Jeunesse racisée, jeunesse marginalisée, jeunesse dépolitisée ?
Repenser les gangs de rue États-Uniens comme vecteurs potentiels de politisation
p. 159-180
Texte intégral
1Parce qu’ils rendent visibles, parfois de façon spectaculaire, les failles des sociétés modernes et leurs conséquences sur des populations urbaines, jeunes et marginalisées, les gangs de rue fascinent autant qu’ils répugnent. Depuis quelques décennies, la globalisation a permis la diffusion de produits culturels dépeignant ces groupes de façon particulièrement caricaturale et sensationnaliste1. De ce fait, les gangs « occupent une position clé dans l’imaginaire mondial de la violence2 » et sont souvent représentés comme « une incarnation du mal, d’une sauvagerie incontrôlable, [et] d’une barbarie brutale et insensée3 ». Dans aucun autre pays que les États-Unis les gangs n’ont autant fait l’objet de ce type de traitement. Beaucoup de choses y ont été dites et écrites, en particulier à propos de l’existence de supposées super-organisations décrites comme des multinationales du crime, à l’image de la Mara Salvatrucha (plus connue sous le nom de MS-13), un gang créé dans les rues de Los Angeles dans les années 1980 et essentiellement composé d’adolescents et de jeunes adultes d’origine salvadorienne. Souvent considéré comme « le gang le plus dangereux du monde4 », ses membres ont également été qualifiés d’« animaux » par Donald Trump lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche consacrée à la lutte contre l’immigration irrégulière en mai 20185. La « guerre contre la criminalité », et en particulier contre la drogue, lancée par l’administration Reagan dans les années 1980 a favorisé le développement d’une approche sensationnaliste et criminalisante des gangs et de leurs activités qui demeure encore aujourd’hui bien ancrée dans l’imaginaire collectif états-unien.
2Ainsi déshumanisés, et présentés par les médias, de nombreux responsables politiques, la police mais également un grand nombre de chercheurs en sciences sociales comme des barbares nihilistes représentant un danger pour la société, les membres de gangs ont traditionnellement été dépeints comme dépourvus d’agentivité et de conscience politique. Pourtant, l’histoire récente des États-Unis regorge d’exemples permettant de questionner ces assertions et d’identifier un potentiel de politisation chez les membres de gang. C’est ce que je me propose de faire dans cet article.
3Après être revenu sur les débats scientifiques concernant la définition des gangs de rue et le niveau général de politisation des gangs, je présenterai quelques initiatives développées dans des prisons californiennes par des membres de gang incarcérés afin d’améliorer les conditions de détention des détenus placés à l’isolement et de mettre fin aux conflits racialisés qui régissent l’organisation sociale du système carcéral californien. Je détaillerai ensuite deux tentatives d’exportation de ces traités de paix dans les rues de Los Angeles avant de réfléchir aux conséquences possibles de ces initiatives et à l’interprétation que pourraient en faire les sciences sociales.
4Pour ce faire, je m’inscrirai dans la perspective des critical gang studies, qui visent à proposer une alternative aux approches pathologiques, anhistoriques et non-transformatives développées sur les gangs ces dernières décennies6. Je m’appuierai par ailleurs sur un travail ethnographique longitudinal mené dans l’agglomération de Los Angeles depuis 2009 au cours duquel j’ai pu conduire environ 150 entretiens avec des membres de gangs, des policiers, des responsables politiques et associatifs, des travailleurs sociaux et des résidents. Un long séjour d’un an m’a également permis d’opter pour la méthode de l’observation participante en assistant à de nombreux événements et réunions (publics et privés), ainsi qu’en m’investissant dans plusieurs organisations et programmes périscolaires locaux. Les séjours plus courts effectués depuis m’ont enfin permis de garder contact avec les personnes rencontrées lors de mon travail de terrain initial, de mettre régulièrement à jour mes connaissances et d’observer, sur la longue durée, l’évolution des relations entre gangs noirs et latinos de l’agglomération.
Définir le gang : un enjeu politique
5La première définition influente des gangs de rue fut proposée par l’un des plus importants représentants de l’École de Chicago, Frederic Thrasher, dès 1927. Dans son œuvre monumentale portant sur 1 313 gangs de Chicago, il définit un gang comme :
« Un groupe interstitiel formé de façon spontanée qui se consolide par le conflit. Il résulte de ce comportement collectif le développement d’une tradition, d’une structure interne, d’un esprit de corps, d’une solidarité, d’une confiance et d’une conscience de groupe, ainsi qu’un attachement à un territoire local7. »
6La notion d’interstice a ici une double connotation. Elle évoque tout d’abord la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, celle à laquelle la plupart des membres de gangs commencent à s’impliquer dans le groupe. Pour cette raison, d’après Thrasher, les membres de gangs adultes sont peu nombreux et les gangs ont une durée de vie assez courte si les membres les plus anciens ne sont pas remplacés par de nouvelles recrues. Mais le terme « interstitiel » revêt également une dimension géographique et se réfère aux quartiers défavorisés dans lesquels se forment les gangs, situés, en l’occurrence, entre le quartier d’affaire de Chicago et les quartiers résidentiels de bon standing8.
7Depuis Thrasher et le développement des premières études sur les gangs au début du xxe siècle, la littérature s’est grandement étoffée avec la diffusion des gangs dans différentes régions du pays. Bien qu’ils n’aient ni le même fonctionnement, ni la même organisation sociale selon que l’on se trouve à New York, Chicago ou Los Angeles, et qu’il soit par conséquent extrêmement complexe de parvenir à une définition qui couvre l’ensemble des formes de gangs existantes, des décennies de recherche ont permis de développer une définition relativement consensuelle de ce qu’est un gang de rue9. Il s’agit d’un groupe essentiellement composé d’adolescents ou de jeunes adultes originaires d’un même quartier, qui partagent une identité associée à un nom et souvent à d’autres symboles comme des codes vestimentaires ou des couleurs. C’est un groupe pérenne qui possède un faible degré d’organisation et est impliqué dans des activités criminelles sur un territoire relativement bien circonscrit. Ce territoire est défendu contre des gangs rivaux souhaitant en prendre le contrôle ou simplement s’y aventurer, et la majorité des membres du gang et leurs familles vivent à l’intérieur de ses frontières10. Ce rapport au territoire permet de matérialiser le pouvoir et l’influence du gang notamment grâce à l’existence de frontières délimitant ce qui lui « appartient » et ce qui ne lui appartient pas11. Enfin, cette dimension territoriale implique que, dans la majorité des cas et dans le contexte de forte ségrégation résidentielle qui caractérise les métropoles états-uniennes, les gangs de rue sont racialement homogènes.
8Les deux définitions exposées ci-dessus en témoignent, la considération des pratiques criminelles comme un critère constitutif des gangs a longtemps été débattue (et continue de l’être12). Si Thrasher ne prenait pas cette dimension en compte, un nombre croissant de chercheurs considèrent qu’elle doit être intégrée à toute définition car elle constitue le facteur essentiel distinguant le gang de tout autre groupe de jeunes13. D’autres, comme le sociologue David Brotherton, tentent de développer des approches permettant de dépasser le triptyque « criminalité, violence, drogues » mis en avant par les différents protagonistes du système de justice pénale états-unien et adopté de façon acritique par de nombreux criminologues et sociologues orthodoxes14. Les années 1980 et 1990 ont en effet vu la construction des membres de gang comme des criminels, voire des terroristes, contre lesquels la société devait à tout prix se prémunir. Ils étaient ainsi considérés comme les responsables plutôt que comme les symptômes d’un ensemble de problèmes structurels. Alors qu’en 2004 le FBI créait une unité opérationnelle pour lutter spécifiquement contre le MS-13 (la MS-13 National Gang Task Force), ni la mafia de la côte Est ni les grands criminels en col blanc – dont les agissements ont des conséquences bien plus lourdes sur la vie des citoyens état-suniens que les gangs – ne se voyaient octroyer un tel statut par le gouvernement fédéral15. Mais cette criminalisation des gangs, qui allait de pair avec une déshumanisation de leurs membres, n’a pas uniquement été le fait de la classe politique, des forces de l’ordre et des médias. Dans son ouvrage Youth Street Gangs: A Critical Appraisal, David Brotherton montre comment un nombre conséquent de chercheurs, qu’il qualifie de « pathologistes », a traditionnellement opposé « la négativité des membres de gang » à « la positivité de la société conventionnelle », de telle sorte que ce type d’analyses ne laisse aujourd’hui encore que peu de place à d’autres interprétations des comportements déviants16. Dans cette perspective, ce sont les « déficits » des adolescents issus de quartiers paupérisés et ségrégués, c’est-à-dire essentiellement leurs supposées lacunes morales et leur manque de discipline, qui expliquent leur intégration au gang local.
9La criminalisation et la déshumanisation des membres de gang est d’autant plus facile à opérer qu’on ne s’intéresse ni à l’histoire, ni à l’environnement socio-économique, politique et démographique des territoires concernés. En effet, un nombre important de sociologues et de criminologues spécialistes des gangs ne se rendent pas sur le terrain et ne rencontrent par conséquent jamais les sujets de leurs enquêtes. Ils privilégient des approches quantitatives inspirées par la tradition positiviste des sciences sociales, en prenant les sciences naturelles comme l’exemple à suivre pour mener à bien une recherche de qualité17. Par conséquent, depuis les années 1980, une grande partie des travaux sur les gangs s’appuie sur des méthodes basées sur des questionnaires administrés de façon impersonnelle par des intermédiaires, et sur l’interprétation acritique de données recueillies et publiées par diverses agences de maintien de l’ordre. Or, seule l’approche ethnographique, qui implique une présence longue sur le terrain, permet de comprendre en profondeur les causes et les mécanismes de la formation et de la survivance des gangs, et par conséquent de déconstruire les préjugés et les regards pathologisants de la société dominante. Les travaux ethnographiques permettent ainsi de mettre en lumière la grande hétérogénéité des gangs, de leurs membres et de leurs pratiques18, leur recours non-systématique et relativement rare à la violence19, et leur faible niveau d’organisation (à quelques exceptions près)20.
10Les gangs de rue n’ont donc, dans la grande majorité des cas, rien de l’épouvantail menaçant la sécurité nationale qu’une grande partie de la classe politique et médiatique, bien aidée en cela par certains chercheurs en sciences sociales, ont dépeint à partir des années 1980. Mais la criminalisation et la déshumanisation des membres de gang ont eu deux conséquences majeures. Elles se sont tout d’abord inscrites dans le développement de paniques morales qui ont facilité la mise en place de politiques de répression et de contrôle social, dont, à ce jour, aucune étude n’a montré l’efficacité dans la réduction des niveaux de violence dans les quartiers paupérisés21. Elles ont ensuite largement contribué à l’émergence de discours médiatiques et académiques niant aux membres de gang la possibilité d’agir selon des modalités qui relèveraient de formes de politisation.
Les inégalités socioraciales : catalyseur de la conscientisation politique des membres de gang
11Parmi les diverses formes d’action des membres de gangs, celles qui relèvent de l’infrapolitique22 ou de la politique informelle23, qui sont par définition peu visibles, passent pour la plupart sous le radar des chercheurs, quand bien même on pourrait assez aisément défendre l’idée que le simple fait d’intégrer un gang constitue, en soi, un acte politique en ce qu’il témoigne d’un rejet du système de valeurs de la société dominante24. Mais le manque de travaux ethnographiques sur les gangs génère également une méconnaissance des formes d’action les plus explicitement politiques. Entre les années 1940 et le début des 1960, les chercheurs accordaient peu d’intérêt aux activités politiques des gangs, jugeant que ces derniers n’étaient pas « politiquement actifs25 ». Les sociologues James Short et John Moland écrivaient par exemple, dans un article publié en 1976 :
« Au début des années 1960, les membres de gang que nous suivions [à Chicago] étaient politiquement apathiques, ignorants et détachés des évolutions spectaculaires du mouvement pour les droits civiques qui se produisaient à cette époque26. »
12La situation évolua toutefois sensiblement dans le courant des années 1960 avec le développement du mouvement pour les droits civiques qui contribua à la politisation, voire à la radicalisation, de nombreux membres de gangs (même si l’on observait déjà à l’époque d’importantes disparités dans les niveaux de politisation des gangs à travers le pays)27. Plusieurs gangs basés à Chicago et New York, et essentiellement composés de jeunes africains-américains et portoricains, commencèrent à se mobiliser pour lutter contre les brutalités policières, les discriminations raciales et la paupérisation croissante des ghettos28. Mais avec le déclin des organisations radicales issues du mouvement pour les droits civiques, le niveau de politisation des membres de gangs retomba à partir du début des années 1970.
13Si de rares chercheurs ont récemment mis en lumière l’arrière-plan politique de certains gangs contemporains29, le fonctionnement de l’immense majorité des gangs états-uniens n’est pas régi par un ensemble de préceptes politiques et leurs membres ne font bien souvent pas preuve d’une appétence particulière pour la chose politique. C’est particulièrement le cas à Los Angeles, où les gangs sont réputés moins politisés que leurs homologues new-yorkais et chicagoans. On ne dispose pour l’heure d’aucune étude sur le sujet, mais ces différences procèdent possiblement des spécificités des contextes locaux. L’anthropologue James Diego Vigil, qui étudie les gangs de Los Angeles depuis la fin des années 1960, a développé le concept de marginalité multiple, selon lequel les gangs de rue de l’agglomération de Los Angeles naissent et se nourrissent, d’une part, de la marginalité géographique, socio-économique, politique et culturelle de leurs membres, et d’autre part de l’échec collectif des institutions de contrôle social (famille, école, police) qui entraîne la socialisation de rue de milliers de jeunes adolescents30. Dans ce contexte, les jeunes marginalisés disposent d’un accès extrêmement limité à des discours critiques, ce qui entrave la construction de leur culture politique, dans une agglomération marquée successivement par les disparitions brutales de la gauche tiers-mondiste suite à la destruction des mouvements radicaux par le FBI, les polices locales et le système judiciaire31, et des syndicats ouvriers suite aux délocalisations massives des années 198032.
14Toutefois, si l’on présente souvent (à juste titre) les gangs de Los Angeles comme peu politisés, plusieurs événements ayant jalonné la seconde moitié du xxe siècle témoignent du potentiel de politisation de ces groupes et de leurs membres – potentiel qui a souvent été considéré comme une menace par les pouvoirs publics.
15L’exclusion et la marginalisation intergénérationnelles de certaines populations produisent des espaces fertiles pour la socialisation de rue. En se basant sur son expérience new yorkaise, Brotherton considère cependant que cette socialisation ne doit pas nécessairement s’accommoder de l’ordre établi, et encore moins le reproduire33. Au contraire, sous certaines conditions, une sous-culture de rue plus « politiquement résistante et socialement transformative » peut se développer et déployer ses propres critiques des relations de pouvoir, offrant, ce faisant, « des modèles d’auto-organisation qui assurent un flux continu de rebelles issus de la rue ou de la prison, de résistants et de radicaux34 ». En d’autres termes, une perspective critique peut à tout moment, mais dans des circonstances particulières, émerger au sein des gangs.
16La révolte de Watts en 1965, consécutive à l’arrestation violente d’un automobiliste noir dans ce quartier situé au cœur du ghetto historique de Los Angeles, en est l’un des exemples les plus parlants. Ce soulèvement, qui causa la mort de 34 personnes (dont 28 Africains-Américains), fit plus d’un millier de blessés et généra 4 000 arrestations et 40 millions de dollars de dégâts matériels35, se produisit dans un contexte propice à l’embrasement. Au-delà des violences policières fréquentes qui ponctuaient des relations exécrables entre la police et la population, cette révolte venait matérialiser l’exaspération de populations maintenues dans une situation de domination dans tous les domaines de la vie sociale du fait de leur appartenance à un groupe racisé36. Beaucoup de jeunes participants scandaient le nom de Selma, en référence à la ville d’Alabama dans laquelle se tint au printemps 1965 une série de manifestations en faveur du droit de vote des Noirs durement réprimées par la police37. Parmi eux figuraient de nombreux membres de gangs des alentours pour qui ces événements marquaient la fin des espoirs dans le militantisme modéré et intégrationniste du mouvement pour les droits civiques, et l’émergence d’une version plus radicale de la lutte pour l’égalité, celle du Black Power.
17Dans ce contexte particulier, les jeunes du ghetto de Los Angeles purent bénéficier de la création de programmes sociaux dans le cadre de la War on Poverty décrétée par le président Lyndon Johnson. Dans la deuxième moitié des années 1960, il existait 135 centres et programmes sociaux destinés à offrir des alternatives à la rue aux jeunes Africains-Américains et Latinos de Los Angeles38. Mais cette période troublée, marquée par une explosion du nombre de révoltes urbaines à travers le pays39, fut également caractérisée par l’émergence d’organisations politiques se revendiquant du Black Power, comme la US Organization créée peu après la révolte de Watts et le Black Panther Party, qui créa une section à Los Angeles en 1968. Rapidement, ces organisations entrèrent en concurrence pour le recrutement de jeunes Africains-Américains à Watts et South Central (le cœur du ghetto noir de Los Angeles), ce qui contribua à la politisation de nombreux membres de gangs particulièrement motivés à l’idée de lutter activement contre les brutalités policières40. Ce double processus (création de programmes sociaux et émergence d’organisations radicales) favorisa la conscientisation politique de nombreux membres de gangs locaux qui mirent de côté leurs rivalités pour rediriger leur énergie vers des objectifs plus constructifs, entraînant ainsi la quasi-disparition des gangs noirs de South Central à la fin des années 196041. Cependant, le mouvement noir fut rapidement considéré comme une menace pour la nation et devint une cible prioritaire du gouvernement fédéral. Le tristement célèbre COINTELPRO (Counter Intelligence Program) du FBI dirigé par J. Edgar Hoover et la politique répressive du Los Angeles Police Department (LAPD) à l’encontre des militants noirs furent les instruments de la destruction du mouvement à Los Angeles. Le FBI et le LAPD, qui disposaient de nombreux informateurs, tirèrent partie de dissensions entre les différentes organisations, en particulier entre le Black Panther Party et US, pour faire naître des conflits violents entre les acteurs du mouvement. Cette stratégie de division et l’agressivité des forces de l’ordre envers ces groupes entraînèrent la mort de nombreux activistes. En assassinant 29 membres du Black Panther Party à l’échelle nationale et en en enfermant des dizaines d’autres (peu après les assassinats de figures nationales comme Martin Luther King, Malcolm X ou Medgar Evers), le FBI parvint à détruire le mouvement révolutionnaire noir, qui avait virtuellement disparu au début des années 197042. La disparition du leadership radical noir laissa un vide pour les adolescents de South Central et coïncida avec une résurgence des gangs africains-américains. Entre 1970 et 1972, une coalition de gangs noirs basés dans et autour de South Central se forma et prit le nom de Crips. En 1973, un groupe de gangs rivaux des Crips fonda sa propre confédération : l’alliance blood était née et, à l’instar des Crips, l’ensemble des gangs qui en faisaient partie accolèrent le terme « Bloods » à leur nom. La désindustrialisation massive qui toucha le cœur de l’agglomération de Los Angeles durant les années 1970 et 198043, ainsi que les politiques néolibérales menées par les administrations Nixon et Reagan provoquèrent une paupérisation intense et durable du ghetto de Los Angeles, ce qui engendra une croissance exponentielle du nombre de gangs44. Alors qu’on ne comptait que 18 gangs noirs dans le comté de Los Angeles en 1972, il en existait 60 en 1978 (la plupart étant situés à South Central, Watts et Compton). Quatre ans plus tard, on en comptait 155 et le chiffre s’élevait à 270 en 199645. La même année, il existait plus de 500 gangs latinos dans le comté.
18Suite à la disparition des organisations du Black Power, les gangs qui avaient été recréés par des adolescents ayant assimilé la rhétorique et les idées des militants radicaux opéraient, selon le géographe Alex Alonso, comme des « organisations quasi-politiques46 ». En l’espace de quelques années toutefois, leurs velléités révolutionnaires s’estompèrent. La dégradation continue de la situation socio-économique des quartiers ségrégués du cœur de l’agglomération ainsi que l’afflux massif d’immigrés latino-américains à partir des années 1980 provoquèrent une augmentation importante du nombre de gangs bloods, crips, et latinos. Le développement du trafic de crack dans la première moitié des années 1980 contribua à l’accroissement des conflits entre gangs et éloigna davantage leurs membres des idéaux révolutionnaires de leurs aînés47. Mais les tensions accrues avec la police dans un contexte de « guerre contre la drogue » et de militarisation du maintien de l’ordre48 fournirent, à la fois, les bases de l’explosion de 1992 et des tentatives de résistance qui émergèrent avant, pendant et après le soulèvement.
19En mars 1991, Rodney King, un automobiliste noir, fut pris en chasse par la police de Los Angeles suite à un excès de vitesse. Après une longue poursuite, son véhicule fut immobilisé et cinq officiers tentèrent de le maîtriser. Ce qui aurait dû être une procédure de routine se transforma en un déchaînement de violence après que King fut extrait du véhicule. Il essuya tout d’abord des tirs de pistolet à impulsion électrique. Une fois au sol, trois officiers le matraquèrent sans ménagement pendant que deux autres lui portaient de violents coups de pieds au visage. La scène, entièrement filmée par un riverain, fut diffusée en boucle par les médias locaux et provoqua un scandale national. Mais en avril 1992, un jury majoritairement blanc acquitta les policiers de l’ensemble des charges retenues contre eux. À l’annonce du verdict, des centaines d’Africains-Américains investirent les rues de South Central et s’en prirent à des automobilistes (essentiellement blancs), à des magasins, à tout type de bâtiments, à la police et aux pompiers. Ce soulèvement dura six jours, impliqua plusieurs milliers d’habitants de South Central (Noirs et Latinos) et entraîna la mort de 63 personnes49. Plus de 2000 blessés furent pris en charge, 4 000 départs de feu furent constatés, environ 1 100 bâtiments furent détruits et le coût des dégâts matériels dépassa le milliard de dollars50.
20Alors que le nombre d’homicides liés aux gangs avait atteint un niveau sans précédent à Los Angeles au début des années 1990 du fait de l’augmentation du nombre de gangs et de l’accroissement des conflits liés au trafic de drogue, le soulèvement de South Central décida de nombreux membres de gangs à mettre leurs rivalités de côté. Comme en 1965, et alors que la situation socio-économique des résidents de South Central n’avait fait qu’empirer sous l’effet conjugué de la désindustrialisation et du recul de l’État providence, des membres de gangs rivaux unirent leurs forces quelques jours durant pour manifester violemment leur colère face à la persistance d’inégalités entretenues et reproduites par les institutions policière et judiciaire. Les transformations démographiques qui avaient touché South Central depuis 1965 avaient toutefois provoqué un changement de taille dans la sociologie des émeutiers : le nombre de jeunes Latinos impliqués dans les violences était extrêmement élevé51.
21Quelques jours auparavant, le 28 avril 1992 (la veille du déclenchement de la révolte), des centaines de membres de gangs rivaux s’étaient réunis à Watts pour célébrer la finalisation d’une trêve entre les gangs bloods et crips du quartier. Cette trêve, qui prendra la forme en 1994 d’un traité de paix inspiré du texte de l’accord signé entre Israël et l’Égypte en 194952, était le fruit d’un travail de plusieurs années mené par de jeunes membres des gangs concernés, désireux d’agir contre la flambée d’homicides qui secouait le centre de l’agglomération. L’un d’entre eux, Aqeela Sherrills, était membre des Grape Street Watts Crips et étudiant à la California State University de Northridge, où la lecture de penseurs comme Malcolm X ou James Baldwin contribua à sa politisation.
Figure 1. – Politique du graffiti.

La photographie ci-dessus témoigne de la conscientisation engendrée par l’affaire Rodney King chez de nombreux membres de gangs. Bien que l’on ne sache pas précisément qui l’a réalisé, ce graffiti photographié sur un mur de South Central au deuxième jour du soulèvement révèle un sentiment partagé par un nombre croissant de membres de gangs à l’époque : celui de la nécessité de s’unir face à un système raciste incarné par une police que beaucoup de résidents considéraient comme une armée d’occupation. Les gangs crips, bloods et mexicains (-américains) étaient appelés à cesser les hostilités sans délai et à s’unir pour détruire (physiquement) leur ennemi commun, le LAPD. Le chiffre 187, visible dans la partie inférieure du graffiti, fait référence à la section 187 du code pénal californien définissant le meurtre. Il s’agit donc ici d’un appel au meurtre de policiers.
La pratique du graffiti dans l’espace public est une forme d’expression très courante chez les membres de gangs qui leur permet de matérialiser leur rapport au territoire (en revendiquant notamment telle ou telle rue comme appartenant à ce territoire) mais aussi de mettre en lumière des rivalités et des alliances avec d’autres gangs. De ce fait, ces graffitis inscrivent leurs auteurs dans un écosystème local au sein duquel se négocient des relations de pouvoir entre groupes et individus marginalisés. Le graffiti exposé ci-dessus a donc ceci d’exceptionnel qu’il appelle des gangs traditionnellement rivaux à former une alliance contre le bras armé du pouvoir.
Source du texte : Le Moigne Yohann, « Les graffitis de gangs comme marqueurs de rapports de force politiques sur le territoire. L’exemple de Compton (Californie) », Urbanités, no 9, 2017, [https://www.revue-urbanites.fr/9-les-graffitis-de-gangs-comme-marqueurs-de-rapports-de-force-politiques-sur-le-territoire-lexemple-de-compton-californie/], consulté le 25 novembre 2019.
Source : Joseph Sohm, Getty Images, 1992.
22La trêve eut des effets immédiats. Entre 1991 et 1992, dans les quartiers où elle était en vigueur, les nombres d’homicides et de tentatives de meurtres liés aux gangs diminuèrent respectivement de 88 % et 45 %53. Ce qui aurait dû ravir le LAPD et les responsables politiques locaux généra au contraire la crainte des autorités de voir des gangs auparavant rivaux s’allier contre un ennemi commun : le pouvoir blanc, représenté par sa police. Dès 1991, le LAPD tenta de miner les négociations entre les différents gangs. Après la révolte, la police cibla ouvertement et harcela les leaders des gangs concernés, qui parvinrent toutefois à faire vivre le traité de paix durant plus d’une décennie54.
23Si les gangs de Los Angeles ne se distinguent pas par leur niveau de politisation, ces deux exemples relativement anciens indiquent que, dans certaines circonstances et sous l’influence d’un leadership efficace, la question de la persistance des inégalités sociales et raciales peut être un catalyseur de la conscientisation politique des membres de gangs.
De la prison à la rue : le gang comme vecteur de politisation
24En dépit de la grande hétérogénéité des sous-cultures urbaines constitutives des gangs à l’échelle nationale, on observe dans de nombreuses régions du pays une importante porosité entre la rue et la prison. Comme le signale Brotherton, de nombreuses sous-cultures de jeunesse proviennent de l’hybridation des cultures de la rue et de la prison, a fortiori dans une période particulièrement marquée par l’incarcération de masse des personnes racisées, de la classe ouvrière et des pauvres55. La prison étant un lieu permettant souvent la conscientisation et la radicalisation politique, les groupes ayant à la fois des liens avec la rue et la prison recèlent un potentiel révolutionnaire bien supérieur à ceux dont les activités restent cantonnées à la rue. À Los Angeles plus qu’ailleurs, ce lien entre la rue et la prison influe sur les pratiques des gangs de rue et les rivalités de pouvoir qui régissent leur fonctionnement.
25Le système carcéral californien est caractérisé par une forte ségrégation raciale qui a largement été construite et renforcée par l’administration pénitentiaire56. L’organisation sociale à l’intérieur des prisons d’État est contrôlée par un petit nombre de gangs carcéraux racialement homogènes, pour la plupart fondés entre la fin des années 1950 et le milieu des années 196057. Les rivalités de pouvoir se dessinent selon des lignes de fracture ethno-raciales et géographiques qui mettent aux prises deux alliances : d’un côté, l’alliance entre la Mexican Mafia (ou Eme, un gang fondé en 1957 et constitué de membres de gangs de rue latinos originaires du sud de la Californie) et les gangs de suprématistes blancs (essentiellement l’Aryan Brotherhood, fondée au milieu des années 1960, et les Nazi Lowriders, fondés à la fin des années 1970) ; de l’autre, l’alliance entre la Nuestra Familia (NF, un gang fondé en 1965 et constitué de membres de gangs de rue latinos originaires du nord de la Californie) et différents gangs noirs, dont la Black Guerrilla Family (BGF, un groupe révolutionnaire fondé en 1966)58. Parmi ces organisations, seule la BGF, fondée par George Jackson, un jeune marxiste-léniniste noir qui intègrera le Black Panther Party durant son incarcération, et les gangs suprématistes furent pensés comme des groupes ayant une dimension politique. Toutefois, le bouillonnement politique et culturel des années 1960 influença certains leaders de la Eme qui développèrent une pensée radicale proche du nationalisme culturel chicano, quand de nombreux membres de la NF tiraient profit de leur proximité avec la BGF pour se familiariser avec la littérature marxiste-léniniste. Au fil des décennies, la dureté du quotidien, le renforcement des rivalités de pouvoir, les conséquences dramatiques de l’addiction à la drogue et la mise à l’isolement des détenus les plus politisés firent passer les idéaux politiques au second plan, notamment chez les nouvelles générations de membres qui n’avaient pas vécu l’émergence du Black Power et du mouvement chicano. Toutefois, cette tradition politique réémergea au début des années 2010 dans la prison de Pelican Bay. Construite en 1989 pour héberger les détenus les plus dangereux, en particulier les membres les plus influents des quatre principaux gangs carcéraux, et les isoler du reste des prisonniers californiens, elle devint tristement célèbre car elle hébergeait le Security Housing Unit (SHU), un quartier d’isolement pouvant contenir 1 000 détenus indéfiniment et sans décision judiciaire préalable, dans des conditions proches de la torture : chaque détenu était enfermé dans une cellule individuelle de 3 mètres sur 4 mètres sans fenêtre, 23 heures par jour, sans contact humain direct autre que celui des gardiens. Le simple fait d’être considéré par l’administration pénitentiaire comme membre ou associé d’un gang carcéral valait au détenu un transfert automatique vers le SHU pour une durée indéfinie. Le seul moyen de quitter le quartier d’isolement était de « débriefer », c’est-à-dire de devenir un informateur au service de l’administration pénitentiaire. Pour la majorité de détenus qui refusaient de devenir des « balances », les perspectives d’avenir étaient particulièrement sombres : ils devaient s’attendre à effectuer toute leur peine à l’isolement. Beaucoup avaient été condamnés à perpétuité, ce qui implique que plusieurs centaines de détenus ont passé plusieurs décennies dans ces conditions. Avec le temps, et malgré les difficultés de communication imposées par l’isolement, des liens se créèrent entre des détenus autrefois considérés comme des ennemis mortels. La prise de conscience d’une humanité et de souffrances communes permirent d’atténuer les anciennes rivalités. La lecture d’auteurs comme Howard Zinn ou Michel Foucault, et d’ouvrages sur les Black Panthers ou le mouvement chicano permit par ailleurs aux détenus d’aiguiser leur conscience politique. Mais c’est la lecture d’un ouvrage sur la grève de la faim des prisonniers de l’IRA en 1981, passé de cellule en cellule, qui fut l’élément déclencheur et encouragea la formation du Short Corridor Collective (du nom de la section du SHU où étaient concentrés les détenus considérés comme les plus dangereux). Représenté par un quatuor composé de Todd Ashker (un des leaders de l’Aryan Brotherhood), Arturo Castellanos (membre de la Eme), Sitawa Nantambu Jamaa (membre de la BGF) et Antonio Guillen (un des principaux leaders de la NF), le collectif annonça en avril 2011 l’organisation d’une grève de la faim pour protester contre les conditions d’incarcération59. Le 1er juillet 2011, 400 prisonniers du quartier d’isolement de Pelican Bay cessèrent de s’alimenter. En l’espace de quelques jours, ils furent rejoints dans leur action par 6 000 autres détenus à travers la Californie. La mobilisation dura trois semaines et prit fin le 20 juillet 2011 après une rencontre entre les quatre représentants des détenus et Scott Kernan, le sous-secrétaire du California Department of Correction and Rehabilitation (CDCR).
26Frustrés par la trop lente évolution de la situation, le collectif annonça le début d’une deuxième grève de la faim en septembre 2011 qui fut suivie par 12 000 détenus dans tout l’État, puis d’une troisième en août 2013, qui dura 60 jours, fut suivie par 30 000 détenus et eut un retentissement médiatique national et international sans précédent. Les détenus se résignèrent à se réalimenter après que Tom Ammiano, membre influent de l’Assemblée de l’État de Californie, annonça la tenue d’audiences législatives sur les conditions d’incarcération dans le SHU60. Entre temps, en mai 2012, le Short Corridor Collective s’associa au Center for Constitutional Rights ainsi qu’à plusieurs organisations de défense des droits des prisonniers pour lancer une action de groupe. La plainte (Ashker v. Governor of California) insistait sur l’inconstitutionnalité de la mise à l’isolement illimité car elle constituait une punition inhumaine et arbitraire. Quelques mois plus tard, le 12 août 2012, le collectif publia un appel historique à mettre fin aux hostilités qui opposaient depuis des décennies les principaux groupes de détenus au sein du système carcéral californien61. Cet appel enjoignait l’ensemble des détenus de l’État à s’unir pour mieux défendre leurs intérêts communs face à la politique de division menée depuis les années 1970 par l’administration pénitentiaire. L’objectif était de mettre fin aux affrontements racialisés qui explosaient fréquemment, notamment entre Africains-Américains et Mexicains-Américains du sud de la Californie. Le document fut transmis à l’ensemble des leaders des quatre principaux gangs carcéraux, qui se chargèrent de le faire appliquer du mieux possible. Les conflits interpersonnels entre détenus appartenant à des groupes différents devaient désormais être gérés en interne : les individus impliqués devaient en référer aux leaders de leur faction qui se chargeaient eux-mêmes de faire appliquer d’éventuelles sanctions disciplinaires afin d’éviter les attaques incessantes pouvant déclencher un cycle de violence difficilement contrôlable62.
27D’après plusieurs détenus et anciens détenus récemment libérés avec qui j’ai pu m’entretenir, la fréquence et l’intensité des conflits racialisés ont sensiblement diminué depuis la mise en œuvre de cet accord. Des tensions éclatent toujours sporadiquement entre individus, mais elles ne dégénèrent plus en « émeutes raciales » comme c’était fréquemment le cas dans les années 1990 et 2000.
28Trois ans après la finalisation de l’accord, le Short Corridor Collective et l’État de Californie aboutirent à un règlement à l’amiable dans l’affaire Ashker v. Governor of California : l’administration pénitentiaire fut contrainte de mettre fin à la pratique de l’isolement illimité. Par conséquent, plusieurs centaines de détenus du SHU furent réintégrés à la population générale, ce qui contribua à renforcer la structure et l’organisation des différents gangs carcéraux ainsi qu’à stabiliser et à pacifier leurs relations.
29Grâce à une alliance interraciale rendue possible par une expérience commune d’oppression et un travail de conscientisation politique effectué sur plusieurs années, le Short Corridor Collective a impulsé des transformations majeures au sein du système carcéral californien. Mais les conséquences de cette nouvelle dynamique peuvent potentiellement s’étendre au-delà des murs des prisons et toucher des populations bien plus jeunes que la moyenne des détenus.
30Dans la première moitié des années 1990, sous l’impulsion d’une nouvelle génération de membres, la Eme développa une architecture organisationnelle lui permettant d’étendre ses activités dans les rues du sud de la Californie en tentant d’exercer un contrôle grandissant sur les gangs de rue latinos par l’imposition d’une taxe sur les profits du trafic de drogue63. En associant un management par la terreur64 à la réinvention d’une identité collective fondée sur les racines indigènes de la population mexicaine-américaine, la Eme poussa implicitement les gangs latinos à entrer en conflit pour le contrôle des territoires de vente avec les gangs noirs qui les entouraient. Beaucoup de conflits meurtriers en résultèrent, notamment sur des territoires traditionnellement contrôlés par des gangs noirs mais soumis à des transformations démographiques majeures du fait des flux migratoires entamés dans les années 198065. L’un des conflits les plus emblématiques de ce processus de détérioration des relations entre gangs noirs et latinos a opposé le gang mexicain-américain Florencia 13 aux East Coast Crips. Alors que les deux gangs, qui se partagent le même territoire à South Central, entretenaient historiquement des relations oscillant entre indifférence, cordialité et amitié (en fonction des individus concernés), ils s’enfoncèrent dans une rivalité meurtrière au milieu des années 2000. Ce conflit serait lié au vol par des membres des East Coast Crips d’une importante quantité de drogue destinée à être écoulée au profit d’Arturo Castellanos, qui exerçait un contrôle important sur Florencia 13 depuis sa cellule de Pelican Bay66. Castellanos aurait alors ordonné aux membres de Florencia 13 de tout mettre en œuvre pour chasser les East Coast Crips de leur territoire afin qu’ils ne portent plus préjudice à leurs affaires. Il s’ensuivit une flambée de violence entre les deux gangs qui fut qualifiée de « guerre raciale » par de nombreux observateurs67. Pendant quinze ans, la vie du quartier fut rythmée par les homicides et les tentatives d’homicides entre les membres des deux gangs. Mais en octobre 2019, ce que personne n’imaginait possible se produisit : des membres influents de Florencia 13 et des East Coast Crips se réunirent à plusieurs reprises pour sceller une trêve. Selon Skipp Townsend, un ancien membre de gang blood devenu travailleur social impliqué dans le processus de paix, l’impulsion principale est venue de Braulio Castellanos, le frère ainé d’Arturo, lui aussi membre de la Eme et incarcéré depuis 198868. Déterminé à mettre un terme au conflit opposant son gang d’origine aux East Coast Crips, il entra en contact, par l’intermédiaire de plusieurs travailleurs sociaux africains-américains, avec un des leaders des Crips : Paul Wallace, dit « Lil Doc ». Après avoir hésité face à l’ampleur de la tâche, Lil Doc organisa plusieurs réunions avec les principaux leaders des différentes cliques d’East Coast et leur présenta un projet de cessez-le-feu. Les discussions furent houleuses et trois réunions furent nécessaires à Lil Doc pour convaincre ses camarades de s’asseoir à la table des négociations. La rencontre entre les leaders de Florencia 13 et des East Coast Crips eut lieu au début du mois d’octobre 2019 dans les locaux de la Youth Justice Coalition, une organisation de défense des droits des jeunes racisés. Peu après le début de la réunion, un membre de Florencia 13 posa un téléphone sur une table afin que tous les participants puissent entendre Braulio Castellanos s’exprimer depuis sa cellule et appeler les deux camps à cesser les hostilités. Cette intervention d’un membre historique et respecté de Florencia 13, qui avait gravi les échelons de la Eme pour en devenir un des leaders, acheva de convaincre les East Coast Crips du sérieux et de l’authenticité d’une démarche à propos de laquelle beaucoup émettaient des doutes. S’il suffit à Braulio Castellanos, représentant d’une organisation à la fois crainte et admirée par la plupart des jeunes membres de gangs latinos, d’exprimer sa volonté de voir ce conflit prendre fin pour que l’ensemble des membres de Florencia 13 s’engagent sur la voie d’un cessez-le-feu, la dynamique fut bien différente chez les East Coast Crips. En effet, les gangs africains-américains ne disposant pas de la capacité organisationnelle de « discipliner » leurs jeunes membres, leurs leaders se doivent d’être efficaces et capables de convaincre individuellement les membres clés de leur gang pour entraîner les jeunes dans le mouvement. Il fallut donc toutes les qualités de stratège de Lil Doc, du haut de ses 53 ans, pour convaincre les membres les plus influents de la génération suivante, celle des trentenaires, qui durent à leur tour convaincre les adolescents et les jeunes adultes (les membres les plus actifs) de s’impliquer dans les négociations et, in fine, de respecter le traité de paix. Plusieurs réunions furent nécessaires pour finaliser l’accord et mettre au point les modalités d’un dialogue régulier. Quelques tensions interpersonnelles ont émergé entre membres des deux gangs depuis la conclusion de l’accord, mais, à l’image des mesures prises en prison, chaque camp fait son possible pour qu’elles ne débouchent pas sur la reprise d’un conflit généralisé.
31À peu près au même moment, en novembre 2019, un autre détenu mettait la touche finale à un projet qu’il développait depuis plusieurs mois et dont l’ambition principale était de mettre un terme aux rivalités entre différents gangs du Sud-Ouest de Los Angeles69. Depuis son incarcération dans une prison d’État en 2007, ce détenu âgé d’une trentaine d’années a énormément investi dans son éducation politique par le biais de nombreuses lectures et de discussions avec des détenus plus âgés. Marxiste révolutionnaire revendiqué, capable d’articuler une pensée sophistiquée des dominations classiste et raciste, il s’est dans un premier temps attaché à organiser les détenus latinos dans sa prison afin de réduire les divisions entre Latinos du Nord (Norteños) et Latinos du Sud (Sureños) de la Californie. Il a, à cet effet, organisé un tournoi de handball70 dont les équipes étaient composées de Norteños et de Sureños. Dans la lignée de l’accord de cessation des hostilités rédigé par les représentants du Short Corridor Collective de Pelican Bay, il a également développé un protocole de réduction des tensions destiné à éviter que des conflits interpersonnels ne dérapent en « émeutes raciales ». Son initiative ayant été très bien accueillie par ses codétenus, il a profité d’un transfert temporaire à la prison du Comté de Los Angeles dans le cadre d’un procès en appel en 2018 pour tenter d’y mettre en œuvre ce protocole et de contribuer à la déségrégation des détenus, dans un système carcéral (celui des prisons de Comtés) où les prisonniers sont peu au fait des actions menées dans les prisons d’État. Mais son ambition ultime était d’avoir une influence positive dans la rue, en particulier dans son quartier d’origine. C’est ainsi que, depuis sa cellule située à 700 kilomètres de Los Angeles, il coordonne depuis fin 2019 un programme visant à établir des traités de paix entre les gangs latinos du Sud-Ouest de Los Angeles en permettant aux membres de ces différents gangs de forger des liens d’amitié et de solidarité par le biais d’activités communes comme des cours d’éducation politique ou des séances de sport. Son objectif est de fournir un environnement sûr à des adolescents habituellement rivaux afin, à terme, de discuter de la mise en œuvre d’une paix durable « à visée révolutionnaire ». En ce sens, il s’inscrit dans la lignée des critical gang studies en ne faisant pas de la disparition des gangs un objectif politique. Au contraire, il entend convaincre les adolescents d’intégrer massivement des gangs de rue pour en faire les acteurs d’un changement social bénéfique à la communauté. Depuis l’organisation des premières séances, il a réussi à convaincre des membres de vingt gangs différents (dont de nombreux membres de son gang d’origine) d’intégrer son programme. Et alors que le nombre d’homicides liés aux gangs est reparti à la hausse sur la même période à Los Angeles, aucun homicide impliquant les membres des gangs représentés dans ce programme n’a été comptabilisé depuis plus d’un an.
32Enfin, après s’être assuré de la solidité des traités de paix établis entre les gangs latinos impliqués dans le programme, ce détenu a également permis à des travailleurs africains-américains d’établir des liens entre un gang latino (Inglewood 13) et un gang africain-américain (Neighborhood Pirus) pour discuter des modalités d’une trêve. Les réunions entre les représentants des deux gangs sont fréquentes et donnent pour l’instant des résultats très positifs71.
Pour une prise en compte de l’agentivité des membres de gangs et du potentiel transformatif de leurs actions
33Dans le contexte de stratification socioraciale qui caractérise la société étatsunienne, les Africains-Américains et les Latinos jouissent d’une agentivité restreinte, notamment pour ce qui concerne la teneur de leurs relations mutuelles72. En tant que groupes racisés, ils portent une identité qu’ils n’ont pas choisie et sur laquelle ils n’ont qu’un contrôle limité. Par conséquent, ce sont les Blancs (en tant que groupe social) qui sont les principaux détenteurs du contrôle des relations entre Noirs et Latinos dans la mesure où ils constituent la principale force dans le processus de racisation et de soutien à la hiérarchie raciale établie. Noirs et Latinos sont donc souvent amenés à « régurgiter les structures de domination73 » dans lesquelles ils ont été socialisés. Sans alternative critique, ces groupes reproduisent les structures racistes qui contribuent à leur oppression, en rejouant notamment ce que le politiste John Betancur appelle des « scripts prédéterminés » qui construisent leurs relations comme concurrentielles. Toutefois, dans la mesure où ils prennent conscience de l’existence de ces scripts, ils peuvent prendre leurs distances et reprendre le contrôle de leurs choix. Plus ils exposent le schéma de la domination raciale, plus ils peuvent devenir proactifs. Plus ils remettent en question le script, plus ils peuvent en changer les termes. Dans ce cadre, les gangs de rue ont un rôle important à jouer. Parce qu’ils offrent une alternative (toute limitée et imparfaite qu’elle soit) à la domination vécue par les adolescents marginalisés, les gangs proposent un mode (indirect et parfois inconscient) de résistance au pouvoir74. Mais ce sont plus précisément les luttes contre le capitalisme racial75 qui ont activé de façon très concrète le potentiel politique des gangs en favorisant la conscientisation de leurs jeunes membres. L’analyse, développée dans cet article, des modalités de construction d’une solidarité entre groupes racisés – solidarité basée sur la perception d’une communauté d’oppression et de souffrances – permet ainsi de renforcer l’idée que les gangs ne doivent pas être uniquement pensés comme des symptômes des pathologies sociales qui touchent les territoires paupérisés et marginalisés des métropoles états-uniennes. Au contraire, les gangs sont également des vecteurs potentiels de politisation des jeunes, y compris dans l’agglomération de Los Angeles, où il était traditionnellement convenu de considérer les membres de gangs comme apolitiques.
34On observe en effet depuis quelques mois à Los Angeles l’émergence d’un mouvement impliquant de nombreux membres de gangs. Largement influencées par les nouvelles dynamiques à l’œuvre dans les prisons d’État, les initiatives développées et embrassées par des membres de gangs parfois très jeunes visent à mettre un terme à des conflits meurtriers ayant souvent cours depuis plusieurs décennies. C’est donc à une transformation profonde de leur environnement immédiat qu’aspirent ceux que des pans importants de la recherche en sciences sociales ont traditionnellement considérés, au mieux, comme des victimes passives de l’ordre socioracial établi, au pire comme des monstres irrécupérables. Les résultats entraperçus sur ce front depuis la fin de l’année 2019 tendent à confirmer le caractère potentiellement transformatif de l’agentivité des membres de gangs à une échelle extrêmement localisée. Mais cette résistance à l’ordre établi a souvent engendré des réactions hostiles de la part de la classe gouvernante, notamment à la fin des années 1960 et dans le sillage de la révolte de 199276. Quand bien même la politisation des membres de gangs a historiquement contribué à une diminution sensible de la violence liée aux gangs, les autorités se sont échinées à les considérer comme des menaces pour la sécurité publique plutôt que comme des acteurs clés de l’empowerment de la jeunesse marginalisée. La capacité des gangs à subvertir les structures de domination à plus vaste échelle a donc été largement annihilée par l’action des pouvoirs publics, en particulier de la police et du système judiciaire. S’il est trop tôt pour identifier précisément les implications du mouvement à l’œuvre actuellement à Los Angeles, l’engouement qu’il génère chez les plus anciens mais surtout chez un nombre croissant de jeunes témoigne de la nécessité de ne présumer ni de l’apolitisme des membres de gangs, ni du potentiel des gangs à s’imposer comme des acteurs du changement social.
Bibliographie
Aldrin Philippe, « Préalables », in Laurent Le Gall, Michel Offerlé et François Ploux, La politique sans en avoir l’air. Aspects de la politique informelle, xixe-xxie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 103-115.
Alonso Alex A., « Racialized Identities and the Formation of Black Gangs in Los Angeles », Urban Geography, vol. 25, no 7, 2004, p. 658-674.
Betancur John J., « Critical Considerations and New Challenges in Black-Latino Relations », in John J. Betancur et Cedric Herring, Reinventing Race, Reinventing Racism, Boston, Brill, 2013, p. 23-41.
Blatchford Chris, The Black Hand: The Bloody Rise and Redemption of Boxer Enriquez, a Mexican Mob Killer, New York, Harper, 2008.
Brotherton David C., Youth Street Gangs: a Critical Appraisal, New York, Routledge, 2015.
Brotherton David C. et Barrios Luis, The Almighty Latin King and Queen Nation: Street Politics and the Transformation of a New York City Gang, New York, Columbia University Press, 2004.
Bursik Robert J. Jr. et Grasmick Harold G., « Defining and researching gangs », in Arlen Jr. Egley et al. (dir.), The Modern Gang Reader, New York, Oxford University Press, 3e éd., 2006 p. 2-13.
Camon Alessandro, « The Short Corridor: How the Most Isolated Prisoners in America Took on the System, and Won », Los Angeles Review of Books, 15 mai 2016.
Collombon Maya, « Maras, pandillas et autres outsiders. Pour une ethnographie des gangs latino-américains », Cultures & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 7-37.
Curry G. David, Decker Scott H. et Pyrooz David C., Confronting Gangs: Crime and Community, New York, Oxford University Press, 3e ed., 2014.
Decker Scott, « La tradition ethnographique dans la recherche sur les gangs. Un état de l’art », Cultures & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 39-58.
Diamond Andrew, Mean Streets: Chicago Youth and the Everyday Struggle for Empowerment in the Multiracial City, 1908-1969, Berkeley, University of California Press, 2009.
Felker-Kantor Max, Policing Los Angeles: Race, Resistance, and the Rise of the LAPD, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2018.
Felker-Kantor Max, « Politicizing Youth: Police, Politics, and Gangs in the Late-Twentieth-Century City », Journal of Urban History, vol. 45, no 3, 2019, p. 621-629.
Fernandez Lilia, Brown in the Windy City: Mexicans and Puerto-Ricans in Postwar Chicago, Chicago, The University of Chicago Press, 2012.
Greene Judith et Pranis Kevin, Gang Wars: The Failure of Enforcement Tactics and the Need for Effective Public Safety Practices, Washington, DC, Justice Policy Institute, 2007.
Hayes Rob, « LA fire chief remembers ‘entire blocks on fire’ during 1992 riots », ABC7, 27 avril 2017, [https://abc7.com/la-riots-los-angeles-rodney-king-south/] (erreur en 2025).
Hinton Elizabeth, America on Fire: The Untold History of Police Violence and Black Rebellion Since the 1960s, New York, Liveright, 2021.
Hirschfeld Davis et Chokshi Niraj, « Trump Defends “Animals” Remark, Saying It Referred to MS-13 Gang Members », The New York Times, 17 mai 2018, [https://www.nytimes.com/2018/05/17/us/trump-animals-ms-13-gangs.html].
Johnston David, « Bradley orders probe of statements by Gates: “disparaging” remarks about Blacks, Jews, Latinos to be investigated by police commission », Los Angeles Times, 11 mai 1982.
Klein Malcolm W., The American Street Gang: its Nature, Prevalence and Control, New York, Oxford University Press, 1995.
Klein Malcolm W. et Maxson Cheryl L., « Street gang violence », in Neil A. Weiner et Marvin E. Wolfgang (dir.), Violent Crime, Violent Criminals, Thousand Oaks, Sage Publications, 1989, p. 198-234.
Klein Malcolm W. et Maxson Cheryl L., Street Gang Patterns and Policies, New York, Oxford University Press, 2006.
Lamotte Martin, « Trois études du pouvoir criminel. Actes d’autorité et écriture dans le gang Los Ñetas », Culture & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 99-120.
Lee Bill Lann, « LAPD Notice of Investigation Letter », 8 mai 2000, [https://www.justice.gov/crt/lapd-notice-investigation-letter].
Le Moigne Yohann, Concentration spatiale et relations interraciales : analyse géopolitique des rivalités criminelles et politiques entre Afro-Américains et Latinos dans la ville de Compton (Californie), thèse de doctorat, sous la dir. de Frédérick Douzet, université Paris 8, 2014.
Le Moigne Yohann, « “Where you from?” Le rôle de l’ancrage territorial et de la distance culturelle dans l’augmentation des conflits entre gangs noirs et latinos à Compton, Californie », Revue française d’études américaines, vol. 4, no 149, 2016, p. 159-174.
Le Moigne Yohann, « Les graffitis de gangs comme marqueurs de rapports de force politiques sur le territoire. L’exemple de Compton (Californie) », Urbanités, no 9, 2017, [https://www.revue-urbanites.fr/9-les-graffitis-de-gangs-comme-marqueurs-de-rapports-de-force-politiques-sur-le-territoire-lexemple-de-compton-californie/].
Le Moigne Yohann, « De Watts à Minneapolis, l’“émeute urbaine” comme remise en cause de l’ordre racial », Quaina, no 11, 2023, [https://blogcom.univ-angers.fr/quaina/wp-content/uploads/sites/25/2023/02/Yohann-Le-Moigne.pdf].
Marche Guillaume, « Why Infrapolitics Matters », Revue française d’études américaines, no 131, 2012, p. 3-18.
Mendoza Ramon, Mexican Mafia: the Gang of Gangs. The Life of Ramon “Mundo” Mendoza, Santa Ana, Police and Fire Publishing, 2011.
Miller Walter B., « American Youth Gangs: Past and Present », in Abraham S. Blumberg (dir.), Current Issues in Criminology, New York, Alfred A. Knopf, 1974, p. 210-239.
Miller Walter, Violence by Youth Gangs and Youth Groups as a Crime Problem in Major American Cities, Washington, National Institute for Juvenile Justice and Delinquency Prevention, Office of Juvenile Justice and Delinquency Prevention, Law Enforcement Assistance Administration, U.S. Dept. of Justice, 1975.
Moore Maloy, « Los Angeles riots: remember the 63 people who died », Los Angeles Times, 26 avril 2012.
Morrison Peter A. et Lowry Ira S., « A riot of color: the demographic setting of civil disturbance in Los Angeles », Santa Monica, The RAND Corporation, 1993.
National Geographic, World’s Most Dangerous Gang, 2005.
Pbsp-Shu Short Corridor Collective, « Agreement to End Hostilities », 12 août 2012, [https://ccrjustice.org/sites/default/files/attach/2015/07/Agreement%20to%20End%20Hostilities.pdf].
Pulido Laura, Black, Brown, Yellow and Left: Radical Activism in Los Angeles, Berkeley, University of California Press, 2006.
Quinones Sam, « Gang rivalry grows into race war », Los Angeles Times, 18 octobre 2007.
Quinones Sam, « Race, Real Estate, and the Mexican Mafia: a Report from the Black and Latino Killing Fields », in Josh Kun et Laura Pulido (dir.), Black and Brown in Los Angeles: Beyond Conflict and Coalition, Berkeley, University of California Press, 2014, p. 261-297.
Reiter Keramet, « The Pelican Bay Hunger Strike: Resistance Within the Structural Constraints of a US Supermax Prison », The South Atlantic Quarterly, vol. 113, no 3, 2014, p. 579-611.
Robinson Cedric, Black Marxism: the Making of the Black Radical Tradition, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1983.
Rodgers Dennis, « Pour une “ethnographie délinquante” : vingt ans avec les gangs au Nicaragua », Culture & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 59-76.
Rolland-Diamond Caroline, Black America : Une histoire des luttes pour l’égalité et la justice (xixe-xxie siècle), Paris, La Découverte, 2016.
Sack Robert, Human Territoriality: Its Theory and History, New York, Cambridge University Press, 1987.
Short James F. et Moland John, « Politics and Youth Gangs: a Follow-up Study », The Sociological Quarterly, vol. 17, no 2, 1976, p. 162-179.
Skarbek David, The Social Order of the Underworld: How Prison Gangs Govern the American Penal System, New York, Oxford University Press, 2014.
Soja Edward, Morales Rebecca et Wolff Goetz, « Urban Restructuring: an Analysis of Social and Spatial Change in Los Angeles », Economic Geography, vol. 59, no 2, 1983, p. 195-230.
Stoltze Frank, « Forget the LA Riots – Historic 1992 Watts Gang Truce was the Big News », KPCC, 28 avril 2012, [https://archive.kpcc.org/news/2012/04/28/32221/forget-la-riots-1992-gang-truce-was-big-news/] (erreur en 2025).
Taylor Keeanga-Yamahtta, From #BlackLivesMatter to Black Liberation, Chicago, Haymarket Books, 2016.
Thrasher Frederic, The Gang: A Study of 1,313 gangs in Chicago, Chicago, University of Chicago Press, 1927.
U.S. Attorney’s Office, Central District of California, « Longtime Leader of South Los Angeles Street Gang Found Guilty of RICO Conspiracy, Including Participating in Rival’s Murder », 18 avril 2022, [https://www.justice.gov/usao-cdca/pr/longtime-leader-south-los-angeles-street-gang-found-guilty-rico-conspiracy-including].
U.S. Attorney’s Office, Central District of California, « Longtime Leader of South L.A. Street Gang Sentenced to 35 Years in Federal Prison for Racketeering Activity that Included Murder », 5 août 2022, [https://www.justice.gov/usao-cdca/pr/long-time-leader-south-la-street-gang-sentenced-35-years-federal-prison-racketeering].
Umemoto Karen, The Truce: Lessons from an L.A. Gang War, Ithaca, Cornell University Press, 2006.
Vigil James Diego, Barrio Gangs: Street Life and Identity in Southern California, Austin, University of Texas Press, 1988.
Vigil James Diego, A Rainbow of Gangs, Austin, University of Texas Press, 2002.
Vigil James Diego, The Projects: Gang and Non-Gang Families in East Los Angeles, Austin, University of Texas Press, 2007.
Vigil James Diego, Multiple Marginality and Gangs: Through a Prism Darkly, Londres, Lexington Books, 2020.
Weide Robert D., « The Invisible Hand of the State: A critical Historical Analysis of Prison Gangs in California », The Prison Journal, vol. 100, no 3, 2020, p. 312-331.
Notes de bas de page
1Collombon Maya, « Maras, pandillas et autres outsiders. Pour une ethnographie des gangs latino-américains », Cultures & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 7-37.
2Rodgers Dennis, « Pour une “ethnographie délinquante” : vingt ans avec les gangs au Nicaragua », Culture & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 59-76.
3Ibid., p. 59.
4National Geographic, World’s Most Dangerous Gang, 2005.
5Hirschfeld Davis et Chokshi Niraj, « Trump Defends “Animals” Remark, Saying It Referred to MS-13 Gang Members », The New York Times, 17 mai 2018, [https://www.nytimes.com/2018/05/17/us/trump-animals-ms-13-gangs.html], consulté le 25 novembre 2018.
6Brotherton David C., Youth Street Gangs: a Critical Appraisal, New York, Routledge, 2015.
7Thrasher Frederic, The Gang: A Study of 1,313 gangs in Chicago, Chicago, University of Chicago Press, 1927, p. 46.
8Bursik Robert J. Jr. et Grasmick Harold G., « Defining and researching gangs », in Arlen Jr. Egley et al. (dir.), The Modern Gang Reader, New York, Oxford University Press, 3e éd., 2006, p. 2-13.
9Klein Malcolm W., The American Street Gang: its Nature, Prevalence and Control, New York, Oxford University Press, 1995 ; Curry G. David, Decker Scott H. et Pyrooz David C., Confronting Gangs: Crime and Community, New York, Oxford University Press, 2014.
10Miller Walter, Violence by Youth Gangs and Youth Groups as a Crime Problem in Major American Cities, Washington, National Institute for Juvenile Justice and Delinquency Prevention, Office of Juvenile Justice and Delinquency Prevention, Law Enforcement Assistance Administration, U.S. Dept. of Justice, 1975.
11Sack Robert, Human Territoriality: Its Theory and History, New York, Cambridge University Press, 1987 ; Klein Malcolm W. et Maxson Cheryl L., Street Gang Patterns and Policies, New York, Oxford University Press, 2006.
12Voir Robert J. Bursik Jr. et Harold G. Grasmick, art. cité.
13Voir par exemple Klein Malcolm W. et Maxson Cheryl L., « Street gang violence », in Neil A. Weiner et Marvin E. Wolfgang (dir.), Violent Crime, Violent Criminals, Thousand Oaks, Sage Publications, 1989, p. 198-234.
14Brotherton David C., op. cit., p. 5.
15Ibid.
16Ibid., p. 40.
17Ibid.
18Vigil James Diego, Barrio Gangs: Street Life and Identity in Southern California, Austin, University of Texas Press, 1988 ; Klein Malcolm W., The American Street Gang, op. cit. ; Decker Scott, « La tradition ethnographique dans la recherche sur les gangs. Un état de l’art », Cultures & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 39-58.
19Vigil James Diego, op. cit. ; Klein Malcolm W., The American Street Gang, op. cit., 1995 ; Klein Malcolm W. et Maxson Cheryl L., Street Gang Patterns and Policies, op. cit.
20Ibid. ; Curry G. David, Decker Scott H. et Pyrooz David C., op. cit.
21Greene Judith et Pranis Kevin, Gang Wars: The Failure of Enforcement Tactics and the Need for Effective Public Safety Practices, Washington, DC, Justice Policy Institute, 2007 ; Felker-Kantor Max, « Politicizing Youth: Police, Politics, and Gangs in the Late-Twentieth-Century City », Journal of Urban History, vol. 45, no 3, 2019, p. 621-629.
22Marche Guillaume, « Why Infrapolitics Matters », Revue française d’études américaines, no 131, p. 3-18, Paris, Belin, 2012.
23Aldrin Philippe, « Préalables », in Laurent Le Gall, Michel Offerlé et François Ploux, La politique sans en avoir l’air. Aspects de la politique informelle, xixe-xxie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 103-115.
24Vigil James Diego, A Rainbow of Gangs, Austin, University of Texas Press, 2002. Plus généralement dans le cadre de cet article, j’entendrai par « politique » ce qui relève de la capacité et de la volonté des acteurs à influer sur l’organisation de la société, et notamment sur les relations de pouvoir qui la structurent.
25Miller Walter B., « American Youth Gangs: Past and Present », in Abraham S. Blumberg (dir.), Current Issues in Criminology, New York, Alfred A. Knopf, 1974, p. 210-239.
26Short James F. et Moland John, « Politics and Youth Gangs: a Follow-up Study », The Sociological Quarterly, vol. 17, no 2, 1976, p. 162-179.
27Ibid.
28Voir Diamond Andrew, Mean Streets: Chicago Youth and the Everyday Struggle for Empowerment in the Multiracial City, 1908-1969, Berkeley, University of California Press, 2009 et Fernandez Lilia, Brown in the Windy City: Mexicans and Puerto-Ricans in Postwar Chicago, Chicago, The University of Chicago Press, 2012 pour des précisions historiques sur l’émergence de ces gangs.
29Voir notamment Brotherton David C. et Barrios Luis, The Almighty Latin King and Queen Nation: Street Politics and the Transformation of a New York City Gang, New York, Columbia University Press, 2004, et Lamotte Martin, « Trois études du pouvoir criminel. Actes d’autorité et écriture dans le gang Los Ñetas », Culture & Conflits, no 110-111, été/automne 2018, p. 99-120.
30Vigil James Diego, Multiple Marginality and Gangs: Through a Prism Darkly, Londres, Lexington Books, 2020.
31Pulido Laura, Black, Brown, Yellow and Left: Radical Activism in Los Angeles, Berkeley, University of California Press, 2006.
32Le Moigne Yohann, Concentration spatiale et relations interraciales : analyse géopolitique des rivalités criminelles et politiques entre Afro-Américains et Latinos dans la ville de Compton (Californie), thèse de doctorat, sous la dir. de Frédérick Douzet, université Paris 8, 2014.
33Brotherton David C., op. cit.
34Ibid., p. 63.
35Rolland-Diamond Caroline, Black America : Une histoire des luttes pour l’égalité et la justice (xixe-xxie siècle), Paris, La Découverte, 2016, p. 486.
36Le Moigne Yohann, « De Watts à Minneapolis, l’“émeute urbain” comme remise en cause de l’ordre racial », Quaina, no 11, 2023, [https://blogcom.univ-angers.fr/quaina/wp-content/uploads/sites/25/2023/02/Yohann-Le-Moigne.pdf].
37Taylor Keeanga-Yamahtta, From #BlackLivesMatter to Black Liberation, Chicago, Haymarket Books, 2016.
38Vigil James Diego, A Rainbow of Gangs, op. cit.
39Voir Hinton Elizabeth, America on Fire: The Untold History of Police Violence and Black Rebellion Since the 1960s, New York, Liveright, 2021, pour une analyse des causes et des conséquences de ces soulèvements dans les ghettos noirs.
40Le fondateur de la section locale du Black Panther Party, Alprentice « Bunchy » Carter, était d’ailleurs lui-même un membre respecté du gang des Slausons.
41Alonso Alex A., « Racialized Identities and the Formation of Black Gangs in Los Angeles », Urban Geography, vol. 25, no 7, 2004, p. 658-674.
42Alonso Alex A., art. cité.
43Entre 1978 et 1982, pas moins de 70 000 emplois industriels furent supprimés dans l’agglomération. Environ 75 % de ces disparitions d’emplois furent concentrées dans et autour du ghetto africain-americain (Soja Edward, Morales Rebecca et Wolff Goetz, « Urban Restructuring: an Analysis of Social and Spatial Change in Los Angeles », Economic Geography, vol. 59, no 2, 1983, p. 195-230).
44Sur les 135 centres et programmes sociaux créés dans les années 1960 à Los Angeles pour lutter contre le développement des gangs, il n’en restait plus que cinq à la fin du second mandat de Ronald Reagan, en 1989 (Vigil James Diego, The Projects: Gang and Non-Gang Families in East Los Angeles, Austin, University of Texas Press, 2007).
45Alonso Alex A., art. cité.
46Ibid., p. 668.
47Pour une analyse des conséquences des transformations démographiques et de l’apparition du crack sur les relations entre gangs, voir Le Moigne Yohann, « “Where you from?” Le rôle de l’ancrage territorial et de la distance culturelle dans l’augmentation des conflits entre gangs noirs et latinos à Compton, Californie », Revue française d’études américaines, vol. 4, no 149, 2016, p. 159-174.
48Felker-Kantor Max, Policing Los Angeles: Race, Resistance, and the Rise of the LAPD, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2018.
49Moore Maloy, « Los Angeles riots: remember the 63 people who died », Los Angeles Times, 26 avril 2012.
50Hayes Rob, « LA fire chief remembers ‘entire blocks on fire’ during 1992 riots », ABC7, 27 avril 2017, [https://abc7.com/la-riots-los-angeles-rodney-king-south/] (erreur en 2025), consulté le 28 octobre 2018.
51Plus de la moitié des personnes interpellées durant les événements étaient d’origine mexicaine ou centre-américaine (Morrison Peter A. et Lowry Ira S., « A riot of color: the demographic setting of civil disturbance in Los Angeles », Santa Monica, The RAND Corporation, 1993).
52Des témoignages de participants font état dans plusieurs sources du fait qu’un ancien membre de gang impliqué dans les négociations s’est rendu dans plusieurs bibliothèques universitaires pour rechercher des traités de paix signés sous l’égide de l’ONU afin de s’inspirer de la façon dont ils étaient construits. Stoltze Frank, « Forget the LA Riots – Historic 1992 Watts Gang Truce was the Big News », KPCC, 28 avril 2012, [https://archive.kpcc.org/news/2012/04/28/32221/forget-la-riots-1992-gang-truce-was-big-news/] (erreur en 2025), consulté le 25 novembre 2019.
53Felker-Kantor Max, op. cit., p. 240.
54Le LAPD a de longue date la réputation d’être un département gangrené par la corruption, la violence et le racisme. Par le biais de son syndicat, la Los Angeles Police Protective League, il s’implique massivement dans la politique locale en soutenant financièrement et publiquement les candidats les plus conservateurs, et s’oppose systématiquement depuis au moins les années 1960 aux projets de réformes entendant notamment lutter contre les abus de pouvoir, les violences, le racisme et la corruption (Felker-Kantor Max, op. cit., p. 240). Par ailleurs le LAPD s’est fréquemment retrouvé sous le feu des critiques pour le comportement de ses officiers envers les populations racisées, mais aussi pour le soutien sans faille qui leur était apporté par leur hiérarchie dans ce domaine. Daryl Gates, chef du LAPD de 1978 à 1992, déclara notamment en 1982 que si les Noirs étaient surreprésentés parmi les victimes d’homicides suite à des prises d’étranglement perpétrées par des policiers, c’était peut-être parce que « lorsque ces techniques sont appliquées sur des Noirs, leurs veines et leurs artères ne s’ouvrent pas aussi rapidement que celles des gens normaux » (Johnston David, « Bradley orders probe of statements by Gates: “disparaging” remarks about Blacks, Jews, Latinos to be investigated by police commission », Los Angeles Times, 11 mai 1982). Enfin, à la suite d’un scandale retentissant impliquant plus de 70 officiers de l’unité antigang de la station Rampart pour des faits de meurtre, de corruption, de violences avec armes, de fabrication de preuves, de trafic de drogue ou encore de braquage de banques, le ministère de la Justice conclut en 2000 que le fonctionnement du LAPD était caractérisé par un ensemble de manquements graves violant les 4e et 14e amendements de la Constitution (Lee Bill Lann, « LAPD Notice of Investigation Letter », 8 mai 2000, [https://www.justice.gov/crt/lapd-notice-investigation-letter], consulté le 25 novembre 2019). Il déposa une plainte contre le LAPD, qui aboutit à un accord entre les deux parties dans lequel le LAPD s’engagea à réformer en profondeur son fonctionnement.
55Brotherton David C., op. cit., p. 62-63.
56Weide Robert D., « The Invisible Hand of the State: A critical Historical Analysis of Prison Gangs in California », The Prison Journal, vol. 100, no 3, 2020, p. 312-331.
57Skarbek David, The Social Order of the Underworld: How Prison Gangs Govern the American Penal System, New York, Oxford University Press, 2014.
58Blatchford Chris, The Black Hand: The Bloody Rise and Redemption of Boxer Enriquez, a Mexican Mob Killer, New York, Harper, 2008 ; Skarbek David, op. cit., 2014 ; Weide Robert D., art. cité.
59Camon Alessandro, « The Short Corridor: How the Most Isolated Prisoners in America Took on the System, and Won », Los Angeles Review of Books, 15 mai 2016.
60Reiter Keramet, « The Pelican Bay Hunger Strike: Resistance Within the Structural Constraints of a US Supermax Prison », The South Atlantic Quarterly, vol. 113, no 3, 2014, p. 579-611.
61Pbsp-Shu Short Corridor Collective, « Agreement to End Hostilities », 12 août 2012, [https://ccrjustice.org/sites/default/files/attach/2015/07/Agreement%20to%20End%20Hostilities.pdf], consulté le 25 novembre 2019.
62Entretien téléphonique avec Yafeu Iyapo, un détenu noir incarcéré depuis 1974 qui a pris part aux grèves de la faim ainsi qu’à la mise en place de l’accord. 12 juillet 2019.
63Pour une description détaillée du développement des activités de la Eme dans les rues, voir Blatchford Chris, op. cit. ; et Mendoza Ramon, Mexican Mafia: the Gang of Gangs. The Life of Ramon “Mundo” Mendoza, Santa Ana, Police and Fire Publishing, 2011.
64Les gangs de rue qui refusaient de se soumettre au contrôle de la Eme prenaient le risque de voir leurs membres être ciblés de façon spécifique une fois incarcérés.
65Voir par exemple Umemoto Karen, The Truce: Lessons from an L.A. Gang War, Ithaca, Cornell University Press, 2006 et Le Moigne Yohann, « “Where you from?” », art. cité, pour des analyses sur l’émergence de conflits racialisés à Oakwood et Compton respectivement.
66Quinones Sam, « Gang rivalry grows into race war », Los Angeles Times, 18 octobre 2007 ; Quinones Sam, « Race, Real Estate, and the Mexican Mafia: a Report from the Black and Latino Killing Fields », in Josh Kun et Laura Pulido, Black and Brown in Los Angeles: Beyond Conflict and Coalition, Berkeley, University of California Press, 2014, p. 261-297.
67Quinones Sam, « Gang rivalry grows into race war », art. cité.
68Entretien avec Skipp Townsend en visioconférence, le 21 août 2021.
69Le paragraphe qui suit est le fruit de plusieurs discussions informelles par téléphone et sur les réseaux sociaux avec le détenu en question, qui souhaite garder l’anonymat et ne pas rendre public le travail qu’il effectue à la fois dans et hors de la prison.
70L’équivalent de la pelote basque à main nue. Il s’agit d’un sport très populaire dans les barrios californiens.
71Entretien avec Skipp Townsend, le 21 août 2021.
72Betancur John J., « Critical Considerations and New Challenges in Black-Latino Relations », in John J. Betancur et Cedric Herring, Reinventing Race, Reinventing Racism, Boston, Brill, 2013, p. 23-41.
73Ibid., p. 30.
74Brotherton David C., op. cit.
75Le concept de capitalisme racial, forgé par le politiste Cedric Robinson, présente les processus d’exploitation racialisée et d’accumulation du capital comme coconstitutifs (Robinson Cedric, Black Marxism: the Making of the Black Radical Tradition, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1983).
76Quelques mois après le début des négociations entre Florencia 13 et les East Coast Crips, Lil Doc a été arrêté dans une opération conjointe menée par le FBI et le LAPD, avant d’être mis en examen dans le cadre de la loi fédérale dite « RICO » (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations) qui cible spécifiquement les associations de malfaiteurs en lien avec le crime organisé. Cette loi, votée en 1970 pour lutter contre la mafia, est aussi utilisée depuis les années 1990 pour renforcer les peines prononcées contre les membres de gang. Lil Doc a été reconnu coupable par un jury fédéral en avril 2022 puis condamné à trente-cinq ans de prison en août 2022 (U.S. Attorney’s Office, Central District of California, « Longtime Leader of South Los Angeles Street Gang Found Guilty of RICO Conspiracy, Including Participating in Rival’s Murder », 18 avril 2022, [https://www.justice.gov/usao-cdca/pr/longtime-leader-south-los-angeles-street-gang-found-guilty-rico-conspiracy-including], consulté le 25 novembre 2019 ; U.S. Attorney’s Office, Central District of California, « Longtime Leader of South L.A. Street Gang Sentenced to 35 Years in Federal Prison for Racketeering Activity that Included Murder », 5 août 2022, [https://www.justice.gov/usao-cdca/pr/long-time-leader-south-la-street-gang-sentenced-35-years-federal-prison-racketeering], consulté le 25 novembre 2019). Le fait qu’il ait été arrêté peu de temps après la mise en application du cessez-le-feu, pour des faits datant respectivement de 2003 et 2014, laisse supposer que les institutions judiciaire et policière ont aujourd’hui encore recours à des procédés perfectionnés durant le mouvement pour les droits civiques qui consistent à éloigner durablement les leaders de mouvements dont on pourrait considérer qu’ils sont bénéfiques à la société mais que la police et la justice regardent avec beaucoup de méfiance.
Auteur
-
Yohann Le Moigne
Université d’Angers.
Yohann Le Moigne est maître de conférences en études américaines à l’université d’Angers et membre du laboratoire Langues, littératures, linguistique des universités d’Angers et du Mans (3LAM). Ses recherches portent sur la question ethno-raciale aux États-Unis, en particulier dans les domaines des gangs et de la politique locale.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Premiers Irlandais du Nouveau Monde
Une migration atlantique (1618-1705)
Élodie Peyrol-Kleiber
2016
Régimes nationaux d’altérité
États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950
Paula López Caballero et Christophe Giudicelli (dir.)
2016
Des luttes indiennes au rêve américain
Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis
Alejandra Aquino Moreschi Joani Hocquenghem (trad.)
2014
Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016