ; Krastev Ivan et Holmes Stephen, Le moment illibéral, Paris, Fayard, 2019.

    32Marks Gary, « Europe and its Empires: from Rome to the European Union », Journal of Common Market Studies, 50, 2012, p. 1-20.

    33Brun Christophe, « Configuration géographique “européenne” et dynamique d’innovation : sur l’hypothèse d’un engendrement mutuel depuis Strabon », in Jullien Vincent et Nicolaïdis Efthymios (dir.), Europe et sciences modernes. Histoire d’un engendrement mutuel, Bruxelles, Peter Lang, 2012, p. 309-345.

    34Parmi ceux-ci, Cohen Antonin, « Le “père de l’Europe”. La construction sociale d’un récit des origines », Actes de la recherche en sciences sociales, no 166-167, 2007/1, p. 14-29, et Foret François, Légitimer l’Europe. Pouvoir et symbolique à l’ère de la gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.

    35Krastev Ivan, « L’Éurope vers l’échec ? L’âge de l’imitation et ses limites », Revue Défense nationale, no 821, 2019/6, p. 69-76.

    Auteur

    • Bertrand Vayssière

      Université Toulouse 2-Jean-Jaurès, Laboratoire FRAMESPA (UMR 5136).

      Bertrand Vayssière est professeur d’histoire contemporaine à l’université Toulouse 2-Jean-Jaurès et directeur adjoint du laboratoire FRAMESPA (UMR 5136). Il a écrit sur les débats fédéralistes autour de la construction européenne, notamment au sortir de la Seconde Guerre mondiale, sur les relations transfrontalières à l’échelle de la frontière franco-espagnole et sur les groupes de lobbying à Bruxelles. Il a notamment publié : Européiste et eurocrate : la vie fédéraliste de Raymond Rifflet, Presses universitaires du Midi, Toulouse, 2018 ; Crises et ruptures en Europe : vers quelles mutations ?, Presses universitaires du Midi, Toulouse, 2018 (directeur) ; Vers une Europe fédérale ? Les espoirs et les actions fédéralistes au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, Peter Lang, 2006, rééd. 2007.

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    1Bruneteau Bernard, Histoire de l’idée européenne au premier xxe siècle à travers les textes, Paris, Armand Colin, 2006 ; Histoire de l’idée européenne au second xxe siècle, Paris, Armand Colin, 2008.

    2Bruneteau Bernard, Les « collabos » de l’Europe nouvelle, Paris, CNRS Éditions, 2016.

    3Bruneteau Bernard, Combattre l’Europe. De Lénine à Marine Le Pen, Paris, CNRS Éditions, 2018.

    4Ibid., p. 233-237.

    5Hassner Pierre, « Crise de l’Europe et dialectique de la territorialité », Cahiers du CEFRES, no 14f, « Regards communs sur l’Europe », 1998, p. 48-52.

    6Sur le concept de supranationalité, Bailleux Julie, Penser l’Europe par le droit : l’invention du droit communautaire en France (1945-1990), Paris, Dalloz, 2014 ; Canihac Hugo, La fabrique savante de l’Europe : une archéologie du discours de l’Europe communautaire (1870-1973), thèse de doctorat en science politique, IEP de Bordeaux, 2017.

    7Pescatore Pierre, « La Constitution, son contenu, son utilité », Revue de droit suisse, 1992, p. 51.

    8Martinez-Gros Gabriel, Brève histoire des empires, Paris, Points, 2016, p. 200.

    9Cité par Duso Giuseppe, « La constitution mixte et le principe du gouvernement : le cas Althusius », in Gaille-Nikodimov Marie, Le gouvernement mixte. De l’idéal politique au monstre constitutionnel en Europe (xiiie-xviie siècle), Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2005, p. 162.

    10Cité dans Vantuch Anton, « L’Europe centrale écorchée », Europe, no 24-25, 1992, p. 175.

    11Laïdi Zaki, « Les formes inattendues de la puissance européenne », Telos, décembre 2007, p. 1-17.

    12Beck Ulrich et Grande Edgar, Pour un empire européen, Paris, Flammarion, 2007.

    13Laïdi Zaki, La norme sans la force : l’énigme de la puissance européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, p. 110-115.

    14Baisnée Olivier, L’Europe telle qu’elle se fait : européanisation et sociétés politiques nationales, Paris, CNRS Éditions, 2007.

    15Gros Frédéric, États de violence. Essai sur la fin de la guerre, Paris, Gallimard, 2006.

    16Sarto Raffaella del, « Normative Empire Europe: the European Union, its Borderlands, and the “Arab Spring” », Journal of Common Market Studies, 2016, vol. 54, no 2, p. 225.

    17Morrissey Robert, L’Empereur à la barbe fleurie : Charlemagne dans la mythologie et dans l’histoire de France, Paris, Gallimard, 1997.

    18Gaupp Friedrich, Die Fälschung der abendländischen Reichsidee (La falsification de l’idée d’empire en Occident), Baden-B.,Vlg. f. Kunst u. Wissenschaft, 1948.

    19L’écrivain Rolf Schneider écrivait : « Du point de vue historico-philosophique, une “Patrie Mitteleuropa” est un fait aussi chatoyant, aussi mou et d’une substance aussi insaisissable et peu nourrissante qu’un pudding à la framboise », cité dans Kreissler Felix, « Mitteleuropa – Paneuropa – Neutralité et l’adhésion à la CEE vue d’Autriche », in Gilli Marita, Le cheminement de l’idée européenne dans les idéologies de la paix et de la guerre, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 364.

    20Stroilov Pavel et Boukovski Vladimir, L’Union européenne, une nouvelle URSS ?, Paris, Éd. du Rocher, 2005.

    21Chandler David, Empire in Denial: The Politics of State-Building, Londres, Pluto Press, 2006, p. 9.

    22Un colloque s’est tenu les 8 et 9 janvier 2016 à la Maison de la recherche de Paris-Sorbonne sur le thème « Impérialismes : approches marxistes » où l’UE figure en bonne place.

    23Parmi les articles fondateurs de ce discours, celui de Chevènement Jean-Pierre, « Pour pouvoir redresser l’Europe », Le Monde, 2 mai 1992. Sur cette thématique aujourd’hui, voir les ouvrages de Cohen Antonin, De Vichy à la Communauté européenne, Paris, PUF, 2012, de Joly Marc, L’Europe de Jean Monnet, Paris, Biblis, 2017, ou de Riondel Bruno, Cet étrange Monsieur Monnet, Paris, L’Artilleur, 2017.

    24Gehler Michael, « The European Union: A Post-Democratic, Post-Modern, and Post-National Empire? », Journal of European Integration History, 2, vol. 24, 2018, p. 259.

    25Ce que Vittorio Feltri et Gennaro Sangiuliano appellent Il Quarto Reich (Come la Germania ha sottomesso l’Europa), Rome, Mondadori, 2015. On en retrouve des échos chez Jean-Pierre Chevènement, par exemple dans l’article « À l’Allemagne, parlons franc », Le Monde, 12 octobre 1994.

    26Harouel Jean-Louis, Revenir à la nation, Paris, Godefroy Éditions, 2014.

    27C’est dans cette optique qu’a été pensé en France le Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), chargé, sous l’autorité du Premier ministre, de la coordination interministérielle sur les questions liées à l’Europe.

    28Cohen Samy, La résistance des États, Paris, Le Seuil, 2003 ; Milward Alan, The European Rescue of the Nation State, Londres, Taylor & Francis, 2000.

    29Bayart Jean-François, Le gouvernement du monde, Paris, Fayard, 2004.

    30Salamé Ghassam, Appels d’empire. Ingérences et résistance à l’âge de la mondialisation, Paris, Fayard, 1996.

    31Innes Abby, « Hungary’s Illiberal Democracy », Current History, vol. 114, no 770, mars 2015, p. 95-100 ; Rupnik Jacques, « La démocratie illibérale en Europe centrale », Esprit, juin 2017, p. 69-85 ; Krastev Ivan et Holmes Stephen, Le moment illibéral, Paris, Fayard, 2019.

    32Marks Gary, « Europe and its Empires: from Rome to the European Union », Journal of Common Market Studies, 50, 2012, p. 1-20.

    33Brun Christophe, « Configuration géographique “européenne” et dynamique d’innovation : sur l’hypothèse d’un engendrement mutuel depuis Strabon », in Jullien Vincent et Nicolaïdis Efthymios (dir.), Europe et sciences modernes. Histoire d’un engendrement mutuel, Bruxelles, Peter Lang, 2012, p. 309-345.

    34Parmi ceux-ci, Cohen Antonin, « Le “père de l’Europe”. La construction sociale d’un récit des origines », Actes de la recherche en sciences sociales, no 166-167, 2007/1, p. 14-29, et Foret François, Légitimer l’Europe. Pouvoir et symbolique à l’ère de la gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.

    35Krastev Ivan, « L’Éurope vers l’échec ? L’âge de l’imitation et ses limites », Revue Défense nationale, no 821, 2019/6, p. 69-76.

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    Vayssière, B. (2025). L’Union européenne : les habits neufs de l’empire ?. In F. Hourmant (éd.), L’Europe et le totalitarisme (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/149kb
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    Vayssière, Bertrand. « L’Union européenne : les habits neufs de l’empire ? ». L’Europe et le totalitarisme, édité par François Hourmant, Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/149kb.

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    Hourmant, F. (éd.). (2025). L’Europe et le totalitarisme (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/149p0
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