La représentation politique en Moscovie
Le Zemskij Sobor et le regard des Européens au xviie siècle
p. 175-192
Texte intégral
1Interroger la représentation politique moscovite dans le regard des étrangers qui circulent en Russie à l’époque moderne et écrivent sur ce pays oblige à une entreprise préalable de définition, et, plus important encore, à une stratégie de dépaysement, pour paraphraser Carlo Guinzburg qui, dans les premières lignes d’un article consacré à la représentation écrivait : « La stratégie que j’ai adoptée a un but précis : détruire la trompeuse familiarité que nous avons avec des mots, tels que « représentation » qui font partie de notre langage quotidien1. » Pour éviter la trompeuse familiarité ici dénoncée, il est, comme toujours, nécessaire de repartir des définitions et du vocabulaire tels qu’ils se sont construits. Dans l’édition du Dictionnaire universel de Furetière de 1727, le terme de représentation renvoie à une image, une peinture, un geste, une récitation ou une exhibition qui « remet en idée et en la mémoire les objets absents et qui nous les peint tels qu’ils sont2 ». La représentation est, dans cette citation, le moyen de faire connaître un objet absent en utilisant un moyen susceptible de le rendre visible et présent, capable de le remettre en mémoire. Chez Furetière, elle a aussi un autre sens, celui de « l’exhibition d’une présence, la présentation publique d’une chose ou d’une personne3 ». C’est cette signification-là qui sera ici mobilisée, le cœur de l’article étant consacré à la question de la représentation politique. Et, dans ce cas-là, représenter quelqu’un, c’est très exactement le fait d’agir à la place de ce quelqu’un : « Le représentant, en politique, a deux visages : il est celui qui incarne le représenté et celui qui agit en son nom. Dans les deux cas, s’il rend l’autre présent, c’est à condition de se substituer à lui. La représentation politique est fondée sur ce premier paradoxe : le représentant amène le représenté à l’existence dans le mouvement même où il l’escamote et prend sa place4. »
Quelle « représentation » dans la Russie moscovite ?
2Rendre compte de la représentation politique dans la Moscovie du xviie siècle conduit d’abord à s’interroger sur la nature, la composition et le fonctionnement d’une institution spécifique, celle du Zemskij Sobor (Assemblée du Pays ou Assemblée de la Terre), une assemblée représentative, dont le nom a été donné en 1850 par l’auteur slavophile Konstantin Aksakov, mais que les sources des xvie-xviie siècles appellent : « La Terre » (Zemlja), « Conseil de toute la terre » (Sovet Vseja Zemlja), Conseil de la terre (Zemskij Sovet) ou Conseil (Sobor/Sovet), toutes ces expressions renvoyant à la réalité d’un « assemblage de notables qui représentaient la terre comme un tout5 ». Le mot même de sobor, en russe comme dans d’autres langues slaves et synonyme du terme de sobranie, renvoie aux notions d’assemblée, de rassemblement, de convocation, et qui concerne aussi bien la chose politique que l’Église, dans le cadre d’une structure plus formalisée que celle de rassemblements ponctuels. Le Zemskij Sobor est une institution, qui, en effet, rassemble des groupes sociaux ou « corps quasi-parlementaires6 » réunis ponctuellement pour donner un avis délibératif sur des questions variées, mais de première importance, en premier lieu les questions de la guerre et de la paix, celles des révoltes populaires, des nouveaux impôts ou de nouvelles législations, enfin, et exceptionnellement dans le contexte particulier du Temps des Troubles, l’élection d’un nouveau souverain dans la situation extrême de l’absence d’un tsar sur le trône depuis 16107.
3La littérature consacrée à cette question est extrêmement riche, mais elle pose un certain nombre de problèmes méthodologiques, en particulier en raison des parallélismes inadéquats qu’elle construit ou des décalages temporels qu’elle induit8. En effet, l’étude de cette structure politique permet, dans le sillage de « l’École étatique » et des travaux du grand historien du xixe siècle V. O. Klučevskij pour qui les Assemblées du pays étaient un élément structurant d’un ordre constitutionnel dans la Russie d’avant 1905, de montrer que la Moscovie possédait une institution représentative comme dans d’autres monarchies prémodernes et modernes ou comme dans des systèmes politiques occidentaux plus tardifs tels que le système étatsunien, même si le système politique moscovite y était caractérisé d’autocratie patrimoniale (vočinnoe samoderžavie) où le souverain imposait à des principautés indépendantes et des cités-États son autorité seigneuriale, transformant le souverain en maître et ses sujets en esclaves9. Au xxe siècle, dans la monographie de L. V. Čerepnin consacrée en 1978 au Zemskij Sobor, ouvrage à la fois classique et dépassé, cette institution apparaît comme un « organe représentatif dans le système d’une monarchie fondée sur les états et évoluant vers l’absolutisme10 ». Une telle analyse conduit à assimiler des notions difficilement comparables, en particulier celle d’« états », et à de dangereuses formes d’anachronisme, des erreurs ou des distorsions qui aplanissent les spécificités et les originalités plutôt que de les mettre en valeur. Actuellement, de nombreux auteurs essayent de définir le Zemskij Sobor comme une assemblée représentative mais dont la nature, la composition et le fonctionnement diffèrent radicalement de ceux à l’œuvre dans les assemblées comparables de l’Europe de la première modernité, ce qui permet une meilleure compréhension de son rôle dans la monarchie russe. Ils divergent sur les dates des sessions, sur leur nombre, sur leur composition, sur leurs objectifs ou encore sur leur signification en fonction des contextes, des historiographies ou des présupposés idéologiques. Ces débats, présentés dans la suite de l’article, sont le symptôme des difficultés rencontrées par les historiens pour saisir la nature de l’institution. Prendre cette question dans le regard des étrangers induit un autre type de décalage, qui se situe dans l’espace entre les cadres mentaux du voyageur étranger et la réalité qu’il décrit. Que pouvaient-ils comprendre, ces observateurs étrangers du xviie siècle qui débarquaient en Moscovie, plus ou moins ignorants des réalités russes ou très formatés par les systèmes politiques dont ils étaient eux-mêmes les produits ? On sait à quel point ils pouvaient être étonnés ou choqués de pratiques, comme par exemple celle des salutations et en particulier celle de la révérence jusqu’à terre, qui pour les uns, les étrangers, était le signe de la plus grande servilité et pour les autres, les Moscovites, juste celui du plus grand respect que l’on pouvait manifester à l’égard d’un supérieur11. De fait, le qualificatif le plus communément employé par ces voyageurs dans leurs descriptions du système politique moscovite, et ce, quelle que soit la durée de leur séjour, est celui de despotisme pour qualifier le pouvoir du souverain. Le tsar y est tout-puissant et règne en maître absolu sur un peuple « d’esclaves » soumis. Cela signifiait-il que tous les sujets du tsar étaient perçus comme des esclaves au sens propre du terme ? Dans ce cas, qu’en était-il de la portée de la parole politique de ceux qui siégeaient dans le Zemskij Sobor ?
4L’origine et la représentativité de cette structure politique seront ici d’abord analysées, avant que l’on s’interroge sur le regard que les voyageurs étrangers portaient dessus. La distance qu’ils avaient par rapport à leur objet permet de qualifier différemment l’institution et de montrer qu’un regard sur une institution étrangère facilite également une pensée réflexive sur ses propres institutions.
Origines et rôle du Zemskij Sobor
5Formellement convoqué pour la première fois au milieu du xvie siècle, le Zemskij Sobor s’inscrit dans une pratique médiévale d’assemblée ou de rassemblement (sobor) fortement ancrée dans la Russie des principautés ou dans d’autres États slaves, comme en Serbie :
« Le Sobor d’État trouvait son origine dans les rassemblements de tous les hommes adultes libres – guerriers – du Haut Moyen Âge. Parmi de telles assemblées, beaucoup d’entre elles, vues comme les premières manifestations de la formation d’un État, étaient relativement démocratiques dans leur nature mais assez limitées dans le périmètre de leurs pratiques, ne se préoccupant essentiellement que d’affaires militaires. Au fur et à mesure que l’État gagnait du pouvoir et que la société se divisait en classes (selon un processus économique ou comme résultat de la conquête d’autres peuples qui devenaient les classes subordonnées), la nature de ces assemblées a commencé à changer. Elles n’incluaient plus tous les hommes libres, mais les membres des classes privilégiées. Un autre facteur qui a influencé le développement des assemblées après la christianisation des slaves était constitué par les conciles religieux qui ont constitué de premières formations pour les pays slaves12. »
6Dans le cas russe, et d’abord sous la plume d’historiens du droit au xixe siècle, dans un contexte où les débats sur les voies possibles de réformes conduisaient un certain nombre d’entre eux, mais aussi des historiens comme V. I. Sergeevič ou des hommes politiques, à chercher dans la Russie pré-pétrovienne les racines des pratiques politiques et d’éventuels modèles, on mettait en avant des assemblées épisodiques antérieures aux invasions mongoles ainsi que les veče, assemblées urbaines propres à certaines villes du nord-est. En effet, avec la notion de « féodalisme d’État », théorie élaborée par des médiévistes russes dans les 1860-1870, l’État devenait une superstructure ayant façonné aussi bien l’économie que la société, provoquant ainsi la dépendance personnelle et la soumission de tous les membres de la société, même de ceux qui étaient officiellement libres. Et les veče, dans ce type de grille d’analyse, étaient l’émanation d’un tel système sociopolitique13.
7Les veče étaient, en effet, des institutions politiques de décision dans les villes du nord-est de la Russie, Novgorod ou Pskov, avec la participation de tous les citoyens de plein droit, animant ce que les historiens appellent une « démocratie originelle » dans laquelle ces assemblées populaires avaient un grand rôle. Les dernières sessions de ces assemblées se sont tenues à Novgorod en 1478 avant d’être interdites par Ivan III après l’annexion de la ville par Moscou. Pour certains auteurs, contredits par d’autres, ces institutions peuvent être vues comme de premières expériences politiques qui permettent d’expliquer la naissance des Zemskie Sobory au milieu du xvie siècle14. Quelles qu’aient été leur différence de nature ou de structures, ces institutions pré-moscovites partageaient avec les Zemskie Sobory des xvie-xviie siècles le principe commun du consensus (odinačestvo), confirmé par une sanction sacrale15. En effet, dans les veče avant l’invasion mongole, les décisions étaient prises sur la base de l’unanimité, principe politique que l’on retrouve également dans les républiques du nord-ouest de la Russie aux xive-xve siècles, comme à Novgorod et Pskov. « [En Russie], on ne comptait pas les voix car rien qu’un vote unanime ou une majorité évidente étaient considérés comme suffisants pour la prise de décision. Cette majorité écrasante devait faire taire tous les hétérodoxes16. » Le pouvoir exécutif n’était pas suffisamment fort pour contrer une minorité lorsque celle-ci était importante. La décision commune, considérée comme une action sacrée devait être sanctionnée par la liturgie orthodoxe et accompagnée d’une action sacrale, par exemple, le baiser d’une icône. La décision du Zemskij Sobor de 1566 de continuer la guerre en Livonie fut ratifiée par un baiser commun de la croix17. L’unanimité n’était donc pas une idée abstraite et la décision était collective, et non l’« agrégat d’individus possédant une volonté individuelle18 ». Plus encore, dans les Zemskie Sobory comme dans les sessions des veče, les élections se déroulaient selon le principe d’un consensus et non avec l’idée d’une majorité, d’une minorité ou de la possibilité d’un avis divergent : « Toutes les élections à Novgorod étaient fondées sur la même conception du consensus19. » Par exemple, aux xive-xve siècles, l’archevêque de Novgorod, magistrature élective, était souvent élu par tirage au sort de trois candidats qui avaient été eux-mêmes choisis par la population20 : « Pas de rivalité, pas de discussion, c’était Dieu qui prenait la décision21. »
8Le premier Zemskij Sobor semble avoir été convoqué en 1549-1550 pour conseiller le souverain sur des affaires d’administration locale et confirmer le titre de tsar qu’Ivan IV avait acquis grâce à son sacre en 1547. Le deuxième Zemskij Sobor, réuni par le souverain en 1566, vote la continuation de la guerre de Livonie, ainsi que le troisième, convoqué à deux reprises en 1580, pour statuer à nouveau sur la guerre en Livonie et qui nécessite un large consensus des élites politiques. Au moment des Troubles (1598-1613), l’institution endosse un rôle crucial, particulièrement à la toute fin de cette période critique, en 1613, lorsque, composé de nobles, de marchands, de membres du clergé, de gens des villes et des paysans d’État des régions septentrionales, ainsi que de Cosaques, il a à élire un nouveau tsar et que le choix de ses représentants se porte sur Michel Romanov. Durant le règne de ce dernier, il est en session quasiment chaque année, surtout dans la décennie 1613-1623, essentiellement pour voter les taxes et la mobilisation des forces armées. Celui de 1649-1650 élabore l’Uloženie (Établissements), le nouveau code de loi en usage jusqu’au xixe siècle. En 1651-1653, le Zemskij Sobor s’occupe des discussions sur le statut de l’Ukraine et des demandes du cosaque Bogdan Khmel’nickij. Dans la seconde moitié du xviie siècle, le Zemskij Sobor perd de son influence, il n’est plus réuni après 1653, date à laquelle il doit discuter de l’annexion de l’Ukraine et de la guerre avec la Pologne. Il a donc eu un rôle central lors de crises politiques et, en dehors de ces grands moments, il a essentiellement un rôle consultatif. Au total, 57 réunions d’Assemblées de la Terre entre 1549 et la fin du xviie siècle, comme le laisse entendre l’ouvrage de L. V. Čerepnin22 ou une quinzaine, selon d’autres auteurs, dont seulement trois d’entre eux « ont un semblant de représentation populaire avec des délégués clairement élus par leurs pairs et non entièrement appointés par le pouvoir tsariste23 ».
9Le Zemskij Sobor est composé de représentants de ceux que les sources appellent « les sujets libres du royaume » ou les « hommes de tous rangs », c’est-à-dire différents types d’habitants des villes. Les historiens et les traditions historiographiques ne donnent pas tous la même signification à ces catégories de populations, selon qu’ils portent leur attention sur les Assemblées du xviie siècle, sur lesquelles il existe des sources abondantes, ou celles du xvie siècle, qui sont plus difficiles à cerner et semblent des constructions historiographiques a posteriori. Ce n’était en tout cas pas « une institution démocratique embrassant toutes les catégories sociales puisqu’elle excluait explicitement les paysans24 ». En principe, le Zemskij Sobor sert de courroie de transition entre le tsar et ses sujets. Les groupes représentés sont des groupes fondés sur une origine sociale et plus ou moins régionale. Plus précisément, il est composé des membres les plus élevés de la hiérarchie moscovite, des membres de la Duma des bojare, des gens ayant des offices militaires, des membres des administrations, d’élus parmi les gens des villes. Selon les historiens, le Zemskij Sobor est constitué de trois ou quatre groupes : le Saint-Synode [le haut-clergé], la Duma des bojare et des « représentants d’autres groupes25 ». Ce troisième groupe peut être lui-même être composé différemment selon les historiens. Pour S. F. Platonov, il est formé de « gens de la terre » (zemskie ljudi) qui représentaient des groupes variés de populations et de régions différentes ; pour d’autres, la troisième catégorie est formée de « représentants de gens de tous les rangs », c’est-à-dire des serviteurs de la couronne auxquels on a attribué des terres (pomestnoe dvorjanstvo), des marchands ou encore des membres les plus influents des gens des villes (posadskie verkhy). Pour P. Lukin, le Zemskij Sobor est une assemblée des représentants des états suivants : clergé, noblesse, fonctionnaires de l’administration, marchands26. Selon L. V. Čerepnin, il était composé du Saint-Synode, de la Duma des bojare, des gens choisis dans la noblesse et la noblesse de province (dvorjanstvo) et des ou parmi les gens des villes parmi les gens des villes (posadskie ljudi), mais ce dernier groupe n’apparaît pas indispensable et une assemblée peut être considérée comme légitime même en leur absence, soit une classification qui inclut « des représentants des rangs de service mais aussi des gens des villes », ce troisième groupe excluant les paysans, les serfs, les esclaves et les femmes, c’est-à-dire l’immense majorité de la population, à peu près 95 %, sauf dans le cas de l’Assemblée de 1613, où les paysans furent aussi convoqués sans que l’on retrouve leurs signatures sur le procès-verbal final27.
De qui le Zemskij Sobor est-il le représentant ?
10Jurij Krizanič, au xviie siècle, voit dans le consentement populaire l’origine du pouvoir du tsar et croit à l’importance de la loi et à son origine dans un contrat social28. Ces idées semblent partagées par un certain nombre de cercles éduqués au xviie siècle, par exemple ceux des rédacteurs de l’Uloženie de 1649. Cette compilation, inédite en tant que codification mais aussi dans son ambition, et qui touche à la hiérarchie sociale, aux principes de la propriété et aux procédures judiciaires, a été élaborée par une session du Zemskij Sobor convoquée dans cet objectif. Ses rédacteurs sont titulaires, pour la plupart, des plus hauts grades dans la noblesse de service. Cette vaste codification contient implicitement une conception de l’État et de l’origine de la loi : un État fondé sur la loi, où virtuellement toute affaire d’importance est régulée par une loi publiée, ce qui devrait abolir l’arbitraire. La manière dont le texte a été adopté, par un vote de plus de 300 délégués, en fait un texte représentatif des groupes de la noblesse de service moyenne et supérieure, ce qui signifie que la ratification d’un tel texte ne peut se dérouler sans un compromis entre différents groupes et ne peut découler de la seule volonté du tsar. Sa légitimité dérive donc du consentement de représentants des groupes supérieurs de la société29.
11Par ailleurs, cette institution est vue par les contemporains comme représentant l’ensemble du pays ou de la terre, sachant que le mot de zemlja ne renvoie pas à la notion de peuple dans la Russie ancienne mais, selon H.-J. Torke, à celle, problématique et controversée, d’État. Il faut donc qualifier les Zemskie Sobory de réunions ou de rassemblements (sobranija), dans le contexte de la mise en place d’une autocratie absolutiste, telle qu’elle a été façonnée à l’époque d’Ivan le Terrible30.
12Finalement, ces rassemblements avaient pour rôle de « conseiller dans des domaines importants du gouvernement et qui affectaient la “terre” en général. La tradition de conseil est ancienne et ancrée31 ». Il existe des formes organisées de consultation depuis le xive siècle, celle de duma progressivement appelée Bližnaja Duma (Conseil secret) à partir des années 1520-1540, formée de bojare sélectionnés, de quelques courtisans du rang d’okol’ničij (quartier-maître), de Tatars et de bureaucrates professionnels. Une institution qui signale que les bojare n’avaient pas le monopole du pouvoir et du souverain, et qu’on attendait de ce dernier qu’il respecte la loi religieuse et la coutume. Ce conseil rapproché ou privé représentait une « tentative d’adapter les structures moscovites archaïques à la “révolution bureaucratique du xvie siècle” qui conduisit des administrateurs professionnels à prendre en charge les demandes croissantes d’une autocratie en développement et agressive32 ». L’étude de cette structure qui servait de conseil privé consultatif au souverain permet d’interpréter l’apparition des Assemblées de la Terre non comme une nouveauté lors de leur création en 1549 mais plutôt comme la continuité d’une tradition de consultation politique.
Le Zemskij Sobor est-il un parlement ?
13Les Assemblées de la Terre peuvent-elles être comparées à des parlements ou aux États-Généraux ? L’historiographie présente des positions contradictoires. Les historiens marxistes comme L. V. Čerepnin analysent le Zemskij Sobor comme une institution représentant les états ou les ordres (soslovija), et qui aurait pu limiter l’absolutisme grandissant du souverain33. Mais ses sessions n’ont pas joué ce rôle au cours des xvie-xviie siècles et le Zemskij Sobor n’est pas devenu une instance d’opposition, comparable aux parlements qui, dans un certain nombre de monarchies européennes, ont combattu, contré ou limité le pouvoir souverain. J. Keep compare les Assemblées de la Terre à des assemblées représentatives occidentales primitives. Elles auraient émané de la volonté populaire et auraient été perçues comme une menace au pouvoir absolutiste même si elles se comportaient de la manière la plus loyale. Finalement, elles auraient échoué après 1650 à être une forme d’opposition au pouvoir34. D. Ostrowski s’oppose à ces différents points. Les délégués au Zemskij Sobor ne sont pas des élus. On trouve parmi ses membres tout le Saint-Synode et les membres de la duma des bojare, les autres membres étant des gens de service qui se trouvent être à Moscou lors de telle ou telle session ou choisis par les représentants locaux du pouvoir : « En choisissant des délégués, les gouverneurs de province devaient prendre en considération qui avait des rangs de service suffisants mais aussi qui ne devait pas faire autre chose ailleurs et avait suffisamment de ressources pour subvenir aux besoins du voyage et du séjour à Moscou35. » Dans le cas moscovite, comme dans le cas d’autres institutions représentatives d’Ancien Régime, en France ou dans l’Empire, l’enjeu du rang, des droits ou des honneurs des délégués était indissociable de la conception de la représentation politique qu’ils incarnaient36. La question de la représentation de la volonté populaire par le Zemskij Sobor est également soulevée par D. Ostrowski. Qu’est-ce que la volonté populaire d’une assemblée qui ne représente pas 90 % de la population totale du pays ? Les procédures de désignation des délégués ne sont pas formalisées. En 1612, 1619 et 1648, les délégués sont choisis par les gouverneurs dans les provinces ; en 1614-1621-1634-1639 et 1642, ils sont sélectionnés parmi ceux qui se trouvent à Moscou à ce moment-là. Souvent, une majorité des gens de service (dvorjane, deti bojarskie, pomeščiki) constituent plus de la moitié des délégués. Et parfois, on sort des rues de Moscou des gens qui constituent le troisième groupe, hors du clergé et de la Duma des bojare. Enfin, le Zemskij Sobor est-il une source d’opposition, et vue par l’autocratie comme une source de menace possible ? D. Ostrowski refuse de comparer cette institution aux États-Généraux français, qui gèrent des questions financières, interviennent lors de crises dynastiques et nécessitent des gens sachant lire ou des courtisans lettrés. Rien de tel en Russie, les Zemskie Sobory n’ont aucun pouvoir financier ou judiciaire, à part en 1649, et en règle générale, ils ne s’occupent de questions financières que dans des circonstances spécifiques, comme durant le Temps des Troubles. Leur accord n’est sinon jamais demandé pour lever de nouveaux impôts37.
14Il faut donc voir le Zemskij Sobor comme « une assemblée consultative réunie pour des sujets précis formée par les membres les plus hauts du royaume et vue comme une sélection représentative des hommes de rang dans les classes dirigeantes, de rangs moins élevés et des gens des villes, mais sûrement pas comme la représentation d’“états” qui n’existent pas dans le système politique moscovite38 ». P. Brown, quant à lui, prenant le contrepied de l’ouvrage de L. V. Čerepnin, montre de différentes manières qu’il est impossible de comparer états ou ordres français et états moscovites. D’abord, il rappelle, après d’autres historiens, que l’ensemble du système politique est tourné vers le service du souverain, interdisant toute solidarité locale puisque toute la reconnaissance vient du service au prince, et est organisé autour d’un système de préséances à la cour (mestničestvo) inégalé ailleurs39. Par ailleurs, il montre qu’il n’existe aucune solidarité de groupe durant les sessions : les gentilshommes de province (dvorjane) et les cadets (deti bojarskie) ne font jamais cause commune avec les représentants des rangs moscovites alors « qu’ils appartiennent tous à la classe de service moyenne et supérieure40 ». Enfin, il rappelle qu’il n’y a pas d’élection de délégués mais un véritable monopole de l’État pour l’appointement de ceux-ci, en particulier pour les Assemblées de 1598, 1613 et 1648-1649. Il n’existe pas une liste complète de tous les délégués des Assemblées du xviie siècle et il est donc difficile de faire une synthèse des modalités de désignation. Néanmoins, pour certaines sessions, les sources le permettent. Ainsi, en 1651, les élus, des gentils-hommes appelés « du Choix » ou déjà désignés pour des sessions précédentes étaient choisis par leurs pairs ou par le gouverneur de la province41.
15Ces différentes positions historiographiques nous renseignent au moins sur le fait qu’il est difficile de faire de cette institution politique une institution parlementaire. Peut-on parler, comme dans le cas des sobor d’État serbes, d’une « structure proto-parlementaire qui représentait les facteurs politiques les plus appropriés dans l’État serbe médiéval42 » ? D. Ostrowski la compare plutôt à l’institution tataro-mongole du quriltai, assemblée d’élites qui forment le conseil du khan et qui représentent une plus grande partie de la société, avec trois fonctions essentielles : le choix et la déposition du khan ainsi qu’un rôle de conseil sur les sujets les plus importants. Lorsque l’on a besoin d’un large consensus, on réunit un quriltai, que l’on peut traduire en russe par le mot de sobor. P. Brown, après avoir refusé la comparaison entre les ordres tels qu’ils se sont développés dans la monarchie française et les états (soslovija) moscovites, finit par définir le Zemskij Sobor dans les expressions suivantes : « forums mettant en scène le consensus », « conseils faisant du bruit », « réunis selon le plaisir du gouvernement et pour prendre des décisions dans les limites de ce qui était toléré. […] Avec leurs objectifs prédéterminés et leurs listes de délégués largement présélectionnées, les Zemskie Sobory étaient des phénomènes sociopolitiques nés de la consolidation de l’État entre les réformes d’Ivan le Terrible et les Établissements de 164943. Durant cette période, les différents groupes sont entrés en compétition pour obtenir, avec un relatif succès, un certain nombre de privilèges. Une fois que ces objectifs furent atteints et que l’ordre bureaucratique eut montré sa supériorité dans sa quête d’information à travers les gouverneurs des villes, les Zemskie Sobory, n’étant qu’une phase de transition dans la construction du système, devinrent superflus et disparurent44. » Si l’on tente de synthétiser les raisons de la disparition progressive des Zemskie Sobory, on trouve la montée en puissance des gens des prikazy (secrétariats), la force d’un pouvoir qui n’a plus besoin de la légitimité du vote, la disparition de la référence à la culture des steppes ou encore la difficulté pour les initiatives venues de la société de concurrencer celles venues du gouvernement de Moscou. Il apparaît donc qu’on ne peut comparer le Zemskij Sobor moscovite ni à des parlements dans les monarchies européennes modernes, ni évidemment à des institutions démocratiques45.
Le Zemskij Sobor dans le regard des voyageurs européens
16L. V. Čerepnin s’appuyait sur des témoignages européens pour comparer le Zemskij Sobor à des assemblées d’états ou des parlements46. Il faut donc étudier ce que les contemporains étrangers n’arrivent pas à décrire autrement qu’en l’associant à des institutions qu’ils connaissaient. La plupart d’entre eux notent l’absence d’assemblées urbaines, tandis qu’une majorité n’a assisté à aucune session de Zemskij Sobor47. D’Albert Schlichting, qui, en 1571 décrit partiellement le fait qu’en 1566, « 300 nobles et membres de la cour du tyran se réunirent pour discuter avec le tsar48 », à Jacob Reutenfels, qui en 1671 signale « qu’en ce qui concerne les assemblées populaires, il y en avait très peu chez les Moscovites, parce que le tsar les réunit et les démet49 », on rencontre très peu de descriptions détaillées du Zemskij Sobor et aucun des auteurs ne considère qu’il a la moindre autorité politique. Giles Fletcher, ambassadeur anglais présent en Moscovie en 1588-1589, écrit dans Of the Russe Commonwealth, publié en 1591 : « No burghers or others to represent the communaltie » et, plus loin, à propos des élites durant le règne d’Ivan IV : « Not onely his vassals, but his Kholophey (esclaves), that is his very vilians and bondsmen. For they so terme and write themselves in anie publike instrument or private petition wich they make to the Emperour. So that now they hold their authority, landes, lives and all at the Emperours pleasure, as the rest do50. » Le terme de kholop (esclave), qui frappe tant de voyageurs, est utilisé dans de très nombreuses formules, en particulier, celles qui accompagnent les salutations des serviteurs lorsqu’ils s’adressent à leurs supérieurs : « Carju, gosudarju i velikomu knjazju… (nom) b’et čelom, kholop tvoj » (« Au tsar, souverain et grand-prince… [nom], ton esclave te rend obéissance51 »). Chaque Moscovite connaissait cette formule et elle était utilisée dès que l’on s’adressait à un officiel quel qu’il fût au sein de gouvernement, formule utilisée à l’écrit comme à l’oral : « Dans une société strictement hiérarchisée comme celle de la Russie orthodoxe, chacun quelle que soit sa place avait un “gosudar” un seigneur-maître ; en tant qu’orthodoxes et sujets du tsar, tous les Russes avaient l’habitude de l’inclinaison de la tête (byt’čelom) en signe d’humble soumission, et enfin les kholopy ou esclaves étaient communs en Moscovie52. » La vision d’abord élaborée par Fletcher au xvie siècle, comme on vient de le voir, ou celle de Herberstein, déjà construite au milieu du xvie siècle lorsqu’il écrivait : « ils confessent tous être leur khlops, c’est-à-dire les esclaves de leur prince » (« all confess themselves to be the chlopos, that is, slaves of the prince53 »), s’étend au xviie siècle, chez Olearius en particulier, qui écrit : « In adressing the tsar the magnates must unashamedly not only write their names in the diminutive form, but also call themselves slaves and they are treated as such54. » Et s’ils sont représentés par leurs délégués dans le Zemskij Sobor, ils n’y ont, selon M. T. Poe, aucune autorité. La catégorie d’esclave, qu’elle permette de qualifier le despotisme ou d’assimiler sujets du souverain et esclaves du souverain, est depuis longtemps discutée dans différents courants historiographiques, depuis le Montesquieu de l’Esprit des Lois qui, parti de l’ouvrage de John Perry, The State of Russia under the Present Czar en 1716, rappelait que tous les sujets du souverain russe, du paysan à l’aristocrate le plus puissant, se qualifiaient d’« esclaves » dans leur rapport au tsar55.
17Les Zemkie Sobory du Temps des Troubles entre 1598 et 1613 ne sont pas particulièrement mis en valeur pour leur rôle représentatif ou leur fonction déterminante dans le choix d’un nouveau tsar. Isaac Massa n’évoque même pas le nom ou l’idée d’une assemblée élective lorsqu’il décrit la passation de pouvoir après la mort de Fiodor Ivanovič en 1598 et la montée sur le trône de Boris Godunov. Aucune des manœuvres politiques de ce dernier n’est évoquée, l’existence même d’un Zemskij Sobor effacée pour ne plus évoquer qu’une volonté populaire habilement manipulée par un ambitieux candidat au trône56. Jacques Margeret évoque les conditions de désignation des délégués du Zemskij Sobor de 1598 : « Et pour ce vouloit deüment faire convoquer les Estats du pays : à sçavoir : de chacune ville huict ou dix personnes, afin que unanimement tout le païs déliberast de celuy que on devoit eslire, à quoy faire il falloit du temps car son désir (disoit-il) estoit de contenter un chacun57 », mais il n’évoque à aucun moment le déroulement des sessions, les camps et clans en présence ou le fond des débats. Il ne parle que de tractations, et les mots qui renvoient à l’institution ou à ses acteurs, « états » ou « tout le pays », restent très vagues. Pour lui, cette élection n’a rien de conforme. Dans la suite de son récit, Margeret évoque le Conseil secret (Bližnaja Duma), sa composition et son rôle auprès du souverain, avant de conclure sur le pouvoir despotique du tsar ou sur les représentants du pouvoir dans les régions et les questions de corruption. Conrad Bussow parle bien d’une « assemblée de tous les états de la terre » mais là encore, c’est plutôt pour insister sur la manipulation de Godunov, ses manœuvres et son opposition aux avis des princes et des bojare. La légitimité de l’Assemblée de la Terre est aussi sapée dans le récit de Margeret lorsqu’il raconte cet épisode de juin 1605, où le Faux-Dimitri manipule pour que « Knes, Vacilei, Choutsqui fut accusé et convaincu en présence de personnes choisies de tous Estats, du crime de leze-majesté58 ». Conrad Bussow et Isaac Massa font bien la différence entre les différents groupes de pression présents à Moscou au moment de la montée sur le trône du Faux-Dimitri en 160559 ou de la proclamation de Basile Šujskij en tant que tsar en 1606. C. Bussow rappelle que B. Šujskij avait besoin du soutien d’une Assemblée de la Terre et en convoque une, mais composée de « complices de meurtres et de trahisons, de tous ces marchands, bergers et cordonniers et quelques princes et bojare qui se trouvaient être présents60 ».
18On revoit la mention d’une élection bien plus tard, lorsque Margeret évoque la montée sur le trône de Basile Šujskij en 1606 : « Le dit chef de la conspiration Vacilei Ivanevits Choutsqui, lequel est celuy duquel avons tant parlé, fut esleu Empereur. Combien que ce n’est pas un royaume qui va par eslection, ains par succession, mais d’autant que Demetrius estoit le dernier de cette maison, et ne restoit nuls qui fussent du sang, fust ledit Chouttsui eleu par ses brigues. […] Le conseil, le peuple et païs divisés les uns contre les autres, commençans des nouvelles trahisons61. » Là encore, il ne fait aucune mention de l’Assemblée de la Terre. Conrad Bussow ne reconnaît pas le rôle essentiel d’une assemblée représentative en 1613 dans une élection d’un nouveau tsar62. Par la suite, au cours du xviie siècle, il n’y a pas de mention des sessions des différents Zemskie Sobory, même ceux qui ont joué un rôle essentiel dans la vie politique moscovite, celui de 1649 qui prépare l’Uloženie (les Établissements) ou encore celui de 1653 qui organise l’annexion de l’Ukraine à l’empire moscovite. On peut voir en creux le spectre d’un Zemskij Sobor dans le témoignage de G. Kotošikhin, certes un Russe, mais qui écrit en exil lorsqu’il parle de l’élection d’Alexis Mihajlovič en 1645. Selon, lui, le souverain a été choisi (обрать) parmi les fils du tsar par les okol’ničie, les dvorjane, les deti bojarskie, les marchands, la hiérarchie ecclésiastique et le peuple réunis en Conseil. Il n’utilise évidemment pas le terme de Zemskij Sobor, pour qualifier ce Conseil mais il met en avant la nécessité d’une élection formelle alors qu’en tant que fils aîné il était le légitime héritier du trône. Pourquoi cette référence à un Conseil électif ? Peut-on penser que « la succession était de facto héréditaire mais de jure élective63 » ?
19Les contemporains comprennent-ils alors que le renforcement autocratique du système moscovite rend la réunion d’un Zemskij Sobor de plus en plus inutile ? Difficile de l’affirmer. En revanche, il est certain qu’ils avaient beaucoup de mal à définir et qualifier cette structure qui leur rappelait en partie les institutions de leurs systèmes politiques d’origine.
20La fabrication de la notion d’Assemblée du pays et la déclinaison de sa fonction ont été historiquement et historiographiquement utiles, pour les contemporains européens pour renvoyer le système politique russe à une altérité incommensurable, et pour les historiens afin de souligner les spécificités d’un système politique qui ne ressemble à aucun autre. Le Zemskij Sobor, formé d’un corps politique instable, à la composition parfois maîtrisée par le souverain et parfois sujette aux désignations locales avait, à l’exception des sessions électives de 1598 et 1613, pour fonction, de recueillir l’opinion de ses membres, de conseiller le souverain et de constituer un canal de participation politique aux affaires du gouvernement. Ce que le regard étranger nous dit sur le système représentatif moscovite dit plus de choses sur lui-même que sur le système moscovite. Il nous dit qu’à tout le moins, il lui est très difficile de cerner l’objet.
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Notes de bas de page
1Guinzburg Carlo, « Représentation : le mot, l’idée, la chose », Annales Économies Sociétés Civilisations, novembre-décembre 1991, vol. 46, no 6, p. 1219.
2Furetière Antoine de, « Représentation », Dictionnaire universel, nouvelle édition, Paris, 1727, t. IV.
3Chartier Roger, « Le monde comme représentation », Annales Économies Sociétés Civilisations, novembre-décembre 1989, vol. 44, no 6, p. 1514.
4Blondiaux Loïc, « Représentation politique », Encyclopædia Universalis ; Dielh Paula, Sintomer Yves et Hayat Samuel, « La représentation politique. Introduction », Trivium, 16, 2014, p. 6-7.
5Brown Peter B., « The Zemskij Sobor in Recent Soviet Historiography », Russian History/Histoire Russe, vol. 10, Pt. 1, 1983, p. 78 ; Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », in Jarmo Kotilaine et Marshall T. Poe, Modernizing Muscovy. Reform and Social changes in Seventeenth-Century Russia, Londres, Routledge, 2004, p. 117 ; Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 117.
6Brown Peter B., « The Zemskij Sobor in Recent Soviet Historiography », op. cit., p. 78.
7Dunning Chester S. L., Russia’s first civil war. The Time of Troubles and the Founding of the Romanov Dynasty, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2001 ; Morozova Ljudmila Evgen’evna, Rossija na puti iz Smuty. Izbranie na carstvo Mikhajla Fedoroviča (La Russie au sortir du Temps des Troubles. L’élection de Michel Romanov), Moscou, Nauka, 2005 ; Schaub Marie-Karine, « Les élections des tsars russes durant le Temps des Troubles (1598-1613) », in Corinne Péneau (dir.), Élections et pouvoirs politiques du viie au xviie siècle, Bordeaux, Bière, 2009, p. 325-341.
8Sur la nature de certaines pratiques de l’État moscovite et les particularités de son histoire à travers l’étude la noblesse, cf. Berelowitch André, La hiérarchie des égaux. La noblesse russe d’Ancien Régime, xvie-xviie siècles, Paris, Seuil, 2001.
9Ključevskij Vasilij Osipovič, Sočinenija v devjati tomax, Moscou, Mysl’, 1987, vol. 6, p. 307 ; Ključevskij Vasilij Osipovitch, « Sostav predstavitel’stva na zemskix soborax drevnej Rusi » (« La représentation dans les Zemskie Sobory de l’Ancienne Russie »), Sočinenija v devjati tomakh, Moskva, Mysl’, 1987, vol. VIII, p. 277-374 ; Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 118-143.
10Čerepnin Lev Vladimirovič, Zemskye sobory russkogo gosudarstva v xvi-xvii vv. (Les Assemblées du Pays de l’État russe, xvie-xviie siècles), Moscou, Nauka, 1978, p. 53.
11Poe Marshall T., « What did Russians mean when they called themselves “Slaves of the Tsar” ? », Slavic Review, vol. 57, no 3, Autumn 1998, p. 600-601.
12Kršljanin Nina, « Interrupted evolution : the Serbian medieval assembly (Sabor) », Parliaments, Estates & Representation. Parlements, États & Représentation, vol. 37, 1, 2017, p. 2.
13Lukin Pavel V., « Consensus et représentation en Russie, xiie-xvie siècles : une introduction », in Jean-Philique Genet, Dominique Le Page et Olivier Mattéoni (dir.), Consensus et représentation, Paris/Rome, Publications de la Sorbonne/École française de Rome, 2017, p. 268.
14Sur les institutions urbaines prémongoles, cf. Gonneau Pierre et Lavrov Aleksandr, Des Rhôs à la Russie. Histoire de l’Europe orientale, 730-1689, Paris, PUF, 2012, p. 194-208 ; Lev Vladimirovič Čerepnin relie l’activité de cette institution à la tradition de participation à des assemblées urbaines dans « Zemskie Sobory i utverždenie absoljutizma v Rossii » (Les Zemskie Sobory et l’affirmation de l’absolutisme en Russie), in Družinin Nikolaj Mikhajlovič, Pavlenko Nikolaj Ivanovič et Cerepnin Lev Vladimirovič (dir.), Absoljutizm v Rossii (xvii-xviii vv), Moscou, Nauka, 1964, p. 96-97. Donald Ostrowski, lui, contredit cette idée, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 126
15Lukin Pavel V., « Consensus et représentation en Russie, xiie-xvie siècles : une introduction », op. cit., p. 270-274.
16Sergeevič Vasilij Ivanovič, Drevnosti russkogo prava (Les antiquités du droit russe), t. 2, Saint-Pétersbourg, 1re édition, 1908, p. 49
17Lukin Pavel V., op. cit., p. 271.
18Ibid., p. 273.
19Ibid., p. 274.
20Le terme de population renvoie au processus que la Première Chronique de Novgorod décrit pour l’élection à la première chaire épiscopale en 1156 et qui devient la tradition : « tout le peuple de la cité s’est réuni et ils ont daigné introniser comme leur évêque un homme saint, élu de Dieu », Gonneau Pierre et Lavrov Aleksandr, op. cit., p. 197.
21Lukin Pavel V., op. cit. Weickhardt George G., « Political Thought in Seventeenth-Century Russia », Russian History/Histoire Russe, vol. 21, no 3 (automne 1994), p. 316-338.
22Čerepnin Lev Vladimirovič, Zemskie sobory russkogo gosudarstva v xvi-xvii vv, op. cit., p. 382-385.
23Brown Peter B., « The Zemskij Sobor in Recent Soviet Historiography », op. cit., p. 84.
24Čerepnin Lev Vladimirovič, Zemskie sobory russkogo gosudarstva v xvi-xvii vv, op. cit., p. 53-54.
25Hulbert Ellerd, Sixteenth-Century Russian Assemblies of the Land : Their Composition, Organization, and Competence, thèse, University of Chicago, 1970 ; Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 117-119.
26Lukin Pavel V., op. cit., p. 271.
27Čerepnin Lev Vladimirovič, « Zemskie Sobory i utverždenie absoljutizma v Rossii », op. cit., p. 99-102 ; Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 117-119 ; Brown Peter B., « The Zemskij Sobor in Recent Soviet Historiography », op. cit., p. 88 ; Gonneau Pierre et Lavrov Aleksandr, op. cit., p. 320.
28Jurij Križanič, missionnaire croate chargé de réviser les textes liturgiques dans le cadre de la réforme de l’Église russe au milieu du xviie siècle et exilé pendant 15 ans en Sibérie, est l’auteur de Politika (1666) un ouvrage où il analyse le système autocratique.
29Weickhardt George G., « Political Thought in Seventeenth-Century Russia », op. cit., p. 316-338.
30Zimin Aleksandr Aleksandrovič, « O političeskikh predposylkax vozniknovenija russkogo absoljutizma » (Les conditions politiques de l’émergence de l’absolutisme russe), in Nikolaj Mikhajlovič Družinin, Nikolaj Ivanovič Pavlenko et Lev Vladimirovič Čerepnin (dir.), Absoljutizm v Rossii (xvii-xviii vv), Moscou, Nauka, 1964, p. 18-49.
31Bogatyrev Sergei, The sovereign and His Counsellors : Ritualized Consultations in Muscovite Political Culture, 1350’s-1570’s, Helsinki, Academia Scientarum FENNIC, 2000.
32Halperin Charles J., « Cultural categories, Councils and Consultation in Muscovy », Kritika : Explorations in Russian and Eurasian History, 3 (4), Fall, 2002, p. 676.
33Čerepnin Lev Vladimirovič, « Zemskie Sobory i utverždenie absoljutizma v Rossii », op. cit., p. 131-133.
34Keep John, « The decline of the Zemsky Sobor », The Slavonic and East European Review, 36, 1957, p. 100-122 et « The decline of the Zemsky Sobor : An Afterword », in John Keep, Power and the People, New York, East European Monographs, Boulder, CO, 1995, p. 73-85.
35Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 123.
36Christin Olivier, Vox populi Une histoire du vote avant le suffrage universel, Paris, Seuil, 2014, p. 219-267.
37Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 123-129.
38Ibid., p. 142.
39Berelowitch André, La hiérarchie des égaux. La noblesse russe d’Ancien Régime, xvie-xviie siècles, op. cit., p. 143-207.
40Brown Peter B, « The Zemskij Sobor in Recent Soviet Historiography », op. cit., p. 87.
41Gonneau Pierre et Lavrov Aleksandr, op. cit., p. 320-321.
42Kršljanin Nina, « Interrupted evolution », op. cit., p. 13.
43Conçus, rédigés et adoptés après un long soulèvement urbain et durant une très longue session du Zemskij Sobor en 1648-1649, les Etablissements de l’Assemblée (Sobornoe Uloženie) sont un code de lois en vigueur jusqu’au xixe siècle.
44Brown Peter B, « The Zemskij Sobor in Recent Soviet Historiography », op. cit., p. 90.
45Ostrowski Donald, « The Assembly of the land as a Representative Institution », op. cit., p. 131.
46Čerepnin Lev Vladimirovič, « Zemskie Sobory i utverždenie absoljutizma v Rossii », p. 94.
47Poe Marshall T., A People Born to Slavery : Russia in Early Modern European Ethnography, 1476-1748, ville, Cornell University Press, 2000, p. 66-67 et 103-105. Les citations qui suivent sont tirées de ces pages.
48Schlichting Albert, « A brief account of the Character and Brutal Rule of Vasil’evich tyrant of Muscovy (Albert Schlichting on Ivan Groznyi) », translated by H. Graham, Canadian-American Slavic Studies, 9, 1975, p. 248.
49Reutenfels Jacob, De rebus Muschoviticis ad serenissimum Magnum Hetruriae Ducem Cosmum tertium, 1680, publié par Poe Marshall T., Early exploration of Russia, vol. XI, Londres/New York, Routledge Curzon, 2003, p. 103.
50« Pas de bourgeois ou autres pour représenter la communauté. [Ses élites] sont non seulement ses vassaux mais également ses esclaves, c’est-à-dire ses manants et ses obligés. C’est ainsi qu’ils se pressent et se présentent dans tous les usages publics et dans les pétitions qu’ils adressent à l’empereur. Et maintenant, ils tiennent leur autorité, leurs terres et tout le reste du bon plaisir du tsar, comme tous les autres le font », Fletcher G., Of the Russe Commonwealth (1591), in Lloyd E. Berry (éd.), The English Works of Giles Fletcher the Elder, Madison, 1964, p. 199. Pour une étude sur l’ouvrage de Fletcher, cf. Stout Felicity J., Exploring Russia in the Elizabethan commonwealth. The Muscovy Company and Giles Fletcher the elder (1546-1611), Manchester University Press, 2015.
51Poe Marshall T., « What did Russians mean when they called themselves “Slaves of the Tsar” ? », Slavic Review, vol. 57, no 3, Autumn 1998, p. 585-608, en particulier, p. 586.
52Ibid.
53« Ils confessent tous être des chlopos c’est-à-dire des esclaves du tsar », Herberstein Sigismond de, Notes upon Russia, trans. R. H. Major, Londres, 1851-852, Reprint NY, 1963, vol. 1, p. 95.
54« Lorsqu’elles s’adressent au tsar, les élites doivent, sans honte, écrire leur nom sous la forme abrégée mais aussi s’appeler esclaves et ils sont traités comme tels », Olearius Adam, The travels of Olearius in Seventeenth Century Russia, 1656, traduction et édition par Samuel H. Baron, Stanford, 1967, p. 173.
55Poe Marshall T., « What did Russians mean when they called themselves “Slaves of the Tsar” ? », Slavic Review, vol. 57, no 3, Autumn 1998, p. 596.
56Massa Isaac, Histoire de guerres de la Moscovie (1601-1610), Bruxelles, J. Olivier, 1866, p. 44-48.
57Margeret Jacques, Estat de l’empire de Russie, et grand duché de Moscovie, Paris, chez Louis Pottier, 1855, p. 13.
58Ibid., p. 77.
59Massa Isaac, évoque une « effervescence urbaine » et détaille la violence de la montée sur le trône du premier Faux Dimitri en 1605, Histoire de guerres de la Moscovie (1601-1610), op. cit., p. 123-133.
60Cité dans Poe Marshall T., A People Born to Slavery : Russia in Early Modern European Ethnography, 1476-1748, Ithaca, Cornell University Press, 2000, p. 104.
61Margeret Jacques, Estat de l’empire de Russie, et grand duché de Moscovie, op. cit., p. 83-84.
62Bussow Conrad, A disturbed state of the Russian realm, traduit et édité par G. Edward Orchard, Montréal, Mac Gill University Press, 1994, p. 154 sq.
63Weickhardt George G., « Kotošihin : an evaluation and interpretation », Russian History/Histoire Russe, vol. 17, no 2, Summer 1990, p. 135.
Auteur
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Marie-Karine Schaub
Maîtresse de conférences en histoire moderne à l’UPEC, chercheure au CRHEC (Centre de recherche en histoire européenne comparée) et chercheure associée au CERCEC. Spécialiste de l’histoire politique de la Russie à l’époque moderne et de l’histoire diplomatique en Europe au xviie siècle, elle prépare un ouvrage sur les relations entre la Moscovie et les cours européennes au xviie siècle.

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