Le rôle de l’armée ivoirienne pendant la rébellion armée (19 septembre 2002 - 4 juillet 2003)
p. 153-166
Texte intégral
INTRODUCTION
1Depuis l’accession de la Côte-d’Ivoire à l’indépendance, en 1960, les Forces armées nationales de Côte-d’Ivoire (FANCI) se sont trouvées, pour la première fois, en réelle situation de combat, lors de la rébellion armée du 19 septembre 2002. Parvenues tant bien que mal, dans un premier temps, à repousser les rebelles hors de la capitale économique Abidjan, elles réussissent par la suite à préserver « la zone utile du territoire national », située au sud du pays.
2Malgré ce satisfecit que l’on peut décerner à l’armée ivoirienne, force est de reconnaître que cette institution militaire a, au cours des différents combats, démontré de nombreuses lacunes qui méritent d’être courageusement évoquées et comblées, afin de la rendre plus efficace et combative. En effet, tout observateur attentif à l’actualité des relations internationales, sait que l’armée ivoirienne n’a pu, non seulement mater la rébellion, mais encore s’est avérée incapable de libérer l’ensemble du territoire national de l’emprise des rebelles, ce, jusqu’à la proclamation solennelle de la fin de la guerre, le 4 juillet 2003.
3C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de porter notre regard sur ce problème d’histoire « immédiate ».
4Toutefois, tenter une recherche d’explication de ce problème dans le passé, c’est mettre en évidence que les défaillances du système de défense ivoirien, constatées au cours de cette guerre, ne datent pas du début des années 2000, mais plutôt de l’ère Houphouëtiste1.
5En effet, le 24 avril 1961, la Côte-d’Ivoire signe sous la présidence d’Houphouët Boigny, un accord de Défense2 avec la France. Celui-ci prévoit l’intervention de l’armée française auprès des forces armées ivoiriennes, en cas d’agression extérieure contre la Côte-d’Ivoire ; un accord qui a laissé croire pendant longtemps aux autorités politiques et militaires ivoiriennes, que l’armée française les défendrait et combattrait à leur place, même en cas de péril intérieur. Autre élément important à prendre en considération, le président Houphouët, en 1968, prononce un discours clef sur le rôle de l’armée au sein de la nation ivoirienne, déclarant à ce sujet : « l’armée et ses officiers ont vocation à participer à l’administration de la nation et à assumer des postes civils de responsabilité »3. Une politique de recentrage, donc, du rôle de l’armée ivoirienne, qui éloigne visiblement l’institution militaire de sa mission initiale, celle du combat, pour des tâches administratives. Ces deux éléments, nous semble-t-il, ont façonné l’état d’esprit de l’armée ivoirienne, et peuvent quelque peu justifier ses défaillances pendant cette rébellion armée.
6Pour réaliser ce travail, nous avons consulté les sources disponibles que sont d’une part, les sources officielles, et de l’autre, les articles de presse et de revues. Quoique la subjectivité de certains puisse relativiser l’intérêt de leurs informations, ces articles offrent l’avantage d’être abondants et de constituer ainsi la matière première indispensable pour les sujets d’histoire « immédiate », comme celui sur lequel porte notre réflexion.
7C’est le lieu d’indiquer ici que nos démarches, auprès des autorités militaires ivoiriennes, ne nous ont pas permis de consulter leurs sources qu’elles qualifient de « secrètes ».
8Au-delà de la délicate question de l’efficacité de l’armée ivoirienne pendant cette guerre, ce sujet ne pose-t-il pas le problème plus général des rapports conflictuels entre les forces politiques et les forces armées africaines, et plus particulièrement celles de Côte-d’Ivoire, depuis le coup d’État de décembre 19994 ?
9Cela dit, essayons de cerner les défaillances de cette armée ivoirienne face à la rébellion armée, ainsi que les réformes à proposer pour la rendre plus professionnelle, dissuasive, capable de mieux relever les défis futurs.
LES DÉFAILLANCES DU SYSTÈME DE DÉFENSE IVOIRIENNE
10Les insuffisances de l’institution militaire ivoirienne peuvent se résumer en termes de sous-équipement, d’insuffisance professionnelle, de faible cohésion des forces de défense, de manque de combativité et de sentiment de supériorité de l’armée ivoirienne.
Le sous-équipement notoire de l’armée ivoirienne
11Le premier handicap du système de défense ivoirien au cours de cette guerre a été inéluctablement son sous-équipement notoire, à telle enseigne que l’ex-ambassadeur de la république de France en Côte-d’Ivoire, Renaud Vignal, n’a pas hésité à parler de « la nullité de l’outil militaire »5. Cette insuffisance s’est remarquée tant au niveau des armes légères que des armes lourdes.
12Concernant les armes légères, il a été observé que les fusils AK 47 qui équipent essentiellement l’armée ivoirienne étaient quantitativement nettement insuffisants pour le nombre de combattants. Selon une déclaration de l’actuel porte-parole des
13FANCI, le lieutenant-colonel Aka N’Goran, le rapport, sur le front, était de un fusil AK 47 pour trois soldats. Outre les armes légères, il faut relever l’inexistence ou la défaillance de certains accessoires comme les gilets pare-balles, les jumelles, les lunettes infrarouges ou de vision nocturne, ainsi que les talkies-walkies, pourtant indispensables aux opérations spéciales. Au sujet de ce dernier matériel, il faut indiquer qu’il a constitué un véritable handicap pour les Forces loyalistes. En effet, les communications entre les chefs de groupe, les chefs de section et les commandants de compagnie ont été presque inexistantes au cours de cette guerre, au point que quelquefois, les loyalistes se tiraient même dessus6.
14Des sources proches de l’armée ont même laissé entendre que les munitions ont fait défaut dès les premiers jours, et que les lance-roquettes et les missiles anti-chars étaient quasiment inexistants des salles de dépôt d’armes, quand ils n’étaient pas méconnus des soldats.
15Au niveau des armes lourdes, on peut dresser le même tableau : désolant. Au sol par exemple, de nombreux véhicules de combat, en particulier les chars, n’étaient pas opérationnels. Pour certains, parce qu’ils étaient obsolètes, pour d’autres, parce qu’ils étaient inadaptés aux missions de reconquête territoriale que l’armée se devait d’entreprendre pour déloger les rebelles des zones initialement conquises.
16En réalité, la plupart des chars de combat étaient des engins légers ou semi-blindés, et non réellement des blindés, c’est-à-dire des véhicules capables de résister aux tirs de roquettes et de certains missiles. La preuve en a été fournie lors d’une des opérations de reconquête, celle manquée de la ville de Vavoua, où un des chars de combat des forces loyalistes fut pulvérisé et calciné en novembre 2002 par un tir de roquette des rebelles, sur l’axe Daloa-Vavoua7. Cette mésaventure ne se serait pas produite, si ces forces avaient été dotées d’un blindé de type « Léopard allemand », ou d’un « Leclerc français », à plus forte raison d’un « Abrams américain ».
17En ce qui concerne la marine, par exemple, Dieu seul sait si en dehors de « L’intrépide », le seul véritable navire de combat, du reste peu équipé, les FANCI possèdent des bâtiments de guerre, équipés de missiles mer-mer ou mer-air, des vedettes en nombre suffisant… jusqu’à des gilets de sauvetage ! Sinon, comment permettre aux marins de surveiller correctement les eaux territoriales, et de les défendre efficacement, en cas d’attaque extérieure ! Et pourtant, le pays ivoirien bénéficie d’une ouverture sur l’océan Atlantique de près de 600 km de côte, à surveiller en principe jour et nuit.
18Quant à l’aviation de combat, elle a été totalement absente dès les premiers jours, et cette lacune a été préjudiciable, dans la mesure où un appui de feu aérien aux troupes au sol aurait certainement modifié le rapport de forces.
19Nombreux sont les Ivoiriens qui se posent encore la question clé : comment une armée nationale pouvait-elle combattre efficacement dans un tel contexte ? Il est vrai que les FANCI possédaient quelques Alpha-jets à Bouaké, qui ont été récupérés par les rebelles. Mais ces machines de guerre étaient-elles opérationnelles ? Le président de la République, chef suprême des armées a lui-même fourni la réponse de ces défaillances, à la faveur de la présentation, par les militaires, des vœux du nouvel an 2004, en évoquant l’opération manquée de l’attaque de l’Alpha-Jet contre la colonne venue du Nord en janvier 20018.
20À ce sujet, nous supposons que cet avion de chasse, qui n’est en réalité qu’un avion d’exercice et de formation, a été utilisé pour pallier l’absence d’hélicoptères de combat. En fait, il aurait fallu des appareils armés de roquettes ou de missiles air-sol, pour neutraliser cette colonne en lieu et place d’un avion de combat. Car, sans minimiser la valeur des pilotes de chasse ivoiriens, on peut affirmer sans crainte de se tromper, qu’à part le colonel-major Séka, le plus expérimenté et le plus doué des pilotes de l’armée de l’air ivoirienne, aucun autre n’aurait réussi une telle mission, même si l’armement de l’appareil avait été en état de marche.
21En effet, ce type d’opération, consistant à détruire des cibles mobiles au sol à partir d’un avion de chasse, exige de la part du pilote, outre la compétence, beaucoup d’adresse et de dextérité, c’est-à-dire des qualités qu’un pilote n’acquiert qu’à la suite d’un entraînement régulier, un entraînement qui fait grandement défaut aux pilotes de chasse ivoiriens. Une telle opération peut s’avérer encore plus complexe lorsqu’il s’agit d’anéantir une cible mobile au sol par un tir de missile ou de roquette, à la différence d’une simple opération de largage de bombes. Outre le sous-équipement, l’armée ivoirienne souffre aussi de sa faible professionnalisation.
La faible professionnalisation de l’armée ivoirienne
22L’institution militaire ivoirienne souffre énormément d’un « grave déficit de connaissances »9, tant au niveau de la stratégie qu’à celui de l’armement.
23Sur le plan stratégique par exemple, il a été donné de constater au cours de cette guerre, que les méthodes, les techniques et les tactiques de combat, mises en œuvre par l’état-major ivoirien, étaient bien souvent contestables ou peu fiables. Les FANCI ont dû passer deux semaines à Tiébissou, après le déclenchement de la rébellion, en se contentant orgueilleusement d’y avoir « stabilisé le front » selon l’expression de son ex-porte-parole, le colonel Yao Yao Jules ; comme si la frontière nord du pays se limitait à la latitude de Tiébissou. Et puis, s’agissait-il d’une guerre de position ou d’une opération de reconquête territoriale pour les FANCI ? Les Ivoiriens se souviennent aussi des nombreuses opérations manquées, lors des tentatives de reconquête des villes de Bouaké et de Vavoua.
24Concernant la ville de Bouaké, la capitale du centre du pays, le chef d’État, chef suprême des armées, a lui-même évoqué plus d’une fois, le manque de coordination entre les unités de combat, pour expliquer l’échec des forces loyalistes. Ce même problème de coordination s’est reproduit à l’ouest du pays ; l’ex-ministre ivoirien délégué à la Défense n’a pas manqué d’exprimer ouvertement son indignation à l’état-major des FANCI, lors d’un point de presse à son cabinet, en affirmant : « la reprise par les assaillants des villes de Man et de Toulepleu provient des problèmes de ravitaillement et de coordination entre les éléments »10. Il convient d’admettre et de reconnaître qu’il s’agit là, d’un problème relevant tout simplement d’un déficit en matière de logistique. Car comment comprendre qu’une armée nationale qui combat à l’intérieur de ses propres frontières, censée maîtriser son territoire national, ne puisse pas correctement coordonner ses unités ou synchroniser ses mouvements, au point de buter à trois reprises sur le même obstacle ? Il faut avouer honnêtement, et en toute humilité, que l’armée ivoirienne a fait preuve d’amateurisme ou d’incompétence.
25Les stratèges savent que le déclenchement d’une opération militaire est toujours une activité délicate, car, en cas d’échec, leurs troupes s’exposent à des périls mettant directement en jeu la vie de leurs soldats. C’est la raison pour laquelle, les échecs doivent être minimisés par l’élaboration d’une bonne stratégie qui puisse déboucher sur la réussite de cette opération.
26Quant à la méconnaissance de l’évolution de l’armement, l’occasion a été donnée, au cours de cette guerre, de constater que de nombreux officiers supérieurs et mêmes quelques généraux ivoiriens, ignorent non seulement le maniement des armes, mais aussi les progrès accomplis dans ce domaine. Il faut se souvenir que l’État a dû engager des mercenaires, pour apprendre aux soldats l’utilisation des armes courantes comme les mortiers11. Est-il admissible qu’une armée, composée en majorité d’officiers, ne soit pas en mesure d’enseigner aux soldats, le maniement des armes classiques ou usuelles, et qu’on ait, de ce fait, recours à l’étranger pour acquérir cette expertise ? Il est concevable que l’État ivoirien puisse faire appel à une assistance étrangère, pour apprendre à ses soldats la manipulation d’armes sophistiquées comme les armes électroniques ou téléguidées, mais non d’armes de base ou d’utilisation classique.
27Un officier général, pris de panique, n’a pas hésité à affirmer sur les antennes de la télévision nationale, au soir du 19 septembre 2002, que les rebelles étaient puissamment armés. En réalité, il n’en était rien. C’est plutôt l’armée ivoirienne qui était notoirement sous-équipée, comme nous le soulignions au début de notre analyse. La seule arme réputée être redoutable que possédaient les rebelles n’était rien d’autre que la première version de l’orgue de Staline datant des années quarante. Il s’agit d’un canon antiaérien, à fréquence de tirs rapide, monté sur un véhicule et guidé par un soldat. Cette arme était inadaptée car, pendant la première phase des combats, les FANCI n’ont engagé aucun engin aérien. Si cet officier général avait suivi l’évolution de l’armement, il se serait rendu compte que cette arme n’était nullement redoutable, à part la frayeur provoquée par la cadence rapide des tirs, mais que, de plus, elle était inadaptée et largement dépassée. Elle n’aurait dû, en aucun cas, effrayer un officier général, de surcroît commandant d’une unité militaire. À cette défaillance, il faut ajouter le manque de combativité et d’orgueil des soldats ivoiriens.
Le manque de combativité et d’orgueil de l’armée ivoirienne
28L’institution militaire ivoirienne souffre énormément d’un manque de combativité et d’orgueil. Il est vrai que cette armée a été longtemps engagée dans des activités non combattantes, comme l’administration générale, la diplomatie, et, tout récemment, des opérations de police intérieure, au point qu’elle en est peut-être venue à négliger sa mission essentielle : la défense du territoire national. Il est également vrai qu’on ne peut qualifier la « guerre de Côte-d’Ivoire » de guerre totale, ce qui a peut-être réduit, par moments, l’ardeur des soldats. On peut enfin admettre, que le manque de combativité et d’orgueil n’est pas un défaut propre aux militaires ivoiriens, car la majorité des Ivoiriens ne sont ni combatifs, ni orgueilleux.
29En dépit de toutes ces considérations, il était permis de croire que le défi à relever par les FANCI était tel, que leur ardeur et leur honneur ne devaient souffrir d’aucune contestation.
30Malheureusement, ce ne fut pas souvent le cas. De toute façon, une armée ne doit-elle toujours pas demeurer en éveil et en alerte, même en temps de paix ?
31Concernant le manque de combativité par exemple, il a été observé, par moments, de nombreuses défections chez les soldats : ainsi le refus de certains d’entre eux d’aller au front. Quelques-uns n’ont pas hésité dès les premiers jours, à descendre, à mi-chemin, des camions de transport de troupes qui les conduisaient vers les zones de combat. Il faut se souvenir aussi des replis stratégiques qui se sont transformés, par la suite, en véritables débandades face à l’ennemi. Le général Bombet Denis, Commandant des forces terrestres, l’a d’ailleurs fort bien souligné lors d’une visite en zone opérationnelle ouest, en décembre 2002, en faisant remarquer aux soldats que ces comportements étaient à proscrire, car synonymes de démission. En effet, s’est-il interrogé, comment des soldats pouvaient déserter les fronts de combats pour se replier sur 200 kilomètres, voire 400 kilomètres, c’est-à-dire à Daloa ou à Yamoussoukro, depuis leurs bases de Man, Toulepleu et Duékoué ! « Je ne m’explique pas la démission de nous tous : officiers généraux, officiers supérieurs, officiers subalternes et militaires de rang »12.
32Quant au manque d’orgueil des Forces de défense, il s’avère être un réel problème. Car comment comprendre qu’une rébellion, sous-équipée au même titre que les FANCI, mais dont les combattants sont en majorité des cultivateurs, des chasseurs traditionnels ou des soldats recrutés dans les secteurs des petits métiers, puisse résister à une armée professionnelle ? Pourquoi une armée nationale comme celle de la Côte-d’Ivoire doit-elle solliciter et attendre l’aide, sous forme de carburant, de munitions, de moyens de transport et autres, de la Base de l’armée française à Abidjan, pour faire face à une rébellion dès les premiers jours ? Comment quelques officiers supérieurs passés du côté de la rébellion peuvent-ils s’imposer à une cohorte d’officiers supérieurs et généraux d’une armée nationale ?
33Plusieurs sous-officiers et officiers des FANCI, au cours de cette guerre, ont qualifié certains chefs rebelles, comme Koné Zakaria, de « soldat cuisinier ». En fait, ce que les Ivoiriens auraient voulu entendre de leurs militaires, et que ces derniers ont dû certainement oublier, c’est l’explication de l’incapacité des officiers supérieurs et généraux, quant au décodage d’un plan de guerre élaboré par « un soldat cuisinier rebelle ». Ce dernier n’est-il pas demeuré, durant toute la crise, le « seigneur » de sa zone Vavoua, malgré toutes les tentatives de reconquête de cette région par les Forces de défense ivoiriennes ?
34Il est grand temps que les militaires, tout comme l’ensemble des Ivoiriens, apprennent à agir avec orgueil, honneur et dignité. L’insuffisance de ces valeurs humaines et civiques des soldats ivoiriens n’a pas échappé aux autorités militaires, à l’image du général Bombet Denis qui s’interrogeait à ce sujet, lors d’une tournée de remobilisation de ses troupes dans l’ouest du pays en décembre 2002. « Nous sommes payés pour mourir pour notre pays. Sommes-nous dignes d’être militaires si au moment d’offrir notre vie pour défendre notre pays, nous reculons ? »13. Nous entendons ici par orgueil, cette valeur humaine, ce sentiment naturel qui permet à un être humain de puiser au plus profond de lui-même pour surmonter des obstacles, pour défendre son niveau de compétence et sa dignité face à toute adversité.
35L’orgueil ne voudrait-il pas qu’un colonel des FANCI soit capable, à tout moment, de décoder une stratégie de guerre élaborée par un militaire de grade bien inférieur ? Mieux, face à un collègue de même grade, ne doit-on pas être en mesure de porter la réplique, s’il met en cause sa compétence ? Comme nous pouvons le voir, l’orgueil est loin d’être ce sentiment démesuré ou niais tel que le conçoivent les Ivoiriens.
36Il est donc temps que les Forces de défense ivoiriennes cultivent le sens de la combativité, de l’orgueil et de l’honneur.
37De nombreux Ivoiriens continuent encore de se demander, comment une armée nationale a pu rester si souvent amorphe, face à des violations flagrantes de cessez-le-feu de la part d’une rébellion, et se contenter à chaque fois de discourir et de faire de vaines déclarations. Comment une force supposée d’élite comme la gendarmerie, a pu rester muette et sans réaction après l’exécution sommaire d’une soixantaine de ses éléments à Bouaké, en dehors d’un champ de combat14 ?
38Avec un peu plus de combativité et d’orgueil, cette rébellion aurait dû, à vrai dire, être matée depuis longtemps, sans attendre la signature du cessez-le-feu du 17 octobre 2002. Ou à défaut, la ligne de front aurait dû être repoussée au nord au niveau de la latitude Odienné-Bouna. Ce manque de combativité de l’armée ivoirienne se double également d’une faible cohésion.
La faible cohésion des forces de défense ivoiriennes
39Le manque de cohésion des Forces de défense a aussi constitué l’une des faiblesses de l’armée ivoirienne, au cours de cette guerre. Cette absence d’homogénéité peut être analysée, tant au niveau des clivages politiques, que des dissensions entre officiers et hommes de troupes.
40Force est de reconnaître que l’institution militaire ivoirienne est malheureusement divisée pour des raisons idéologiques. C’est certainement le résultat de la démocratisation mal digérée depuis 1990 qui fait perdre à cette institution son caractère républicain et sa cohésion, pourtant indispensables à son efficacité15. On se souvient encore des nombreuses « taupes » infiltrées au sein de la hiérarchie militaire, qui étaient de connivence avec la rébellion, et qui ont, pendant longtemps, sapé les plans de guerre de l’état-major ivoirien. Ceux-ci n’hésitaient pas à informer les rebelles de la tactique et des moyens que les Fanci s’apprêtaient à utiliser pour déclencher telle ou telle opération. En réalité, il s’agit de comportements inadmissibles, car une bonne armée est avant tout une entité unie, bien soudée et surtout républicaine, c’est-à-dire apolitique.
41Outre les clivages politiques, on se doit de mentionner les nombreuses dissensions entre officiers et hommes de troupes.
42En effet, vue sous cet angle, l’armée ivoirienne paraît bien hétérogène. Par exemple, durant la guerre, les soldats au front se sont sentis abandonnés par leurs officiers, du fait de leur absence répétée à leur côté. À cela, il faut ajouter les récriminations des soldats contre leurs supérieurs. Entre autres raisons évoquées, l’irresponsabilité de leurs chefs, leur indécision, leur manque d’option guerrière claire, et leur accointance avec certains chefs rebelles. L’une des conséquences directes de ces dissensions a été la prise de la Télévision nationale, en décembre 2003, par des éléments de la Gendarmerie nationale. Après avoir manifesté leur mécontentement, ils ont ouvertement exigé la démission du chef d’état-major des FANCI, du commandant supérieur de la gendarmerie et du commandant des Forces terrestres. Le moins que l’on puisse affirmer, à l’analyse de cette situation, c’est qu’il s’agit là de comportements indignes d’une armée, surtout lorsque ceux-ci émanent d’une force qualifiée d’élite comme la gendarmerie. Avait-on besoin d’une telle exhibition ?
43C’est dire qu’il reste un énorme travail de formation et d’éducation à accomplir dans les écoles et casernes militaires ivoiriennes, afin d’expliquer et de faire comprendre aux soldats et officiers que dans une démocratie, le limogeage d’un chef d’état-major ou de tout autre officier supérieur relève de la seule et unique volonté du président de la République, chef suprême des armées.
44À toutes ces observations, il faut certainement ajouter les suspicions, les complexes de supériorité ou d’infériorité entretenus par certaines unités de l’armée vis-à-vis des autres. C’est le cas de la gendarmerie qui se considère, à tort ou à raison, comme une force supérieure à l’armée, occasionnant ainsi une méfiance, voire une opposition perpétuelle entre ces deux entités de l’institution militaire. Ces différents comportements sont de nature à miner la bonne ambiance et l’homogénéité de l’armée.
45La brève analyse que nous venons de mener serait de notre point de vue incomplète, si nous ne proposions pas quelques tentatives de solutions. En effet, face à toutes ces faiblesses de l’armée ivoirienne, quelle « thérapeutique » apporter, afin que la Côte-d’Ivoire dispose d’une armée plus forte, plus efficace, et capable de mieux relever les défis futurs ?
QUELQUES MESURES CORRECTIVES
46La thérapeutique que l’on pourrait proposer, suite au diagnostic des faiblesses de l’armée ivoirienne, se décline en trois points ; elle concerne tout d’abord, la redéfinition de son rôle et de ses missions, puis la poursuite de l’équipement, et enfin, l’amélioration de la formation des militaires.
La redéfinition du rôle et des missions de l’armée ivoirienne
47On peut affirmer que le temps est, en effet, venu, de repréciser le rôle et les missions de l’institution militaire ivoirienne.
48Depuis l’accession de la Côte-d’Ivoire à l’indépendance, voici presque un demisiècle, le 7 août 1960, les différents pouvoirs politiques, y compris le pouvoir actuel16 n’ont cessé de marteler que l’armée ivoirienne est une institution de développement et de paix ; en d’autres termes, une armée dont le rôle et les missions se confondent avec ceux de la société civile, pour donner une impulsion au développement économique et social de la nation. Cette conception a eu pour conséquence directe de réduire non seulement l’ardeur et l’esprit de combativité des soldats, mais aussi de les « endormir ». Déjà en 1968, le président Houphouët déclarait à propos du rôle de l’armée au sein de l’armée ivoirienne : « l’armée et ses officiers ont vocation à participer à l’administration de la nation et à assumer des postes civils de responsabilité »17.
49En effet, la majorité des militaires se considèrent avant tout comme de simples fonctionnaires, auxquels l’État a affecté un uniforme, peut-être tout simplement pour les distinguer des autres agents de l’État. Il faut donc rompre avec une telle terminologie « endormante et inadaptée », que les Ivoiriens affectionnent dans leur ensemble, mais qui joue au détriment de leur compétence dans leur domaine respectif.
50Nous pensons qu’en Côte-d’Ivoire l’armée ne doit pas être une « armée de développement », car il existe en général assez de civils pour promouvoir le progrès économique et social d’un pays. Le rôle et les missions d’une armée ne sont donc pas, à notre avis, de développer un pays, mais de défendre son intégrité territoriale contre toute forme d’agression extérieure ou intérieure18. C’est donc une mission essentielle de combat et de neutralisation de tout ennemi, quel qu’il soit, susceptible de mettre en péril, la quiétude des populations, les institutions démocratiques de la république, ainsi que les frontières juridiquement établies et reconnues comme telles.
51Il est donc urgent de renouveler les références et de changer les réflexes, afin de rappeler aux militaires ivoiriens, qu’ils sont formés pour combattre et anéantir tout ennemi qui oserait s’attaquer à la Côte-d’Ivoire. Cette redéfinition du rôle et des missions de l’armée doit être accompagnée par l’acquisition d’un arsenal de qualité.
La poursuite de l’équipement militaire
52Le rééquipement des Forces de défense apparaît aujourd’hui comme une nécessité, si la Côte-d’Ivoire veut, non seulement mieux s’imposer à la sous-région, mais encore mieux relever les défis futurs. Car une armée se distingue avant tout par la qualité de ses équipements ou de son arsenal de guerre. Ceci a pour avantage de mettre les soldats en confiance, et de dissuader tout ennemi potentiel.
53Certes, après les durs premiers instants de cette guerre, liés surtout au sous-équipement notoire des FANCI, l’armée ivoirienne a, par la suite, quelque peu retrouvé son équilibre grâce à un achat massif d’armes. Cependant, sans toutefois mettre en cause la qualité de certaines de ses acquisitions, le gouvernement ivoirien se doit de diversifier ses sources d’approvisionnement en matière de matériel de guerre. Ainsi, outre les fournisseurs de l’Europe de l’Est et de l’Asie, comme la Russie, l’Ukraine et la Chine, par exemple, l’armée ivoirienne pourrait faire appel aux producteurs occidentaux, en particulier à la France, l’Italie, l’Allemagne, et les États-Unis, pour ne citer que ces grandes puissances dont la performance et la précision du matériel de guerre ne souffrent d’aucune contestation. À ces partenaires occidentaux, on pourrait aussi adjoindre l’État d’Israël et l’Afrique du Sud, qui sont des fabricants d’armes de qualité, mondialement connus. Qui ne se souvient encore de la vente de ces missiles à guidage laser par l’Afrique du sud à la Syrie, en 1997, une vente qui avait suscité la réprobation de l’État juif et de l’hyper-puissance américaine en raison de la qualité de cette arme ? Et comment comprendre que la Côte-d’Ivoire puisse entretenir des relations diplomatiques avec ces États, et qu’elle ne puisse pas signer avec eux des accords « privilégiés » de coopération militaire ? La Côte-d’Ivoire gagnerait donc à nouer ou à renouer une coopération avec les États précités, afin de pouvoir moderniser son armée. En réalité, la Côte-d’Ivoire est liée à la France par un accord de défense19. Mais devant le refus de Paris d’appliquer cet accord pour raison de péril intérieur, l’État ivoirien s’est vu dans l’obligation de diversifier ses sources d’approvisionnement en matériels militaires.
54En ce qui concerne les armes légères, par exemple, cette coopération permettrait à la Côte-d’Ivoire, de remplacer ses fusils de guerre AK 47 aux chargeurs constamment scotchés, par des armes légères plus performantes dont les chargeurs n’ont point besoin d’adhésif pour « rafaler » autant de fois que le soldat le souhaiterait. C’est le cas des armes de guerre des armées sud-africaine, israélienne, française, et américaine. Pour mémoire, nous soulignerons que les fusils de guerre qui équipent l’armée française, et qui sont bien plus performants que les AK 47 dont dispose la Côte-d’Ivoire, sont depuis plusieurs années déjà, à la disposition de l’armée sénégalaise.
55Pour la flotte aérienne de combat, l’occasion serait ainsi offerte à l’armée de l’air de s’équiper en acquérant des hélicoptères français d’attaque de type « Gazelle » ou des avions de combat de type « Jaguar » ou encore des « Tornados » britanniques.
56Quant à la marine de guerre, la diversification des sources d’approvisionnement devrait permettre de négocier l’achat de quelques navires de combat, dignes de la Côte-d’Ivoire, et qui seraient munis de roquettes, de missiles mer-mer ou mer-air, par exemple. Ces nouvelles dotations devront aussi prendre en compte l’achat de quelques vedettes dûment équipées.
57Doit-on rappeler, qu’au début du mois de janvier 2004, des commandos marins ont été alertés, un soir, par la présence d’une embarcation légère ayant à son bord une trentaine de personnes suspectes ; et qu’au moment d’agir, faute de mieux, ces commandos ont dû réquisitionner une vedette privée, pour effectuer leur mission. Au final, par suite du retard accusé, les garde-côtes n’ont pu mettre la main sur les suspects ; arrivés à la base lagunaire de Locodjro, ils n’ont pu que constater que les membres de l’équipage s’étaient déjà volatilisés.
58Cette réflexion nous offre l’occasion de souligner qu’il est plus qu’impérieux aujourd’hui, pour l’État de Côte-d’Ivoire, d’ouvrir de nouvelles bases navales, dont l’une à Adiaké, à l’extrémité sud-est du pays, et l’autre à Tabou, à l’extrémité sud-ouest, en songeant bien évidemment à leur équipement effectif.
59Tout en poursuivant une dotation en armes de l’institution militaire, il faut aussi songer à la formation continue, afin de permettre aux soldats de devenir des professionnels.
La poursuite de la formation continue
60La formation continue devra prendre en compte les entraînements et les recyclages réguliers, ainsi que la spécialisation des unités et l’introduction ou le renforcement de certains modules d’enseignement.
61Concernant les entraînements et les recyclages, il faut attirer l’attention des soldats sur l’utilité des exercices militaires, tant dans les casernes que sur le territoire national. Même l’armée américaine, la plus puissante du monde, s’entraîne régulièrement afin de développer les réflexes de ses effectifs, et de maintenir leur niveau de compétence. En effet, malgré la qualité de son arsenal de guerre, cette armée n’a pas « failli à la tradition » en allant, par exemple, s’exercer pendant plusieurs semaines au Koweït, avant de déclencher la seconde guerre contre l’Irak, le 20 mars 2003. Si une si puissante armée s’entraîne périodiquement, à plus forte raison, une armée aussi faible que celle de la Côte-d’Ivoire ne devrait-elle pas s’exercer souvent afin de développer sa compétitivité ?
62Depuis les dernières manœuvres militaires dénommées « Bafing 94 », à la frontière ivoiro-guinéenne, l’armée ivoirienne n’a plus jamais organisé d’exercices militaires. Dans les casernes, les officiers et sous officiers semblent plus s’être adonnés à l’administration qu’aux exercices de combat, à telle enseigne que les soldats ont fini par perdre les réflexes élémentaires de prudence, comme la protection des zones sensibles par des sacs de sable… Comment une telle armée peut-elle relever des défis ?
63Traduction directe de toutes ces insuffisances ; les nombreuses humiliations (le mot n’est pas trop fort) subies par l’armée ivoirienne, au cours de ces derniers mois… capacité de réaction trop limitée, échecs répétés. Ce fut le cas de l’opération de reconquête manquée de la ville de Vavoua, dans le centre-ouest du pays, en novembre 2002. Le commandant Marquès, le chef des mercenaires de la force spéciale qui dirigeait l’opération, n’a pas hésité à pointer du doigt cette faiblesse des militaires ivoiriens : « le manque d’entraînement des soldats ivoiriens est trop évident »20. Outre ces insuffisances, il faut noter les déclarations tapageuses, fracassantes et incessantes, en lieu et place des actions de riposte qu’une armée digne, ayant le sens de l’honneur, entreprendrait « sans nécessairement informer sa hiérarchie », au nom de la légitime défense. Les FANCI avaient-elles besoin de mettre systématiquement en garde les rebelles, chaque fois qu’ils violèrent l’accord de cessez-le-feu ? La rébellion a, au total, violé plus de six fois l’accord de cessez-le-feu, sans que les forces de défense ne ripostent pour la ramener à la raison, se contentant, chaque fois de simples déclarations ou condamnations verbales21.
64Quant à la spécialisation des Forces ivoiriennes, elle s’avère incontournable. Il est en effet important, pour l’État ivoirien, de songer dès maintenant à la création de nouvelles unités de combat, telles les « forces spéciales » pour les assauts ou les batailles tant en zone de forêt que dans les zones semi-montagneuses par exemple ; ceci bien sûr sans omettre de les équiper en conséquence. Nous pouvons avancer, pour argument, le cas malheureux de l’ex-Firpac22, qui ne disposait ni d’un avion de transport de troupes, ni de tout autre moyen pouvant lui permettre d’intervenir rapidement et efficacement, comme le souhaitaient ses géniteurs. La création de telles unités se justifie par les énormes difficultés que l’armée ivoirienne a rencontrées, face aux rebelles, dans l’ouest du pays ; difficultés qui s’expliquent essentiellement par une méconnaissance et par un manque de maîtrise de la géographie de cette portion du territoire national.
65Enfin, il est à souhaiter que soient introduits ou renforcés certains modules de formation, qui mettraient un point d’honneur sur des notions, telles que la discipline, l’orgueil, l’honneur, la démocratie et le rôle de l’armée en démocratie.
66En effet, il faut veiller à l’éducation des troupes pour s’assurer qu’elles sont acquises aux valeurs de la démocratie et de la nation. Il faut enseigner aux militaires, tout grade confondu, que le port de la tenue militaire et l’exercice du pouvoir suprême sont incompatibles. Ceci permettrait peut-être d’éviter les appétits démesurés des hommes en armes pour la fonction de chef d’État, et d’éviter les putschs ainsi que les tentatives de coup d’État.
67Une discipline comme l’histoire ou l’éducation civique pourrait être pertinente, pour expliquer par exemple aux soldats, que l’autorité militaire ne doit pas interférer avec le pouvoir politique. Ou encore, que le militaire ne doit jamais accéder au pouvoir suprême par les armes dans un système démocratique, sous prétexte qu’il peut en disposer. Rappelons que l’Histoire fait effectivement partie des programmes d’enseignement des écoles des officiers de gendarmerie et de l’armée, dans de nombreuses nations démocratiques du monde, la France par exemple. Nous convenons parfaitement avec Samuel Huntington, ex-coordonnateur des programmes de sécurité pour le Conseil de Sécurité nationale américain, lorsqu’il affirme que la formation a constitué un élément important de la professionnalisation des militaires américains et de leur soumission au contrôle du pouvoir civil23.
CONCLUSION
68Au terme de cette analyse, menée au double titre d’historien et de citoyen militant ivoirien, nous pouvons affirmer, sans être à proprement parler un spécialiste des questions de défense, à plus forte raison un stratège, que l’armée ivoirienne vient de révéler récemment un certain nombre de lacunes ; elles ont pour nom, sous-équipement, faible professionnalisation, manque de combativité et de confiance en soi, et pour finir absence de cohésion.
69Au cours de cette guerre, l’armée ivoirienne s’est illustrée par les nombreuses défaillances de son système de défense, son laxisme et le manque d’application de ses hommes. Avait-on besoin, par exemple, de ce conflit pour « protéger » le ministère de la Défense ivoirien, et filtrer l’entrée de visiteurs étrangers à ce service ? Avait-on besoin, par ailleurs, d’une instruction particulière du chef de l’État, relative à la démolition des quartiers précaires, pour réaliser que le champ de tir de l’École nationale de Police était contigu à un garage mécanique, et qu’il était de ce fait nécessaire de le déplacer ou de le supprimer ? Autant de faiblesses qui méritent d’être corrigées à travers une redéfinition du rôle et des missions de l’armée ivoirienne, la poursuite de l’équipement et de la formation continue.
70Des faiblesses que l’on pourrait faire remonter historiquement à l’ère houphouëtiste dans la mesure où, déjà à la fin des années soixante, le père de l’indépendance de la Côte-d’Ivoire a préféré, pour son armée, une participation à l’administration de la nation plutôt qu’à des missions de combat.
71L’armée ivoirienne doit, au sortir de cette crise, renforcer ses capacités opérationnelles, faire sa propre mue et pouvoir s’imposer à toute la sous-région de l’Afrique atlantique et guinéenne, comme c’est déjà le cas pour son économie. Ce, en se dotant de forces bien équipées, dissuasives et plus professionnelles.
Notes de bas de page
1 Houphouët Boigny fut le premier président de la république de Côte-d’Ivoire. Il a dirigé le pays de 1960 à sa mort, en décembre 1993. Il est le père de l’indépendance de la Côte-d’Ivoire. Tirant les leçons des premiers coups d’État militaires qui ont eu lieu en Afrique au début des indépendances, « allergique » à l’uniforme militaire, il n’a cessé de mener une politique visant à « attirer la sympathie » de la hiérarchie militaire ivoirienne.
2 Cf. Journal officiel de la république de Côte-d’Ivoire (JORCI), n° 46 spécial, 21 août 1961, p. 1164-1165.
3 Kieffer (Guy-André), « Armée ivoirienne : le refus du déclassement », in Politique Africaine, n° 78, juin 2000, p. 30.
4 Il s’agit du coup d’État militaire du 24 décembre 1999 qui a renversé le régime de Henri Konan Bédié, successeur du président Houphouët Boigny depuis la mort de ce dernier, en décembre 1993. Ce putsch fut l’œuvre d’une junte militaire dirigée par le général Robert Guéi.
5 Cf. la page 9 du rapport de fin de mission de l’ex-ambassadeur de la république de France en Côte-d’Ivoire, Renaud Vignal, sur « Les relations franco-ivoiriennes », in La Lettre du continent, n° 437, du 18 décembre 2003.
6 Cf. Ferro Bally, « La mobilisation à l’épreuve », in Fraternité Matin du 27 décembre 2002, p. 25.
7 Il s’agit d’un char à chenilles BMP. 1. Pour plus de détails, lire le reportage de Koffi Koffi, « Sur les traces des rebelles de Koné Zakaria », in L’Inter du 29 janvier 2003, p. 2.
8 Il s’agit d’une colonne fortement armée et composée de véhicules 4x4 tout-terrain, et d’auto-mitrailleuses qui avaient infiltré le territoire ivoirien depuis la frontière nord. Elle fut stoppée par les FANCI à la lisière de Bouaké, au centre du pays. Selon des sources publiées par l’état-major ivoirien, cette colonne venait en renfort des auteurs de la tentative du coup d’État qui a eu lieu dans la nuit du 7 au 8 janvier 2001, à Abidjan.
9 . L’expression a été empruntée à Larry Diamond et Marc Plattner (sous la dir. de), Le rôle de l’armée en démocratie, Paris, Nouveaux Horizons, 1996, 243 p.
10 . Cf. Le point de presse de Kadet Bertin, ex-ministre ivoirien délégué à la Défense, in Fraternité-Matin du 26 décembre 2002, p. 12.
11 . Les mercenaires, engagés par le gouvernement ivoirien pendant la guerre, ont débarqué en Côte-d’Ivoire pour la première fois à la mi-octobre 2002. Leur mission : former une force spéciale au sein des FANCI, leur apprendre le maniement de certaines armes, et engager des opérations spéciales de libération des zones initialement conquises par les rebelles dès le déclenchement de la guerre, comme les localités de Vavoua, de Toulepleu, etc.
12 Cf. Le reportage de Ferro Bally en zone opérationnelle ouest, « Le général Bombet aux soldats : il faut bouter les assaillants hors du pays », in Fraternité Matin du 27 décembre 2002, p. 15.
13 Ferro Bally, op. cit., p. 15.
14 Ferro Bally, « Les images de l’horreur », in Fraternité Matin du 24 avril 2003, p. 12-13.
15 Lire Tiémoko Coulibaly, « Lente Décomposition en Côte-d’Ivoire », in Le Monde diplomatique, novembre 2002, p. 25.
16 Il s’agit du pouvoir issu du régime prosocialiste du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, et qui s’est imposé après la transition militaire (24 décembre 1999 - 24 octobre 2000) du général Robert Guéi, au lendemain de sa victoire aux élections présidentielles du 22 octobre 2000.
17 Kieffer (Guy-André), article déjà cité, p. 30.
18 Lire la contribution de Louis Goodman sur « Le rôle de l’armée, hier et aujourd’hui », in Diamond (Larry) et Plattner (Marc), op. cit., p. 75-91.
19 Un accord d’assistance militaire, signé le 24 avril 1961, prévoit l’appui des forces françaises à l’armée ivoirienne en cas d’agression extérieure. Selon l’article 3 de cet accord, la Côte-d’Ivoire doit s’adresser en priorité à la République française pour l’entretien et le renouvellement des matériels et équipements de ses forces armées. Pour plus d’informations, se référer au Journal officiel de la république de Côte-d’Ivoire, op. cit., p. 1164-1165 et 1168.
20 Lire le témoignage du commandant Marquès, leader des mercenaires recrutés par l’État ivoirien, op. cit., in Raids, n° 202 de mars 2002.
21 On a pu effectivement observer de nombreuses violations de l’accord de cessez-le-feu, conclu le 17 octobre 2002, entre les rebelles du Mouvement patriotique de Côte-d’Ivoire (MPCI) et le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheik Tidiane Gado, représentant du président en exercice de la CEDEAO, Abdoulaye Wade. Relevons ainsi les violations des forces rebelles contre les positions des loyalistes, le 25 octobre 2002 à Daloa, le 21 janvier 2003 à Toulepleu, le 30 mars 2003 à Bédiala, à Gbapleu (Guiglo) ainsi qu’à Goualeu (Toulepleu), enfin le 24 septembre 2003 à Zuénoula. Pour plus d’informations, lire l’ultimatum des Fanci aux Forces nouvelles (ex-Forces rebelles) par le Lieutenant-colonel Mangou Philippe, commandant le théâtre des opérations Fanci à Yamoussoukro, in Fraternité-Matin du 8 octobre 2003, p. 14.
22 La Firpac est l’acronyme de la force d’intervention rapide des para-commandos, une ex-unité de l’armée ivoirienne. Celle-ci s’est illustrée de la plus mauvaise manière, en mai 1991, par son intervention brutale sur la cité universitaire de Yopougon, dans la banlieue d’Abidjan.
23 Cf. Diamond (Larry) et Plattner (Marc), Le Rôle de l’armée en Démocratie, op. cit., p. 4.
Auteur
-
Kouadio Guessan
Université d’Abidjan (Côte-d’Ivoire)
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