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    Plan détaillé Texte intégral Les pays émergents en Afrique, un enjeu de puissance dans la géopolitique et géo-économie mondiale Les accords de partenariat économique, instrument d’un repositionnement économique européen en Afrique Conclusion Notes de bas de page Auteur

    L’Europe et l’Afrique

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Les partenariats traditionnels de l’Afrique à l’épreuve de la redynamisation de ses rapports économiques avec les pays émergents : le cas des accords commerciaux entre l’Union européenne et l’Afrique

    Africa’s traditional partnerships tested by the revitalization of its economic relations with emerging countries: the case of trade agreements between the European Union and Africa

    Sabikou Moumouni

    p. 163-178

    Résumés

    Longtemps perçue comme le pré-carré des puissances européennes, l’Afrique est depuis le début du millénaire l’objet de nouvelles convoitises, principalement des pays dits émergents, dont l’activisme économico-diplomatique contribue à la marginalisation des intérêts européens. Si le succès en Afrique de ces pays est dû d’abord au dynamisme de leurs propres économies, à une période où nombre de pays européens étaient en récession due notamment à la crise des Subprimes de 2008, il tient davantage à leurs stratégies de coopération qui, à bien des égards contrastent avec les dogmes européens de développement dont l’efficacité est déjà remise en cause par l’échec des conventions ACP-UE de Lomé. En pleine refondation de sa politique de coopération au développement, l’accord de Cotonou, de par son volet économique incarné par les APE, offre à l’UE les moyens de son repositionnement économique en Afrique.

    Long perceived as the traditional domain of European powers, Africa has been the object of new interests since the beginning of the millennium, mainly of so-called emerging countries, whose economic-diplomatic activism contribute to the marginalization of European ones. If these countries’successes in Africa are primarily due to the dynamism of their own economies, at a time when many European countries were in recession due in particular to the 2008 Subprime crisis, it is mostly due to their cooperation strategies. Strategies which in many ways contrast with the European dogmas of development, model already called into question for its ineffectiveness due to the failure of the ACP-EU Lomé conventions. In the process of renewing its development cooperation policy, the EU means to reposition itself economically in Africa through the EPAs, part of the Cotonou framework.

    Texte intégral Les pays émergents en Afrique, un enjeu de puissance dans la géopolitique et géo-économie mondiale Une présence motivée par la quête de visibilité et de reconnaissance Une présence préjudiciable aux intérêts des puissances traditionnelles Les accords de partenariat économique, instrument d’un repositionnement économique européen en Afrique Une absence de conditionnalités politiques aux allures de variables d’ajustement des intérêts commerciaux européens en Afrique Une volonté de re-sanctuarisation des économies africaines au profit de l’UE Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1« Auparavant, on évoquait les besoins de l’Afrique en dollars. Aujourd’hui, les dirigeants africains voient affluer des devises des puissances émergentes1, attirées par une croissance soutenue. » C’est en ces termes que l’édition 2011 des Perspectives économiques en Afrique2 présentait le regain d’intérêt porté ces dernières années à l’Afrique par les bailleurs de fonds émergents. A priori, le constat vise à mettre en évidence l’opportunité offerte à ce continent par l’apparition de nouveaux acteurs dans l’arène politico-économique internationale. Mais il ne traduit pas moins un phénomène géopolitique très suivi dans les cercles de réflexion en politique internationale : la remise en cause des anciens pôles de gouvernance mondiale incarnés par l’Occident, en particulier l’Europe et les États-Unis. On entend ainsi souvent parler du « nouvel équilibre des forces3 » pour désigner la place devenue incontournable de ces pays émergents dans un « monde multipolaire4 », ou encore du « basculement de l’Afrique vers l’Asie5 » pour caractériser leur pouvoir d’attraction, sinon de séduction sur d’autres régions du monde, en l’occurrence l’Afrique.

    2Si les rapports à l’Afrique de nombre de ces pays que l’on célèbre aujourd’hui sous le sceau de l’émergence ne datent pas d’hier6, l’apparition du concept même de « pays émergents » en tant qu’entité ou catégorie de pays dans les systèmes politico-économiques internationaux est un phénomène relativement récent. Ses origines remontent aux débuts des années 19807. Mais c’est à partir des années 2000 que l’expression a pris une ampleur véritable pour devenir synonyme d’enjeux politiques, économiques et stratégiques importants dans les relations internationales8. La création en 2003 de l’alliance des quatre plus grands pays émergents au monde9 en est la cause principale. L’imaginaire collectif tend souvent à réduire les « pays émergents » aux seuls BRICS. Or derrière le concept, c’est une réalité hétéroclite10 de pays de plus en plus nombreux que leur croissance économique rapide, le déclin relatif de l’Occident11, mais encore leur intégration rapide et réussie dans la mondialisation12 ont propulsé au-devant de la scène mondiale, engendrant de nombreux bouleversements dans l’équilibre géopolitique mondiale.

    3Malgré leur nombre, l’emploi du superlatif « émergent » dans cet article ne vise pas tous les pays du monde qui peuvent aujourd’hui se prévaloir de ce statut, pas plus que le concept n’est réservé aux seuls BRICS. Par-delà ces derniers, l’usage du mot « émergent » s’étendra à des pays comme la Malaisie, l’Indonésie, la Corée du Sud ou encore la Turquie. Ainsi envisagés, l’entrée ces dernières années des pays émergents sur la scène mondiale a engendré d’importants changements pour l’Afrique. S’ils sont généralement perçus comme porteurs de nouvelles possibilités13, leur dynamisme sur les plans économique et diplomatique a aussi remodelé, dans un sens qui n’est pas toujours positif, les rapports de l’Afrique avec ses partenaires traditionnels. C’est le cas par exemple du partenariat UE-Afrique depuis la signature de l’accord de Cotonou, dont le volet commercial est désormais incarné par des accords de libre-échange dénommés « Accords de partenariat économique » (APE). En quoi « l’activisme » en Afrique des pays émergents influe-t-il sur le partenariat UE-Afrique ? Comment les APE incarnent-ils le repositionnement économique européen en Afrique face aux pays émergents ?

    4Ces questions se posent avec acuité à l’heure d’une nouvelle ruée vers l’Afrique14, qui ne laisse pas indifférents les partenaires traditionnels du continent. Au demeurant, les réponses à ces interrogations participent de la compréhension de la crise de confiance née, sur l’épineuse question des APE, du fossé grandissant entre d’une part la politique déclaratoire de l’UE à l’égard de l’Afrique, et d’autre part celle opératoire menée par la Commission européenne tout le long des négociations de ces APE. Officiellement, du côté européen, les APE sont un remède à la pauvreté structurelle de l’Afrique15. Il reste que pour une bonne partie de l’élite du continent, la logique qui a gouverné leurs négociations, y compris leur contenu réel, a été dicté davantage par des enjeux liés à l’agenda économique propre à l’UE que par des problèmes de développement de l’Afrique16. Dès lors, concevoir ces accords sous l’angle stratégique du repositionnement européen dans l’échiquier économique africain passe d’abord par une compréhension de l’enjeu de la présence, ces dernières années, des pays émergents en Afrique, et des défis que cela pose pour les partenaires traditionnels du continent. L’on verra par la suite que cette concurrence entre anciens et nouveaux partenaires de l’Afrique ne se traduit pas toujours en avantages pour ce continent.

    Les pays émergents en Afrique, un enjeu de puissance dans la géopolitique et géo-économie mondiale

    5L’émergence sur la scène mondiale de nouveaux acteurs a été le fait géopolitique majeur de ces vingt dernières années17. Leur spectaculaire percée économique, à laquelle vient se greffer une réelle volonté de puissance dans l’arène mondiale est à l’origine de nombreux bouleversements géopolitiques qui remodèlent encore aujourd’hui le système international. Mais avant d’être un événement d’envergure mondial, l’affirmation de leur statut de puissance passe d’abord par la quête d’une légitimité économico-diplomatique que nombre de ces pays acquière en Afrique, bien souvent au détriment des anciens partenaires de ce continent.

    Une présence motivée par la quête de visibilité et de reconnaissance

    6Un des fondements essentiels de la puissance dans la géopolitique mondiale est la légitimité économique18. C’est d’ailleurs sur ce terrain que nombre de pays émergents affirment d’abord leur grandeur. Déjà perçus pour la plupart comme des géants dans leur voisinage immédiat, le besoin de visibilité, et par là-même de légitimation de leur statut de puissance dans l’arène mondiale pousse les pays émergents à se lancer à la conquête du monde. Cette volonté d’internationalisation, souvent impulsée ou encouragée par les pouvoirs publics19, bénéficie de plusieurs leviers dont la combinaison permet à de nombreux pays émergents de se forger l’image et la notoriété qu’on leur reconnaît aujourd’hui dans le monde.

    7En Afrique comme ailleurs, la visibilité économique des pays émergents est assurée d’abord par leurs entreprises. Elles s’imposent dans bien des secteurs de l’économie mondiale à une vitesse qui n’a de limite que leurs capacités financières et leur soif de conquête. Elles s’appuient d’abord sur un potentiel économique interne énorme. Leur marché domestique en plein dynamisme est bien souvent adossé à des populations de plusieurs centaines de millions d’habitants20, constituant autant de consommateurs que de mains d’œuvre. Elles évoluent dans un environnement juridique peu contraignant, bien souvent à l’abri de la concurrence étrangère21 et ont su, de ce fait, bénéficier de transferts en technologies, mais aussi en capitaux publics et étrangers22 pour se constituer en mastodontes capables de rivaliser avec les multinationales occidentales.

    8Si le succès des entreprises émergentes n’a connu d’égal nulle part qu’en Afrique ces dernières années, c’est bien parce qu’elles ont su mieux que leurs concurrentes occidentales, déceler assez rapidement tout le potentiel que ce continent pourrait apporter à leur ambition internationale. Produire et rester compétitif exige de toute économie un accès régulier aux matières premières. Et alors que les sources d’approvisionnement s’amenuisent23, et que les besoins se font de plus en plus cruciaux à l’échelle mondiale, l’Afrique devient une destination privilégiée pour de nombreux pays en quête de matières premières24. L’accès aux ressources naturelles africaines ainsi hissé au rang des priorités incite régulièrement les pays émergents à mobiliser des moyens colossaux qu’ils injectent dans leur aventure africaine. Pour la Chine par exemple, cette quête effrénée de matières premières africaines est conduite par des entreprises d’État, qui s’accommodent des facilités offertes par l’appareil public pour accroître leurs potentiels économiques en Afrique. Au-delà d’une capacité financière quasi illimitée25, ces entreprises bénéficient également de tous les leviers politiques et diplomatiques inhérents à la politique étrangère de leur pays. L’un de ces leviers réside dans le caractère lié de l’aide qu’ils accordent à l’Afrique. En liant leurs aides à des obligations d’achat de matériaux fabriqués sur leur sol, ou de recourir à leurs propres entreprises pour réaliser les projets de développement qu’ils financent, les pays émergents contribuent par la même occasion à l’accroissement du chiffre d’affaires de leurs propres entreprises en Afrique.

    9D’un point de vue contextuelle, l’arrivée en Afrique des entreprises émergentes intervient à une époque où leurs propres économies, alors en plein essor, concentraient l’attention des multinationales occidentales. Qui plus est, durement affectées par la crise des sub-primes en 2008, nombre d’entreprises européennes ont développé un réflexe de prudence qui les a conduites à se détourner de l’Afrique alors perçue comme trop risquée26 pour se focaliser sur les marchés émergents bien plus florissants. L’entrée de leurs concurrentes des pays émergents dans une Afrique alors désertée en a été facilitée27. De plus, ayant bénéficié de transferts de technologies grâce à leurs accointances avec les entreprises occidentales28, elles sont nombreuses à développer à leur tour des produits ou services à haute valeur ajoutée technologique destinés à l’exportation. Pour ces entreprises, la conquête du marché mondial commence d’abord par l’Afrique, qui leur sert ainsi de « marché d’essai29 ».

    10Le rayonnement économique des pays émergents en Afrique est aussi le produit d’un leadership diplomatique affirmé et d’une rhétorique politique assumée. Être une « puissance » dans l’arène mondiale réside également dans la capacité à fédérer ses pairs autour de sujets d’intérêts partagés. Pour nombre de pays émergents, c’est autour du besoin de développement assez prégnant dans les pays du Sud que s’est construite une rhétorique politique de ralliement d’autres pays en développement (PED) à leurs ambitions internationales. En Afrique comme dans bien d’autres régions pauvres du monde, cette rhétorique repose sur la « Coopération sud-sud » ; un concept très à la mode, surtout dans une Afrique longtemps éprouvée par la « Coopération Nord-Sud » avec l’Occident, à laquelle il se pose en alternative30. Son déploiement sur le continent passe généralement par le même réflexe diplomatique consistant à organiser des rencontres, sommets et forums de haut niveau. La Chine a ainsi été le premier pays émergent à s’offrir une tribune diplomatique bilatérale d’envergure avec l’ensemble des pays du continent africain. Le tout premier forum de coopération Chine-Afrique (FOCAC) a été initié en 2000. Et depuis, il est devenu un rendez-vous diplomatique majeur, dont le succès en termes d’image et de retombées économiques pour la Chine inspire de nombreux autres pays émergents qui s’aménagent à leur tour leur propre tribune diplomatique avec l’Afrique. L’Inde et la Turquie ont depuis 200831 leur sommet respectif avec le continent ; tout comme d’ailleurs la Russie, dont la toute première rencontre a mobilisé 43 chefs d’États et de gouvernement africains autour du président russe les 23 et 24 octobre 2019 à Sotchi. Le Brésil n’a certes pas d’assise diplomatique particulière avec l’Afrique. Mais il existe déjà un sommet « Afrique-Amérique latine32 » qui lui permet d’affirmer son leadership au plan régional, et par la même occasion son rayonnement dans la géopolitique mondiale. Ces sommets, forums et autres rencontres avec le continent africain constituent des opportunités d’affaires pour les opérateurs économiques des pays émergents qui les initient. Leur forte médiatisation confère à ces pays la visibilité et le poids politique nécessaires à la construction et à la légitimation de leur statut de puissance dans l’arène mondiale.

    Une présence préjudiciable aux intérêts des puissances traditionnelles

    11L’émergence d’une nouvelle puissance dans l’arène mondiale engendre par définition des défis pour les puissances déjà établies33. « L’activisme » actuel des puissances émergentes, jugé attentatoire au leadership politique et économique des puissances traditionnelles34 en Afrique, et par ricochet dans le monde, n’est donc pas sans levée de boucliers.

    12Économiquement, les progrès en Afrique de ces pays sont de loin les plus spectaculaires35 jamais enregistrés sur le continent depuis deux décennies. Mais l’ampleur de leur impact sur les positions tenues par les puissances traditionnelles doit être relativisée. Au plan commercial par exemple, entre 1990 et 2007, l’on a enregistré une augmentation du total combiné des importations et des exportations entre l’Afrique et les puissances émergentes de 8,8 milliards à 148 milliards de dollars États-uniens, au moment même où le pourcentage des échanges entre le continent africain et l’UE chutait de 20 points, passant de 60 % en 1990 à 40 % en 2007. L’on est a priori tenté d’entrevoir une causalité entre cette baisse et l’augmentation concomitante des échanges commerciaux de l’Afrique avec respectivement l’UE et les pays émergents. Et une partie de cette détérioration des termes de l’échange avec l’UE s’est bien opérée au profit des pays émergents36. Mais l’étude réalisée en 2010 par Kaplinski et Farooki à partir des données statistiques sur le commerce des marchandises recueillies par la Comtrade37, l’OCDE et la CNUCED révèle que les pays émergents n’ont bénéficié que d’une part assez limitée de cette baisse, laquelle serait plutôt due principalement à l’accroissement des échanges entre le continent africain et les États-Unis38 du fait notamment de l’effet stimulant de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA)39. Le même constat d’importance économique relative des pays émergents en Afrique est de mise si l’on compare leurs parts dans les flux d’IDE reçus par le continent africain à celles des puissances traditionnelles. Selon un rapport de la CNUCED40 repris par les Perspectives économiques en Afrique 2011, entre 2000 et 2008, 72 % des flux d’IDE reçus par le continent africain provenaient des pays développés, contre 3 % pour les deux principaux partenaires émergents du continent que sont la Chine et l’Inde, et 22 % pour l’Afrique du Sud. Ces écarts perdurent encore aujourd’hui, bien que dans des proportions de plus en plus réduites.

    13En dépit donc du dynamisme dont font preuve les pays émergents dans les économies africaines, ces dernières restent encore globalement dominées par les puissances occidentales, l’UE en tête41. Il reste que cette prédominance européenne n’est pas irréversible. La présence perceptible des pays émergents est à l’origine de bien de changements observables aujourd’hui dans nombre de secteurs économiques en Afrique. S’ils n’occupent encore qu’une place limitée42 dans les économies du continent, la vitesse à laquelle s’accroissent leurs intérêts43 crée une menace concurrentielle à long terme pour le leadership économique européen en Afrique44. Le défi économique que pose l’arrivée de ces pays pour les partenaires traditionnels des États africains réside dans leur capacité à leur disputer des parts de marchés, bien souvent dans des secteurs d’activité où ces derniers occupent pourtant des positions quasi monopolistiques45. Depuis 2009, la Chine est même citée comme le premier partenaire commercial de l’Afrique46, devant les anciens partenaires européens du continent. Ce qui confirme la thèse du déclassement progressif des puissances traditionnelles en Afrique47, à mesure que s’accroissent les intérêts émergents sur ce continent.

    14Les positions des partenaires traditionnels de l’Afrique sont devenues d’autant plus inconfortables que l’affirmation économique des pays émergents modifie l’équilibre géopolitique existant48. En effet, depuis le début du millénaire, et à mesure que leurs liens économiques se densifient, on remarque un basculement progressif de l’Afrique en faveur des positions défendues par ses partenaires émergents dans les instances régulatrices de la mondialisation. Cet alignement s’opère bien souvent au détriment de l’UE. À l’OMC par exemple, l’UE fait face depuis quelques années à une opposition quasi-systématique de ses traditionnels alliés africains49, qui préfèrent désormais s’aligner derrière des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil… Les nombreux revers qu’elle a essuyés face aux pays émergents50, notamment sur les sujets de Singapour ou sur l’agriculture constituent des conséquences de la perte de soutiens politiques africains dans les négociations multilatérales ; laquelle perte51 est d’autant plus flagrante qu’elle ne se cantonne plus aux seules situations où Occidentaux et émergents s’opposent, mais se fait encore plus prégnantes dans les rapports directs de l’UE aux Africains. En effet, l’alternative représentée aujourd’hui par les pays émergents52 en Afrique a accru le pouvoir de négociation et renforcé la capacité de résistance des Africains dans leurs rapports aux partenaires européens. La phrase suivante de l’ancien président du Sénégal Abdoulaye Wade en donne l’illustration : « Si l’Europe ne veut pas ou ne peut pas faire le nouveau partenariat UE-Afrique, les Chinois le feront plus vite et moins cher53. » Cette déclaration s’ajoute à de nombreux autres faits révélateurs du climat de délitement qui règne entre l’UE et l’Afrique, et que traduit aujourd’hui l’impasse des APE, dans leur mise en œuvre à l’échelle des cinq régions africaines signataires54.

    Les accords de partenariat économique, instrument d’un repositionnement économique européen en Afrique

    15L’irruption en Afrique des pays émergents et leur irrésistible montée en puissance à la fois économique et politique suscitent chez nombre de puissances traditionnelles, à l’image de l’UE, une réadaptation de leur politique de coopération africaine. La tournure libre-échangiste prise par la relation UE-Afrique avec l’avènement des APE s’inscrit dans cette dynamique. Il s’agit avant tout de se repositionner dans le paysage économique africain, et donc de freiner l’avancée de ces nouveaux venus dans ce qui est appelé le « précarré européen55 ». Pour se faire, il ne suffit pas seulement de dépouiller les aspects purement mercantiles du partenariat de tous ces jugements de valeurs qui ont pendant longtemps conditionné le partenariat UE-Afrique, mais aussi d’adopter une attitude avant-gardiste qui sécuriserait les intérêts européens contre les prétentions futures d’autres entités dans les marchés africains.

    Une absence de conditionnalités politiques aux allures de variables d’ajustement des intérêts commerciaux européens en Afrique

    16Il est un principe de droit européen que l’ensemble des politiques et actions, surtout extérieures, contribue à promouvoir ses valeurs dans le monde56. Pendant longtemps, le respect des valeurs démocratiques, de la bonne gouvernance et maintenant des principes environnementaux a ainsi conditionné les rapports de l’UE avec ses partenaires d’Afrique, dans le cadre de sa politique d’aide au développement57. Apparue dans le partenariat dès la quatrième convention de Lomé58, cette tendance systématique à exporter59 ses valeurs par-delà les frontières de l’Union est reprise par l’accord de Cotonou qui en a fait un élément essentiel de la coopération60. Politiquement, cela a fait de l’UE une puissance morale mondialement reconnue61. Il reste que cette posture a bien souvent été au détriment des intérêts économiques de l’Union. Nombre de partenaires africains n’admettent que difficilement ces conditionnalités, qu’ils assimilent à de l’ingérence dans leurs affaires intérieures, au mépris de leur souveraineté. Beaucoup s’y conforment malgré tout en raison de leur extrême dépendance économique vis-à-vis de l’UE. Mais les évolutions géopolitiques observées ces dernières décennies, dues principalement à l’arrivée des pays émergents et des perspectives nouvelles qu’ils apportent, changent la donne, rendant par conséquent ces conditionnalités encore plus préjudiciables aux intérêts européens en Afrique. Les nouveaux acteurs avec lesquels l’UE est en concurrence sur les marchés africains ont la réputation d’être pragmatiques dans leurs approches du développement62 en ce qu’ils proposent aux Africains des partenariats inconditionnels63. Ce qui les rend bien plus attractifs pour des leaders africains dont la plupart ont la fâcheuse tendance à être autocrates, et dans une Afrique où le passé colonial de nombre de puissances européennes transforme la moindre intervention dans les politiques internes en ingérence, si ce n’est que cela est perçu comme du paternalisme alimentant des relents anticolonialistes64.

    17Avec les APE, l’UE rompt avec sa logique d’intégration systématique des questions politiques dans ses affaires économiques. Les bases de cette nouvelle stratégie de coopération ont été posées depuis l’accord de Cotonou, qui dissocie la politique commerciale de l’UE de son aide au développement65. Dans l’approche européenne du développement, celui-ci est conditionné par un certain nombre de réformes politiques en matière notamment de démocratie, d’État de droit, des droits de l’homme, de bonne gouvernance… Et son aide au développement reste conditionnée par le respect de ces principes politiques. Seulement, en autonomisant le volet commercial de son partenariat avec l’Afrique de celui d’aide au développement, l’UE évite à l’avenir que ses intérêts strictement économiques ne pâtissent de considérations d’ordre politique, qui elles, continuent de conditionner sa coopération au développement. Ce faisant, elle s’aligne sur l’approche dite « pragmatique » de ses concurrents émergents, dont le succès économique en Afrique s’explique en partie par le fait qu’ils dissocient intérêts économiques et préoccupations politiques dans leurs rapports aux Africains66.

    18Il faut dire qu’aucun des APE paraphés à ce jour ne comporte de dispositions sur le respect des règles démocratiques, sur l’État de droit ou encore les droits de l’homme à la charge de la partie africaine, en dehors de la bonne gouvernance, du respect de l’environnement ou encore de la promotion du développement durable considérées comme indissociables du libre-échange. Ce choix, qui vise avant tout à neutraliser l’avantage concurrentiel des pays émergents, trouve sa justification dans le fait que l’accord de Cotonou aborde déjà les aspects politiques de la coopération67. Il n’empêche que la préoccupation sur l’avenir des questions politiques dans les rapports futurs de l’UE à l’Afrique reste entière. Certes, l’accord de Cotonou constitue le cadre global de la coopération de l’UE avec l’Afrique, dont les APE ne sont que le volet commercial68. Mais l’accord de Cotonou est un accord temporel, qui arrive à échéance en 2020, date à laquelle il peut soit être reconduit, soit tout simplement disparaître et faire place aux APE ainsi appelés à devenir, pour chacune des régions africaines signataires, l’unique cadre de sa coopération avec l’UE. Or, ces accords ne traitant que des questions exclusivement économiques, et étant de surcroît signés pour une durée illimitée, on peut légitimement penser que les futurs rapports de l’UE à l’Afrique n’auront de fondements que les seules préoccupations mercantilistes, au détriment de la promotion des valeurs de démocratie, d’État de droit, des droits de l’homme…

    Une volonté de re-sanctuarisation des économies africaines au profit de l’UE

    19Une des nombreuses controverses69 suscitées par les APE, et qui sous-tend la thèse du verrouillage des économies africaines au profit de l’UE70, réside dans l’intégration dans ces accords de la clause dite de la « nation la plus favorisée » (clause NPF). Qu’il s’agisse en effet de l’accord conclu avec la région Afrique de l’Ouest71, ou de tous ceux conclus avec les quatre autres régions du continent, tous comportent une stipulation qui veut que chacune des parties s’engage à étendre à l’autre partie tout traitement substantiellement plus favorable qu’elle viendrait à accorder à une entité tierce, postérieurement à la signature de l’APE. Derrière cette stipulation, c’est l’article 1er de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) qui fait son retour dans les rapports rénovés de l’UE à l’Afrique72. Ce qui peut sembler paradoxal, quand l’on sait que c’est justement pour échapper à ce même article 1er dans ses échanges commerciaux avec l’Afrique que l’UE a elle-même opté pour le modèle des APE conforme à l’article XXIV73 du GATT.

    20D’un autre côté, la clause NPF, en même temps qu’elle est sans objet pour l’UE74, est sans intérêt pour ses partenaires africains75. Concrètement, elle implique que si après la conclusion d’un APE, l’un des signataires vient à concéder des avantages commerciaux plus favorables à un tiers partenaire, ces avantages s’étendraient automatiquement à l’autre signataire de l’APE. Selon Joël Lebullenger, les pays africains n’y ont rien à gagner, puisque les APE leur assurent déjà un accès total au marché européen. De même, l’UE n’y a rien à perdre, puisqu’elle offre déjà au continent africain le niveau le plus élevé d’avantages commerciaux qu’une entité développée pourrait offrir à une autre entité moins développée. Au contraire, elle y a tout à gagner, compte tenu du fait que les marchés africains ne lui sont ouverts qu’à hauteur de 75 à 80 %76, et dans des délais plus ou moins longs77. De surcroît, cette ouverture ne concerne pas tous les produits. Les réalités socio-économiques propres à chacune des régions africaines parties aux APE justifient que certains de leurs produits soient considérés comme sensibles, et de ce fait exclus de la libéralisation avec l’UE. Dès lors, à supposer que l’une de ces régions africaines vienne à ouvrir dans le futur son marché à un autre partenaire pour un pourcentage un peu plus élevé que celui concédé dans l’APE à l’UE, ou à libéraliser avec cet autre partenaire un produit considéré comme sensible dans l’APE avec l’UE, ces mêmes mesures bénéficieraient de facto à l’UE.

    21Dans le principe, une telle clause, compte tenu du niveau élevé des avantages concédés par l’UE à ses partenaires d’Afrique, paraît légitime si le partenaire tiers dont les échanges avec le continent africain seraient ainsi visés est une entité développée78, au même titre que l’UE. Ce qui pourrait être assimilé à une forme d’équité79. Le malaise vient de ce que dans les APE, l’énoncé de la clause NPF donne l’impression de poursuivre un tout autre objectif que celui de la recherche de l’équité dans ses échanges avec les Africains. Elle ne viserait pas spécialement d’autres pays développés avec lesquels l’Afrique pourrait à l’avenir conclure des arrangements commerciaux plus ambitieux que ceux obtenus par l’UE, mais s’étendrait à de nombreux pays du Sud pourtant considérés comme des PED. La subtilité réside dans la terminologie utilisée pour désigner ces tiers partenaires pouvant tomber sous le coup de la clause NPF. L’APE conclu entre l’UE et le forum caribéen des États d’Afrique, des Caraïbes et du pacifique (CARIFORUM) fait ainsi mention de « partenaire commercial majeur80 », un concept jusqu’ici inconnu du droit multilatéral81, mais qui peut désigner, selon les précisions apportées par l’APE conclu avec la région Afrique de l’Ouest82, soit un État, ou soit un groupe d’États. Lorsqu’il s’agit d’un État, sa part dans les échanges commerciaux mondiaux doit être supérieure à 1,5 %, et son taux d’industrialisation par rapport au PIB doit représenter plus de 10 %. Mais lorsqu’il s’agit d’un groupe d’États, seul le seuil relatif à leur part dans les échanges commerciaux mondiaux est pris en considération, et il doit s’élever à 2 %83.

    22Derrière ces seuils imposés par l’UE, ce sont de nombreux acteurs émergents pris dans leur individualité84, ou à travers leurs alliances stratégiques85, et avec lesquels l’UE est en concurrence directe sur de nombreux marchés africains qui risquent de voir leurs futures concessions commerciales avec le continent africain tomber sous l’application de la clause NPF. Ce qui n’a pas manqué de susciter de vives protestations en Afrique comme ailleurs dans le monde en développement. Soutenu par de nombreux autres pays émergents, le Brésil a même contesté cette clause devant l’OMC. L’argument principal des contestataires repose sur le fait que la plupart des pays qui seraient concernés sont, comme leurs partenaires d’Afrique, des PED, et qu’à ce titre, la clause d’habilitation86 leur permet de s’octroyer mutuellement des concessions commerciales qu’ils ne sont pas obligés d’étendre à des pays développés. Cet argument juridique s’ajoute à un autre grief plus économique, celui de la nécessité unanimement admise d’accroitre la part des PED dans les échanges commerciaux mondiaux, en encourageant entre eux la réduction ou l’élimination des entraves au commerce, grâce à la constitution d’arrangements commerciaux régionaux ou globaux. Pour ses détracteurs, la clause NPF telle que libellée dans les APE violerait l’esprit et la lettre de la clause d’habilitation et saperait la coopération Sud-Sud87 reconnue comme vecteur important de développement88.

    23À sa décharge, l’UE a répondu au grief juridique relatif à la violation de la clause d’habilitation que si cette clause n’oblige en rien les PED à étendre à des pays développés les concessions commerciales qu’ils peuvent s’aménager mutuellement, elle ne leur interdit non plus de le faire. Cette opinion est partagée par l’OMC, qui a d’ailleurs rejeté la requête du Brésil. En revanche, la réponse européenne au grief politico-économique d’atteinte à la coopération Sud-Sud a mis en lumière les véritables intentions de l’UE quant à l’opportunité de la clause NPF dans les APE. Pour la Commission européenne, les pays africains devraient plutôt y voir une happy clause grâce à laquelle ils ne pourraient plus envisager des ouvertures supplémentaires de leurs marchés89. L’idée semble donc claire. Il s’agit de verrouiller les économies africaines à son seul profit, en faisant perdre aux Africains toute envie future de négocier avec d’autres pays, surtout avec les émergents, des arrangements commerciaux bien plus favorables que ceux qu’elle a elle-même obtenus dans les APE. La clause NPF est donc doublement dissuasive : d’abord pour les Africains qui perdraient ainsi l’envie de négocier avec d’autres partenaires des concessions commerciales beaucoup plus ambitieuses qu’ils n’ont voulu concéder à l’UE ; ensuite pour tous les partenaires émergents de l’Afrique qui ne voudraient pas étendre à l’UE les avantages commerciaux qu’ils auraient bien voulu accorder aux Africains.

    Conclusion

    24La stratégie européenne de reconquête et de protection de ses intérêts en Afrique, tel qu’incarnée par les APE, repose sur une conception du libre-échange dépouillée de tout angélisme dans ses rapports rénovés à l’Afrique. Cela vise à appréhender le continent africain ni plus ni moins que comme un marché parmi d’autres et à le traiter en conséquence. L’Afrique n’est peut-être pas la cible originelle90 de cette nouvelle offensive européenne qui semble plus viser les pays émergents. Mais il n’empêche qu’elle est la première perdante de cette réorientation des priorités européennes que traduisent les APE. En effet, si la normalisation du partenariat entre l’UE et l’Afrique doit nécessairement supposer un retour à la réciprocité dans leurs échanges, les APE signent alors la fin du statut privilégié de l’Afrique auprès de l’UE. Aussi, en soumettant à la rigueur de l’ultralibéralisme des pays aussi fragiles que ceux d’Afrique, avec en face une entité aussi puissante économiquement que l’UE, ces accords augmentent le risque de marginalisation du continent africain.

    Notes de bas de page

    1On citera entre autres le yuan chinois, la roupie indienne, le real brésilien, le won coréen ou encore la lire turque…

    2BafD, OCDE, PNUD & CEA, « L’Afrique et ses partenaires émergents », Perspectives économiques en Afrique, Paris, 2011.

    3Trépant I., « Pays émergents et nouvel équilibre des forces », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1991-1992, no 6, 2008, p. 6-54.

    4Delannoy S., « Un monde multipolaire ? Conclusion », Géopolitique des pays émergents, Paris, PUF, coll. « Major », 2012, p. 171-172.

    5Chaponnière J.-R., « Le basculement de l’Afrique vers l’Asie. Enjeux pour les ports africains », Afrique contemporaine, vol. 2, no 234, 2010, p. 25-40.

    6Dans le cadre par exemple de la Chine, ses relations avec le continent africain remonteraient au début du xve siècle, sous la dynastie Ming (1368-1644).

    7C’est Antoine Van Agtmaël, économiste à la Banque mondiale, qui a employé le premier l’expression « Marchés émergents » pour désigner à l’époque un certain nombre de pays en développement connaissant une croissance rapide grâce notamment à un afflux inédit d’IDE en provenance majoritairement du monde occidental.

    8Elle supplantait ainsi le concept de « Nouveaux pays industrialisés » (NPI) alors en vogue dans les cercles politico-économiques et financiers pour désigner tous ces pays en développement.

    9Brésil, Russie, Inde, Chine (BRIC), rejoints un peu plus tard par les BRICS.

    10Ce sont des pays qui ne sont pas au même niveau de développement, qui n’ont pas les mêmes réalités sociales, politiques, économiques, géographiques, culturelles…

    11Stuenkel O., Post western world. How emerging powers are remaking global order, Cambridge (UK), Polity Press, 2016, p. 6.

    12Jaffrelot C., « Introduction », L’enjeu mondial. Les pays émergents, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 13-22.

    13Kaplinski R. et Farooki M., « La coopération de l’Afrique avec les partenaires de développement nouveaux et émergents : options pour le développement de l’Afrique », Bureau du conseiller spécial pour l’Afrique, New York, 2010, p. xiii.

    14Gazibo M. et Mbabia O., « La politique africaine de la Chine montante à l’ère de la nouvelle ruée vers l’Afrique », Études internationales, no 414, 2010, p. 521-546.

    15Commission européenne, Accord de partenariat économique (APE) : une nouvelle approche dans les relations entre l’Union européenne et les pays ACP, document de travail, Bruxelles, 2002, p. 8.

    16C’est en substance ce qui ressort de la tribune suivante de Abdoulaye Wade, alors président de la République du Sénégal, publiée dans le journal Le Monde le 15 novembre 2007 : « Europe-Afrique : la coopération en panne ».

    17Jolly D., Ces entreprises qui font la Chine, Paris, Eyrolles, 2011, p. ix.

    18Delannoy S., « 4. L’émergence par l’économie. La géographie de la croissance au xxie siècle », Géopolitique des pays émergents. Ils changent le monde, Paris, PUF, 2012, p. 59-74.

    19Meidan M., « Le pétrole et la Chine-Afrique : plus qu’une relation commerciale », Afrique contemporaine, no 228, 2009, p. 95-104.

    20Rien qu’à eux deux, la Chine et l’Inde représentent près du tiers de la population mondiale avec respectivement 1,371 milliard et 1,309 milliard d’habitants en 2015.

    21Même si la plupart des pays émergents ont opéré au cours des dernières décennies un changement de modèle économique, passant d’une économie d’État et tournée vers l’intérieur à une économie de marché marqué par la propriété privée et une ouverture sur le monde, le rôle de l’État est resté central dans la plupart de ces économies.

    22Depuis quelques années les marchés émergents attirent une part importante des IDE en provenance du reste du monde, surtout des pays développés. Selon le rapport 2016 de la CNUCED sur l’investissement dans le monde, la moitié des dix principales destinations d’IDE dans le monde ces dix dernières années sont des pays en développement, en l’occurrence la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud et Singapour.

    23Kaplinski R. et Farooki M., op. cit., p. 9.

    24Hugon P., « Les nouveaux acteurs de la coopération en Afrique », International development Policy/Revue internationale de politique de développement, 1/2010, mis en ligne le 11 mars 2010, [http://journals.openedition.org/poldev/118], consulté le 5 février 2020.

    25Et donc d’investissement, ce qui constitue une aubaine dans cette nouvelle configuration africaine devenue hautement concurrentielle.

    26Il faut dire que dans les années quatre-vingt-dix, la plupart des régions africaines était en proie à des conflits armés et l’insécurité n’est pas propice à des investissements en capitaux étrangers.

    27Mbabia O., La Chine en Afrique : histoire, géopolitique, géo-économie, Paris, Ellipses, 2012, p. 11

    28Ces accointances sont le fruit d’opérations de fusions-acquisition, de prise de contrôle, et même de rachat pure et simple de nombre d’entreprises occidentales par certains champions émergents.

    29Chaponnière J.-R., « La Chine et l’enjeu africain : analyse des échanges sino-africains », in Nyembwe Musungaie A. et Oga Ukwelo J., La Chine en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 41.

    30Mahiou A., « La coopération Sud-Sud : limites du discours unitaire », La coopération Sud-Sud. État et perspectives, vol. 24, no 96, 1983, p. 757-761

    31Le premier sommet Inde-Afrique a lieu le 8 avril 2008 ; et celui entre la Turquie et l’Afrique le 18 août 2008.

    32Les sommets Afrique-Amérique latine sont des rencontres triennales entre pays africains et latino-américains mis en place lors d’une rencontre en 2004 entre les présidents Olusegun Obasanjo du Nigéria et Lula Da Silva du Brésil. La première édition s’est tenue en 2006 au Nigéria, et sera suivie de 3 autres éditions respectivement en 2009 au Venezuela, en 2013 en Guinée équatoriale, et dernièrement en 2016 au Pérou.

    33Mbabia O., La Chine en Afrique : histoire, géopolitique, géo-économie, op. cit., p. 11.

    34Rampa F. et al., « Leveraging South-South coopération for Africa’s development », South African Journal of International Affairs, vol. 19, no 2, 2012, p. 247-269.

    35Les Perspectives économiques en Afrique 2011 font état d’un doublement en dix ans (2000-2010) du volume des échanges de l’Afrique avec ses partenaires émergents pour représenter aujourd’hui 37 % du commerce total du continent.

    36Goldstein A. et al., L’essor de la Chine et de l’Inde : quels enjeux pour l’Afrique ?, Paris, Études du Centre de développement/Éditions OCDE, 2006, p. 51.

    37Commission chargée des affaires commerciales de l’Union européenne.

    38Kaplinski R. et Farooki M. op. cit., p. 6

    39L’African Growth and Opportunity Act ou AGOA a été adoptée en mai 2000 par le Congrès américain et vise à soutenir les économies africaines par une facilité d’accès de leurs produits au marché états-unien sous réserve du respect d’un certain nombre de principe issus du libéralisme économique. Aux pays africains, cette loi offre ainsi la possibilité de s’affirmer progressivement sur la scène mondiale en entrant dans la mondialisation, et aux États-Unis, une nouvelle source d’approvisionnement, notamment en pétrole.

    40CNUCED (2010), Foreign Direct Investment Data Series, accessible via UNCTADStats, unctadstat.unctad.org, conférence des Nations-unies sur le commerce et le développement, Genève, mise à jour du 17 septembre 2010.

    41L’UE reste le principal partenaire du continent africain en matière commerciale, d’investissement, mais aussi d’aide au développement.

    42C’est surtout rapportée au poids des puissances occidentales dans les économies africaines que la part des émergents semble limitée.

    43Les perspectives économiques en Afrique 2011 chiffre à 37 % la part en 2010, de l’ensemble des pays émergents dans le commerce total du continent africain, représentant ainsi le double de ce qu’elle était il y a dix ans, soit 18,5 % du volume des échanges du continent en 2000. Pour prendre quelques exemples individuels, on note entre 2002 et 2008 un triplement de la valeur des échanges entre le Brésil et l’Afrique. Pour sa part, l’Inde a vu ses échanges commerciaux avec l’Afrique quintupler en cinq ans, passant de 6 milliards de dollars états-uniens en 2002 à 30 milliards en 2007.

    44Rampa et al., « Leveraging South South cooperation for Africa’s development », South African Journal of International Affairs, vol. 19, no 2, 2012, p. 247-269.

    45C’est le cas notamment du secteur extractif pétrolier longtemps dominé par des géants occidentaux tels que Total, Elf, Chevron, Texaco, Exxon Mobil… mais qui tombe progressivement aux mains des champions émergents surtout chinois, à l’image de la China National Petroleum Corporation (CNPC), de la China Petrochemical Corporation (Sinopec) mais aussi de la China National Offshore Oil Production (CNOOC). On peut aussi parler du secteur des télécommunications longtemps sous l’emprise des opérateurs occidentaux à l’image notamment du Suédois Millicom, du français Orange, ou encore du britannique Vodaphone… et aujourd’hui presque assiégé par des rivaux émergents tels que l’indien Sunil Bharti Mittal, ou les chinois ZTE, Huawei… Dans le secteur de la construction des infrastructures, les émergents, surtout les chinois China Railway Construction Corp (CRC), China Sinohydro Construction Corporation (Ntugamo Project), China Chonguing International Construction Corporation (CICO) ont totalement éclipsé les anciens champions occidentaux du BTP à l’image des français Vinci, Soggea Satom…

    46Ce classement ne prend pas en compte l’UE en tant qu’entité économique unique, mais chacun de ses États membres dans leur individualité.

    47Mackie et al., Changements mondiaux, acteurs émergents et évolution des relations AC P-UE : Vers un programme d’action commun ?, Rapport ECDPM, Maastricht, 2011, p. ix.

    48Degans A., Les pays émergents : de nouveaux acteurs. BRIC’s : Brésil, Russie, Inde, Chine… Afrique du Sud, Paris, Ellipses, 2011, p. 87.

    49Lefort J.-C., La négociation des accords de partenariat économique avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, Assemblée nationale française, Rapport d’information, Paris, 5 juillet 2006, p. 16.

    50Meunier S., « Chapitre 11. L’Union européenne et l’OMC : la “mondialisation maîtrisée” à l’épreuve », in L’Europe qui se fait : regards croisés sur un parcours inachevé, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2008, [http://books.openedition.org/editionsmsh/1024] [DOI:10.4000/books.editionsmsh.1024].

    51Gegout C., « Le retrait de l’Europe et la montée en puissance de la Chine en Afrique, The Withdrawal of Europe and the Rise of China in Africa : Evaluating the Relevance of Realism, Liberalism and Constructivism », Politique européenne, no 39, 2013, p. 44‑75.

    52Hugon P., « Les nouveaux acteurs de la coopération en Afrique », Revue internationale de politique de développement, no 1, 2010, p. 99-118.

    53Wade A., « Europe-Afrique : la coopération en panne », Le Monde, Idées, 15 novembre 2007.

    54Les négociations des APE se sont déroulées dans un cadre régional, en rupture avec la logique du « tous ACP » qui a longtemps prévalu notamment sous les conventions de Lomé et récemment lors de la signature de l’accord de Cotonou. En ce qui concerne l’Afrique, les APE ont été négociés avec cinq (5) zones d’intégrations régionales : l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO + Mauritanie), l’Afrique centrale (CEMAC + Sao Tomé et Principe), la SADC (Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Swaziland), l’Afrique orientale et australe ou AFOA (Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Madagascar, Maurice, RDC, Seychelles, Soudan, Zambie, Zimbabwe) et enfin l’Afrique de l’Est (Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Uganda).

    55Gérard C., « Chirac “l’Africain”. Dix ans de politique africaine de la France, 1996-2006 », Politique étrangère, no 4, 2007, p. 905-918.

    56Article 21 du Traité sur l’Union européenne (TUE).

    57Zimelis A., « Conditionality and the EU-ACP Partnarship : A misguided approach to development ? », Australian Journal of Political Science, vol. 3, no 46, septembre 2011, p. 389-406.

    58Cf. l’article 5 de la convention de Lomé IV signé le 15 décembre 1989.

    59Hammamoun S., « Droits de l’homme et conditionnalité dans les accords de coopération de l’Union européenne : quelle logique juridique ? », Revue générale de droit, vol. 40, no 1, 2010, p. 145-178.

    60Article 9 de l’Accord de partenariat de Cotonou.

    61Keulers F., « Stories of moral actorship : European Union and Chinese Narratives Towards Africa », European Foreign Affairs Review, vol. 21, no 4, 2010, p. 517-537.

    62Nubukpo K., « Chine – Afrique : une coopération pragmatique », Alternatives économique, no 353, mars 2016, p. 47.

    63Ling J., « L’aide de la Chine et de l’Union européenne à l’Afrique : complémentarité ou contradiction ? », Les Temps Modernes, vol. 657, no 1, 2010, p. 82-109.

    64Tovi L., « L’Afrique demande à l’Europe de rompre avec le paternalisme », Les Échos, 10 décembre 2007, [https://www.lesechos.fr/10/12/2007/LesEchos/20064-031-ECH_l-afriquedemande-a-l-europe-de-rompre-avec-le-paternalisme.htm].

    65Hagueneau-Moizard C. et Montalieu T., « L’évolution du partenariat UE-ACP de Lomé à Cotonou : de l’exception à la normalisation », Mondes en développement, vol. 128, no 4, 2004, p. 65-88.

    66Wang F-L. et Elliot Esi A., « China in Africa : presence, perceptions and prospects », Journal of Contemporary China, vol. 23, no 90, p. 1012-1032.

    67Article 9 de l’Accord de Cotonou.

    68Article 36 de l’Accord de Cotonou.

    69Ling J., op. cit.

    70Moumouni S., « L’Accord de partenariat économique : rupture avec les accords de Lomé ? », in Bottini F. et Gaba H. et al, Les relations entre l’Union européenne, les pays ACP et les PTOM : la fin d’un cycle, Acte de colloque de Lomé, Paris, L’Harmattan, p. 37, à paraître.

    71Article 16 de l’APE UE-Afrique de l’Ouest.

    72Lebullenger J. et Perrin S., « Accords de partenariat économique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les États ACP », in Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amérique, Afrique, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 447.

    73Cet article prévoit des situations dérogatoires à la clause de la nation la plus favorisée, notamment par la constitution des Unions douanières ou la conclusion d’accords commerciaux régionaux (ACR) entre parties contractantes.

    74Lebullenger J., « Les incertitudes entourant la conclusion d’APE régionaux complets en Afrique », inIbriga L. M. (dir.), Le partenariat Europe-Afrique et les intégrations régionales, Bruylant, 2012, p. 313.

    75Abdou Diouf El H., « Questions contentieuses dans les accords de partenariat économique entre l’Europe et les pays ACP : les clauses de la discorde », Document de travail de l’Agence africaine pour le commerce et le développement (2ACD), Genève, 2010, p. 12.

    76Pour un exemple, l’APE conclu avec la région Afrique de l’Ouest prévoit une ouverture à 75 % du marché ouest-africain aux exportations européennes, alors que celui liant l’UE à la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) prévoit une ouverture à 80 % de cette zone économique aux produits européens.

    77Les délais d’ouverture varient selon les régions signataires de l’APE avec l’UE, entre 15 et 20 ans.

    78La plupart des délégations africaines avaient même au cours des négociations accepté le principe d’une clause NPF dans les APE, si son application devrait se limiter aux seuls pays développés avec lesquels l’Afrique entretient des rapports économiques.

    79Hanson V., « Clauses NPF dans les APE : une menace pour le commerce Sud-Sud ? », International Centre for Trade and Sustainable Development, 2008, [https://www.ictsd.org/bridges-news/passerelles/news/clauses-npf-dans-les-ape-une-menace-pour-le-commerce-sud-sud].

    80Article 19 de l’APE liant l’UE et le CARIFORUM.

    81Abdou Diouf El H., « L’article XXIV du GATT et l’APE : Argument juridiques pour soutenir l’offre Ouest africaine d’accès au marché », Document analytique d’Enda Tiers-Monde (ICTSD), Genève, 2012, p. 18.

    82Article 16 de l’accord de partenariat économique conclu entre l’UE et la région Afrique de l’Ouest.

    83Article 16. 3. de l’APE conclu entre l’UE et la région Afrique de l’Ouest.

    84Selon les premiers seuils devant concerner un État dans son individualité, des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud… peuvent tomber sous le coup de la clause NPF.

    85BRICS, IBSA, MERCOSUR, ASEAN…

    86La clause d’habilitation est le fondement juridique du système des préférences généralisées (SPG) établi par l’OMC. Adoptée en 1979 dans le cadre du GATT, elle confère d’abord aux pays développés la possibilité d’octroyer des avantages commerciaux à des pays en développement sans être obligé d’étendre ces avantages aux autres membres qui sont développés ; elle permet ensuite aux pays en développement de s’octroyer mutuellement des préférences commerciales sans que celles-ci ne soient ici aussi étendues aux autres membres développés de l’OMC.

    87Hanson V., op. cit.

    88Rolland S. E., « Une dimension du développement à l’OMC : pourquoi et comment », 2011, [http://www.esil-sedi.eu/sites/default/files/Rolland.PDF], consulté le 23 mai 2019.

    89Abdou Diouf El H., « Questions contentieuses dans les accords… », op. cit., p. 14.

    90D’autant plus que dès le départ, les partenaires avaient pris soin dans l’accord de Cotonou, d’assigner aux futurs accords commerciaux qui viendraient à être conclus entre eux, au-delà d’être conformes au nouveau droit multilatéral, l’objectif d’apporter le développement économique aux pays africains via une participation au commerce mondial qui les protégerait de la rigueur de la mondialisation, compte tenu de leur fragilité endémique.

    Auteur

    Sabikou Moumouni

    Doctorant en études européennes et internationales au Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA), université de Nantes. Sa thèse intitulée Les politiques européenne et chinoise de coopération économique avec l’Afrique depuis 2000 : une aide au développement ? est réalisée dans le cadre du projet Alliance Europa sous la co-direction des professeurs Michel Catala (université de Nantes) et Mamoudou GAZIBO (université de Montréal).

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    1On citera entre autres le yuan chinois, la roupie indienne, le real brésilien, le won coréen ou encore la lire turque…

    2BafD, OCDE, PNUD & CEA, « L’Afrique et ses partenaires émergents », Perspectives économiques en Afrique, Paris, 2011.

    3Trépant I., « Pays émergents et nouvel équilibre des forces », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 1991-1992, no 6, 2008, p. 6-54.

    4Delannoy S., « Un monde multipolaire ? Conclusion », Géopolitique des pays émergents, Paris, PUF, coll. « Major », 2012, p. 171-172.

    5Chaponnière J.-R., « Le basculement de l’Afrique vers l’Asie. Enjeux pour les ports africains », Afrique contemporaine, vol. 2, no 234, 2010, p. 25-40.

    6Dans le cadre par exemple de la Chine, ses relations avec le continent africain remonteraient au début du xve siècle, sous la dynastie Ming (1368-1644).

    7C’est Antoine Van Agtmaël, économiste à la Banque mondiale, qui a employé le premier l’expression « Marchés émergents » pour désigner à l’époque un certain nombre de pays en développement connaissant une croissance rapide grâce notamment à un afflux inédit d’IDE en provenance majoritairement du monde occidental.

    8Elle supplantait ainsi le concept de « Nouveaux pays industrialisés » (NPI) alors en vogue dans les cercles politico-économiques et financiers pour désigner tous ces pays en développement.

    9Brésil, Russie, Inde, Chine (BRIC), rejoints un peu plus tard par les BRICS.

    10Ce sont des pays qui ne sont pas au même niveau de développement, qui n’ont pas les mêmes réalités sociales, politiques, économiques, géographiques, culturelles…

    11Stuenkel O., Post western world. How emerging powers are remaking global order, Cambridge (UK), Polity Press, 2016, p. 6.

    12Jaffrelot C., « Introduction », L’enjeu mondial. Les pays émergents, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 13-22.

    13Kaplinski R. et Farooki M., « La coopération de l’Afrique avec les partenaires de développement nouveaux et émergents : options pour le développement de l’Afrique », Bureau du conseiller spécial pour l’Afrique, New York, 2010, p. xiii.

    14Gazibo M. et Mbabia O., « La politique africaine de la Chine montante à l’ère de la nouvelle ruée vers l’Afrique », Études internationales, no 414, 2010, p. 521-546.

    15Commission européenne, Accord de partenariat économique (APE) : une nouvelle approche dans les relations entre l’Union européenne et les pays ACP, document de travail, Bruxelles, 2002, p. 8.

    16C’est en substance ce qui ressort de la tribune suivante de Abdoulaye Wade, alors président de la République du Sénégal, publiée dans le journal Le Monde le 15 novembre 2007 : « Europe-Afrique : la coopération en panne ».

    17Jolly D., Ces entreprises qui font la Chine, Paris, Eyrolles, 2011, p. ix.

    18Delannoy S., « 4. L’émergence par l’économie. La géographie de la croissance au xxie siècle », Géopolitique des pays émergents. Ils changent le monde, Paris, PUF, 2012, p. 59-74.

    19Meidan M., « Le pétrole et la Chine-Afrique : plus qu’une relation commerciale », Afrique contemporaine, no 228, 2009, p. 95-104.

    20Rien qu’à eux deux, la Chine et l’Inde représentent près du tiers de la population mondiale avec respectivement 1,371 milliard et 1,309 milliard d’habitants en 2015.

    21Même si la plupart des pays émergents ont opéré au cours des dernières décennies un changement de modèle économique, passant d’une économie d’État et tournée vers l’intérieur à une économie de marché marqué par la propriété privée et une ouverture sur le monde, le rôle de l’État est resté central dans la plupart de ces économies.

    22Depuis quelques années les marchés émergents attirent une part importante des IDE en provenance du reste du monde, surtout des pays développés. Selon le rapport 2016 de la CNUCED sur l’investissement dans le monde, la moitié des dix principales destinations d’IDE dans le monde ces dix dernières années sont des pays en développement, en l’occurrence la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud et Singapour.

    23Kaplinski R. et Farooki M., op. cit., p. 9.

    24Hugon P., « Les nouveaux acteurs de la coopération en Afrique », International development Policy/Revue internationale de politique de développement, 1/2010, mis en ligne le 11 mars 2010, [http://journals.openedition.org/poldev/118], consulté le 5 février 2020.

    25Et donc d’investissement, ce qui constitue une aubaine dans cette nouvelle configuration africaine devenue hautement concurrentielle.

    26Il faut dire que dans les années quatre-vingt-dix, la plupart des régions africaines était en proie à des conflits armés et l’insécurité n’est pas propice à des investissements en capitaux étrangers.

    27Mbabia O., La Chine en Afrique : histoire, géopolitique, géo-économie, Paris, Ellipses, 2012, p. 11

    28Ces accointances sont le fruit d’opérations de fusions-acquisition, de prise de contrôle, et même de rachat pure et simple de nombre d’entreprises occidentales par certains champions émergents.

    29Chaponnière J.-R., « La Chine et l’enjeu africain : analyse des échanges sino-africains », in Nyembwe Musungaie A. et Oga Ukwelo J., La Chine en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 41.

    30Mahiou A., « La coopération Sud-Sud : limites du discours unitaire », La coopération Sud-Sud. État et perspectives, vol. 24, no 96, 1983, p. 757-761

    31Le premier sommet Inde-Afrique a lieu le 8 avril 2008 ; et celui entre la Turquie et l’Afrique le 18 août 2008.

    32Les sommets Afrique-Amérique latine sont des rencontres triennales entre pays africains et latino-américains mis en place lors d’une rencontre en 2004 entre les présidents Olusegun Obasanjo du Nigéria et Lula Da Silva du Brésil. La première édition s’est tenue en 2006 au Nigéria, et sera suivie de 3 autres éditions respectivement en 2009 au Venezuela, en 2013 en Guinée équatoriale, et dernièrement en 2016 au Pérou.

    33Mbabia O., La Chine en Afrique : histoire, géopolitique, géo-économie, op. cit., p. 11.

    34Rampa F. et al., « Leveraging South-South coopération for Africa’s development », South African Journal of International Affairs, vol. 19, no 2, 2012, p. 247-269.

    35Les Perspectives économiques en Afrique 2011 font état d’un doublement en dix ans (2000-2010) du volume des échanges de l’Afrique avec ses partenaires émergents pour représenter aujourd’hui 37 % du commerce total du continent.

    36Goldstein A. et al., L’essor de la Chine et de l’Inde : quels enjeux pour l’Afrique ?, Paris, Études du Centre de développement/Éditions OCDE, 2006, p. 51.

    37Commission chargée des affaires commerciales de l’Union européenne.

    38Kaplinski R. et Farooki M. op. cit., p. 6

    39L’African Growth and Opportunity Act ou AGOA a été adoptée en mai 2000 par le Congrès américain et vise à soutenir les économies africaines par une facilité d’accès de leurs produits au marché états-unien sous réserve du respect d’un certain nombre de principe issus du libéralisme économique. Aux pays africains, cette loi offre ainsi la possibilité de s’affirmer progressivement sur la scène mondiale en entrant dans la mondialisation, et aux États-Unis, une nouvelle source d’approvisionnement, notamment en pétrole.

    40CNUCED (2010), Foreign Direct Investment Data Series, accessible via UNCTADStats, unctadstat.unctad.org, conférence des Nations-unies sur le commerce et le développement, Genève, mise à jour du 17 septembre 2010.

    41L’UE reste le principal partenaire du continent africain en matière commerciale, d’investissement, mais aussi d’aide au développement.

    42C’est surtout rapportée au poids des puissances occidentales dans les économies africaines que la part des émergents semble limitée.

    43Les perspectives économiques en Afrique 2011 chiffre à 37 % la part en 2010, de l’ensemble des pays émergents dans le commerce total du continent africain, représentant ainsi le double de ce qu’elle était il y a dix ans, soit 18,5 % du volume des échanges du continent en 2000. Pour prendre quelques exemples individuels, on note entre 2002 et 2008 un triplement de la valeur des échanges entre le Brésil et l’Afrique. Pour sa part, l’Inde a vu ses échanges commerciaux avec l’Afrique quintupler en cinq ans, passant de 6 milliards de dollars états-uniens en 2002 à 30 milliards en 2007.

    44Rampa et al., « Leveraging South South cooperation for Africa’s development », South African Journal of International Affairs, vol. 19, no 2, 2012, p. 247-269.

    45C’est le cas notamment du secteur extractif pétrolier longtemps dominé par des géants occidentaux tels que Total, Elf, Chevron, Texaco, Exxon Mobil… mais qui tombe progressivement aux mains des champions émergents surtout chinois, à l’image de la China National Petroleum Corporation (CNPC), de la China Petrochemical Corporation (Sinopec) mais aussi de la China National Offshore Oil Production (CNOOC). On peut aussi parler du secteur des télécommunications longtemps sous l’emprise des opérateurs occidentaux à l’image notamment du Suédois Millicom, du français Orange, ou encore du britannique Vodaphone… et aujourd’hui presque assiégé par des rivaux émergents tels que l’indien Sunil Bharti Mittal, ou les chinois ZTE, Huawei… Dans le secteur de la construction des infrastructures, les émergents, surtout les chinois China Railway Construction Corp (CRC), China Sinohydro Construction Corporation (Ntugamo Project), China Chonguing International Construction Corporation (CICO) ont totalement éclipsé les anciens champions occidentaux du BTP à l’image des français Vinci, Soggea Satom…

    46Ce classement ne prend pas en compte l’UE en tant qu’entité économique unique, mais chacun de ses États membres dans leur individualité.

    47Mackie et al., Changements mondiaux, acteurs émergents et évolution des relations AC P-UE : Vers un programme d’action commun ?, Rapport ECDPM, Maastricht, 2011, p. ix.

    48Degans A., Les pays émergents : de nouveaux acteurs. BRIC’s : Brésil, Russie, Inde, Chine… Afrique du Sud, Paris, Ellipses, 2011, p. 87.

    49Lefort J.-C., La négociation des accords de partenariat économique avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, Assemblée nationale française, Rapport d’information, Paris, 5 juillet 2006, p. 16.

    50Meunier S., « Chapitre 11. L’Union européenne et l’OMC : la “mondialisation maîtrisée” à l’épreuve », in L’Europe qui se fait : regards croisés sur un parcours inachevé, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2008, [http://books.openedition.org/editionsmsh/1024] [DOI:10.4000/books.editionsmsh.1024].

    51Gegout C., « Le retrait de l’Europe et la montée en puissance de la Chine en Afrique, The Withdrawal of Europe and the Rise of China in Africa : Evaluating the Relevance of Realism, Liberalism and Constructivism », Politique européenne, no 39, 2013, p. 44‑75.

    52Hugon P., « Les nouveaux acteurs de la coopération en Afrique », Revue internationale de politique de développement, no 1, 2010, p. 99-118.

    53Wade A., « Europe-Afrique : la coopération en panne », Le Monde, Idées, 15 novembre 2007.

    54Les négociations des APE se sont déroulées dans un cadre régional, en rupture avec la logique du « tous ACP » qui a longtemps prévalu notamment sous les conventions de Lomé et récemment lors de la signature de l’accord de Cotonou. En ce qui concerne l’Afrique, les APE ont été négociés avec cinq (5) zones d’intégrations régionales : l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO + Mauritanie), l’Afrique centrale (CEMAC + Sao Tomé et Principe), la SADC (Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Swaziland), l’Afrique orientale et australe ou AFOA (Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Madagascar, Maurice, RDC, Seychelles, Soudan, Zambie, Zimbabwe) et enfin l’Afrique de l’Est (Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Uganda).

    55Gérard C., « Chirac “l’Africain”. Dix ans de politique africaine de la France, 1996-2006 », Politique étrangère, no 4, 2007, p. 905-918.

    56Article 21 du Traité sur l’Union européenne (TUE).

    57Zimelis A., « Conditionality and the EU-ACP Partnarship : A misguided approach to development ? », Australian Journal of Political Science, vol. 3, no 46, septembre 2011, p. 389-406.

    58Cf. l’article 5 de la convention de Lomé IV signé le 15 décembre 1989.

    59Hammamoun S., « Droits de l’homme et conditionnalité dans les accords de coopération de l’Union européenne : quelle logique juridique ? », Revue générale de droit, vol. 40, no 1, 2010, p. 145-178.

    60Article 9 de l’Accord de partenariat de Cotonou.

    61Keulers F., « Stories of moral actorship : European Union and Chinese Narratives Towards Africa », European Foreign Affairs Review, vol. 21, no 4, 2010, p. 517-537.

    62Nubukpo K., « Chine – Afrique : une coopération pragmatique », Alternatives économique, no 353, mars 2016, p. 47.

    63Ling J., « L’aide de la Chine et de l’Union européenne à l’Afrique : complémentarité ou contradiction ? », Les Temps Modernes, vol. 657, no 1, 2010, p. 82-109.

    64Tovi L., « L’Afrique demande à l’Europe de rompre avec le paternalisme », Les Échos, 10 décembre 2007, [https://www.lesechos.fr/10/12/2007/LesEchos/20064-031-ECH_l-afriquedemande-a-l-europe-de-rompre-avec-le-paternalisme.htm].

    65Hagueneau-Moizard C. et Montalieu T., « L’évolution du partenariat UE-ACP de Lomé à Cotonou : de l’exception à la normalisation », Mondes en développement, vol. 128, no 4, 2004, p. 65-88.

    66Wang F-L. et Elliot Esi A., « China in Africa : presence, perceptions and prospects », Journal of Contemporary China, vol. 23, no 90, p. 1012-1032.

    67Article 9 de l’Accord de Cotonou.

    68Article 36 de l’Accord de Cotonou.

    69Ling J., op. cit.

    70Moumouni S., « L’Accord de partenariat économique : rupture avec les accords de Lomé ? », in Bottini F. et Gaba H. et al, Les relations entre l’Union européenne, les pays ACP et les PTOM : la fin d’un cycle, Acte de colloque de Lomé, Paris, L’Harmattan, p. 37, à paraître.

    71Article 16 de l’APE UE-Afrique de l’Ouest.

    72Lebullenger J. et Perrin S., « Accords de partenariat économique : mise en perspective des relations commerciales de l’Union européenne avec les États ACP », in Regards croisés sur les intégrations régionales : Europe, Amérique, Afrique, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 447.

    73Cet article prévoit des situations dérogatoires à la clause de la nation la plus favorisée, notamment par la constitution des Unions douanières ou la conclusion d’accords commerciaux régionaux (ACR) entre parties contractantes.

    74Lebullenger J., « Les incertitudes entourant la conclusion d’APE régionaux complets en Afrique », inIbriga L. M. (dir.), Le partenariat Europe-Afrique et les intégrations régionales, Bruylant, 2012, p. 313.

    75Abdou Diouf El H., « Questions contentieuses dans les accords de partenariat économique entre l’Europe et les pays ACP : les clauses de la discorde », Document de travail de l’Agence africaine pour le commerce et le développement (2ACD), Genève, 2010, p. 12.

    76Pour un exemple, l’APE conclu avec la région Afrique de l’Ouest prévoit une ouverture à 75 % du marché ouest-africain aux exportations européennes, alors que celui liant l’UE à la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) prévoit une ouverture à 80 % de cette zone économique aux produits européens.

    77Les délais d’ouverture varient selon les régions signataires de l’APE avec l’UE, entre 15 et 20 ans.

    78La plupart des délégations africaines avaient même au cours des négociations accepté le principe d’une clause NPF dans les APE, si son application devrait se limiter aux seuls pays développés avec lesquels l’Afrique entretient des rapports économiques.

    79Hanson V., « Clauses NPF dans les APE : une menace pour le commerce Sud-Sud ? », International Centre for Trade and Sustainable Development, 2008, [https://www.ictsd.org/bridges-news/passerelles/news/clauses-npf-dans-les-ape-une-menace-pour-le-commerce-sud-sud].

    80Article 19 de l’APE liant l’UE et le CARIFORUM.

    81Abdou Diouf El H., « L’article XXIV du GATT et l’APE : Argument juridiques pour soutenir l’offre Ouest africaine d’accès au marché », Document analytique d’Enda Tiers-Monde (ICTSD), Genève, 2012, p. 18.

    82Article 16 de l’accord de partenariat économique conclu entre l’UE et la région Afrique de l’Ouest.

    83Article 16. 3. de l’APE conclu entre l’UE et la région Afrique de l’Ouest.

    84Selon les premiers seuils devant concerner un État dans son individualité, des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud… peuvent tomber sous le coup de la clause NPF.

    85BRICS, IBSA, MERCOSUR, ASEAN…

    86La clause d’habilitation est le fondement juridique du système des préférences généralisées (SPG) établi par l’OMC. Adoptée en 1979 dans le cadre du GATT, elle confère d’abord aux pays développés la possibilité d’octroyer des avantages commerciaux à des pays en développement sans être obligé d’étendre ces avantages aux autres membres qui sont développés ; elle permet ensuite aux pays en développement de s’octroyer mutuellement des préférences commerciales sans que celles-ci ne soient ici aussi étendues aux autres membres développés de l’OMC.

    87Hanson V., op. cit.

    88Rolland S. E., « Une dimension du développement à l’OMC : pourquoi et comment », 2011, [http://www.esil-sedi.eu/sites/default/files/Rolland.PDF], consulté le 23 mai 2019.

    89Abdou Diouf El H., « Questions contentieuses dans les accords… », op. cit., p. 14.

    90D’autant plus que dès le départ, les partenaires avaient pris soin dans l’accord de Cotonou, d’assigner aux futurs accords commerciaux qui viendraient à être conclus entre eux, au-delà d’être conformes au nouveau droit multilatéral, l’objectif d’apporter le développement économique aux pays africains via une participation au commerce mondial qui les protégerait de la rigueur de la mondialisation, compte tenu de leur fragilité endémique.

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    Moumouni, Sabikou. « Les partenariats traditionnels de l’Afrique à l’épreuve de la redynamisation de ses rapports économiques avec les pays émergents : le cas des accords commerciaux entre l’Union européenne et l’Afrique ». L’Europe et l’Afrique, édité par Michel Catala, Presses universitaires de Rennes, 2020, https://doi.org/10.4000/13vul.

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    Catala, M. (éd.). (2020). L’Europe et l’Afrique (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13vzp
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