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    Plan détaillé Texte intégral Un « bon droit » d’exproprier Gouverner démocratiquement les ressources Biopolitique de la nationalisation Notes de bas de page Auteur

    La nature sous contrat

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    Table des matières

    Vers un éco-pouvoir ouvrier

    Critiques du droit de concession et projets de nationalisation des mines (France, xixe siècle)

    Bastien Cabot

    p. 39-56

    Texte intégral Un « bon droit » d’exproprier Déchéance ou expropriation ? La loi du 17 avril 1838 Sous-sol, citoyenneté et souveraineté Gouverner démocratiquement les ressources Un gouvernement ouvrier des ressources : les « mines aux mineurs » Ressources communes, ressources démocratiques : le cas Jaurès Biopolitique de la nationalisation Une législation insuffisante Le droit à l’épreuve des catastrophes Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Les études récentes en histoire minière ont confirmé que la loi du 21 avril 1810 a consacré la perspective industrialiste en matière de législation minière, en escamotant les prétentions et les contestations des petits propriétaires de la surface, qui soit réclamaient la confusion du sol et du tréfonds, soit se plaignaient des conséquences environnementales de l’extraction minière1. En autorisant l’attribution de concessions perpétuelles, cumulables, et administrées distinctement de la surface, la loi de 1810 autorisait la constitution de vastes entreprises capitalistes et industrielles. En ce sens, Marcel Rouff a montré que les partisans du droit de concession se sont acharnés contre la propriété de la surface et ont défendu un système juridique dérogatoire pour les mines parce qu’ils estimaient que l’émiettement des propriétés souterraines dilapidait les richesses nationales2. Par exemple, le travail de Héron de Villefosse, inspecteur des mines de Westphalie et promoteur de la loi de 1810, rend tout à fait sensible l’idée selon laquelle le devoir du souverain est d’organiser l’économie, de favoriser la valorisation des ressources naturelles, et pour cela d’édicter des lois adaptées à la fois aux caractéristiques physiques des ressources considérées, et à la « nature » des sujets qui les exploitent et les consomment3. C’est pourquoi nous suggérons ici de parler d’éco-politique et éventuellement d’éco-pouvoir, à l’égard des « techniques politiques du milieu » qui définissent la souveraineté moderne4. Dans cette optique, l’éco-politique se manifeste là où le souverain définit un « bon gouvernement » de la nature (valorisation) et des hommes (ordre), là où le mode de gouvernement de la « nature » informe la nature du gouvernement.

    2La loi du 21 avril 1810 correspond ainsi à une éco-politique industrialiste et impériale. Mais, de la même manière que la politique est un champ traversé de tensions sociales, l’éco-politique est traversée de tensions environnementales qui poussent les éco-pouvoirs à se réformer. C’est en outre, comme nous voudrions le montrer ici, le rôle que joue le mouvement ouvrier des mineurs au xixe et au tournant du xxe siècle. En effet, si celui-ci a fait l’objet d’études historiographiques d’ampleur dans les années 1960-1970, qui ont pour l’essentiel insisté sur les déterminations économiques et sociales concourant à l’inscription des mineurs au sein de la « classe ouvrière5 », force est de constater que l’histoire minière connaît aujourd’hui un renouveau important grâce à l’apport des thématiques environnementales6, incitant notamment au croisement de ces deux perspectives. De cette manière, si la critique ouvrière du droit de concession est en large partie inspirée de la conception socialiste de la propriété7, elle est également porteuse d’une conception alternative (et pour partie autonome) du « bon gouvernement » des ressources et des hommes, qu’elle puise dans son désir de démocratie aussi bien que dans l’expérience concrète du travail souterrain et des interactions avec le sous-sol. Mais comment la critique ouvrière du droit minier de 1810 ouvre-t-elle à une nouvelle conception de l’exploitation des ressources naturelles ? Et dans quelle mesure le mouvement ouvrier invente-t-il et légitime-t-il un éco-pouvoir démocratique ?

    Un « bon droit » d’exproprier

    3Le 24 mai 1833, alors que le bassin minier d’Anzin est traversé par l’émeute dite des « quatre sous », le préfet du Nord remarque qu’« on a répandu, parmi les mineurs, une idée singulière : ils sont persuadés que s’ils prolongent dix jours leur inactivité, les mines retourneront au gouvernement, qui leur donnera de meilleurs salaires8 ». Ce n’est certes pas la première fois que des mineurs contestent le droit minier : en revanche, c’est bien la première fois qu’apparaît le spectre d’une « déchéance de concession » motivée par l’arrêt prolongé de l’exploitation, c’est-à-dire d’une expropriation qui permettrait le retour des mines au gouvernement.

    Déchéance ou expropriation ?

    4À supposer que les mineurs d’Anzin aient eu, dès 1833, une connaissance assez intime de la législation, cette prétention semble s’appuyer sur l’article 7 de la loi de 1810. Il dispose que le Conseil d’État

    « donne la propriété perpétuelle de la mine, laquelle est dès lors transmissible comme tous autres biens, et dont on ne peut être exproprié que dans les cas et selon les formes prescrits pour les autres propriétés, conformément au Code Napoléon de procédure civile ».

    5En réalité, celle-ci ne semble pas être en cause dans la prétention des ouvriers mineurs, premièrement, parce qu’elle est très vague sur les spécificités des exploitations minières et, deuxièmement, parce que le droit de concession constitue déjà, à sa manière, une expropriation pour cause d’utilité publique.

    6Cependant, dès 1833, les mineurs d’Anzin font plutôt référence au contenu de l’article 49 de la loi d’avril 1810, qui expose la chose suivante :

    « Si l’exploitation est restreinte ou suspendue, de manière à inquiéter la sûreté publique ou les besoins des consommateurs, les préfets, après avoir entendu les propriétaires, en rendront compte au ministère de l’Intérieur, pour y être pourvu ainsi qu’il appartiendra. »

    7En outre, bien que ce soit la grève en elle-même qui maintienne l’exploitation en arrêt, les mineurs font valoir que c’est de la responsabilité de la Compagnie de remédier à cette suspension d’activité, en consentant à leurs revendications. En cas contraire, si la Compagnie refuse d’écouter les ouvriers, elle se borne à suspendre l’exploitation, et peut donc se voir retirer son permis de concession par le gouvernement qui, lui, saura entendre les revendications de ces derniers. Il y a là une fabuleuse inversion des responsabilités sociales : en outre, du point de vue des mineurs, l’exploitation de charbon ne se réduit pas à la marche du capital d’une compagnie houillère, mais intègre aussi le travail, et sa part de souveraineté dans l’ordre juridique. Ainsi, alors même que les coalitions et syndicats sont proscrits depuis 1791, les mineurs d’Anzin suggèrent la possibilité d’une organisation du travail dans laquelle ils sont souverains pour incriminer la Compagnie, mais également pour décider de l’attribution ou du retrait de la concession.

    La loi du 17 avril 1838

    8Quelques années après la grève d’Anzin, la notion de déchéance fait son retour dans le droit avec la loi du 17 avril 1838 « relative à l’assèchement et à l’exploitation des mines ». Celle-ci établit, dans ses articles 1 à 5, que lorsque plusieurs mines sont atteintes ou menacées d’une inondation de nature à compromettre leur exploitation, le Gouvernement a le droit d’obliger les concessionnaires des mines à « exécuter en commun et à leurs frais les travaux nécessaires pour remédier au mal ou pour en arrêter le progrès ». Son sixième article dispose qu’« à défaut du paiement dans le délai de deux mois à dater de la sommation qui aura été faite, la mine sera réputée abandonnée ; le Ministre pourra prononcer le retrait de la concession, sauf recours au Roi en son Conseil d’État, par la voie contentieuse ». De plus, « à l’expiration du délai de recours, ou, en cas de recours, après notification de l’ordonnance confirmative de la décision du Ministre, il sera procédé publiquement, par voie administrative, à l’adjudication de la mine abandonnée ». Enfin, l’article 10, essentiel pour notre propos, conclut : « Dans tous les cas prévus par l’article 49 de la loi du 21 avril 1810, le retrait de la concession et l’adjudication de la mine ne pourront avoir lieu que suivant les formes prescrites par l’article 6 de la présente loi. » Cela signifie que la loi de 1838 étend la possibilité de déchéance de concession au-delà du seul cas d’inondation des puits, et plus précisément à toutes les situations dans lesquelles la suspension de l’exploitation compromet la sûreté publique ou les besoins des consommateurs. En somme, toutes les fois où les concessionnaires ne seront pas en mesure d’assurer le « bon gouvernement » de la ressource (qu’il s’agisse de pourvoir du charbon à l’industrie ou à la défense, ou qu’il s’agisse d’assurer la consommation nationale), le Gouvernement « a le droit » de prononcer le retrait de la concession.

    Sous-sol, citoyenneté et souveraineté

    9Il faut pourtant attendre un demi-siècle avant de voir ce mécanisme juridique activé par les représentants (corporatifs ou parlementaires) des mineurs. Certes, un bref sursaut a lieu en 1848. En mars, dans le Nord, deux envoyés spéciaux du gouvernement provisoire apportent un décret ordonnant la mise sous séquestre des biens de la Compagnie d’Anzin : décret jamais appliqué, du fait des tractations de Charles Delescluze, lui-même commissaire de Ledru-Rollin, avec les compagnies minières9. En juin, dans la Loire, les mineurs mettent en place une organisation secrète, le Comité Central, congédient les propriétaires et les contremaîtres, et nomment des « présidents de puits » chargés de mettre en marche les exploitations10. Mais l’agitation ouvrière retombe rapidement, et ce fléchissement perdure pendant les deux décennies du Second Empire, au moins jusqu’aux grèves sanglantes de 1869 à La Ricamarie et Aubin11. C’est donc, en partie, l’avènement du régime républicain qui crée des circonstances relativement favorables à l’expression des intérêts des ouvriers mineurs, comme en atteste la création de chambres syndicales : celle de la Loire, créée par Michel Rondet en 1881 ; puis celle du Nord, créée par Émile Basly en 1884, et qui mène l’année de sa création l’importante grève qui inspirera à Zola son Germinal.

    10C’est dans ce contexte que, le 6 mars 1884, Alfred Giard, député de gauche radicale du Nord, interpelle le Gouvernement sur les « mesures qu’[il] compte prendre en présence de la cessation presque complète de l’exploitation des mines » (cessation consécutive à la grève qui a débuté à la mi-février). Giard estime que l’État doit se réserver le droit d’exproprier la Compagnie des mines d’Anzin, non seulement parce que celle-ci déroge aux règles élémentaires de l’exploitation des mines (la « sécurité des ouvriers », la conservation de « la superficie du sol », les « intérêts de la consommation »), mais aussi parce que « la propriété minière est une propriété collective et nationale, appartenant à tous, et que l’exploitation minière est une sorte de fonction publique, et que la collectivité, c’est-à-dire l’État, se réserve toujours le droit d’expropriation12 ».

    11Sans parler encore, devant l’Assemblée, de « nationalisation », Giard en défend implicitement le principe, comme cela apparaît assez clairement dans la proposition de loi qu’il dépose, le 15 mars 1884, avec Émile Brousse :

    « La République, si elle ne veut pas être une étiquette trompeuse, doit remettre les choses à leur place : elle rend à la collectivité ce qui a été ravi à la collectivité ; elle fera bénéficier le pays des produits immenses de l’exploitation minière ; elle prendra cette mesure dans l’intérêt public […] En se conformant au principe d’une indemnisation calculée […] elle évitera tout reproche et fera une opération avantageuse. Elle facilitera la production à bon marché en favorisant l’exploitation par les ouvriers eux-mêmes, ce qui évitera la spéculation. »

    12Les articles de la proposition de loi n’en sont pas moins clairs :

    « Art. 2. Les richesses minières enfermées dans le sous-sol sont la propriété de la nation […] ; art. 5. L’État aura sur toutes les exploitations le droit de surveillance au point de vue de la conservation de la richesse minérale, de la sécurité des ouvriers, de la protection de la surface et des intérêts de la consommation13. »

    13Toutefois, il faut bien souligner le fait que, en 1884, les mineurs ne « parlent » pas le langage de la nationalisation. Ce n’est qu’en 1906, à la suite de la catastrophe de Courrières, que la notion semble réellement avoir pénétré les consciences ouvrières, encore qu’elle soit toute chargée de la dimension « morale » que revêtait également l’injonction à la déchéance. L’atteste ainsi ce télégramme du commissaire lensois de la police spéciale des chemins de fer (fonction créée au début du Second Empire, consacrée au renseignement politique et administratif des préfets), dans lequel nous lisons que les ouvriers

    « apportent tout leur espoir dans les élections législatives, escomptant que la prochaine chambre comptera une majorité socialiste qui saura faire rendre gorge aux Compagnies en amenant le Gouvernement à nationaliser les mines, moyen qui aura pour conséquence le bien être avec des salaires rémunérateurs14 ».

    14L’atteste encore, quelques jours plus tard, la liste des revendications que les ouvriers mineurs de Vermelles déposent, le 1er mai 1906, à la mairie, et qui comprend notamment la « nationalisation des mines, c’est-à-dire le retour à la nation de toutes les mines ». En effet, ajoutent-ils,

    « les arguments en faveur de ce projet abondent quand on voit chaque jour les Compagnies faire en sorte d’augmenter les dividendes des actions, alors que nos salaires sont loin d’être augmentés de même, et aussi quel luxe, quel étalage de richesse s’offre-t-il journellement à nos yeux par la cupidité des compagnies, il est temps que cela cesse, il ne faut pas plus que ceux qui travaillent mangent à peine du pain, et que ceux qui ne font rien se promènent chaque jour en auto15. »

    15Ainsi, en dépit de la progression relativement lente de l’idée de nationalisation au sein de la population ouvrière, il semble qu’en 1833 comme en 1906 les ouvriers mineurs apparaissent sûrs de leur « bon droit », non plus seulement à prononcer la déchéance d’une compagnie concessionnaire, mais également à réclamer sa nationalisation. Toutefois, ce qui change dans le dernier tiers du xixe siècle, c’est que ce « bon droit » n’est plus seulement légitimé par la place qu’occupe le travail dans la valorisation des ressources, mais également par le profond républicanisme des mineurs16. En effet, à partir du moment où la « nation » se considère comme souveraine dans l’ordre politique, elle a, comme le dit Jaurès, toutes les raisons de penser qu’elle peut l’être dans l’ordre économique – et ce d’autant plus lorsque ces deux fonctions se superposent, comme c’est très précisément le cas dans le droit minier. En outre, c’est parce que les mineurs identifient également la propriété du sous-sol et la citoyenneté républicaine à la souveraineté nationale qu’ils estiment juste l’administration des mines par la nation. Plus encore, ce « sens du juste17 » est accru par le caractère anachronique de la loi d’avril 1810 : tour à tour loi « impériale », « monarchique » ou « bourgeoise », les conditions politiques du retour de la République ne la justifient plus guère. Il convient ainsi d’inventer un nouveau gouvernement, républicain et démocratique, des ressources minières. Or, les mineurs se sentent en cela poussés dans l’air du temps par l’obtention récente d’acquis sociaux et professionnels d’envergure : la loi du 8 juillet 1890 sur les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs, qui autorise l’élection de délégués du personnel chargés de veiller à la sécurité et capables d’opposer une contre-expertise ouvrière en cas d’accident18, ainsi que la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail qui, elle, donne droit à une indemnité à la charge du chef d’entreprise en cas d’accident, survenu par le fait ou à l’occasion du travail, inversant ainsi radicalement l’attribution de la responsabilité qui existait jusque-là avec l’application de l’article 1382 du Code civil19.

    Gouverner démocratiquement les ressources

    16Que peut être un gouvernement ouvrier des ressources ? C’est, au fond, la question que posent les critiques du droit de concession qui émanent du mouvement social, et à laquelle essaient de répondre ses protagonistes. À ce titre, la proposition de loi déposée par Giard et Brousse en 1884, énonce quelques principes. Après avoir rappelé les obligations de l’État à l’égard des richesses souterraines, les députés préconisent une mesure d’expropriation devant donner lieu à une « exploitation » qui « sera concédée par la voie de l’adjudication, par parcelles et pour un temps déterminé », ce qui rompt nettement avec le caractère perpétuel et transmissible des concessions institué par la loi de 1810. Par ailleurs, une fois les « concessions déjà accordées » ayant fait leur retour à la nation, et une indemnité ayant été versée aux anciens propriétaires, les nouveaux adjudicataires doivent « pratiquer le système de la participation aux bénéfices pour tous les travailleurs qu’ils emploieront20 ». Fondamentalement, l’un des points centraux des revendications ouvrières est donc le partage des richesses dégagées par l’extraction minière, qui recouvre aussi bien le langage de la lutte contre les capitalistes que celui, plus ancien, de la lutte contre les accapareurs de subsistances.

    Un gouvernement ouvrier des ressources : les « mines aux mineurs »

    17Cette superposition du républicanisme avec le socialisme de la modernité industrielle est notamment perceptible dans les expériences coopératives de « mines aux mineurs » qui ont lieu dans le bassin houiller de la Loire, dans les années 1880-1890, en écho à d’anciennes pratiques collectives minières21. Fait notable, les mines de Rive-de-Gier ont connu d’importants épisodes de révolte contre les systèmes concessionnaires, instaurés en 1744 et 1791, épisodes dont on peut supposer que le souvenir n’est pas absent aux ouvriers de la fin du xixe siècle. Ainsi, lorsqu’en juillet 1886 le concessionnaire du puits Saint-Barbe laisse ses galeries se remplir d’eau, faute de moyens pour installer des pompes d’exhaure, les mineurs réclament immédiatement la déchéance de la Compagnie. C’est dans ce contexte qu’a lieu l’intervention cruciale de Francis Laur, ingénieur formé à l’École des mines de Saint-Étienne et député républicain de la Loire en 1885-1890. Celui-ci souhaite orienter la contestation vers la mise en place d’un modèle coopératif, et, lors d’une réunion de la Chambre syndicale des mineurs de Rive-de-Gier, le 11 août 1886, il déclare :

    « Le syndicat des mineurs demande […] immédiatement la déchéance de la compagnie pour ses fruits selon la loi de 1838, au nom et dans l’intérêt de la République, de l’honneur national et de l’industrie. Le syndicat demande la mise en activité par les mineurs syndiqués. »

    18Puis, il ajoute :

    « Pour moi ce sera un honneur d’avoir résolu cette question qui est grave, car elle vous élève : plus de maîtres, libres de travailler 7, 8 et 9 heures si vous le jugez convenable, libres de vous organiser, d’agir comme des hommes et non comme des machines22. »

    19Lucide, le commissaire spécial de Saint-Étienne note discrètement, de son côté, qu’il s’agit là de « la mise en pratique de la théorie “la mine aux mineurs”, théorie qui va sans doute provoquer d’amères déceptions aux pauvres mineurs de Rive-de-Gier23 ».

    20Cette réunion aboutit à la rédaction d’une pétition adressée au préfet de la Loire, dans laquelle le secrétaire de la Chambre syndicale demande :

    « 1) Qu’il soit fait constatation de l’état d’abandon des concessions […] ; 2) Qu’il soit donné acte au syndicat de demander la déchéance de la société anonyme des houillères de Rive-de-Gier, propriétaire de ces concessions ; 3) Que ces mines lui soient rétrocédées pour les exploiter. »

    21La procédure de déchéance n’aboutit pas car, au point de vue juridique, elle n’a pas lieu d’être. C’est finalement l’abandon de la mine par le propriétaire qui ouvre à une mise en vente aux enchères publiques, et celle-ci est remportée par la Chambre syndicale. Ainsi, le 2 septembre 1886, le concessionnaire adresse une lettre à Francis Laur pour l’informer que le conseil d’administration de cette société consent à abandonner la propriété de douze concessions en faveur du syndicat des mineurs de Rive-de-Gier24. Pour quelle raison ? Essentiellement, selon le commissaire de police de Rive-de-Gier, parce que l’exploitation de ces concessions est « ruineuse pour elle », tandis que « les ouvriers mineurs pourraient poursuivre avec quelques profits le glanage de quelques parcelles25 ».

    22Ainsi, la mine est mise en exploitation par les mineurs dès le mois de septembre 1886, selon une forme juridique qui n’est pas renseignée dans les archives avant le 29 mai 1889, date à laquelle nous trouvons trace des statuts de la « Société anonyme civile des mineurs du Gier26 ». Ces statuts, sous-titrés « Contrat social des ouvriers mineurs », précisent les modalités de gouvernement des ressources minérales : l’avoir social de la société anonyme se constitue des douze concessions récupérées, la propriété de ces concessions ainsi que de l’outillage présent et à venir est collective, il n’y a plus de titres ni d’actions, enfin « la jouissance et les fruits » des concessions « appartiennent à l’association et à tous les membres au prorata de leur travail ». Ils édictent par ailleurs le fait que « nul ne pourra faire partie de l’association […] s’il n’est ouvrier mineur », tandis que les articles 22 à 25 énoncent l’interdiction de frapper les ouvriers d’amendes, de travailler plus de dix heures par jour, ou encore de porter les affaires contentieuses devant les tribunaux… autant de signes de rupture avec les dispositifs vexatoires en usage dans les exploitations minières, et d’affirmation d’une morale ouvrière du travail. Mais les difficultés s’amoncellent dès le début : les galeries sont encore pour la plupart inondées ou obstruées et, pour l’essentiel, les mineurs se contentent de glaner ou de « gratter » les couches de charbon affleurantes. Dès le 27 octobre 1886, le commissaire de police de Rive-de-Gier constate : « Le mécontentement est général, tout s’écroule, la mine aux mineurs a vécu. On ne tire plus de charbon à Lorette, et les mineurs se découragent27 ». La société est finalement liquidée le 2 décembre 1891.

    23Lorsqu’une seconde expérience de mine aux mineurs voit le jour à Monthieux (actuels faubourgs de Saint-Étienne) en mai 1891, l’administration se veut toujours démocratique mais l’organisation financière cherche plus de clarté. La « Société stéphanoise de la Mine aux mineurs » est une société anonyme à capital et à personnel variables, avec un capital de départ de soixante mille francs divisés en six cents actions de cent francs chacune, réparties entre les fondateurs de la Société, lesquels ne peuvent posséder plus d’une action28. Ces statuts visent ainsi à rompre avec la logique de spéculation des compagnies capitalistes, en favorisant un actionnariat ouvrier et égalitaire. Mais, malgré ce système, et en dépit de la levée de fonds organisée par le publiciste du Petit Journal, Hippolyte-Auguste Marinoni29, l’affaire se délite rapidement du fait de tensions internes : à l’hiver 1892, le conseil d’administration souhaite répartir les 600 actions entre ses seuls membres, tandis que le conseil syndical réclame que les actions soient réparties entre mineurs syndiqués. Après à peine plus d’une année d’existence, la mine aux mineurs de Monthieux paraît céder sous le poids des dissensions internes. Ainsi, le 4 juillet 1892, l’ingénieur sociétaire Payen écrit, à la veille de sa démission :

    « Les difficultés qui se produisent constamment entre les sociétaires et le conseil d’administration de la Mine aux mineurs, pouvant amener de graves conflits au point de compromettre la sécurité des travailleurs à l’intérieur du puits Marinoni, il convient de prendre des mesures pour éviter tout danger à cet égard30. »

    24Les multiples changements de conseil d’administration n’y font rien et, si l’aventure dure jusqu’en décembre 1908, la liquidation de la société a lieu dans le plus grand silence au printemps 1909.

    25Malgré leurs échecs, les expériences coopératives des mines aux mineurs de la Loire attestent l’existence d’un faisceau de réflexions autour d’un gouvernement ouvrier des mines. Nous le voyons, ces réflexions ne concernent pas vraiment l’administration de la ressource en elle-même, puisque le choix du glanage, par exemple, résulte davantage du manque de moyens que d’une réelle préoccupation autour de la durabilité de l’exploitation. En revanche, les ouvriers des « mines aux mineurs » expérimentent des modalités d’administration des ressources financières et du personnel qui engagent une réelle rupture avec les pratiques capitalistes de la loi d’avril 1810. En effet, si celle-ci n’est pas abolie, les statuts des sociétés anonymes essaient néanmoins de contourner les problèmes liés à la concentration du capital et à l’anonymat des pratiques financières, par un actionnariat ouvrier qui préfigure le « démocratisme industriel » des décennies 1890-1900.

    Ressources communes, ressources démocratiques : le cas Jaurès

    26La gouvernementalité socialiste qui s’élabore au cours des années 1890-1900 tâche, dans la mesure du possible, de concilier le caractère « commun » des ressources naturelles avec une organisation démocratique (voire communiste) de la vie politique et industrielle. Cela est particulièrement bien perceptible dans l’exposé des motifs qui précède la proposition de loi déposée par Émile Basly le 12 juin 1906, où le député-mineur déclare :

    « Il n’est pas contestable que les richesses enfouies dans le sous-sol doivent être propriété publique, indivise et commune, propriété d’État. Elles n’ont été produites par personne : ce fonds est un don gratuit de la nature ; il n’est le résultat d’aucun travail humain. C’est un trésor qui s’est formé grâce à l’action séculaire des forces naturelles ; il appartient donc à tous. L’État représentant l’intérêt collectif des générations actuelles et des générations futures peut seul être considéré comme le propriétaire de ces richesses31. »

    27Ainsi, c’est en ce sens que nous pouvons parler de « démocratie industrielle » pour désigner la symétrie que le mouvement ouvrier met en place, entre d’un côté l’administration des choses et de l’autre le gouvernement des hommes32.

    28De ce point de vue, si les expériences coopératives de mines aux mineurs constituent des formes de gouvernement ouvrier hic et nunc des ressources, du capital et des hommes, il s’agit néanmoins d’expériences marginales, comparativement à l’action législative que déploient les leaders socialistes pendant la période, et en particulier celle de Jean Jaurès. Son intervention la plus notable a lieu le 19 mai 1894, lorsque celui-ci dépose une proposition de loi « ayant pour objet de restituer à la nation et aux travailleurs la propriété des mines33 ». Ce texte, qui a été élaboré en partie pour répondre à la grave grève des mineurs du Pas-de-Calais de l’hiver 1893, est également à inscrire dans le contexte plus large d’une réflexion sur les formes du gouvernement à venir, réflexion qui sera poursuivie en 1895-1896 dans les articles sur l’« Organisation socialiste » de la société qui paraissent dans la Revue socialiste. Ainsi, cette double ambition apparaît bien dans l’exposé des motifs, où nous lisons : « il est du devoir du Parti Socialiste de proposer en cette question », savoir celle de la réforme du régime de la propriété des mines, « la solution décisive conforme à ses principes. Elle se ramène à deux points : 1) L’expropriation de l’oligarchie capitaliste qui détient les mines ; 2) L’organisation d’un nouveau mode de la production qui assure à la nation la propriété de la mine, aux travailleurs l’indépendance et la juste rémunération de leur travail34 ».

    29Au point de vue de l’organisation concrète, c’est-à-dire au point de vue du gouvernement ouvrier des ressources, la proposition de Jaurès est bien plus élaborée que les précédentes. En outre, il recommande que les mines, une fois nationalisées, soient administrées par un « conseil supérieur central », constitué pour un tiers « de délégués élus des travailleurs de la mine : ingénieurs, comptables et ouvriers » ; « pour un tiers de délégués élus des syndicats ouvriers et paysans » ; « pour un tiers de représentants de l’État ». Par ailleurs, il envisage la création de régions minières, dont chacune serait administrée, « sous le contrôle et l’autorité du conseil central, par un conseil régional composé exclusivement de travailleurs de la mine élus ». Enfin, le produit de l’exploitation minière serait destiné à assurer le paiement des mineurs, à « constituer un fonds destinés à assurer le renouvellement de l’outillage, le progrès de la production », « à constituer aux travailleurs de la mine une pension de retraite, des indemnités en cas d’accident, des secours en cas de maladie », « à constituer pour les travailleurs des autres industries et pour les ouvriers agricoles un fonds annuel destiné à parer aux périodes de chômage », enfin « à répartir entre tous les travailleurs de la mine un complément de rémunération35 ». Il s’agit ainsi d’une nationalisation au plein sens du terme dans la mesure où, contrairement aux expériences passées de la Loire, Jaurès ne se contente pas de prôner l’auto-administration des mines par les mineurs eux-mêmes, mais il s’attache à faire du sous-sol un bien commun pour l’ensemble de la nation, qui a dès lors la charge de son administration, même si une part évidente de pouvoir revient aux mineurs.

    30Fondamentalement, il s’agit de bâtir une solidarité matérielle – voire géologique – à l’échelle de la nation, comme cela apparaît très bien dans le quatrième article que Jaurès rédige pour la Revue socialiste, où il précise sa conception de la rémunération des travailleurs dans le futur État socialiste :

    « il est évident qu’il y a des mines beaucoup plus riches que d’autres ; le charbon y est de qualité supérieure et il en est beaucoup plus facilement extrait. Aussi donnent-elles d’amples dividendes tandis que d’autres, où un maigre charbon est péniblement extrait, sont toujours comme à la limite de la ruine. Si nous abandonnions aux différents groupes d’ouvriers le produit brut des mines exploitées par eux, nous favoriserions les uns aux dépens des autres ».

    31Sont ainsi visées ici les « mines aux mineurs » qui, si « elles peuvent familiariser certains travailleurs avec l’association et la République industrielle », ne constituent pas pour autant la véritable « solution socialiste ». Celle-ci, poursuit Jaurès,

    « c’est la mine à la nation : non pas pour que la nation exploite administrativement toutes les richesses minérales, mais pour qu’elle délègue à des groupements de travailleurs, sous des conditions définies, qui maintiennent entre tous la juste égalité. Ainsi, quelle que soit la puissance calorifique et la valeur marchande de ce charbon, le mineur recevra partout, que ce soit à Anzin, à Decazeville ou à Bessèges, une rémunération calculée sur le nombre d’heures de travail normalement employées à l’extraction36 ».

    32La nationalisation jaurésienne n’est donc ni une auto-administration (coopérative et locale), ni une « étatisation » car, « que les travailleurs peinent pour l’État, les départements, les communes ou les particuliers, c’est toujours la même chose : que le patron s’appelle État ou Schneider, c’est toujours la même dépendance et la même misère37 ». Il s’agit bel et bien d’instaurer un gouvernement républicain et socialiste des ressources, qui remplisse la double promesse de l’égalité politique et économique portée par la modernité38.

    Biopolitique de la nationalisation

    33Hormis chez Jaurès, dont la pensée repose sur une solution globale alignant les problèmes de souveraineté et d’exploitation à l’échelle du pays, la plupart des demandes de déchéance des compagnies minières prennent appui sur un motif d’incapacité des concessionnaires à exploiter correctement la ressource, et mobilisent pour cela l’article 49 de la loi du 21 avril 1810. Néanmoins, à l’intérieur de cette éco-politique ouvrière, la question de la sécurité et du respect de l’intégrité des corps laborieux occupe une place tout aussi importante que le bon gouvernement des ressources. Elle peut même en certaines occasions, constituer un motif (moral, mais non juridique) de déchéance, et finalement faire coïncider l’horizon de la nationalisation avec celui de l’amélioration de la sécurité des ouvriers.

    Une législation insuffisante

    34Pour comprendre cette articulation, il faut revenir au contenu de la loi du 21 avril 1810. Celle-ci, au fond, ne se montre guère diserte sur le problème de la sécurité des mineurs. Seul l’article 50 prévoit que « si l’exploitation compromet la sûreté publique, la conservation des puits, la solidité des travaux, la sûreté des ouvriers mineurs ou des habitations de la surface, il y sera pourvu par le préfet, ainsi qu’il est pratiqué en matière de grande voierie ». Il faut que survienne la catastrophe de Beaujonc, le 28 février 1812, pour que le ministre des Affaires Extérieures Jean-Baptiste de Nompère de Champagny suggère à l’empereur d’édicter un décret spécifique à l’égard de la sécurité des ouvriers. Les trente-deux articles du décret de janvier 1813 précisent les modalités par lesquelles la déclaration d’un accident doit s’effectuer, les précautions auxquelles sont tenus les exploitations et les moyens de secours qu’ils doivent mettre en place, et émet enfin des mesures de police du personnel, parmi lesquelles l’interdiction du travail des enfants de moins de dix ans (article 29).

    35Pourtant, en dépit de la promulgation de ce décret, la loi du 21 avril 1810 est perçue par les ouvriers comme étant fondamentalement hostile à leur intégrité biologique, puisqu’elle n’empêche nullement les concessionnaires de favoriser les profits engendrés par l’exploitation en lieu et place de leur sécurité. Cela est particulièrement bien perceptible lors de l’intervention parlementaire de mars 1884, visant la déchéance de la Compagnie d’Anzin. En effet, la Compagnie, qui affronte une baisse des prix dès l’année 1882, songe à alléger le coût de la main-d’œuvre en licenciant le personnel affecté à l’entretien des boisages et des galeries (les raccommodeurs), laissant ainsi les abatteurs se charger de cette tâche (moyennant une prime négociée en amont39). Ces mutations sont ainsi rappelées par Alfred Giard, qui fait remarquer à la Chambre à quel point elles accroissent l’exposition des abatteurs aux risques. En effet, ces derniers sont déjà, en temps normal,

    « anémiés, chétifs, couchés sur le côté, pendant dix heures par jour, dans des veines qui ont parfois 70 centimètres de hauteur, le corps plongé dans la boue, exposés aux éboulements, respirant un air méphitique, souffrant de maladies spéciales, et tourmentés par des parasites spéciaux à ce genre de vie dans l’obscurité40 ».

    36Mais désormais, « la compagnie d’Anzin, sans se soucier en aucune façon des risques qu’elle fait courir à ses ouvriers, néglige de faire les remblais nécessaires », car ceux-ci sont remplacés

    « par ce que les ouvriers mineurs appellent dans leur langage pittoresque des “voleurs”, c’est-à-dire que au lieu de remblayer complètement les excavations d’où on a extrait le charbon, on se contente de faire un petit mur de soutènement derrière lequel on laisse des vides plus ou moins grands qui deviennent ainsi de véritables poches à grisou ».

    37Or, cette incapacité à assurer la sécurité justifie l’intervention de l’État « au point de vue de la sécurité des ouvriers », et tend même à justifier la déchéance de la Compagnie, qui déroge au respect de l’article 50 de la loi d’avril 1810 et au décret de janvier 1813.

    Le droit à l’épreuve des catastrophes

    38Toutefois, si l’exposition (disons, régulière) au risque est un facteur de contestation de la loi de 1810, les catastrophes le sont d’autant plus qu’elles constituent bien ce que Marc Élie et Fabien Locher appellent des « crash-test » pour les conceptions dominantes de la propriété41. En particulier, la catastrophe de Courrières produit des effets durables sur la perception du droit de concession et de ses failles. En effet, dès le lendemain de l’explosion du 10 mars 1906, qui fait 1 099 morts, l’accusation portée contre la loi de 1810 est immédiate. À la Chambre des députés, le 3 avril, le député des mineurs Émile Basly prévient le ministre des Travaux Publics, Louis Barthou, que si l’enquête parlementaire établit la responsabilité de la Compagnie de Courrières dans la catastrophe, alors celui-ci sera sommé d’appliquer l’article 49 de la loi du 21 avril 1810, qui « vise la déchéance de la Compagnie42 ». Le même jour, Jean Jaurès estime qu’il n’y a qu’une seule sanction à infliger aux compagnies concessionnaires,

    « c’est de leur apprendre que, lorsqu’elles auront manqué, par appétit du lucre, aux soucis et aux obligations élémentaires d’humanité, lorsqu’elles ont, pendant des années, fermé les yeux, fermé l’oreille aux avertissements […] quand elles ont créé elles-mêmes les conditions de mort, quand elles sont devenues incapables de gérer, incapables d’administrer le domaine que la nation leur a remis […] c’est la nation elle-même qui reprendre en main la gestion, l’administration de ce domaine ».

    39Plus tard, le 12 juin 1906, dans la proposition de loi « tendant à annexer au domaine public les concessions minières » que dépose Émile Basly, la nationalisation apparaît en tant que telle comme un dispositif de protection sociale et sanitaire, puisqu’« il n’est plus seulement question de retour à la propriété nationale des richesses souterraines concédées à une catégorie d’hommes privilégiés, mais bien d’assistance et d’humanité43 ». En effet,

    « “les compagnies minières ont réalisé de tout temps des bénéfices scandaleux, au mépris des lois les plus élémentaires d’hygiène et de sécurité des ouvriers ; elles se sont insurgées contre les lois que vous avez faites pour protéger l’ouvrier mineur [qui], exploité jusqu’à la mort, [a désormais] besoin d’être protégé, et il ne peut l’être que par l’État parce que les exploitants actuels n’ont qu’un but : produire et produire toujours plus au risque de provoquer des hécatombes humaines, comme celle qui vient de mettre le pays en deuil” ».

    40Même symétrie, entre le gouvernement démocratique des mines et l’intégrité biologique des ouvriers, dans l’intervention du délégué français Charles Choquet au Congrès international des mineurs de Londres en 1911 : « Dans l’exploitation du sous-sol, avec l’ardent désir d’obtenir des bénéfices, beaucoup de négligences sont commises et, conclusions, de terribles et épouvantables catastrophes s’ensuivent. » Ainsi la catastrophe de Courrières aurait-elle pu être évitée « si les rapports, envoyés avant l’accident, par les ouvriers inspecteurs, avaient été pris en considération. D’autres encore auraient pu être évitées si les mines, au lieu d’être exploitées pour le bénéfice privé, l’étaient dans l’intérêt de la nation44 ».

    41Différente de l’organisation morale du travail qui point dans les réclamations de déchéance, ou du gouvernement ouvrier des ressources qui s’élabore dans les années 1890, la signification de la critique du droit de concession et de la nationalisation après la catastrophe de Courrières évolue dans un sens nettement biopolitique, influencée en cela par les conséquences des lois de 1890 sur les délégués mineurs et de 1898 sur les accidents du travail45. Nous voyons trois raisons à cela. Premièrement, au point de vue moral, il y a bien évidemment la force du traumatisme, qui transmue la volonté de justice en lutte contre la mort, et le communisme en révolte des corps. « Ce qui est terrible », écrit Jaurès dans L’Humanité le 11 mars 1906,

    « c’est de se dire, devant ces morts, que la société n’a pas été juste pour eux, qu’elle n’a pas respecté et glorifié en eux la dignité de la vie, qu’elle les a laissés à l’état de salariés, c’est-à-dire dans une condition inférieure. Ils ont disparu avant d’avoir connu de degré plus haut de vie matérielle et morale que l’organisation communiste assurerait à tous46 ».

    42Deuxièmement, au point de vue juridique, le mouvement ouvrier accuse nettement les compagnies concessionnaires de ne pas respecter les règles de protection des ouvriers auxquels elles sont soumises (loi du 21 avril 1810, décret du 3 janvier 1813, loi du 9 avril 1898), ce qui tend à justifier leur reprise par l’État. Mais, troisièmement, cet appel à l’État a une signification plus profonde, puisque la nationalisation représente une sorte de biopolitique par le bas, une volonté d’endosser démocratiquement les habits du souverain, afin d’assurer l’une de ses fonctions essentielles : la protection des populations face aux risques.

    43Ainsi, au cours du xixe siècle, le mouvement ouvrier semble définir une nouvelle symétrie écopolitique : le droit de concession est associé à un gouvernement inique des ressources communes et à une thanato-politique, tandis que la nationalisation fait entrer la nature en démocratie et réaffirme le droit à la vie du peuple souverain. En outre, la catastrophe de Courrières remet au premier plan la question de la souveraineté, en déplaçant celle-ci non pas seulement du côté du gouvernement des ressources (communes, car souterraines), mais aussi du côté du gouvernement des corps du peuple (dont les mineurs sont les représentants). Autrement dit, la nationalisation sonne, in fine, la fin du régime d’exception consacré par la loi de 1810. Fin d’une spoliation, dit Jaurès, mais également fin des dérogations à la loi, car celle-ci émane désormais d’un peuple souverain qui, dans le même temps, reprend ses droits sur deux biens communs fondamentaux : les ressources naturelles et la vie humaine.

    Notes de bas de page

    1Le Roux Thomas, « Mines et environnement en France, 1740-1820. Le filon des concessions », Annales historiques de la Révolution française, vol. 399, 2020/1, p. 39-67.

    2Rouff Marcel, Les mines de charbon en France au xviiie siècle, 1744-1791, Paris, Rieder, 1922.

    3Héron de Villefosse Antoine Marie, De la richesse minérale. Considérations sur les mines, usines et salines des différens états, et particulièrement du royaume de Westphalie, pris pour terme de comparaison, Paris, Imprimerie Levrault, 1810.

    4Neyrat Frédéric, Biopolitique des catastrophes, Paris, Éditions MF, 2008 ; Lascoumes Pierre, L’éco-pouvoir. Environnements et politiques, Paris, La Découverte, 1994.

    5« La mine et les mineurs », numéro spécial Le Mouvement social, no 43, 1963 ; Trempé Rolande, Les mineurs de Carmaux, 1848-1914, Paris, Éditions ouvrières, 1971 ; Gillet Marcel, Les charbonnages du Nord de la France au xixe siècle, Paris/La Haye, Mouton/EPHE, 1973 ; Michel Joël, Le mouvement ouvrier chez les mineurs d’Europe occidentale (Grande-Bretagne, Belgique, France, Allemagne). Étude comparative des années 1880 à 1914, thèse, université de Lyon, 1987.

    6Montrie Chad, Making a Living. Work and Environment in the United States, Chapel Hill/Londres, University of North Carolina Press, 2008 ; Andrews Thomas G., Killing for Coal. America’s Deadliest Labor War, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2008 ; Rainhorn Judith, Santé et travail à la mine, xixe-xxie siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014 ; Troch Kévin, « Ne pas grever l’avenir au bénéfice du présent ». Une histoire environnementale de l’extraction du charbon de la fin du xviiie siècle à l’entre-deux-guerres : un développement non soutenable. L’exemple du Couchant de Mons et du Valenciennois, thèse, université Lille III, 2018.

    7Machelon Jean-Pierre, « L’idée de nationalisation en France de 1840 à 1914 », in Bruguière Michel et al. (dir.), Administration et contrôle de l’économie, 1800-1914, Genève, Droz, 1985, p. 1-46 ; Robert Jean-Louis, « Une idée qui vient de loin. Les nationalisations dans l’histoire du mouvement ouvrier français, 1895-1939 », in Andrieu Claire et al. (dir.), Les nationalisations de la Libération. De l’utopie au compromis, Paris, Fondation nationale des sciences politiques, 1987, p. 19-39.

    8Guignet Philippe, « L’émeute des quatre sous, ou les voies de la protestation sociale à Anzin (mai 1833) », Revue du Nord, no 219, t. 55, 1973, p. 347-364, ici p. 353.

    9Gillet Marcel, « Aspects de la crise de 1846-1851 dans le bassin houiller du Nord », Revue du Nord, t. 38, no 149, 1956, p. 15-27, ici p. 25.

    10Guillaume Pierre, « Grèves et organisations ouvrières chez les mineurs de la Loire au milieu du xixe siècle », Le Mouvement social, no 43, 1963, p. 5-18, ici p. 14.

    11L’huillier Fernand, La lutte ouvrière à la fin du Second Empire, Paris, Librairie Armand Colin, 1957.

    12Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 6 mars 1884, p. 649-661.

    13Journal officiel de la République française. Documents parlementaires, annexe no 2705, séance du 15 mars 1884 : « Proposition de loi relative au régime des mines, présentée par MM. Brousse et Giard, députés (renvoyée à la Commission des mines) », p. 588.

    14Archives départementales du Pas-de-Calais (AD 62), M1796 : « Grève générale des mineurs, 1906 », télégramme du commissaire spécial de Lens au ministre de l’Intérieur, 25 avril 1906.

    15AD 62, M1796 : lettre de la mairie de Vermelles au sous-préfet de Béthune, 3 mai 1906.

    16Trempé Rolande, « Le réformisme des mineurs français à la fin du xixe siècle », Le Mouvement social, no 65, 1968, p. 93-107 ; Fontaine Marion, « Mineurs français et britanniques. Un réformisme syndical ? », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, no 30, 2012/1, p. 73-88.

    17Cottereau Alain, « Sens du juste et usages du droit du travail : une évolution contrastée entre la France et la Grande-Bretagne au xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, no 33, 2006, p. 101-120.

    18Debrabant François-Xavier, Les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs dans les houillères du Nord-Pas-de-Calais (1890-1939), mémoire de DEA, université Strasbourg III, 1995.

    19Ewald François, L’État-providence, Paris, Grasset, 1986.

    20Journal officiel de la République française. Documents parlementaire, annexe no 2705, séance du 15 mars 1884 : « Proposition de loi relative au régime des mines, présentée par MM. Brousse et Giard, députés (renvoyée à la Commission des mines) », p. 588.

    21Garmy René, La « Mine aux Mineurs » de Rancié (1789-1848), Paris, Domat-Montchrestien, Collection d’histoire sociale, 1943.

    22Archives départementales de la Loire (AD 42), 10M503 : Lettre du commissaire de police au préfet de la Loire, 11 août 1886.

    23AD 42, 10M503 : Lettre du commissaire spécial de Saint-Étienne au préfet de la Loire, 11 août 1886.

    24AD 42, 8S144 : Rapport de l’ingénieur ordinaire des mines au ministre des Travaux Publics, 20 octobre 1886.

    25AD 42, 8S144 : Lettre du commissaire de police de Rive-de-Gier au préfet de la Loire, 14 octobre 1886.

    26AD 42, 10M503 : Société anonyme civile des mineurs du Gier. Contrat social des ouvriers mineurs de Rive-de-Gier.

    27AD 42, 10M503 : Lettre du commissaire de police de Rive-de-Gier au préfet de la Loire, 27 octobre 1886.

    28AD 42, 10M504 : Houillères de Monthieux, Société stéphanoise de la Mine aux mineurs. Société anonyme française à capital et personnel variables. Statuts, Saint-Étienne, Imprimerie Urbain Balay, 1891.

    29Le Petit Journal, numéros du 14 juin 1891 au 7 février 1892.

    30AD 42, 10M504 : Lettre du commissaire spécial de Saint-Étienne au préfet de la Loire, 4 juillet 1892. Le commissaire rapporte le contenu d’une affiche apposée par Payen aux abords de la mine.

    31Archives nationales (AN), C7404 : annexe no 31 au procès-verbal de la séance du 12 juin 1906, « Proposition de loi tendant à annexer au domaine public les concessions minières cédées antérieurement ou portions de concessions non encore exploitées, ainsi que les mines concédées et exploitées (renvoyée à la commission des mines), présentée par M. Basly, député ».

    32Potter Beatrice et Webb Sydney, Industrial Democracy. New Edition in Two Volumes Bound in One, London/New York/Bombay, Longmans, Green and Co., Paternoster Row, 1902 (1897). Voir aussi Gurvitch Georges, « Les voies de la démocratisation industrielle », Esprit, no 203, vol. 6, 1953, p. 964-972.

    33Journal officiel de la République française. Documents parlementaires, annexe no 639 à la séance du 19 mai 1894 : « Proposition de loi ayant pour objet de restituer à la nation et aux travailleurs la propriété des mines, présentée par MM. Jaurès, Rouanet, Guesde, Sembat, Vaillant, Calvinhac, Viviani, Millerand », p. 193-194.

    34Ibid.

    35Ibid.

    36Jaurès Jean, « Organisation socialiste. Chap. iv. Esquisse provisoire de l’organisation industrielle », La Revue socialiste, t. 22, no 128, 1895, p. 129-160, ici p. 154.

    37Jaurès Jean, « Organisation socialiste. Chap. iii. L’État socialiste et l’État patron », La Revue socialiste, t. 21, no 126, p. 642.

    38Sur ce point, se reporter notamment au discours de Jean Jaurès du 21 novembre 1893, reproduit dans « République et socialisme », Cahiers Jaurès, no 169-170, vol. 3-4, 2003, p. 67-83.

    39Mattéi Bruno, Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur, 1830-1946, Seyssel, Champ Vallon, 1987, p. 98-99.

    40Pour cette citation et les suivantes : Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 6 mars 1884, p. 651.

    41Élie Marc, Locher Fabien, « Introduction. Disasters: A Crash Test for Property », Global Environment, vol. 11, 2018, p. 219-235.

    42Pour cette citation et les suivantes : Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 3 avril 1906, p. 1630-1641.

    43AN, C7407 : « Annexe no 31 au procès-verbal de la séance du 12 juin 1906. Proposition de loi tendant à annexer au domaine public les concessions minières cédées antérieurement ou portions de concessions non encore exploitées, ainsi que les mines concédées et exploitées (renvoyée à la commission des mines), présentée par M. Basly, député ».

    44Institut international d’histoire sociale, Int 2875/78-79 : Fédération internationale des mineurs. Compte rendu des travaux du vingt-deuxième congrès international des mineurs tenu au Westminster Palace Hotel de Londres, lundi 24 juillet 1911 et jours suivants, Manchester, T. Ashton fils Imprimeur, 1911.

    45Le Roux Thomas, « L’émergence du risque industriel (France, Grande-Bretagne, xviiie-xixe siècle) », Le Mouvement social, no 249, 2014/4, p. 3-20.

    46Jaurès Jean, « Justice », L’Humanité, 11 mars 1906.

    Auteur

    • Bastien Cabot

      Centre d’histoire de Sciences Po.

      Bastien Cabot est professeur agrégé et docteur en histoire, diplômé de l’École des hautes études en sciences sociales. Il est actuellement post-doctorant au Centre d’histoire de Sciences Po, dans le cadre du programme du Fonds Bruno Latour.

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    1Le Roux Thomas, « Mines et environnement en France, 1740-1820. Le filon des concessions », Annales historiques de la Révolution française, vol. 399, 2020/1, p. 39-67.

    2Rouff Marcel, Les mines de charbon en France au xviiie siècle, 1744-1791, Paris, Rieder, 1922.

    3Héron de Villefosse Antoine Marie, De la richesse minérale. Considérations sur les mines, usines et salines des différens états, et particulièrement du royaume de Westphalie, pris pour terme de comparaison, Paris, Imprimerie Levrault, 1810.

    4Neyrat Frédéric, Biopolitique des catastrophes, Paris, Éditions MF, 2008 ; Lascoumes Pierre, L’éco-pouvoir. Environnements et politiques, Paris, La Découverte, 1994.

    5« La mine et les mineurs », numéro spécial Le Mouvement social, no 43, 1963 ; Trempé Rolande, Les mineurs de Carmaux, 1848-1914, Paris, Éditions ouvrières, 1971 ; Gillet Marcel, Les charbonnages du Nord de la France au xixe siècle, Paris/La Haye, Mouton/EPHE, 1973 ; Michel Joël, Le mouvement ouvrier chez les mineurs d’Europe occidentale (Grande-Bretagne, Belgique, France, Allemagne). Étude comparative des années 1880 à 1914, thèse, université de Lyon, 1987.

    6Montrie Chad, Making a Living. Work and Environment in the United States, Chapel Hill/Londres, University of North Carolina Press, 2008 ; Andrews Thomas G., Killing for Coal. America’s Deadliest Labor War, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2008 ; Rainhorn Judith, Santé et travail à la mine, xixe-xxie siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014 ; Troch Kévin, « Ne pas grever l’avenir au bénéfice du présent ». Une histoire environnementale de l’extraction du charbon de la fin du xviiie siècle à l’entre-deux-guerres : un développement non soutenable. L’exemple du Couchant de Mons et du Valenciennois, thèse, université Lille III, 2018.

    7Machelon Jean-Pierre, « L’idée de nationalisation en France de 1840 à 1914 », in Bruguière Michel et al. (dir.), Administration et contrôle de l’économie, 1800-1914, Genève, Droz, 1985, p. 1-46 ; Robert Jean-Louis, « Une idée qui vient de loin. Les nationalisations dans l’histoire du mouvement ouvrier français, 1895-1939 », in Andrieu Claire et al. (dir.), Les nationalisations de la Libération. De l’utopie au compromis, Paris, Fondation nationale des sciences politiques, 1987, p. 19-39.

    8Guignet Philippe, « L’émeute des quatre sous, ou les voies de la protestation sociale à Anzin (mai 1833) », Revue du Nord, no 219, t. 55, 1973, p. 347-364, ici p. 353.

    9Gillet Marcel, « Aspects de la crise de 1846-1851 dans le bassin houiller du Nord », Revue du Nord, t. 38, no 149, 1956, p. 15-27, ici p. 25.

    10Guillaume Pierre, « Grèves et organisations ouvrières chez les mineurs de la Loire au milieu du xixe siècle », Le Mouvement social, no 43, 1963, p. 5-18, ici p. 14.

    11L’huillier Fernand, La lutte ouvrière à la fin du Second Empire, Paris, Librairie Armand Colin, 1957.

    12Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 6 mars 1884, p. 649-661.

    13Journal officiel de la République française. Documents parlementaires, annexe no 2705, séance du 15 mars 1884 : « Proposition de loi relative au régime des mines, présentée par MM. Brousse et Giard, députés (renvoyée à la Commission des mines) », p. 588.

    14Archives départementales du Pas-de-Calais (AD 62), M1796 : « Grève générale des mineurs, 1906 », télégramme du commissaire spécial de Lens au ministre de l’Intérieur, 25 avril 1906.

    15AD 62, M1796 : lettre de la mairie de Vermelles au sous-préfet de Béthune, 3 mai 1906.

    16Trempé Rolande, « Le réformisme des mineurs français à la fin du xixe siècle », Le Mouvement social, no 65, 1968, p. 93-107 ; Fontaine Marion, « Mineurs français et britanniques. Un réformisme syndical ? », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, no 30, 2012/1, p. 73-88.

    17Cottereau Alain, « Sens du juste et usages du droit du travail : une évolution contrastée entre la France et la Grande-Bretagne au xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, no 33, 2006, p. 101-120.

    18Debrabant François-Xavier, Les délégués à la sécurité des ouvriers mineurs dans les houillères du Nord-Pas-de-Calais (1890-1939), mémoire de DEA, université Strasbourg III, 1995.

    19Ewald François, L’État-providence, Paris, Grasset, 1986.

    20Journal officiel de la République française. Documents parlementaire, annexe no 2705, séance du 15 mars 1884 : « Proposition de loi relative au régime des mines, présentée par MM. Brousse et Giard, députés (renvoyée à la Commission des mines) », p. 588.

    21Garmy René, La « Mine aux Mineurs » de Rancié (1789-1848), Paris, Domat-Montchrestien, Collection d’histoire sociale, 1943.

    22Archives départementales de la Loire (AD 42), 10M503 : Lettre du commissaire de police au préfet de la Loire, 11 août 1886.

    23AD 42, 10M503 : Lettre du commissaire spécial de Saint-Étienne au préfet de la Loire, 11 août 1886.

    24AD 42, 8S144 : Rapport de l’ingénieur ordinaire des mines au ministre des Travaux Publics, 20 octobre 1886.

    25AD 42, 8S144 : Lettre du commissaire de police de Rive-de-Gier au préfet de la Loire, 14 octobre 1886.

    26AD 42, 10M503 : Société anonyme civile des mineurs du Gier. Contrat social des ouvriers mineurs de Rive-de-Gier.

    27AD 42, 10M503 : Lettre du commissaire de police de Rive-de-Gier au préfet de la Loire, 27 octobre 1886.

    28AD 42, 10M504 : Houillères de Monthieux, Société stéphanoise de la Mine aux mineurs. Société anonyme française à capital et personnel variables. Statuts, Saint-Étienne, Imprimerie Urbain Balay, 1891.

    29Le Petit Journal, numéros du 14 juin 1891 au 7 février 1892.

    30AD 42, 10M504 : Lettre du commissaire spécial de Saint-Étienne au préfet de la Loire, 4 juillet 1892. Le commissaire rapporte le contenu d’une affiche apposée par Payen aux abords de la mine.

    31Archives nationales (AN), C7404 : annexe no 31 au procès-verbal de la séance du 12 juin 1906, « Proposition de loi tendant à annexer au domaine public les concessions minières cédées antérieurement ou portions de concessions non encore exploitées, ainsi que les mines concédées et exploitées (renvoyée à la commission des mines), présentée par M. Basly, député ».

    32Potter Beatrice et Webb Sydney, Industrial Democracy. New Edition in Two Volumes Bound in One, London/New York/Bombay, Longmans, Green and Co., Paternoster Row, 1902 (1897). Voir aussi Gurvitch Georges, « Les voies de la démocratisation industrielle », Esprit, no 203, vol. 6, 1953, p. 964-972.

    33Journal officiel de la République française. Documents parlementaires, annexe no 639 à la séance du 19 mai 1894 : « Proposition de loi ayant pour objet de restituer à la nation et aux travailleurs la propriété des mines, présentée par MM. Jaurès, Rouanet, Guesde, Sembat, Vaillant, Calvinhac, Viviani, Millerand », p. 193-194.

    34Ibid.

    35Ibid.

    36Jaurès Jean, « Organisation socialiste. Chap. iv. Esquisse provisoire de l’organisation industrielle », La Revue socialiste, t. 22, no 128, 1895, p. 129-160, ici p. 154.

    37Jaurès Jean, « Organisation socialiste. Chap. iii. L’État socialiste et l’État patron », La Revue socialiste, t. 21, no 126, p. 642.

    38Sur ce point, se reporter notamment au discours de Jean Jaurès du 21 novembre 1893, reproduit dans « République et socialisme », Cahiers Jaurès, no 169-170, vol. 3-4, 2003, p. 67-83.

    39Mattéi Bruno, Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur, 1830-1946, Seyssel, Champ Vallon, 1987, p. 98-99.

    40Pour cette citation et les suivantes : Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 6 mars 1884, p. 651.

    41Élie Marc, Locher Fabien, « Introduction. Disasters: A Crash Test for Property », Global Environment, vol. 11, 2018, p. 219-235.

    42Pour cette citation et les suivantes : Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 3 avril 1906, p. 1630-1641.

    43AN, C7407 : « Annexe no 31 au procès-verbal de la séance du 12 juin 1906. Proposition de loi tendant à annexer au domaine public les concessions minières cédées antérieurement ou portions de concessions non encore exploitées, ainsi que les mines concédées et exploitées (renvoyée à la commission des mines), présentée par M. Basly, député ».

    44Institut international d’histoire sociale, Int 2875/78-79 : Fédération internationale des mineurs. Compte rendu des travaux du vingt-deuxième congrès international des mineurs tenu au Westminster Palace Hotel de Londres, lundi 24 juillet 1911 et jours suivants, Manchester, T. Ashton fils Imprimeur, 1911.

    45Le Roux Thomas, « L’émergence du risque industriel (France, Grande-Bretagne, xviiie-xixe siècle) », Le Mouvement social, no 249, 2014/4, p. 3-20.

    46Jaurès Jean, « Justice », L’Humanité, 11 mars 1906.

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