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Introduction à la troisième partie
p. 149-150
Texte intégral
1« Il n’y a pas à proprement parler de révolution française ; il y a une révolution européenne dont la France est le sommet » ; « À une nouvelle distribution de la richesse, correspond une nouvelle distribution du pouvoir » (Barnave). La lucidité de l’avocat du Dauphiné, l’un des déclencheurs de la Révolution, de ses acteurs principaux (et de ses victimes) situe d’emblée les enjeux essentiels d’une décennie qui a fait basculer l’Europe dans une crise profonde des structures, des institutions et de civilisation. La querelle (anecdotique) autour de la majuscule à attribuer à la « grande Révolution » française peut faire sourire. Elle est révélatrice de l’immense débat idéologique et social déclenché par les révolutions françaises de 1789 (l’an I de la Liberté) et de 1792 (l’an I de l’Égalité par l’abolition de la monarchie). La place que cet ouvrage attribue à la Révolution française est à l’image du retentissement européen et mondial provoqué par des événements salués par l’enthousiasme d’un Kant et la réfutation globale d’un Burke, par la contagion révolutionnaire et la poussée parallèle de la contre-révolution. Mais elle ne vise aucunement à enfermer cette histoire dans le cadre d’une quelconque « exception française ». L’approfondissement de chaque aspect fondamental de la reconstruction de l’espace et de la société française – révolution politique des droits de l’homme et du citoyen ; révolution sociale « bourgeoise » et « paysanne » ( ?) ; révolution institutionnelle, de l’administration, de la justice, de l’armée et de la famille ; révolution de la culture politique et de la formation du sentiment républicain – est destiné à mesurer les correspondances avec les autres révolutions européennes, américaine, haïtienne, pour en cerner les résultantes et les caractères originaux. La violence des épisodes et journées révolutionnaires, de la Grande Peur à la Terreur (rouge ou blanche), de la Bastille à la Vendée, résulte de la démesure créatrice de l’utopie révolutionnaire : régénérer l’État le plus peuplé, le plus riche et perçu comme le plus solide d’Europe, dans la cohérence organique de l’absolutisme de droit divin, de la société d’ordres, de la conciliation des privilèges les plus choquants et du bien-être du peuple, tous garantis par la fusion des intérêts dans la personne du roi, appuyé ou limité par les corps intermédiaires. La France devient le réceptacle de toutes les révolutions parallèles, l’espoir des « patriotes », des « jacobins » et des « gauches » (termes inventés par 1789) européennes, accueillant les « citoyens » du monde avant d’exporter son idéologie dans leurs pays respectifs. Ne pas percevoir ces liens multiples et complexes avec les révolutions d’Amérique, du Brabant, de Pologne et d’ailleurs serait se condamner à une perception « hexagonale » et mutilée de l’histoire. Mais cette analyse comparée des révolutions et de leurs influences mutuelles exige une connaissance minimale de la respiration interne de la Révolution. L’étude nécessairement thématique des mutations qu’elle engendre doit reposer sur une maîtrise raisonnée de ses étapes et de ses temps forts, « d’un temps révolutionnaire » rythmé par ses « journées », ses constitutions, ses révoltes internes et ses guerres civiles. C’est l’objectif du chapitre « Repères », centré sur les dynamiques et les mises en perspective des événements, des années cruciales (1789, l’an II, 1802), de la dialectique entre le temps court, les transitions, les révolutions et les « réactions ». Les autres chapitres, regroupés pour des logiques d’exposition et d’interprétation mêlent des analyses classiques (forces politiques, aspects financiers, babouvisme, sans-culottisme) à des chantiers neufs ou renouvelés par les recherches menées depuis une vingtaine d’années : administration, armée et nation, justice, arts et sciences, représentants en mission, résistances religieuses, mutations de la famille, sentiment républicain, et… le Directoire, si méconnu, la transition consulaire enfin. Dans chaque chapitre thématique, une étude de cas (les sans-culottes ; le babouvisme) vise à l’approfondissement de l’analyse ou à un éclairage différent (les représentants en mission ; des biographies croisées). Le dernier pari – peu tenable, nous en convenons – est d’avoir écarté en toute conscience tout débat qui risquerait de figer l’analyse, d’entraîner le lecteur sur le terrain de polémiques (nécessaires en leur temps pour faire avancer l’historiographie) entre des écoles rivales et respectables (dérapage, génocide, Terreur…). Ce n’est pas par seul souci d’éthique, de respect des règles de préparation raisonnée d’un concours. Ce n’est pas non plus renier des positions exprimées par ailleurs, ou renvoyer des historiens dos à dos, en se plaçant au-dessus des polémiques. Trop de talents et d’érudition se sont voués à cette décennie singulière. Mais les controverses majeures sont renvoyées à la cinquième partie. C’est postuler qu’une histoire dépassionnée de la Révolution française peut aider à comprendre la nature profonde des révoltes et des révolutions survenues pendant cette « ère » d’une trentaine d’années qui ont changé la face du monde, en donnant à cette Révolution sa place, toute sa place et rien que sa place…
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Des révoltes aux révolutions
Ce livre est cité par
- Rossignol, Marie-Jeanne. (2006) Europe's American Revolution. DOI: 10.1057/9780230288454_3
- Figeac, Michel. (2006) Les magistrats en révolte en 1789 ou la fin du rêve politique de la monarchie des juges. Histoire, économie & société, 25e année. DOI: 10.3917/hes.063.0385
Des révoltes aux révolutions
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