1 Selon Le Petit Robert, « la guerre civile se définit comme “une lutte armée entre groupes et citoyens d’un même État”. »
André Corvisier dans son Dictionnaire d’Art et d’Histoire militaire paru en 1988, définit la guerre civile de la manière suivante : « on appelle ainsi les conflits armés qui opposent les populations, sujets, citoyens, vivant sous une souveraineté effective. En cela, la guerre civile se distingue des guerres tribales là ou la souveraineté n’existe pas et des guerres privées où elle est théorique et diluée et ne s’appuie pas sur un État suffisamment fort. Pour que des guerres intestines apparaissent comme des guerres civiles, encore faut-il qu’elles opposent les factions d’un même peuple conscient de son unité ou dont l’unité a fini par se cimenter. »
Gaston Bouthoul dans son Traité de sociologie paru chez Fayard en 1951 se veut plus catégorique : « la guerre civile : on donne ce nom aux conflits armés qui s’élèvent entre citoyens d’un même État. Lorsqu’il s’agit de savoir si une guerre doit être classée parmi les guerres civiles ou les guerres internationales, nous nous référons aux observations ci-dessus. Le seul critère possible sera l’appartenance à un même État au moment ou le conflit éclate. Toute autre appréciation nous conduirait à des positions qui seront toujours discutables ». Cette position tranchée qui n’épuise pas le débat, en souligne au contraire la complexité, ainsi que l’historien Jean Baptiste Duroselle l’a si bien montré dans Tout Empire périra, Paris, Publications de la Sorbonne, 1982.
En effet, il explique que la principale faiblesse des définitions de la guerre civile est de n’insister que sur l’aspect juridique censé différencier la guerre interétatique de la guerre civile. Ainsi, sur la base de cette approche, la guerre d’Algérie (1954-1962) peut être considérée comme une guerre civile puisque Français et Algériens vivaient sous une même souveraineté effective et appartenaient au même pays.
Or pour les Algériens, il s’agissait d’une guerre de libération, de décolonisation quand les Français parlaient eux de « sécession » ! Il en conclut que « l’appartenance à un même État est un critère important mais pas exclusif d’identification d’une guerre civile ».
Partageant cette approche, Yves Michaud dans Violence, ouvrage paru aux Presses Universitaires de France en 1986, montre qu’un pays peut être confronté à une diversité de situations conflictuelles (émeutes, tentatives de coup d’État, coup d’État, révoltes, banditisme, affrontements régionaux) entremêlées qui ne permettent pas de distinguer facilement la forme du conflit. Pour considérer une situation conflictuelle comme une guerre civile, il faut clarifier la notion de violence et de conflit armé.
C’est ce qu’a fait Maurice Agulhon dans Jean-Clément Martin (dir.) « La guerre civile : entre histoire et mémoire », Enquête et documents, Nantes, Ouest éditions, n° 21, 1995, p. 245. Selon lui, « dans une typologie de bon sens, la guerre civile se distingue :

1. de la guerre tout court, qui oppose un État national à un autre ;
2. des diverses formes de troubles sanglants qui peuvent opposer entre eux les éléments d’une même nation ; émeutes, rébellions ou répression de rébellions, révolution victorieuse, coup d’État, maquis et dissidences, brigandages endémiques.

Définir la guerre civile, c’est savoir à quel moment les troubles de type b) peuvent avoir assez de consistance, de durée, pour revêtir les allures et les apparences d’une guerre de type a) c’est-à-dire oppositions entre des territoires continus et stables… » Au total, il apparaît que n’importe quel conflit armé interne ne peut être considéré comme une guerre civile. Pour une étude approfondie du concept de guerre civile, se reporter à l’ouvrage de Jean Pierre Derriennic, Les guerres civiles, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2001, 281 p. ; ainsi qu’à « De la guerre, un objet pour les Sciences sociales », Espaces Temps Les Cahiers, n° 71/72/73, 1999, p. 69-144.

2 Dictionnaire Robert.

3 Ibid.

4 Sur la question de l’État postcolonial africain qui a fait l’objet de nombreuses études, lire : Daniel Bourmaud, La politique en Afrique, Paris, Montchrestien, 1997 ; J. -P. Bayart, L’État en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, 439 p. ; Formations, mécanismes et crise, Paris, Karthala, 1991 ; Pierre François Médard, « État d’Afrique noire », in Pierre Gonnidec, L’État africain, Paris, LGGDJ, 2^e édition, 1985 ; E. Terray, L’État contemporain en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1988 ; Luc Sindjooun, Les relations internationales africaines ; entre États en crise et flux transnationaux, Dakar, Codesria, 2002, cf. p. 12-48 ;

5 Sur le règne de Siad Barre et ses dérives, voir Gérard Prunier, « la dimension historique de la crise somalienne », in Relations internationales et stratégiques, n° 9, mars 1993 ; Djema Marcel, « sur la violence en Somalie : genèse et dynamique des formations armées » in Politique africaine, n° 47, octobre 1992 p. 147-152 ; Politique africaine, « Spécial corne de l’Afrique » n° 50, juin 1993.

6 Sur le règne de Samuel Doe et l’accaparement de l’État par les Kranh et leur allié les Mandingues, lire l’excellente synthèse de Fabrice Weissmen, « Libéria : derrière le chaos, crises et interventions internationales », in Relations internationales et stratégiques, n° 23, automne 1996, p. 82-99 ; voir aussi Jean-Marc Balencie, Arnaud de La grange, Jean Christophe Rufin, Mondes rebelles : guerres civiles et violences politiques, Paris, Michalon, 1999, p. 289-309.

7 Thual François, Les conflits identitaires, Paris, Ellipses, 1995, p. 177-180.

8 Sur l’instabilité politique avant 1990, se reporter à l’ouvrage de Jean-Pierre Pabanel, Les coups d’État militaires en Afrique noire, Paris, l’Harmattan, 1984, 188 p. et à Benchenane Mustapha, Les coups d’État en Afrique, Paris, Publisud, 1983, 197 p.

9 Dominique Bangoura, « État et sécurité en Afrique » in GEMDEV, Les Avatars de l’État en Afrique, Paris, Karthala, 1997, p. 222-236.

10 Évoquant la place centrale qu’occupe la marginalisation dans les causes de la guerre civile sierra-leonaise, Albert Bourgi écrit : « … plus de trois décennies de gestion du pays au profit exclusif de petits groupes d’intérêts nationaux ou étrangers ont fait disparaître toute cohésion sociale et tout sentiment d’appartenance à une Nation… c’est précisément dans la frange la plus importante de la population, celle des laissés pour compte, que la rébellion a puisé le gros de ses troupes », cf. Albert Bourgi, « Sierra Leone : les racines du mal », Jeune Afrique n° 2056 du 6 au 12 juin 2000.

11 Sur la question touarègue, lire les articles de Sandrine Tolotti, « les dessous de la rébellion touarègue », in Croissance, n° 359 avril 1993, p. 36-42, et de Roger Pons, « le problème touareg, hier, aujourd’hui… demain ? », in Marchés tropicaux, 7 mai 1993, p. 1185-1191.

12 Pour une étude approfondie du rôle et de la place de l’armée dans l’État africain postcolonial, se reporter à l’ouvrage de Dominique Bangoura, Les armées africaines, Paris, CHEAM, 1992, 190 p.

13 Pour saisir à grands traits, le « portrait-robot » du chef de guerre africain, lire Michel Gaud et Laurence Porgès, « Biographies de quatorze chefs de guerre », in Afrique contemporaine, numéro spécial 4^e trimestre 1996, p. 173-198.

14 Sur ce point, voir Daniel Bourmaud, op. cit., p. 131-150 ; René Lemarchand et Moussa Okanla, Démocratie et bonne gouvernance en Afrique. État des lieux, Abidjan, USAID/USIS, 1996, 12 p. ; et, Le Courrier, dossier « Démocratie et bonne gestion de l’État », n° 171, septembre-octobre 1998, p. 33-72.

15 Voir sur ce point, l’article de P. F. Gonidec, « Conflits internes et questions nationales en Afrique », Recherches africaines, n° 2, avril-juin 1997, p. 6-33 ; ainsi que l’ouvrage de P. F. Gonidec, Relations internationales africaines, Paris, L. G. D. J, 1996 ; les pages 147-187 sont consacrées aux conflits.

16 Simon-Pierre Ékanza, « L’État-Nation contre-modèle pour la construction nationale et le développement en Afrique », Colloque international États et frontières en Afrique Subsaharienne : expériences comparées et chances d’intégration, Histoire et perspectives, Aix-en-Provence, 7-9 mai 1998 p. 1.

17 G. Nicholas, L’État contemporain en Afrique, Paris, L’harmattan, 1987, p. 157 sq.

18 Sur les expériences sécessionnistes en Afrique, voir M. C. Aquarone, Les frontières du refus : six séparatismes africains, Paris, CNRS, 1987, 133 p. ; R. Boutet, L’effroyable guerre du Biafra, Paris, Chaka, 1992, 191 p. ; J. -L. Clergerie, La crise du Biafra, Paris, PUF, 1994, 385 p.

19 Simon-Pierre Ékanza, op. cit., p. 1.

20 On peut évoquer à titre d’exemple, le rôle de Charles Taylor en Sierra Leone ou du colonel Kadhafi au Tchad.

21 Les soutiens dont Kabila a bénéficié de la part de l’Ouganda et du Rwanda sont évoqués dans, Colette Braekman, Marie-France Cros et al., Kabila prend le pouvoir, Bruxelles, Complexe, publication du GRIP, 1998, 180 p..

22 Sur le partage de l’Afrique et ses conséquences, voir Histoire générale de l’Afrique, t. 7 l’Afrique sous domination coloniale 1880-1935, Paris, Présence Africaine/Edicef/Unesco, 1989, 544 p.

23 Sur cette question, se reporter à l’article de Bernard Adam, « les transferts d’armes vers les pays africains : quel contrôle ? » p. 101-130 in GRIP, Conflits en Afrique analyse des crises et pistes pour une prévention, Bruxelles, Complexe, 1997, 293 p.

24 Ibid., p. 113.

25 Ibid.

26 Ibid.

27 Le plan d’action a été adopté par la CEDEAO à Lomé, le 10 décembre 1999. Le texte complet a été publié par l’Unidir, dans, Coopération pour la paix, Agenda pour le XXI^e siècle, Genève, 2001 p. 85-99.

28 Bernard Adam, art. cité, p. 109.

29 C’est le cas du président Pascal Lissouba du Congo-Brazzaville qui n’a pas hésité à créer sa propre milice alors qu’il est le chef suprême des armées ! sur le rôle des milices dans les guerres civiles africaines, voir les articles de Rémy Bazenguissa Ganga, « les milices politiques dans les affrontements », in Afrique contemporaine, n° 186, 2^e trimestre 1998 p. 46-57 et Roland Pourtier, « les raisons d’une guerre incivile », Afrique contemporaine, n° 186, 2^e trimestre 1998, p. 7-32.

30 Sur la responsabilité des médias dans la formation de la violence, se reporter aux ouvrages de Pierre Erny, Rwanda 1994, clés pour comprendre le calvaire d’un peuple, Paris, l’Harmattan, 1995, p. 87-95 et 100-106 ; et Gérard Prunier, Rwanda : le génocide, Paris, Dagorno, 1997-1999, 504 p.

31 Cf. Gérard Prunier, op. cit., p. 269.