Le commerce métropolitain vu de Saint-Domingue : une lente montée en puissance (1665-1700)
Trade with the home country as seen from St Domingue: a slow rise in power (1665-1700)
p. 193-207
Résumés
La Tortue et côte de Saint-Domingue, repaire des flibustiers, des interlopes, des petits planteurs de tabac et des boucaniers, sans oublier les dégradés, les trente-six mois, quelques officiers, des familles, quelques esclaves. Difficile d’attirer le commerce métropolitain qui s’arrête longtemps à Saint-Christophe, malgré ce négoce assez rentable de l’engagé blanc qui complète si utilement les cargaisons. Entre ce début du gouvernement de Bertrand d’Ogeron, où les navires français sont trop rares, n’offrent que des produits de mauvaise qualité et à un prix mirifique et la fin de celui de Du Casse, où l’on continue à récriminer sur les mêmes motifs, un changement très net s’est opéré. La lointaine Grande Terre est devenue une destination à part entière et non l’aboutissement d’une dérive pour ceux que le vent et les courants ont fait manquer les Petites Antilles. Nouveaux marchés, vaste potentiel que chacun désormais pressent, localisation idéale face aux colonies espagnoles : ce n’est pas encore la Perle des Antilles mais le roulement des sucreries montre qu’on y travaille activement.
Tortue and the coast of St Domingue were dens for freebooters, illicit traders, small tobacco planters and buccaneers, but they were also places where one could find deserters, the ‘trente-six mois’ (indentured servants), families, a few Navy officers and a few slaves. It was not easy to make merchants sail from France to St Domingue: most of them preferred stopping at St Kitts. Yet from Bertrand d’Ogeron’s government (when French ships were rare and offered expensive, bad-quality goods) to the end of Du Casse’s government (although people complained about the same problems), there was a definite change. At that time, the far-off Grande Terre had become a destination in its own right, and not only a place where one ‘ended up’ when all hope of a bright future in the West Indies had gone. Grande Terre offered new markets and vast growth potential, which everyone at the time knew. Its location just opposite the Spanish settlements was perfect. Grande Terre was not yet the ‘Pearl of the West Indies,’ but the good working order of its sugar plantations meant that it would become so very soon.
Texte intégral
1La Tortue et côte de Saint-Domingue sont le repaire des flibustiers, des interlopes, des petits planteurs de tabac et des boucaniers, sans oublier les dégradés, les trente-six mois, quelques officiers, des familles, quelques esclaves. Difficile d’attirer le commerce métropolitain qui s’arrête longtemps à Saint-Christophe, malgré ce négoce assez rentable de l’engagé blanc qui complète si utilement les cargaisons. Entre ce début du gouvernement de Bertrand d’Ogeron, où les navires français sont trop rares, n’offrent que des produits de mauvaise qualité et à un prix mirifique et la fin de celui de Du Casse, où l’on continue à récriminer sur les mêmes motifs, un changement très net s’est opéré. La lointaine Grande Terre est devenue une destination à part entière et non l’aboutissement d’une dérive pour ceux que le vent et les courants ont fait manquer les Petites Antilles. Nouveaux marchés, vaste potentiel que chacun désormais pressent, localisation idéale face aux colonies espagnoles : ce n’est pas encore la Perle des Antilles mais le roulement des sucreries montre qu’on y travaille activement.
2Le 2 mai 1666, un convoi commandé par le comte de Sourdis quitte le Havre-de-Grâce. Il se compose de quarante voiles. Passé le raz de Fontenau, à la sortie de la Manche, sept bâtiments demeurent pour prendre la route des Antilles en droiture. Le Saint-Jean (capitaine Tillaye) ne peut aborder ni à la Martinique ni à la Guadeloupe. Il a perdu de vue les autres navires durant la traversée. C’est donc seul qu’il poursuit sa route vers le Port-Margot, sis sur la côte nord de Saint-Domingue, face à l’île de la Tortue, avant de gagner ladite île le 7 juillet. Nous connaissons l’existence du Saint-Jean par le témoignage d’Alexandre-Olivier Exquemelin, qui se trouve à bord parmi d’autres engagés menés là et vendus 30 écus à temps par les soins de la Compagnie des Indes occidentales1. Les archives de La Rochelle évoquent-elles un départ de Dieppe. Le Saint-Jean serait reparti vers son port d’attache à la Toussaint 1666, portant un équipage de 30 hommes, essentiellement des Normands (20 Dieppois et 4 Havrais). Le capitaine est nommé différemment : Charles Mansil2. Bertrand d’Ogeron évoque également ce bâtiment, étant prévenu de son arrivée3. Un tel croisement des sources n’est pas toujours possible mais a le mérite de pouvoir faire le tour des archives auxquelles il faudrait ajouter les registres des assurances de Paris.
La colonie du bout du monde : des prémices difficiles
3Dans un mémoire de 1666, Ogeron en profite pour demander à Colbert de faire pression sur les directeurs de la Compagnie pour le laisser mener ses affaires, savoir, en diminuant les droits perçus de moitié, « donner » les marchandises du cru de France au prix qu’il voudra, moyen d’assurer le passage de 700 à 800 personnes chaque année. La Tortue et côte de Saint-Domingue, établissement déjà ancien puisque fréquenté dès les années 1630, n’est devenue colonie que fort récemment. Elle est entrée dans le giron de l’État par le biais d’une Compagnie de commerce bien peu volontaire. Elle souffre de l’absence d’infrastructures et du prix élevé voire prohibitif de biens indispensables à sa survie. Non loin, il est loisible depuis une dizaine d’années de se procurer tout le nécessaire à moindre coût, au Port Royal de la Jamaïque4. Et puis les rouliers néerlandais, en mal de colonies depuis la perte du Brésil en 1654, jouent volontiers les Messieurs bons offices auprès des colons. Le glissement vers la Grande Terre ne s’est pas encore opéré et atteindre la Tortue où ne se trouvent que deux endroits convenant au mouillage n’est pas toujours aisé pour les marchands5. Bien souvent, les colons doivent se déplacer à Saint-Christophe pour y trouver du ravitaillement et des engagés. Si l’on prend cette année charnière de 1665 où la Tortue bascule sous l’autorité du Roi et de sa compagnie (encore que par prudence Ogeron diffère de six mois cette prise de possession), une consultation des sources est édifiante. Entre mai et juillet, La Suzanne (Barent Rees) appareille pour Rotterdam, La Charité (Laurence Rosière) pour Amsterdam, L’Aigle (Cornellis Heerijen) pour Flessingue, L’Espérance (Jean Meyer) pour Middelbourg tandis que L’Anne Marie d’Amsterdam qui navigue sous pavillon français (Jean van Harel) amène quelque 400 esclaves avant de revenir en France. Deux autres navires (capitaines Jean André et Antoine Hubreschen) doivent encore partir pour la Hollande sans oublier Le Saint-Pierre (Jacques Pinganet) capturé par les Anglais en mer de Manche. Pour la métropole, un navire fera son retour à Dunkerque (Les Armes de la Compagnie, capitaine Jacques Séguin), un autre pour Nantes (Belliard), un pour La Rochelle (Buisson), un pour Honfleur (Prévost) qui recueille en mer l’équipage de La Dauphine (Jean Goislin) qui a fait naufrage et était prévue pour La Rochelle. On peut encore mentionner dix autres navires dont la moitié navigue sous pavillon de la Compagnie6. Or, l’ensemble de ces navires fait voile depuis Saint-Christophe, aucun ne s’est donc rendu à Saint-Domingue où il faut compter une semaine de plus à l’aller et trois au retour à moins de débouquer par le canal de Bahamas ou celui de Floride. Encore est-ce un cas idéal. La Royale (Nicolas Pelture de Beaulieu) qui quitte Le Havre pour Saint-Domingue à la mi-juillet 1668, n’y arrive qu’au 1er octobre, soit deux mois et demi de traversée7. L’allongement du voyage par rapport à un circuit de distribution plus habituel et plus efficient débutant par la Guyane avant d’atteindre la Grenade, la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Christophe est un élément d’explication de cette désaffection des débuts. Certes, les vents et les courants ont bon dos qui empêchent parfois d’accoster aux Petites Antilles et obligent à un large crochet vers Saint-Domingue. La plupart du temps, il s’agit là d’un commerce interlope qui intéresse également les colonies espagnoles. Difficile de mesurer ce flux par essence discret. L’imprécision des mentions sur les congés portant destination des navires rend impossible un comptage exact. Et puis le capitaine a souvent toute latitude pour changer de destination dès lors que sa cargaison n’est pas destinée à des personnes dûment nommées. De quoi drainer vers Saint-Domingue un petit commerce supplémentaire. Un autre motif de désaffection porte sur la nature des cargaisons, les Petites Antilles fournissent du sucre dont partie est raffinée alors qu’il n’y a pas encore suffisamment de tabac à Saint-Domingue. Enfin, la concurrence des interlopes bataves ou la proximité du Port Royal sont dissuasifs. L’accueil des colons est souvent incertain, comme le montreront les événements de 1676.
4Ogeron résume parfaitement la situation au ministre. 1o La politique somptuaire de la Compagnie à l’égard de l’île plonge les colons dans l’incertitude, n’osant faire du tabac ni acheter des esclaves : « j’estime, écrit-il, qu’il est moins rude de tomber tout d’un coup que d’être incessamment dans le branle de tomber et de périr ». 2o L’interlope est à ce point considérable et hors de portée d’être contrarié que tout commerce national est irrémédiablement compromis. 3o Le « général » de la Jamaïque de l’époque est fort heureusement détesté des Français, mais « s’il en arrive un autre à sa place, plus aimable que lui, nous ne pourrons plus retirer nos Français de ladite île de la Jamaïque8 ». 4o Pour aller plus loin dans la menace ou le chantage, Ogeron évoque l’établissement anglais du cap Fear (Caroline du Nord).
« Un grand nombre d’Anglais habitués qui ne font autre chose que de planter de la vigne et espèrent dans deux ans faire une si grande quantité de vin (lequel ne doit être guère moins bon que celui d’Espagne) qu’ils en rempliront tous ces quartiers ici ce qui est pratiquement impossible d’empêcher9. »
5En dehors du fait que le gouverneur cherche à développer son propre commerce et favoriser ses propres établissements, les chiffres relatifs à la cherté des marchandises françaises fournies (tissus, plomb, eaux-de-vie, vins, farines) sont éclairants. L’Angevin demande une réduction d’un quart voire d’un tiers (pour les chemises, caleçons, cordages, brai, goudron et toiles) et 40 % pour la poudre10. Ogeron sait que les Domingois ne peuvent pour lors compter que sur eux-mêmes. Après avoir laissé aux colons une liberté de commerce qu’elle ne pouvait combler, la Compagnie étend son monopole à Saint-Domingue après avoir rappelé le gouverneur pour consultation. Le 16 avril, la convention qui est signée avec Ogeron prévoit que les colons utiliseront dorénavant les navires de la Compagnie sur lesquels Ogeron est intéressé à hauteur d’un tiers pour quatre années11. Cela se traduit par une augmentation du coût du fret, rien de très favorable au moment où débute la guerre de Hollande (1672-1678). D’un autre côté, l’accent est mis sur une pratique largement usitée par Ogeron : armer ses propres navires, achetés ou loués en France ou le résultat de prises flibustières. Les premiers gouverneurs de Saint-Domingue sont tous de grands armateurs, palliant ici ou là le déficit de marchands français et entraînant à leur côté les principaux colons.
L’attrait du tabac et la guerre de Hollande
6Le commerce de la métropole vers Saint-Domingue reste donc difficile à évaluer dans les premières années du règne personnel de Louis XIV. Une certitude à propos des Îles en général, il s’élève à un niveau respectable assez rapidement sans encore apporter de précision quand apparaît le terme générique « d’Isles d’Amérique ». En 1667, 29 bâtiments se rendent aux Antilles, 45 en 1671, 71 en 1679. Disons qu’en trente années, de 1663 à 1692, 1 069 navires vont aux Îles, soit une moyenne annuelle de 35,6 navires. À partir de là, toutes les archives doivent être sondées pour reconstituer les voyages et préciser les destinations. En 1671 (période de paix), Saint-Domingue n’est citée qu’à trois reprises : Le David de Nantes (David Belliard) assuré pour 29 000 lt sur le corps et la cargaison à 10 et 11 %, jaugeant 240 tx et portant 14 canons ; Le Saint-Pierre de Honfleur (Pierre Le Cordier) de 100 tx et 2 canons, assuré sur le quart du corps et de la cargaison pour 2 500 lt et Le Berby de Nantes (Henri Imbert) de 60 tx, assuré sur la moitié du corps et de la cargaison à hauteur de 3 000 lt12.
7En 1679, c’est-à-dire après la guerre de Hollande, la situation évolue clairement. Cette fois, Saint-Domingue est spécifiquement mentionnée à 23 reprises, soit plus de la moitié des cas. Cependant, cela ne veut pas dire que le voyage n’a pas concerné également les Petites Antilles. Le Saint-Nicolas, appartenant à la Compagnie du Sénégal, assuré pour 30 000 lt à 5 % sur corps et marchandises peut effectuer son retour d’Afrique sur Cadix, Marseille, Le Havre mais peut aussi passer par les Îles voire Saint-Domingue. Dans ce dernier cas, il est stipulé que l’assurance grimpe à 7 %. En fait Le Saint-Nicolas a été vendu en Guinée. Pour les navires malouins, il est clairement spécifié un voyage aux îles d’Amérique, Cayenne ou la Tortue. Pas de quoi triompher : quatre de ces navires relèvent de la Compagnie du Sénégal, trois sont malouins et bien plus intéressés par le commerce interlope avec les Espagnols. Sur les huit nantais, quatre sont armés en partie par le gouverneur Nepveu de Pouancey qui arme et assure aussi un navire rochelais13.
Tableau 1. Navires affrétés en 1679 par le gouverneur de Saint-Domingue Nepveu de Pouancey.
Navires | Capitaines | tonnage | Assurance portant sur | Montant (en lt) | Taux (en %) |
Benigne | Villalin | 30 | marchandises | 400 | 5 |
Saint-Joseph | Jean Meslin sieur Desmoulins | 60 | corps et marchandises | 18 000 | 4 et 5 |
Saint-Jean-Baptiste | Josué Boutin | 300 | marchandises | 2 400 | 5 |
Paix | Nicolas | 120 | marchandises | 5 000 | 5 |
Notre-Dame de Pitié | Joseph Pellier | 40 | marchandises | 1 600 | 5 |

8Cela ramène à ce qui a été dit plus avant sur le rôle d’entraînement des premiers gouverneurs. Restent quatre rochelais et un bordelais ainsi qu’un navire armé au Port-Louis. La plupart de ces bâtiments sont des coques de noix à l’exception de La Sainte-Catherine de Nantes (Pinel) de 300 tx et 18 canons, assurée par les nommés Lebret, Sallenave, Hélot, Lahaye et Pinel pour 30 000 lt à 8 %, Le Saint-Jean-Baptiste de 300 tx et Le Saint-Jean l’Évangéliste de Nantes (Jean Fringuain) de 350 tx et 16 canons. La moyenne, y compris les négriers, est inférieure à 120 tx. Par ailleurs, si La Sainte-Anne a été « fracassée en route par plusieurs tourmentes » (ce qui n’empêche pas le capitaine Jean Léonard de faire la décharge des marchandises sans doute au Port-Louis), La Marguerite de La Rochelle (Graville) a, elle, « péri devant la côte de Saint-Domingue14 ».
9En 1679, plus que la fin de la guerre, c’est l’arrivée à terme du premier bail de la ferme du tabac, passé en 1674, qui suscite beaucoup d’espoir en ce que beaucoup espèrent sa suppression et le retour à un commerce libre15. Mais un élément rend encore compliquée une lecture de la situation : la destruction de la plupart des archives normandes. Si en 1685, La Rochelle expédie 58 navires aux Îles16, si Nantes donne l’impression de dominer auparavant, ce sont bien les ports normands qui à l’origine maîtrisent ce commerce.
10La chose est visible en 1676. La ferme vient à peine d’être mise en place et la production de pétun est considérable, attirant autant les marchands français que les interlopes bataves. La population dans son ensemble prend fait et cause pour les Néerlandais. Le 15 juillet, l’escadre de Jacob Binckes gagne le Petit-Goave et rencontre dans la baie, au mouillage, sept marchands français occupés à charger la précieuse herbe. Le combat est rude, les Français se défendent comme le leur demandent leur honneur et le roi, malgré la relative hostilité dont ils font l’objet à terre et la maladie qui a d’abord frappé les équipages. Le propos n’est pas d’évoquer la bravoure des marchands, quand bien même on déplore dans l’engagement la mort des capitaines Chevalier de Nantes, Duport du Havre et Pimont de Dieppe, ce dernier emporté avec vingt de ses hommes. Le capitaine Martin de Honfleur perd un bras tandis qu’un autre capitaine nantais est à terre à lutter contre la mort atteint par la fièvre. Cela fait beaucoup. Dans cette expédition sur Saint-Domingue, Binckes s’est emparé ou a détruit treize bâtiments (2 000 tx), mettant la main sur 19 000 rolles de tabac. On sait que dix navires ont pu s’échapper, ramenant en France 14 600 rolles17. Les chiffres fournis par les registres d’assurance corroborent à peu près ce que dessus. Ils montrent pour certains navires de fortes sommes empruntées. Parmi les navires qui reviennent apparemment sains et saufs, L’Amitié (Moïse Guillebaud) de La Rochelle où 13 300 lt sont tirées en trois fois entre 10 et 11 % ; Le Lys couronné (Jean Du Casse) pour 26 300 lt en quatre fois entre 10 et 20 % ; La Trinité de Nantes (Thomas Landoy) pour 8 510 lt en six fois de 10 à 23 %. Ce tragique événement permet de glaner plus d’informations sur le commerce domingois de cette époque. D’évidence, le tabac est bien le premier objet de commerce même s’il est fait allusion à la pêche à la tortue. Par ailleurs, sur les 19 navires, 8 sont normands, 6 rochelais, 5 bretons (dont 3 nantais). Les armements normands sont donc les plus nombreux à ce moment-là (42 %), mais Dieppe, Le Havre ou Honfleur envoient également les plus gros bâtiments : 1 260 tx sur 1 750, soit 72 % du total. Une dernière remarque portera sur les 19 navires répertoriés, de quoi accréditer le fait que les 20 mentions de 1679 sont probablement proches de la réalité. Au moment où l’indigo marque une première évolution de la colonie avec les années 1680, indubitablement, la colonie est devenue suffisamment attractive pour générer un commerce régulier mais qui ne concerne pas tous les colons18.
L’indigo, une transition indispensable
11La culture de l’indigo, mêlée à celle du coton, n’a pas été chose aisée pour tous. La ferme des tabacs et son monopole destructeur, l’incapacité des compagnies négrières à amener des esclaves, celle des marchands qui n’apportent pas suffisamment d’engagés ont généré plusieurs émotions véritables ferments de révoltes sociales dont les effets seront dévastateurs au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697). Le gouverneur Tarin de Cussy bataille comme il peut contre Seignelay. Le ministre est assez peu préoccupé du sort des petits habitants, attaché qu’il est à favoriser le commerce direct des Malouins dans les colonies espagnoles d’Amérique. Le fils de Colbert ne voit en Saint-Domingue qu’une colonie d’élevage qui succèderait ainsi à la grande époque cynégétique des boucaniers. La partie française doit traiter des bestiaux (chevaux, mulets et ânes) et faire du bœuf salé. Il pense également au coton. Enfin, le commerce triangulaire passant par le Canada doit être plus soutenu, la colonie recevrait du poisson salé, de l’huile de baleine et des planches. Dans le même temps Michel Bégon, l’intendant de Rochefort et ex-intendant des îles, propose de planter des mûriers. S’agissant de l’établissement des vers à soie, le gouverneur transmet le refus catégorique des colons, qui avouent « ne pas connaître » cette culture et cet élevage. Et puis pour les plus riches, les « Habitants » à proprement parler, il remarque « l’entière application qu’ils se donnent présentement à fabriquer des indigos ». Rien de bien valorisant dans les propositions du ministre et surtout rien qui soit susceptible d’apaiser les tensions qui secouent la société. Jusqu’au bout, Cussy tente d’alerter les autorités du danger. Dans ce délitement des liens sociaux, dans cette usure de la fidélité, les marchands français ont leur part de responsabilité.
« Votre Grandeur me permettra, s’il lui plaît, de continuer de lui représenter la misère des petits habitants de cette colonie. Ceux qui ont des forces sont à leur aise et se sont bien remis par les indigos qu’ils fabriquent, lesquels se trouvent de fort bonne qualité et ne diffèrent que très peu de ceux de Guatemala. Mais les petits habitants, Monseigneur, qui n’ont, les plus forts, qu’un nègre et deux engagés, et la plupart ni nègre ni engagé, qui sont obligés de travailler eux-mêmes et leur femme avec eux, n’ayant point fait de tabac l’an passé qui est la seule marchandise par laquelle ils peuvent subsister dans l’espérance qu’ils avaient que par la petite quantité qui s’en est faite cette année et par la bonne qualité, ils auraient des marchands [pour] leurs petites nécessités, se sont trouvés déçus de leur espérance par le peu de navires qu’il est venu qui n’ont presque rien apporté, dont quelques-uns ont pris leur avantage en vendant une aulne de toile 60 livres de tabac qui n’a coutume de n’être vendue que 20, de manière qu’un pauvre habitant, dans la nécessité où ils sont présentement, a été obligé de donner le travail de toute son année pour 17 à 18 aulnes de toile et ainsi du reste où les marchands pourront beaucoup profiter n’y ayant plus de vieux tabacs en France. Mais comme Sa Majesté défend de taxer les marchandises des négociants et que le commerce se doit faire de gré à gré, je n’y apporte aucun obstacle. J’ai seulement pris la liberté de le représenter à Votre Grandeur aussi bien que du négoce de tous les navires malouins et du préjudice notable qu’ils apportent aux habitants et particulièrement à ceux du Cap19. »
12Le problème n’est donc pas seulement de faire venir de nombreux navires marchands pour espérer voir se développer un commerce florissant. Il faut un objet de commerce, l’indigo en attendant mieux, pour obliger les marchands à vendre leurs marchandises à des prix abordables. Il faut pouvoir contrôler ce commerce et, à ce titre, avoir cette indispensable marge de manœuvre de pouvoir le taxer. D’ailleurs, les difficultés rencontrées par les négociants pour être remboursés par les assureurs vont dans le même sens sans avoir les mêmes finalités. L’absence habituelle de déclaration au moment du chargement est source de conflit en cas de perte ou de marchandises gâtées. Mais qui se chargera de vérifier et viser les déclarations s’il n’est pas rémunéré au moyen du prélèvement d’une taxe ? Les colons en veulent aux négociants, accusés de profiter de leur misère. C’est toujours au moindre frais que se font les voyages. La mauvaise qualité des marchandises est souvent montrée du doigt. Ainsi Seignelay a accepté d’envoyer à Saint-Domingue des armes flibustières fabriquées par des maîtres de La Rochelle. Les premières qui arrivent sont de bonne qualité, mais très vite, « très peu sont passables, le reste étant de nulle valeur, garnies de vieilles culasses et vieux canons qui ont pensé estropier la plus grande partie de ceux qui s’en sont servies20 ». Bien des navires sont abandonnés à la côte, incapables de reprendre la mer. Beaucoup rebroussent chemin, incapables de débouquer. La condition où se trouvent les équipages dégradés oblige les colons à les nourrir. De périlleuses traversées qui forcent d’ailleurs l’admiration. Les capitaines marchands sont loués pour leur valeur, « étant accoutumés et fort expérimentés à ces sortes de passages, passant souvent dans de médiocres vaisseaux jusqu’à 200 hommes sans qu’il en meure aucun, au lieu que messieurs de la Marine ne peuvent s’assujettir à ces sortes de choses, n’étant propres que pour les entreprises de guerre.21 » De leur côté, les marchands savent qu’ils prennent des risques en optant pour Saint-Domingue. La proximité de l’ennemi, les « mauvaises fréquentations » d’interlopes de tout poil, les opérations de représailles, l’envie de quelque descente de la part du gouverneur bloquent souvent le processus normal du commerce, lorsqu’il est décidé de retenir tel ou tel navire à la côte pour lui donner du canon et des hommes et l’obliger à se substituer à une frégate du roi. C’est ce qui arrive en 1690 après qu’un navire français se soit apparemment laissé capturer par des Anglais au lieu d’aller s’échouer. Son équipage se compose surtout de nouveaux-convertis, de quoi trouver une justification pour le gouverneur.
« Tout ce que j’ai pu faire après la prise de La Constance, ce fut d’envoyer dans le moment deux exprès, l’un au Cul-de-Sac pour avertir les navires marchands qui y étaient de se tenir sur leur garde en s’approchant de terre à demi-portée d’arme et l’autre dans ce quartier avec ordre au sieur de Franquesnay d’armer en toute diligence la frégate La Françoise appartenant à des marchands de La Rochelle22 pour aller à la poursuite de ces corsaires, ce qui fut exécuté ponctuellement, étant arrivée deux jours après au Port-de-Paix où je lui fis donner des vivres et y fis embarquer encore 20 hommes de renfort qui faisaient avec 90 qui s’étaient embarqués en ce lieu 110. Ensuite de quoi je fis partir ce vaisseau pour aller au mole Saint-Nicolas où je les croyais à partager leur butin avec ordre au capitaine s’il ne les trouvait pas de pousser plus loin pour tâcher d’avoir connaissance de trois navires marchands qui devaient venir incessamment du Cul-de-Sac pour les escorter, et en cas qu’il ne les rencontrât pas d’y aller pour les attendre et de les emmener dans ce port, ce qu’il a exécuté fort ponctuellement23. »
13La guerre de la Ligue d’Augsbourg débute en 1688 contre les Provinces-Unies et l’année suivante contre l’Espagne et l’Angleterre. La correspondance de Cussy, tué à la bataille de Limonade en janvier 1691 laisse place après quelques mois à celle de Jean Du Casse. Certes, la colonie traverse des périodes difficiles : fièvre jaune en 1691, sécheresse en 1692, où le gouverneur qui vient de gagner la colonie avoue n’avoir pas de quoi charger plus de sept ou huit navires. Enfin, l’attaque des quartiers nord de la partie française en 1695 est également un rude coup porté aux colons. Certes, l’état des vaisseaux demeure lamentable (aussi bien marchands que du Roi). Cela oblige le Gascon à demander un meilleur contrôle au départ et de « n’accorder des passeports qu’à des vaisseaux de 23 ou 30 canons, ne venant ici que des culs pourris sans force et qui ne sont en état de faire aucune résistance ». Pourtant, le commerce est souvent, malgré la guerre, la disette d’esclaves et d’engagés, montré comme considérable. En août 1692, rare occasion où le point est fait sur l’arrivée et la partance de navires marchands, sachant que l’instantané ne peut résumer le commerce d’une année, on apprend que trois navires viennent de partir, quatre partent, un autre a dû relâcher et partira. Restent quatre et deux sont attendus. Ces navires sont malouins (quatre), nantais (trois), rochelais (cinq) et bordelais (deux). Au moins quatre sont armés par des Irlandais et un par des Danois24. Les registres d’assurance de Paris montrent sept rochelais dont un capturé et un perdu en mer. Les registres de l’Amirauté de La Rochelle en ajoutent potentiellement vingt dont six reçoivent un congé ne portant comme destination que Saint-Domingue. À ceux-là, il faut ajouter les trois rochelais venant du Canada25. La guerre n’interrompt pas vraiment le trafic. La participation à des opérations flibustières de navires armés « en guerre et marchandises » pour la plupart laisse espérer être payé en retour de piastres ou de quelques marchandises tropicales comme du bois de teinture, du cacao ou de la cochenille. Du Casse fait régulièrement passer ces navires au service du Roi dès lors qu’il y a du danger (les plus forts reçoivent un supplément d’équipage ou des flibustiers et escortent les plus faibles) mais aussi lorsque ces navires ne peuvent charger immédiatement : c’est le cas de La Prudence et de L’Éveillé de Saint-Malo en 1692 qui, à cause de la sécheresse sont employés pour le service deux mois durant et dont « les capitaines ont témoigné du zèle et de l’application26 ». L’indigo reste la staple commodity de Saint-Domingue, Du Casse l’indique : il y a des marchands « qui valent 200 000 francs. Lorsqu’ils partent, communément, ils valent l’un portant l’autre 100 000 francs ». La capture de ces bâtiments par l’ennemi est un véritable drame. Le gouverneur demande que seuls les navires portant 24 ou 30 canons reçoivent un passeport étant préférable de limiter le nombre de navires et de les mieux armer, d’où le fait qu’il soit « avantageux pour le Roi et à la colonie de mettre trois équipages en un et un vaisseau en trois27 ».
14La seconde partie de la guerre comporte une trame événementielle assez chargée qui brouille toute tentative de dénombrement des marchands. Du pillage de la Jamaïque en 1694 à la prise de Carthagène en 1697 en passant par la ruine des quartiers du nord par les Anglo-Espagnols en 1695, les expéditions de Desaugiers et de Renau en 1696, de nombreux marchands servent d’auxiliaires, de transports du butin, de bâtiments d’avis et de reconnaissance. Il est peu question de commerce dans la correspondance. Le retour de la paix après Ryswick et l’envoi de six compagnies franches de la Marine améliorent la visibilité.
Un entre-deux-guerres très profitable (1697-1702)
15Ces quelque 300 soldats devaient initialement être entretenus par une capitation de trois lt par tête d’esclave pour atteindre les 24 000 lt annuelles nécessaires. Finalement, Du Casse parvient à faire passer son projet consistant à taxer les marchands sur place en prélevant deux sols par livre poids d’indigo. Cette liberté financière assez inusitée dans les colonies s’octroie en argent métallique, ce qui est d’autant plus rare. Les états qui sont tenus pour l’occasion renseignent sur la plupart des navires qui embarquent le colorant. Entre octobre 1696 et janvier 1698, 32 navires en chargent pour près de 485 000 livres poids, à 30 sols la livre soit 727 000 lt. En 1698, le cours de l’indigo s’abaisse considérablement, passant à 15 puis 12 sols la livre. Seuls 22 navires en chargent (dont trois barques). Ces 54 navires (dont des vaisseaux du Roi ou des barques qui ne sont pas très significatifs) ne représentent qu’une partie du commerce. D’autres bâtiments marchands fréquentent d’ores et déjà la côte. Les rôles d’équipages de Nantes montrent au moins huit bâtiments supplémentaires28. Sur les 18 nantais que l’on retrouve, le tonnage moyen est de 100 tx. Surtout les rotations sont désormais régulières, les navires sont réaffectés au même circuit, à une destination devenue normale et rentable. Tous ces navires ont en commun d’apporter de nombreux engagés, qui ne sont pas seulement le signe d’un rattrapage d’après-guerre. Les archives sont plus compliquées à interpréter à La Rochelle dans la mesure où la destination reste souvent floue. Si l’on ajoute à la liste du prélèvement de la taxe de l’indigo les navires où Saint-Domingue est mentionnée, ce sont 36 bâtiments qu’il faudrait compter avec un tonnage moyen de 136 tx. En ne prenant que ceux où la destination indiquée ne laisse aucun doute, ne portant que sur Saint-Domingue, cinq navires peuvent être identifiés29. Si les Malouins retournent surtout à Terre-Neuve et à Cadix, ceux qui passent à Saint-Domingue, ramènent de nouveau les « trente-six mois » dont on a encore besoin : en 1698, La Sincère en porte 18, Le Duc du Maine (Louis Baudas) 3630. Il est loisible d’imaginer une quarantaine de navires, sans doute un peu plus, en 1697 comme en 1698 pour ce qui n’est qu’un palier. La Boulaye, inspecteur général de la Marine et directeur de la Compagnie de Saint-Domingue, venu faire un rapport sur l’état de la colonie en 1700, parle de 50 vaisseaux concernés par le commerce domingois chaque année31.
16L’indigo n’est plus qu’un paravent servant à cacher l’or blanc que l’on s’apprête à tirer de l’île. Le père Labat avait raison en évoquant le fait que « toutes les denrées qui se consument par la bouche sont toujours d’un meilleur débit et d’une vente plus facile et plus assurée […]32 ». Du Casse peut bien arguer de la baisse des cours, de leur effondrement même, sans oublier « différentes vermines qui attaquent cette plante de manière que lorsqu’on espère une bonne récolte, en deux ou trois jours, elle se trouve dépouillée et ne fournit rien […]33 ». L’habile Gascon a atteint son objectif et, au-delà. En plus de l’entretien de ses compagnies franches, il a pu faire construire deux hôpitaux et huit magasins avec l’argent reçu. Le temps très court qui sépare la guerre de la Ligue d’Augsbourg de celle de Succession d’Espagne (1702-1713/1714) est mis à profit pour tirer parti de ce nouvel objet de commerce très prometteur, le sucre : sucre brut qui bénéficie d’une taxation moindre et se révèle donc particulièrement avantageux34. La prise de Carthagène en 1697 et le jugement favorable aux Domingois rendu par le roi permet aussi d’entraîner vers la colonie les navires des Compagnies négrières, puisque qu’une grande partie de la somme due aux habitants sur le butin ramené en France finance la traite. Dans le même sens, la Compagnie de Saint-Domingue qui voit le jour en 1698 et qui s’établit dans les quartiers du sud, proche des colonies espagnoles, génère une activité et un peuplement non négligeables. Du Casse a réussi également à détourner les voyages en droiture des Malouins qui négligeaient la colonie. Pour une plus grande efficacité, les voyages interlopes passent par Saint-Domingue avant d’être envoyés dans les endroits les plus opportuns, en profitant d’une alliance franco-espagnole qui semble à tous de plus en plus évidente.
17Certes, le chemin sera long avant que d’atteindre les 580 navires marchands évoqués en 1788 par La Mardelle35 ou même les 465 calculés par Jean Tarrade soit 138 624 tx (un tonnage moyen de 298 tx) pour près de 176 millions de lt d’exportation de la part de Saint-Domingue36. Mais l’inflexion est donnée que n’arrêtera pas la guerre de Succession d’Espagne qui va s’ouvrir en 1702.
Annexe
Annexe 1. Compte général de la recette et dépense de l’indigo à raison de 2 sols par livre, imposé par l’arrêt du conseil d’état de sa majesté du 18 juillet 1696, depuis la fin d’octobre 1696 jusqu’au 13 janvier 169837
Nom du bâtiment et capitaine | Lieu de désarmement | Quantité en livre poids | 2 sols la livre |
Marie-Rose (Jean Le Penneau) 70 tx | Nantes | 17 218 | 1 721 lt 16 s |
Aigle (vaisseau du Roi) | La Rochelle | 8 056 | 805 lt 12 s |
Glorieux (Pierre Thomas) 160 tx | La Rochelle | 44 473 | 4 447 lt 07 s |
Roi David 100 tx | La Rochelle | 14 688 | 1 468 lt 16 s |
Dauphin (François Goubard) 200 tx | La Rochelle | 58 909 | 5 890 lt 18 s |
Prophète Élie (Isaac Mesnager) 40 tx | La Rochelle | 5 952 | 595 lt 04 s |
Petite Société (Guillaume Martin) 60 tx | Nantes | 2 230 | 220 lt 05 s |
Saint-Jean (François Arbouin ou Abraham Caron) 60 tx | Bordeaux | 9 246 | 924 lt 12 s |
Christ la Maracajes (prise faite sur les Espagnols) | ? | 182 | 18 lt 04 s |
Badine (vaisseau du Roi) | La Rochelle ? | 300 | 30 lt 00 s |
Sainte-Croix | La Rochelle ? | 4 398 | 439 lt 16 s |
Bourbon (vaisseau du Roi) | La Rochelle ? | 580 | 58 lt 00 s |
Catherine | ? | 2 016 | 202 lt 12 s |
Léopard | Bordeaux | 12 203 | 1 220 lt 06 s |
Perle (Pierre Bouteau) 150 tx | Nantes | 16 446 | 1 644 lt 12 s |
Saint-François d’Assise (Jean Le Prince) 80 tx | Nantes | 11 686 | 1 168 lt 12 s |
Bien Aimée (Torterue Bonneau) 160 tx | La Rochelle | 32 361 | 3 236 lt 02 s |
Fortune (François Jacaud) 100 tx | La Rochelle | 8 174 | 817 lt 08 s |
Françoise (de La Villauglanatz) 200 tx | Saint-Malo | 37 278 | 3 727 lt 16 s |
Faucon (vaisseau du Roi) | ? | 377 | 37 lt 14 s |
Mutine (vaisseau du Roi) | Brest | 2 000 | 200 lt 00 s |
Pontchartrain (Jean Javeleau) 250 tx | La Rochelle | 6 000 | 600 lt 00 s |
Annibal (Isaac Renaudet) 200 tx ; fait naufrage en quittant Saint-Domingue | La Rochelle | 41 414 | 4 141 lt 08 s |
Saint-Denis (Joseph Martin) 55 tx | Nantes | 12 733 | 1 273 lt 06 s |
Envieux (Jacques Rasteau) 150 tx | La Rochelle | 9 168 | 916 lt 16 s |
Dauphin (Charles Chaviteau) 200 tx | La Rochelle | 55 887 | 5 588 lt 14 s |
Saint-Joseph | Marseille | 2 850 | 285 lt 00 s |
Hirondelle | ? | 10 475 | 1 047 lt 01 s |
Trois Frères (Moïse Boutin) 250 tx | La Rochelle | 21 544 | 2 154 lt 08 s |
Jupiter | Nantes | 24 102 | 2 410 lt 04 s |
Fleur de Mai (Ozée Baudouin) 130 tx | La Rochelle | 8 280 | 828 lt 00 s |
Sanory ? | Brest | 3 720 | 372 lt 00 s |
31 navires | 484 869 | 48 486 lt |

Annexe 2. Compte général de la recette et dépense de l’indigo à raison de 2 sols par livre, imposé par l’arrêt du conseil d’état de sa majesté du 18 juillet 1696, depuis le 13 janvier jusqu’au 31 décembre 1698
Nom du bâtiment et capitaine | Lieu de désarmement | Quantité en livre poids | 2 sols la livre |
Vierge | Bordeaux | 51 232 | 5 123 lt 04 s |
Sincère (Joseph Boulain) 120 tx | Saint-Malo | 43 351 | 4 335 lt 03 s |
Françoise (Mathurin Bouhier) 90 tx | La Rochelle | 10 332 | 1 033 lt 04 s |
Saint-Denis (Joseph Martin) 50 tx | Nantes | 10 128 | 1 012 lt 16 s |
Sérieux | Nantes | 8 245 | 824 lt 01 s |
Glorieux (Pierre Thomas) 150 tx | La Rochelle | 26 117 | 2 611 lt 14 s |
Bien Aimée (Louis Bonneau) 160 tx | La Rochelle | 33 001 | 3 300 lt 03 s |
Gentille | ? | 7 277 | 727 lt 14 s |
Gentille | Le Havre | 18 432 | 1 843 lt 04 s |
Notre-Dame de Bon Voyage | ? | 9 932 | 993 lt 04 s |
Saint-Nicolas de Léogane (Bertrand Bartez) 90 tx | Nantes | 18 479 | 1 847 lt 04 s |
Fosse (Claude François) 80 tx | Nantes | 23 758 | 2 375 lt 16 s |
Prophète Élie (Pierre Robert) 40 tx | La Rochelle | 12 428 | 1 243 lt 16 s |
Saint-Jean de Bordeaux | Bordeaux | 25 947 | 2 594 lt 14 s |
Josué (Guillaume Martin) 120 tx | Nantes | 14 074 | 1 407 lt 08 s |
Princesse de Savoye 80 tx | Nantes | 5 687 | 568 lt 14 s |
barque à Jacob | ? | 1 195 | 119 lt 10 s |
caïche à M. Lamotte | Saint-Malo | 970 | 97 lt 00 s |
Ange Gardien | La Rochelle | 1 870 | 187 lt 00 s |
Étoile | Nantes | 16 080 | 1 608 lt 00 s |
Charles | Nantes | 4 200 | 420 lt 00 s |
barque d’Ardouin | aux Îles ? | 861 | 86 lt 02 s |
22 navires | 273 382 | 27 308 lt 4 s |

Notes de bas de page
1Ce dernier est évoqué par Exquemelin Alexandre-Olivier, Histoire des aventuriers flibustiers [1686-1699], Réal Ouellet et Patrick Villiers (éd.), Québec/Paris, Presses de l’université de Laval/Presses de l’université Paris-Sorbonne, p. 57.
2AD Charente-Maritime, B 5667, pièce no 143, Amirauté de La Rochelle. Il y a bien aussi un capitaine Tillaye, mais rien n’indique la destination de façon certaine.
3ANOM, Colonies, F3 104, fo 127, Mémoire d’Ogeron à Colbert, s. l., 20 avril 1667.
4Hrodej Philippe, « Les relations entre la Jamaïque et Saint-Domingue (1655-1700) : échanges, rivalités et déprédations », Revue d’histoire maritime, no 17 ; Gilbert Buti et Philippe Hroděj (dir.), Course, piraterie et développement économique, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2013, p. 79-97.
5Camus Michel, Histoire de l’île de la Tortue (1492-1803), Conjonction, revue franco-haïtienne, Port-au-Prince, Institut français d’Haïti, no 174-175, 1987, p. 45. L’auteur parle très justement de la présence d’une flibuste de commerce, de frères de la côte qui savent, mêlant à leur butin les cuirs des boucaniers et le pétun de petits Blancs avec lesquels ils sont associés, faire les marchands.
6National Archives United Kingdom, Public Record Office, HCA 30-648 ; merci au regretté Michel Camus. Voir aussi AD Charente-Maritime, B 5666-5667, Amirauté de La Rochelle.
7AN, France, Fonds ancien, Assurances, Z1d 75.
8Cundall Frank, The Governors of Jamaica in the Seventeenth Century, Londres, The West India Committee, 1936, p. 67 et suivantes. Il s’agit de Sir Thomas Modyford dont la commission datait de février 1666.
9ANOM, Colonies C9a 1, Mémoire du 20 septembre 1666.
10ANOM, Colonies C9a 1, Mémoire du 20 septembre 1666.
11AN, France, Minutier central, LIV, liasse no 349, Acte de société.
12AN, France, Fonds ancien, Z1d 76 et 77.
13AN, France, Fonds ancien, Z1d 80.
14AN, France, Fonds ancien, Z1d 68 et 80.
15Hrodej Philippe, « Le pétun domingois, objet de commerce dans la seconde moitié du xviie siècle », in Xavier Daumalin, Daniel Faget et Olivier Raveux (dir.), La mer en partage, sociétés littorales et économies maritimes xvie-xxe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2016, p. 313-327.
16Hrodej Philippe, « Le commerce rochelais vers les Antilles durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1698) », in Mickaël Augeron et Robert Duplessis (dir.), Fleuve, rivières et colonies. La France et ses empires (xviie xxe siècle), French Colonial Historical Society, Paris, Les Indes Savantes, 2010, p. 203-223.
17Pour l’histoire de ce combat, voir Hroděj Philippe, L’amiral Du Casse, l’élévation d’un Gascon sous Louis XIV, Paris, Librairie de l’Inde, 1999, t. 1, p. 45 et suivantes
18ANOM, Colonies, C9a 1, Mémoire de Pouancey à Seignelay, 1681. Il semble que le neveu d’Ogeron soit très optimiste en avançant que plus de 60 navires viennent traiter à la Côte.
19ANOM, Colonies C9a 2, Mémoire de Cussy à Seignelay, du Port-de-Paix, 23 avril 1689.
20ANOM, Colonies C9a 2, Lettre de Cussy à Seignelay, au Cap, 3 juin 1690. La chose est toujours d’actualité trois ans plus tard. Du Casse se plaint de ce que les fusils qui lui ont été envoyés de Brest sont trop pesants et qu’il ne pourra en vendre aucun (ANOM, Colonies C9a 2, Lettre de Du Casse à Louis de Pontchartrain, au Port-de-Paix, 4 mai 1693).
21ANOM, Colonies F3 165, Lettre de Cussy à Seignelay, au Cap, 10 janvier 1686.
22La Françoise de La Rochelle, capitaine Lieuve puis Bavat (ou Bavatte), était frétée par Antoine Bouchel, la veuve Gitton et Tarin de Cussy, avec une assurance aller et retour portant sur près de 8 000 lt. Encore un gouverneur-armateur ou gouverneur-affréteur. Malchanceux, ce navire est capturé le 19 juillet 1690 aux abords de l’île d’Yeu par une frégate flessingoise.
23ANOM, Colonies C9a 2, Lettre de Cussy à Seignelay, au Cap, 3 juin 1690.
24ANOM, Colonies C9a 2, Lettre de Du Casse à Louis de Pontchartrain, au Cap, 18 août 1692.
25AN, France, Fonds ancien, Z1d 70, 85, 88 ; AD Charente-Maritime, B 5688, Amirauté de La Rochelle.
26ANOM, Colonies C9a 2, Lettre de Du Casse à Louis de Pontchartrain, au Cap, avril 1692.
27ANOM, Colonies C9a 2, Lettre de Du Casse à Louis de Pontchartrain, de Léogane, 28 novembre 1692.
28AD Loire-Atlantique, C 1185, Système des Classes, Quartier de Nantes, Rôles d’armement, 1694-1698. Le Marc Antoine (Julien Dupin) de 55 tx, Le Jacques René (Vincent Febvre) de 70 tx, La Princesse de Savoie (Bonnaventure Pinard) de 80 tx, Le Saint-Rémy (Julien Glaneau) de 120 tx, La Ville de Nantes (Pierre Abraham) de 220 tx, L’Espérance (Jean Bouger) de 180 tx, L’Hercule (Jean Thomas) de 160 tx, La Marie-Rose (Jean Le Pennec) de 80 tx.
29AD Charente-Maritime, B 5692, 5693, 5694, Amirauté de La Rochelle. La Madeleine (Pierre Margot) de 60 tx, La Vigilante (Georges Augizeau) de 120 tx capturée par les Anglais, Le Dauphin (François Garbard) de 200 tx, Le Saint-Pierre (Jean Trébuchet) de 60 tx et Le Saint-Pierre (Pierre Gravouil) de 80 tx.
30SHD Brest, 1P7 70, Rôles d’équipages.
31ANOM, Colonies, C9b 1.
32Labat Jean-Baptiste, Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, Paris, 3e éd., chez Théodore Le Gras, 1742, t. 7, p. 190.
33ANOM, Colonies C9a 4, Lettre de Du Casse à Louis de Pontchartrain, 27 juin 1698.
34Hrodej Philippe, « Et le sucre fut : l’apparition de l’or blanc à Saint-Domingue à la fin du xviie siècle », in Sylviane Llinares et Philippe Hrodej (dir.), Techniques et Colonies, xvie-xxe siècles, Paris, SFHM, 2005, p. 202-223.
35La Mardelle Guillaume Pierre François de, Éloge funèbre du comte d’Ennery…, Port-au-Prince, 1789.
36Tarrade Jean, Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime, l’évolution de l’exclusif de 1763 à 1789, Paris, Presses universitaires de France, 1972, p. 730 ; Pluchon Pierre, Histoire de la colonisation française, t. 1 : Le premier empire colonial, des origines à la Restauration, Paris, Fayard, 1991, p. 1018.
37ANOM, colonies C9a4. En italique des précisions apportées par l’auteur au tableau.
Auteur
-
Philippe Hroděj
Maître de conférences en histoire moderne à l’université de Bretagne Sud-Lorient, membre du laboratoire Temps, mondes, sociétés (TEMOS-CNRS FRE 2015). Ses recherches portent sur le commerce colonial à la fin du xviie siècle, la colonisation et l’économie de plantation aux Antilles, ainsi que la course et la flibuste. Il a notamment dirigé L’esclave et les plantations de l’établissement de la servitude à son abolition. Hommage à Pierre Pluchon, publié par les Presses universitaires de Rennes (2008) et coordonné avec Gilbert Buti le Dictionnaire des corsaires et pirates, aux Éditions du CNRS (2013).

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