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    Plan détaillé Texte intégral Un acte de foi absolutiste : « tout l’État est en lui » Le royal herméneute Du roi magicien à l’illusionniste de la foire Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    La représentation avant le gouvernement représentatif

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Souverains magiciens et jongleurs couronnés

    De quelques avatars royaux de la représentation politique de la Renaissance à la révolution de Juillet

    Yann Lignereux

    p. 97-119

    Texte intégral Un acte de foi absolutiste : « tout l’État est en lui » Le royal herméneute Du roi magicien à l’illusionniste de la foire Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Le problème posé par la question de la représentation politique avant la Révolution française, l’affirmation moderne de la souveraineté du peuple et l’avènement du gouvernement représentatif n’en serait pas un à entendre l’admonestation prononcée, le 3 mars 1766, par Louis XV contre ses officiers de justice parisiens et leurs prétentions politiques :

    « Je ne souffrirai pas qu’il se forme dans mon royaume une association qui ferait dégénérer en une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligations communes, ni qu’il s’introduise dans la monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu’en troubler l’harmonie ; la magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des trois ordres du royaume […]. Comme s’il était permis d’oublier que c’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine […] et que les droits et les intérêts de la nation, dont on ose faire un corps séparé du monarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu’entre mes mains1. »

    2La Nation ne fait donc pas corps en France ; elle réside toute entière dans la personne du roi qui l’incarne absolument. Un siècle plus tôt, on pouvait créditer le jeune Louis XIV des fortes paroles que lui prêtent – trop généreusement sans aucun doute – Voltaire et une longue tradition historiographique, « l’État, c’est moi », donnant à la stricte réduction unitaire de son arrière-petit-fils un relais chronologique dans l’évidence d’une proposition immémoriale qui ne souffrirait aucune suspicion. La cause serait entendue. La Révolution satisferait ici encore le paradigme politique fondateur, se substituant comme une geste collective d’invention aux gestes civilisateurs principiels d’un Thésée ou d’un Romulus, dans la revendication d’un idéal de la tabula rasa par lequel la contemporanéité inaugurerait un âge politique adulte débarrassé des scandales, des scories et des confusions d’une représentation inféodée à la seule personne du prince. La performance de la Révolution, dans la généalogie de notre contemporanéité politique, serait liée à sa puissance de déprise et de rupture vis-à-vis d’une tradition dont elle viendrait rompre, tel un démiurge, la continuité pour donner naissance à un monde neuf : non seulement régénéré mais original.

    3L’historiographie critique a battu en brèche ces naïvetés, forte des réflexions menées notamment autour de la Renaissance comme invention autoréférentielle, et des interprétations qui ont pu être proposées pour comprendre la singularité des Modernes comme les formes avec lesquelles surent ruser et composer les racines théologiques et spirituelles de l’autorité et du pouvoir des temps anciens2. Le travail mené par Olivier Christin, qu’il ne faut pas réduire à une archéologie des pratiques contemporaines du vote, montre ainsi le régime d’autonomie propre de la pratique électorale aux époques médiévale et moderne, sans vouloir en faire désespérément les prolégomènes du mode ordinaire de la désignation des représentants du peuple dans nos démocraties libérales, ni ériger les élus de l’Ancien Régime en figures d’ancêtres insatisfaisants des représentants de la Nation que se donnent aujourd’hui les citoyens3. Il y a, en effet, une archéologie féconde de l’histoire des idées et des pratiques politiques qui ne doit pas sa valeur heuristique qu’à ses seules et hypothétiques ressources généalogiques ni son intérêt social qu’aux usages, dits éclairants, de ses réalités pour comprendre nos expériences contemporaines.

    4Le but de mon propos est de penser que la Révolution est peut-être moins le prélude d’une césure dans « la chaîne des temps » de la représentation politique que le moment paroxystique d’une crise qui ne débute pas avec elle. Le travail d’Annie Jourdan, notamment, a montré combien la question de la représentation politique n’est pas une originalité de la Révolution4. À lire Louis Marin, c’est bien, au contraire, le principe même de l’autorité des monarques dont il s’agit5. Une autorité que la Révolution abat peut-être alors moins parce qu’elle s’est saisie de ce sujet qu’elle ne fait fond sur une crise interne à la représentation monarchique vidée déjà de son efficace. En travaillant sur la formidable déstabilisation opérée par Louis XIV dans l’économie politique de la représentation monarchique, j’ai essayé de montrer comment l’absolutisme avait pu rendre les images royales comme étrangères à elles-mêmes et, en m’intéressant à la figure herculéenne durant la Révolution, quels pouvaient être les effets de cet évidement de la figure glorieuse de l’héroïsme royal par excellence6.

    5À l’aide des propositions d’Anne Surgers, de Paul Friedland et de Richard Clay, comme des travaux sur la théâtralité politique menés par Noémie Villacèque ou ceux de Nathalie Preiss sur le simulacre et la farce du premier xixe siècle, ou encore d’Yves Sintomer sur la crise de la représentation politique contemporaine – entre autres renouvellements récents empruntés à différents champs disciplinaires et à différentes périodes de spécialisation historique –, il est possible d’envisager, depuis l’examen d’un motif singulier, une histoire de la représentation du pouvoir avant l’âge de la représentation et d’évaluer l’impossible survivance d’un tel régime d’incarnation de la Nation à l’âge des expériences démocratiques représentatives du Peuple souverain7. En examinant les vicissitudes du « roi magicien », de l’enchanteur démiurge de vérités de la grande galerie de Fontainebleau au début du xvie siècle au saltimbanque trompeur, joueur de bonneteau, de la monarchie de Juillet, se dessine la figure d’une représentation politique dans laquelle la sommation de croyance qui la fonde s’affranchit du corps du roi pour se faire la dénonciation de son imposture.

    Un acte de foi absolutiste : « tout l’État est en lui »

    6Un passage d’un cours de droit public manuscrit, composé par ordre du roi et sous le contrôle de Jean-Baptiste Colbert de Torcy, afin d’instruire le jeune duc de Bourgogne, fils aîné du grand dauphin, précise la nature politique du royaume dont il pouvait être un jour le souverain :

    « La France est un état monarchique dans toute l’étendue de l’expression. Le roi y représente la nation entière, et chaque particulier ne représente qu’un seul individu envers le roi […]. La nation ne fait pas corps en France, elle réside tout entière dans la personne du roi8. »

    7Faisant écho au mot célèbre de Louis XIV évoqué plus haut et au passage tout aussi fameux de la Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte de Bossuet : « tout l’État est en lui9 », déjà cité dans le titre de cette partie, s’affirme ici le principe absolutiste d’une incarnation par le roi de la nation : autrement dit, la représentation exclusive de celle-ci à travers la personne de son souverain10. Moins sophistiquées que l’expression savante de la fiction juridico-politique des deux corps du roi dans laquelle le corps mystique du souverain, persona ficta, figurait l’inextricable liaison du roi et de ses sujets sur le modèle paulinien du corps mystique de la Chrétienté (lui-même nourri du droit romain quant à la notion d’incorporation), ces formules témoignent de la vulgate absolutiste imaginant comme consubstantiels le roi et son royaume, le monarque et la monarchie, le souverain et ses sujets. La conception de cette relation, au cours du xviie siècle, triomphe d’une autre tradition de la représentation monarchique de la souveraineté : celle de la monarchie républicaine des xve-xvie siècles dont James B. Collins a montré toute l’énergie politique et les facultés résilientes en dépit de la disciplinarisation absolutiste la vouant aux chimères ou à des temps qui « ne sont plus de saison », pour reprendre une expression de Colbert, en 1679, au sujet des prétentions politiques des parlements11.

    8Tout entier contenu dans la personne du roi, le peuple de ses sujets ne peut donc avoir sous l’Ancien Régime d’autres expressions représentatives distinctes de celle-ci, immédiates ou autonomes. L’immédiateté de la représentation réfute les prétentions du parlement de Paris, des États généraux, des assemblées de notables, des États provinciaux, des corps constitués – assemblée du Clergé et synodes nationaux protestants –, des corps de ville, de l’Université et de la noblesse, à jouer, à des titres divers et sous des formes et des modalités variées, un quelconque rôle d’expression des intérêts et de la volonté de la Nation au nom de leur commun – mais néanmoins concurrent – idéal d’une participation au Conseil du Prince contre les ambitions absolutistes de celui-ci12. Il est significatif à cet égard, qu’envisageant pourtant l’extrémité dramatique dans laquelle se trouverait le royaume en cas d’absence d’héritier légitime au trône, l’édit de juillet 1717 ne se préoccupe pas de donner une forme – ni de nommer le corps ou l’institution qui lui prêterait le sien – à l’expression de la sagesse nationale chargée de surmonter cette épreuve redoutable13. Aussi paraît-il vain tout d’abord de chercher une représentation de la nation quand celle-ci est régie par son invisibilité paradoxale sous la figure spectaculaire du souverain, « nation devenue visible » selon l’expression de Jean Meyer14. Tout au plus relèverait-on la trace d’une survivance ténue, circonscrite à quelques membres ou organes dans le schéma corporel classique à travers lequel se donne à voir la constitution politique des ordres du royaume nourri par l’apologue antique des membres et de l’estomac dont le souvenir traverse toute la période moderne pour, par exemple, informer encore l’image du peuple dans les Mémoires pour l’instruction du Dauphin15. Plus abondantes et spectaculaires sont alors les images d’une représentation politique dévoyée, car alternative au corps du prince que mettent en scène les thuriféraires de la monarchie absolutiste. Martelant à Fontainebleau, au Louvre, aux Tuileries, à l’aide de la Bible, de la Fable et de l’Histoire, la criminelle ambition d’une représentation du peuple qui s’affranchirait de la tutelle du roi, l’iconographie précipite dans l’infamie tout ce qui semblerait vouloir distendre le monopole représentatif royal et se poser comme un tiers entre le roi et le peuple.

    9À l’occasion des conflits récurrents entre le parlement de Paris et le Conseil du roi au sujet des évocations, des cassations, des arrêts en commandement et de l’enregistrement d’édits bursaux toujours plus nombreux, ou lors des grandes périodes de troubles religieux et politiques traversant les trois siècles de l’Ancien Régime – de la « guerre folle », de 1485 à 1488 (opposant, à la régence d’Anne de Beaujeu, un parti aristocratique regroupé autour du duc d’Orléans), à « l’union des classes », de 1752 à 1770 (marquée par l’affirmation d’une solidarité des parlements du royaume contre le gouvernement royal), en passant par la Fronde (1648-1653) et les guerres civiles de religion de 1562 à 1598 – s’affirme un imaginaire absolutiste railleur des prétentions insensées de tous les « brouillons » qui ont osé porter encore le discours d’une participation, même mineure, à l’économie représentative du politique que prétend se réserver le prince absolu16. Cette affirmation de l’exclusivité représentative se lit dans l’appareil iconographique des formidables palais que les souverains font bâtir, dans les timbres royaux surmontant la façade des hôtels de ville, sur les places où s’élèvent leurs statues, sur les forteresses où les bustes des rois ou leurs armes et leurs chiffres toisent l’ennemi et le défient de toucher au corps du royaume, jusqu’au milieu des eaux dans les phares annonçant à ceux qui sont perdus que le secours est proche.

    10Dire et répéter la faillite des prétentions déraisonnables d’une représentation politique différente – à défaut d’être véritablement concurrente – de celle du prince constitue le leitmotiv de la persuasion absolutiste qui, dans la sphère spectaculaire, accompagne la batterie juridico-politique dressée contre toutes les survivances possibles d’un discours alternatif, comme par exemple celui de Philippe Pot, le grand sénéchal de Bourgogne, lors des États généraux de 1484, rappelant que c’étaient les peuples qui élisaient les rois. La force armée des souverains et leur politique de disciplinarisation de l’imaginaire s’efforcent de rendre impuissante voire même inimaginable l’expression d’alternatives qui ne seraient dès lors plus que des déviances : les canons de Louis XIV ne portaient-ils pas gravée sur leur fût cette sentence, « le dernier argument des rois », et la régente Anne d’Autriche n’avait-elle pas affirmé, à la fin du mois d’août 1648, qu’il y avait « de la révolte à s’imaginer que l’on se puisse révolter17 » ?

    Le royal herméneute

    11C’est à la source de ce que l’on appelle communément « le premier absolutiste » que l’on peut saisir le motif qui nous intéresse, mêlé donc à cette dénonciation des erratiques ambitions d’une représentation politique dérogeant à l’exclusivité du monopole figuratif princier que le roi s’efforce d’imposer dans ses images. La grande galerie du château de Fontainebleau, construite et aménagée par le Rosso et le Primatice entre 1534 et 1540, est décorée d’un décor abrite douze fresques dont l’économie sémantique a défié l’interprétation des historiens partagés entre une lecture littérale renvoyant à ce que les commentateurs des xviie et xviiie siècles appelaient « le roman du roi » – soit l’illustration, par la mythologie et l’histoire antique, de différents épisodes de la vie de François Ier – et des constructions symboliques extrêmement sophistiquées mobilisant des virtuosités érudites conçues comme de véritables cathédrales conceptuelles18. Ces différentes approches – sans exposer davantage ici le contexte bibliographique et critique de ce sujet – n’ont pas réussi à satisfaire toutes les questions suscitées par le sens de ces fresques et de ces stucs, placés au cœur d’un mystère d’État dont l’accès était réservé au roi seul : portant, en effet, la clef en commandant l’ouverture, il se chargeait lui-même d’accompagner les hôtes auxquels il réservait le privilège de cette découverte.

    12C’est précisément cette configuration de la réception qui a fait proposer dernièrement à Christine Tauber une lecture à laquelle je me rallie volontiers : celle d’entendre dans ce labyrinthe de sens un art combinatoire ne s’épuisant jamais dans la fixité d’une signification atteinte ou satisfaite ; c’est-à-dire de comprendre le roi comme la clef, physique et spirituelle, en en permettant l’accès mais sans jamais le considérer comme l’herméneute d’un sens inflexible. Elle montre, en effet, combien la lecture d’une fresque pouvait être faite à discrétion par le roi, sur un mode quasi kaléidoscopique, déplaçant, au gré de ses envies et de son inspiration, sa position, d’une extériorité du sens à la condition même de celui-ci19. Le roi fait surgir la signification du chaos des références, de l’entremêlement des citations et du concert assourdissant des échos érudits. Il ordonne l’agencement des symboles, trace le sens à dégager, la leçon à entendre, la reconnaissance à opérer dans l’entrelacs des motifs et l’enseignement n’est jamais identique. Il se reconfigure et se métamorphose, à l’intention d’un hôte, sans que le sens, ainsi dégagé, ne soit contradictoire du précédent : aucun n’est vrai et jamais les sens inventés – au sens archéologique du terme – par le roi inspiré ne sont faux. Ils constituent comme les figures d’un ballet qu’appelle le roi, dans une performance dont la vérité s’épuise dans son énonciation, sans qu’elle puisse devenir la propriété d’un hôte, qui n’est jamais qu’un autre par rapport au roi, seul détenteur des secrets d’un monde qu’il fait toucher mais qu’il ne cède jamais. Dans un geste confinant à la promesse du Christ et à l’impératif divin du mouvement – « les écrits restent quand les paroles s’envolent » –, le roi manipule les choses mentales comme d’aucuns artisans, travaillant la matière, forment des objets. Il joue, affranchi des compréhensions routinières et mécaniques des spécialistes et des exégètes, à rendre un sens qui ne peut se comprendre délié de son médiateur et qui confond, dans la personne du prince, la signification qui se révèle et l’acteur de son épiphanie. Le roi est bien absolu : il possède un secret qui ne peut faire douter de sa capacité à dresser le chemin droit à laquelle le mot de rex serait directement attaché. Les autres sont des ignorants ; quelle que soit la science dont ils se réclament, quelle que soit l’autorité qui les ferait prétendre à jouer un rôle dans l’État, à participer à la souveraineté ou à représenter le peuple, ils sont proprement éperdus : qui prétendraient-ils représenter quand leurs yeux obscurcis les empêchent même de se voir et de se reconnaître ; qui prétendraient-ils conduire et guider quand leurs sens et leur intelligence, aveuglés par les illusions comme par le demi-savoir, les désorientent et les font tituber ; qui prétendraient-ils faire agir quand l’hébétude les accable, les prosterne et les faits eux-mêmes s’asseoir comme désespérés ? C’est toute la faillite des prétentions politiques des illusoires compagnons du prince souverain que la fresque royale donne à penser.

    Fig. 1. – L’ignorance chassée.

    Cliché de l’Agence photographique de la réunion des musées nationaux, no 85-001598.

    13La fresque, nommée communément L’ignorance chassée, montre le spectacle de cette foule qui peut être le visage des adversaires ou des compétiteurs du roi selon que les circonstances appellent telle identification plutôt qu’une autre. Elle assigne aux uns l’errance, la confusion et l’erreur quand il n’est donné à ces malheureuses figures que leurs corps à toucher. Elle célèbre au contraire la solitude vertueuse de celui qui peut pénétrer dans le temple capitolin du savoir et de la sagesse – l’inscription Ostium Jovis figure sur son fronton – dont Jupiter s’est fait le maître en avalant Métis. Nul horizon pour les premiers ; tous les possibles du monde pour le second. Communément nommée L’ignorance chassée… En effet, si l’on reprend l’interprétation du Père Dan de 1642 ou de l’abbé Gilbert en 1731, que suit, avec un léger décalage, l’iconologie de Panofsky, la fresque montrerait François Ier s’apprêtant à ouvrir les portes du temple des Muses pour y conduire les aveugles du premier plan. Mais le roi a-t-il bien l’attitude qui sied à un guide soucieux d’être suivi ? D’autant plus que ceux qu’il devrait prudemment conduire sont aveuglés, errants aux abords d’un temple surélevé par trois degrés qui leur en rendent plus malaisé l’accès. Le sentiment d’un abandon s’impose bien davantage que le constat d’un secours20. S’apprête-t-il d’ailleurs vraiment à ouvrir les portes de ce temple, dont le seuil est traversé d’une lumière qu’aucun obstacle ne vient obturer ? S’agit-il, enfin, du temple des Muses, quand est inscrit à son fronton Ostium Jovis ? Comprendre la fresque comme une action du prince pour ses sujets, qu’il sauverait de l’ignorance, force alors les principaux éléments formels représentés et violente l’iconographie au nom de l’iconologie21.

    14Qu’est-ce que chasse alors François Ier ? L’ignorance hors de son royaume ou certains sujets coupables d’avoir voulu jouer avec le sens politique, représenter en leur personne le corps du peuple, et approcher, durant la régence de sa mère et sa captivité espagnole, une souveraineté que le monarque absolu veut garder pour lui seul ? S’agit-il bien d’ailleurs du spectacle d’une expulsion – qui concerne les vices expulsés – ou, plus justement, celui d’une exclusion : soit ici la personne exclusive du souverain seul entrant dans le temple et seul compétent à représenter la totalité de son peuple quand les individus qui prétendaient concurremment le faire ne sauraient jamais qu’en constituer que des parties juxtaposées les unes aux autres sans approcher le génie politique – soit le mystère absolutiste de l’incarnation – qui les lie ni réaliser l’unité qui en fait les parties d’un tout sans pour autant qu’elles deviennent indistinctes ? La fresque bellifontaine dramatiserait, pour emprunter cette expression aux historiens américains néo-cérémonialistes, la qualité nécessairement absolutiste de la république monarchique en écartant et disqualifiant les prétentions aristocratiques et populaires à caractériser la politeia française. Soit une réponse, pérenne, somptueuse et glorieuse, en un mot souveraine, apportée à travers l’art par le roi à ses détracteurs – qu’ils soient conseillers du parlement de Paris ou partisans du connétable de Bourbon, comme ses adversaires contemporains ou les compétiteurs de ses successeurs – qui avaient pu souscrire, quelques années auparavant, aux propositions irrévérencieuses d’une Epistre satiricque (Anvers, 1527) ironiquement adressée à François Ier aux lendemains de sa captivité madrilène et peignant le souverain français sous les traits d’un sot couronné. Par le truchement de Dame Congnoissance qui y dressait la liste de toutes les erreurs du roi, l’auteur décrivait le monarque comme « un roi sans raison, le roi qui ne cesse de se tromper, un souverain sans sagesse, accumulant les bévues22 ». Un François Ier qui, après l’injustice faite au connétable, n’était pas le roi vertueux, prudent et sage, des thuriféraires de la Couronne, mais un « roi aveugle sur lui-même, qui ne se connaît pas lui-même ». Une fresque qui peut donc se lire en écho de ce texte, entre autres possibles, où, s’adressant au roi, il était alors dit que « bon conseil trop t’estoit invisible » et que se dressait face à lui, contre lui, une Congnoissance sévère examinatrice de ses injustices et aveuglements.

    15François Ier affirme l’évidence d’un mystère que nulle autre autorité n’a en puissance de réaliser, soit cette faculté supérieure, proprement royale et absolue, d’incarner la volonté unie d’un peuple qui n’est rien quand il est réduit aux passions de ceux qui le constituent ou ramené à n’être plus qu’une foule tumultueuse d’acteurs imbéciles dans leur ambition à coparticiper à la souveraineté du prince. Une débilité qui est celle aussi, dans ces mouvements sans déplacement, de ceux qui voudraient parler pour lui le représenter en empruntant au lexique antique l’ambition d’une coparticipation à la souveraineté du prince. Aux délégués du parlement de Paris, venus au château d’Amboise en février 1517 connaître la réponse du roi aux observations que sa Cour de justice lui remontrait au sujet de l’enregistrement du concordat signé l’année précédente à Bologne, François Ier manifesta par différents gestes son extrême mécontentement. Le procès-verbal rapporte notamment la scène entre le roi et deux conseillers survenue le dernier jour de février :

    « Et après ce, s’esmeut et colera aigrement, disant qu’il n’y auroit qu’un roy en France, qu’il avoit bien travaillé à mettre son royaume en paix, et que ce qui avoit esté faict en Italie ne seroit desfaict en France, et garderoit bien qu’il n’y auroit en France un sénat comme à Venise, et qu’ils se devoyent mesler de la justice, et non pas d’autre chose […] et qu’à eux n’appartenoit se mesler des choses concernant son Estat23. »

    16L’année suivante, le sénat romain antique et le refus d’un gouvernement aristocratique sont évoqués par le chancelier Duprat lors de la réception par le parlement du concordat. La lutte relative à l’absolutisation du pouvoir royal et à l’identité sénatoriale du parlement de Paris est close temporairement à l’avantage du monarque lors du lit de justice de 1527 qui précède lui-même de quelques années seulement la réalisation du décor de la galerie de Fontainebleau par le Rosso. Il serait donc étonnant que l’un « des plus brûlants débats entre Moyen Âge et Renaissance », selon l’expression de Patrick Arabeyre, n’ait pas laissé d’autres traces que dans les seuls registres des chancelleries royale et parlementaire24.

    17Ainsi saisie par cette contextualisation politique, la fresque du Rosso éclaire ce qui dans l’imaginaire absolutiste de François Ier discrimine le bon gouvernement monarchique des errements démocratiques et leurs fondements représentatifs – de quelque ordre qu’ils soient – qui pervertissent les fondements de la république idéale. Quand le souverain marche résolument vers la lumière de la sagesse divine et l’éclat de la puissance jupitérienne, fort du Livre et de l’Épée, les parlementaires s’égarent dans les illusions de leur jugement erroné, aveugles mêmes à leur propre aveuglement puisqu’aucun d’entre eux n’esquisse le geste d’ôter le bandeau qui lui couvre les yeux quand bien même tout indique qu’ils en ressentent, pourtant, le terrible poids. Comme l’enfant, sans tuteur, ils ne sont que des corps livrés à une marche que leur esprit ne commande pas, engagés sur un chemin que leur volonté ne peut éclairer. Des êtres sans fin, prisonniers d’une indécision indéfinie. Par là est affirmée la différence de nature entre le souverain providentiel et les sujets soumis par Dieu à sa conduite et à sa vertu ; il est bien le roi ab solutus. Quand les magistrats parisiens prétendent former avec le monarque un seul et même corps, l’inanité de cette prétention est figurée par leur incapacité à former déjà une communauté les uns avec les autres ; ils ne peuvent être les compagnons d’un roi quand ensemble ils sont déjà incapables de faire corps. Sans la présence du roi, le peuple de la nation, la république royale – et ceux qui se disent être ses représentants, ses piliers ou ses pères – sont réduits à une multitude informe. Comment peuvent prétendre « autoriser » ou « approuver » la Loi ceux-là mêmes qui, anéantis dans leur impuissance, cherchent un tuteur ? Comment peuvent-ils « conserver » la législation quand ils se mettent en péril ? Comment peuvent-ils éclairer le prince et « interpréter » ses lois quand ils sont enténébrés ? Aussi, face aux revendications des parlementaires à représenter la royauté, soit le souverain et ses sujets, la nation et son prince, leur est-il rappelé ici la différence fondamentale qui empêche, selon le point de vue de l’absolutisme royal, de confondre la délégation de l’autorité avec la communication de celle-ci comme le comprenaient opportunément les magistrats parisiens.

    Du roi magicien à l’illusionniste de la foire

    18Vingt-cinq ans après la Fronde, en 1679, Colbert pouvait prétendre que les « bruits de parlement » n’étaient plus de saison. Six ans auparavant, c’est en des termes sévères que le ministre avait condamné l’initiative du gouverneur général de la Nouvelle-France, le comte de Frontenac, de réunir comme une forme d’États généraux de la province à son arrivée à Québec en 1672. Dans la réponse que Colbert lui adressa se dessine toute la cartographie du combat mené par le monarque contre les survivances d’une gouvernance héroïque et aristocratique de l’État royal que la fuite du grand Condé puis son ralliement à l’ordre absolutiste devaient signifier avec éclat. La défaite de la Fronde nobiliaire et des princes ne signifie pas seulement la déroute du devoir de révolte, constitutif de l’imaginaire de la république monarchique des deux siècles précédents. Elle sanctionne tout autant les ambitions de la Fronde parlementaire qui avait pu donner, en 1648, à la figure d’un conseiller du parlement de Paris, le vieux Pierre Broussel – l’auteur de 23 des 27 articles de la charte de la Chambre Saint-Louis –, le titre de « vray portraict du Pere du Peuple » en laissant comprendre à la discrétion du lecteur l’adjectif comme véridique ou véritable.

    « L’assemblée et division que vous avez faite de tous les habitants du païs en trois ordres ou estats pour leur faire prester le serment de fidélité pouvait produire un bon effect dans ce moment-là, mais il est bon que vous observiez que comme vous debvez tousjour suivre dans le gouvernement et la conduite de ce païs-là les formes qui se pratiquent icy et que nos Roys ont estimé du bien de leur service depuis longtemps de ne point assembler les Estats Généraux de leur Royaume, pour peut estre anéantir insensiblement cette forme ancienne, vous ne debvez aussy donner que très rarement et pour mieux dire jamais, cette forme au corps des habitants du dit païs et il faudra mesme avec un peu de temps […] supprimer insensiblement le syndic […], estant bon que chacun parle pour soy, et que personne ne parle pour tous25. »

    19Une quarantaine d’années plus tard, le neveu de Colbert, le secrétaire d’État Jean-Baptiste Colbert de Torcy, en réponse aux exigences anglaises demandant la réunion préalable des États généraux quant à la question des renonciations par la France à certains territoires dans le cadre des négociations diplomatiques engagées en 1712 sur la ratification du traité d’Utrecht, répliqua que l’institution était, « en quelque manière » abolie26. C’est alors que ressurgit le thème du roi magicien. S’il n’avait pas complètement disparu – il est notamment présent chez Étienne de La Boétie ou chez Gabriel Naudé –, c’est bien avec les hautes eaux de la représentation politique absolutiste qu’il réapparaît, mais investi d’une charge critique dont la postérité a gardé le souvenir à travers l’ironie de Montesquieu faisant conclure Ibben, dans sa lettre datée du 4e de la lune de Rebiab 2 de l’année 1712, sur le fait, qu’en effet, le roi était « un grand magicien », ou à travers Usbek se moquant, dans le ridicule d’un homme dont on lui avait dit qu’il « représentait le mieux », de l’économie même de la croyance absolutiste à travers sa lettre datée du 10e de la lune de Saphar, 171527.

    20Portée d’abord depuis le subterfuge persan de l’étonnement oriental, c’est avec le support des récits de voyage dans les Amériques que se dessine progressivement dans la France des Lumières la critique contre le monopole absolutiste de la représentation politique. La littérature viatique met en scène, sous des modes divers, l’étrangeté et le ridicule de certaines pratiques autochtones au nombre desquelles se distingue une figure appelée à une certaine publicité durant la Révolution. C’est, en effet, le cas du « jongleur » iroquois, et plus généralement amérindien (avec son imaginaire anthropophagique), que mobilise, dans la citation suivante, le discours révolutionnaire pour dénoncer l’aveuglement et la crédulité des citoyens et les appeler à ouvrir enfin les yeux sur un mystère politique qui, avec les vapeurs d’encens dans lesquelles il s’entoure, n’est jamais que de la poudre jetée aux yeux de ceux qu’il entend séduire et tromper :

    « Jusques à quand les peuples abusés seront-ils assez idiots pour ne pas s’apercevoir que toutes les chances dans la guerre sont à l’avantage des tyrans qui l’ont méditée, et qu’ils ne sont que les malheureux instrumens dont les jongleurs couronnés se servent pour augmenter leur autorité despotique, et assassiner la liberté ? Le malheureux peuple ne voit pas que c’est contre lui-même qu’il tourne ses armes en protégeant des anthropophages dont la foiblesse et la nullité sont si évidemment reconnues, lorsque le peuple les abandonne, et qu’il les voit tels qu’ils sont28. »

    21S’il n’est pas possible ici de retracer l’histoire de cette figure, sa malignité est scellée aux origines de la découverte européenne des peuples amérindiens. Dans cette généalogie à laquelle prennent part des figures aussi différentes que le libertin et frondeur baron de Lahontan, le jésuite Pierre Biard, le récollet Louis Hennepin, ou le protestant René Goulaine de Laudonnière, l’édition, en 1590, par Théodore de Bry du récit virginien de Thomas Harriot dessine l’association entre une théâtralité ridicule et la performance de croyance qui ressort bien davantage d’une crédulité, ou d’une naïveté trompée, que d’un acte de foi29. L’homme-médecine y est décrit dans les deux versions françaises comme un enchanteur ou un magicien. On notera même que dans l’édition hollandaise du texte initialement publié en 1588, la gestualité ridicule du chamane est accentuée afin de le précipiter définitivement dans l’erreur en l’assimilant au juggler – terme qui désignait dans les polémiques religieuses anglaises contemporaines le prêtre papiste. Une publicité accrue est apportée à cette figure par l’édition la publication à Amsterdam, en 1723, du livre de Jean-Frédéric Bernard, les Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. L’une des gravures de Bernard Picart représente un rite de guérison et est intitulée « Jongleur qui vient guérir un malade ». Après avoir décrit les pratiques ridicules et les tours dont il use pour faire croire en ses pouvoirs, après avoir précisé qu’il « chante, dance & hurle comme un loup-garou », l’auteur conclue ainsi : « C’est par des artifices presque aussi grossiers que nos Charlatans tachent de se maintenir en Europe30. » Le parallèle, prudemment établi ici entre le jongleur amérindien et les rebouteux européens, ouvre possiblement la voie à d’autres confrontations aptes à dénoncer dans l’État-spectacle absolutiste et ses mystères représentatifs une supercherie du même ordre à travers la réception nouvelle, par exemple, dans la seconde moitié du xviiie siècle, du sacre du roi et des qualités thérapeutiques miraculeuses de ce dernier. Avant de connaître une publicité iconographique renforcée avec l’impression la publication parisienne, entre 1795 et 1796, d’une gravure de Laroque représentant un « jongleur iroquois » dans l’Encyclopédie des voyages de Jacques Grasset de Saint-Sauveur, sa présence s’était diffusée dans la littérature à l’occasion d’un épisode de la vie de l’aventurier Robert Chevalier relatée en 1732 par Alain-René Lesage et elle est présente dans un double-sixain édité dans La cliquaille du Parnasse de Louis de Chapat (Amsterdam, 1777). Cette figure vient s’associer à la littérature des tours d’adresse et de passe-passe dans un siècle qui, s’il est celui des Lumières rationnelles, est aussi celui du mesmérisme et des flux magnétiques curateurs comme le montrent les rééditions parisiennes d’un livre de manipulations nommés en 1764, L’adroit escamoteur et réédité en 1797 comme Le petit escamoteur Ou Recueil De Tours Divertissans. La référence dans le journal révolutionnaire aux « jongleurs couronnés » serait alors la coalescence possible de plusieurs motifs : d’une part le jongleur de la littérature viatique, d’autre part les charlatans de foire de la tradition picturale et littéraire que Jérôme Bosch a contribué à établir à la fin du xvie siècle et dans laquelle s’inscrit par exemple, vers 1720-1725, le peintre Philippe Mercier avec son Escamoteur (dans une version mondanisée) ; s’y ajoutent la littérature de la gueuserie avec son cortège de « truches » par lesquels les filous trompent leur monde, et les effets, enfin, de la guerre menée par les esprits forts – libertins érudits et adversaires religieux de l’absolutisme louis-quatorzien – contre les supercheries royales habituant, comme le déplorait en 1705 Nicolas Gueudeville, les hommes à la servilité en les persuadant que nul salut n’était possible hors du corps du roi31.

    22Associé à la dénonciation de cet art d’une jonglerie illusionniste, le thème de l’escamoteur prend avec la Révolution française une tonalité politique manifeste, comme le montre le titre du libelle de Jacques-Louis Vachard, président de la Société des Indigents, Le Buveur de sang démasqué, dialogue entre un prêtre et un escamoteur (Paris, an V)32. Le « Patriote Moustache », dans La culbute royale – une pièce de Louis Boussemart imprimée après la destruction des statues royales parisiennes en août 1792 et la conduite de Louis XVI à la prison du Temple à la fin du mois de septembre suivant –, parle des rois comme des « escrocs de sceptre33 ». Et c’est la tête décapitée du royal charlatan qui est montrée par la main anonyme dans la célèbre gravure de Villeneuve dédiée aux « jongleurs couronnées [sic]34 ».

    Fig. 2. – Matiere à reflection pour les jongleurs couronnées.

    Cliché de l’Agence photographique de la réunion des musées nationaux, no 12-575036.

    23S’il faudrait poursuivre et affiner ces hypothèses, la force de ce thème me semble majeure dans sa capacité à inquiéter l’évidence royale d’une représentation politique monopolistique pour déjouer « les petits moyens » (Étienne de La Boétie) par lesquels, faussement, l’absolutisme monarchique a construit son empire sur la représentation du peuple français. Quand Paul Friedland a pu montrer la formidable déstabilisation de l’imaginaire représentatif politique depuis la révolution théâtrale initiée en 1750 par L’art du théâtre de François Riccoboni et poursuivie par les écrits théoriques de Diderot, c’est depuis le théâtre de la foire et des forains que se construisent, aussi, la disqualification et le procès en indignité du magistère royal sur la représentation que viendra donc braver le geste fondateur des États généraux se métamorphosant, le 17 juin 1789, en Assemblée nationale en substituant à la représentation-incarnation – sur le mode eucharistique et la mystique paulienne de la vulgate absolutiste – une représentation abstraite ou, pour faciliter le contraste, désincarnée ou virtuelle35. Soit le passage, pour reprendre Paul Friedland, d’une représentation véritable à une représentation vraisemblable. Le roi qui, dans la grande galerie de Fontainebleau, faisait bouger les significations en les faisant surgir de l’invisible, enchantant à chaque visite le sens des fresques et des stucs de ses artistes italiens, est désormais caricaturé comme un charlatan de foire jouant de sa virtuosité manipulatrice pour tromper les spectateurs et prendre leur argent. Mais le mystère est éventé et toute tentative de rejouer le grand genre révolu est passée au crible de la blague que Nathalie Preiss a étudiée pour le début du xixe siècle. Au-delà du corpus qu’elle mobilise, il conviendrait alors de poursuivre la figure de l’escamoteur pour la voir traquer avec efficacité les manipulations politiques les plus diverses, dénoncer le cirque politique, les simulacres, les illusions et les monomanies politiques dignes d’un asile d’aliénés (comme dans la gravure de Daumier, Le Charenton ministériel, publiée dans La caricature en mai 1832), et crier à la tromperie quand les acteurs politiques se prennent au jeu de leur propre croyance et s’essayeraient à faire partager aux citoyens leur aliénation en leur faisant prendre des vessies pour des lanternes. Comme l’illustre, entre autres exemples, une lithographie de Jules David publiée dans le journal La caricature du 12 mai 1831 intitulée L’escamoteur. Louis-Philippe, sur une estrade, manipule, en joueur de bonneteau averti, trois gobelets sous lesquels sont placées trois muscades, « Juillet », « Révolution », « Liberté ». Le tour de passe-passe est prêt et le bonimenteur peut faire son numéro :

    « Tenez, Messieurs, voici trois muscades. La 1re s’appelle Juillet, la 2e Révolution et la 3e Liberté. Je prends la Révolution, qui était à gauche, je la mets à droite, ce qui était à droite, je le mets à gauche. Je fais un mic-mac auquel le diable ne comprend goutte, ni vous non plus. Je mets tout ça sous le gobelet du juste milieu et avec un peu de poudre de non-intervention, je dis passe, impasse et contrepasse… tout est passé. Messieurs, pas plus de Liberté et de Révolution que dessus ma main… À un autre, Messieurs36 ! »

    24Mais les spectateurs sont déniaisés et quelques années plus tard, une gravure de Jean Naegelin montrera L’escamoteur escamoté, la République chassant alors le prestidigitateur, ses manipulations et ses tours d’illusionniste au nom de la raison et de la vérité.

    Conclusion

    25Carlo Ginzburg nous rappelle dans Peur révérence terreur la formule de Tacite saisissant à travers une expression aussi forte que paradoxale l’économie de la représentation politique monarchique et plus particulièrement encore les prétentions monopolistiques de l’absolutisme représentatif du prince : Fingebant simul credebantque. « Ils fictionnaient et en même temps ils croyaient à leurs fictions37. » Il faut à François Béroalde de Verville, dans Le moyen de parvenir, une même invention linguistique pour rendre raison, au début du xviie siècle, de l’ambition de l’imagination monarchique à embrasser tout l’espace de la représentation politique qu’ont alors mis en œuvre les prémices renaissantes de l’absolutisation du pouvoir royal et la refondation bourbonienne de l’autorité monarchique. Les rois sont « mystigorifiés », élevés par un procédé mystérieux à l’admiration des autres hommes38.

    26Cet art qui emprunte au mystère de l’Incarnation chrétienne et à la mystique paulienne de la communauté catholique relève d’une forme de croyance politique prompte à accorder au souverain non seulement la puissance de dire le vrai mais de faire de sa personne le corps de l’État comme la figure du peuple qui l’anime. Cette forme d’acte de foi ne résiste pas au « grand désenchantement du monde » moderne. Les luttes contre la magie ou l’astrologie judiciaire menées par les autorités ecclésiastiques, la décriminalisation de la sorcellerie comme le combat des libertins érudits pour déniaiser les hommes portent les germes d’une dénonciation radicale des illusions de la représentation alors prétendue pour avancer la cause d’une substitution, à la tromperie de cette dernière, de la vraisemblance raisonnable d’une représentation politique ne prétendant pas être parfaite ni sans reste. Le mystère tourne à la mystification. La révolution esthétique et théâtrale des Lumières, aussi conséquemment que sa composante plus proprement politique, réaménage les conditions et les formes de la représentation au terme d’une évolution dans laquelle le visage du roi est désormais moins celui de la république monarchique qu’il prétendait incarner que la figure grimée d’un charlatan essayant d’attraper son monde par ses amusements. Empruntant à des éléments parodiques anciens leur puissance d’exercice critique et de creusement d’une distance contre l’évidence prétendue du pouvoir, ces figures opèrent le déplacement d’une représentation forçant la raison par les charmes de l’image pour soutenir le principe d’une représentation médiatisée et expliciter la convention liant désormais les représentés à leurs députés.

    27Du roi maître du sens au magicien qui joue avec les apparences et qui simule des réalités pour dissimuler l’inanité de ses prétentions à représenter la Nation souveraine, l’évolution de la représentation politique avant le gouvernement représentatif arrête alors la figure coupable du jongleur couronné ; la guillotine venant mettre un terme aux pitreries dépassées d’une incarnation déjouée. Les retours des prétentions représentatives anciennes sont dénoncés comme des survivances à conjurer, la figure de l’escamoteur portant désormais la puissance d’opprobre pour épargner aux citoyens les mystifications anciennes et les petits arrangements avec la vérité. Une histoire qui n’est peut-être pas si ancienne finalement, comme le titre choisi par le quotidien Libération en une de son édition du 9 janvier 2008, pour rendre compte de la conférence de presse tenue la veille par le président Sarkozy, peut nous le suggérer. La photo du président, souverain républicain selon certains et incarnation du peuple selon d’autres, debout derrière son pupitre, est alors accompagnée de ce titre : « L’escamoteur ».

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    Notes de bas de page

    1Beaurepaire Pierre-Yves, La France des Lumières, 1715-1789, Paris, Belin, 2011, p. 480-481.

    2Boucheron Patrick, L’entretemps. Conversations sur l’histoire, Paris, Verdier, 2012 ; Monod Jean-Claude, La querelle de la sécularisation. Théologie politique et philosophies de l’histoire de Hegel à Blumenberg, Paris, Vrin, 2016.

    3Christin Olivier, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Paris, Seuil, 2014.

    4Jourdan Annie, Les monuments de la Révolution, 1770-1804. Une histoire de représentation, Paris, Honoré Champion, 1997.

    5Marin Louis, Le portrait du roi, Paris, Minuit, 1981 ; Chartier Roger, « Le sens de la représentation », La Vie des idées, 2013.

    6Lignereux Yann, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, Rennes, PUR, 2016 et « Hercule sans-culotte. Une figure de l’iconoclasme révolutionnaire en France (xviie-xixe siècles) », in Emmanuel Fureix (dir.), Iconoclasme et révolutions. De 1789 à nos jours, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014, p. 56-67.

    7Surgers Anne, L’automne de l’imagination. Splendeurs et misères de la représentation (xvie-xxie siècles), Berne, Peter Lang, 2012 ; Preiss Nathalie, Pour de rire ! La blague au xixe siècle. Ou la représentation en question, Paris, PUF, 2002 ; Friedland Paul, Political Actors : Representative Bodies and Theatricality in the Age of the French Revolution, Ithaca, Cornell University Press, 2002 ; Villacèque Noémie, Spectateurs de paroles ! Délibération démocratique et théâtre à Athènes à l’époque classique, Rennes, PUR, 2013 ; Clay Richard, Iconoclasm in revolutionary Paris. The transformation of signs, Oxford, Voltaire Foundation, 2012 ; Sintomer Yves, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, Paris, La Découverte, 2011.

    8Cité par Pierre-Edouard Lémontey qui dit avoir trouvé ce manuscrit sans en préciser la localisation, dans son Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV et sur les altérations qu’il éprouva pendant la vie de ce prince (Œuvres complètes, Paris, A. Sautelet, 1829, t. V, p. 1-174, p. 15, note 2).

    9Bossuet, La politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, Paris, 1709, livre V, art. 4, proposition 1, « Ce que c’est que la majesté » – cité par Cornette Joël, « La tente de Darius », in Joël Cornette et Henry Méchoulan (dir.), L’État classique. Regards sur la pensée politique de la France dans le second xviie siècle, Paris, J. Vrin, 1996, p. 9-41, p. 18. L’œuvre, rédigée dans les années 1670 pour l’instruction du dauphin, n’est publiée qu’en 1709.

    10Vonglis Bernard, La monarchie absolue française. Définition, datation, analyse d’un régime politique controversé, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 28-47.

    11Kantorowicz Ernst H., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1989 (1957) et Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Minuit, 1981, p. 11-22 ; David Marcel, La souveraineté du peuple, Paris, PUF, 1996 ; Gojosso Eric, Le concept de république en France, xvie-xviiie siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1998 ; Slimani Ahmed, La modernité du concept de Nation au xviiie siècle (1715-1789). Apports des thèses parlementaires et des idées politiques du temps, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004 ; Saint-Bonnet François, « Louis XIV, les parlements et la souveraineté », in Gauthier Aubert et Olivier Chaline (dir.), Les Parlements de Louis XIV. Opposition, coopération, autonomisation ?, Rennes, PUR, 2010, p. 173-183 ; Collins James B., La monarchie républicaine. État et société dans la France moderne, Paris, Odile Jacob, 2016.

    12Krynen Jacques, « La représentation politique dans l’ancienne France : l’expérience des États-Généraux », Droits, no 6, 1987, p. 31-44.

    13« Ce serait à la nation même qu’il appartiendrait de [réparer ce malheur] par la sagesse de son choix », cité par Ran Halévi, « La déconstitution de l’Ancien Régime. Le pouvoir constituant comme acte révolutionnaire », Jus politicum, no 2, décembre 2009 – « À la nation tout court, si l’on peut dire, et non à l’organe fondé à exercer en son nom ce droit fondamental » complète l’auteur.

    14Meyer Jean, Le poids de l’État, Paris, PUF, 1983, p. 40. Cette invisibilité essentielle du peuple est conforme au modèle essentialiste de la qualification naturelle du peuple analysé à travers le discours des élites de l’époque moderne par Déborah Cohen dont le travail s’inscrit dans le prolongement des études analysant dans l’invention de la société au xviiie siècle le passage « d’une théodicée à une sociodicée [qui aboutit] chez Sieyès à l’invention du terme de sociologie », Cohen Déborah, La nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social (xviiie-xxie siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 8.

    15Louis XIV, Mémoires pour l’instruction du dauphin, éd. Pierre Goubert, Paris, Imprimerie nationale Éditions, 1992, p. 95.

    16Jouanna Arlette, Le pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, Paris, Gallimard, 2013, et Le prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, Paris, Gallimard, 2014.

    17Gondi Henri de, cardinal de Retz, La conjuration du comte de Fiesque. Mémoires, éd. Simone Bertière, Paris, Garnier, 1987, p. 305 – cité par Tribout Bruno, Les récits de conjuration sous Louis XIV, Québec, Presses de l’université Laval, 2010.

    18Sylvie Béguin précise que l’iconographie avait été fixée probablement dès 1530 (« L’école de Fontainebleau. Des histoires anciennes et modernes », « François Ier Du château de Cognac au trône de France. Colloque de Cognac, septembre et novembre 1994 », Annales du GREH, no 16, 1995, p. 261-270, p. 267). Panofsky Dora et Erwin, Étude iconographique de la galerie François Ier à Fontainebleau, Brionne, Gérard Monfort, 1992 (1958) ; Revue de l’art, no 16-17, 1972 ; Chastel André (dir.), Actes du colloque international sur l’art de Fontainebleau, Paris, Éditions du CNRS, 1975 ; Joukovsky Françoise et Pierre, À travers la galerie François Ier, Paris, Honoré Champion, 1992 ; Zerner Henri, L’art de la Renaissance en France. L’invention du classicisme, Paris, Flammarion, 1996, p. 72-93 ; Jeanneret Michel, Perpetuum mobile. Métamorphoses des corps et des œuvres de Vinci à Montaigne, Paris, Macula, 1997 ; Vuilleumier-Laurens Florence, La raison des figures symboliques à la Renaissance et à l’âge classique. Études sur les fondements philosophiques, théologiques et rhétoriques de l’image, Genève, Droz, 2000, p. 229-237 ; Zorach Rebecca, « The Flower That Falls Before the Fruit : The Galerie François Ier at Fontainebleau and Atys Excastratus », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 62, no 1, 2000, p. 63-87 ; Reumann Olaf, « L’exemplum humaniste comme moyen de légitimation dans la galerie François Ier à Fontainebleau. Imitation, continuité ou questionnement de l’Antiquité », in Thomas W. Gaehtgens et Nicole Hochner (dir.), L’image du roi de François Ier à Louis XIV, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, p. 131-147 ; Auclair Valérie, « Invention décorative de la galerie François Ier au château de Fontainebleau », Seizième Siècle, no 3, 2007, p. 9-35 ; Bodart Diane et al., « Le portrait du roi : entre art, histoire, anthropologie et sémiologie », Perspectives, no 1, 2012, p. 11-28, p. 16.

    19Tauber Christine, « Disséminer la vérité : la Grande Galerie à Fontainebleau et le roi des signes, François Ier », in Jean-Philippe Genet (dir.), La vérité. Vérité et crédibilité. Construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (xiiie-xviie siècle), Rome/Paris, École française de Rome/Publications de la Sorbonne, 2015, p. 237-260 et Manierismus und Herrschaftspraxis. Die Kunst der Politik und die Kunstpolitik am Hof von François Ier, Berlin, Akademie Verlag, 2009.

    20Cet abandon n’implique-t-il pas aussi le spectateur car, s’il est le seul à voir et le roi et les aveuglés, ne sera-t-il pas plongé avec ces derniers et figuré parmi les ignorants quand le roi, dans quelques pas supplémentaires, aura disparu dans la lumière qui l’accueille déjà sur le seuil du temple comme préfiguration de son apothéose ? Il faut noter d’ailleurs que, quand tous sont aveuglés, le roi n’est pas ébloui par cette lumière.

    21Le titre donné par la tradition à la gravure de cette fresque par Antonio Fantuzzi, vers 1542, François Ier terrassant les démons de l’ignorance, laisse pareillement perplexe.

    22Crouzet Denis, Charles de Bourbon connétable de France, Paris, Fayard, 2003, p. 516.

    23« Procès-verbal des remontrances faictes en la cour de parlement au mois de mars 1517, sur la publication des concordats d’entre le pape Léon X et le roy François Ier », Dufey Pierre-Joseph-Spiridion, Histoire, actes et remontrances des Parlements, Chambre des Comptes, Cour des Aides et autres cours souveraines depuis 1461 jusqu’à leur suppression, t. I (de 1461 à 1756), Paris, Galliot, Libraire-Éditeur, 1826, p. 157-172, p. 165 ; Doucet Roger, Étude sur le gouvernement de François Ier dans ses rapports avec le Parlement de Paris, Seconde partie 1525-1526, Paris, Honoré Champion, 1926, p. 49 et p. 115-116 ; Arabeyre Patrick, « Aux racines de l’absolutisme : Grand Conseil et Parlement à la fin du Moyen Âge d’après le Tractatus celebris de auctoritate et preeminentia sacri magni concilii et parlamentorum regni Francie de Jean Montaigne (1512) », Cahiers de recherches médiévales, no 7, 2000, p. 89-210, p. 190. Sur le Sénat, Jurmand Jean-Pierre, « L’évolution du terme de Sénat au xvie siècle », in François Laplanche et Chantal Grell (dir.), La monarchie absolutiste et l’histoire en France. Théorie du pouvoir, propagandes monarchiques et mythologies nationales, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1986, p. 55-73 ; Krynen Jacques, « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », in Bernard Durand et Laurent Mayali (dir.), Excerptiones juris. Studies in Honor of André Gouron, Berkeley, University of California at Berkeley, 2000, p. 353-366 ; id, « Une assimilation fondamentale. Le Parlement “Sénat de France” », in Domenico Maffei et al. (dir.), A Ennio Cortese, Rome, Il Cigno, 2001, t. II, p. 208-223 ; id, « “Senatores Tolosani”. La signification d’une métaphore », in Nathalie Dauvois (dir.), L’humanisme à Toulouse (1480-1596), Paris, Honoré Champion, 2006, p. 43-57 et id, L’État de justice. France (xiiie-xxe siècle), t. I : L’idéologie de la magistrature ancienne, Paris, Gallimard, 2009.

    24Arabeyre Patrick, « Aux racines de l’absolutisme », art. cité, p. 190. Dans le contexte de la reconstruction de l’autorité royale après l’humiliation de la défaite italienne en février 1525 et la captivité madrilène du roi jusqu’à la signature du traité de Madrid en 1526, il est possible de reconnaître dans la figure de ces corps désordonnés et finalement perdus car déliés de l’autorité du monarque dont ils ont défié la règle, les officiers de justice du parlement de Paris (Doucet Roger, Étude sur le gouvernement de François Ier, op. cit., p. 251-257). L’historiographie récente attire l’attention toutefois sur la nécessité de ne pas enfermer les rapports entre le roi et le parlement dans une logique strictement antagoniste et systématiquement conflictuelle (Houllemare Marie, « Relations formelles, relations informelles entre le roi et le Parlement de Paris sous François Ier et Henri II », in Roseline Claerr et Olivier Poncet [dir.], La prise de décision en France [1525-1559]. Recherches sur la réalité du pouvoir royal ou princier à la Renaissance, Paris, École nationale des chartes, 2008, p. 95-106, p. 95).

    25Archives des Colonies, B, vol. 5, fo 26 vo -27, le ministre à Frontenac, 13 juin 1673 ; Havard Gilles et Vidal Cécile, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2006 (2003), p. 162-163.

    26Carbasse Jean-Marie, Leyte Guillaume et Soleil Sylvain, La monarchie française du milieu du xvie siècle à 1715. L’esprit des institutions, Paris, SEDES, 2000, p. 158.

    27Montesquieu, Les lettres persanes (1721), lettres 24 et 74.

    28Lettre datée du 21 avril 1792, signée A. B. M. dans les Révolutions de Paris, dédiées à la Nation…, t. XII, no 146, p. 174-175, p. 175.

    29Flaherty Gloria, Shamanism and the Eighteenth Century, Princeton, Princeton University Press, 1992 ; Petrella Sara, « Le médecin des sauvages : le jongleur », Scienza & Filosofia, no 13, 2015, p. 37-57.

    30Bernard Jean-Frédéric, Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Amsterdam, J.-F. Bernard, 1723, t. I, p. 92 et p. 98-99 ; Hunt Lynn, Jacob Margaret C. et Mijnhardt Wijnand (dir.), The Book that changed Europe. Picart & Bernard’s Religious Ceremonies of the World, Cambridge/Londres, The Belknap Press of Harvard University Press, 2010.

    31Lignereux Yann, « Le pauvre chez Lagniet. Menace sociale, devoir charitable et dissimulation artistique », in Luc Torres et Hélène Rabaey (dir.), Pauvres et pauvreté en Europe à l’époque moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 335-353 ; à propos de ces charlatans, je renvoie, par exemple, à cette pièce Arrêt de parlement qui condamne François Petit fils, dit Sansonnet, à être appliqué au Carcan pendant 3 jours en la place du marché au blé de la ville de Troyes ayant écriteau portant ces mots : Filou escamoteur, au fouet, à la marque et au bannissement pour 5 ans du bailliage de Troyes et de la ville de Paris, Paris, Pierre Simon, 1779, in-4o Sur la théâtralité grandissante des cérémonies royales et l’évolution de sa réception critique, Bannister Mark « Cérémonial et théâtralité au premier xviie siècle », in Sabine Chaouche (dir.), Le « théâtral » de la France d’Ancien Régime. De la présentation de soi à la représentation scénique, Paris, Honoré Champion, 2010, p. 437-447 et Lemaigre-Gaffier Pauline, Administrer les menus plaisirs du roi. L’État, la cour et les spectacles dans la France des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, p. 290-304 ; Gueudeville Nicolas, L’esprit des cours de l’Europe, t. XII, 1705, p. 405 – cité par Yardeni Myriam, « Gueudeville et Louis XIV : un précurseur du socialisme, critique des structures sociales louis-quatorziennes », in Enquêtes sur l’identité de la « nation France ». De la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2004, p. 222.

    32On peut citer également une gravure de Necker représenté, en 1790, en escamoteur pour mieux vendre à Louis XVI « le nouveau moyen pour régénérer la France » (BnF, Cbt. des estampes, Hennin 10698 et G 162029) et, en écho avec les aveuglés bellifontains, une gravure montre Necker, cette même année 1790, essayant d’enlever le bandeau qui couvrait les yeux du roi (BnF, Lb39 2753).

    33Boussemart Louis, La culbute royale, le règne des rois passés et leurs statues renversées. Complainte d’Henri IV, de Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, au ci-devant Louis XVI leur parent, en présence du Patriote Moustache, Paris, s. n., s. d. [1792], p. 3. Dans le Salon de 1761, Diderot ne reconnaît pas le roi dans le tableau d’Alexandre Roslin, le Roi reçu à l’hôtel de ville par Mrs le gouverneur, le prévost des marchands et des échevins (après l’épisode de Metz) : « Et puis ce monarque long, sec, maigre, élancé, vu de profil avec une petite tête couverte d’un chapeau retapé n’a-t-il pas l’air d’un escroc qui a la vue basse » (Diderot, Essais sur la peinture. Salons de 1759, 1761, 1763, Paris, Hermann, 1984, p. 149).

    34Duprat Annie, Le roi décapité. Essai sur les imaginaires politiques, Paris, Cerf, 1992. On peut rapporter cette exécution au portrait que fait Victorine de Chastenay du roi qui constitue comme l’écho, chez la mémorialiste, d’une royauté réduite aux qualités dramatiques et à la performance d’acteur de son sujet principal : « Louis XVI était, de tous les hommes, le moins fait pour le rôle dont le sort l’avait chargé » (Chastenay Victorine de, Mémoires, 1771-1815, éd. Guy Chaussinand-Nogaret, Paris, Perrin, 1987, p. 65-67).

    35Outre les références citées en introduction, Delon Michel, « Le mystificateur mystifié. De la mondanité à l’esthétique (1760-1784) », in Nathalie Preiss (dir.), Mélire ? Lecture et mystification, Paris, Éditions L’Improviste, 2006, p. 19-31. Le mot mystification apparaît par ailleurs dans la 2e moitié du xviiie siècle ; Kerr David, Caricature and French Political Culture, 1830-1848. Charles Philipon and the Illustrated Press, Oxford, Clarendon Press, 2000 ; Petrey Sandy, In the Court of the Pear King. French Culture and the Rise of Realism, Ithaca, Cornell University Press, 2005 ; Le Men Ségolène, Daumier et la caricature, Paris, Citadelles & Mazenod, 2008.

    36Preiss Nathalie, Pour de rire, op. cit., p. 49-51.

    37Ginzburg Carlo, Peur révérence terreur. Quatre essais d’iconographie politique, Dijon, Les Presses du réel, 2013, p. 26.

    38Béroalde de Verville François, Le moyen de parvenir, Chinon, Imprimerie de François Rabelais, 1720 (vers 1614-1617), p. 508.

    Auteur

    • Yann Lignereux

      Ancien élève de l’École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud, agrégé d’histoire, est professeur d’histoire moderne à l’université de Nantes. Ses travaux portent sur les pratiques et les imaginaires politiques dans les espaces français européens et nord-américains au cours des xvie-xviiie siècles. Il est rattaché au Centre de recherche en histoire internationale et atlantique de Nantes et membre associé de l’UMR « Mondes Américains ».

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    1Beaurepaire Pierre-Yves, La France des Lumières, 1715-1789, Paris, Belin, 2011, p. 480-481.

    2Boucheron Patrick, L’entretemps. Conversations sur l’histoire, Paris, Verdier, 2012 ; Monod Jean-Claude, La querelle de la sécularisation. Théologie politique et philosophies de l’histoire de Hegel à Blumenberg, Paris, Vrin, 2016.

    3Christin Olivier, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Paris, Seuil, 2014.

    4Jourdan Annie, Les monuments de la Révolution, 1770-1804. Une histoire de représentation, Paris, Honoré Champion, 1997.

    5Marin Louis, Le portrait du roi, Paris, Minuit, 1981 ; Chartier Roger, « Le sens de la représentation », La Vie des idées, 2013.

    6Lignereux Yann, Les rois imaginaires. Une histoire visuelle de la monarchie de Charles VIII à Louis XIV, Rennes, PUR, 2016 et « Hercule sans-culotte. Une figure de l’iconoclasme révolutionnaire en France (xviie-xixe siècles) », in Emmanuel Fureix (dir.), Iconoclasme et révolutions. De 1789 à nos jours, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2014, p. 56-67.

    7Surgers Anne, L’automne de l’imagination. Splendeurs et misères de la représentation (xvie-xxie siècles), Berne, Peter Lang, 2012 ; Preiss Nathalie, Pour de rire ! La blague au xixe siècle. Ou la représentation en question, Paris, PUF, 2002 ; Friedland Paul, Political Actors : Representative Bodies and Theatricality in the Age of the French Revolution, Ithaca, Cornell University Press, 2002 ; Villacèque Noémie, Spectateurs de paroles ! Délibération démocratique et théâtre à Athènes à l’époque classique, Rennes, PUR, 2013 ; Clay Richard, Iconoclasm in revolutionary Paris. The transformation of signs, Oxford, Voltaire Foundation, 2012 ; Sintomer Yves, Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours, Paris, La Découverte, 2011.

    8Cité par Pierre-Edouard Lémontey qui dit avoir trouvé ce manuscrit sans en préciser la localisation, dans son Essai sur l’établissement monarchique de Louis XIV et sur les altérations qu’il éprouva pendant la vie de ce prince (Œuvres complètes, Paris, A. Sautelet, 1829, t. V, p. 1-174, p. 15, note 2).

    9Bossuet, La politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, Paris, 1709, livre V, art. 4, proposition 1, « Ce que c’est que la majesté » – cité par Cornette Joël, « La tente de Darius », in Joël Cornette et Henry Méchoulan (dir.), L’État classique. Regards sur la pensée politique de la France dans le second xviie siècle, Paris, J. Vrin, 1996, p. 9-41, p. 18. L’œuvre, rédigée dans les années 1670 pour l’instruction du dauphin, n’est publiée qu’en 1709.

    10Vonglis Bernard, La monarchie absolue française. Définition, datation, analyse d’un régime politique controversé, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 28-47.

    11Kantorowicz Ernst H., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1989 (1957) et Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Minuit, 1981, p. 11-22 ; David Marcel, La souveraineté du peuple, Paris, PUF, 1996 ; Gojosso Eric, Le concept de république en France, xvie-xviiie siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1998 ; Slimani Ahmed, La modernité du concept de Nation au xviiie siècle (1715-1789). Apports des thèses parlementaires et des idées politiques du temps, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004 ; Saint-Bonnet François, « Louis XIV, les parlements et la souveraineté », in Gauthier Aubert et Olivier Chaline (dir.), Les Parlements de Louis XIV. Opposition, coopération, autonomisation ?, Rennes, PUR, 2010, p. 173-183 ; Collins James B., La monarchie républicaine. État et société dans la France moderne, Paris, Odile Jacob, 2016.

    12Krynen Jacques, « La représentation politique dans l’ancienne France : l’expérience des États-Généraux », Droits, no 6, 1987, p. 31-44.

    13« Ce serait à la nation même qu’il appartiendrait de [réparer ce malheur] par la sagesse de son choix », cité par Ran Halévi, « La déconstitution de l’Ancien Régime. Le pouvoir constituant comme acte révolutionnaire », Jus politicum, no 2, décembre 2009 – « À la nation tout court, si l’on peut dire, et non à l’organe fondé à exercer en son nom ce droit fondamental » complète l’auteur.

    14Meyer Jean, Le poids de l’État, Paris, PUF, 1983, p. 40. Cette invisibilité essentielle du peuple est conforme au modèle essentialiste de la qualification naturelle du peuple analysé à travers le discours des élites de l’époque moderne par Déborah Cohen dont le travail s’inscrit dans le prolongement des études analysant dans l’invention de la société au xviiie siècle le passage « d’une théodicée à une sociodicée [qui aboutit] chez Sieyès à l’invention du terme de sociologie », Cohen Déborah, La nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social (xviiie-xxie siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 8.

    15Louis XIV, Mémoires pour l’instruction du dauphin, éd. Pierre Goubert, Paris, Imprimerie nationale Éditions, 1992, p. 95.

    16Jouanna Arlette, Le pouvoir absolu. Naissance de l’imaginaire politique de la royauté, Paris, Gallimard, 2013, et Le prince absolu. Apogée et déclin de l’imaginaire monarchique, Paris, Gallimard, 2014.

    17Gondi Henri de, cardinal de Retz, La conjuration du comte de Fiesque. Mémoires, éd. Simone Bertière, Paris, Garnier, 1987, p. 305 – cité par Tribout Bruno, Les récits de conjuration sous Louis XIV, Québec, Presses de l’université Laval, 2010.

    18Sylvie Béguin précise que l’iconographie avait été fixée probablement dès 1530 (« L’école de Fontainebleau. Des histoires anciennes et modernes », « François Ier Du château de Cognac au trône de France. Colloque de Cognac, septembre et novembre 1994 », Annales du GREH, no 16, 1995, p. 261-270, p. 267). Panofsky Dora et Erwin, Étude iconographique de la galerie François Ier à Fontainebleau, Brionne, Gérard Monfort, 1992 (1958) ; Revue de l’art, no 16-17, 1972 ; Chastel André (dir.), Actes du colloque international sur l’art de Fontainebleau, Paris, Éditions du CNRS, 1975 ; Joukovsky Françoise et Pierre, À travers la galerie François Ier, Paris, Honoré Champion, 1992 ; Zerner Henri, L’art de la Renaissance en France. L’invention du classicisme, Paris, Flammarion, 1996, p. 72-93 ; Jeanneret Michel, Perpetuum mobile. Métamorphoses des corps et des œuvres de Vinci à Montaigne, Paris, Macula, 1997 ; Vuilleumier-Laurens Florence, La raison des figures symboliques à la Renaissance et à l’âge classique. Études sur les fondements philosophiques, théologiques et rhétoriques de l’image, Genève, Droz, 2000, p. 229-237 ; Zorach Rebecca, « The Flower That Falls Before the Fruit : The Galerie François Ier at Fontainebleau and Atys Excastratus », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 62, no 1, 2000, p. 63-87 ; Reumann Olaf, « L’exemplum humaniste comme moyen de légitimation dans la galerie François Ier à Fontainebleau. Imitation, continuité ou questionnement de l’Antiquité », in Thomas W. Gaehtgens et Nicole Hochner (dir.), L’image du roi de François Ier à Louis XIV, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006, p. 131-147 ; Auclair Valérie, « Invention décorative de la galerie François Ier au château de Fontainebleau », Seizième Siècle, no 3, 2007, p. 9-35 ; Bodart Diane et al., « Le portrait du roi : entre art, histoire, anthropologie et sémiologie », Perspectives, no 1, 2012, p. 11-28, p. 16.

    19Tauber Christine, « Disséminer la vérité : la Grande Galerie à Fontainebleau et le roi des signes, François Ier », in Jean-Philippe Genet (dir.), La vérité. Vérité et crédibilité. Construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (xiiie-xviie siècle), Rome/Paris, École française de Rome/Publications de la Sorbonne, 2015, p. 237-260 et Manierismus und Herrschaftspraxis. Die Kunst der Politik und die Kunstpolitik am Hof von François Ier, Berlin, Akademie Verlag, 2009.

    20Cet abandon n’implique-t-il pas aussi le spectateur car, s’il est le seul à voir et le roi et les aveuglés, ne sera-t-il pas plongé avec ces derniers et figuré parmi les ignorants quand le roi, dans quelques pas supplémentaires, aura disparu dans la lumière qui l’accueille déjà sur le seuil du temple comme préfiguration de son apothéose ? Il faut noter d’ailleurs que, quand tous sont aveuglés, le roi n’est pas ébloui par cette lumière.

    21Le titre donné par la tradition à la gravure de cette fresque par Antonio Fantuzzi, vers 1542, François Ier terrassant les démons de l’ignorance, laisse pareillement perplexe.

    22Crouzet Denis, Charles de Bourbon connétable de France, Paris, Fayard, 2003, p. 516.

    23« Procès-verbal des remontrances faictes en la cour de parlement au mois de mars 1517, sur la publication des concordats d’entre le pape Léon X et le roy François Ier », Dufey Pierre-Joseph-Spiridion, Histoire, actes et remontrances des Parlements, Chambre des Comptes, Cour des Aides et autres cours souveraines depuis 1461 jusqu’à leur suppression, t. I (de 1461 à 1756), Paris, Galliot, Libraire-Éditeur, 1826, p. 157-172, p. 165 ; Doucet Roger, Étude sur le gouvernement de François Ier dans ses rapports avec le Parlement de Paris, Seconde partie 1525-1526, Paris, Honoré Champion, 1926, p. 49 et p. 115-116 ; Arabeyre Patrick, « Aux racines de l’absolutisme : Grand Conseil et Parlement à la fin du Moyen Âge d’après le Tractatus celebris de auctoritate et preeminentia sacri magni concilii et parlamentorum regni Francie de Jean Montaigne (1512) », Cahiers de recherches médiévales, no 7, 2000, p. 89-210, p. 190. Sur le Sénat, Jurmand Jean-Pierre, « L’évolution du terme de Sénat au xvie siècle », in François Laplanche et Chantal Grell (dir.), La monarchie absolutiste et l’histoire en France. Théorie du pouvoir, propagandes monarchiques et mythologies nationales, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1986, p. 55-73 ; Krynen Jacques, « Qu’est-ce qu’un Parlement qui représente le roi ? », in Bernard Durand et Laurent Mayali (dir.), Excerptiones juris. Studies in Honor of André Gouron, Berkeley, University of California at Berkeley, 2000, p. 353-366 ; id, « Une assimilation fondamentale. Le Parlement “Sénat de France” », in Domenico Maffei et al. (dir.), A Ennio Cortese, Rome, Il Cigno, 2001, t. II, p. 208-223 ; id, « “Senatores Tolosani”. La signification d’une métaphore », in Nathalie Dauvois (dir.), L’humanisme à Toulouse (1480-1596), Paris, Honoré Champion, 2006, p. 43-57 et id, L’État de justice. France (xiiie-xxe siècle), t. I : L’idéologie de la magistrature ancienne, Paris, Gallimard, 2009.

    24Arabeyre Patrick, « Aux racines de l’absolutisme », art. cité, p. 190. Dans le contexte de la reconstruction de l’autorité royale après l’humiliation de la défaite italienne en février 1525 et la captivité madrilène du roi jusqu’à la signature du traité de Madrid en 1526, il est possible de reconnaître dans la figure de ces corps désordonnés et finalement perdus car déliés de l’autorité du monarque dont ils ont défié la règle, les officiers de justice du parlement de Paris (Doucet Roger, Étude sur le gouvernement de François Ier, op. cit., p. 251-257). L’historiographie récente attire l’attention toutefois sur la nécessité de ne pas enfermer les rapports entre le roi et le parlement dans une logique strictement antagoniste et systématiquement conflictuelle (Houllemare Marie, « Relations formelles, relations informelles entre le roi et le Parlement de Paris sous François Ier et Henri II », in Roseline Claerr et Olivier Poncet [dir.], La prise de décision en France [1525-1559]. Recherches sur la réalité du pouvoir royal ou princier à la Renaissance, Paris, École nationale des chartes, 2008, p. 95-106, p. 95).

    25Archives des Colonies, B, vol. 5, fo 26 vo -27, le ministre à Frontenac, 13 juin 1673 ; Havard Gilles et Vidal Cécile, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2006 (2003), p. 162-163.

    26Carbasse Jean-Marie, Leyte Guillaume et Soleil Sylvain, La monarchie française du milieu du xvie siècle à 1715. L’esprit des institutions, Paris, SEDES, 2000, p. 158.

    27Montesquieu, Les lettres persanes (1721), lettres 24 et 74.

    28Lettre datée du 21 avril 1792, signée A. B. M. dans les Révolutions de Paris, dédiées à la Nation…, t. XII, no 146, p. 174-175, p. 175.

    29Flaherty Gloria, Shamanism and the Eighteenth Century, Princeton, Princeton University Press, 1992 ; Petrella Sara, « Le médecin des sauvages : le jongleur », Scienza & Filosofia, no 13, 2015, p. 37-57.

    30Bernard Jean-Frédéric, Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Amsterdam, J.-F. Bernard, 1723, t. I, p. 92 et p. 98-99 ; Hunt Lynn, Jacob Margaret C. et Mijnhardt Wijnand (dir.), The Book that changed Europe. Picart & Bernard’s Religious Ceremonies of the World, Cambridge/Londres, The Belknap Press of Harvard University Press, 2010.

    31Lignereux Yann, « Le pauvre chez Lagniet. Menace sociale, devoir charitable et dissimulation artistique », in Luc Torres et Hélène Rabaey (dir.), Pauvres et pauvreté en Europe à l’époque moderne (xvie-xviiie siècle), Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 335-353 ; à propos de ces charlatans, je renvoie, par exemple, à cette pièce Arrêt de parlement qui condamne François Petit fils, dit Sansonnet, à être appliqué au Carcan pendant 3 jours en la place du marché au blé de la ville de Troyes ayant écriteau portant ces mots : Filou escamoteur, au fouet, à la marque et au bannissement pour 5 ans du bailliage de Troyes et de la ville de Paris, Paris, Pierre Simon, 1779, in-4o Sur la théâtralité grandissante des cérémonies royales et l’évolution de sa réception critique, Bannister Mark « Cérémonial et théâtralité au premier xviie siècle », in Sabine Chaouche (dir.), Le « théâtral » de la France d’Ancien Régime. De la présentation de soi à la représentation scénique, Paris, Honoré Champion, 2010, p. 437-447 et Lemaigre-Gaffier Pauline, Administrer les menus plaisirs du roi. L’État, la cour et les spectacles dans la France des Lumières, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, p. 290-304 ; Gueudeville Nicolas, L’esprit des cours de l’Europe, t. XII, 1705, p. 405 – cité par Yardeni Myriam, « Gueudeville et Louis XIV : un précurseur du socialisme, critique des structures sociales louis-quatorziennes », in Enquêtes sur l’identité de la « nation France ». De la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2004, p. 222.

    32On peut citer également une gravure de Necker représenté, en 1790, en escamoteur pour mieux vendre à Louis XVI « le nouveau moyen pour régénérer la France » (BnF, Cbt. des estampes, Hennin 10698 et G 162029) et, en écho avec les aveuglés bellifontains, une gravure montre Necker, cette même année 1790, essayant d’enlever le bandeau qui couvrait les yeux du roi (BnF, Lb39 2753).

    33Boussemart Louis, La culbute royale, le règne des rois passés et leurs statues renversées. Complainte d’Henri IV, de Louis XIII, Louis XIV et Louis XV, au ci-devant Louis XVI leur parent, en présence du Patriote Moustache, Paris, s. n., s. d. [1792], p. 3. Dans le Salon de 1761, Diderot ne reconnaît pas le roi dans le tableau d’Alexandre Roslin, le Roi reçu à l’hôtel de ville par Mrs le gouverneur, le prévost des marchands et des échevins (après l’épisode de Metz) : « Et puis ce monarque long, sec, maigre, élancé, vu de profil avec une petite tête couverte d’un chapeau retapé n’a-t-il pas l’air d’un escroc qui a la vue basse » (Diderot, Essais sur la peinture. Salons de 1759, 1761, 1763, Paris, Hermann, 1984, p. 149).

    34Duprat Annie, Le roi décapité. Essai sur les imaginaires politiques, Paris, Cerf, 1992. On peut rapporter cette exécution au portrait que fait Victorine de Chastenay du roi qui constitue comme l’écho, chez la mémorialiste, d’une royauté réduite aux qualités dramatiques et à la performance d’acteur de son sujet principal : « Louis XVI était, de tous les hommes, le moins fait pour le rôle dont le sort l’avait chargé » (Chastenay Victorine de, Mémoires, 1771-1815, éd. Guy Chaussinand-Nogaret, Paris, Perrin, 1987, p. 65-67).

    35Outre les références citées en introduction, Delon Michel, « Le mystificateur mystifié. De la mondanité à l’esthétique (1760-1784) », in Nathalie Preiss (dir.), Mélire ? Lecture et mystification, Paris, Éditions L’Improviste, 2006, p. 19-31. Le mot mystification apparaît par ailleurs dans la 2e moitié du xviiie siècle ; Kerr David, Caricature and French Political Culture, 1830-1848. Charles Philipon and the Illustrated Press, Oxford, Clarendon Press, 2000 ; Petrey Sandy, In the Court of the Pear King. French Culture and the Rise of Realism, Ithaca, Cornell University Press, 2005 ; Le Men Ségolène, Daumier et la caricature, Paris, Citadelles & Mazenod, 2008.

    36Preiss Nathalie, Pour de rire, op. cit., p. 49-51.

    37Ginzburg Carlo, Peur révérence terreur. Quatre essais d’iconographie politique, Dijon, Les Presses du réel, 2013, p. 26.

    38Béroalde de Verville François, Le moyen de parvenir, Chinon, Imprimerie de François Rabelais, 1720 (vers 1614-1617), p. 508.

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    Lignereux, Y. (2020). Souverains magiciens et jongleurs couronnés. In S. Hayat, C. Péneau, & Y. Sintomer (éds.), La représentation avant le gouvernement représentatif (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13z3z
    Lignereux, Yann. « Souverains magiciens et jongleurs couronnés ». In La représentation avant le gouvernement représentatif, édité par Samuel Hayat, Corinne Péneau, et Yves Sintomer. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2020. https://doi.org/10.4000/13z3z.
    Lignereux, Yann. « Souverains magiciens et jongleurs couronnés ». La représentation avant le gouvernement représentatif, édité par Samuel Hayat et al., Presses universitaires de Rennes, 2020, https://doi.org/10.4000/13z3z.

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    Hayat, Samuel, Corinne Péneau, et Yves Sintomer, éd. La représentation avant le gouvernement représentatif. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2020. https://doi.org/10.4000/13zc2.
    Hayat, Samuel, et al., éditeurs. La représentation avant le gouvernement représentatif. Presses universitaires de Rennes, 2020, https://doi.org/10.4000/13zc2.
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