Introduction
p. 7-21
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1Cet ouvrage est le fruit d’une collaboration entre des membres d’équipes de recherches dont les thèmes se recoupent, l’EAD Jeux et enjeux de pouvoirs de l’Université Paris IV Sorbonne d’une part et le Laboratoire d’Histoire et d’Archéologie Médiévale de l’Université du Maine dont un des thèmes a trait à l’histoire et l’archéologie du pouvoir des élites d’autre part. Autour de discussions et d’interrogations nées à l’école pratique des Hautes Études ont fini par s’établir un certain nombre de connivences, de manières d’aborder les problèmes qui nous ont poussés à un travail commun entre universitaires manceaux et parisiens pour mettre en forme nos interrogations et nos pressentiments qui se rejoignent souvent. Sur ce socle commun sont venus se greffer des chercheurs d’autres universités de l’ouest, pour tenter une étude des pouvoirs locaux dans les régions de la Loire et de la Seine, de la Bourgogne à la Bretagne et à la Normandie, un champ d’observation assez vaste pour permettre des comparaisons fructueuses, appuyées sur des exemples précis pour éviter les généralisations hasardeuses. Cette table ronde, qui s’est tenue à l’Université du Maine le 27 mars 2003, voulait aussi permettre à des historiens que les découpages académiques placent dans le haut Moyen Âge ou dans le monde féodal d’aller au-delà de clivages qui ne reposent que sur la coutume, habitude éminemment médiévale certes, mais dont il faut aussi savoir faire son deuil, d’autant que de très nombreux travaux de ces dernières années ont déjà commencé à bâtir des ponts qui relient les « grandeurs » carolingiennes et les « obscurités » féodales.
2Si cette journée fut une réussite et si la publication de ses actes a pu se faire dans un temps raisonnable, il faut bien sûr en remercier tous les participants qui surent affronter pleinement les problèmes posés par le sujet proposant des études qui mettent en avant des aspects variés des pouvoirs locaux. Au Mans, les interventions furent riches et stimulantes et les contributions écrites le sont plus encore. Les champs d’observation sont variés, la Bretagne, le Nantais, la Mayenne, le Maine, la Touraine, la Normandie, l’Auxerrois et l’Autunois ont tour à tour inspiré les divers auteurs. Mais la diversité est loin d’être uniquement géographique, avec des contributions qui envisagent souvent la longue durée, embrassant plusieurs siècles pour y chercher les continuités, les ruptures ou les inflexions. Les approches aussi sont multiples, s’intéressant au contrôle d’un territoire comme aux stratégies sociales et à l’exercice du pouvoir banal. Les études sur les villas, les seigneuries, la mise en place des réseaux castraux tentent d’inscrire les pouvoirs locaux dans l’espace tandis que les alliances, les mariages, la constitution de dots ou les tentatives pour infléchir les coutumes relèvent d’une analyse des comportements d’affirmation de sa supériorité, sans omettre enfin l’utilisation des droits de justice et des plaids qui servent à sauvegarder son autorité, toujours fragile pour peu qu’on oublie de la revendiquer. Cette diversité doit nous permettre d’élargir la réflexion pour permettre de cerner tous les aspects possibles des pouvoirs locaux et au terme de ces travaux d’être un peu moins ignorants des réalités locales si évidentes aux yeux des hommes des viiie-xie siècles et si mystérieuses à ceux des historiens.
3Mais pourquoi vouloir retrouver les pouvoirs locaux ? On oppose trop vite à un édifice carolingien rigoureux un âge féodal qui parcellise terres et pouvoirs. Mais dès qu’on se penche sur les réalités locales, cette simplicité factice s’estompe et oblige à restituer les complexités, les imbrications territoriales, les partages de droits, les conflits et les négociations, souvent âpres, entre les divers tenants de l’autorité, et ceci à l’apogée des Carolingiens comme dans les eaux plus troubles des xe et xie siècles. Observer d’en bas atténue la rupture et pousse à mieux percevoir les continuités qui se manifestent déjà dans la permanence de certains mots comme villa, manse, plaid, vicaria, vassaux, qui renvoient à un fond de références communes tant foncières que seigneuriales. Mais derrière les mots, trouve-t-on toujours les mêmes réalités immuables ? C’est là le cœur du débat, car il faut reconstituer les modes d’exercice et les cadres d’implantation de l’autorité et de la supériorité locale dans un monde qui dérive progressivement, s’éloignant insensiblement de la grandeur carolingienne qui demeure néanmoins une référence mythique. Les pouvoirs locaux ont eu à cœur de faire du carolingien, soit parce qu’ils en étaient partie prenante, installés à la base du bel édifice à son apogée, et qu’ils tenaient alors à s’y rattacher pour s’affirmer comme un rouage humble mais indispensable, soit parce qu’héritiers de leurs terres et de leurs droits, ils renforçaient leur légitimité en l’asseyant sur le socle carolingien.
4Pourtant l’historien est contraint par ses sources à dire d’abord l’histoire des élites, et encore le plus souvent à travers des documents qui témoignent du point de vue de l’Église, alors qu’il voudrait bien descendre plus bas, connaître les hommes qui ne sont sans doute que des subalternes aux yeux de ceux qui leur délèguent quelques pouvoirs, mais qui localement se sentent déjà un peu au-dessus du lot et s’appuient sur leurs maigres privilèges pour au mieux, s’affirmer, au pire, tenter de se maintenir. Les enjeux du pouvoir local sont aussi ceux du rang social, de l’estime qu’on a de soi-même et de la reconnaissance que vous accordent les autres, qu’ils soient des supérieurs, des égaux ou des inférieurs. On doit aussi retrouver l’encadrement des populations, les liens avec les autorités ou leurs représentants, les soumissions, les contraintes, les négociations et conflits qu’ils engendrent. Mais vouloir approcher cela, ce n’est pas la quête d’un groupe homogène, d’institutions établies et uniformes, c’est aussi admettre que chaque coup de sonde met à jour autant de particularités, qui s’articulent certes sur des principes communs, mais dont l’organisation relève de l’alchimie locale, de l’équilibre entre les usages anciens et les innovations qui suscitent des réserves, des relations complexes qui oscillent des tensions exacerbées à une sérénité feutrée qui peut occulter bien des choses. Les pouvoirs locaux sont multiples, mais chaque enquête est singulière, vouée à ne retrouver que quelques niveaux, quelques types, quelques figures représentatives ; l’étude de dossiers parallèles et d’interrogations similaires peut néanmoins de lever quelques incertitudes.
5La chronologie pose d’autres jalons. Pourquoi lier le monde carolingien aux xe et xie siècles ? Deux raisons au moins plaident en faveur de ce choix. D’abord la réorganisation carolingienne a manifestement servi de modèle, car dès les années 850/860, Charles le Chauve joue de la nostalgie et se présente comme un continuateur de son illustre grand-père dont il porte le nom. Aux siècles ultérieurs, il en va de même, et dans ce monde qui n’est plus carolingien mais qui se veut tel, on regrette le beau temps de Charlemagne. Ensuite la division progressive du royaume occidental en principautés n’a pas bouleversé les élites locales qui n’ont la plupart du temps eu qu’à se rattacher aux nouveaux chefs régionaux, puisque l’accès au souverain ne revêtait plus la même importance, aussi ont-ils pu poursuivre l’exercice local de leurs prérogatives tenues en principe par délégation des regalia, en réalité avec l’assentiment et la légitimité accordés par les princes régionaux. Que reste-t-il alors de l’emprise carolingienne ? Un héritage institutionnel, un regret, une idéologie et une pratique vivante qui se transforment peu à peu, continuant à connaître les soubresauts des réorganisations régulières et des rappels à l’ordre qui avaient déjà jalonné la vie politique des mondes mérovingien et carolingien, où la lutte entre le pouvoir et ses agents, entre les souverains et l’aristocratie a représenté l’essentiel, chacun cherchant en permanence à infléchir à son avantage le contrôle des terres, des hommes, des pouvoirs et des églises.
6Au-delà de cette permanence de comportement, l’historien doit aussi souligner une importante continuité des sources. Avant comme après 900, les diplômes, les cartulaires avec leur cortège de donations et de cessions, les récits hagiographiques, vies de saints comme miracles, les gesta et les chroniques continuent de respecter les mêmes formes, non seulement parce qu’elles sont un héritage, mais sans doute aussi parce qu’elles sont toujours appropriées pour atteindre le but que leurs auteurs entendaient leur fixer. Sans postuler une continuité systématique, cette relative unité de sources et cette permanence de comportements méritent la réflexion à l’échelle du pouvoir local, celle où les avatars de la dynastie carolingienne et l’avènement des Capétiens sont les moins sensibles.
7Si la démarche est désormais plus claire, le terrain est loin d’être vierge. Aucun des orateurs ne pouvait ignorer qu’il participait à une œuvre commune de longue haleine et qu’il demeurait redevable envers ses prédécesseurs qui depuis de longues années jalonnent la route, tentant tous au fil de dossiers dispersés, d’éclairages locaux de descendre en dessous des élites sociales. Pour rendre justice aux travaux de ces historiens sans qui la tenue de cette table ronde et la parution de cet ouvrage auraient été impossibles, il faut rappeler leurs apports, mais il ne saurait être question de tout mentionner, sauf à transformer les pages suivantes en un indigeste catalogue, aussi s’en est-on tenu aux ouvrages et articles récents, qui ont permis des avancées notables. Pour la commodité de l’exposé, on distingue quatre grands axes, avec l’étude des stratégies lignagères, le contrôle d’un territoire, la défense des patrimoines et des temporels et l’exercice local du pouvoir. Catégories largement artificielles certes, car on a vite fait d’en outrepasser les strictes limites, elles permettent néanmoins de retrouver les problématiques essentielles qui ont orienté la réflexion et les recherches récentes qui doivent servir de références.
8L’étude des stratégies familiales, des lignages et leurs efforts constants pour conserver ou accroître leur prestige social et leur poids politique grâce à la constitution d’un réseau complexe de liens familiaux mais aussi sociaux est un des domaines où les apports de l’anthropologie ont permis de remarquables avancées ces dernières années. Parmi un faisceau de travaux convergents, on distingue ceux de Régine Le Jan qui a axé ses recherches sur l’étude de la famille, des lignages, avec la reconstitution de nombreuses généalogies, du mariage et du rôle des femmes, de la constitution de dots et de douaires, mais aussi sur le rôle essentiel des pratiques commémoratives à l’origine de sanctuaires privés, qui en s’intégrant au réseau de protection des grands monastères demeurent néanmoins des centres de pouvoirs locaux où la famille fondatrice agit à la fois comme donataire et mandataire chargé de l’encadrement local1. Cette analyse met en lumière les divers procédés employés par des groupes aristocratiques pour créer les alliances nécessaires et tisser le lien social, mais elle demeure malaisée à mener à l’échelle locale, car les dossiers qui offrent une grande richesse d’informations sur un petit espace ne sont pas les plus abondants, ce qui a poussé les historiens à une approche plus synthétique, appuyée sur une démarche comparatiste dans un large espace ou à l’échelle de l’ensemble du groupe noble2. Les temps forts de la vie, et surtout le mariage qui scelle une alliance de pouvoirs, ont mérité une attention particulière, y compris dans les interdits destinés à promouvoir une exogamie, car le modèle conjugal qui se développe ne va pas sans poser des contraintes au petit groupe des élites locales qui doit trouver des conjoints convenables sans enfreindre les interdits sociaux3. Mais les stratégies de mariage posent aussi le problème de la transmission du patrimoine qu’il s’agisse du nom comme des biens. Selon le choix qui est fait, la primogéniture avec la restriction du mariage des cadets ou au contraire l’égalité de traitement entre les enfants, les stratégies d’alliances peuvent se présenter en des termes très différents. Le problème se pose aussi pour les filles mariées qui peuvent recevoir une dot provenant du patrimoine de leur famille paternelle comme un douaire plutôt choisi dans les biens de la famille du mari. Or, si le modèle de la primogéniture commence à s’imposer au niveau royal ou princier à la fin du ixe siècle, résolvant ainsi l’épineux problème du partage des territoires qui a tant contribué affaiblir les Mérovingiens et encore les Carolingiens à la mort de Louis le Pieux, il n’est pas évident qu’il se pose dans les mêmes termes au niveau des élites locales. On peut certes imaginer qu’elles ont tendance à l’imitation des princes, mais pour peu qu’on se penche sur les pratiques les réponses sont loin d’être univoques, car modifier les comportements dans ce domaine est une œuvre de longue haleine, toujours remise en cause par les préjugés, les usages, la nécessité d’un échange équilibré entre les familles et les lignages4. Apparemment, il serait fallacieux d’introduire un bouleversement rapide et précisément daté et il vaudrait mieux privilégier une évolution graduelle, jamais complètement acquise et toujours tributaires de contingences particulières pas toujours discernables. À l’issue de la vie, la mort pose le même type de problèmes, car elle est l’occasion où peut s’exprimer le culte de la mémoire, au besoin entretenue par des fondations et donations pieuses, mais qui n’est pas sans incidence sur la transmission de l’héritage et du patrimoine5. Enfin les alliances personnelles, avec des engagements forts, comme l’amicitia, outre un rituel social et symbolique, peuvent aussi interférer dans la hiérarchie des pouvoirs, car leur existence sert de signe de reconnaissance et peut donc être interprétée comme un soutien appuyé qui renforce celui qui en bénéficie6. Les traits communs de ces travaux sont qu’ils nous incitent tous à la prise en compte des complexités sociales, avec des comportements à la fois prévisibles, car inhérents à la culture et aux mentalités médiévales, et contradictoires, voire aberrants, car guidés par des réactions spontanées à des situations particulières dont l’essentiel nous échappe. Néanmoins, pour l’étude des pouvoirs locaux, repérer dans quel type de réseaux ils s’insèrent, quelles alliances et quels pouvoirs ils supposent demeure fondamental.
9Le pouvoir local s’exprime aussi par un second axe, le contrôle d’un territoire. Il ne faut pas l’entendre seulement comme celui d’une aire précise, mais d’un ensemble parfois éclaté où on jouit de droits qui permettent d’y affirmer sa suprématie ou tout au moins sa supériorité, même si on la partage quelque peu avec d’autres. De nombreux travaux se sont consacrés à ces questions en tentant de mieux définir les formes de la supériorité politique et sociale et les modalités de son implantation matérielle. Là aussi les études ont d’abord porté sur une réflexion générale sur le pouvoir des élites, sur les processus d’encadrement mis en œuvre par les seigneurs et des chevaliers, et sur la pertinence de l’emploi de ces termes dès l’époque carolingienne. Comme toujours la réflexion globale sur les origines de la noblesse, relancée par Karl Ferdinand Werner, s’accompagne d’une description générale de ses fonctions politiques7. Mais, pour l’étude des pouvoirs locaux, les recherches les plus fructueuses, et aussi celles qui ont suscité le plus de polémiques, se situent aux échelons des hiérarchies régionales, avec un débat sur les origines de la chevalerie, sur le lien à faire entre les milites de l’époque féodale et leurs prédécesseurs carolingiens, sur l’existence d’une rupture sociale vers l’an mil qui se traduirait par l’ascension sociale d’un groupe de guerriers féodaux d’origine modeste8. La tendance à souligner cette mutation qui a longtemps prévalu et se retrouve encore chez certains historiens a pourtant été largement remise en cause, voire âprement combattue et l’historiographie actuelle tend de plus en plus à souligner les continuités politiques et sociales des élites locales, ce qui n’est pas pour surprendre dans un monde où la disparition politique d’un ordre carolingien, d’ailleurs souvent limité aux fonctions majeures et n’interdisant pas les dissensions locales, est vécue comme un déchirement9. L’inconfort politique qui naît de la disparition rapide, mais accidentelle, de plusieurs souverains carolingiens entre 877 et 888 favorise la naissance de principautés, mais oblige aussi les potentats locaux à une adaptation, en les poussant à la fois à s’insérer dans les nouvelles hiérarchies régionales, mais aussi à profiter des incertitudes de l’époque pour tenter d’acquérir de nouveaux avantages10. S’il est donc possible pour eux de négocier ou d’usurper de nouveaux pouvoirs politiques ou économiques, il est hors de question de permettre une quelconque révolution sociale qui les contraindrait à un partage du pouvoir ou de revenus dont ils escomptent bien profiter. L’instabilité qui se renforce ainsi dès le début du Xe siècle est beaucoup plus le fait de luttes d’influences entre « gens du même monde » que l’irruption soudaine dans les sphères politiques d’hommes nouveaux dont on comprendrait mal qu’ils n’arrivent que vers l’an mil alors même que la réadaptation politique essentielle a dû se faire un siècle auparavant.
10Contrôler un territoire, c’est aussi le définir géographiquement. Cela veut dire qu’il faut à la fois retrouver le ressort des diverses circonscriptions ou plus exactement l’aire d’action de chacun revendique en même temps que les lieux de pouvoirs, qu’ils soient résidence noble, établissement religieux, centre domanial, vicus, château, voire palais. La quête des centres locaux est une des pistes les plus fructueuses qui soit ; amorcée dans l’ouest par Jean-Pierre Brunterc’h, elle est fort utile pour retrouver les pôles secondaires actifs à l’époque carolingienne, cerner leur sort aux siècles suivants et vérifier s’il y a continuité ou transfert du pouvoir vers un nouveau lieu11. Cette enquête que certaines contributions de ce volume contribuent à nourrir permet ainsi de placer dans une plus juste perspective la naissance du château et la révolution châtelaine12. Les bourgs carolingiens aussi méritent l’attention car ils se perpétuent à l’âge féodal, conservant leurs fonctions de centres locaux d’artisanat, de marchés, de pôle religieux. C’est là bien souvent que les témoins des actes de donations se retrouvent, que le prêtre rédige, que les officiers contrôlent, prélèvent ou jugent. Mais nommer un petit pôle, lui attribuer des fonctions d’encadrement, n’est qu’une partie de la démarche ; il est plus satisfaisant encore de pouvoir y retrouver l’aspect matériel, le bâti avec les restes de résidences comme ceux des fortifications, les traces des activités locales ; en ce domaine l’apport de l’archéologie est inestimable13. Enfin autre piste prometteuse pour la recherche des pôles locaux, les légendes monétaires permettent de repérer nombre de petits centres, qui, s’ils ne sont pas des ateliers, ont introduit des monnaies sous le contrôle d’autorités ou de seigneurs locaux qui utilisaient cet avantage comme un des éléments de leur pouvoir. Cette quête s’arrête malheureusement aux premières années du xe siècle, les connaissances en matière de numismatique post-carolingienne étant encore bien incertaines14.
11La défense des patrimoines et des temporels qui fournissent l’assise économique des élites locales est le troisième axe essentiel. La question souffre ici du poids écrasant de débats et de modèles historiographiques, avec le grand domaine carolingien d’une part, la seigneurie d’autre part. Même s’ils ne sont que des catégories idéales, ils servent successivement pour analyser les viie-xe puis les xie-xiie siècles. Le premier, la villa met plutôt l’accent sur la propriété ou la domination foncière et propose une définition territoriale du pouvoir. La seigneurie qui lui succède chronologiquement présente un schéma plus complexe sous sa double forme banale et foncière15. Les historiens allemands ont de leur côté proposé une autre notion, la Grundherrschaft, qui grâce aux continuités plus évidentes en terre impériale entre le monde carolingien et la renovatio ottonienne qui s’en inspire, a permis d’éviter la césure brutale au xe siècle, mais ils hésitent aussi sur le contenu de ce modèle qu’il a fallu compléter et nuancer, en distinguant une alte Grundherrschaft qui cède le pas à une neuere Grundherrschaft au tournant des xiie et xiiie siècles16.
12L’historiographie du grand domaine est fort riche. On s’est penché sur sa naissance, sur la part qu’il a prise à la croissance du haut Moyen Âge. Les études sur les échanges patrimoniaux ont mis l’accent sur l’usage constant du pouvoir foncier pour maintenir sa position, acquérir des avantages matériels ou spirituels, établir des échanges avec ses pairs, ses supérieurs ou ses obligés. Adriaan Verhulst en faisant naître la villa avec la reprise de la croissance au viie siècle, pose le problème de l’union permanente entre un cadre supérieur, la villa, et les terres paysannes, aux noms divers, colonicae, factis, manses, sans pour autant cerner complètement la relation entre les deux : propriété, dépendance fiscale héritée du patronage antique ou circonscription d’autorité banale17 ? Problème récurrent, cette villa n’englobe pas toujours la totalité des habitants d’un territoire. Dès l’époque carolingienne, on a des cessions de terres, un marché foncier ainsi que des échanges patrimoniaux à l’intérieur même de la villa et le lien étroit entre une réserve et la tenure paysanne n’est pas forcément avéré18. La villa tendrait au contrôle du plus grand nombre possible de tenures et de paysans, mais pas forcément à un encadrement exclusif, tatillon et étriqué. L’exemple tourangeau est à méditer. Les documents comptables de Saint-Martin de Tours, juste avant l’époque carolingienne, se présentent sous la forme des listes de perceptions qui se contentent du nom du tenancier de chaque colonica et de sa redevance au titre de l’agrarium19. La pancarte de confirmation du temporel de cette même abbaye, établie par la chancellerie de Charles le Chauve après la disparition des archives dans la tourmente normande, comptabilise tout aussi sommairement les villas affectées à la mense conventuelle avec leur nombre de tenures20. Dans les deux cas, ce qui intéresse le monastère, ce n’est pas la description minutieuse des terres mais la rente, le revenu qu’elle peut en attendre et pour cela, on enregistre les hommes et les terres sur lesquels on a des droits et pas forcément la totalité des biens ou des habitants. Voilà donc une première piste à explorer, considérer la villa ou grand domaine, avec ses tenures, comme le cadre d’un revenu et d’une autorité.
13Mais la villa est aussi une réalité géographique qui se prolonge au-delà du modèle domanial. Dans l’hagiographie carolingienne ou féodale, dans les cartulaires, on repère toujours l’origine d’un homme ou la situation d’une terre par la villa, sans référence à un quelconque pouvoir local car la villa correspond alors au village ou au hameau avec son finage. De plus en plus, ces villas, qui se multiplient au fur à mesure que la documentation subsistante nous les révèle, tendent à englober la quasi totalité des populations rurales, attirées par l’église paroissiale et son cimetière. Cette villa territoire n’est pas non plus sous une autorité seigneuriale unique ainsi que l’indique la présence possible d’alleux, propriétés héréditaires en son sein21.
14Pour saisir la réalité de la villa, il faut donc conserver en permanence à l’esprit ce double aspect. À la fois territoire villageois qui fixe une communauté, mais aussi cadre de pouvoirs et de revenus, elle est une des unités de mesure des patrimoines qu’ils soient seigneuriaux ou ecclésiastiques. C’est pour cela que s’y pose la question des pouvoirs locaux et de leur éventuel partage, car on peut dans une villa ne détenir qu’une partie de la réserve, voire quelques tenures. Les détenteurs de nombreux manses qui vendent ou transmettent ceux-ci à des établissements religieux ne sont en général pas des modestes, mais plus souvent des rentiers du sol ou de la coutume, établis depuis plusieurs générations. Ils donnent leurs manses ou terres avec leurs exploitants, eux-mêmes paysans sédentaires, liés au détenteur du manse dans le cadre d’une coutume locale. Certes,ceux-ci ne sont pas tous libres, mais ils ont l’essentiel, l’assurance de demeurer sur leur terre dont ils assurent l’exploitation pour le compte d’un plus puissant qui attend une rente de leur travail.
15L’établissement de ces coutumes donne lieu à tout une comptabilité qui obéit à des principes communs. Les terres sont décrites, après procédure d’enquête contradictoire et la règle établie vaut pour un laps de temps assez long, ce qui n’empêche pas une négociation permanente pour tenter d’infléchir la règle au détriment des paysans ou au profit du seigneur. Ainsi de nombreuses donations ou transmissions de biens fonciers sont-elle assorties de clauses qui se réfèrent à ces droits ou à ceux qui pourraient apparaître localement, souvent par des formules du type quesitum et ad inquirendum qui renvoient à une connaissance strictement locale des usages et des perceptions. Malgré la tentative pour établir des polyptyques à l’échelle des grandes seigneuries ecclésiastiques, la plupart des terres ont conservé des coutumes particulières, dans la mesure où l’établissement d’une seigneurie unique sur une villa semble l’exception, même à l’époque carolingienne. Serait-on plus proche des réalités en imaginant un enchevêtrement complexe de pouvoirs et de propriétés dès le haut Moyen Âge ? C’est là toute la complexité de la question qui se retrouve aussi aux siècles ultérieurs.
16Cette seconde piste peut permettre le passage de la villa à la seigneurie. La permanence jusqu’au xie siècle d’une description des terres dans les mêmes termes, le maintien de coutumes de perceptions appuyées sur la détention d’une parcelle d’autorité ainsi que la continuité des pratiques et des comportements que révèlent les chartes signalent bien ce que les deux modèles du grand domaine et de la seigneurie exclusive peuvent avoir d’artificiel. Les échanges patrimoniaux se font encore et toujours dans le cadre de villas divisées en manses ; la permanence de liens entre tenures seigneuriales et tenures paysannes s’y retrouve, sans pour autant empêcher qu’il puisse y avoir plusieurs manses domaniaux en une même villa. On continue aussi à vendre, acheter, échanger, donner à des religieux ou céder avec une réserve d’usufruit des terres, mais aussi des droits sur des tenures paysannes, des coutumes ou des perceptions. Ceci ne manque pas de poser le problème de l’autorité. À quel titre un manse seigneurial détient-il des droits coutumiers sur certaines tenures et seulement sur celles-là ? Y aurait-il assez fréquemment un fractionnement du pouvoir local entre manses réputés seigneuriaux ? Le jeu des échanges et des concessions de pouvoirs ne conduit-il pas à une modification permanente de l’autorité locale qui n’arrive que rarement à établir une seigneurie unique ? Le pouvoir aristocratique dans une villa n’est souvent que partiel, même si le lignage dominant contrôle en général l’église. D’ailleurs quand il y a concentration des terres ou des pouvoirs, cela n’apparaît-il pas à un niveau supérieur, celui du château, de la vicaria, de l’ager qui dominent une aire plus étendue qu’une villa ? Enfin est-il besoin de mettre sous sa coupe la totalité d’un territoire pour y détenir la prééminence et le pouvoir réel ? Retrouver ces hiérarchies et ces points de contrôle est bien l’un des enjeux des pouvoirs locaux. Une première enquête en Champagne appuyée sur la documentation de Saint-Rémi de Reims montre une grande continuité des coutumes carolingiennes à la seigneurie qui est en place au tournant du deuxième millénaire, mais amène aussi à s’intéresser à la manière dont on a insensiblement glissé de la seigneurie domaniale appuyée sur des recensements de terre à un pouvoir surimposé plus politique ou banal22. D’autres réponses, forcément partielles et particulières, ont aussi été esquissées dans certaines régions, mais en privilégiant les espaces italiens et allemands23. À notre tour de les compléter entre Bretagne et Bourgogne, dans cette France du Centre et de l’Ouest où on commence aussi à poser les mêmes questions24.
17Insensiblement, on en vient à envisager plus la question du pouvoir que celle du territoire. C’est le dernier axe qui mérite l’attention, car il a fait l’objet de nombreuses recherches autour de l’exercice local de l’autorité, dont un des moyens les plus utilisés est l’affrontement contrôlé et l’usage d’une justice qui est à comprendre comme un élément d’une négociation pour s’affirmer localement plus que comme l’instrument d’un verdict, d’une sentence intangible. La société carolingienne comme seigneuriale est un monde faidal, c’est-à-dire où les conflits et leurs règlements occupent une part essentielle du temps des élites locales. Ce terme, dont l’usage pourrait être appelé à se répandre, permet de prendre en compte plusieurs traits qui façonnent le caractère et le comportement des élites locales comme ceux d’aristocrates d’un rang plus éminent. Derrière l’édifice apparent et en bonne part imaginaire de l’ordre carolingien, transparaît le substrat de la faide qui a sévi avant le milieu du VIIIe siècle, où le système vindicatoire, le sens de l’honneur, le code guerrier poussaient à des attitudes de menaces graduelles, à l’usage d’une violence latente et codifiée qui n’avait d’autre but que d’affirmer son pouvoir et son rang, mais qui pouvait à tout moment déraper vers une explosion réelle. La relative pacification qu’avaient introduit dans le système l’adhésion des élites au projet unitaire impérial ainsi que la présence des missi dominici s’estompe dès la mort de Louis le Pieux, lorsque la division du territoire remet au premier rang la nécessité de s’appuyer sur une clientèle qui peut dès lors davantage négocier son soutien en échange d’une autonomie locale, mais aussi, conséquence plus funeste, d’un retour aux conflits et aux tractations locales. La crise politique de 880/900 qui préside à la naissance des principautés s’accompagne d’une promotion des pouvoirs régionaux et locaux qui ne font qu’accentuer le phénomène, car les tenants de l’autorité locale se livrent plus facilement aux joies et aux affres des querelles qui faisaient le délice et souvent le malheur de leurs ancêtres quelques générations auparavant. En ce sens, quand l’ordre carolingien s’efface, ce sont des comportements anciens qui resurgissent et prospèrent dans le monde féodal. Comme l’ont montré nombre de travaux, maintenir la paix, toujours provisoire, et gérer les conflits toujours renaissants sont désormais deux faces d’une même réalité, celle du pouvoir local25. L’accent a été mis plus particulièrement sur deux aspects complémentaires. D’abord la justice, avec ses institutions et ses pratiques, ensuite les efforts pour garantir et obtenir la paix, toujours relative, d’un groupe noble que son idéologie, son éducation poussait à mettre les valeurs militaires, la force et la prouesse au pinacle26. C’est là le paradoxe même de la chevalerie carolingienne comme féodale, militaire, guerrière, protectrice, souvent imprévisible, et pourtant garante d’un ordre toujours relatif, qui la sert et qui justifie son existence.
18Au terme de cette introduction, on ne saurait prétendre avoir cerné toutes les questions, signalé tous les « bons auteurs ». Plus modestement, ce qui était visé, c’était de montrer les interrogations qui ont présidé à la naissance de cette journée sur les pouvoirs locaux puis à la mise en forme de ce recueil d’articles. Étudier les pouvoirs locaux a paru utile pour descendre le plus avant possible dans la complexité sociale et analyser le passage du monde carolingien aux temps féodaux, mais notre démarche ne prétend pas à l’exclusivité. Nombreux sont les historiens qui tentent de bâtir les fondations de cette histoire locale, politique, sociale, économique. Au lecteur de mesurer la pertinence et l’équilibre des quelques pierres que nous avons posées. On ne saurait clore sans remercier l’Université de Paris IV et notamment Dominique Barthélemy par le soutien scientifique et financier apporté à cette table ronde et à cette publication. Son aide a permis aux médiévistes manceaux, peu nombreux et donc aux moyens limités, de réaliser ce projet. Nos remerciements vont aussi à Monsieur le président de l’Université du Maine, Monsieur Henry, ainsi que la ville du Mans et au Conseil général de la Sarthe qui tous ont contribué à faire de cette journée mancelle une réussite et de cet ouvrage une réalité.
Notes de bas de page
1 R. Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc (viie-xe siècle). Essai d’anthropologie sociale, Paris, 1995. Eadem, Femmes, pouvoir et société dans le haut Moyen Âge, Paris, 2001. Ead., La société du haut Moyen Âge vie-ixe siècle, Paris, 2003.
2 Par exemple Ph. Depreux, Les sociétés occidentales du milieu du vie à la fin du ixe siècle, Rennes, 2002.
3 P. Toubert, « L’institution du mariage chrétien, de l’Antiquité tardive à l’an Mil », dans Morfologie sociali e culturali in Europa fra tarda Antichità e alto Medioevo, Spolète, 1998, Settimane 45, p. 503-553, repris dans idem, L’Europe dans sa première croissance. De Charlemagne à l’an mil, Paris, 2004, p. 249-281. Ibidem, « La théorie du mariage chez les moralistes carolingiens », p. 283-320, première parution dans Il matrimonio nella società altomedievale, Spolète, 1997, Settimane 44, p. 233-285. Ibidem, « Familles : le moment carolingien (viiie-xe siècles) », p. 321-356, première parution dans Histoire de la famille, C. Klapisch-Zuber et F. Zonabend (dir.), Paris, 1987, t. I, p. 333-359 et 618-620. P. Corbet, Autour de Burchard de Worms. L’Église et les interdits de parenté (ixe-xiie siècle), Francfort, 2001. F. Bougard, L. Feller, R. Le Jan éd., Dots et douaires dans le haut Moyen Âge, Rome, 2002.
4 R. Le Jan, « De la France du Nord à l’Empire. Réflexions sur les structures de parenté au tournant de l’an mil », dans P. Bonnassie, P. Toubert éd., Hommes et Sociétés dans l’Europe de l’An Mil, Actes du colloque international organisé par le collège de France, l’Université de Toulouse-Le Mirail et le Centre européen d’Art et de Civilisation médiévale (Conques, 19-21 mai 2000), Toulouse, 2004, p. 163-184. C. Amado, « La famille noble méridionale autour de 1000. Historiographie et perspectives », ibidem, p. 185-200.
5 C. Treffort, L’église carolingienne et la mort. Christianisme, rites funéraires et pratiques commémoratives, Lyon, 1996. M. Lauwers, La mémoire des ancêtres, le souci des morts. Mort, rites et société au Moyen Âge (diocèse de Liège, xie-xiiie siècles), Paris, 1996.
6 G. Althoff, Verwandte, Freunde und Getreue. Zum politischen Stellenwert der Gruppenbildungen im früheren Mittelalter, Darmstadt, 1990. Idem, Amicitiae und Pacta. Bündnis, Einung, Politik und Gebetsdenken im beginnenden 10. Jahrhundert, Hanovre, 1992. V. EPP, Amicitia. Zur Geschichte personaler, sozialer, politischer und geistlicher Beziehungen im frühen Mittelalter, Stuttgart, 1999.
7 K. F. Werner, Naissance de la noblesse. L’essor des élites politiques en Europe. Paris, 1998. Cf. également R. Le Jan éd., La royauté et les élites dans l’Europe carolingienne (du début du ixe siècle aux environs de 920), Lille, 1998. Eadem, « La noblesse aux ixe et xe siècles : continuités et changements », dans ead., Femmes, pouvoirs et sociétés, op. cit., p. 190-203. Ead., « Le haut Moyen Âge », dans Ph. Contamine, O. Guyotjeannin, R. Le Jan, Le Moyen Âge. Le roi, l’Église, les grands, le peuple, 481-1514, Histoire de la France politique, t. 1, Paris, 2002. O. G. Oexle, W. Paravicini, Nobilitas, Funktion und Repräsentation des Adels in Alteuropa, Göttingen, 1997.
8 D. Barthélemy, « La chevalerie carolingienne : prélude au XIe siècle » dans R. Le Jan, La royauté et les élites, op. cit., p. 159-175, plaide pour la continuité contra Ch. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges (Velay, Gévaudan) du viiie au xie siècle. La fin du monde antique ?, Le Puy, 1987, ou P. Bonnassie éd., Fiefs et féodalité dans l’Europe méridionale (Italie, France du Midi, péninsule ibérique) du xe au xiiie siècle, Toulouse, 2002.
9 G. Koziol, Begging Pardon and Favour. Ritual and Political Order in Early Medieval France, Ithaca/Londres, 1992. S. Reynolds, Fiefs and vassals : The Medieval Evidence reinterpreted, Oxford, 1994. D. Barthélemy, La mutation de l’an mil a-t-elle eu lieu ? Servage et chevalerie dans la France des xe et xie siècles, Paris, 1997. Idem, L’an mil et la paix de Dieu. La France chrétienne et féodale, 980-1060, Paris, 1999. Id., Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, Paris, 2004.
10 Parmi les études régionales récentes, certaines ont contribué à l’approche des pouvoirs locaux sous leurs divers aspects. Cf. entre autres, N.Y. Tonnerre, Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale (Nantais et Vannetais) de la fin du viiie à la fin du ixe siècle, Angers, 1994. É. Lorans, Le Lochois du haut Moyen Âge au xiiie siècle. Territoires, habitats et paysages, Tours, 1996. J. Martindale, Status, Authority and Regional Power. Aquitaine and France, 9th to 12th Centuries, Aldershot, 1997. P. Paravy dir., Des Burgondes au royaume de Bourgogne, ve-xe siècles, Grenoble, 2002.
11 J.-P. Brunterc’h, « Le duché du Maine et la marche de Bretagne », dans H. Atsma éd., La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850, Beihefte der Francia, t. 16/1, p. 30-82, avec un appendice des circonscriptions mineures du viiie au xe/xie siècles (Ouest et Sud de la Neustrie, Bretagne), p. 82-127, qui reste exemplaire.
12 Cf. ci après les contributions de A. Renoux et N.Y. Tonnerre.
13 L’Ile-de-France de Clovis à Hugues Capet du Ve au Xe siècle, Musée archéologique départemental du Val-d’Oise-Service régional de l’Archéologie d’Ile-de-France, Condé-sur-Noireau, 1993. A. Renoux éd., Palais médiévaux (France-Belgique). 25 ans d’archéologie, Publications de l’Université du Maine, Le Mans, 1994. Eadem éd., « Aux marches du palais ». Qu’est-ce qu’un palais médiéval ? Actes du viie Congrès international d’Archéologie médiévale, Le Mans-Mayenne, 9-11 septembre 1999, Publications du LHAM, Université du Maine, Le Mans, 2001. J. Burnouf, « Das 10. Jahrhundert in der archäologischen Forschung Frankreichs. Elemente einer vorläufigen Bilanz : Probleme, Ergebnisse, Diskussionen », dans J. Henning, Europa im 10. Jahrhundert. Archäologie einer Aufbruchszeit. Internationaler Tagung in Vorbereitun der Austellung « Otto der Grosse, Magdeburg und Europa », Mayence, 2002, p. 323-336.
14 P. Cockshaw, « Déterminants et déterminatifs aux noms de lieux mentionnés du vie au xive siècle », dans J.-M. Duvosquel, A. Dierkens éd., Villes et campagnes au Moyen Âge. Mélanges Georges Despy, Liège, 1991, p. 159-168. O. Bruand, « Circulation monétaire et pouvoirs politiques locaux sous les Mérovingiens et les Carolingiens (du viie au ixe siècle), dans L’argent au Moyen Âge, Actes du xxviiie Congrès de la Société des Médiévistes de l’Enseignement Supérieur public, Paris, 1998, p. 47-59. Idem, « Les qualificatifs de palatium, castrum et castellum sur les monnaies mérovingiennes et carolingiennes », dans A. Renoux, Aux marches du Palais, op., cit., p. 23-28.
15 Le volume La croissance agricole du haut Moyen Âge. Chronologie, modalités, géographie, Centre culturel de l’abbaye de Flaran, 10e Journées internationales d’Histoire, 1988, Auch, 1990, demeure essentiel avec les contributions de P. Toubert, « La part du grand domaine dans le décollage économique de l’Occident, (viiie-xe siècles), p. 53-86 (repris dans, idem, L’Europe dans sa première croissance…, op. cit., p. 73-115) et de A. Verhulst, « Étude comparative du régime domanial à l’Est et à l’Ouest du Rhin à l’époque carolingienne », ibidem, p. 87-101. Idem, The Carolingian Economy, Cambridge medieval textbooks, Cambridge, 2002. P. Toubert, « La question domaniale », dans L’Europe dans sa première croissance…, op. cit., p. 27-72, reprend en le réactualisant un article précédemment paru en Italien, « Le strutture produttive nell’alto Medioevo : le grandi proprietà e l’economia curtense », dans La Storia- I grandi problemi dal Medioevo all’Età Contemporanea, N. Tranfaglia et M. Firpo (dir.), Turin, 1988, p. 51-89. J.-P. Devroey, Études sur le grand domaine carolingien, Aldershot, 1993, qui reprend les articles les plus importants de ce spécialiste de la question et idem, Économie rurale et société dans l’Europe franque (vie-ixe siècles), t. 1, Paris, 2003.
16 F. Prinz éd., Herrschaft und Kirche, Stuttgart, 1988, et dans ce recueil on lira plus particulièrement l’article de L. Kuchenbuch, « Die Klostergrundherrschaft im Frühmittelalter. Eine Zwischenbilanz, p. 297-343. W. Rösener, « Die Grundherrschaft des Klosters Fulda in karolingischer und ottonischer Zeit », dans G. Schrimpf éd., Kloster Fulda in der Welt des Karolinger und Ottonen, Francfort, 1996, p. 209-224.
17 Pour une synthèse des travaux de cet auteur, A. Verhulst, Y. Morimoto éd., L’économie rurale et l’économie urbaine au Moyen Âge, Gand-Fukuoka, 1994, avec la synthèse de Y. Morimoto, « Autour du grand domaine carolingien : aperçu critique des recherches récentes sur l’histoire rurale du haut Moyen Âge (1987-1992) », p. 25-79.
18 R. Le Jan éd., Les transferts patrimoniaux en Europe occidentale, viiie-xe siècle, Mélanges de l’École française de Rome, 111, Rome, 1999. F. Bougard, L. Feller, R. Le Jan, éd., Dots et douaires, op. cit. Ces volumes sont extrêmement riches et presque tous les articles qui y figurent méritent le détour quand on veut s’intéresser aux pouvoirs locaux.
19 S. Sato, « L’agrarium : la charge paysanne avant le régime domanial, vie-viiie siècles », dans Journal of Medieval History, 24, 2 (1998), p. 103-125.
20 O. Bruand, « La villa carolingienne, une seigneurie ? Réflexions sur les cas des villas d’Hammelburg, Perrecy-les-Forges et Courçay », dans Liber Largitorius. Études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves réunies par D. Barthélemy et J.-M. Martin, Paris, 2003, p. 349-373, à la page 361.
21 Sur la question controversée des alleux, cf. deux contributions pour éclairer le débat : L. Feller, « Statut de la terre et statut des personnes. L’alleu dans l’historiographie depuis Georges Duby », dans Études rurales, 1997, 145/146, p. 147-164. C. Duhamel-Amado, « L’alleu paysan a-t-il existé en France méridionale autour de l’an mil ? », dans R. Delort, D. Iogna-Prat éd., La France de l’an mil, Paris, 1990, p. 142-161.
22 J.-P. Devroey, « Seigneurs et paysans au cœur de l’ancien empire carolingien de part et d’autre de l’an mil. Les seigneuries de Saint-Rémi de Reims (ixe-xie siècles), dans P. Bonnassie, P. Toubert éd., Hommes et sociétés dans l’Europe de l’an Mil, op. cit., p. 253-271.
23 Pour l’Italie, on peut citer C. Wickham, The Mountains and the City : the Tuscan Appenines in the early Middle Ages, Oxford, 1988. Idem, Land and Power. Sudies in Italian and European Social History 400-1200, Londres, 1994. F. Menant, Campagnes lombardes du Moyen Âge. L’économie et la société rurales dans la région de Bergame, de Crémone et de Brescia du xe au xiiie siècle, Rome, 1993. J.-P. Delumeau, Arezzo. Espace et société, 715-1230. Recherches sur Arezzo et son contado du viiie au début du xiiie siècle, Rome, 1996. L. Feller, Les Abruzzes médiévales. Territoire, économie et société en Italie centrale du ixe au xiie siècle, École française de Rome, Rome, 1998. Pour l’Allemagne, on verra G. Schrimpf, Kloster Fulda in der Welt der Karolinger und Ottonen, op. cit. M. Innes, State and Society in the early Middle Ages. The middle Rhine Valley 400-1000, Cambridge, 2000. Ph. Depreux, « L’apparition de la précaire à Saint-Gall », dans Les transferts patrimoniaux, op. cit., p. 649-673.
24 Pour l’espace de la France, on retiendra B. Rosenwein, To be the neighbour of Saint Peter : the social Meaning of Cluny’s Property, 909-1049. J. BARBIER, « Du patrimoine fiscal au patrimoine ecclésiastique. Les largesses royales aux églises au nord de la Loire (milieu du viiie-fin du xe siècle) », dans Les transferts patrimoniaux, op. cit., p. 577-605. L. Morelle, « Les actes de précaire, instruments de transferts patrimoniaux (France du nord et de l’est, viiie-xie siècle), ibidem, p. 607-647. On constate que ces travaux envisagent comme en Italie ou en Allemagne l’étude d’une région sur un laps de temps relativement long parce que ces auteurs privilégient en général une évolution progressive sur les ruptures brutales.
25 P. Geary, « Vivre en conflit dans une France sans État : typologie du mécanisme de règlement des conflits (1050-1200) », dans Annales ESC, 1986, p. 27-42, a posé le problème pour la période classique du Moyen Âge, alors que W. Davies et P. Fouracre, The Settlements of Disputes in the Early Medieval Europe, Cambridge, 1986, le faisaient la même année pour la période antérieure. D’autres travaux récents les ont complétés, cf. : K. Schreiner, G. Schwerhoff éd., Verletze Ehre. Ehrkonflikte in Gesellschaften des Mittelalters und der frühen Neuzeit (Norm und Struktur), Cologne-Weimar-Vienne, 1995. G. Halsall éd., Violence and Society in the Early Medieval West, Londres, 1997. Le règlements des conflits au Moyen Âge. Actes du xxxie Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public (Angers, 2000), Paris, 2001. D. Barthélemy, « La paix de Dieu dans le monde de la faide », dans P. Bonnassie, P. Toubert éd., Hommes et sociétés dans l’Europe de l’an Mil, op. cit., p. 307-315.
26 Pour l’étude de la justice, cf. F. Bougard, La justice dans le royaume d’Italie de la fin du viiie au début du xie siècle, Rome, 1995. La Giustizia nell’alto medioevo (secoli v-viii), Settimane di Studi Sull’alto Medioevo, 42, Spolète, 1995. La Giustizia nell’alto Medioevo (secoli ix-xi), ibidem, 44, Spolète, 1997. B. Lemesle éd., La preuve en justice, de l’Antiquité à nos jours, Rennes, 2003. Pour la recherche de la paix, outre D. Barthélemy, L’an mil et la paix de Dieu, op. cit., on peut aussi voir S. White, « Feuding and Making Peace in the Touraine around the year 1000 », dans Traditio, 42, 1986, p. 195-263. Idem, « Tenth-Century Courts at Mâcon and the Perils of Structuralist History : Rereading Burgundian Judicial Institutions », dans W.C. Brown, P. Gorecki éd., Conflict in Medieval Europe, Ashgate, 2003, p. 37-68.
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