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Chapitre X. Le laboratoire anglais

p. 189-204


Texte intégral

1À l’origine, en Angleterre comme dans la plupart des pays d’Europe occidentale, les bailleurs sociaux étaient des organismes caritatifs à but non lucratif, qui opéraient en fonction d’objectifs bien délimités, pour répondre aux problèmes de certains groupes sociaux, notamment les salariés, les personnes vivant dans des conditions d’insalubrité et d’insécurité, et les femmes isolées. Les collectivités locales commencèrent à octroyer des subventions pour augmenter l’offre de logement social à la fin du XIXe siècle, quoique de façon limitée. Dans la période de l’entre-deux-guerres, des subventions sous forme d’aides à la pierre indépendantes du statut d’occupation (versées à raison d’un montant déterminé par unité d’habitation) furent mobilisées afin d’accroître l’offre globale. Ce n’est toutefois qu’après la Seconde Guerre mondiale que le logement social commença à représenter une part importante de l’offre, puisque près de la moitié de l’ensemble des constructions neuves s’est alors concentrée sur le secteur municipal subventionné. Le rôle des bailleurs philanthropes était extrêmement limité, au point qu’il ne figurait pas dans les statistiques.

STRUCTURE PAR STATUT D’OCCUPATION

2Le secteur locatif social en Angleterre a atteint son apogée en 1979, avec plus de 5,5 millions de logements locatifs sociaux, soit 31 % du parc total, qui comptait alors 17,7 millions de logements (tableau 1). On estime qu’à cette époque, la location privée représentait 12 % du parc, et la grande majorité de ce secteur était soumise à des loyers soit réglementés, soit gratuits. Devenue majoritaire à la fin des années 1960, la propriété occupante représentait environ 57 % du parc.

Tableau 1 : Parc de logements et statut d’occupation, 1951-2005

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* Housing Association
** Autorités locales
Source : Tableau 16c Communities and Local Government Housing Statistics, 2006.

Graphique 1 : Déclin du parc de logement social locatif. Les ventes et autres sorties du secteur dépassent les constructions nouvelles

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Source : Housing Statistics, ODPM.

3Depuis cette époque, la taille du secteur locatif social a décliné de manière significative et la structure de la propriété a connu des changements considérables, avec une montée en puissance des Housing Associations (organismes à but non lucratif), aux dépens du logement « municipal » fourni par les autorités locales (councils). L’expansion forte et continue de la propriété occupante explique principalement une telle diminution du secteur social. En 2005, celle-ci représentait 70 % d’un parc total de logements qui a lui-même augmenté de plus de 4 millions d’unités depuis 1979, pour atteindre 21,8 millions de logements. La location privée ne représentait plus que 11 % des résidences principales (même si l’on peut penser que ce pourcentage est sous-estimé, notamment à Londres). Avec quelque 4 millions de logements, soit une diminution nette de 1,5 millions depuis 1979, le secteur locatif social représentait encore 18 % de l’ensemble du parc, dont 53 % étaient fournis par les autorités locales et 47 % par les Housing Associations.

4Au cours des trois premières décennies d’après-guerre, moins de la moitié de tous les nouveaux bâtiments construits était destinée au secteur social (tableau 2). Dans les années suivantes, les nouvelles constructions pour le secteur social ont décliné aussi bien en valeur absolue qu’en proportion. Depuis 1979, la construction neuve destinée au secteur social est passée de presque 45 % d’une production annuelle totale qui atteignait alors plus de 200 000 logements, à 11 % d’une production inférieure à 130 000 unités en 2002. Au cours des dernières années, la production destinée au secteur social a toutefois globalement augmenté par rapport à la production totale, puisqu’elle représentait 17 500 logements sur 160 000 achevés en 2005.

Tableau 2 : Logements achevés, en fonction du bailleur

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Source : Tableau 2.4c Communities and Local Government Housing Statistics 2006.

5Pour l’essentiel, la réduction du parc locatif social est imputable à l’introduction en 1980, par le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher, d’un « droit à l’achat » (Right to Buy), qui obligeait les autorités locales à vendre à prix réduit leur logement aux locataires en place qui le désiraient. Depuis lors, près de 1,8 millions de logements ont été vendus à leur locataire. La plupart des ventes ont eu lieu dans les dix ans qui ont suivi, puis à un rythme régulier de 30 à 70 000 par an dans les années 1990 et après 2000. En 2005-2006, ces ventes sont toutefois retombées à un niveau historiquement bas, à moins de 27 000. Cela est du à la fois à la diminution des rabais consentis d’une part – ceux-ci sont allés jusqu’à 70 % du prix de marché à une époque – et à la forte augmentation des prix d’autre part, notamment dans le sud de l’Angleterre, qui ont rendu l’acquisition d’un logement financièrement inabordable.

Graphique 2 : Baisse des mises en location de logements sociaux en Angleterre 1996-2004 (en milliers de logements)

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Source : Housing Statistics, ODPM.

6Même si l’on peut s’attendre à ce que la production destinée au secteur social augmente au cours des prochaines années, à l’instar de la production globale, il est probable, à la lumière des tendances actuelles, que la part du locatif social continuera de baisser, pour ne plus représenter que 15 % du parc en 2011. Cette diminution sera en partie imputable à la poursuite de la politique de vente dans le cadre des programmes Right to Buy, Right to Acquire et Social HomeBuy, mais aussi à l’augmentation des démolitions, souvent associées à des opérations de construction de plus forte densité et à statuts d’occupation mixtes.

7Globalement, la construction neuve subventionnée par le gouvernement représente environ 30 000 logements par an et devrait augmenter rapidement, mais la moitié au moins de ces logements subventionnés prendront la forme d’accession sociale à la propriété plutôt que de locatif social. Par conséquent, alors que l’offre de logements abordables augmentera, la part du logement locatif social continuera à baisser.

STRUCTURE DU SECTEUR SOCIAL

8En 1979, 93 % du parc locatif social appartenait aux collectivités locales et aux sociétés d’aménagement des villes nouvelles (New Towns). Le gouvernement conservateur a procédé à une refonte du système de subventions, aussi bien celles destinées aux autorités locales qu’aux Housing Associations. Par conséquent, et surtout depuis 1988, la quasi totalité de l’offre nouvelle de logement locatif social provient des Housing Associations (HA) et plus particulièrement de bailleurs sociaux agréés dits Registered Social Landlords (RSL) (tableau 2). Les HA sont des bailleurs indépendants à but non lucratif dont la responsabilité est de loger des groupes spécifiques constitués principalement de ménages à faibles revenus. Le fonctionnement des RSL est régi par la Housing Corporation, autorité réglementaire également chargée de distribuer les subventions du gouvernement, auprès de laquelle elles sont enregistrées.

9Le Local Government and Housing Act de 1989 a imposé des contraintes nouvelles aux collectivités locales en mettant en place des barrières fiscales d’exploitation (ringfencing) qui les obligeaient à utiliser le Housing Revenue Account1 et en renforçant le contrôle du gouvernement central sur les loyers. Il a également mis en place des procédures de transferts de propriété entre les autorités locales et les Housing Associations dans le cadre de programmes dits de « transferts volontaires à grande échelle » (Large Scale Voluntary Transfers – LSVT). Outre qu’elles sont pratiquement les seules à construire de nouveaux logements sociaux, ces opérations de LSVT expliquent l’augmentation du poids des HA, pratiquement équivalent aujourd’hui à celui des municipalités. Le LSVT consiste à transférer, par le biais d’un rachat géré par des fonds privés, tout ou partie du parc relevant d’une autorité locale vers une HA nouvellement constituée. Les HA, qui ne représentaient pas plus de 2 % du parc total en 1979, ont ainsi vu leur nombre quintupler en 2005 et représentent désormais 8 % du total. Quant aux autorités locales, elles ne possédaient plus que 10 % du parc total en 2005, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’organismes de gestion (Arms Length Management Organisations – ALMOs). À moins d’un changement de politique, cette part risque de diminuer encore, tant en valeur absolue qu’en pourcentage. Un certain infléchissement est cependant observable, dans la mesure où les ALMO ont fait la preuve de l’efficacité de leur gestion.

10Même si, pour le moment, seules les HA sont habilitées à réaliser des logements sociaux à l’aide des subventions du gouvernement central, le gouvernement actuel souhaiterait autoriser certaines autorités locales, principalement par le biais de leurs ALMO, à construire en utilisant des terrains publics et en mobilisant leurs actifs existants. Cette stratégie de développement est fortement encouragée par les décideurs politiques, mais les contraintes administratives et réglementaires sont telles qu’il faudra attendre un certain nombre d’années pour que les autorités locales et leurs organismes de gestion se lancent dans une production de logements significative.

11La propriété du parc social est donc actuellement répartie entre quelque 2 000 ha dont près de 10 % sont des LSVT, et environ 200 collectivités locales qui n’ont pas transféré la totalité de leur parc vers des HA. Le patrimoine de ces dernières se situe obligatoirement sur leur propre territoire. Quant aux HA, la majorité d’entre elles possède des logements sur une ou deux zones délimitées, mais certaines étendent leurs activités à l’échelle nationale. Environ 250 HA construisent la plupart des habitations du secteur social, tandis qu’à l’autre extrémité du spectre certaines se contentent de gérer le parc appartenant à d’autres organisations. Les HA sont de plus en plus souvent structurées en groupes qui rassemblent les LSVT, les HA traditionnelles qui gèrent des logements standards, celles qui gèrent des logements destinés à des populations à besoins spécifiques, et des filiales qui opèrent sur le marché intermédiaire.

FINANCEMENT DU SECTEUR SOCIAL

12Depuis l’adoption du Housing Act de 1988, le financement de la construction dans le secteur social est assuré par un système mixte de financement par l’endettement (fonds levés sur le marché privé en contrepartie du revenu locatif futur) et par des subventions en capital versées par le gouvernement central. Lorsque le système a été mis en place, la part des subventions était de plus de 90 %. Cependant, en raison des augmentations de loyers d’une part, et d’une concurrence accrue entre les différentes HA pour l’obtention de ces subventions d’autre part, la proportion des coûts de construction financée par des subventions est tombée en dessous de 60 % au milieu des années 1990, et elle oscille aujourd’hui autour de 50  %. Techniquement, la subvention est un prêt subordonné à un emprunt contracté auprès d’organismes financiers privés, uniquement remboursable lors de la vente du bien, elle-même soumise à une autorisation spéciale. Cette modalité technique permet de réduire le coût des emprunts privés tout en donnant au gouvernement central la possibilité de récupérer brutalement les subventions – comme il ne s’est pas privé de le faire dans les années 1980.

13Le financement en provenance du secteur privé est assuré par un nombre relativement limité d’organismes financiers spécialisés dans les prêts hypothécaires à l’ensemble des secteurs du logement. La prime de risque est relativement faible (entre 30 et 70 points de base au-dessus du LIBOR2), d’une part parce que l’allocation logement joue le rôle d’un filet de sécurité, d’autre part parce que les pouvoirs réglementaires de la Housing Corporation constituent une certaine garantie, et du fait enfin des subventions en capital. Créée dans les années 1960, la Housing Corporation a vu ses responsabilités s’accroître après l’ouverture du secteur aux financements privés, en 1988. Elle est maintenant chargée à la fois de réguler le secteur des HA et d’affecter les financements d’État.

14Les subventions versées aux collectivités locales sont fonction des revenus et couvrent la différence entre le revenu locatif attendu et les dépenses estimées. À mesure que la production nouvelle déclinait au cours des années 1980, l’encours de la dette se réduisait également, et la diminution des dépenses a été renforcée par la baisse des taux d’intérêt au cours des années 1990 et 2000. En conséquence, la grande majorité des autorités locales sont en mesure d’utiliser le revenu locatif pour compenser les réductions de loyers consenties aux locataires à faible revenu, et peuvent même se trouver en situation de « subvention négative  », c’est-à-dire qu’elles apportent au gouvernement central une contribution qui est ensuite réaffectée aux zones qui restent candidates à des subventions.

15Les aides à la pierre octroyées aux autorités locales ont augmenté au cours des dernières années, car des fonds ont été investis dans le parc existant en vue d’une mise aux normes des logements. Les autorités ou les ALMO qui atteignent leurs objectifs ont la possibilité d’emprunter pour entreprendre ces investissements indispensables, et les sommes mises en jeu dans ce type de financement ont considérablement augmenté au cours des dernières années.

16Les opérations de transfert à grande échelle des logements des HA sont financées à 100 % par le secteur privé, sauf lorsqu’elles réalisent de nouveaux investissements et sont alors éligibles à des subventions en capital. La valeur estimée du parc au moment de la vente prend en compte les investissements nécessaires pour mettre celui-ci aux normes d’un logement convenable3 ainsi que le revenu locatif attendu en fonction de la régulation des loyers. Dans les cas où cette valeur pourrait être considérée comme négative, une dotation est versée afin de rendre possible le transfert.

17Globalement, le montant des aides à la pierre destinées au logement social a connu une diminution marquée depuis les années 1980, mais il a amorcé une remontée au cours des dernières années (voir tableau 3). De façon générale, les subventions se concentrent à présent davantage sur les locataires à faibles revenus, et prennent la forme de réductions de loyer et d’allocations.

Tableau 3 : Le financement par l’État au XXI e siècle : aides à la pierre et à la personne (en milliers de livres sterling)

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* Income Support for Mortgage Interest, aide au paiement des intérêts hypothécaires [NdT].
Source : Wilcox S. (2007), UK Housing Review 2006-2007, CIH and CML.

18Il existe depuis 1970 des aides au logement attribuées en fonction du revenu, et celles-ci ont plus ou moins conservé la même structure depuis 1988. Dans le secteur locatif social, les locataires perçoivent une aide pouvant aller jusqu’à 100 % de leur loyer, hors frais et charges, pour lesquels ils peuvent bénéficier de réductions dont le montant dépend des revenus et des conditions de vie du ménage (tableau 4). Le système qui prévaut dans le secteur locatif privé est techniquement le même, mais il existe un certain nombre de contraintes supplémentaires qui font que la plupart des locataires doivent débourser quelque chose. Le gouvernement travaille actuellement à la mise en place d’un projet pilote intitulé Local Housing Allowance, qui permettrait aux locataires du secteur privé de percevoir une allocation reposant sur la moyenne des loyers pratiqués sur la zone plutôt que sur celui de leur logement individuel. À l’heure actuelle, il n’est pas prévu d’étendre cette mesure aux locataires du secteur social.

Tableau 4 : Loyers avant et après aides au logement 2004-2005

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Source : Family Resources Survey.

NATURE DU PARC DU SECTEUR SOCIAL

19Les maisons et pavillons de plein-pied représentent près de 60 % de l’ensemble du parc social. Ce pourcentage s’élève à 90 % pour la propriété occupante, et à 80 % pour l’ensemble du parc.

20La surface habitable par personne est moins grande dans le secteur social que dans le secteur privé. En 2004, la surface médiane au sol et par personne y atteignait environ 31,6 m2 par personne (21,2 m2 seulement à Londres), contre 37,6 m2 dans le secteur privé (34,2 m2 à Londres). De plus, cette surface habitable a diminué dans le secteur social, puisqu’elle était de 32 m2 (30 m2 à Londres) en 1996. Dans le secteur privé, par contre, on constate une augmentation de la surface habitable par personne, même si ce n’est que de 1 m2 en moyenne par personne sur la même période.

21Les taux de vacance sont relativement bas dans tout le secteur social (tableau 5), même s’ils ont connu une augmentation significative à la fin des années 1990, à une époque où la faible demande, surtout dans les zones industrielles les plus anciennes, posait des problèmes croissants. À mesure que la pression sur le logement augmentait et que les politiques se focalisaient sur une gestion plus efficace du parc social, les taux de vacance sont retombés. C’est dans les secteurs les moins attractifs, en particulier les logements des HA dans le nord de l’Angleterre, qu’ils demeurent les plus élevés, mais la baisse des taux de vacances depuis 2001 montre qu’il existe une demande potentielle même dans les zones les moins recherchées.

Tableau 5 : Habitations vacantes ( %)

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Source : Tableau 1.7 Communities and Local Government Housing Statistics 2006.

22Le surpeuplement (défini comme une ou plusieurs chambres en moins par rapport à la norme) existe essentiellement dans le secteur social. Il concerne 5,5 % des logements dans le secteur social au début des années 2000, alors qu’il n’affecte que 2,5 % des logements pour l’ensemble des statuts d’occupation. À Londres ce pourcentage est de 12,2  %, contre 6,6 % pour l’ensemble des statuts d’occupation. Le taux de surpeuplement par rapport à l’ensemble du parc a peu évolué au cours de la dernière décennie, mais il a augmenté de manière significative dans les deux secteurs locatifs, et en particulier à Londres.

23Au cours des dix dernières années, la qualité des logements sociaux existants a connu une amélioration notable. Malgré tout, quelque 37 % des logements proposés par les autorités locales et 27 % de ceux des HA ne sont actuellement pas conformes aux normes de logement décent que le gouvernement souhaiterait voir appliquées dès 2010. Le défaut d’isolation et les déperditions d’énergie constituent les deux causes principales de non-conformité.

24Le logement de construction récente concerne de plus en plus souvent des appartements, c’est-à-dire des unités de plus petite taille. En 1995-1996, les logements achevés pour le compte des HA comprenaient 71 % de maisons et 29 % d’appartements. En 2005-2006 ces proportions étaient de 42 % et 58  %, respectivement. Sur la même période, la proportion de logements de 3 pièces et plus est passée de 35 % à 25  %.

25Le nombre des attributions de logements auxquelles procèdent les autorités locales est tombé de 415 000 en 1995-1996 – un chiffre voisin de celui des deux décennies précédentes – à 189 000 en 2005-2006. Cette baisse est due en partie à de plus faibles niveaux de production, ainsi qu’à un accroissement des démolitions et des réhabilitations, mais elle s’explique aussi par une diminution des sorties du parc social en raison des possibilités réduites de se loger ailleurs ainsi que par des changements dans la structure démographique. Sur l’ensemble des locations nouvelles de 1995-1996, 60 % étaient allées à de nouveaux locataires, dont un tiers de familles sans-logis. En 2005-2006, 70 % ont bénéficié à de nouveaux ménages, dont une proportion légèrement plus faible (22  %) a été attribuée à des sans-logis.

26Dans le secteur des HA, les locations ont augmenté de manière régulière, passant d’environ 40 000 par an à 160 000 en 2002-2003, soit (voir tableau 1) une progression comparable à celle de leur parc, pour redescendre ensuite à moins de 145 000 en 2004-2005. Environ 80 % de ces locations sont attribuées à de nouveaux locataires, et 11 % concernent des locataires venus du secteur des collectivités locales. Sur l’ensemble des locations consenties à de nouveaux locataires, 20 % vont à des familles sans-logis. À Londres, ce pourcentage s’élève à 40  %.

27Simultanément, le nombre de ménages officiellement reconnus comme sans-logis et qui bénéficient d’un hébergement temporaire est passé de 45 000 en 1997 à plus de 100 000 en 2004. Depuis 1977, le Housing Homeless Persons Act (et les nombreux amendements qu’il a connus) oblige les collectivités locales à loger toutes les personnes de leur secteur définies comme sans-logis, qu’il s’agisse de familles et de couples, ou de célibataires en situation de vulnérabilité.

28Une proportion de plus en plus grande de ces ménages se voit placée dans un logement du secteur locatif privé, souvent dans le cadre d’un bail consenti par les autorités locales. Le problème des sans-logis se pose de façon particulièrement cruciale à Londres (où ils représentent 22 % de l’ensemble des dossiers acceptés en 2005-2006, et 65 % des personnes en hébergement temporaire) mais il affecte l’ensemble des régions de manière croissante et significative4.

DÉTERMINATION DES LOYERS

29Historiquement, les loyers du secteur social reposaient sur le coût d’origine, de sorte que le revenu locatif était censé couvrir les dépenses diminuées des subventions. Dans le secteur géré par les autorités locales, il était également possible de subventionner les loyers à partir du Fonds Général (General Rate Fund5). Dans le secteur des HA, la régulation des loyers obéissait aux mêmes principes que dans le secteur locatif privé.

30Dans les années 1970, et notamment après l’adoption du Housing, Rents and Subsidies Act de 1975, les loyers du secteur géré par les autorités locales étaient contrôlés dans le cadre d’une politique générale des revenus, destinée à lutter contre l’inflation, ce qui générait des difficultés majeures pour financer les réparations et l’entretien courants. Dans les années 1980, il est devenu illégal de financer les subventions au logement à l’aide des impôts locaux, et le gouvernement central a défini les augmentations de loyer attendues, qui déterminaient les subventions octroyées. Ce système a perduré jusqu’à la fin des années 1990, avec des loyers qui augmentaient légèrement plus vite que l’inflation.

31Le contexte financier dans lequel opéraient les HA a changé de façon radicale en 1988 avec la déréglementation des loyers pour les nouvelles locations, aussi bien dans le secteur locatif privé que dans celui des HA. La loi (Housing Act) de 1988 leur a accordé le pouvoir de déterminer leurs propres loyers de façon à couvrir les coûts et à constituer des réserves leur permettant d’emprunter à des taux d’intérêt modérés correspondant à des titres peu risqués. Il en a résulté des augmentations de loyers nettement supérieures à l’inflation, voire aux taux de croissance des revenus des locataires. En 1997, les revenus locatifs issus de ces augmentations étaient, de fait, en majorité financés par le gouvernement sous forme d’aides à la personne. Les augmentations de loyers ont alors été de nouveau réglementées, avec limitation des hausses au niveau de l’inflation plus un léger pourcentage.

32En 2002, le gouvernement a décidé d’introduire un système de restructuration des loyers sur l’ensemble du secteur social, de sorte qu’en 2012, les loyers individuels seront déterminés selon une formule reposant sur le salaire local d’un travailleur manuel, la taille de l’habitation et la valeur foncière. Pour la première fois va donc être mis en place un système cohérent de détermination des loyers sur l’ensemble du secteur, indépendamment des mécanismes de financement initiaux, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cependant, l’existence de contraintes supplémentaires fait que ces loyers auront toujours peu de relation directe avec le parc : les personnes habitant des logements plus petits paient des loyers proportionnellement plus élevés, tandis que celles qui habitent de grands logements dans des zones chères sont beaucoup mieux protégées des pressions du marché.

33Dans le secteur géré par les autorités locales, les loyers sont passés d’environ 40 £ la semaine en 1990 à 55 £ en 2005, ce qui correspond plus ou moins à l’inflation. Dans le secteur des HA, et sur la même période, ils sont passés de 44 £ à 62 £ la semaine, soit un peu au-dessus de l’inflation, mais toujours en-deçà des augmentations moyennes de revenus. Les loyers londoniens sont de 20 à 25 % supérieurs à la moyenne nationale, alors que ce différentiel est de 40 % dans le secteur des logements occupés par leurs propriétaires (hors différences de taille et de qualité).

34L’écart entre les loyers moyens du social et du privé (toujours sans tenir compte de la qualité, de l’emplacement, etc.) est d’environ 40 % pour le secteur des HA et proche de 50 % pour le secteur municipal. Cependant, l’importance de cet écart varie considérablement selon les régions et les zones. Dans certaines régions du nord, l’écart est relativement faible. Dans les zones de marché très tendues, telles que Londres, il dépasse 60 %. Ces différences sont encore plus marquées si l’on mesure l’écart en termes de subventions économiques, en tenant compte des taux de retour sur investissements.

TYPOLOGIE DES HABITANTS DU SECTEUR SOCIAL

35Les caractéristiques sociodémographiques des ménages qui occupent le parc social diffèrent considérablement de celles du reste de la population. Ceci n’a rien d’étonnant puisque, depuis les années 1980, l’accent est mis sur la nécessité de loger ceux qui en ont un besoin prioritaire. Le secteur social loge surtout des jeunes et des personnes âgées, des parents célibataires, des retraités ou des inactifs (voir tableau 6), qui y sont proportionnellement beaucoup plus nombreux que dans les autres statuts d’occupation. Cette situation résulte en partie de la mise en œuvre du Right to Buy, qui a notamment permis aux couples et aux ménages en activité d’acheter leur logement. Plus de 80 % des couples sont ainsi propriétaires de leur logement.

36À l’heure actuelle, ce n’est pas seulement la concentration de personnes au chômage dans le secteur social (6 % chez les locataires du social contre 2 % sur l’ensemble des ménages) qui suscite l’inquiétude, mais aussi le fait que près des deux tiers des chefs de ménage sont inactifs, y compris 30 % de ceux qui sont en âge de travailler, alors que ce pourcentage n’atteint que 10 % dans l’ensemble de la population. Qui plus est, les ménages au sein desquels aucun membre n’est en activité représentent 63 % des occupants du parc social, alors qu’ils ne sont que 35 % de l’ensemble des ménages. Il faut également signaler que quelque 42 % des ménages incluent une personne atteinte d’une maladie ou d’un handicap grave, soit pratiquement le double du pourcentage observé dans les autres statuts d’occupation.

37Environ 8 % des ménages recensés en Angleterre ont un chef de famille issu d’une minorité ethnique (Black and Minority Ethnic, BME). Ce pourcentage s’élève à 12,5 % en moyenne pour le secteur social. Les proportions varient considérablement d’un groupe ethnique à l’autre. Le logement social accueille relativement peu de ménages indiens ou chinois mais compte des proportions relativement fortes de ménages originaires des Antilles anglophones et du Pakistan. Les ménages issus des minorités ethniques sont concentrés dans les zones urbaines, notamment à Londres. Ils ont également tendance à rester concentrés dans des localités particulières à l’intérieur de ces zones urbaines.

38La pauvreté est nettement plus marquée parmi les locataires du secteur social que chez les résidents du secteur privé, locataires et propriétaires confondus. Près de 50 % des ménages locataires du secteur social ont des revenus inférieurs à 10 000 £ par an, alors qu’ils ne représentent que 17 % de l’ensemble des ménages.

39Ces pourcentages s’expliquent en partie par le nombre de personnes âgées et inactives dans ce secteur, mais aussi par le fait que les locataires du social qui ont un emploi perçoivent des revenus plus faibles.

Tableau 6 : Caractéristiques des ménages par statut d’occupation en 2004-2005

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Source : Department of Works and Pensions, Family Resources Survey.

40Les locataires du secteur social sont généralement satisfaits de leur logement, même si la proportion d’insatisfaits, environ 15  %, est plus élevée que dans le secteur privé. Le degré de satisfaction par rapport au quartier est similaire, et dans les deux cas ce sont les ménages les plus jeunes qui se montrent les plus insatisfaits.

Tableau 7 : Dépenses en logement par statut d’occupation 2004-2005

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Source : Expenditure and Food Survey.

41La proportion de leurs revenus, aides comprises, que les locataires du social dépensent en logement constitue la dernière question traitée. Tous statuts d’occupation confondus, les dépenses hebdomadaires moyennes en 2004-2005 étaient de 79 £, mais la somme déboursée par les locataires du secteur social était inférieure de moitié (tableau 7). Ceci s’explique en partie par le niveau plus faible des loyers, mais surtout par le fait que bon nombre des locataires du secteur social bénéficient d’une assistance liée au revenu. Les deux tiers des locataires des HA perçoivent des aides au logement et cette proportion est encore plus forte dans le secteur géré par les autorités locales. Qui plus est, les locataires du social ne paient que 7 à 8 £ par semaine de charges, contre 11 £ hebdomadaires en moyenne. De manière générale, le statut de locataire du social protège les ménages d’une forme de pauvreté.

PERSPECTIVES

42Au cours des dernières années, la position du gouvernement quant à l’importance et au rôle du logement social a évolué de manière significative. En premier lieu, l’accent a été mis sur la nécessité de financer l’amélioration du parc existant afin de le mettre aux normes de qualité pour 2010 au plus tard. Cet objectif pourrait ne pas être totalement atteint à cette date, mais des progrès majeurs ont été réalisés. Des politiques centrées sur la rénovation et la réhabilitation, principalement dans les secteurs peu attractifs, telles les zones urbaines du nord, ont été mises en œuvre. Elles impliquent souvent des démolitions massives et le remplacement de l’habitat existant par des zones d’habitation plus denses. Dans cette offre globalement renforcée, la part des logements sociaux a cependant fortement diminué en raison de la place plus grande accordée au logement intermédiaire et au développement de la mixité sociale.

43Par ailleurs, le gouvernement se préoccupe de plus en plus des problèmes de polarisation des statuts d’occupation et de concentration de la pauvreté dans le secteur social et dans des quartiers ou groupes de résidences spécifiques. La réhabilitation constitue une façon de résoudre ce problème, mais, en ce qui concerne le parc existant, la voie le plus souvent choisie est de changer les principes d’attribution des logements. L’introduction du principe de la « location choisie » (choice-based lettings) a donné aux locataires une certaine liberté, mais cela engendre des tensions majeures entre la nécessité de répondre aux besoins prioritaires et celle de parvenir à une plus grande mixité de locataires.

44Dans ce contexte, une nouvelle politique a été mise en œuvre, visant à permettre aux locataires du secteur social de devenir partiellement propriétaires de leur logement au moyen du système du Home Buy, lorsqu’ils n’ont pas les moyens de le faire par le biais du Right to Buy. Cependant, l’accent mis sur l’extension de l’accession à la propriété – qu’il s’agisse d’une propriété partielle ou totale – aboutira fatalement à une réduction du secteur locatif social traditionnel.

45Enfin, l’offre de logement intermédiaire fait l’objet d’un soutien renforcé. L’objectif est d’aider les salariés dont les revenus sont trop faibles pour leur permettre d’accéder à la propriété, en leur donnant des subventions d’appoint et en leur ouvrant l’accès au crédit. Ce type d’offre relève également de la politique de mixité sociale, puisqu’une partie des logements neufs vise le marché intermédiaire, de manière à permettre aux ménages ayant un emploi d’occuper une portion significative des programmes immobiliers neufs ou réhabilités.

46Le gouvernement tente de compenser la pénurie globale de logements en portant la production à 200 000 logements neufs par an à l’horizon 2016, dont environ 30 % de logements dits abordables (ce qui inclut aussi bien le locatif social que l’accession à la propriété à bas prix). Il s’est engagé à assurer, au cours des deux prochaines années, la production d’environ 40 000 logements abordables par an, mais dont 60 % seulement seront des logements locatifs sociaux, tandis que le reste sera destiné au marché intermédiaire. Ce programme a reçu un soutien important de l’État avec l’attribution d’un fonds de 4,5 milliards de livres dans le cadre du budget 2007 (2007 Comprehensive Spending Review) (HM Treasury, 2007).

47Enfin, en ce qui concerne les ménages les plus vulnérables, le programme Supporting People a permis de passer d’un système d’offre directe à une assistance spécifique à la personne. Les initiatives visant à réduire le nombre de sans-logis comportent des mesures de prévention, sous forme d’accès à un logement temporaire loué par le secteur privé et d’aides pour entrer dans le secteur locatif privé, plutôt que la fourniture d’un logement social locatif permanent.

48Dans une étude récente sur le logement social, le professeur John Hills souligne combien il est important de garantir à tous un logement adéquat et abordable – y compris à des niveaux de prix inférieurs à ceux du marché. Il soulève également le problème de l’étendue du chômage chez les locataires du social, de leur absence de mobilité ainsi que du mécontentement (qui, apparemment, va croissant) qu’ils expriment à propos de leur logement. Il suggère que le rapport qualité-prix obtenu actuellement est insuffisant et que le gouvernement devrait envisager une extension de la gamme des logements abordables, ainsi que des mesures incitant les locataires à s’élever dans l’échelle de la propriété et à retrouver un emploi. John Hills estime que des initiatives telles que la Local Housing Allowance et les « localisations choisies » montrent qu’il doit être possible de mieux intégrer le secteur social dans le système global de logement. Le gouvernement a réagi en organisant des consultations sur l’opportunité de conditionner tout octroi de bail à un nouveau locataire au fait qu’il fasse la preuve qu’il est bien à la recherche d’un emploi (Flint, 2008) et en introduisant, dans le projet de loi Housing and Regeneration actuellement en cours d’examen par le parlement, la possibilité de vérifier les ressources des locataires du social.

49En Angleterre, l’occupation d’un logement social résultait autrefois d’un libre choix. Mais ce statut d’occupation est aujourd’hui perçu, de plus en plus largement, comme inférieur à l’offre privée, et surtout au statut de propriétaire occupant, même si, dans l’ensemble, les locataires du logement social bénéficient d’une prestation satisfaisante. Cette perception ne peut qu’être confortée par la politique actuelle du gouvernement, qui s’est fixé pour objectif d’atteindre un taux de 75 % de propriétaires-occupants.

Bibliographie

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Notes de bas de page

1 Compte retraçant l’ensemble des dépenses et des rentrées liées au patrimoine de logements détenu par les collectivités locales.

2 London Interbank Offered Rate : indicateur du taux interbancaire à très court terme du marché londonien (NdT).

3 Définies dans un Livre vert : Quality and Choice : a Decent Home for All. Outre ce programme dit « de logement décent » (Decent Homes) consistant à financer la mise aux normes du logement locatif, ce Livre vert a réformé le système de fixation des loyers pour le rendre plus cohérent sur l’ensemble du secteur social.

4 Sur toutes ces questions, voir l’ouvrage collectif récent sous la direction de Mark Stephens et Suzanne Fitzpatrick : The Future of social housing, Shelter, Londres, 2009 (NdE).

5 Le General Fund ou General Rate Fund est le principal compte d’exploitation d’une organisation à but non-lucratif de type agence gouvernementale (NdT).

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