De la diplomatie coloniale à la diplomatie impériale
La France et le recours à la neutralité dans les territoires ultramarins, xviie-xviiie siècles
p. 89-112
Texte intégral
1Le décloisonnement du monde qui s’opère à partir du xve siècle élargit le champ des rivalités entre puissances européennes. Les contestations récurrentes sur le droit de fréquenter les mers lointaines et de s’emparer de territoires ultramarins engendrèrent des affrontements et des conflits permanents dont les règlements semblaient devoir échapper à la diplomatie, ce que résume l’expression « pas de paix au-delà de la ligne » (no peace beyond the line)1. Ainsi, une partition du monde permettait de distinguer l’Europe, marquée par l’alternance de la guerre et de la paix, du reste du monde placé sous le joug d’un climat d’insécurité pérenne qui fait penser à l’état de nature hobbesien. Le principe même de cette disjonction semble avoir été largement admis, comme en témoigne Samuel von Pufendorf qui concevait que les armes puissent se taire en Europe alors que la guerre continuait dans les colonies2. Au-delà des seules guerre et paix, ce sont bien deux régimes diplomatiques qui se distinguent entre les métropoles, d’une part, et les espaces lointains, de l’autre. Cette césure recoupait celle des régimes juridiques et administratifs qui faisaient des possessions ultramarines, non pas des territoires ordinaires qui seraient seulement disjoints du royaume, mais bien des espaces particuliers : des colonies3.
2La dimension internationale des relations entre puissances coloniales est le plus souvent envisagée sous l’angle de la rivalité entre, principalement, la France, l’Angleterre, puis la Grande-Bretagne, et l’Espagne. Leur concurrence se déploie peu à peu à l’échelle du globe pour mener inexorablement à des guerres authentiquement mondiales à partir du milieu du xviiie siècle. Dès lors, il devient évident que le sort des métropoles conditionne celui des colonies, elles sont concurremment en guerre et en paix. Entre le moment de la discontinuité, où l’on considère que l’ouverture de la guerre, comme la conclusion de la paix, en métropole ne s’imposent pas systématiquement dans les possessions ultramarines et le moment de la continuité, avec l’intégration inexorable des colonies dans les conflits des centres impériaux, s’opère une mutation sur laquelle il faut s’interroger. Elle peut être saisie par l’étude de la diplomatie de la neutralité, autrement dit par les discussions visant à soustraire un ou plusieurs territoires coloniaux à une guerre opposant leurs métropoles. Aux xviie et xviiie siècles dans le monde américain, d’abord, puis en Afrique et en Asie émergèrent des tentatives de neutralisation d’établissements appartenant à des puissances belligérantes. Elles visaient à faire subsister la paix localement, alors que la guerre opposait les métropoles. Les Français et les Anglais étaient les principaux intéressés. Leurs tentatives mobilisèrent une diplomatie protéiforme tant par les acteurs concernés que par la spécificité des accords conclus ou encore par la pertinence de l’échelle d’analyse à adopter.
3Au-delà d’épisodes singuliers, la diplomatie française de la neutralité ultramarine permet de s’interroger sur les rapports entre une métropole et ses colonies en temps de guerre. La réalité de périphéries ne suivant pas le sort de leur centre révèle l’existence de dynamiques centrifuges. Pour bien la saisir, il faut adopter une perspective considérant la question de l’intégration coloniale dans les conflits, non pas du point de vue de la métropole, mais de celui des colonies. L’enjeu n’est pas tant de savoir comment le gouvernement français chercha à tirer profit de ses possessions lointaines pour combattre l’Angleterre mais de les considérer comme de véritables parties prenantes de la vie diplomatique ultramarine avec une capacité, plus ou moins affirmée, d’influencer leur propre sort. Cette approche doit cependant tenir compte d’une tendance de fond de structuration impériale qui s’impose peu à peu, tant en France qu’en Grande-Bretagne à partir de la fin du xviie siècle4. L’incorporation croissante des établissements ultramarins dans des empires en formation restreint la possibilité qu’ils restent hors la guerre quand leurs métropoles s’affrontent, et conduit donc à se poser la question de la mondialisation de la diplomatie. Il s’agit par conséquent, ici, d’envisager l’affrontement franco-anglais dans l’espace, sur fond du processus de globalisation des rivalités internationales et d’intégration progressive des colonies dans des structures impériales.
La diplomatie de la neutralité de l’échelle locale à l’échelle régionale
4Au milieu des années 1620, Français et Anglais entreprirent simultanément la colonisation de l’île de Saint-Christophe. Alors même que leurs souverains respectifs étaient en guerre en Europe, ils s’allièrent en 1627 pour combattre les Caraïbes qu’ils soupçonnaient de vouloir les massacrer5. Après leur victoire, les gouverneurs français et anglais s’attachèrent à signer un traité destiné à encadrer les relations entre leurs deux populations. Il prévoyait, notamment, une coopération militaire au cas où l’une d’elles serait attaquée par un de leurs ennemis communs, Caraïbes ou Espagnols. L’article 8 précisait qu’au cas où une guerre éclaterait en Europe entre la France et l’Angleterre, les deux nations devraient s’abstenir de commencer les hostilités sur place, à moins que leur gouvernement le leur ordonne expressément6. Leur faiblesse commune et la similitude des dangers extérieurs imposèrent une certaine solidarité et un renoncement à se faire une guerre, qu’en tout état de cause les deux parties auraient de la difficulté à mener. La détermination à rester neutre était aussi une manière de proclamer la volonté de conserver la paix locale, ce qui était particulièrement indispensable car, comme le soulignait Usson de Bonrepaus, envoyé à Londres en 1686, « les deux nations [y] estant plus meslées et par conséquent plus exposées à une insulte de l’un ou de l’autre7 ». L’accord était d’autant plus important pour les Français qu’il leur fallait aussi assurer la pérennité de la toute récente Compagnie des seigneurs de Saint-Christophe, qui peinait alors à développer ses activités8.
5Du point de vue des acteurs locaux, il s’agissait avant tout préserver les établissements, indépendamment des relations entre leurs souverains9. La pérennité de la paix par le recours à la neutralité soulageait les colons de la charge de l’entretien des troupes et leur permettait de conserver leurs esclaves qui n’avaient pas à être réquisitionnés pour l’entretien des fortifications10. Le plus important était, cependant, la sauvegarde des plantations car les effets d’une guerre se faisaient sentir à long terme. Ainsi, en 1677, un planteur anglais de Saint-Christophe, Christopher Jeaffreson, assurait que l’île était à peine rétablie des dommages de la guerre de 1666 et qu’une année de conflit avait suffi à ruiner les progrès de deux décennies de paix, ce qui fondait son désir de neutralité11. C’est pourquoi il arrivait que les colons interviennent auprès de leurs autorités pour demander l’observation de la neutralité. En 1665, les rumeurs de guerre entre la France et l’Angleterre poussèrent les colons français à demander le renouvellement du concordat de neutralité de 1627 permettant de pérenniser « la paix & union » avec les Anglais assurant « [qu’] il n’y va pas seulement de l’intérest des particuliers… mais encore de celuy de sa Majesté12 ». En effet, la nouvelle Compagnie Française des Indes Occidentales, créée en 1664 sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert, avait besoin de la paix en Amérique pour développer ses activités. Le secrétaire d’État de la Marine et des Colonies ordonnait d’ailleurs aux gouverneurs de préserver la paix avec les Anglais dans cette partie du monde même si les deux pays étaient en guerre par ailleurs13. Au début de l’année 1666, alors que Louis XIV se rangeait aux côtés des Néerlandais contre l’Angleterre, les colons anglais de Saint-Christophe firent pression sur leur gouverneur, William Watts, pour qu’il renonce à attaquer les territoires français et qu’il signe le traité de neutralité proposé par son homologue14. Lorsque la nouvelle de la guerre arriva, conformément aux engagements récemment pris, Watts informa les Français qu’il avait reçu ordre de son gouvernement de leur faire la guerre. Il leur accorda trois jours avant de lancer les attaques. Son homologue, Charles de Sales, lui demanda un délai supplémentaire qui devait aussi concerner les troupes de la Jamaïque venues en renfort15. Les Français cherchaient alors à limiter l’impact du conflit par l’extension de la neutralité, même de manière temporaire, aux soldats de la Jamaïque. Pour avoir une quelconque efficacité, il fallait que l’engagement à ne pas se faire la guerre ne soit pas seulement local, limité à la seule île de Saint-Christophe, mais régional. Les conflits s’étendaient alors à tout l’espace caraïbe, comme le confirment les ordres adressés l’année précédente au gouverneur de la Barbade de se joindre à une attaque de la partie française de Saint-Christophe16. Dans le monde antillais, les gouverneurs étaient bien des acteurs dynamiques d’une diplomatie locale animée tant par les demandes émanant des colons que par les ordres reçus de leur gouvernement. Leur capacité d’initiative leur permettait d’articuler la sauvegarde des intérêts locaux et l’obéissance inhérente à leur fonction.
6On retrouve le même type de situation au Sénégal au début de la guerre de Succession d’Espagne à la différence près, qu’ici, ce sont les compagnies de commerce (Compagnie du Sénégal et Royal African Company) qui étaient à la manœuvre. Leurs établissements, qui se voisinaient au Sénégal et en Gambie, peinaient alors à se rétablir après les affrontements de la guerre de la Ligue d’Augsbourg17. Des deux côtés, on avait intérêt à échapper au conflit qui venait d’éclater entre les métropoles en faisant de la Sénégambie un espace neutre. En septembre 1702, la Royal African Company ordonna à son agent de James Island, sur le fleuve Gambie, de « maintaining a correspondence with the French at Senegal with reference to regulating the trade with the natives » tout en lui demandant d’être vigilant à ce que les Français ne portent pas atteinte au commerce18. L’établissement anglais fut cependant attaqué à deux reprises, en 1703 et 1704, non pas par des forces relevant de la Compagnie du Sénégal mais par des bâtiments français venus de l’extérieur19. Le représentant local de la Royal African Company, le gouverneur John Pinder, proposa alors à son homologue français, André de Brüe, d’observer la paix à l’avenir. Ils rédigèrent ensemble un projet de traité et s’engagèrent à tout faire pour qu’il soit accepté par leurs gouvernements respectifs « afin qu’ils leur permissent de vivre dans une parfaite neutralité en Afrique, s’il arrivoit que les deux nations fussent en guerre en Europe20 ». Le traité entre les deux gouverneurs fut signé le 8 juin 1705, il concernait la région comprise entre le cap Blanc et la rivière Sierra Leone. L’objectif de l’accord était de « vivre en paix & en bonne intelligence, de s’assister mutuellement contre les Negres et autres qui pouroient venir interrompre leur commerce ». Une clause qui n’est pas sans rappeler celles contenues dans les concordats de neutralité conclus à Saint-Christophe. Là aussi, les dispositions portaient sur les questions internes, comme l’interdiction d’attaquer les bâtiments des compagnies, et sur des enjeux externes, obtenir des gouvernements que ni les vaisseaux de guerre, ni les corsaires ne viennent porter leurs armes contre les établissements de la région21. Même si ce traité ne fut guère appliqué, il montre que, comme aux Antilles, les gouverneurs des compagnies considéraient avant tout l’intérêt local à maintenir la paix alors que leurs métropoles étaient en guerre. L’idée d’un affrontement en tous lieux du monde au nom d’une guerre conduite en Europe n’était donc pas une évidence.
7Aux Antilles, les progrès de la colonisation et l’intensification des rivalités conduisirent à s’interroger sur l’échelle à laquelle il fallait élaborer des accords de neutralité. À la fin de l’année 1677, Charles de Blénac, gouverneur général des Isles d’Amérique, proposa à son homologue anglais des Leeward Islands, William Stapelton le renouvellement des traités antérieurs afin de « conclude a peace in case of rupture in Europe22 ». Il s’agissait, à nouveau, de distinguer la situation antillaise de celle des métropoles selon un principe déjà éprouvé. Le projet était fort bien vu par les colons, comme le montre la requête du Conseil d’Antigua qui « supplie » le roi d’Angleterre Charles II d’inclure leur île dans l’accord alors en négociation23. Le nouveau traité de neutralité fut signé le 19 mai 1678 au nom de Stapelton et de Blénac24. Son premier article réaffirmait le maintien « de la paix, de l’union, de la concorde de la bonne correspondance, de l’amitié et de la neutralité entre les deux nations… au cas où une rupture entre les deux couronnes [de France et d’Angleterre] se produirait en Europe25 ». La prohibition de tout acte d’hostilité n’était que la première disposition d’un traité qui, au-delà de la neutralité, contribuait surtout à réguler les relations entre Français et Anglais aux Petites Antilles, à la grande satisfaction des habitants de Saint-Christophe26.
8Mais, pour entrer en vigueur, le traité devait encore être ratifié par les souverains. Or, Louis XIV refusa de le faire tant que la Jamaïque et la Barbade ne seraient pas comprises dans l’accord. Le roi considérait en effet que l’absence de ces deux territoires viderait tout traité de son sens, car ils pourraient servir de base pour lancer des opérations contre les colonies françaises27. Autrement dit, il fallait que la neutralité soit étendue à l’ensemble des Antilles ou qu’elle ne soit pas. Cette disposition était soutenue par les colons des Leeward Islands qui y voyaient un espoir d’échapper aux conséquences d’une guerre déclenchée en Europe28. Mais Stapelton rejeta la demande française, jugée « déraisonnable », au nom du respect des dispositions des traités de neutralité antérieurs29. En réalité, les Anglais acceptaient la neutralité des Leeward Islands, où ils se sentaient en infériorité, mais la refusaient pour la Jamaïque. Les discussions durèrent au long de l’année 1679 mais, comme chaque partie campa sur ses positions, le traité de neutralité fut finalement condamné. À la différence de la négociation de 1627, celle conduite en 1679 échappa aux gouverneurs pour passer à leurs gouvernements. Cette évolution montre une meilleure intégration des questions coloniales dans la diplomatie européenne et un contrôle croissant, sans être ni parfait ni absolu, des gouvernements sur les colonies américaines.
9En 1685, à la suite de contacts entre l’ambassadeur de France à Londres et Stapelton, l’idée d’une neutralité américaine resurgit mais, cette fois, en Europe30. À la fin de l’année, l’envoyé de Louis XIV à Londres, Usson de Bonrepaus, reçut pour instruction de se renseigner sur les intentions des Anglais à Saint-Christophe et de voir « s’ils regarderaient comme un avantage pour leurs colonies d’avoir un traité de neutralité avec les Français qui habitent la même île31 ». Dès le début de la négociation, Bonrepaus fit valoir le désir des colons français de l’Amérique du Nord et des Antilles qui souhaitaient également « un traité général de neutralité entre elles [France et Angleterre], pour y pouvoir travailler avec une entière confiance au défrichement, plantations et autres établissements, ce qui augmentera sans nulle difficulté ces colonies à l’avantage de deux nations. L’ignorance dans laquelle on vit en ces pays là de ce qui se passe en Europe et le peu de connoissance qu’on y a de la bonne intelligence qui est entre les deux roys leur fait craindre quelque guerre imprévue qui ruineroit indubitablement l’une des deux nations32 ». Bonrepaus développe ici un double argument. Le premier concerne l’économie en reprenant l’idée, maintes fois avancée, des dommages des guerres sur les colonies. Le second argument est la césure qui existe entre l’Europe et le monde américain, sous-entendant l’existence de deux ensembles déconnectés. L’heure n’était pas encore à l’empire global. À l’initiative du roi d’Angleterre, la discussion qui commença au sujet de Saint-Christophe évolua rapidement vers une neutralité pour l’ensemble des colonies américaines33. L’élargissement spatial du champ de la négociation montre que la diplomatie coloniale de la neutralité était entendue, non seulement, comme une promesse d’absence d’hostilités, mais aussi comme une tentative de règlement des points en suspens tels que l’interdiction du commerce étranger, la reconnaissance des limites de l’Acadie ou encore les rapports avec les Indiens34.
10Le traité de neutralité « touchant les pays des deux rois en Amérique » fut signé le 16 novembre 168635. Il prévoyait que les colons ne pourraient ni organiser d’expéditions militaires contre les territoires américains du cosignataire, ni fournir de l’aide aux « sauvages ». Ce n’est qu’à l’article 18 qu’il était précisé le maintien « d’une véritable & ferme paix & neutralité entre lesdits peuples de France & de la Grande Bretagne, tout de même que si ladite rupture n’estoit point arrivée en Europe ». Le reste du traité portait sur des dispositions générales de cohabitation, voire sur des points assez précis comme la liberté de pêche à la tortue aux îles Caïmans (art. 16). En fait, ici, la neutralité signifie au moins autant le fait de ne pas être aspiré dans les guerres européennes, que l’extinction des causes de querelles. À cet égard, il est d’ailleurs significatif qu’à la demande des Anglais l’article 1 évoque la « paix, union, concorde & bonne correspondance » entre les sujets des deux rois, mais que le terme « neutralité » n’apparaisse qu’à la fin du traité. Il s’agit bien, en fait, d’un traité de voisinage en bonne intelligence, plus que de neutralité à proprement parler. D’ailleurs, les Anglais insistèrent pour que les dispositions prévoyant la mise à l’écart de l’Amérique des conflits européens soient insérées dans les derniers articles du traité, comme une conséquence de ce qui précédait36. Considérée de ce point de vue, la neutralité permet de parachever un processus de singularisation d’un monde américain qui devait être apaisé. La capacité à séparer le sort des colonies de celui de la métropole montre, une nouvelle fois, qu’il n’y a pas de conception réellement globale des affrontements.
11Bien que, dès le printemps 1689, conformément aux ordres qu’il avait reçus, Blénac attaquât les Leeward Islands et s’emparât de Saint-Christophe37, l’idée de la neutralité américaine ne disparut pas. En 1697 encore, Philippe de Courpon, lieutenant du roi à Saint-Christophe, rédigea un mémoire destiné à montrer les avantages que l’île et, au-delà, l’ensemble des territoires français pourraient recueillir d’une neutralité générale. Il invoquait en particulier la « sûreté des affaires » qui favoriserait le développement des colonies. Au lieu de les énumérer, il estima « [qu’] il seroit à propos de convenir de quelques limites ou endroits que la latitude ou longitude feroit connoistre, tant à l’égard de l’Amérique méridionale que de la septentrionale, passé lesquelles il ne seroit point permis de faire aucun acte d’hostilité38 ». Autrement dit, il fallait distinguer le domaine du conflit possible de celui de la paix pérenne. Toutefois, malgré d’autres projets plus ou moins vagues, la fin du xviie siècle semble bel et bien marquer la fin de l’espoir d’une neutralité de l’Amérique39.
12Au début du siècle, l’objectif général avait été la préservation de chaque colonie autour de laquelle les intérêts des planteurs et des gouvernements convergeaient dans un monde américain en cours d’appropriation par les puissances européennes. La guerre était alors considérée comme un élément déstabilisateur pour des établissements lointains encore précaires. Dans ce contexte, les traités de neutralité visaient à endiguer l’espace de la belligérance venue d’Europe, autant qu’à limiter les causes de conflits locaux. Cependant, les échecs successifs de ces traités en raison des guerres franco-anglaises montrent qu’il existait tant sur place que dans les métropoles une détermination à conduire la guerre. Au début du xviiie siècle, les malheurs qui touchent l’Europe traversent l’Atlantique marquant une intégration du monde américain dans le champ de la diplomatie métropolitaine, comme en atteste l’importance croissante des questions coloniales dans les traités de paix du xviiie siècle. Le temps n’est plus à l’accommodement local entre colonies, mais à un processus de mondialisation diplomatique qui s’appuie sur un renforcement des relations impériales par la liaison plus étroite entre le sort des territoires ultramarins et celui de la métropole. Cependant, ce qui était vrai pour l’Amérique ne l’était pas encore pour l’Asie.
La diplomatie de la neutralité dans les comptoirs indiens
13Le principe de neutralité se rencontre dès l’origine de la présence française en Inde. Dans les années 1670, les Marathes acceptèrent l’installation des Français à Pondichéry à condition qu’ils observent la neutralité dans les conflits locaux40. Mais entre Européens, l’idée d’une neutralisation des établissements français et anglais d’Inde émergea à la fin du xviie siècle, lorsque le gouverneur de Pondichéry proposa à son homologue de Madras de conclure un traité les engageant à ne pas s’attaquer si leurs métropoles devaient entrer en guerre41. Ceci dit, en Inde, les relations entre Européens n’étaient pas marquées par une claire alternance de la guerre et de la paix correspondant aux conflits opposant leurs États respectifs. Cela d’autant plus qu’il était parfois nécessaire de s’unir pour faire front commun face aux princes indiens42. La neutralité n’était alors qu’un engagement à circonscrire les rivalités. Comme aux Antilles ou en Sénégambie, les gouverneurs jouaient un rôle essentiel à cet égard. Cependant, à la différence de leurs homologues de la Caraïbe, ils n’étaient pas poussés à agir par les colons mais par les compagnies de commerce qui souhaitaient avant tout rentabiliser leurs lourds investissements en éloignant le risque de guerre. Ainsi, lorsqu’en 1709, un corsaire malouin s’empara d’un bâtiment anglais, le gouverneur de Madras émit une forte protestation, accusant les Français d’importer la guerre en Inde au mépris de la neutralité imposée au cours du règne du Grand Moghol Aurangzeb. En effet, les princes indiens tenaient à préserver le calme sur leur territoire et ordonnaient aux Européens de ne pas s’y affronter, mais manquaient parfois des moyens nécessaires pour se faire obéir43. La Compagnie française intervint alors auprès du ministre de la Marine pour que ce type d’incident ne se reproduise plus44. La mort d’Aurangzeb en 1707 ouvrit une période d’instabilité qui contraignit les Européens à chercher à s’assurer de la neutralité de leurs établissements au moyen d’accords bilatéraux. Le premier d’entre eux fut signé sur la côte de Malabar, le 20 mars 1728, entre les Français, nouvellement installés à Mahé, et les Anglais de Tellicherry. Il prévoyait, notamment, une interdiction de toute attaque à la vue de leurs forts, même s’il devait y avoir une guerre en Europe entre leurs deux souverains45. Il s’agissait, avant tout, d’un pacte de bon voisinage dans un contexte local très tendu. La pacification des relations entre établissements voisins en était un principe cardinal, indépendamment de la conjoncture européenne, pour garantir la sauvegarde de la navigation et du commerce.
14Ce précédent trouva un écho au début des années 1740, alors que le spectre d’une guerre franco-anglaise se profilait. En 1742, des discussions s’ouvrirent à Paris sur la neutralité des comptoirs et des bâtiments des deux compagnies en cas de guerre en Europe46. À la différence de l’Amérique, il ne s’agissait pas uniquement de mettre les établissements à couvert des déprédations d’un conflit, mais aussi de traiter de la neutralisation des échanges. Les Français le souhaitaient, mais les Anglais le refusèrent. Pour eux, l’enjeu d’une prochaine guerre en Inde n’était pas la conquête territoriale, mais l’affaiblissement de la Compagnie française des Indes orientales dont l’activité et les bénéfices augmentaient plus rapidement que ceux de l’East India Company (EIC) depuis les années 173047. Au moment où la guerre commença officiellement entre Louis XV et George II, en mars 1744, la Compagnie française cherchait avant tout à préserver l’océan Indien de la guerre. Dupleix, gouverneur de Pondichéry, reçut des ordres clairs de ne commettre aucun acte d’hostilité à l’est du cap de Bonne-Espérance et de négocier avec les gouverneurs anglais « un traité de neutralité pour la sureté du commerce respectif des deux compagnies48 ». Il proposa alors un accord à ses différents homologues anglais. Il fut plutôt bien accueilli à Tellicherry et à Madras, mais reçut des réponses évasives de Bombay et du Bengale49. Les gouverneurs, en effet, prenaient position en fonction de leur situation particulière, comme à Madras où le mauvais état des défenses imposait d’éviter la guerre. Sur mer cependant, les coups de force ne tardèrent pas à se produire. Si le gouvernement français avait refusé de porter la guerre dans l’océan Indien, les Anglais y étaient résolus en envoyant une escadre commandée par le commodore Barnett. Il s’empara de plusieurs bâtiments français, répondant aux protestations de ses victimes que les discussions sur la neutralité de la région n’avaient engagé que certains gouverneurs et non le roi dont il recevait les ordres50. La neutralité terrestre était une chose, la neutralité maritime une autre51. Autrement dit, l’EIC pouvait suivre une politique de neutralité locale, alors que son gouvernement menait, lui, une guerre globale.
15De fait, ni l’océan Indien, ni l’Inde n’échappèrent à la guerre. La Bourdonnais s’empara de Madras en 1746, alors que Pondichéry fut assiégée deux ans plus tard. Le conflit fut une rude expérience pour la Compagnie française des Indes. Elle perdit une trentaine de navires et plus de 30 millions de livres, une somme équivalente à celle qu’elle avait consacrée à ses dépenses militaires52. Dans ces conditions, il ne fut pas surprenant de trouver la question de la neutralité de l’Inde sur la table des négociations à Aix-la-Chapelle. La Compagnie française y avait tout intérêt car la guerre avait montré qu’elle ne pouvait compter sur la marine du roi pour protéger ses établissements et qu’il lui faudrait, en cas de nouveau conflit, pourvoir elle-même à sa défense53. En mai 1748, Maurepas, secrétaire d’État de la Marine et des Colonies, rédigea un mémoire à ce sujet. Il y démontrait que la vulnérabilité des établissements de l’Inde exposait les compagnies aux vexations et aux exigences des autochtones. Les Européens n’avaient par conséquent aucun intérêt à voir la guerre s’étendre dans l’océan Indien, d’autant plus que les perturbations commerciales renchérissaient nettement le prix des denrées pour le public. Il fallait donc établir une « neutralité irrévocable », conclure un accord portant le « sceau de l’autorité souveraine » assuré des « garanties les plus formelles et les plus étendues54 ». Autrement dit, il fallait faire passer l’engagement du niveau des compagnies à celui des États pour envisager, à cette échelle, un accord de neutralisation de l’océan Indien55.
16En 1752, à la suite de la réflexion engagée lors de la paix d’Aix-la-Chapelle, un des syndics de la compagnie française proposa la conclusion d’un traité avec l’EIC qui éloignerait le risque de guerre en Inde, tout en favorisant une coopération face aux princes locaux et aux concurrents européens56. L’année suivante, un envoyé non officiel fit connaître au gouvernement français le souhait de l’EIC de rétablir « la tranquillité de l’Inde » de manière durable. La négociation qui s’ouvrit à Londres en 1753 mobilisa des agents des compagnies des Indes, l’administration de la Marine et celle des Affaires étrangères57. Du côté français, Julien Duvelaer, ancien employé de la compagnie en Chine et frère d’un de ses directeurs, fut chargé des discussions avec l’aide de l’ambassadeur de Louis XV, le duc de Mirepoix58. Dans un premier temps, Duvelaer devait s’assurer de la réelle volonté anglaise de parvenir à un accord59. Une fois que cela fut fait, la négociation commença hors du regard immédiat des acteurs de la diplomatie ordinaire. Il fallait s’accorder sur quelques points essentiels : la pérennisation de la paix, le retrait des affaires indiennes, voire même l’établissement d’une collaboration contre les princes locaux qui pourraient menacer les établissements des deux compagnies. Ainsi, en Inde, la neutralité se doublerait de la sécurité vis-à-vis des autochtones. L’un des points délicats à régler concernait le statut des navires circulant entre les comptoirs et les métropoles : fallait-il les considérer comme neutres pendant tout leur trajet ? Pendant une partie seulement ? Voire pas du tout ? En fait, derrière ces questions se jouait la détermination de la frontière spatiale de la guerre et de la paix. Un accord émergea rapidement pour neutraliser l’océan Indien, ce qui n’était que partiellement satisfaisant car la navigation dans l’Atlantique ne bénéficiait d’aucune sauvegarde. C’est pourquoi les Anglais cherchèrent à faire inclure l’île de Sainte-Hélène dans le champ de la neutralité au nom de la protection de la navigation en Inde60. Un second point important portait sur le retrait des compagnies des affaires indiennes61. Afin « d’écarter les soupçons de jalousie », Duvelaer proposa que les deux compagnies renoncent à obtenir des privilèges commerciaux exclusifs, à céder tout ou partie de leurs établissements, mais encore à faire de futures acquisitions en Inde62. Il s’agissant donc, pour les compagnies, d’abdiquer tout rôle politique en Inde pour cristalliser leurs positions dans l’espoir de pérenniser un équilibre régional garantissant une paix durable condition nécessaire de la prospérité commerciale.
17Mais alors que la discussion se poursuivait sur ces bases à Londres, Dupleix conduisait une politique expansionniste dans le centre de l’Inde63. Les initiatives du gouverneur ne cessaient de contrarier la Compagnie qui cherchait à réduire ses dépenses militaires, et le gouvernement français qui voulait absolument conserver la paix avec la Grande-Bretagne64. Or, les Anglais étaient fort inquiets des entreprises de Dupleix65. L’EIC se vit accorder un renfort de 3 000 hommes pour faire face aux « ambitious views of the French in that part of the world66 ». Tant que les discussions portaient sur les modalités simples de la cohabitation, les agents des compagnies étaient les principaux interlocuteurs mais quand les enjeux s’élargirent, la diplomatie royale fit son retour au premier plan. L’objet des négociations avait évolué, comme le montre le projet d’accord rédigé en janvier 1754. Les enjeux territoriaux locaux avaient nettement pris le pas sur les questions de neutralité67. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant de voir que Mirepoix reçut un plein pouvoir pour « approuver et confirmer la convention d’accommodement à signer entre les deux compagnies des Indes de France et d’Angleterre68 ». Il devait parvenir à un accord pérennisant la paix, comme le rappelait son gouvernement qui considérait « [qu’] il n’y a que la neutralité qui puisse assurer la conservation de nos établissements », sinon il faut regarder le succès des Anglais aux Indes « comme certain69 ». Mirepoix ne fut cependant pas sollicité sur ce point, mais sur le principe que les deux compagnies devaient « for the future remain des compagnies commerçantes and be no longer des compagnies belligérantes ou conquerantes70 ». Les Anglais souhaitaient soustraire le commerce de l’Inde du champ de la rivalité militaire avec la France pour ouvrir une compétition purement commerciale.
18La question de la neutralisation de l’Inde ne doit pas être considérée uniquement dans la perspective mercantile des compagnies, mais aussi d’un point de vue géopolitique global. Si, d’un côté, l’amirauté britannique souhaitait pouvoir attaquer les navires de la Compagnie française des Indes orientales71, l’EIC tâchait de démontrer que l’Angleterre avait plus à gagner que la France à la conclusion d’un accord de neutralité en Inde. Il permettrait de conserver les bâtiments de guerre à proximité de la métropole, d’épargner d’importantes dépenses et d’employer les marins sur d’autres fronts72. Ainsi, soustraire l’océan Indien aux actes de guerre revenait à circonscrire le champ de la conflictualité, de fait, à l’espace atlantique, c’est-à-dire à l’espace colonial, et à en exclure le monde des comptoirs et du commerce.
19Parallèlement aux discussions qui se déroulaient en Europe, la nécessité de négocier sur place, en Inde, s’imposa rapidement. Dès juillet 1753, les compagnies décidèrent de renvoyer à deux commissaires le soin de parvenir à « établir les affaires sur un pied qui rendit la guerre impossible (entre les deux compagnies)… tant que les gouvernements des deux pays seraient en paix73 ». Charles Godeheu de Zaimont, directeur de la Compagnie à Lorient, devait s’entendre avec Thomas Saunders, gouverneur de Madras, sur les contentieux en cours, en amont de la conclusion de tout accord de neutralité en Europe, notamment à cause des craintes suscitées par les entreprises de Dupleix74. Comme le reconnut Machault d’Arnouville, secrétaire d’État de la Marine et des Colonies, un accord conclu en Europe « pourroit être sujet a plus d’une difficulté dans l’Inde à cause des changements qui peuvent y survenir d’un moment à l’autre et des différents intérêts des princes ou seigneurs de l’Inde75 ». Le ministre soulignait une des difficultés majeures de la diplomatie du lointain, à savoir la capacité à convenir en Europe de dispositions portant sur des situations complexes et mal maîtrisées de régions éloignées76. En métropole, le roi, les ministres et la direction de la Compagnie des Indes ne pouvaient donner que les grandes impulsions et tracer les principales lignes de la politique à suivre, mais il revenait aux administrateurs, sur place, de les mettre en application avec les accommodements qui leur semblaient s’imposer77. C’était d’autant plus vrai pour des régions où des princes locaux conduisaient leur propre politique et donnaient le pouls d’une vie diplomatique dont les Occidentaux peinaient à suivre le rythme et les évolutions. Comme cinq à six mois étaient nécessaires pour faire circuler des informations entre l’Europe et l’Inde, il fallait prendre le risque d’être en retard sur la situation locale, quitte à être peu pertinent, ou déléguer à des acteurs européens résidant sur place la conclusion d’accords qui seraient, en tout état de cause, toujours soumis à ratification. Dans le cas présent des négociations sur l’Inde, comme l’admet Machault, « ce seroit peut être la première fois qu’un souverain auroit proposé à un autre souverain un armistice dans un pays très éloigné et de laisser en général la liberté de l’établir ou non78 ». Ici, l’efficacité de la diplomatie s’érode au contact de l’espace. L’horizon d’une politique mondiale surpasse la capacité à négocier dans le bon rythme.
Colonies et comptoirs : une géographie de la diplomatie de la neutralité à l’échelle du monde
20L’usage diplomatique de la neutralité dans le monde américain avait une double dimension. Il concernait un engagement à ne pas se faire la guerre, alors même que les métropoles étaient en conflit, mais désignait également des territoires ou des populations au statut ambigu : certaines îles des Antilles qui n’étaient reconnues à aucune puissance européenne79, ou les populations acadiennes vivant après 1713 sous autorité britannique, les French Neutrals80. C’étaient là autant de situations extra-coloniales au cœur de régions colonisées. La neutralité permettait de désigner des configurations incertaines en raison d’une carence de souveraineté pleine et entière. Mais ce n’était qu’une solution temporaire et précaire. Elle ne dura que jusqu’à la guerre de Sept Ans qui scella le partage des îles neutres entre Français et Anglais ainsi que la chute de la Nouvelle-France. La disparition de ces zones de décrochage est révélatrice d’une meilleure intégration coloniale, d’un processus de transition vers un renforcement impérial81. La diplomatie globale de la neutralité doit aussi être envisagée à l’aune de cette dynamique. Tant qu’il s’agissait de colonies disposant d’une certaine marge de manœuvre pour régler leurs propres affaires, ou dont les métropoles n’avaient pas intégré le poids dans la balance générale des forces, la mise à l’écart de la guerre pouvait être opportune. Mais à partir de la fin du xviie siècle, lorsque s’affirme la figure impériale à la faveur du renforcement progressif de l’autorité des métropoles, le principe de neutralité coloniale perd de sa pertinence. L’idée de la cohabitation pacifique négociée ou accordée localement cède face au modèle de paix ou de guerre par l’empire.
21Cette dynamique générale, qui concerne avant tout le monde américain, trouve un écho décalé en Inde. Dans cette région, il est difficile de parler de diplomatie coloniale du même type que celle du monde atlantique. L’exercice de la diplomatie de la neutralité est ici conditionné par l’autorité des puissances locales, mais aussi par la nature commerciale de la présence européenne. Dans les années 1730 et 1740, l’émergence de l’économie politique conduisit à déplacer le champ de l’affrontement du domaine militaire à celui du grand négoce, faisant de la vigueur du commerce le véritable étalon de la puissance82. Dans ce contexte, les colonies tenaient une place particulièrement importante. Ainsi, l’économiste François Veron de Forbonnais distinguait les colonies « de commerce et de culture », des colonies « de commerce ». Il estimait que les secondes « dérogeroient à leur institution, si elles devenoient conquérantes83 » et qu’elles devaient s’abstenir de toute ambition militaire. Ce qui était vrai en général l’était alors, particulièrement, pour l’Inde en raison de l’importance des investissements commerciaux, mais aussi du douloureux souvenir de la prise de Pondichéry par les Hollandais en 1693 qui avait contraint la compagnie française à engager de très lourdes dépenses militaires84. Étienne de Silhouette, commissaire du roi auprès de la Compagnie des Indes, proche collaborateur de Machault d’Arnouville, était un des chantres les plus actifs de la neutralité de la Compagnie française des Indes orientales et un adversaire résolu de la politique de Dupleix85. En 1751, la Compagnie rappelle au gouverneur « [qu’] il est tems de borner l’étendue de nos concessions dans l’Inde. La Compagnie craint toute augmentation de domaine, son objet n’est pas de devenir une puissance de terre… Le parti que nous devons prendre est celui d’une exacte neutralité86 ». Deux ans plus tard, Silhouette se fait encore plus clair : « Tout système qui paroîtra s’éloigner de ces vues de neutralité n’aura pas l’approbation du Roi, du Ministre & du Public. On ne veut pas se rendre une Puissance politique de l’Inde ; on ne veut que quelques Etablissemens en petit nombre, pour aider & protéger le Commerce : point de victoires, point de conquêtes, beaucoup de marchandises & quelque augmentation de dividende87. » La neutralité doit permettre de faire prospérer les affaires, d’accroître la valeur, la qualité et la quantité des expéditions vers la France pour engranger davantage de profits88. Cette politique articule le local et le global par une combinaison de la réduction des frais et des risques en Inde avec une conception générale de la rivalité avec la Grande-Bretagne dont l’étalon est le commerce.
22Dans son mémoire de mai 1748, Maurepas évoquait « les colonies voisines de l’Europe » qui appartiennent au souverain, l’Amérique, dont il estimait « juste qu’elles participent au malheur commun et qu’elles prennent part à la guerre89 ». Par ailleurs, il y avait les possessions de l’Inde « trop éloignées de l’Europe pour avoir une influence immédiate sur les affaires de la guerre ou de la paix », d’autant plus qu’elles étaient administrées par des compagnies « qui les gouvernent toujours sous l’autorité du souverain mais pour leur intérêt particulier90 ». Maurepas proposait de neutraliser les régions situées à l’est du cap de Bonne-Espérance et d’étendre ce régime à la côte africaine en deçà du 8e degré de l’attitude nord, incluant donc les établissements du Sénégal91. Proche des tenants de la science du commerce comme Forbonnais92, le ministre dessinait ainsi une géographie ultramarine, spatiale et administrative. Il distinguait le domaine colonial, à proprement parler, qui serait celui du roi et de la conquête, au sein duquel l’affrontement serait légitime et inévitable, du monde des comptoirs, des compagnies et du commerce placé sous le sceau de la neutralité, comme dépolitisé en quelque sorte. Mais au milieu du xviiie siècle, l’affirmation de ce que David Hume appelait « the Jealousy of Trade93 », une rivalité de tous les instants et dans tous les lieux entre grandes puissances européennes, condamnait l’espoir de préserver une quelconque branche du commerce de guerres devenues mondiales dans un cadre impérial.
Les acteurs autochtones et leur diplomatie de la neutralité
23L’intensité du face-à-face franco-britannique dans les espaces extra-européens ne doit pas faire oublier que les deux puissances n’étaient pas seules et n’avaient pas le monopole de la neutralité. En effet, en Afrique, principalement, et en Asie, dans une bien moindre mesure, les princes autochtones pratiquaient également une politique de neutralité et, parfois même, l’imposaient à leurs interlocuteurs étrangers. C’était, par exemple, le cas sur le littoral du golfe de Guinée où la neutralité fut exigée des Européens à partir de la fin du xviie siècle. La concurrence croissante à laquelle se livraient les négriers constitua un facteur favorable à une extension des guerres européennes, ce que les princes africains voulaient absolument éviter pour conserver l’attractivité de leurs ports.
24En 1681, l’agent de la Royal African Company à Ouidah (actuel Bénin) témoigna des tensions opposant les Européens établis sur place. Mais la situation ne dégénéra pas en raison de la grande attention que les autorités royales huedas portaient à la conservation de la paix94. Cette politique porta ses fruits à partir de la fin du xviie siècle, en dépit de la vive concurrence à laquelle se livraient sur place les négriers français, hollandais, anglais et portugais. Mais en 1704, la prise d’un navire portugais par les Français amena le roi Amar à faire connaître aux Européens sa volonté de ne tolérer aucun trouble lié à leur guerre dans son port ou à la vue de sa rade95. Il leur affirma également sa détermination à accueillir tous les bâtiments qui se présenteraient. Amar n’eut pas besoin d’utiliser la force pour atteindre son objectif. Après avoir informé les étrangers de sa volonté de maintenir la paix chez lui, il reçut les protestations des rivaux et ennemis de la France qui espéraient profiter de la guerre pour éliminer leur concurrent. Le roi leur donna une heure pour accepter la neutralité ou sortir de son royaume96. Face à cette menace, tous les Européens signèrent un traité de neutralité mutuelle le 6 septembre 1704. Amar imposa ainsi la paix dans l’étendue de son royaume et au large de son port. Les capitaines qui y arriveraient ne pourraient y pénétrer qu’après avoir accepté les conditions du traité97. On note parmi celles-ci de fortes similitudes avec ce qui se pratiquait en Europe comme, par exemple, le délai de 24 heures imposé entre le départ de deux navires de pays ennemis. C’est ce qui laisse à penser qu’une fois que le roi Amar eut fait savoir aux Européens sa détermination à échapper à leur guerre, Français, Hollandais, Anglais et Portugais s’entendirent sur les modalités de la neutralité à Ouidah qui perdura pendant tout le conflit et fit le succès et la réputation du port. Après la guerre, le principe de la neutralité continua à avoir les faveurs des Européens. En 1717, Bouchel, le nouveau directeur du comptoir français, se vit autorisé à renouveler le traité de neutralité pour vivre « en bonne intelligence » avec ses concurrents98. Le cas de Ouidah a été considéré par l’anthropologue et économiste Karl Polanyi comme emblématique du modèle de port de commerce, « port of trade », dont la sécurité offerte aux marchands, combinée avec l’ouverture, constituait les premières caractéristiques99. En effet, au début du xviiie siècle, il se caractérisait par son cosmopolitisme et la diversité des marchandises qui y étaient échangées. La raison se trouvait dans l’usage « d’acheter & de vendre sans dispute » et dans la politique du roi qui « affecte personnellement une grande neutralité entre tous les étrangers qui abordent en son païs, à qui il accorde beaucoup de liberté pour le commerce, autant que ses intérêts & le bon ordre le permettent100 ». Cette politique fut poursuivie après la conquête du royaume de Hueda par le Dahomey en 1727 et pendant la suite du xviiie siècle. Au début de la guerre de Sept Ans, le roi Tegbesu rappela aux directeurs des forts européens que l’accès au port devait rester libre et que les hostilités y étaient interdites101.
25Au-delà de la question de la sécurité du commerce, la politique de neutralité des rois de Hueda, puis de leurs successeurs du Dahomey, révèle la détermination à adopter une politique d’équilibre entre puissances européennes pratiquée dans une position de force102. Cette attitude n’était pas rare et certains, comme John Bannishee Corrantee, cabocere (gouverneur) de la cité d’Annamaboe, sur la côte de l’Or, en usa au milieu du xviiie siècle. Il refusa tout monopole commercial sur le port et pratiqua un subtil jeu de bascule entre Français et Anglais qui s’apparentait à une véritable politique de neutralité. Son objectif était de ne se compromettre aux yeux d’aucune des puissances européennes, tout en prenant bien garde de ne pas trop favoriser les uns ou d’affaiblir les autres. Comme un symbole de sa ligne de conduite, il envoya un de ses fils en France et l’autre en Angleterre103.
26Ce type de politique se retrouve également en Inde au début de la guerre de Succession d’Autriche. En mars 1745, le nabab d’Arcot demanda à ses proches voisins anglais de Madras et français de Pondichéry de vivre en paix malgré la guerre opposant leurs souverains en Europe, et d’interdire à leurs bâtiments de s’affronter sur la côte de Coromandel. Pour pérenniser le commerce de la région, il proposa aux belligérants de transférer leur commerce sous les couleurs du Moghol104. Mais malgré quelques promesses de part et d’autre, les armes ne tardèrent pas à parler puisque Madras fut pris par les Français en 1746. Les succès français permirent d’abord d’acheter la neutralité du nabab du Carnatic puis de le convaincre de se ranger derrière Dupleix pour bénéficier du soutien du plus fort105. Mais plus au nord, au Bengale, la situation était différente car, depuis le début du siècle, les nababs avaient interdit aux Européens de se combattre dans la région, assurant ainsi la neutralité du Gange et de l’Hoogly. La prohibition de tout acte hostile fut fermement rappelée en 1745106. À la différence d’autres régions de l’Inde, les nababs du Bengale avaient les moyens de faire respecter la neutralité de leur territoire. C’est pourquoi Calcutta et Chandernagor échappèrent aux opérations militaires pendant la guerre de Succession d’Autriche107. À partir de 1749, l’état de guerre latent entre les compagnies française et anglaise rendit de plus en plus difficile la neutralité des princes indiens qui étaient toujours à la recherche d’alliés face à leurs propres rivaux. Dès le début de la guerre de Sept Ans, les Anglais se montrèrent déterminés à passer à l’offensive pour contrôler le Bengale. Pierre Renault de Saint-Germain, gouverneur de Chandernagor, comptait sur la détermination du nabab Sirajuddaullah à maintenir la neutralité de son territoire pour pérenniser le commerce sur le Gange, comme lors du conflit précédent. Effectivement, le nabab pratiquait une politique de bascule étant prêt à défendre la neutralité de son territoire en faisant appel, le cas échéant, à l’une des deux compagnies si l’autre venait à commencer les hostilités108. C’est pourquoi Saint-Germain proposa aux Anglais de convenir de la neutralité du Bengale sous la garantie du nabab en février 1757109. Si le conseil local de la compagnie accueillit favorablement l’offre française, l’amiral Watson, à la tête de l’escadre des Indes, la refusa et attaqua Chandernagor qui fut pris le 23 mars 1757110. La guerre franco-anglaise était réellement devenue un affrontement global.
27L’adoption d’une politique de neutralité par des souverains africains et indiens n’était pas une chose rare. Mais si les premiers connurent, de ce point de vue, un certain succès, ce ne fut globalement pas le cas pour les seconds. La différence peut s’expliquer moins par des facteurs militaires qu’en raison de la nature de leurs rapports avec les Européens. Tant que ces derniers se contentaient de faire de la traite et du commerce, la neutralité des autorités locales leur était avantageuse. En Afrique comme en Inde, elle était une promesse de sécurité et de pérennité des affaires. Mais quand Français et Anglais se lancèrent, en Inde, dans une politique qui nécessita des alliances avec les puissances locales pour espérer contrôler des territoires importants, alors la neutralité des nababs ne fut plus tenable. En Afrique, au xviiie siècle, il n’y a pas de politique impériale, malgré la vive rivalité opposant les Européens dans le golfe de Guinée. À Ouidah, la neutralité fut ainsi un modus vivendi acceptable. Il fut à peu près respecté jusqu’en 1794, puisqu’à la suite de l’abolition de la traite, les Français n’eurent plus rien à espérer de la neutralité locale et attaquèrent le comptoir anglais du port111.
Conclusion
28En 1733, considérant la clause qui dispose de la neutralité des colonies antillaises de la France et du Danemark figurant dans le contrat de vente de l’île de Sainte-Croix, les administrateurs français observaient : « Il serait à souhaiter Monseigneur que cet article [de neutralisation] fut commun à toutes les nations en Amérique. […] Les événements de la guerre dans cette partie du monde ne serviront jamais à décider les différends des princes. Les maux que les peuples se feront les uns aux autres ne produiront aucun avantage à personne. Les colonies angloises et hollandoises souhaitent cette neutralité autant que nos habitants112. » Ce commentaire montre, d’une part, le sentiment d’une absence d’influence des territoires ultramarins dans la détermination du rapport de force entre les métropoles. Les guerres sont européennes, elles concernent donc l’Europe. D’autre part, la conviction que les sociétés locales n’ont rien à gagner, et tout à perdre, dans la participation à un conflit. Ce sentiment, à en croire les administrateurs français, serait partagé par l’ensemble des colons de la Caraïbe inscrits dans des solidarités créoles et, pour reprendre les termes de Charles Frostin, « voyageurs du Nouveau Monde […] éloignés des sujétions européennes113 ».
29L’étude de la neutralité coloniale permet de mettre en évidence et d’articuler plusieurs dimensions de la diplomatie du lointain. On y croise d’abord différents acteurs : des colons, des gouverneurs, des diplomates patentés qui négocient en Europe, des princes autochtones et des représentants de compagnie de commerce. Ils sont autant de personnages disposant d’une capacité d’action et d’une expertise particulière mise au service d’une sauvegarde locale ou régionale. Pour autant, les accords de neutralité ne sont que très rarement respectés car, bien plus que les injonctions martiales venant de la métropole, le contexte de guerre permet d’espérer résoudre des différends locaux et d’emporter des avantages. La diplomatie de la neutralité invite aussi à réfléchir à l’évolution des relations entre un centre et ses périphéries, ainsi qu’à la capacité des métropoles à organiser l’espace, ici en temps de guerre. Ce faisant, elle fait aussi une grande place aux facteurs économiques, la production, le commerce et la navigation. Elle permet encore de mettre de la nuance dans un discours téléologique de maîtrise européenne, en l’occurrence française, du domaine colonial et de projection des rivalités occidentales dans le monde. En diplomatie, comme dans les autres domaines, le désenclavement de l’espace colonial et la mondialisation furent des processus lents dont les rythmes variaient selon les périodes, les régions, les modalités de la présence européenne et les rapports avec les puissances locales.
30La diplomatie de la neutralité ultramarine se met d’abord en branle aux Antilles, à partir des années 1620, puis en Amérique du Nord. Français et Anglais s’accordèrent pour ne pas se faire la guerre mais, dès la fin du xviie siècle, il n’y a plus d’accords de neutralité américains locaux ou régionaux, alors même que les colons peuvent encore le désirer. Le temps de la diplomatie locale était dépassé, celui de la diplomatie coloniale considérant les établissements américains comme extérieurs au sort de la métropole était en passe de l’être. Au milieu du xviiie siècle, cette fois, c’est l’Inde qui est l’enjeu de la diplomatie de la neutralité lointaine avec, à nouveau, l’argument de l’inutilité de se combattre sur des terres si éloignées. S’y ajoute la nature commerciale de la présence européenne et des interrogations sur la rivalité négociante entre grandes puissances. Mais à mesure que la concurrence s’accentue, la nécessité de mobiliser davantage de ressources, en temps de guerre comme en temps de paix, sonne le glas de l’espoir de la neutralité coloniale envisageable seulement si les établissements ultramarins ne sont considérés que comme un agrégat. Mais l’avènement du paradigme impérial, expansionniste et à tendance centralisatrice, s’accommode mal de la neutralité du lointain. Elle disparaît d’ailleurs au moment de la guerre de Sept Ans, à la faveur de la mutation de la stratégie mondiale de la diplomatie française qui est de moins en moins coloniale et de plus en plus impériale.
Notes de bas de page
1Mattingly Garrett, « No Peace beyond what Line ? », Transactions of the Royal Historical Society, 1963, vol. 13, p. 145-162.
2« Les peuples d’Europe, qui ont des terres dans les Indes Orientales ou occidentales [peuvent conclure] une trêve en Europe sans discontinuer la guerre dans les Indes » (Pufendorf Samuel von, Le droit de la nature et des gens, t. II, Amsterdam, Pierre de Coup, 1712, « Des conventions faites pendant la guerre », liv. VIII, chap. vii, § III, p. 477).
3Pluchon Pierre et Sauteau Patricia, « L’exception coloniale », dans Bardet Jean-Pierre et alii (dir.), État et société en France aux xviie et xviiie siècles. Mélanges offerts à Yves Durand, Paris, PUPS, 2000, p. 437-454.
4Comme le montre François-Joseph Ruggiu, c’est effectivement à cette époque, qu’en France comme en Grande-Bretagne, l’idée d’empire s’impose véritablement sur la conception de l’ensemble colonial, vu comme une simple juxtaposition de territoires, Ruggiu François-Joseph, « Des nouvelles France aux colonies Une approche comparée de l’histoire impériale de la France de l’époque moderne », Nuevo Mundo, Mundos Nuevos, en ligne, débats, mis en ligne le 14 juin 2018, consulté le 10 juillet 2018.
5Tertre Jean-Baptiste du, Histoire générale des Antilles habitées par les François, Paris, Thomas Jolly, 1667-1671, t. I, p. 5.
6« S’il arrive guerre en l’Europe entre les François & Anglois, pour cela ne pourront les dits Sieurs se faire la guerre, s’il ne leur est expressément commandé par leurs Princes, & en cas de tel commandement, seront obligez de s’entre-avertir auparavant de faire aucun acte d’hostilité » (ibid., p. 18-19). Chaunu David, « Rivalités impériales et neutralité au xviie siècle : la diplomatie par le bas des colons de Saint-Christophe », Nuevo Mundo, Mundos Nuevos, en ligne, débats, mis en ligne le 14 juin 2018, consulté le 23 juillet 2018.
7Bonrepaus à Croissy, 17 janvier 1686, AAE, CP, Angleterre, vol. 158, fo 36.
8Castagnos Pierre, Richelieu face à la mer, Rennes, Éditions Ouest-France, 1989, p. 76-77.
9Bridenbaugh Carl et Roberta, No Peace beyond the Line. The English in the Caribbean, 1624-1690, New York, 1972, Oxford UP, p. 167.
10Higham Charles, The Development of the Leeward Islands under the Restoration, 1660-1688, Cambridge, Cambridge UP, 1921, p. 112.
11« The desire of both parties to establish soe firme a league between us (and to get it ratified by the two kings) that whatsoever difference happen in Europe, a perpetual amity may bee retained and preserved here » (Jeaffreson à Gamiell, 12 mai 1677, Jeaffreson John Cordy [éd.], A Young Squire of the seventeenth century, vol. 1, Londres, Hurst and Blackett, 1878, p. 213, voir également p. 215).
12« Articles contenans les pretentions de Messieurs les officiers & habitans de l’isle de S. Christophe », art. 6 reproduit dans Tertre Jean-Baptiste du, Histoire générale des Antilles habitées par les François, t. III, op. cit., p. 263.
13« Il importe que vous employiez d’abord toute votre industrie & votre experience, pour essayer de conserver la neutralité avec celles des Anglois » (Colbert à Clodoré, gouverneur de la Martinique, 2 février 1666, ibid., t. IV, p. 12).
14Ibid., t. III, p. 275-281.
15Ibid., p. 288-290 et « Relation of the loss of St. Christopher », avril 1666, Calendar of State Papers, Colonial, America and West Indies, vol. 5, éd. Noel Sainsbury, Londres, HMSO, 1880, p. 375.
16Arlington to Willoughby, 5 décembre 1665, ibid., p. 339.
17Gray John M., A History of the Gambia, Cambridge, Cambridge UP, 1940, p. 107-120.
18Ibid., p. 131.
19« Voyages and Travels along the Western Coast of Africa, from Cape Blanco to Sierra Leona », dans A New General Collection of Voyages and Travels, vol. 3, Londres, Thomas Astley, 1745, p. 82.
20Labat Jean-Baptiste, Nouvelle relation de l’Afrique Occidentale : contenant une description exacte du Sénégal, t. IV, Paris, Pierre-François Giffart, 1728, p. 327-328.
21Ibid., p. 346-347.
22Stapelton aux Lords of Trade and Plantations, 26 avril 1678, Calendar of State Papers, Colonial, America and West Indies, vol. 10, op. cit., p. 249. Voir également du même aux mêmes, 18 avril 1678, p. 240.
23« Minutes of the council of Antigua », 17 avril 1678, ibid., p. 239.
24Pritchard James, In Search of Empire. The French in the Americas, 1670-1730, Cambridge, Cambridge UP, 2004, p. 294 ; Burns Alan, History of the British West Indies, Londres, George Allen and Unwin ltd, 1965, p. 347.
25Traité de neutralité aux Antilles entre l’Angleterre et la France, 9/19 mai 1678, Davenport Frances Gardiner (éd.), European Treaties bearing on the History of the United States and its Dependencies, vol. 2 : 1650-1697, Washington D. C., Carnegie Institution of Washington, 1929, p. 258.
26Higham Charles, The Development of the Leeward Islands under the Restoration, 1660-1688, op. cit., p. 114.
27L’ambassadeur de France à Londres remet un mémoire au gouvernement anglais dans ce sens, voir Mémoire des Lords of Trade and Plantations, 2 juillet 1679, Calendar of State Papers, Colonial, America and West Indies, vol. 10, op. cit., p. 385-386 et Burns Alan, History of the British West Indies, op. cit., p. 347.
28« Petition of Sir Francis Morton… » 28 mai 1679 et « Petition of Captain Joseph Crispe… » 21 juin 1679, Calendar of State Papers, Colonial, America and West Indies, vol. 10, op. cit., p. 367 et 380.
29« Journal of Lords of Trade and Plantations », 31 mai 1679, ibid., p. 369-370.
30Savelle Max, The Origins of American Diplomacy. The International History of Angloamerica, 1492-1763, New York, Macmillan, 1968, p. 106.
31Instructions à Bonrepaus, 20 décembre 1685, Jusserand Jules (éd.), Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France, Angleterre, t. II : 1666-1690, Paris, E. de Boccard, 1929, p. 334.
32Mémoire de Bonrepaus avec sa dépêche à Croissy du 17 janvier 1686, AAE, CP, Angleterre, vol. 158, fo 33.
33Jusserand Jules (éd.), Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France, Angleterre, t. II, op. cit., p. 342.
34Pontchartrain à Bonrepaus, 7 février 1686, AN (Archives nationales, Paris), B2/57, fo 91-92.
35« Traité de neutralité conclu à Londres le 16 novembre 1686 », Lyon, Antoine Jullieron, 1687.
36« Réaction sur un projet de traité transmis par les Anglais », par Bonrepaus, sans date, AAE, CP Angleterre, vol. 160, fo 375. Dans le premier projet dressé à Versailles, cette clause figure dans le premier article, AN, B2/56, fo 17, « Projet du traité de neutralité de l’Amérique à faire entre la France et l’Angleterre », 7 février 1686.
37Blénac à Pontchartrain, 20 avril 1689, ANOM (Archives nationales d’outre-mer, Aix en Provence), C7/A3, fo 174 ; Buchet Christian, La lutte pour l’espace caraïbe et la façade atlantique de l’Amérique centrale et du sud (1672-1763), t. I, Paris, Librairie de l’Inde, 1991, p. 162-181.
38« Mémoire du sieur de Courpon sur la neutralité proposée pour Saint-Christophe », 1697, ANOM, C8/B2, no 37.
39On peut signaler, par exemple, une nouvelle discussion franco-anglaise sur la neutralité des Antilles en 1701, Guttridge George, The colonial policy of William III in America and the West Indies, Cambridge, Cambridge UP, 1922, p. 95.
40Hatalkar Vidyasagar. G., Relations between the French and the Marathas, Bombay, V. Chidambaran Register, University of Bombay, 1958, p. 16 et 46.
41Dodwell Henry, Dupleix and Clive. The Beginning of Empire, Londres, Methuen & co. Ltd, 1920, p. 3.
42Ménard-Jacob Marie, La première compagnie des Indes. Apprentissages, échecs et héritage, 1664-1704, Rennes, PUR, 2016, p. 240-245.
43Bryant Gerald, The emergence of British power in India, 1600-1784. A grand strategic interpretation, Woodbridge, The Boydell Press, 2013, p. 35.
44Heijmans Elisabeth, The Agency of Empire Personal Connections and Individual Strategies in the Shaping of the French Early Modern Expansion (1686-1746), PhD, université de Leyde, 2018, p. 110, 217-218.
45Martineau Alfred, Dupleix et l’Inde française, t. I, Paris, Honoré Champion, 1920, p. 20.
46Dodwell Henry, Dupleix and Clive. The Beginning of Empire, op. cit., p. 4-5 ; Haudrère Philippe, La Bourdonnais, Marin et aventurier, Paris, Desjonquères, 1992, p. 99-102, 118.
47Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, Paris, Indes savantes, 2005, p. 320-325.
48Dupleix Joseph-François, Memoire Pour Le Sieur Dupleix Contre La Compagnie Des Indes, Paris, Le Prieur, 1759, p. 21-22. Dupleix demande au conseil de Chandernagor d’ordonner aux capitaines des vaisseaux qui quitteront son port « de n’être agresseurs en aucune façon que ce puisse être, et de n’user du droit de la guerre qu’au cas qu’ils soient eux-mêmes attaqués par les Anglais » mais également de prendre « les précautions convenables pour [leur] défense ». Dupleix au Conseil de Chandernagor, 2 décembre 1744, dans Martineau Alfred (éd.), Correspondance du Conseil supérieur de Pondichery avec le conseil de Chandernagor, t. II : 1738-1747, Pondichéry, Société de l’histoire de l’Inde française, 1916, p. 356.
49Martineau Alfred, Dupleix et l’Inde française, t. II, op. cit., p. 223-225 ; Dodwell Henry, Dupleix and Clive. The Beginning of Empire, op. cit., p. 6-8.
50Haudrère Philippe, La Bourdonnais, marin et aventurier, op. cit., p. 126. Le commodore Barnett a pour instruction d’attaquer les bâtiments français et de protéger ceux de l’EIC, Richmond Herbert W., The Navy in the War of 1739-48, vol. 3, Cambridge, Cambridge UP, 1920, p. 181.
51Considérant la situation plus de trois décennies plus tard, Raynal estimait que les Français firent preuve de naïveté, car l’établissement d’une puissance commerciale ne pouvait se faire sans, à un moment ou à un autre, en passer par les armes : « la cour de Versailles ne vit pas qu’une puissance qui a pour base principale le commerce, ne pouvoit pas renoncer sérieusement à combattre sur l’Océan Indien, & que si elle faisoit ou écoutoit ses propositions de neutralité, ce ne pouvoit être que dans la vue de gagner du tems ». Il ajoutait « la marine guerrière des deux nations n’étant pas liée par les traités des compagnies, attaqueroit dans les mers d’Europe les navires de ces sociétés » (Raynal Guillaume-Thomas, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, Genève, Pellet, 1780, t. I, p. 482).
52Ternat François, Partager le monde. Rivalités impériales franco-britanniques 1748-1756, Paris, PUPS, 2015, p 81-83.
53Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, op. cit., p. 726.
54« Memoire au sujet de la neutralité qui devroit toujours être observée entre les nations européennes qui font le commerce des Indes », AAE, MD, Asie, vol. 6, fo 120.
55« Sur le projet de neutralité perpétuelle entre les compagnies des Indes de France et de l’Angleterre », octobre 1750, AAE, MD, Asie, vol. 12, fo 228 et 233-234.
56Shovlin John, « Securing Asian Trade : Treaty Negotiations between the French and English East India Companies, 1753-1755 », dans Alimento Antonella et Stapelbroek Koen (dir.), The Politics of Commercial Treaties in the Eighteenth Century, Cham, Springer, 2017, p. 272-275.
57Black Jeremy, British Politics and Foreign Policy, 1744-57 : Mid-Century Crisis, Londres/New York, Ashgate, 2015 2015, p. 34.
58Il est même prévu d’utiliser un chiffre spécifique pour cette négociation, Machault à Mirepoix, AAE, CP, Angleterre, vol. 436, fo 40, 20 mars 1753 ; Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, op. cit., p. 740.
59British Library, Egerton MS 3484, Instructions données à Duvelaer, 1er juin 1753.
60Ibid., Le comité de l’EIC à Newcastle, 18 juillet 1753, fo 44.
61« Extrait des articles du projet de neutralité », sans date, sans doute mai 1753, British Library, Egerton MS 3485, fo 14-15. Voir également « Extrait des articles d’un projet de neutralité envoyé par M. Duvelaer le 23 mai 1753 avec des observations par le comité secret de la compagnie des Indes françaises », Egerton MS 3484, fo 52-59.
62« Mémoire de Duvelaer daté du 11 mai 1753 aux directeurs du comité secret de la compagnie d’Angleterre », ibid., fo 105-115 et « Observations du commité [sic] de la compagnie de France du 5 juin 1753 sur la proposition du comité de la compagnie d’Angleterre du 18 may precedent » (ibid., fo 19-20).
63Vigié Marc, Dupleix, Paris, Fayard, 1993, p. 295-448.
64« Je ne scaurois trop vous répéter que devez mettre tout en usage non seulement pour faire la paix, mais encore pour éviter avec soin toute occasion de rentrer en guerre », écrit Machault à Dupleix le 5 mai 1751. Dupleix Joseph-François, Memoire Pour Le Sieur Dupleix Contre La Compagnie Des Indes, op. cit., 1759, p. 62-63. Sur les réactions de la compagnie des Indes voir Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, op. cit., p. 738-740.
65Mirepoix rapporte l’inquiétude du gouvernement anglais face aux succès de Dupleix dans le Deccan qui procurent à la compagnie française des moyens lui permettant de disposer de forces « d’une supériorité décidée et d’y donner la loy à celle d’Angleterre dans tous les evenements » (extrait d’une lettre de Mirepoix à Machault, 24 mars 1754, British Library, Egerton MS 3484, fo 288).
66Holdernesse aux directeurs de l’EIC, 19 janvier 1754, ibid., fo 138. De son côté, Mirepoix rapporte à son ministre des bruits selon lesquels les Anglais auraient pris l’avantage sur les Français sur la côte de Coromandel, Mirepoix à Saint-Contest, 21 juin 1753, AAE, CP, Angleterre, vol. 436, fo 206.
67Seul l’article 1 traite de la neutralité à proprement parler en prévoyant qu’une « tranquillité parfaite et une bonne harmonie sera rétablie et demeurera à jamais entr’elles [les compagnies] » ainsi qu’un engagement à ne pas prendre part aux querelles entre princes indiens. « Projet d’acte par lequel SM Britannique et SM Très Chrétienne approuvent et confirment certains articles d’accommodement conclus entre les compagnies des Indes d’Angleterre et de France » envoyé à Albermale et à Keene 24 janvier 1754, British Library, Egerton MS 3484, fo 163.
68Saint-Contest à Mirepoix, AAE, CP, Angleterre, vol. 437, fo 39, 29 janvier 1754.
69« Sur l’importance d’obtenir de l’Angleterre la neutralité des 2 compagnies en cas de guerre », AAE, MD, Asie, vol. 12, fo 323-324.
70Holdernesse à Albermarle, « very secret », 24 janvier 1754, British Library, Egerton MS 3484, fo 150-154.
71Shovlin John, « Securing Asian Trade : Treaty Negotiations between the French and English East India Companies, 1753-1755 », art. cité, p. 284-285.
72Réflexions de l’EIC sur le projet de neutralité, British Library, Egerton MS 3484, fo 45-47, voir également Newcastle à Yorke, 26 juin 1753, ibid., fo 35.
73Cité dans Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, op. cit., p. 741.
74Le traité Godeheu-Sanders est signé le 26 décembre 1754 à Pondichéry. Il prévoyait en particulier un retrait des deux compagnies des affaires indiennes, mais ne comportait aucune disposition relative à la neutralité des comptoirs. Mais le traité ne fut jamais ratifié, voir « Articles et conventions d’une trêve conclue à Pondichery le 26 décembre 1754 et à Madras le 30 des mêmes mois et an », AAE, CP, Angleterre, supp., vol. 11, fo 144-148.
75Extrait d’une lettre de Machault à Mirepoix, 8 avril 1754, British Library, Egerton MS 3484, fo 296.
76Selon William Mildmay, membre de la commission franco-britannique chargée de déterminer les limites des possessions coloniales à la suite de la paix d’Aix-la-Chapelle, les enjeux de la négociation des Compagnies des Indes sont « d’une complexité presque incompréhensible à ceux qui n’auraient pas été associés à son essor et à ses progrès » (cité par Ternat François, Partager le monde. Rivalités impériales franco-britanniques 1748-1756, op. cit., p. 408-409).
77Platania Marco, « L’originalité de la politique française en Inde, 1750-1783. Grands établissements ou commerce ? », Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, 2011, vol. 2, no 34, p. 91-102.
78Extrait d’une lettre de Machault à Mirepoix, 8 avril 1754, British Library, Egerton MS 3484, fo 298.
79Schnakenbourg Éric, « Le contentieux franco-anglais des îles neutres antillaises dans la première moitié du xviiie siècle », Outre-mers. Revue d’Histoire, no 380-381, 2013, p. 206-231.
80Ternat François, « La neutralisation de la frontière. Un essai de solution diplomatique en Amérique du Nord à la veille de la guerre de Sept Ans », dans Schnakenbourg Éric (dir.) Neutres et neutralité dans l’espace atlantique durant le long xviiie siècle (1700-1820). Une approche globale, Becherel, Perséides, 2015, p. 380-387 ; Parmenter John et Power Robison Mark, « The Perils and Possibilities of Wartime Neutrality on the Edges of Empire : Iroquois and Acadians between the French and British in North America, 1744-1760 », Diplomatic History, no 31, vol. 2, 2007, p. 167-206.
81C’est particulièrement net dans le cas britannique, voir Bowen Huw V., « British conceptions of global empire, 1756-1783 », The Journal of Imperial and Commonwealth History, vol. 26, no 3, 1998, p. 1-27 ; Harlow Vincent, The founding of the Second British Empire, 1763-1793, Londres, Longman, 1952, et Bayly Christopher, Imperial Meridian : the British Empire and the World, 1780-1830, Londres, Longman, 1989.
82Alimento Antonella, « Entre animosité nationale et rivalité d’émulation : la position de Véron de Forbonnais face à la compétition anglaise », dans Albertone Manuela (dir.), Governare il mondo. L’economia come linguaggio della politica nell’Europa del Settecento, Milan, Feltrinelli, 2009, p. 125-148.
83Veron de Forbonnais François, Elemens du commerce, 2e partie, Leyde, 1754, p. 6. « Il sied mal à une compagnie de marchands de prendre l’esprit guerrier », Remarques sur les avantages et les désavantages de la France et de la Grande Bretagne, par rapport au commerce, & aux autres sources de la puissance des États, Paris, Frères Éstienne, 1754, p. 237.
84Vaghi Massimiliano, La France et l’Inde. Commerce et politique impériale au xviiie siècle, Paris, Mimesis, 2016, p. 19-20.
85Shovlin John, « Securing Asian Trade : Treaty Negotiations between the French and English East India Companies, 1753-1755 » art. cité, p. 278.
86La Compagnie des Indes « Memoire pour la Compagnie des Indes contre le Sieur Dupleix », 1753, p. 55.
87Silhouette à Dupleix, 13 septembre 1752, ibid., pièce justificative VII, p. 39. L’année suivante, Silhouette répète : « on pose pour principe qu’il ne convient point à la compagnie de se rendre dans l’Inde une puissance militaire et qu’elle doit se borner aux objets du commerce » ; cité dans Haudrère Philippe, La Compagnie française des Indes au xviiie siècle, op. cit., p. 741.
88Alors que les bénéfices des années 1740-1745 se montaient à plus de six millions de livres, ils tombent à un million pendant la période de la guerre de Succession d’Autriche pour bondir à plus de sept millions entre 1751 et 1755, Markovitz Claude (dir.), Histoire de l’Inde moderne, 1480-1950, Paris, Fayard, 1994, p. 275.
89« Mémoire concernant la neutralité du commerce des Indes », 1748, AAE, MD, Asie, vol. 6, fo 118.
90« Mémoire au sujet de la neutralité qui devroit toujours être observée entre les nations européennes qui font le commerce des Indes », ibid., fo 118-119.
91La neutralisation des établissements français et britanniques au Sénégal avait fait l’objet d’une convention signée en 1740 qui fut observée jusqu’en 1745, Delcourt André, La France et les établissements français au Sénégal entre 1713 et 1763, Dakar, Institut français d’Afrique Noire, 1952, p. 341-342 ; Gray John M., A History of the Gambia, op. cit., p. 208-209, 213.
92Meyssonnier Simone, La balance et l’horloge. La genèse de la pensée libérale en France au xviiie siècle, Montreuil, Éditions de la passion, 1989, p. 56-57.
93Hume David, « Essay VI : The Jealousy of Trade », dans Essays Moral, Political, Literary, Londres, 1777, A. Millar, p. 327-331. Pour une analyse de cette notion voir Hont Itsvan, Jealousy of Trade. International Competition and the Nation-State in Historical Perspective, Cambridge Mass., Harvard UP, 2005.
94Lettre de John Thorne, décembre 1681, dans Law Robin (éd.), The English in West Africa, 1681-1683 : The Local Correspondence of the Royal African Company of England, 16891-1699, Oxford, Oxford UP, 1997, p. 224.
95Heijmans Elisabeth, The Agency of Empire Personal Connections and Individual Strategies in the Shaping of the French Early Modern Expansion (1686-1746), op. cit., p. 113.
96Marchais Renaud des, Voyage du chevalier Des Marchais en Guinée, isles voisines, et a Cayénne : fait en 1725, 1726 et 1727…, t. II, Paris, Saugrain l’aîné, 1730, p. 108.
97Ibid., p. 109-112 ; Polanyi Karl, Dahomey and the Slave Trade. An Analysis of an Archaic Economy, Seattle, Washington UP, 1966, p. 122-123.
98Heijmans Elisabeth, The Agency of Empire Personal Connections and Individual Strategies in the Shaping of the French Early Modern Expansion (1686-1746), op. cit., p. 211.
99Polanyi Karl, « Ports of Trade in Early Societies », The Journal of Economic History, vol. 23, no 1, 1963, p. 30-45. Pour une approche critique des idées de Polanyi voir Addobbati Andrea, « L’espace de la guerre et du commerce : réflexions sur le Port of Trade polanyien à partir du cas de Livourne », Cahiers de la Méditerranée, vol. 85, 2012, p. 233-250. Robin Law fait aussi observer que si le port pouvait être considéré comme neutre pour les Européens, il ne l’était pas pour les Africains. C’est surtout vrai après 1727 et la conquête par le Dahomey qui se traduisit par un renforcement du contrôle central sur Ouidah, Law Robin, Ouidah : the social history of a West African slaving “port”, 1727-1892, Athens, Ohio UP, 2004, p. 6, 119.
100Dralsé de Grand-Pierre, Relation de divers voyages faits dans l’Afrique, dans l’Amerique, & aux Indes Occidentales, Paris, Claude Jombert, 1718, p. 167 ; Law Robin, Ouidah : the social history of a West African slaving “port”, op. cit., p. 36-37, 48.
101Arnold Rosemary, « Ouidah ; port de commerce sur la côte de Guinée », dans Polanyi Karl et Arensberg Conrad (dir.), Les systèmes économiques dans l’histoire et dans la théorie, Paris, Nathan 1974, p. 178 ; Van Dantzig Albert, Les Hollandais sur la Côte de Guinée à l’époque de l’essor de l’Ashanti et du Dahomey 1680-1740, Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 1980, p. 76.
102Vers 1750, le Board of Trade reconnaît qu’en Afrique « notre occupation du sol dépend du bon vouloir des autochtones » (cité dans Van Ruymbeke Bertrand, L’Amérique avant les États-Unis. Une histoire de l’Amérique anglaise, 1497-1776, Paris, Flammarion, 2013, p. 212).
103Sparks Randy, Là où les nègres sont maîtres. Un port africain à l’époque de la traite, Paris, Alma, 2017, p. 75-90.
104Dodwell Henry, Dupleix and Clive. The Beginning of Empire, op. cit., p. 9-10.
105Bryant Gerald, The emergence of British power in India, 1600-1784. op. cit., p. 42
106Martineau Alfred, Dupleix et l’Inde française, t. II, op. cit., p. 226.
107Gupta Brijen Kishore, Sirajuddaullah and the East India Company, 1756-1757 : Background to the foundation of British power in India, Leyde, Brill, 1966, p. 27-28 ; Bryant Gerald, The emergence of British power in India, 1600-1784. op. cit., p. 109.
108Gupta Brijen Kishore, Sirajuddaullah and the East India Company, op. cit., p. 103-105.
109Bryant Gerald, The emergence of British power in India, 1600-1784. op. cit., p. 129-130.
110Malleson George, History of the French in India, Édimbourg, John Grant, 1909, p. 469 ; Martineau Alfred (éd.), Correspondance du conseil supérieur de Pondichéry et de la Compagnie, t. V, op. cit., p. 4-5.
111Law Robin, Ouidah : the social history of a West African slaving “port”, 1727-1892, op. cit., p. 123.
112ANOM, C8A/44, fo 72-73, Champigny, gouverneur, Orgeville, intendant, 10 décembre 1733.
113Frostin Charles, Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue aux xviie et xviiie siècles. Contribution à l’étude du sentiment américain d’indépendance, Service de reproduction des thèses, Lille 3, 1973, p. 554.
Auteur
-
Éric Schnakenbourg
Université de Nantes

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