Donner corps à un pouvoir local
La politique des reliques selon Teodoro Trivulzio
p. 97-108
Texte intégral
1Pour reprendre la belle formule de Philippe Boutry, une nouvelle relique en un lieu est une « page blanche où s’inscrit librement la piété des fidèles1 ». En terre catholique, chaque acheminement de corps saint donne lieu à des récits, sur la relique, sur le saint, et d’abord sur son transfert. Le donateur de la relique est célébré en chaire pour avoir œuvré au salut commun. La communauté lui voue une « immortelle gratitude ». Une dette a été contractée sans que le donateur puisse être payé en retour, puisque la valeur du corps ne peut être chiffrée dans aucune monnaie terrestre. Ainsi, la relique est l’un des objets par lesquels un individu peut établir ou conforter sa domination sur telle ou telle communauté. Elle permet au patricien milanais Teodoro Trivulzio (1597-1656) de renforcer son emprise sur un large territoire, comme on peut le saisir par une série de dossiers produits par la chancellerie épiscopale de Milan. Selon l’injonction de Trente, un clerc délégué par l’archevêque est chargé de certifier l’authenticité des reliques à leur arrivée dans la province lombarde, puis de contrôler leur passage de mains en mains, avant d’autoriser leur vénération publique. La documentation produite à cet effet, formée d’actes notariés de donation entre vifs, est un précieux indicateur de la définition sociale de la relique authentique à l’époque moderne2.
Reliques : du collectionnisme élitaire à une approche dynamique et territoriale du pouvoir local
2L’observation d’une politique distributive met en évidence les apports de la collection de reliques pour l’histoire des élites modernes. Elle décrit l’exercice du pouvoir local sous un angle territorial, en prenant en compte différentes strates de cette géographie politique : ecclésiastique, juridictionnelle et féodale. Cette approche dynamique se distingue aussi de l’histoire du collectionnisme, filon plus classique pour l’étude des reliques. Les trésors de corps saints ont le plus souvent été étudiés comme les garants de la stabilité spirituelle et identitaire d’un lieu, d’une communauté ecclésiastique ou un pouvoir princier. La permanence, pour ne pas dire la caducité associée aux reliques (ce qui reste : reliquiæ), a d’ailleurs été à l’origine d’une longue désaffection des historiens modernistes pour cet objet3. Ceux-ci ont longtemps été tributaires de l’idée, magistralement exposée par Krzysztof Pomian, d’un basculement de la collection au début de l’époque moderne, des objets sacrés aux objets profanes, tels que les tableaux, les livres, les médailles et les naturalia4. La collection particulière naîtrait par opposition au trésor, selon les deux critères de l’individualisation et de l’évaluation marchande de la valeur de ses pièces. Mais, comme l’a souligné Katie H. Harris, la distinction entre trésor et collection doit être nuancée, car elle sous-estime les calculs individuels, stratégiques et marchands, dans la thésaurisation des corps saints5.
3Depuis quelques années, un nombre croissant de travaux étudie les ressorts de la circulation des reliques. L’enjeu de ces recherches est moins l’inventaire de collections que la compréhension de leur formation. Dans la monarchie hispanique, à laquelle appartient le duché de Milan, le collectionneur de reliques par excellence est Philippe II. Le trésor de corps saints que le souverain forme à l’Escorial tient une place cruciale dans la reformulation de l’identité locale et collective espagnole : la sélection opérée, dans la péninsule ibérique et au-delà, contribue à définir le « corps » de la monarchie et les rapports de Madrid avec le monde6. Toutefois, cette approche reste une variante de l’histoire des collections, définie principalement par l’unité de lieu. Appliquée aux reliques, cette histoire se porte en particulier sur les cadeaux diplomatiques de reliques et sur les commandes passées par des princes et de nobles personnages, pour l’ornement de chapelles ou la fabrication de reliquaires7. Dans le cas du Milanais, des historiens de l’art ont pu montrer l’existence d’un mécénat élitaire autour des reliques, commun aux patriciens, qu’ils soient « naturels » (nés dans une famille lombarde de souche) ou Espagnols et récemment parvenus dans le duché. Teodoro Trivulzio est de leur nombre. Dans l’étude minutieuse d’Alessandra Squizzato, la collection des reliques apparaît comme l’une des facettes d’un mécénat éclatant, qui comprend les commandes de portraits, de tableaux, de gravures, d’objets d’orfèvrerie ; et le financement de chantiers, dans les résidences de la famille et des églises de Milan et du Milanais8.
4Peut-on réduire l’engouement d’un noble pour les reliques à l’aspect d’un « mécénat », c’est-à-dire à la confirmation éclatante d’une stature sociale et politique qui lui préexiste ? Constamment rattachée aux relations du donateur, la collection de reliques de Teodoro Trivulzio présente l’intérêt d’être celle d’un tout jeune homme. Sa puissance est à la fois héritée et encore en devenir, à l’image de la relique à son arrivée à Milan.
Les territoires de la relique, entre héritages et invention de soi
Portrait d’un patricien à ses débuts
5Le parcours de Teodoro Trivulzio est une succession étourdissante de titres et de charges : chef du lignage des seigneurs de Melzo, il reporte le nom des Trivulzio au rang qui a été le leur au début du xvie siècle, à l’époque de Gian Giacomo, le fameux « Grand Trivulce9 ». Une vue rapide sur sa carrière suffit à donner une idée de la stature du personnage et de son habileté à obtenir des gratifications de Rome et de Madrid, les deux centres pourvoyeurs d’offices pour un Milanais. Après avoir été élevé au rang de comte et de prince, possessionné respectivement à Melzo et à Mesocco, en 1622, le jeune patricien se tourne vers Rome. Quelques années séparent son entrée dans la carrière ecclésiastique, en 1625, par l’acquisition d’un cléricat de la Chambre apostolique, de son élévation au cardinalat, en 162910. La faveur de Madrid rejoint vite celle de Rome. En 1636, dans les mois qui suivent l’entrée en guerre directe de la couronne d’Espagne contre la France, Trivulzio intègre le conseil secret du gouverneur, représentant du roi en Lombardie. Après avoir exercé les plus hauts commandements militaires dans le Milanais, à la fin des années 1630, il gouverne plusieurs possessions italiennes de la couronne d’Espagne, en Aragon, en Sicile et en Sardaigne, au cours de la décennie suivante. La consécration de sa carrière est sa nomination comme gouverneur par intérim du Milanais, dans les derniers mois de sa vie, en 1655-1656, alors que la charge n’est, d’ordinaire, jamais dévolue à un « naturel ».
6La figure hiératique du Massimo Trivulzio (plus grand encore que le « Grand Trivulce » !) commande toutes les études qui lui sont consacrées. Pourtant, avant d’être l’un des prélats cuirassés du xviie siècle, Teodoro est un jeune seigneur laïc. À la fin des années 1610, il n’est encore que le fils d’une grande famille, qui doit trouver sa manière de recueillir l’héritage familial et de l’amplifier. Tout n’est pas donné, pas même à un fils Trivulzio. La donation de reliques est l’une des « épreuves de noblesse » d’un jeune homme bien né, par lesquelles il se saisit de ses héritages et s’emploie à confirmer la place éminente de sa famille11. À Milan, il n’existe pas de livre d’or qui donne la liste des maisons nobles, ni de critères univoques pour définir les contours de la noblesse. Par conséquent, le statut de patricien se gagne et se maintient par une série de « voies de distinction12 », communes aux bonnes familles et discriminantes entre elles. La collecte et la distribution de reliques est l’une de ces pratiques distinctives. Elles contribuent à un apprentissage politique, au même titre que la tutelle d'un cousin, jeune prince de Castiglione delle Stiviere, Luigi Gonzaga, et que la résolution d’une révolte rurale13.
7Au-delà de l’association générale entre don de reliques et noblesse, peu surprenante en soi, l’intérêt de cet exemple tient à une série de traits singuliers et de choix propres au collectionneur. L’analyse se déploie donc entre généralisation et étude de cas : elle propose un schéma nobiliaire de grande donation de reliques, tout en mettant en évidence les spécificités d’une expérience de la noblesse, à l’âge des choix cruciaux.
Les reliques d’un jeune héritier : le filon mantouan
8La distribution de reliques confirme le statut d’héritier de Teodoro Trivulzio. Né en 1597, le jeune patricien acquiert des ossements de saints entre la fin des années 1610 et le milieu des années 1620. Il est le fils aîné d’un patricien milanais, Carlo Emanuele Trivulzio (1578-1605), seigneur de Melzo, et de Caterina Gonzaga, originaire du Mantouan14. Après la mort de son unique frère Alfonso, en 1613, tous les espoirs de son lignage reposent sur lui.
9Les reliques mettent en évidence les héritages dont Teodoro se saisit de manière prioritaire : d’abord ses liens avec Mantoue. Sa mère, Caterina, est la fille d’Alfonso, marquis de Castel Goffredo, de la branche des Gonzaga de Castiglione delle Stiviere, c’est-à-dire l’une des petites maisons Gonzaga possessionnées dans des bourgs du Mantouan15. Les premières reliques collectées par Teodoro, en 1617, deux crânes de martyrs romains, proviennent des catacombes de Rome, mais elles sont acquises à Castiglione delle Stiviere, située une centaine de kilomètres environ à l’est de Milan, et à vingt kilomètres au nord-est de Mantoue16. Comme le souligne le détour de ces reliques par le Mantouan, le jeune noble milanais ne dispose pas encore des relais nécessaires pour les obtenir directement à la source romaine. Le donateur est le recteur du collège jésuite de Castiglione. Choix avisé : les pères de la Compagnie de Jésus sont des pionniers sur le marché reliquaire qui s’ouvre à Rome dans le dernier quart du xvie siècle17. Fils d’une excellente famille, Teodoro Trivulzio a droit à deux crânes, reliques insignes selon les classifications canoniques.
10Le recteur de Castiglione est d’autant mieux disposé envers Trivulzio que ce dernier est apparenté au bienheureux jésuite Louis de Gonzague (1568-1591), cousin de sa mère, Caterina18. Aîné du marquis de Castiglione delle Stiviere, Louis de Gonzague aurait dû succéder à son père, mais renonce à ses droits pour entrer dans la compagnie de Jésus. Il meurt à Rome jeune, en réputation de sainteté. Avant même sa béatification, en 1605, des fragments sont prélevés sur sa dépouille, à Rome, et distribués « à diverses églises d’Italie », en Pologne et « aux Indes19 ». Les capucins de Castiglione reçoivent un fragment de sa jambe, dont une partie est concédée à Teodoro Trivulzio, en 161720.
11Dans la collection de Trivulzio, cette relique corporelle du bienheureux vient s’ajouter à une relique de contact, obtenue avant 1616, probablement dans sa famille, du côté maternel. Il s’agit d’une partie du montant du lit de Louis de Gonzague à Castiglione delle Stiviere. Teodoro remploie ce morceau de bois en cadre d’un pieux tableau (un Christ flagellé), qu’il donne en 1616 à la chapelle familiale de l’église de San Sebastiano de Milan, parmi d’autres parements et ornements. Comme le signale l’inventaire dressé à cette occasion, cette relique est le vestige d’un incendie auquel le bienheureux a réchappé par miracle dans sa chambre de Castiglione. Cet accident domestique l’a confirmé dans sa vocation religieuse21. Relique de famille s’il en est : il faut être un parent du bienheureux pour détenir une relique attachée à un moment domestique de sa vie édifiante, antérieure à son entrée dans la Compagnie.
12Après 1617, Trivulzio acquiert encore un grand nombre de corps saints, en provenance des catacombes de Rome – j’y reviendrai. À peine ce trésor est-il collecté qu’il est remis en circulation, au bénéfice d’au moins vingt-neuf communautés identifiées dans les procès de la Curie milanaise. La carte de la distribution met à nouveau en évidence les lignes de force de la géographie familiale, cette fois-ci en direction de l’héritage paternel et milanais.
Distribution et Stato Trivulzio
13À la différence des alliances et des charges des grandes maisons modernes, l’histoire territoriale de la domination nobiliaire reste souvent mal connue : c’est le cas pour les Trivulzio22. Or la distribution des reliques permet de cartographier le socle territorial, à la fois hérité et construit, sur lequel un noble, grand propriétaire foncier et seigneur, fonde sa carrière. Entre 1618 et 1626, et particulièrement entre août 1625 et septembre 1626, Trivulzio inonde un large Milanais de reliques. Vingt-neuf dons sont enregistrés par un notaire de l’archevêché, au sein desquels on peut distinguer quatre ensembles principaux :
- 4 dons à des particuliers qui résident à Milan23 ;
- 3 dons à des églises de Milan24 ;
- 2 autres à des collèges jésuites lombards (Novare et Alessandria)25 ;
- 20 dons à des églises rurales lombardes26.
14Le premier trait saillant du territoire couvert est son caractère majoritairement rural, alors que les églises de Milan se taillent d’ordinaire la part du lion à l’arrivée d’un stock de corps saints en Lombardie. Original dans son systématisme, ce choix s’explique par l’ampleur des propriétés foncières des Trivulzio dans les alentours de Milan27. Teodoro fait le choix d’orienter les donations vers les terres de la famille.
15Quand aucune carte ne donne une vue claire de ce territoire, situé dans la basse plaine lombarde, entre le Milanais et la région de Lodi, les dons de reliques font surgir un petit nombre de lieux et les relient entre eux. Trois zones de concentration soulignent l’assise foncière de la puissance familiale. Un premier groupe de lieux bénéficiaires, situés à environ 20 à 30 km au nord-est de Milan, comprend Melzo et cinq autres petits bourgs (du nord au sud : Trezzo sull’Adda, Inzago, Albignano, Truccazzano et Liscate), qui appartiennent au bassin de l’Adda, un affluent du Pô. Deuxièmement, à 45-50 km au sud-est de Milan, les reliques se portent en nombre vers Codogno et Castiglione, dit aujourd’hui Castiglione d’Adda, aux alentours de Lodi. Enfin, à l’ouest de Milan, les dons de reliques dessinent une couronne de bourgs qui prend en écharpe Milan à une distance de 10-20 km, depuis Cantalupo au nord, jusqu’à Locate, dénommé aujourd’hui Locate di Triulzi, en passant par Castelletto, Vermezzo, Rosate et Basiglio.
16Comme les propriétés de la famille, la donation est structurée autour des bassins des trois grands cours d’eau de la région, le Tessin à l’ouest, le Pô au sud et l’Adda à l’est. À titre d’exemple, les Trivulzio ont des terres autour du bourg de Codogno, à environ cinquante kilomètres au sud-est de Milan, depuis le milieu du xve siècle au moins. Or la région reçoit trois dons de reliques, en 1625 et 162628.
17Dans un même ordre d’idées, les reliques consolident un pouvoir féodal hérité et accompagnent son accroissement. Teodoro est à la tête de deux fiefs en 1618 : Melzo et Maleo (dont dépend le bourg de Codogno), situés à l’est de Milan, entre l’Adda et le Pô, dans le berceau de la puissance familiale29. Comme on l’a dit, Trivulzio obtient en 1622 le diplôme de prince d’Empire, possessionné à Mesocco et dans la Val Mesolcina, au nord de la Lombardie. Mais il se soucie surtout de renforcer l’assise féodale traditionnelle de la famille. Une fois son titre de comte de Melzo reconnu officiellement par la couronne en 1622, il obtient la reconnaissance de ses droits seigneuriaux sur Gorgonzola et sa région en 162330. Entre le Pô et l’Adda, Teodoro est à la fois le propriétaire et le seigneur, représenté par des podestats. Ses vassaux-métayers lui prêtent allégeance, lui versent des loyers et lui doivent une série de taxes. La distribution de reliques aux lieux inféodés à la famille est l’une des stratégies suivies par le jeune comte pour renforcer son ascendant dans les alentours de Milan.
18Melzo, attaché au nom de son lignage et lieu de sa principale résidence de campagne31, a droit à un traitement de faveur. Deux de ses premières acquisitions de reliques y vont pour totalité ou pour partie. Teodoro y expédie les deux crânes des saints romains déjà évoqués, Iovinus et Felicitas, en 161832 et, en 1624, d’autres reliques de martyrs des catacombes, dont le corps entier de saint Iulius33. Quand la distribution de reliques est élevée par Trivulzio au rang d’art, le premier bénéficiaire de ses largesses est la collégiale de Sant’Alessandro de Melzo, en signe patent de la centralité du bourg dans la géographie familiale34. Les lieux qui viennent d’être inféodés sont eux aussi bien servis dans la grande donation. En 1625, la distribution de reliques à l’église paroissiale d’Inzago scelle par exemple le rattachement au Stato Trivulzio de Gorgonzola et de ses dépendances, acquis deux ans auparavant35.
19La cohérence territoriale de la distribution est soulignée par le partage de mêmes corps saints entre plusieurs bénéficiaires. Le 15 septembre 1625, les trois églises paroissiales de Liscate, d’Albignano et de Truccazzano (trois bourgs voisins, situés à 3-4 kilomètres l’un de l’autre) reçoivent des mains de Teodoro Trivulzio quasi les mêmes fragments de reliques, pris sur les corps des mêmes martyrs romains. Les dons ont lieu au palais Trivulzio de Milan, de sorte que les curés des trois bourgs, procureurs de leur communauté, sont au fait de ce partage36. La scène de donation rend manifeste la source unique du salut communautaire : Rome, par l’intermédiaire de leur propriétaire et protecteur. Les paroissiens savent aussi, probablement, quelle église a été la plus favorisée dans la distribution, à quelques fragments près : dans ce cas, San Michele Arcangelo de Truccazzano. Une telle donation alimente l’identité commune des habitants de ces lieux, leur sentiment de dépendance vis-à-vis d’un même grand propriétaire, mais aussi l’émulation à acquérir de nouvelles reliques.
20Le balisage du territoire familial par les reliques porte donc à une concentration des dons, par opposition à la logique d’ordre (leur distribution au sein d’une même congrégation religieuse), qui peut conduire à leur dissémination sur de très longues distances. Seuls huit des vingt-neuf remises enregistrées par la chancellerie portent vers des églises régulières : trois collèges jésuites (Milan, Novare et Alessandria)37 ; trois églises situées des lieux inféodés à la famille (Melzo et Codogno)38, et deux dons, hors normes, ou encore à expliciter, destinés aux clarisses de San Bernardino alle Monache de Milan et aux franciscains de Galbiate. En général, les ordres religieux se distinguent par leur capacité plus grande que les paroisses à capter les reliques. Mais le donateur, puissant patricien, ne se laisse pas commander par leurs attentes : maître de son trésor, Trivulzio l’emploie à fructifier le capital familial, de terres et de relations, dans le Mantouan et le Milanais39.
Changement de cap : le pari romain
21Si Trivulzio use de ses reliques en héritier, il commence aussi à inventer sa place propre dans le lignage : à Rome, qui n’est ni un lieu balisé par la famille40 ni celui où il doit faire carrière a priori. L’acquisition de la plupart des reliques à la source romaine jette une lumière intéressante sur son choix inattendu de la prélature.
Reliques et choix de carrière
22En 1618, Teodoro Trivulzio a 21 ans et il n’a pas encore accompli grand-chose. Il a surtout fait un beau mariage, en 1615, avec Giovanna Grimaldi, fille du seigneur de Monaco41. Ses titres honorifiques de chevalier de l’ordre de Saint-Jacques et de capitaine des milices équestres dans le duché de Milan récompensent les prouesses militaires de son père, Carlo Emanuele, mort en héros dans les Flandres en 160542. La logique successorale voudrait que Teodoro suivît les traces de son père dans le commandement militaire. Une circonstance lui permet d’embrasser une carrière à laquelle il n’est pas destiné. En 1620, sa femme meurt, peu après lui avoir donné un fils, Ercole. À près de trente ans, en avril 1625, Trivulzio acquiert un cléricat à la Chambre apostolique et pose le premier jalon d’une carrière curiale43. Aucune source directe ne permet de saisir les raisons de ce choix. En revanche, une comparaison entre les deux acquisitions de reliques à Rome, en 1624 et 1625, souligne l’ambition résolue avec laquelle Trivulzio entre en prélature.
À la conquête de Rome
23Entre 1625 et 1629, le prince milanais passe sans coup férir des ordres mineurs au cardinalat44. Son capital social de départ lui épargne jusqu’à l’apparence d’un cursus honorum – Gianvittorio Signorotto a observé la même absence de parcours standard dans sa carrière civile, entamée en Lombardie au milieu des années 163045. Mais la vertu d’un nom ne fait pas tout. Trivulzio se voit reconnaître par ses contemporains une énergie infatigable46, beaucoup plus difficile à saisir pour l’historien que la liste grandiloquente de ses titres. La collecte de reliques est un observatoire de choix de cette puissance d’action. Dans les années 1620 en effet, la distribution des reliques des catacombes n’est pas encore une routine bureaucratique réglée par le cardinal-vicaire et le sacriste pontifical, comme elle le devient à partir du milieu du siècle47. Elle repose sur l’habile mobilisation de contacts.
24En outre, à cette date, les reliques des martyrs romains sont encore distinctives d’une étroite élite, formée de prélats et de princes, donc, à ce titre, hautement désirables. Le petit nombre d’individus qui en bénéficient forment le who’s who de la Cour de Rome. À l’origine des deux collectes de Trivulzio, en 1624 et en 1625, il y a deux importants prélats, respectivement un nonce, Innocenzo Massimo, et un cardinal, également diplomate, Alessandro Orsini.
25En 1624, Teodoro Trivulzio ne fait pas encore partie du monde de la Curie, de sorte que les reliques lui parviennent au bout d’une longue chaîne48. Il les reçoit du provincial d’un ordre, le franciscain Giovanni Felice Luzago, ce dernier les ayant acquis à Rome d’un fouilleur des catacombes, employé par Innocenzo Massimo à extraire « ses » reliques. Le nom de Teodoro Trivulzio figure au même niveau de la chaîne de transmission que celui d’un obscur père gardien lombard, Daniele Vailati da Crema. Il est vrai que Trivulzio ne se déplace pas en personne pour cette affaire mineure : les reliques sont reçues dans la sacristie de San Francesco de Milan par Vitale Cattaneo, son secrétaire et homme de confiance49.
26Un an plus tard, les reliques sont acquises directement à la source. En juin 1625, les corps des martyrs des catacombes sont donnés à Trivulzio par Alessandro Orsini, bénéficiaire d’une licence universelle d’extraction50. Ce changement est corrélé à l’entrée du Milanais dans la carrière ecclésiastique et à son déménagement à Rome. Or la donation de reliques livre de précieux détails sur sa nouvelle implantation romaine. Son procureur, dépositaire temporaire de ses reliques, est un personnage insigne au sein de la Compagnie de Jésus : Nicola Zucchi, confesseur du cardinal Orsini et mathématicien51. Le jésuite met les os en caisse dans le palais du cardinal Verallo, où réside Teodoro Trivulzio, en présence de deux Milanais52. C’est probablement à la faveur de cette démarche que Trivulzio rencontre Zucchi, natif de Parme, ancien recteur du collège de Ravenne, également nouveau venu à Rome.
27But en soi, la collecte de reliques est aussi un moyen d’élargir le cercle de ses connaissances. Elle est l’une des « occasions de rencontre » associées aux ressources de Rome (tribunaux, établissements de bienfaisance, collèges et séminaires, etc.), dont Eleonora Canepari a justement souligné l’importance pour la compréhension de la sociabilité de la ville53. Avant d’établir un lien entre le donateur et une communauté bénéficiaire, la relique crée ou confirme des rapports de proximité au point de provenance, en l’occurrence la familiarité de Trivulzio avec un cardinal et avec un jésuite donné. Cette observation vaut en particulier au début du xviie siècle, quand l’acquisition des reliques à Rome repose encore sur des liens informels, et non sur un iter bureaucratique réglé.
28Quelques semaines plus tard, en août 1625, la dissémination des reliques en Lombardie débute par un don à la collégiale de Melzo. Le message est clair : la carrière romaine choisie par Trivulzio ne l’éloigne pas du Milanais, substrat de son pouvoir. Or la jonction entre la Lombardie et Rome est assurée par le palais Trivulzio de Milan, point d’entrée des reliques et lieu de leur distribution. Resserrons à présent l’observation sur la donation à proprement dit.
Les reliques « Trivulzio »
29Aujourd’hui disparu, le palais des Trivulzio seigneurs de Melzo domine à l’époque moderne la contrada della Signora, à quelque cinq cents mètres de la cathédrale et des édifices centraux de Milan54. C’est là que le trésor des reliques est déposé, dans l’attente de sa distribution.
Les reliques au palais
30En 1618, un chanoine de la cathédrale vient examiner les premiers os collectés par Teodoro Trivulzio où il les conserve d’ordinaire, dans sa chambre55. La règle générale veut que les reliques soient conservées sous un autel ou dans la sacristie d’une église, mais elle souffre de nombreuses exceptions, surtout au bénéfice de nobles personnages. La latence des reliques au palais vaut aussi en 1624 et 162556.
31La propriété privée des reliques est soulignée par l’apposition de sceaux sur les reliquaires. Par exemple, le bras-reliquaire destiné aux capucins de San Giorgio de Codogno, qui contient un os du martyr romain Firmus, est scellé de deux sceaux du prince en cire de couleur verte57. Sans être une invention moderne, l’« héraldisation du sacré58 » sort renforcée de l’intense circulation de corps saints à partir du second xvie siècle. Le sceau est l’équivalent de la marque apposée par les marchands sur leurs caisses, pour faciliter leur traçabilité pendant le transport et leur reconnaissance au point d’arrivée. Si la donation à une église reste l’horizon d’attente, dans l’intervalle entre arrivée et distribution, les reliques appartiennent à Teodoro Trivulzio.
32Or le dépôt des reliques dans le palais Trivulzio accroît encore leur valeur aux yeux des bénéficiaires. Que les reliques aient été fournies par un franciscain lombard ou par un cardinal romain, peu importe au final. Dans des donations secondes, le nom de Teodoro Trivulzio recouvre toutes les étapes antérieures à leur arrivée à Milan : la seule provenance digne d’être retenue est le palais Trivulzio59.
Unité de lieu et différenciation sociale
33Recevant les bénéficiaires chez lui, le prince règle les conditions de la distribution. Le lieu exact de la remise, rez-de-chaussée ou étage, est un facteur de distinction entre les bénéficiaires. Cette distinction dépend du degré de familiarité entre les deux acteurs de la donation. Sont limités au rez-de-chaussée les individus qui n’ont aucun rapport personnel avec le prince, qui sont là en tant que représentants du lieu bénéficiaire, par exemple le prévôt de la collégiale de Melzo, les curés de Liscate et de Truccazzano et le gardien du couvent capucin de Codogno60. En revanche, Bassiano Passamonte, qui reçoit les reliques destinées à la confrérie des disciplinés de Castiglione Lodi, est accueilli à l’étage le 5 septembre 1625, car il s’agit d’un familier de Teodoro Trivulzio61. Protonotaire apostolique et docteur in utroque, il figure comme témoin de nombreux autres dons. La même observation vaut pour Alessandro Panigarola, dont les qualités ne sont pas déclinées : il est à la fois intermédiaire pour la paroissiale de Vermezzo et témoin62.
34Les trois individus bénéficiaires des reliques en leur nom propre sont reçus sans surprise à l’étage. Parmi eux, on identifie bien le chevalier Vitale Cattaneo, agent habituel du prince pour de nombreuses affaires, entre Milan et Mantoue, et son secrétaire particulier63. Un second bénéficiaire remarquable est Federico Landi, prince de Val di Taro, l’oncle de son épouse décédée, Giovanna Maria Grimaldi64. Le dernier bénéficiaire privé, en revanche, est un cas équivoque. Giorgio d’Adda (?-1661), déjà nommé, est reçu une fois à l’étage et une seconde au rez-de-chaussée65. Le cardinal se montre généreux envers lui, en lui accordant deux fois des reliques romaines. Les actes notariés soulignent sa qualité de chevalier de l’ordre de Malte. Pourtant, Giorgio d’Adda, prompt à donner à son tour ses reliques « Trivulzio66 », reste à cheval entre deux mondes. Contribuant à construire une notabilité locale, l’acquisition de reliques oscille entre succès et déconvenues.
Conclusion : jusqu’où va le calcul politique ?
35La distribution de reliques organisée par Teodoro Trivuzio est décrite méthodiquement par des papiers de chancellerie, actes notariés qui ne parlent pas la langue habituelle de la ferveur. Les données politiques en sont claires : l’arrivée du patricien à la Curie coïncide presque exactement avec la plus grande collecte de reliques. La diffusion se porte avant tout vers les terres de la famille. L’entrée de ce fils de soldat dans la carrière ecclésiastique semble motivée par des raisons plus stratégiques que spirituelles, quand Madrid ne lui donne pas (pas encore) de charges à la hauteur de son nom. Au terme de sa carrière éclatante, vers 1650, sa réputation est équivoque : foi douteuse, soupçons de sympathies philo-françaises, accusations de cupidité et d’arrivisme67. La relique est le support idéal pour mettre à nu son avidité. D’après un chroniqueur de Cagliari, Teodoro Trivulzio aurait volé des corps saints pendant son gouvernement en Sardaigne, entre 1649 et 1651 : l’épisode est douteux, mais fondé au moins dans l’appétit de pouvoir avéré du cardinal-prince68.
36Une lecture rigoureusement stratégique de la grande donation de 1625-1626 achoppe pourtant à l’indécidable de la sincérité de Trivulzio dans sa vocation de prélat. Entre le pur calcul et la ferveur désintéressée, un panégyrique publié à Milan en 1630 propose une définition de la foi qui est sans doute la plus proche de celle du patricien lombard. À l’occasion de son élévation au cardinalat, le collège des jurisconsultes célèbre la piété du juriste et de l’homme d’action, qui accomplit des actions en direction du plus grand nombre d’hommes, et au plus juste69. Le don de reliques illustre un sens élitaire de la distribution des bienfaits spirituels. Cette piété distributive concilie la distinction de soi avec le salut du groupe. L’appréciation collective de ces actes de piété porte sur l’équilibre, fragile, entre l’individu et la communauté. Si Teodoro Trivulzio prête le flanc à l’accusation d’arrivisme, c’est qu’il ne manque jamais de souligner la gloire de son nom propre dans son action d’intercesseur, en apposant des marques de propriété ostentatoires sur les reliques romaines.
37En deçà de la réception des reliques, souvent équivoque et incertaine, leur acquisition et leur distribution contribuent donc à l’apprentissage d’un jeune patricien né pour devenir soldat, qui commence à tracer sa voie propre de prélat. Cette campagne est impossible sans un solide capital de départ, mais ses effets politiques n’en sont pas moins tangibles. En passant de main en main devant notaire, les reliques révèlent et renforcent des rapports de voisinage et de familiarité, de confiance ou de dédain. L’essence quotidienne du pouvoir se décante peu à peu des scènes de donations entre vifs : c’est l’ubiquité de l’homme puissant, pour qui la première place à Rome se gagne à Codogno, et inversement. La donation de reliques offre une vue précieuse de la qualité de noble, ce principe subtil dont les titres ne donnent jamais qu’un précipité70.
Notes de bas de page
1Philippe Boutry, « Les saints des Catacombes. Itinéraires française d’une piété ultramontaine (1800-1881) », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge. Temps modernes, no 91, 1979/2, p. 882.
2Sur la reconnaissance et la définition de l’authenticité, je me permets de renvoyer à « Anatomie du sacré : la certification des reliques après le concile de Trente, entre procès et prière (Milan, milieu du xvie-début du xviiie siècle) », in Anna Maria Cascetta et Danilo Zardin (dir.), Giustizia e ingiustizia a Milano fra Cinque e Settecento, Rome, Bulzoni (Studia Borromaica, 29, 2016), p. 285-322.
3Philippe Boutry, Pierre-Antoine Fabre et Dominique Julia (dir.), Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, Paris, EHESS, 2009, I, p. 11.
4Krzysztof Pomian, Des saintes reliques à l’art moderne. Venise-Chicago xiiie-xxe siècle, Paris, Gallimard, 2003.
5Katie A. Harris, « Gift, Sale, and Theft : Juan de Ribera and the Sacred Economy of Relics in the Early Modern Mediterranean », Journal of Early Modern History, no 18, 2014, p. 193-226.
6Guy Lazure, « Posséder le sacré. Monarchie et identité dans la collection de reliques de Philippe II à l’Escorial », in Ph. Boutry, P.-A. Fabre et D. Julia (dir.), Reliques modernes, op. cit., I, p. 371-404 ; et Vincent-Cassy Cécile, Les saintes vierges et martyres dans l’Espagne du xviie siècle. Culte et image, Madrid, Casa de Velázquez, 2011.
7K. A. Harris, art. cité, p. 201-203.
8Alessandra Squizzato, I Trivulzio e le arti : vicende seicentesche, Milan, Scalpendi, 2013.
9Gianvittorio Signorotto, Milano spagnola : guerra, istituzioni, uomini di governo, 1635-1660, Milan, Sansoni, 2001, ad ind., en particulier p. 125-139.
10Archivio della Fondazione Trivulzio (désormais AFT), Araldica, c. 19, fasc. 469, bref d’Urbain VIII, 15 avril 1625 ; c. 20, fasc. 485, bulle d’Urbain VIII, 19 novembre 1629.
11Selon le modèle interprétatif proposé par Robert Descimon et Élie Haddad (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (xvie-xviiie siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2010.
12Cinzia Cremonini, Le vie della distinzione, Milan, EDUCatt, 2012.
13Voir à ce sujet G. Signorotto, « L’apprendistato politico di Teodoro Trivulzio, principe e cardinale », Librodelacortes. es, no 1, 2014 [http://sigecahweb.geo.uam.es/ojs/index.php/librosdelacorte/article/viewFile/81/103/], consulté le 10 juillet 2015.
14Voir l’arbre généalogique des Trivulzio, seigneurs de Melzo, dans A. Squizzato, op. cit.
15G. Signorotto, art. cité.
16Archives diocésaines de Milan, VII, Ricognizioni di reliquie (désormais Ricognizioni), c. 2, fo 527 ro-531 ro, 29 mars 1618, juge : Luigi Bossi.
17Massimiliano Ghilardi, « Oratoriani e gesuiti alla “conquista” della Roma sotterranea nella prima età moderna », Archivio italiano per la storia della pietà, no 22, 2009, p. 183-231.
18Silvio Giordano, « Luigi Gonzaga, santo », Dizionario biografico degli Italiani, vol. 66, 2006 [http://www.treccani.it/enciclopedia/santo-luigi-gonzaga_%28Dizionario-Biografico%29/], consulté le 10 juillet 2015. Pour l’éclaircissement de ses liens de parenté avec Teodoro Trivulzio, voir G. Signorotto, art. cité.
19Virgilio Cepari, Vita del beato Luigi Gonzaga della Compagnia di Giesu, Rome, L. Zanetti, 1606, p. 269. Sur les sépultures de Louis de Gonzague, voir P.-A. Fabre, « Le grand reliquaire de la chapelle du Crucifix. Recherches sur le culte des reliques dans l’église San Ignazio de Rome (xvie-xixe siècles) », in Ph. Boutry, Id. et D. Julia (dir.), Reliques modernes, op. cit., II, p. 669-696.
20D’après la reconnaissance milanaise, Ricognizioni 2, fo 523 ro-525 ro, 31 mars 1618, juge : Luigi Bossi.
21AFT, Culto, c. 2, fasc. 35, inventaire des parements pour la chapelle Trivulzio de San Sebastiano de Milan, no 2, 1er janvier 1616. Sur l’incendie, voir V. Cepari, Vita, op. cit., p. 47-48.
22Les études sont toutes dues au même spécialiste, Enrico Roveda, et ne sont jamais croisées à l’histoire sociale et politique. Voir la réunion de ses articles dans E. Roveda, Uomini, terre e acque. Studi sull’agricoltura della « Bassa Lombarda » tra xv et xvii secolo, Milan, Francoangeli, 2012.
23Ricognizioni, c. 3, fo 282 ro-283 ro, 290 ro-291 ro, 393 ro-395 ro et 236 ro-237 ro.
24Ibid., fo 274 ro-275 ro, 387 ro-390 ro et 266 ro-267 ro.
25Ricognizioni 3, fo 292 ro-293 ro et fo 315 ro-316 vo.
26Ricognizioni 2, fo 527 ro-531 ro (capucins de Melzo), AFT, Culto, c. 8, fasc. 63 et Ricognizioni 3, fo 353 ro-354 ro (collégiale de Sant’Alessandro de Melzo), fo 224 ro (paroissiale de [désormais par.] Vermezzo), fo 285bis ro-286 ro (disciplinés, Castiglione, diocèse de Lodi), fo 287 ro-289 ro (par. Trezzo), fo 387 ro-390 ro (par. Cantalupo), fo 377 ro-380 ro (par. Liscate), fo 381 ro-383 ro (par. Albignano, piève de Melzo), fo 384 ro-386 ro (par. Truccazzano, piève de Melzo), fo 359 ro-363 ro (par. Rosate), fo 393 ro-395 ro (par. Inzago, Gorgonzola), fo 400 ro-401 ro (servites de Codogno, Lodi), fo 421 ro-422 ro (Bertacchio ( ?), piève de Casorate), fo 415 ro-418 ro (franciscains de Galbiate), fo 346 ro-347 ro (par. Locate), fo 317 ro-318 ro (par. Basiglio, Locate), fo 323 ro-325 ro (capucins de Codogno), fo 313 ro-314 ro (par. Castelletto, Abbiategrasso) et fo 269 ro (collégiale de Melzo).
27Les critères de distribution ne se lisent pas en toutes lettres dans les actes notariés, où il est seulement question de « dévotion » (ad augendam Christi fidelium devotionem). Ils se déduisent d’un croisement entre les documents de chancellerie et d’autres papiers et informations sur les biens de la famille Trivulzio.
28Ricognizioni 2, fo 400 ro-401 ro, don de reliques aux servites, 10 décembre 1625, fo 323 ro-325 ro : aux capucins de Codogno, 17 septembre 1626 et fo 285bis ro-286 ro : don aux disciplinés de Castiglione, 5 septembre 1625.
29AFT, Araldica, Feudi, c. 8, fasc. 68, Melzo. Voir aussi Mario Marubbi, « Il cardinale Teodoro Trivulzio e la scena urbana di Codogno », Arte lombarda, no 141, 2004, p. 26-30.
30Ibid., fasc. 52, Gorgonzola.
31Melzo : la sua storia e i suoi monumenti, Melzo, Comune di Melzo, 1999.
32Ricognizioni 2, fo 527 ro-531 ro, reconnaissance des reliques destinées à Santa Maria della Neve de Melzo (capucins), 29 mars 1618.
33AFT, Culto, c. 8, fasc. 63, doc. 3, don à Sant’Alessandro de Melzo, 16 juillet 1624.
34Ricognizioni 3, fo 353 ro-354 ro, 21 août 1625.
35Ibid., fo 393 ro-395 ro, don à Santa Maria Assunta d’Inzago, 24 septembre 1625.
36Ricognizioni, 3, fo 377 ro-380 ro, don à Liscate, 15 septembre 1625 : Fabius, Costantius, Antonius, Sulpicius, Benedicta, Servilianus, Cornelius, Fortunatus et Gaudentia (9 reliques) ; fo 381 ro-383 ro, don à Albignano : Fabius, Sulpicius, Benedicta, Servilianus, Cornelius, Gaudentia et Antonius (7) ; fo 384 ro-386 ro, don à Truccazzano : Cornelius, Servilianus, Benedicta, Costantius, Candida, Gaudentia, Fortunatus, Fedelis, Antonius, Fabius et Margarita (11).
37Respectivement Ricognizioni 3, fo 274 ro-275 ro, fo 292 ro-293 ro et 315 ro-316 ro.
38Au bénéfice des capucins de Melzo, des servites et des capucins de Codogno. Cf. Ricognizioni 2, fo 527 ro-531 ro, Ricognizioni 3, fo 400 ro-401 ro et fo 323 ro-325 ro.
39Dans le détail, famille et ordre religieux ne s’opposent pas strictement : les remises aux collèges jésuites et aux églises régulières situées dans des fiefs de la famille (cf. notes 37 et 38) se situent à l’intersection de ces deux logiques.
40Les derniers Trivulzio élevés au cardinalat avant Teodoro appartiennent au premier xvie siècle, période faste pour la famille à la Curie : ce sont Antonio Trivulzio (1457-1508), cardinal en 1500, Agostino Trivulzio (1485-1548), neveu d’Agostino, cardinal en 1517, Scaramuccio Trivulzio (1465-1527), également cardinal en 1517, enfin Antonio Trivulzio le jeune (1519-1559), cardinal en 1557. Antonio Trivulzio le jeune, dernier cardinal de la famille avant 1629, est le grand-oncle de Teodoro.
41G. Signorotto, art. cité.
42AFT, Araldica, Vicende Personali, c. 19, fasc. 452 et 455.
43Ibid., fasc. 469, bref d’Urbain VIII, 15 avril 1625.
44La seule étape intermédiaire est le protonoriat participant. Cf. AFT, Araldica, Vicende personali, c. 20, fasc. 477, bulle d’Urbain VIII, 16 avril 1626.
45G. Signorotto, Milano spagnola, op. cit., p. 130.
46D’après une source tardive, du début des années 1650. Ibid., p. 126 n.
47Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle (dir.), Reliques romaines : invention et circulation des corps saints des catacombes à l’époque moderne, Rome, École française de Rome, 2016.
48AFT, Culto, c. 8, fasc. 63, doc. 1, don de F. Luzago à D. Vailati de Crema, 23 août 1623. Notaire : Giulio Albertini ; doc. 2 : lettre de D. Vailati à T. Trivulzio, mai 1624 ; doc 3 : don de F. Luzago à T. Trivulzio, 16 juillet 1624. Notaire : Giovanni Floreni.
49Ibid., doc. 3.
50D’après l’examen de la Curie milanaise, ibid., doc. 4, 19 juillet 1625. Juge : Luigi Bossi, notaire : G. Floreni.
51Carlos Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, Bruxelles/Paris, Schepens-Picard, 1898, VIII, col. 1525.
52AFT, Culto, c. 8, fasc. 63, doc. 4.
53Eleonora Canepari, « Occasioni di conoscenza : mobilità, socialità e appartenenze nella Roma moderna », in Angiolina Arru, Daniela Luigia Caglioti et Franco Ramella (dir.), Donne e uomini migranti. Storie e geografie tra breve e lunga distanza, Rome, 2008, p. 311.
54Aurora Scotti, « Il pio Albergo Trivulzio in via della Signora », in Paolo Biscottini (dir.), 200 anni di solidarietà milanese nei 100 quadri restaurati da Trivulzio, Martinitt e Stelline, Milan, Federico Motta, 1990, p. 134-135 et 146.
55Ricognizioni 3, fo 527 ro-531 ro, 29 mars 1618. Juge : Luigi Bossi.
56D’après AFT, Culto, c. 8, fasc. 63, doc. 3, don de Luzago à Trivulzio, 16 juillet 1624, au verso : « Les reliques se trouvent dans la maison de Son Excellence et Patron » et doc. 4, reconnaissance, 19 juillet 1625.
57Ricognizioni 3, fo 400 ro-401 ro, T. Trivulzio à San Giorgio de Codogno, 10 décembre 1625.
58Laurent Hablot, « L’héraldisation du sacré aux xiie-xiiie siècles. Une mise en scène de la religion chevaleresque ? », in Martin Aurell et Catalina Girbea (dir.), Chevalerie et christianisme aux xiie et xiiie siècles, Rennes, PUR, 2011, p. 211-233.
59Par exemple pour Giorgio d’Adda, cf. Ricognizioni 3, fo 238 ro-239 ro, G. d’Adda au séminaire de Varallo Sesia, 31 avril 1626.
60Respectivement, ibid., fo 353 ro-354 ro, 377 ro-380 ro, 384 ro-386 ro et 323 ro-325 ro.
61Ibid., fo 285bis ro-286 ro.
62Ibid., fo 284 ro-285 ro et fo 285bis ro-286 ro.
63Ibid., fo 290 ro-291 ro.
64Ibid., fo 393 ro-395 roVoir aussi G. Signorotto, art. cité.
65Ibid., fo 282 ro-283 ro et fo 236 ro-237 ro.
66Ibid., fo 238 ro-243 ro : dons au séminaire de San Giorgio de Varallo Sesia, au Sacro Monte de Varallo et au monastère de Santa Marta de Milan.
67G. Signorotto, Milano spagnola, op. cit., p. 126.
68Jorge Aleo et Francesco Manconi (intr. et trad.), Storia cronologica e veridica dell’isola e regno di Sardegna dall’anno 1637 all’anno 1672, Nuoro, Ilisso, 1998, p. 142-143. Je remercie chaleureusement Alessandra Squizzato pour m’avoir signalé cette référence.
69Allegrezze fatte dall’Illustrissimo Collegio de i Signori Giudici di Milano per la promotione dell’Illustriss.mo et Reveren.mo Signore Cardinale Trivultio suo collega, Milan, C. A. Malatesta, 1630, p. 10.
70Ces recherches ont été menées dans le cadre de l’Institut d’Études Européennes et Globales, sur financement de la Région Pays de la Loire (Programme Recherche-Formation-Innovation Alliance Europa).
Auteur
-
Marie Lezowski
Maîtresse de conférences en histoire moderne à l’université d’Angers, membre du laboratoire TEMOS et chercheuse associée au CéSor/EHESS, est spécialiste de l’histoire religieuse et culturelle de l’Italie à l’époque moderne. Sur le thème des objets religieux, elle a coordonné un dossier des Mélanges de l’École française de Rome – Italie et Méditerranée (MEFRIM : 126-2, 2014) intitulé « Tours et détours des objets de dévotion ». Elle a édité avec Laurent Tatarenko un numéro spécial des Archives de sciences sociales des religions (ASSR, 183), sur le thème « Façonner l’objet de dévotion chrétien », centré sur les techniques et la vente des objets dévots. Ses recherches actuelles portent sur la formation des trésors de sanctuaire et le vol sacrilège en Italie à l’époque moderne.

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