Chapitre III. Les fonctions portuaires
p. 109-282
Texte intégral
1Lorsque Michel Mollat évoquait les ports en tant que tels dans sa thèse consacrée à la Normandie, il les rangeait dans le chapitre consacré à l’outillage du commerce, au même titre que les navires ou que l’art nautique1. C’est qu’en effet, l’espace portuaire se définit en grande partie au regard des services qu’on en attend et des usages qu’on en fait. En cela il se différencie de l’espace urbain qui est le siège de pratiques et de représentations beaucoup plus variées et complexes.
Un abri et un espace de stationnement naval
La prégnance topographique dans le choix des abris
2Sans être systématiquement qualifiés de havres, les ports offraient toujours, d’une manière ou d’une autre, un abri aux navires qui les fréquentaient. Mais bien entendu, la protection qu’ils procuraient était de nature et de qualité variables, selon leur environnement naturel, les aménagements complémentaires dont ils étaient dotés et la taille des bâtiments qu’ils accueillaient. Pour les embarcations les plus modestes, ne dépassant pas quelques tonneaux de jauge et susceptibles d’être tirées sur la grève, une cale ou une simple plage de sable ou de galets suffisaient à les mettre en sûreté. Voilà une possibilité qu’offraient a priori tous les sites sans exception.
Les échouages
3C’est sur la « parée » que les bateaux de pêche étaient placés hors de portée des vagues aux Sables-d’Olonne. C’était aussi le cas à Dieppe. Plus généralement, on mettait à sec sur la plage les embarcations dans tous les ports où se pratiquait la pêche : ceux du Labourd, ceux du littoral dunaire bas-poitevin et du pourtour des marais de Guérande, la plupart de ceux de Bretagne et ceux fixés le long des cordons littoraux de la Manche et de la mer du Nord. Cette habitude ancestrale se reconnaît encore aujourd’hui dans beaucoup de régions du monde dont le matériel naval employé pour la capture des poissons est resté archaïque. Nous connaissons assez mal la typologie de ces navires pour le Moyen Âge. Le long de tout le littoral du golfe de Gascogne, avaient été répandus des modèles d’embarcations légères. Il pouvait s’agir de bateaux spécialisés, comme les tilholes sur l’Adour, les filadières sur la Gironde, les yoles baleinières employées par les marins basques ; ou bien d’allèges et de navires plus polyvalents et répandus un peu partout comme la pinasse ou la gabarre. On continuait aussi de construire et d’employer des modèles primitifs, des sortes de barques très effilées, de type « monoxyle assemblé », c’est-à-dire creusées dans un tronc d’arbre et surélevées par l’assemblage de bordages supplémentaires. De tels bateaux datés des xiiie-xive siècles (fig. 5) ont été exhumés lors des fouilles de la place Jean Jaurès (2002) et du quartier Saint-Rémi (2003) à Bordeaux2. Dans tous les cas, ces embarcations maritimes ou fluviales ne contenaient pas plus de quelques tonneaux et leurs équipements étaient rudimentaires (une à trois paires de rames, parfois une voilure élémentaire)3. Nous avons très peu d’éléments descriptifs à fournir à leur sujet. On peut penser que les plus contenants étaient comptés parmi les « navires vaisseaulx ou pinasses sont compaignons pour aller pescher es retz comme es macquereaulx es harens es raix », évoqués par Pierre Garcie dans l’article 25 de sa version des Rôles d’Oléron4. Si les textes ne sont guère informatifs à leur endroit, l’iconographie pallie en partie cette indigence. Les exemplaires employés pour la chasse à la baleine sont ainsi représentés explicitement dans deux sceaux de villes portuaires basques. On trouve aussi de belles illustrations de petits bateaux de pêche dans les enluminures des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (fig. 6). Ces navires légers, ou des spécimens voisins, étaient également employés pour la manutention portuaire et, dans les marais salicoles, pour l’acheminement du sel vers les points de chargement. Leurs petites dimensions autorisaient qu’on les mette à sec en les hissant sur la berge ou sur une cale quelconque. Il est assez frustrant de ne pouvoir en dire davantage, tant les sources sont ténues à leur endroit. Pour reprendre la formule de Jacques Bernard, « il est à peine exagéré de dire que l’étude des origines de ces petits navires relève un peu des méthodes et des incertitudes de la protohistoire5 ».
Figure 5. – Essai de restitution de la barque de la place Jean Jaurès de Bordeaux.

Gerber Frédéric, Guyon Marc, Laurent Fabrice et Sibella Patricia, L’archéologie navale, op. cit., p. 38.
Figure 6. – Embarcations de pêche du Moyen Âge.

No 1 : AN, F 3875, sceau de Biarritz, 1351 ; no 2 : AN, D 11326, sceau de Fontarabie, 1335 ; no 3 : BnF, ms. fr. 187, fol. 19, xive siècle ; no 4 : BnF, ms. fr. 57, fol. 9, xvie siècle ; no 5 : Konrad Witz, 1444, retable de la cathédrale Saint-Pierre de Genève ; no 6 : BnF, ms. lat. 757, fol. 367, xive siècle.
4Pour toutes ces frêles embarcations, aucune installation particulière n’était requise. Dès lors que la plage n’était pas battue par un ressac trop violent ou que la pente de la grève n’était pas trop inclinée, on se contentait du milieu naturel pour se poser hors d’atteinte de l’eau. C’est là ce qui rend l’exhaustivité de notre inventaire des ports totalement illusoire. Pour nous représenter ces lieux qui ne sont décrits ni par les textes, ni par l’archéologie, mais seulement nommés parfois pour l’activité ou la réglementation dont ils faisaient l’objet, il nous faut nous reporter à ce qui était encore observé au xviiie siècle. L’abbé Cochet rappelait qu’à Étretat, lorsque le mauvais temps l’imposait, les femmes étaient chargées de hisser les barques au moyen d’un cabestan. Un tel dispositif existait aussi à Yport, Bruneval et aux Dalles6. À la même époque, les pêcheries d’Ault, sur le littoral du Ponthieu, étaient desservies par une cinquantaine de « bateaux qui se guindent sur l’estran au moyen de cabestans7 ». Encore aujourd’hui, le long de certaines côtes africaines ou asiatiques, cette pratique de la mise à sec perdure. Les embarcations, attendues par les femmes et les enfants du village attenant, sont tirées hors de portée des vagues par les membres de la communauté au moyen de cordages. Là, elles peuvent être éventuellement attachées à des pieux fichés dans le sable ou la vase pour éviter qu’elles ne glissent, et stabilisées de part et d’autre de la coque avec des béquilles de bois.
5La simplicité de ce dispositif de mise hors d’eau autorise à penser que toute portion littorale, aussi modeste fût-elle, susceptible d’être employée de la sorte, a pu constituer un port occasionnel ou plus durable au Moyen Âge : les innombrables criques, conches et étiers étaient autant de ports potentiels. Pour s’en convaincre, prenons l’exemple des côtes du pays de Caux, cartographiées à plusieurs reprises aux xviie et xviiie siècles. Une carte portulane anonyme de 1625, intitulée « Partie de la coste de Normandie », figurant le littoral compris entre Le Havre et Le Tréport, propose une nomenclature très précise8. En plus des seize ports médiévaux que nous avons pu identifier, nous n’y dénombrons pas moins de cinquante-sept sites, qualifiés de « descente » ou de « val », sur lesquels il était possible de venir s’échouer. On retrouve la même abondance toponymique dans une série de plans dressés en 1659 par le géographe ordinaire du roi, Pierre Duval (fig. 7).
Figure 7. – Les ports et échouages du pays de Caux au xviie siècle.

BnF, GE DD 2964 (4RES), « Les Costes de France sur l’Ocean », Pierre Duval, 1659.
Les abris en retrait d’un cordon dunaire
6Dans le cas de navires plus lourds, capables de transporter quelques dizaines de tonneaux et qui ne pouvaient pas être facilement mis à sec, les qualités du refuge requéraient de meilleurs arguments. C’est dans cette catégorie que les bateaux étaient sans doute les plus nombreux, et ce quels que soient les siècles considérés. Elle comportait des embarcations allongées et basses sur l’eau, construites à clin, mues par des rames et une voile carrée, gouvernées par un aviron latéral, dans la droite ligne des méthodes héritées du haut Moyen Âge : flouin, anguille, pinasse, baleinier, galée (fig. 8). Elle comprenait aussi, depuis qu’au xiiie siècle avaient commencé à se répandre des conceptions navales plus rondes, des bâtiments profonds, aux bords élevés, munis de châteaux avant et arrière, bientôt bordés à franc-bord, uniquement propulsés par le vent au moyen d’une voilure parfois multiple, dirigés par un gouvernail d’étambot : barque, escaffe, « vaissel », barge, carvelle, petite nef (fig. 9). Elle englobait enfin toutes sortes de gabares, construites à fond plat, auxiliaires indispensables du transport fluviomaritime. Il ne nous paraît pas nécessaire de décrire plus en détail tous ces bateaux que nous connaissons bien pour les avoir plusieurs fois étudiés9. Ce qui compte ici, ce n’est pas la diversité de leurs façons ni de leurs équipements ; ce sont les nécessités qui s’imposaient à eux lorsqu’ils approchaient la terre. Dans leur cas, la question du tirant d’eau apparaît secondaire : ils progressaient en général par moins d’un mètre de profondeur. En revanche, il fallait leur trouver des eaux calmes, peu exposées aux courants et aux vagues. Peu importe si la zone de relâche restait à flot ou non. Leurs dimensions raisonnables ne les handicapaient pas lorsqu’ils s’échouaient. Ils pouvaient reposer sur leurs « fleurs » sans risquer de se disloquer. Le tout évidemment était de s’assurer que les fonds restaient souples et ne comportaient pas de roches. Les Rôles d’Oléron, dans leur article 24, font référence à cette pratique qui pouvait concerner les plus gros bâtiments comme les nefs : « Une nef gynde à sa descharge et se mect à seiche où elle est si jollie que les mariniers prenent à seur voille10. »
Figure 8. – Les navires longs de transport aux xie-xve siècles.

No 1 : extrait de la Tapisserie de Bayeux ; no 2 : AN, F 3940, sceau de Dunwich, xiiie siècle ; no 3 : AN, D 11333, sceau de Saint-Sébastien, 1335 ; no 4 : AN, BM 23, sceau de Hastings, xiiie siècle ; no 5 : AN, D 5459, sceau de La Rochelle, 1437 ; no 6 : BnF, ms. fr. 5594, fol. 217, xve siècle ; no 7 : Biblioteca Nazionale Marciana, Venise, Cod. Marc. Ital. IV, 170 (5379), fol. 164. Manuscrit attribué à Pietro Di Versi.
Figure 9. – Les navires ronds de transport aux xie-xve siècles.

No 1 : AN, BM 21 bis, sceau de Douvres, 1305 ; no 2 : AN, BM 25, sceau d’Ipswich, xiiie siècle ; no 3 : AN, D 5554 bis, sceau de Pamiers, 1267 ; no 4 : BnF, Arsenal, ms. 5080, fol. 405 v, 1332-1335 ; no 5 : BnF, ms. fr. 9342, fol. 96, xve siècle ; no 6 : BnF, ms. fr. 9342, fol. 69 v, xve siècle ; no 7 : BnF, ms. fr. 2644, fol. 85, xve siècle ; no 8 : BnF, ms. fr. 875, fol. 71 v, 1497.
7En contexte de front de mer, on a souvent trouvé une protection pour ce genre de navires, derrière les flèches de sable ou de galets qui ferment en partie les basses vallées des petits fleuves côtiers. Cette disposition topographique se retrouve le long du littoral flamand, depuis Calais jusqu’à Ostende. Les courants de la mer du Nord qui rasent la côte dans le sens ouest-est ont étiré des cordons percés en quelques endroits par les eaux ruisselant depuis la plaine intérieure. En retrait des massifs sableux les estuaires forment un coude plus ou moins prononcé, proposant ainsi une zone navigable protégée du vent et de la houle. Prenons le cas de Gravelines par exemple, assez bien illustré par des cartes des xviie et xviiie siècle. Le serpentement de l’Aa au travers les marais venait buter sur les dunes, obligeant l’embouchure à se décaler toujours plus à l’est. Le port et sa ville avaient été fixés au xiie siècle précisément à ce point de contact, ce qui garantissait un accès aisé à la mer sans avoir trop à souffrir de ses assauts (fig. 10). La situation des ports des marais picards, tels Étaples, Saint-Valery et Le Crotoy, ou certains du Bas-Poitou comme Les Sables-d’Olonne ou Saint-Gilles, était assez similaire (fig. 11).
Figure 10. – Situation des ports de Saint-Gilles-sur-Vie et de Gravelines.

No 1 : port de Saint-Gilles (BnF, GE SH 18e, Pf. 54, Div. 2, P. 1/1, xviiie siècle) ; no 2 : port de Gravelines (BnF, GE DD 4586, 1 RES, 1700).
Figure 11. – Situation des ports d’Étaples, de Saint-Valery et du Crotoy.

No 1 : port d’Étaples ; no 2 : ports de Saint-Valery et du Crotoy (BnF, GE DD 2987 [925 et 930], 1764).
Figure 12. – Situation des ports de Boulogne et du Tréport.

No 1 : port de Boulogne (BnF, GE SH 18e, Pf. 35, Div. 5, P. 8D, xviiie siècle) ; no 2 : port du Tréport (BnF, GE DD 2987 [1048], xviiie siècle).
Figure 13. – Situation des ports de Dieppe et de Fécamp.

No 1 : port de Dieppe (BnF, GE D 633, xviie siècle) ; no 2 : port de Fécamp (BnF, GE SH 18e, Pf. 36, Div. 5, P. 4, 1702).
Figure 14. – Situation des ports d’Ouistreham et de Port-en-Bessin.

No 1 : port d’Ouistreham (BnF, GE SH 18e, Pf. 37, Div. 5, P. 2D, 1666) ; no 2 : port de Port-en-Bessin (BnF, GE SH 18e, Pf. 37, Div.65, P. 7D, 1712).
8Dans le cas du Cotentin, les cordons littoraux formés sur la façade ouest de la péninsule jouaient en quelques endroits le même rôle. Ils enfermaient les eaux s’écoulant du socle schisteux, gréseux et granitique, ne les laissant s’échapper que par quelques pertuis. Les chenaux que formaient ces évacuations, calés derrière un bourrelet de sable et de galets, étaient tout indiqués pour recevoir les bateaux de l’époque, capables d’emprunter des passages étroits et peu profonds. Les petits havres de Geffosses, de Surville ou de Portbail avaient ainsi trouvé leur place dans certains d’entre eux (fig. 15).
Figure 15. – Situation des ports de Portbail et de Surville.

BnF, GE SH 18e, Pf. 33, P. 28D, vue 15 : « Côtes de Normandie et Bretagne, du Tréport au cap Fréhel », s. n., xviie siècle.
9Les basses vallées creusées dans les plateaux calcaires de Normandie et du Boulonnais présentaient à leurs embouchures des caractéristiques répondant à une logique identique. Les débris arrachés aux falaises et les sédiments relâchés par l’estuaire des petits fleuves s’agglutinaient pour constituer des remparts aux vagues, derrière lesquels les marins pouvaient facilement mouiller ou échouer leurs navires. La cartographie moderne permet là aussi d’en juger. Les sites de Boulogne, du Tréport, de Dieppe, de Fécamp, d’Ouistreham ou de Port-en-Bessin – pour ne parler que d’eux – étaient naturellement protégés de cette manière (fig. 12 à 14). On peut aussi classer parmi ce type de configuration topographique quelques havres du Cotentin comme Regnéville, Agon ou Saint-Germain (fig. 16).
Figure 16. – Situation des ports de Saint-Germain et de Regnéville.

No 1 : port de Saint-Germain ; no 2 : port de Regnéville (BnF, GE SH 18e, Pf. 33, P. 28D, vues 16 et 18 : « Côtes de Normandie et Bretagne, du Tréport au cap Fréhel », s. n., xviie siècle).
Les indentations rocheuses de la côte
10Dans d’autres circonstances environnementales, ce sont les indentations de la côte et les îles alentour qui brisaient la houle et tempéraient les eaux littorales. Les golfes, les vallées ennoyées et les presqu’îles de Bretagne étaient pour cette raison propices au repos des bateaux. On pense évidemment à la position privilégiée de Vannes et d’Auray, au fond des ramifications du golfe du Morbihan (fig. 21) ; à celle de Douarnenez et de Crozon aux confins de leur baie (fig. 21) ; à celle de Quimper, de Brest, de Landerneau, de Morlaix, de Lannion, de La Roche-Derrien, de Tréguier ou de Dinan, blottis dans leurs abers respectifs (fig. 22 à 25) ; à celle de Blavet, de Pont-l’Abbé, de Saint-Pol-de-Léon, de Dinard ou de Saint-Malo couverts par des éperons rocheux ou lovés dans une anse (fig. 22, 23 et 25). Ce ne sont là que quelques cas représentatifs de la variété des situations bretonnes. La bordure littorale du Cotentin présente des opportunités assez semblables par endroits. La baie du Mont-Saint-Michel adoucit la houle venant du nord ; de ce fait, elle autorisait les navires à trouver refuge à Genêts, Gisors ou Avranches. Le havre de Granville se trouve protégé par un promontoire qu’on nommait « la Roque » au Moyen Âge11. Ceux de Carteret, de Cherbourg ou de Barfleur avaient pris place dans une anfractuosité appropriée (fig. 20).
Figure 17. – Situation des ports de Granville, Barfleur, Cherbourg et Carteret.

No 1 : port de Granville ; no 2 : port de Barfleur ; no 3, port de Cherbourg ; no 4 : port de Carteret (BnF, GE SH 18e, Pf. 33, P. 28D, vues 10, 11, 14, 20 : « Côtes de Normandie et Bretagne, du Tréport au cap Fréhel », s. n., xviie siècle).
Figure 18. – Situation des ports de Vannes, d’Auray et de Crozon.

No 1 : ports de Vannes et d’Auray ; no 2 : port de Crozon (BnF, GE SH 18e, Pf. 41, P. 9, vues 6 et 10, xviiie siècle).
Figure 19. – Situation des ports de Blavet (Port-Louis) et de Quimper.

No 1 : port de Blavet (BnF, GE SH 18e, Pf. 41, P. 9, vue 9, xviiie siècle) ; no 2 : port de Quimper (BnF, Arsenal, ms. 6458 [584], 1758).
Figure 20. – Situation des ports de Brest et de Saint-Pol-de-Léon.

No 1 : port de Brest (BnF, GE SH 18e, Pf. 41, P. 9, vue 9, xviiie siècle) ; no 2 : port de Saint-Pol-de-Léon (BnF, Arsenal, ms. 6458 [584], 1758).
Figure 21. – Situation des ports de Morlaix et de Lannion.

No 1 : port de Morlaix (BnF, Arsenal, ms. 6459 [606 bis C], 1754) ; no 2 : port de Lannion (BnF, Arsenal, ms. 6461 [636], 1754).
Figure 22. – Situation des ports de Tréguier et de Saint-Malo.

No 1 : port de Tréguier (BnF, GE DD 2987 [1140], 1764) ; no 2 : port de Saint-Malo (BnF, GE SH 18e, Pf. 41, P. 9, vue 1, xviiie siècle).
Figure 23. – Situation des ports du Plomb, de Port-Neuf et de La Rochelle.

No 1 : le port du Plomb (BnF, GE SH 18e, Pf. 54, Div. 7, P. 3D bis, xviiie siècle) ; no 2 : les ports de Port-Neuf et de La Rochelle (BnF, GE SH 18e, Pf. 54, Div. 7, P. 8D, xviiie siècle).
Figure 24. – Les conches de la châtellenie de Royan.

BnF, BnF, GE SH 18e, Pf. 43, Div. 1, P. 26, sans titre, s. n., 1703-1704.
Figure 25. – L’estuaire de la Seine depuis Quillebeuf jusqu’à l’embouchure en 1750.

BnF, GE D 14723, carte du cours de la Seine depuis le Havre au Pont de Larche, Nicolas et Jean Magin, 1750.
11Il faut aussi classer, parmi ces ports établis dans les échancrures littorales, ceux nichés dans les conches du Centre-Ouest. Décrivant les côtes de l’île d’Yeu, Pierre Garcie signale l’existence de deux anses où les navires pouvaient se mettre à l’abri : celle du « Pyssot » et celle de la Conche12. En Aunis, Port-Neuf, le Plomb, Queue-de-Vache et bien sûr La Rochelle sont les principaux représentants de ce type de havre. Penchons-nous quelques instants sur le second. Entre l’éperon de Lauzière et les terres de Nieul et de l’Houmeau, le Plomb occupait, depuis le xiie siècle au moins, une dépression étroite et profonde, longue d’environ un kilomètre, qui au moment de la pleine mer devenait un vaste bassin dans lequel des navires de toutes tailles prenaient place. Son entrée était partiellement fermée par un banc de galets qui protégeait davantage encore le plan d’eau. Quant au port de La Rochelle, il connut une migration au cours du Moyen Âge. Les bateaux des pêcheurs et des sauniers, puis ceux des premiers commerçants, avaient d’abord élu un étier pour se mettre en sûreté. Puis, à la fin du xiie siècle, le nombre et surtout le gabarit des navires rendant peu à peu ce cours d’eau obsolète, les bâtiments trouvèrent un espace approprié au sein d’une conche vaste et profonde, enserrée par deux îlots et alimentée par trois petits ruisseaux. C’est cet endroit qui demeura jusqu’au xxe siècle le havre principal de La Rochelle.
12À l’extrémité de la rive droite de la Gironde, le plateau calcaire saintongeais se découpe en un grand nombre de criques et d’anses, décrites par la cartographie et les textes modernes. Un plan anonyme daté de 1703-1704 représente cette portion du fleuve, depuis Saint-Palais jusqu’à Meschers. Sur la quinzaine de kilomètres qui séparent ces deux agglomérations, pas moins de treize conches, identifiées comme telles, sont mentionnées (fig. 24). Ce sont celles également décrites dans une enquête de 1551 relative à la création d’un nouveau port à Royan. Les inspecteurs, parcourant « la côte de mer de la ville de Royan jusqu’à la fin de ladite chatellainie, ainsi qu’elle s’étend, distante d’une grande lieue et demi », repérèrent plusieurs possibilités pour aménager un havre :
« avons trouvé une conche et descente fort large et facile à faire descente aux ennemis qu’on appele Faussillon, et une autre à trois ou quatre portées d’arbalète qu’on appelle Pont-Robert, une autre de semblable distance appelée le Petit Chay, et encore un autre qu’on appelle Pontaillac, plus près de la précédente une autre appelée la conche Gilles, une autre Saint Sardouin, une antre appelée Cancelle, une autre appelée Nozan, plus une autre qu’on appele la conche de Saint-Palais, fort aisée et plus large de descente qu’autre pour les ennemis et une autre qu’on appelle la Grande Cote, tendant en avance, qui est la plus loin dudit Royan qui est près de la ville et chateau qu’on appelle Ancoime. […] Et outre avons trouvé de ladite première conche plus prochaîne dudit Royan jusqu’au dit lieu d’Ancoine, où est un port appelé autrefois, et encore à présent, le port de la Lune, de la largeur, environ, entre(?) deux pointes13. »
13Si tous ces sites n’étaient sans doute pas des ports permanents au Moyen Âge, ils ont pu vraisemblablement, de façon plus ou moins exceptionnelle, servir d’abri aux bateaux qui fréquentaient l’embouchure.
Les petits chenaux côtiers et estuariens
14Dans les marais maritimes et le long des berges alluviales, la vase était découpée par toutes sortes de petits chenaux (« esteys », « achenaux », « flets »), les uns recueillant naturellement les pluies des coteaux alentour, les autres ayant été creusés par l’homme pour les besoins de la saliculture ou de l’agriculture. Ces modestes cours ont très tôt constitué des zones de relâche privilégiées. Nous l’avons mis en évidence pour les ports de La Rochelle et de Bordeaux. Cela se comprend assez bien : les chenaux, étroits et perpendiculaires aux rives, coupaient net les mouvements de la mer et du fleuve. Au surplus, compte tenu de la faiblesse de leur débit, les bateaux qui les empruntaient n’avaient pas à craindre les dangers du courant. Aussi, tant que ces étiers n’avaient pas été trop colmatés et que les dimensions navales permettaient d’y accéder, c’est-à-dire jusqu’au xiie siècle au moins, on continua de les emprunter.
15À propos de Bordeaux, aux xie-xiie siècles, le petit bassin de la Devèze, la basse vallée du Peugue, l’embouchure du ruisseau de Pédouillet (fossés des Salinières) et l’embouchure de « l’estey d’Ayga-Borda » servaient encore à mettre en sécurité les navires14. Mais dès le siècle suivant, les effets simultanés de l’envasement et du développement du trafic détournèrent les bateaux sur la rive gauche de la Garonne. À la fin du Moyen Âge, la Devèze n’accueillait plus de bateau qu’au niveau de son embouchure, « l’estey des Anguilles ». En revanche, le Peugue, qui se remplissait toujours à la pleine mer, resta lui utilisé par les maîtres de navires. Des baleiniers et des galères d’une cinquantaine de tonneaux venaient encore s’y poser au xvie siècle15.
16D’autres refuges portuaires épousaient ainsi le lit des petits affluents des estuaires. À Talmont, au niveau de l’embouchure de la Gironde, le port était fixé sur un mince chenal que ne pouvaient pas emprunter des bâtiments trop lourds. Encombré de lest, d’épaves de navires et de barriques abandonnées, le connétable de Bordeaux le fit curer en 132916. À la fin du xvie siècle, Henri Lancelot Voisin, sieur de La Popelinière, consigna dans son Journal autographe (1588-1592) quelques observations sur les sites portuaires de la Gironde : « À Blaye y a un petit esteys qui entre sous la ville pour retraite aux petis vaisseaux, mais on n’en sçauroit on faire un havre, car tout y est pierreux au fons et y a mauvaise rade devant Blaye de sus, siroest et oest17. » Dans la basse vallée de la Charente, le « port de Fonteneaus » était situé « à l’estier dessouz le chasteau de Rochefort », selon un acte des années 131018. Nous avons par ailleurs déjà cité les « estiers » où des gabarriers furent envoyés pour récupérer le bois des ponts qui avaient été emportés par une crue en aval de Nantes en 1504-150619. Selon Yves Le Maître et Éric Lemerle, la plupart des petits ports localisés entre Nantes et Saint-Nazaire avaient pris place dans des étiers au cours des xie-xiie siècles. Un bon exemple est celui de Saint-Nicolas, établi sur le Tertre, à proximité de Cordemais20.
17Les sources écrites manquent pour identifier ce type de sites dans la basse vallée de la Seine. Aussi, il faut là encore avoir recours à la cartographie moderne pour tenter de les percevoir. Le plan dressé en 1750 par Nicolas et Jean Magin permet de se figurer les petits cours qui ruisselaient de la plaine pour se jeter dans la basse Seine (fig. 25). À proximité de leur embouchure est systématiquement mentionné le toponyme d’un port dont nous avons pu attester l’existence médiévale. Nous en dénombrons quatorze depuis la pointe de Quillebeuf jusqu’à Chef-de-Caux : six sur la rive gauche (Grestain, Jobles, Fiquefleur, Saint-Sauveur/La Rivière, Honfleur, Criqueboeuf), huit sur la rive droite (le Mesnil, Radicatel, Tancarville, Val-Salé, L’Estrangle, Oudalle, Rogerville, L’Orcher). Seules des prospections archéologiques pourraient confirmer que tous ces ports étaient réellement situés sur lesdits affluents. Toutefois, il n’est pas hasardeux de considérer que leurs lits, dont il est certain qu’ils étaient moins encombrés de vase au Moyen Âge, permettaient d’établir des zones d’abri pour les bateaux. Et pour nous en convaincre un peu plus, remarquons que l’usage des étiers à des fins portuaires durant l’Antiquité et le Moyen Âge s’observe dans d’autres fleuves européens, comme le long du Guadalquivir par exemple21.
18Les marais maritimes comportaient nombre d’étiers et de chenaux au sein desquels les bateaux pouvaient également faire relâche. Dans le bassin d’Arcachon, les navires bretons ou bordelais allaient retirer des produits résineux à « l’achenau » de La Teste22. Les salines de la Seudre, du golfe de Brouage, de La Rochelle, des îles de Ré et d’Oléron, d’Olonne, de la Baie, de Guérande et de la Dives étaient sillonnées par ces cours grâce auxquels on alimentait les aires en eau salée, on évacuait les eaux douces de la bordure continentale et on exportait le sel cristallisé. Puisque leurs descriptions figurent dans notre tableau géohistorique, quelques exemples suffiront ici pour en brosser le portrait. Prenons le bassin de la Seudre. Le port de Mornac – un des principaux de la zone – se situait à l’extrémité d’un chenal qui passait au pied du château seigneurial. Les pinasses et les barques venaient s’y amarrer si leur jauge ne dépassait pas une trentaine de tonneaux. Au-delà, les navires devaient se poser à la « goulle de l’achenau23 ». Sur la rive opposée, Marennes était accessible par un long chenal qui pouvait porter des bâtiments de 60 à 100 tonneaux. Au total, ce sont dix-sept ports qui avaient pris place au bout des bras d’eau parcourant la vase des berges de la Seudre.
19Dans les marais mouillés et les marais agricoles, les navires de mer accédaient aux stations portuaires via des réseaux de canaux creusés par la main de l’homme et destinés simultanément à drainer les terres. Le golfe du Poitou, qui fit l’objet d’une vaste campagne d’assèchement au cours des xiie et xiiie siècles, en est la meilleure illustration. Les « navires portant hune » pouvaient remonter par un « achenal » jusqu’à Luçon24. L’entretien de cette voie d’eau, sujet à de multiples contestations entre les xive et xvie siècles, incombait aux propriétaires des seigneuries qu’il traversait. Selon une enquête conduite aux environs de 1530, dont le mémoire manuscrit a été retranscrit par Armand-Désiré de La Fontenelle de Vaudoré, le canal était navigable « de toute ancienneté » et divisé en deux sections : l’une comprise entre la mer et le marais de Taillefer, l’autre conduisant jusqu’au « port et havre » de Luçon25. Les ports de Chasnais, de Moreilles, de Chaillé, de Champagné et de Saint-Michel-en-l’Herm avaient trouvé place eux aussi sur ce type de canal.
Les affluents des fleuves
20Les points de rencontre entre les grands fleuves et certains de leurs affluents navigables étaient appréciés par les maîtres qui recherchaient des eaux calmes pour mettre en sécurité leurs bâtiments. Le principe qui fondait la qualité de ces sites était assez proche de celui des étiers. Leur position plus ou moins orthogonale avec l’estuaire permettait aux bateaux de se tenir à l’écart des agitations fluviales. La situation du port de Bayonne, sur la Nive, un peu avant la jonction avec l’Adour, répondait à cette logique. C’est dans le chenal de la rivière que les navires venaient se réfugier, et ce au moins jusqu’au xiie siècle. À ce moment en effet, la construction du « Pont Major » commença à interdire l’accès de cet espace aux bâtiments dont le tonnage était toujours plus important, reportant sur le fleuve lui-même une autre zone de mouillage.
21Cette configuration nodale se retrouve en d’autres endroits, comme à Libourne, entre la Dordogne et l’Isle, à Nantes, entre la Loire et l’Erdre, à Pirmil, entre la Sèvre et la Loire, à Carentan, entre la Douve et la Taute, à Isigny, entre la Vire et l’Aure, à Harfleur, entre la Seine et la Lézarde (fig. 26 et 27).
Figure 26. – Situation des ports de Bayonne et de Libourne au xviiie siècle.

No 1 : « Plan de la ville et citadelle de Bayonne », s. n., xviiie siècle (BnF, GE C 4014) ; no 2 : « Plan de la ville de Libourne, avec ses dehors, & partie de la campagne », par Reveillaud, architecte géographe à Blaye, 1758 (BnF, Arsenal, ms. 6439 [165]).
Figure 27. – Situation des ports de Nantes et d’Harfleur au xviiie siècle.

No 1 : « Plan de la ville de Nantes et de ses fauxbourgs levée par ordre de MM. les Maire, Echevins et procureur du roi sindic de laditte ville », François Cacaut, 1757-1759 (BnF, GE DD 2987 [1183 B]) ; no 2 : « Plan de Harfleur », Nicolas Magin, xviiie siècle (BnF, GE DD 2987 [1032]).
Les rives des fleuves
22Les moyens porteurs du commerce maritime trouvaient aussi des espaces de relâche directement le long des berges des basses vallées fluviales. On pense évidemment à Bordeaux sur la Garonne, à Nantes sur la Loire et à Rouen sur la Seine ; mais aussi à Tonnay, à Taillebourg et à Saintes sur la Charente ; à Marans sur la Sèvre ; à La Roche-Bernard et à Redon sur la Vilaine ; à Montreuil sur la Canche.
23Les berges d’un fleuve présentaient souvent pour avantage d’être spacieuses, ce qui permettait à un grand nombre de navires de mouiller à leurs abords. En revanche, il n’était pas garanti d’y demeurer en sécurité, notamment durant la mauvaise saison. À Nantes, les grandes crues intermittentes de la Loire avaient raison des ponts et des infrastructures installées sur les rives26. Appelées « souvernes » en Gironde, elles menaçaient les navires stationnés devant Blaye ou Bordeaux27. Dans certains lieux privilégiés, comme à Abbeville sur la Somme ou à Caen sur l’Orne, le courant des eaux fluviales était toutefois modéré par la division du lit en plusieurs bras (fig. 28).
Figure 28. – Situation des ports d’Abbeville et de Caen au xviiie siècle.

No 1 : « Ancien plan d’Abbeville », s. n., s. d. (Bibliothèque municipale d’Abbeville, Ab X 8) ; no 2 : « Plan de la rivière de Caen telle qu’elle est aujourd’hui, ensemble le projet d’un nouveau cours », s. n., xviiie siècle (BnF, GE SH 18e, Pf. 37, Div. 5, P. 8).
Les fosses
24La quête de place et de profondeur pour mettre en sûreté les bateaux avait bientôt décidé les maîtres à utiliser des endroits dont les dimensions étaient mieux adaptées à des bâtiments toujours plus nombreux et volumineux, quitte à devoir s’éloigner du rivage et à accepter d’être moins bien protégé.
25Les gros porteurs, c’est-à-dire les bâtiments capables de transporter plus de 100 tonneaux, furent inventés au cours du xiiie siècle, puis perfectionnés selon les besoins des armateurs, à partir de deux modèles essentiellement : la nef, dont la forme basse et allongée fut transformée pour devenir profonde et ronde ; la « cogue » ou kogge (fig. 29), d’origine hanséatique, dont les façons se diffusèrent rapidement jusque sur les côtes basques et castillanes sous l’appellation coca28. Elles avaient des caractéristiques communes : une propulsion assurée par un mât surmonté d’une hune et une grande voile carrée unique, un bordage à clin, des châteaux avant et arrière intégrés à la coque. Leurs différences tenaient à la ligne de leurs œuvres et surtout à leur gouverne : l’étambot rectiligne de la « cogue » recevait un gouvernail axial qui autorisait que soit surélevé davantage le franc-bord, ce que ne permettait pas le gouvernail latéral qui continua d’équiper certaines nefs jusqu’au début du xive siècle. Plusieurs spécimens ont été retrouvés et fouillés au cours des dernières décennies. En 1962, une « cogue » fut découverte à Brême, datée de 1380 environ. Les trois répliques construites à partir de ses vestiges contiennent 150 à 160 mètres cubes29. Les nouvelles dimensions de ces vaisseaux permettaient de déplacer des quantités importantes pour l’époque. À Bordeaux, selon les chiffres réunis par Jacques Bernard, les transporteurs chargés d’au moins 100 tonneaux de marchandises représentaient 53 % des unités en 1308-1309, 12 % en 1409-1410, 23 % en 1412-1413 et 39 % dans les années 1443-1444/1448-144930. Toutefois, à cette époque, les navires de plus de 250 tonneaux restaient encore assez rares, ici comme à La Rochelle ou en Normandie.
Figure 29. – Représentations de « Kogge » hanséatique.

No 1 : Kogge du xiiie siècle (AN, D 10691, sceau de Damme, 1309) ; no 2 : Kogge du xive siècle (AN, SP 2009, sceau de Dantzig, 1413).
26Au cours du xve siècle, en raison notamment de l’interpénétration des architectures navales méditerranéennes et atlantiques, ces bâtiments continuèrent d’évoluer et d’enfler (fig. 30). Dans le même temps, ils reçurent plusieurs mâts afin d’augmenter leur puissance de propulsion et d’améliorer leur maniabilité souvent médiocre. À Dieppe, le plus gros navire qu’on connaisse en ce temps-là fut bâtit en 1466-1467 : il s’agissait d’une nef de 300 tonneaux31. Dans les années 1490-1510, Louis de La Trémoïlle posséda deux modèles de très grande taille dont on suit la construction, l’équipement et les réparations dans plusieurs ports du Centre-Ouest (Les Sables-d’Olonne, île de Ré, La Rochelle, Taillebourg) : La Gabrielle qui portait plusieurs centaines de tonneaux et La Katherine, nef amirale de 1 200 tonneaux32. Certains spécimens exotiques, comme la caraque italienne ou la hourque scandinave – la première pouvant dépasser les 1 000 tonneaux –, fréquentaient aussi les havres du royaume de France33.
Figure 30. – Bâtiments de charge de la fin du Moyen Âge.

No 1 : Coca bayonnaise (clef de voûte de la cathédrale de Bayonne) ; no 2 : Nef du xve siècle (vitrail du palais de Jacques Cœur, Bourges) ; no 3 : Caraques du xve siècle.
BnF, NAF 24920, fol. 18 ; Guido delle Colonne, Histoire de la destruction de Troye la grant, xve-xvie siècle.
27Il faut retenir de ce bref aperçu que des contraintes supplémentaires pesaient sur ces bateaux imposants pour l’époque. Bien entendu, leur tirant d’eau, sans qu’il soit possible de le déterminer avec précision, était plus important que pour les modèles de taille inférieure. Tous les ports que nous avons précédemment évoqués ne leur étaient donc pas accessibles. Surtout, ils étaient moins manœuvrants et moins aptes à reposer sur leurs fonds. De ce fait, pour les tenir à l’abri, on préférait les arrimer à des ancres dans des lieux accessibles, suffisamment vastes et toujours à flot. Parfois, pour les navires les plus volumineux, cela était même nécessaire. À Rouen, Alonce de Civille affirmait en 1507 que les navires de 400 tonneaux n’étaient pas en mesure de naviguer dans ses parages sans risquer de gêner le trafic34. À La Rochelle, les vaisseaux de plus de 200 tonneaux ne pouvaient accéder au port qu’aux grandes marées35. Et au début du xvie siècle, on considérait même dans les milieux maritimes de Bilbao qu’il ne fallait pas se rendre dans les ports français avec des bâtiments de plus de 100 tonneaux36.
28En quelques rares endroits du littoral, ces grands vaisseaux pouvaient compter sur des fosses pour mouiller dans de bonnes conditions de sûreté. Sur la côte gasconne, dès lors que l’océan n’était pas tempétueux, les maîtres trouvaient des eaux plus calmes dans le profond « gouf de Capbreton », et pouvaient poser leurs ancres à l’arrière de l’embouchure. Il s’agit d’une fosse sous-marine dans laquelle se jetait l’Adour jusqu’au xive siècle. Là, les bâtiments avaient l’habitude de se tenir et de s’assembler avant de partir pour la haute mer où de remonter le fleuve. Et malgré la translation du boucau de l’Adour vers le nord, l’endroit resta employé au xve siècle pour faire relâche ou charger des denrées. Témoignant dans le cadre d’une information conduite en 1491 au sujet du déplacement de l’embouchure du fleuve, les habitants de Capbreton déclarèrent « qu’il y avoit ung lieu nommé le Gouf, lequel est le plus perfont lieu de la mer qu’on sache de cest coste ». Les enquêteurs qui s’étaient rendus sur place purent le vérifier de leurs propres yeux :
« veismes que la mer rompoit grandement sur les bords des sables par tous les quartiers excepté tant seullement en une pièce de pays durant environ demye lieue en laquelle pièce elle se monstroyt bien paisible ou estoit led. Gouf et lors nous demandasmes aux mariniers qui estoient presans que c’estoit que la mer feust plus paisible en ladicte pièce de pays plus que aux autres. Lesquels nous respondirent que le lieu ou estoit ladicte paisibilité s’estoit led. Gouf et est ainsy nommé a cause de la grant perfondeur de l’eaue qui est es rives d’icelle partie plus que es autres et que a cause de lad. perfondeur ladicte mer ne rompt ne tempeste comme faict ailleurs et par ceste raison les pescheurs quant leur survyent quelque tempeste en la mer ne peuvent entrer au boucault de Bayonne, se rendent a terre aysement et sans aucun péril aud. Gouf et pour nous faire apparoitre leur dire nous monstrèrent deux petits bateaulx a pescher qui estoient sur la rive de la mer retirés a icelluy gouf et disoient que cestoit leur reffuge en temps de tempeste37 ».
29Toutefois, en dépit de la bonne conservation du site, Pierre Garcie ne conseillait plus à son époque de venir y faire relâche38.
30D’autres fosses sont identifiables dans la documentation. Il en existait une sur la rive droite de la Loire, en aval des remparts de la ville de Nantes. C’est à cet endroit que commence à apparaître au cours du xve siècle l’activité du port dit « de la Fosse ». Manifestement, il fut peu à peu privilégié par les marins qui, souhaitant stationner leurs navires de charge, ne trouvaient pas d’espace suffisant le long des sites plus anciens39. À la même époque, à proximité de Quimper, la zone portuaire de la Rive, dont on améliora les aménagements pour recevoir les bateaux étrangers, comportait deux fosses, appelées « Kerec » et de « Locmaria40 ». Pierre Garcie en signale une autre à hauteur de Colleville-sur-Mer, en Bessin41. Dans l’estuaire de la Seine, la fosse de Leure joua un rôle fondamental pour la sécurité navale à la fin du Moyen Âge. Elle s’était formée derrière un cordon de sable et de galets qui s’étirait parallèlement à la berge fluviale. Profonde et spacieuse, elle était assez bien protégée des remous de l’embouchure. Au xive siècle, alors qu’elle n’était pas encore trop affectée par le colmatage, une quarantaine de nefs pouvaient s’y réfugier42. Lors des préparatifs de la bataille de L’Écluse en 1340, on alla y quérir 42 bâtiments, dont 10 jaugeaient au moins 200 tonneaux43. Au niveau de l’embouchure de la somme, la Fosse-à-Cayeux, protégée elle aussi par une flèche dunaire, proposait aux bâtiments qui fréquentaient la Somme une excellente aire de repos44. En juillet 1385, 42 nefs lourdement chargées furent remorquées depuis le Crotoy jusqu’à la fosse de Cayeux, avant qu’elles ne partent avitailler la flotte de L’Écluse45. Au cours du siège du Crotoy entrepris par les Anglais en 1423, plusieurs de leurs vaisseaux, montés par 500 hommes, stationnèrent également à cet endroit46. Et puis, en Flandre maritime, le golfe du « Sincfal » ne présentait-il pas la physionomie et la fonctionnalité des fosses de Leure et de Cayeux ? Si Bruges ne fut jamais accessible aux grandes unités navales, le Zwin, formé au cours du xie siècle, continua de leur fournir jusqu’à la fin du Moyen Âge un plan d’eau convenable pour qu’elles puissent mouiller en sûreté, et ce malgré un continuel ensablement47. Mais soyons prudents, ce chenal n’est jamais nommé comme tel dans les sources.
Les rades et les baies
31Même si une nef pouvait se mettre « à seiche » quand sa coque était assez solide pour le supporter, on recherchait de préférence les postes où elle pouvait rester « en floc », arrimée à des ancres48. Les imperfections et les failles du vocabulaire employé pour désigner les espaces dévolus au stationnement des grosses embarcations peuvent prêter parfois à confusion. Observons la situation de l’embouchure de la Gironde. Elle comportait trois rades bien connues à hauteur du Verdon, de Royan et de Saint-Georges. Ces zones, lovées dans le rivage, étaient d’une grande utilité pour les bâtiments qui franchissaient les dangereux bancs de sable parsemant l’entrée du fleuve. Or dans une carte de 1620, celle de Royan est qualifiée de havre ou « fosse » (fig. 31). On comprendra au travers de ces deux mots que l’anse de Royan servait d’abri et qu’elle était de bonne profondeur, ce qui définit finalement assez bien ce qu’était une rade.
Figure 31. – La rade de Royan au xviie siècle.

BnF, GE D 13847 ; Royan, F. Chauvin, 1620.
32À plus grande distance du rivage, il y avait donc toute une série de rades et de baies au sein desquelles les gros transporteurs se mettaient à l’ancre, se tenant à l’écart de l’agitation maritime, attendant de pouvoir gagner un port ou prévoyant d’être desservis par des embarcations manutentionnaires. Ces endroits sont trop nombreux pour que nous les énoncions tous. Toutes les grandes échancrures littorales délimitées par des pointes et des caps constituaient potentiellement une aire de repos de ce type. Beaucoup se trouvent donc en Bretagne naturellement. Au gré de la documentation, d’autres se signalent au niveau de l’île d’Yeu, de Dieppe, du Tréport, d’Audresselles et de Calais. Mais les plus connues au Moyen Âge étaient celles qui environnaient les principaux centres de chargement. À Bordeaux, c’est toute la portion incurvée du fleuve qui formait la rade, sur 1 700 m environ, de Sainte-Croix à Tropeyte49. Près de La Rochelle, de part et d’autre du pertuis qui sépare l’île de Ré du continent, deux zones de relâche étaient employées par les vaisseaux de charge : au nord de la pointe de Sablanceaux se trouvait la rade de la Pallice, et au sud de la pointe actuellement dénommée Chef-de-Baie s’étendait la rade de Chef-de-Bois. On repère dans cette dernière la présence de plusieurs gros bâtiments flamands qui furent sollicités en 1434 par les autorités rochelaises pour les aider à prendre Mornac50. En 1468, douze grands vaisseaux s’y assemblèrent pour constituer une flotte de protection des côtes aunisiennes, saintongeaises et poitevines51. En basse Seine, des rades s’offraient aux marins des deux côtés de l’embouchure, face à Chef-de-Caux et à Villerville. On se reportait sur cette dernière lorsque le port d’Honfleur n’était pas suffisamment praticable. Il y en avait aussi, formées dans les méandres du fleuve, à Vieux-Port, Tancarville, Berville et la Rivière-Saint-Sauveur52.
33Terminons ce survol par la Baie de Bourgneuf, où s’arrêtaient en nombre les lourdes hourques hanséatiques pour retirer leurs cargaisons de sel, dont certaines pouvaient dépasser les 200 lasts, soit 400 tonnes métriques. Elle est dite pourvue de « très bons havres » par les Guérandais en 1420, c’est-à-dire dotée de plusieurs zones abritées propres à faire relâche. De ce fait, « y habondait très grand nombre de vesseaux et marchans de toutes parties estranges et diverses53 ». La Baie, protégée de la houle par le rempart que constitue l’île de Noirmoutier, comprenait plusieurs espaces de mouillage assez bien identifiés : la rade du bois de la Chaise, la rade du Collet/Bourgneuf, la rade de Beauvoir/Fromentine ainsi que le chenal du Dain, depuis les environs de Bouin jusqu’à son embouchure nord (fig. 32).
Figure 32. – Les mouillages de la Baie dans la première moitié du xviiie siècle.

BnF, GE D 15840. Extrait de la « Carte Générale qui comprend les Isles de Bouin, Noirmoutiers, le Bas Poitou, l’Aunis, la Saintonge, partie de la Guienne, du Médoc, des Isles d’Olleron, de Ré et d’Aix, sur lesquelles sont marqués les Batteries, Corps de gardes qui existent, celles qui sont à suprimer, celles proposées ainsi que les Ponts de Communication », par Claude-Félix Masse, 1755.
À chaque navire son type de havre
34En définitive, en sa qualité de refuge, c’est-à-dire de havre, un site portuaire se définit et s’apprécie selon sa capacité à accueillir et à protéger différents modèles de navires. A minima, tous les ports proposaient une grève sur laquelle pouvaient être tirées les petites embarcations. Ceux qui n’offraient rien d’autre entrent dans la catégorie des ports d’échouage. Les caboteurs, les bateaux de pêche d’un certain tonnage et les embarcations fluviomaritimes, même si leur coque supportait d’être posée sur le sable ou la vase, ne pouvaient pas être tirés hors de l’eau. Ils nécessitaient donc que leur espace de repos soit coupé de l’action directe de la mer ou du fleuve, afin de ne pas risquer d’être emportés par la houle et les courants. Les ports qui étaient en mesure de les recevoir se distinguent alors selon la nature de l’aspérité littorale dans laquelle ils s’inscrivaient : un bras d’eau formé dans la vase, une embouchure couverte par une dune, une cuvette rocheuse, le chenal d’un cours secondaire, les incurvations des rives des grands fleuves. Enfin, pour les gros vaisseaux de transport, c’est l’espace et la profondeur du mouillage qui comptaient de façon primordiale. Ils étaient assez robustes pour demeurer un peu à l’écart de la terre et pour affronter les remous de la mer, dès lors que ces derniers restaient raisonnables. Les fosses, les rades et les baies leur procuraient ces conditions de stationnement. À chaque navire son type de havre pourrait-on dire.
35Il faut aussi observer qu’en général, les dispositions naturelles de l’endroit au sein duquel les bateaux venaient se poser n’étaient complétées par aucun aménagement, qui aurait pu renforcer ses qualités d’abri. Cette réalité s’applique aux échouages bien entendu, comme aux grands espaces portuaires. Alors qu’on est capable aujourd’hui de construire et de protéger d’immenses bassins à flot le long de littoraux exposés aux vicissitudes de la mer, les populations du Moyen Âge s’en remettaient presque entièrement aux qualités intrinsèques du site choisi pour mettre en sûreté leurs navires. Dans quelques circonstances exceptionnelles, des jetées étaient bien construites à l’entrée de certains chenaux, comme à Roscoff, Saint-Malo, Honfleur, Fécamp, Saint-Valery-en-Caux, Le Tréport, Dieppe, Étaples, Boulogne, Calais et Dunkerque. Cependant, elles servaient avant tout à contenir les galets et le sable qui insensiblement venaient obstruer l’accès au havre. Les matériaux employés pour cela – du bois pour l’essentiel – n’auraient pas résisté à une exposition aux vagues déferlantes. C’est d’ailleurs ce qui valut aux jetées d’Honfleur d’être minées jusqu’à leurs fondations et de risquer d’être emportées. Si bien qu’en 1497, la ville dut réorienter ses investissements pour transformer ces fragiles structures de bois en murs maçonnés plus résistants54. Quant aux ports ceints de tours et de murailles (La Rochelle, Harfleur), leurs fortifications étaient destinées à les protéger d’éventuelles attaques ennemies, et non pas à parer les agressions de la houle. Nous pouvons tout au plus considérer que, bien qu’édifiés pour d’autres utilités, ces jetées et remparts amélioraient marginalement la sécurité des mouillages concernés.
36Notons toutefois, lorsque la nature rocheuse des fonds portuaires menaçait de briser les coques qui venaient s’y poser, que les responsables locaux pouvaient prendre l’initiative de travaux pour gommer leurs aspérités. Ce fut le cas à plusieurs reprises au Croisic. Le 21 février 1500, Jean Le Talruz, « miseur » du lieu, reçut l’ordre de faire raser plusieurs rochers qui étaient sur le fond du havre devant le château et qui gênaient le stationnement. Le 18 juin de la même année, des ouvriers reçurent leur salaire pour les dix-sept jours qu’ils avaient passés à « rompre la pierre du rochier de Carec en Sauzon ». Quinze ans plus tard, l’opération se poursuivait. Dans le compte du « miseur » de 1515-1516, il est fait état de la démolition des roches qui « gardoient d’entrer et ysser les navyres, devers le rocher nommé Mabon » (Crasse-des-Mabons). Ce récif se trouvait dans l’avant-port et obstruait le chenal. À marée basse, seuls de petits canaux pouvaient circuler. Et l’année suivante, on attaqua à nouveau le rocher Carec-en-Sauzon55.
37Si l’on reprend à présent le lexique médiéval affecté à l’identification des sites portuaires, il apparaît que sa diversité et ses nuances concernent pour l’essentiel cette notion d’abri. Les mots « étier », « achenal », « fosse », « rade », « baie », ne se définissent pas au moyen d’arguments juridiques ni économiques. Ils désignaient exclusivement des circonstances et des qualités géographiques. Les marins s’y référaient pour connaître les possibilités de mouillage offertes à leurs embarcations. Pierre Garcie, en bon navigateur expérimenté, les employait à dessein, avec la précision d’un spécialiste. Compte tenu de la richesse de son vocabulaire, il y a tout lieu de penser que la fonction de refuge était la première attendue d’un port. Elle relevait d’une adéquation entre les modes de stationnement des bateaux et la configuration du site d’accueil : bien protégé des mouvements de la mer, mais étroit et peu profond, un port repoussait les bâtiments de charge qui risquaient de se briser sur ses abords ; avec des caractéristiques inverses, ce sont les petites embarcations qui étaient exposées aux périls des vagues et des courants et qui préféraient se faufiler dans un abri plus convenable.
38Portons également attention sur le fait que les sites portuaires les plus importants, dont l’activité nécessitait tout à la fois des navires de charge et des unités plus modestes, combinaient d’une manière ou d’une autre l’ensemble de ces dispositions topographiques. C’était le cas des complexes de Bordeaux, de Nantes et de Rouen, dont les secteurs fluviaux sur lesquels ils étaient établis proposaient tout à la fois des échouages, des étiers ou l’embouchure de petits affluents, des rives relativement protégées et de grands chenaux servant de rades. Les secteurs de La Rochelle et de la Baie présentaient les mêmes atouts. Dans ce dernier cas, les rades ouvertes aux grosses hourques étaient combinées à des lieux d’embarquement où s’immisçaient des navires plus réduits par des étiers56.
39La qualité de ces abris était variable bien entendu, selon leur exposition aux vents, aux vagues, aux courants de la marée et du fleuve. De ce point de vue, les baies et les rades étaient les lieux les plus sensibles aux caprices du temps. Si la plupart des naufrages évoqués dans les sources survinrent en dehors des espaces portuaires, il est arrivé, lors de tempêtes exceptionnelles, qu’ils se transformassent en pièges pour les bâtiments venus y trouver repos57. Selon le récit contenu dans un mémoire de 1409, lors d’un « vimaire » survenu le 4 mars de l’année précédente, 24 à 25 vaisseaux, dont plusieurs grosses hourques, stationnés à l’ancre dans « la baye du port du Collet », furent emportés et « gectée à terre ou en lieux perilleux, par la grant fortune du temps qui fist ». Parmi les navires pris dans la tempête se trouvait un bateau de Quimper, empli de dix-huit charges de sel. Malgré ses trois ancres, il ne put résister à la puissance des éléments et fut en partie coulé. Les huit hommes d’équipage périrent noyés58. En 1525, les galères de la ville de Bordeaux manquèrent de sombrer au mouillage dans leur rade à l’occasion d’une tempête. Et la même année, le 15 janvier, plusieurs caraques eurent moins de chance puisqu’elles naufragèrent à l’intérieur du nouveau havre de Grâce59.
Les modalités d’accès : balises, phares, pilotes et lamaneurs
40Pour accéder à l’aire de stationnement qu’il avait choisie, le maître de navire devait bien souvent remonter un chenal ou le cours d’un fleuve et en éviter les récifs, les bancs de sable et les épaves qui encombraient la circulation et sur lesquels venaient briser la houle et le courant de marée. Les grands estuaires de l’Adour, de la Gironde, de la Loire et de la Seine étaient redoutés pour leurs hauts-fonds en perpétuel mouvement, plus particulièrement les deux derniers dont l’engraissement semble s’être davantage accéléré durant la fin du Moyen Âge. Des obstacles similaires gênaient l’entrée des havres retranchés derrière les cordons dunaires, en Gascogne, en Bas-Poitou, en Picardie et en Flandre maritime. Le long des côtes calcaires d’Aunis, de Saintonge, de Normandie et du Boulonnais, ce sont les pouliers constitués des débris arrachés aux falaises qui menaçaient. Et, partout, des roches plus ou moins nombreuses et acérées affleuraient et faisaient craindre aux marins que leur bateau ne se brisât. C’est pour cela que Pierre Garcie leur consacra de longs passages dans son routier. Il y localise les principaux obstacles et fournit l’orientation des passes qui permettaient de les contourner. Il n’y a pas lieu ici de les reprendre par le détail. L’étude très fouillée de Jacques Bernard à propos de la Gironde a permis de démontrer à la fois la permanence des principaux écueils signalés par le pilote du xve siècle ainsi que certaines de leurs évolutions. Dans le cas des grands bancs de sable, leurs toponymes ont traversé les siècles même si, en réalité, ils furent en partie remodelés et déplacés par l’hydrologie estuarienne60.
Les balises
41Afin de les éviter et de gagner sans encombre son havre de destination, le maître pouvait compter sur son expérience s’il avait l’habitude d’emprunter le chenal concerné. Il savait, au moyen des repères que constituaient les singularités de la côte, les grands arbres et les clochers, déterminer les gisements grâce auxquels il traçait sa route. Ce sont ces recettes ancestrales que Pierre Garcie a consciencieusement consignées dans son manuel61. À la fin du Moyen Âge, les marins moins familiers du parcours qu’ils devaient effectuer pouvaient se référer à ce genre de routier pour trouver leur chemin. Par ailleurs, dans les endroits très fréquentés, des amers spécialement implantés et entretenus à cet effet se trouvaient à leur disposition. À l’aide en général de piquets en bois plantés dans les hauts-fonds, des préposés balisaient les entraves à la navigation et jalonnaient le parcours du chenal. On les retrouve çà et là, au gré de la documentation. Sur la Dordogne, des perches signalaient au xve siècle le banc et le mouillage de Cavernes62. L’abbaye Saint-Michel-en-l’Herm, propriétaire des îles d’Ars et de Loix constitutives de l’archipel rétais, possédait à ce titre un droit de « baillisage63 ». À La Rochelle, un officier s’occupait aussi, spécialement, du balisage64. Cette charge consistait à indiquer aux marins par des piquets de bois plantés sur environ une lieue, depuis le port intérieur jusqu’à Chef-de-Bois, la position des écueils et des hauts-fonds sur lesquels ils risquaient de s’échouer. La rémunération de cet office donnait lieu à la perception d’un droit de cinq sous par navire entrant dans le port65. Le 9 décembre 1451, suite au renoncement de son ancien titulaire, Phelippon Pelet, et sur la demande de la commune, le souverain alors à Poitiers accorda à cette dernière la jouissance de l’office de « balliseur du chenal ». Cette décision fut renouvelée par Charles de France en 1469 et par Louis XII en 149866. Aux Sables-d’Olonne, cette pratique n’est pas décrite avant le xviiie siècle. Mais compte tenu des variations incessantes du lit du chenal, il est probable qu’on avait pris l’habitude, depuis longtemps, de matérialiser ses méandres67.
42Sur la Loire, la Communauté des Marchands faisait entretenir et conserver dans un bateau à tillac le matériel appelé « engin de balisage » employé en amont des ponts pour signaler le bon chenal. On peut penser qu’un dispositif similaire existait en aval du fleuve68. Un droit de balisage, consenti jadis par les ducs, était perçu au Pouliguen. Il s’élevait à cinq sous sur chaque bâtiment ou barque qui entrait dans le port, à deux sous six deniers pour les vaisseaux ne disposant pas d’annexe et à cinq sous par an pour les navires locaux. En échange, les habitants de Saillé devaient entretenir quatre balises. D’autres repères encadraient le chenal du Croisic. Ils occasionnaient aussi des frais consignés dans les comptes du « miseur » de 1515-151769. En 1475, le prieur de Saint-Martin de Vannes avait dû se défendre à propos du balisage qu’on voulait mettre en partie à sa charge. Exhibant ses titres, il prouva que ses prédécesseurs n’y avaient jamais été soumis70. Et parmi les taxes perçues sur la Canche, en Picardie, se trouvait au port d’Étaples « la ferme du droict de siège des navires, que tout navire paiera entrant en ce havre, dix sols, à la charge, par le fermier, de bien et duement balizer le chenal71 ».
43Sur la Seine, les dispositions appliquées au balisage étaient nombreuses. Selon un règlement de 1566 reprenant sans doute des usages antérieurs, les pilotes devaient à chaque lune actualiser le jalonnement des passes dangereuses72. Des balises dessinaient les chenaux d’accès à Honfleur, à Harfleur et à Leure. Le seigneur de Graville touchait une taxe de balisage à raison de quatre deniers par tonneau de jauge73. Selon un jugement du 3 mars 1349, Jean Malet, chevalier, sire de Graville, était tenu de nommer l’officier chargé de planter des perches sur les bords du cours menant au havre d’Harfleur, au moment des basses eaux, pour prévenir la perte des navires74. À Harfleur, en 1475, trois poteaux de bois agrémentés de fer marquaient l’alignement à suivre pour accéder au port intérieur du Clos aux Galées depuis la fosse de Leure, « afin que les navires venans de la mer et d’ailleurs puissent plus seurement et sauvement entrer et yssir dud. hable75 ». Les pieux entre lesquels étaient tendues les installations de pêche devaient être aussi signalés afin que les navires ne viennent pas s’y abîmer. Selon un accord passé à Rouen le 11 février 1408, les hommes de l’abbaye de Grestain, qui disposaient de pêcheries dans les environs de Quillebeuf, étaient tenus de les baliser correctement sous peine de poursuites76. La vicomté de l’Eau s’appliquait à faire respecter la réglementation en la matière. Ainsi, le 1er février 1490, Drouin Besnard fut condamné à une amende pour six pieux de pêcherie non balisés77. Dans des documents du 7 mars 1490 et du 1er octobre 1492, ce sont des pêcheries à 40 et 32 « pieulx » dont on dénonça le manque de signalement78.
44Dans le Zwin, les premières bouées apparaissent en 1425. Elles permettaient d’éviter les nombreux bancs de sable qui n’en finissaient pas de perturber la circulation navale. C’est à la municipalité brugeoise qu’en revint l’initiative. Elle fit poser des bouées sur les bancs en 1455. Et dans les années 1470, elle nomma un gardien dont le rôle était de surveiller la position de ces balises et de les maintenir en bon état79.
Les phares
45À ces installations mobiles, qu’il fallait actualiser en permanence en fonction du déplacement des bancs de sable, s’ajoutaient des infrastructures fixes qui marquaient la présence d’écueils rocheux ou l’entrée d’une passe. C’était en partie la fonction des tours, surmontées souvent d’un fanal, grâce auxquelles on pouvait aussi apercevoir, de jour comme de nuit, l’entrée des ports. Ces édifices semblent s’être multipliés à partir du xive siècle. Ils n’étaient pas aussi rares qu’on a bien voulu le dire, même s’ils ne portaient sans doute pas tous une lanterne régulièrement allumée et entretenue80. Quant à ces dernières, elles étaient destinées tout à la fois à guider les marins et à donner l’alerte en cas d’attaque ennemie. C’est ainsi qu’en 1340, Jean II, duc de Normandie, commanda à son bailli de Caux de faire allumer « les feus sur les porz en la manère accoustumée en temps de guerre81 ». Selon l’enquête réalisée en 1491 sur l’embouchure de l’Adour, il existait :
« une tour en façon de pillier qui est aupres dudit lieu de Capbreton entre les sables, toute massize hédiffiee au droict dudict gouf, dont disoient lesd. mariniers, que les mariniers estans sur la mer voulans entrer audit boucault et havre de Bayonne prenoient enseigne dudit boucault et havre de Bayonne a lad. tour, laquelle estoit aussy ancienne qu’il n’estoit memoire de son hediffice par memoire de homme vivant ne autrement82 ».
46Cette structure servait avant tout d’amer. Nous ignorons si on y allumait un feu. Elle était peut-être aussi employée comme tour de guet pour surveiller le passage des cétacés.
47Au niveau de l’entrée de la Gironde se dressait le célèbre phare de Cordouan, fondé sur une terrasse rocheuse au cœur du banc des Ânes, ce qui, selon certains auteurs, lui aurait valu son nom, « cor d’asnes83 ». Cet îlot, qui émerge à 2,5 m à marée basse, fut d’abord investi par des clunisiens au xie siècle. En 1088, l’abbé Étienne de Saint-Rigault et le frère Ermenaud en firent un lieu de retraite et d’érémitisme qu’ils ne tardèrent pas à quitter quatre ans plus tard. Cependant, l’initiative ne resta pas sans suite. En 1472, des ermites fréquentaient toujours Cordouan. Dans une requête du 15 avril ils rappelèrent :
« que de bonne mémoire, saint Grégoire neufvesme, pour le temps de son pontifice, edilfia et construa une belle tour dedans la mer près des limites et des rivages de Soulac […], tellement qu’iceux hermites n’ousent habiter en icelle tour, et pour chacune fois qu’ilz passent ou repassent la mer pour aller à icelle tour, il leur convent payer ung escu […]. Aussi qu’il est de nécessité à iceux pauvres suppliants avoir ung petit vaisseau pour passer et repasser à ladicte tour84 ».
48Ce fut sans doute le premier édifice dont les marins purent réellement se servir, à partir du second quart du xiiie siècle, pour éviter le haut-fond et trouver le chenal de navigation. Ensuite, il revient aux Anglais de l’avoir augmenté. Le Prince Noir fit édifier dans les années 1360 une tour de pierre pour aider les vaisseaux à se diriger, y adjoignant une chapelle dédiée à la Vierge ainsi que des maisons et des dépendances85. Selon des documents de 1584 et de 1645, elle reposait sur des pilotis, comportait de la brique dans sa maçonnerie et s’élevait à 48 pieds de hauteur86. Elle exigeait un entretien régulier qui en réalité n’était assuré que par intermittence, à partir des revenus d’une taxe attachée à son fonctionnement. Des travaux furent ainsi conduits en urgence en 1409, 1472 et 1506-1507. À ce moment, elle était équipée d’une lanterne qui par nuits claires devait offrir un excellent repère87.
49À La Rochelle, le phare fut établi assez tardivement, à l’extrémité littorale du quartier du Pérot, en lieu et place d’une tour bâtie à l’entrée de l’ancien port, à l’embouchure du Lafond. Après l’abandon du havre primitif, cet édifice avait été transformé pour assurer le désarmement des navires. On entreprit sa reconstruction à partir de 1445. Malgré les difficultés, les travaux se poursuivirent, notamment grâce aux efforts financiers consentis par la ville en 1460, 1467 et 1468, année de son achèvement88. Elle était alors munie à son extrémité supérieure d’une lanterne de pierre vitrée à six côtés, destinée par sa fumée le jour, et ses flammes la nuit, « à servir de fare et lumière aux vaisseaulx par le feu qui s’y debvoit mettre le nuict en maulvais temps89 ».
50Afin de sécuriser la circulation dans le chenal d’accès au port des Sables-d’Olonne, les autorités seigneuriales avaient fait construire et entretenir une tour, dite d’Arundel ou d’Arbondelle, que Pierre Garcie évoque dans son routier. Cet édifice fut sans doute réalisé à la suite de l’attaque destructrice conduite au cours de l’été 1388 par Richard Fitzalan, xie comte d’Arundel, fraîchement nommé amiral d’Angleterre. Située sur l’éperon rocheux de la Baleine, à environ 120 m du prieuré Saint-Nicolas, elle servait tout à la fois de fanal et d’amer. Elle prévenait des brisants environnants et aidait à la détermination des caps. Cet ouvrage, actuellement recouvert par les maçonneries du môle nord de la Grande Jetée, était encore visible au xviiie siècle, comme en témoignent la cartographie de l’époque (fig. 33) ainsi que les ponts et chaussées lorsqu’en 1764-1765 ils réalisèrent la première partie de la jetée Saint-Nicolas. Il s’agissait d’une maçonnerie solide de forme circulaire, pleine, d’un diamètre de 16 pieds (env. 5 m), le long duquel s’appuyait un escalier de 5 pieds de large (env. 1,5 m). En 1622, année durant laquelle la paroisse des Sables fut érigée, il est probable que cette tour était encore en fonction. À cette occasion, le seigneur d’Olonne pourvut la cure d’une dotation annuelle de 50 livres, à prélever sur le « pharillon » de la Chaume, à raison de cinq sous par tonneau90.
Figure 33. – Tour d’Arbondelle des Sables-d’Olonne.

Extrait du « Plan du port et de la rade des Sables de Olonne, avec les rochers aux environs », par André Collinet, 17 mars 1765 (Bnf, GE SH 18e, Pf. 54, Div. 3, P. 11).
51À Guérande, un feu aurait été allumé au sommet d’une tour de la collégiale de Saint-Aubin dont on sait qu’elle s’écroula avant 151591. Au nord-est de la Bretagne, les tours « Solidor » et de « Cesson », datées du xive siècle, dominaient respectivement les ports de Saint-Brieuc et de Saint-Malo. Tout en servant d’amers, de dispositifs de guet et de défense côtière, elles ont pu accueillir de façon plus ou moins occasionnelle une lanterne92.
52Dans le Cotentin, au sud de la Hougue, les vestiges d’une construction quadrangulaire ont été interprétés comme ceux d’un phare93. L’embouchure de la Seine était signalée, à hauteur de Chef-de-Caux, depuis le cap de la Hève, par la Tour des Castillans. Elle fut construite sous Charles V en 1364 et portait un fanal94. Un peu plus en amont, l’entrée du havre d’Harfleur était indiquée par la tour Perdue qu’on avait aussi dotée d’un foyer95. Ce phare est représenté sur un graffiti dessiné sur un mur d’une église de la ville96. Dans un rôle attaché à un mandement de Charles V du 20 février 1369, dans lequel sont listés les moyens employés pour mettre en sécurité la ville et le port d’Harfleur, figurent vingt « phanars prins pour faire feu de nuit » et sept livres d’« estieupes pour arder es diz phanars97 ». Le long des côtes rocheuses du pays de Caux, d’autres dispositifs du même type étaient entretenus. Le 10 octobre 1350, Pierre, sire de Préaux, capitaine établi aux frontières de la mer des bailliages de Rouen, de Caux et de Gisors, s’adressa au vicomte de Montivilliers au sujet des phares. Il lui demanda de veiller à ce que les gardes des « famors » établis pour la sûreté du pays sur les trois ports de la vicomté – au Chef-de-Caux, à Anglesqueville (l’Esneval) et à Fécamp – n’en bougent pas d’ici la Toussaint prochaine98. À Dieppe, les navires qui pénétraient dans le port étaient redevables auprès de l’archevêque d’une taxe appelée « fouier » ou « fouger ». Elle servait à financer des feux de charbon de bois qu’on allumait la nuit pour indiquer l’entrée99. Une partie du produit de ce droit revenait au « balizier » qui gardait et faisait fonctionner le fanal. Cette infrastructure apparaît dans la documentation au cours de la seconde moitié du xive siècle. Dans les années 1370, on réalisa une plateforme sur laquelle fut érigé le phare, en pierres de grès. À proximité, on construisit aussi une forte tour carrée assez haute pour défendre l’entrée du port et pour protéger tout le quartier de la ville dit du Moulin-à-Vent100. L’ensemble rappelle la disposition de la tour d’Arbondelle et du Château-Gaultier des Sables-d’Olonne.
53Avant d’être incendiée dans les années 1540, la ville d’Étaples aurait disposé de son propre fanal, ainsi que Montreuil-sur-Mer, ce qui étonne pour la seule vallée de la Canche101. On allumait aussi des feux occasionnellement au sommet de l’église de Saint-Josse-sur-Mer, sur la rive gauche du petit estuaire102. Le seigneur de Fromessent possédait le droit de lever sur chaque vaisseau entrant dans le port d’Étaples, un écu, et sur les prises des pêcheurs trois des plus beaux poissons d’une pêche sur trois. En contrepartie, il devait assurer le fonctionnement d’un feu au sommet de sa tour pour indiquer le chenal aux bâtiments qui l’empruntaient103. À Boulogne, la municipalité entretenait le feu de la Tour d’Odre, située sur la falaise à l’ouest du port, et prenait à cette fin un droit dit de « fouier », d’un montant de quatre sous en 1415104. La mémoire locale attribue à Charlemagne la rénovation en 811 de ce phare dont l’origine est supposée romaine105.
54Une charte de 1367 confirmée par Philippe le Hardi le 13 mai 1384 puis dans les privilèges accordés aux Portugais en 1411, fait apparaître que la Flandre maritime était pourvue d’un véritable réseau de fanaux, construits, en partie, peut-être sous l’égide du comte :
« Item, que pour le sauvemment des diz marchans, leurs biens et nefs, ils soient ordenez en contre les costières de Flandre sur la mer à Dunkerke, Neufport, Ostende, Blanckenberghe, nouvelles lumière et vierboetes si comme soloient estre en viel temps106. »
55C’est à partir du xiiie siècle qu’apparurent le long des côtes flamandes les premiers phares. Les plus anciennes installations, mentionnées en 1268-1269, était vraisemblablement celles de Calais107. Les habitants de la ville s’employaient à les maintenir en bon état108. On suppose qu’elles furent édifiées en 1254109. Les comptes de Dunkerque de 1548-1549 mentionnent même pour ce port deux phares, implantés de chaque côté du chenal : le phare nord et le Zuydt fouier110. L’un se trouvait au niveau de la Lanterngate, sur les remparts. Il était muni d’une lanterne de fer posée au sommet d’un beffroi de bois et son service constituait une charge héréditaire111. À la fin du xviiie siècle, Chardon rappelle que les maire et échevins de Calais percevaient encore « des droits de fanal et signaux établis à l’entrée de ce port112 ». De surcroît, le clocher de la grande église de la ville, réalisée en 1440, recevait un foyer113. À Mardyck, la rue du Phare ou de la Boite à feu (Vierboetestraete) rappellerait l’existence au Moyen Âge d’un fanal qui servait de guide pour les navires attendant en rade114. La première mention d’un feu à Dunkerque date de 1367. En 1548, il en fonctionnait deux, de part et d’autre du chenal115. Nieuport était équipé de deux vierboetes, construits à la charnière des xiiie-xive siècles. L’un d’eux, établi sur la paroisse de Lombardsijde et signalé en 1407, exista jusqu’en 1914. C’était une tour hexagonale surmontée d’une flèche et pourvue de trois baies du côté de la mer. C’est à cet endroit que le préposé allumait le feu avec des joncs et de la paille116. Il y en avait un à Ostende, dont l’entretien et le fonctionnement étaient couverts par la perception d’une taxe à l’entrée du havre. Il y en avait aussi à proximité des petits villages de pêcheurs de Wenduine, de Blankenberge et de Knokke-Heist. Le premier fut érigé en 1428. Le second est mentionné pour la première fois dans une charte de septembre 1337. Lors de la construction d’une digue de renforcement, on prévit que le phare de Blankenberge servirait de point de départ à l’ouvrage117. Ce sont les pêcheurs eux-mêmes, au moyen d’une cotisation annuelle, qui en assuraient la maintenance118. Le fanal du petit port de Knokke-Heist apparaît dans les textes en 1363-1364. Quant au droit maritime (waterrecht) qui s’appliquait dans tout le Zwin, depuis Bruges jusqu’à Mude et L’Écluse, il comportait une partie financière formée de différents droits, et notamment du droit de phare, dit aussi « tourage119 ». L’ensemble de ces fanaux établis le long des dunes flamandes n’étaient sans doute pas en fonction toute l’année. Les plus modestes, attachés aux villages de pêcheurs, servaient d’amers pour la navigation diurne en période normale. Et ce n’est qu’au moment où le trafic se densifiait, lors de l’harengaison et de l’arrivée des flottes du vin – entre septembre et novembre –, qu’ils étaient allumés120.
Pilotes et lamaneurs
56Dans les circonstances nautiques les plus difficiles, là où les passes, les estuaires et les chenaux étaient encombrés de hauts-fonds nombreux et mouvants, et où sévissaient de violents courants, les maîtres de navires pouvaient compter sur les services de marins locaux spécialisés – des pilotes lamaneurs – qui connaissaient parfaitement les dangers des accès aux havres auxquels ils étaient attachés. On les appelait les « petits lomans », par soucis de les distinguer des « grands lomans » dont le champ d’action concernait la navigation hauturière. Voici comment ils sont décrits dans le coutumier d’Oléron : « apelum petit lomant home qui loget a l’entrée daus pors et daus avres, sevent dau[s] dangers daus porz et daus havres121 ». Pierre Garcie déclarait au commencement de son routier avoir eu recours aux « conseil et advis avecques les oppinions […] des pillotes de la noble ville de Honnefleur que des villes de Cant, Brest, Croisic, Sainct Gilles sur Vie, Olonne, Rochelle et tout Brouage122 ». Cette liste hétéroclite donne à penser que, partout, des pilotes expérimentés étaient susceptibles de louer leurs connaissances et leurs savoir-faire pour déjouer les dangers d’un passage sensible ou conduire un vaisseau sur de plus longues distances. Leurs activités apparaissent aussi clairement dans les Rôles d’Oléron. Il s’en trouvait essentiellement à l’embouchure des principaux fleuves et au franchissement des ras.
57En 1377, la municipalité de Bayonne interdit d’exercer l’office de pilote à Capbreton sans son autorisation. Craignant qu’un « leuman » non agréé ne conduisît des ennemis jusqu’à leur ville, les Bayonnais exigèrent qu’il prêtât serment devant le conseil de la ville, sous peine de prison et d’une amende arbitraire123. Il est possible que ce droit leur fût octroyé dès 1313. Lorsque le comte de Derby parut avec sa flotte durant l’été 1345, il put compter sur l’aide des pilotes locaux pour remonter l’Adour124. L’estuaire de la Gironde, en dépit de son embouchure assez encombrée, ne présentait pas trop de difficultés pour la circulation navale dès lors que les marins connaissaient les recettes élémentaires pour traverser les Ânes. C’est ce qui explique sans doute le caractère épars des mentions concernant les lamaneurs. Ils ne prenaient pas systématiquement place à bord des vaisseaux de charge qui pénétraient dans le fleuve. Les patrons préféraient bien souvent se rendre eux-mêmes à Bordeaux ou à Libourne, faisant confiance à leur propre pratique125. Toutefois, selon les statuts municipaux libournais de 1476, tout pilote (« lotinent ») qui prenait en charge un navire empli de vins depuis le port local devait acquitter un droit montant au tiers du salaire qu’il percevait pour cela126. Des « lomans » exerçaient leur métier dans les environs de La Rochelle. En 1341, François de l’Ospital paya 45 sous « pour le salaire du batel [de] Lucas Leparé, [du] lamen dudit Lucas et de V autres mariniers qui mistrent [la nef l’Édouard e] ou hable de La Rochelle quant elle vint de Normendie et qui la mistrent hors quant elle ala en Espaigne127 ».
58« Très dangereuse à parcourir » selon Pierre Garcie128, l’estuaire de la Loire requérait l’emploi de lamaneurs. Il y en avait qui proposaient leurs services à partir de Saint-Nazaire. Une nef de la flotte de Saint Louis nommée la Pénitence de Dieu quitta Nantes en 1270. Elle embarqua pour cela des lamaneurs nazairiens pour traverser la Barre-des-Charpentiers129. Plus tard, on trouve un nommé Siméon Nicolas qui, à 21 ans déjà, était « scavant et expert en son mestier de pilote, tellement que esdites parties de Sainct-Nazaire, il est tenu et estimé le milleur pillote de la ripviere de Loyre », et travaillait pour des bâtiments espagnols, anglais et flamands130. On peut penser que les autres petits ports de la basse vallée de la Loire, et notamment Couëron et le Pellerin, proposaient également, de façon occasionnelle ou plus régulière, des personnels capables de conduire les vaisseaux dans le dédale des bancs du fleuve. Il s’en trouvait aussi de très bonne réputation au Croisic selon Pierre Garcie.
59Les « lomans » du Léon, que prenaient les maîtres de navires en même temps que leurs brefs de conduit, n’étaient pas chargés de mener les vaisseaux à bon port mais avaient pour mission de leur faire franchir les ras sans encombre. Le recours à des pilotes dans cette zone est évoqué dans certaines versions des Rôles d’Oléron : « Une neef se frette à Burdeux ou aillours et vient à sa descharge et font charte partie thouage et petit lodmanage sont sur les marchantz : en la coste de Bretaigne tous ceux que l’on prend puis que l’en a passé l’isle de Bas en Leon, sont petiz loclmanz131. » Initialement, les brefs étaient payés selon la protection recherchée : celui de conduite autorisait spécialement la prise d’un lamaneur. Puis, les brefs sont devenus une taxe unique de navigation indexée sur le tonnage des navires permettant l’entrée dans les ports bretons, la possibilité de se ravitailler, d’y trouver des pilotes et d’y commercer132.
60Il était fortement conseillé aux bâtiments qui entraient dans la Seine pour rallier Rouen d’embarquer un professionnel connaisseur des pouliers et des bancs de sable qui dérivaient sans cesse dans l’estuaire. D’ailleurs, Pierre Garcie assurait à son lecteur que « tu n’entreroys pas en Saynne de basse mer si ce n’estoit ung bien petit navire133 ». En 1450, des pilotes du fleuve affirmaient qu’il « s’y pert plus de basteaux que ailleurs en la mer134 ». Et dans un procès-verbal du 20 août 1398, il est indiqué que nul « ne oseroit conduire ne mener ung vaissel depuis la mer jusques près de Vatteville qui est près d’icelle île [de Belcinac] sans avoir ung conduiseur que l’on appelle lamen135 ». Les pilotes de la Seine se signalent à plusieurs reprises dans les sources durant les xive et xve siècles. Les habitants de Quillebeuf en particulier tiraient de cette activité une part substantielle de leurs revenus, comme le précise la confirmation de leurs privilèges prononcée par Charles VII en 1450, puis par Louis XI en juillet 1462, Charles VIII en janvier 1484 et Louis XII en juin 1498 :
« la pluspart d’eulx, sont gens vivans sur la mer, du fait et mestier de la mer, et n’ont que peu de terres labourables et sont menans et conducteurs des vaisseaulx montans et avallans en lad. rivière de Seine, de Honnefleur à Caudeubec et de Caudebec à Honnefleur136 ».
61À cet endroit en effet, lorsqu’un navire remontait la Seine en profitant du flot, il lui fallait faire une première halte avant de repartir pour Caudebec137. Mais il pouvait aussi vouloir décharger à Harfleur. Dans ce cas, pour parcourir le difficile chenal d’accès à ce port, les maîtres recourraient aux professionnels locaux. C’est ainsi que le 31 juillet 1355, le Portugais Jehan Péris de Gamenis s’attacha les services du « lamen » Pierre de Caux, habitant de Chef-de-Caux, pour guider sa nef de 220 tonneaux138. Et bien qu’il faille attendre la fin du xvie siècle pour trouver les traces formelles de lamanage au Crotoy, il est probable que, bien avant, des pilotes exerçaient aussi leur art sur la Somme. En effet, le cours très changeant de ce fleuve exigeait que les plus lourds vaisseaux soient pris en charge à la Fosse-à-Cayeux pour être remontés139.
62Les services de pilotage du comté de Flandre ont été très bien étudiés. Le premier document évoquant des pilotes dans cette région date de 1367. Au début, ce furent les marins étrangers eux-mêmes qui firent appel aux savoirs des gens de la côte, des pécheurs le plus souvent140. À la fin du Moyen Âge, depuis Calais jusqu’à L’Écluse, pas moins de neuf stations de stiermans proposaient leurs services le long de la côte. Outre ces deux localités, elles étaient également implantées à Dunkerque, Blankenberge, Wenduine, Heist, Ostende, Lombartsyde et Slepeldamme141. Celle de Dunkerque fut créée en 1487142. Les pilotes étaient employés en particulier pour aborder le Zwin dont les bancs mouvants ne pouvaient être connus que des marins locaux143. Leur responsabilité était lourde puisque, selon les privilèges obtenus par les Portugais en 1411 :
« saucun leedsman de ladicte seignourie de Flandres prenoit a son peril de mettre aucune nef de ladicte seignourie de Portugal a sauvete à aucun port audit pais, et par deffaulte dudit leedsman, ladicte nef presist, ou ceulx qui dedens seroient perresissent dommage en corps ou en biens par la deffaulte dicte, que ledit leedsman soit tenu de restorer ledit dommaige en son corps et en ses biens, et ne recoive nul salaire de ce que promis lui aura este, mais que a ce soit obligiez144 ».
63Toutefois, les naufrages ne tarissaient pas, ce qui obligea bientôt les autorités locales à envisager une réglementation en la matière. Donnant suite à une enquête réalisée en 1448, une ordonnance ducale fut rédigée l’année suivante par les Quatre Membres – Gand, Bruges, Ypres et le Franc de Bruges. Elle créa et régit la fonction de pilote officiel. Payés par la ville de Bruges, les marins recrutés à cet effet étaient désormais les seuls à pouvoir travailler dans le Zwin145. Ces premières dispositions s’avérèrent insuffisantes. Plusieurs bateaux s’étant à nouveau abîmés, on craignit un détournement du trafic vers des havres moins dangereux. Aussi, à partir de 1456-1457, Bruges prit l’initiative d’améliorer l’organisation du service de pilotage, en collaboration avec le Franc de Bruges et L’Écluse. Il s’agissait en particulier de sécuriser l’accès au port de cette dernière ville. Par la suite, Philippe le Beau refondit les dispositions dans une ordonnance du 7 février 1484146.
Les modalités de protection et de sécurisation portuaire
64En dehors du Clos des Galées de Rouen, sur lequel nous allons bientôt revenir, il n’est de port en France dont la naissance fut d’abord motivée pour d’autres raisons que la circulation des hommes et de leurs marchandises. Cependant, la guerre, ainsi que les pillages de toutes sortes dont elle est la source, constituèrent des éléments de contexte déterminants pour ces territoires fragiles, au cours des xie-xve siècles. En ces temps de concurrences et de recompositions politiques, qui ont marqué de leurs inlassables tensions les relations entre autorités seigneuriales, princières et royales, la position frontalière des ports français les a durablement exposés aux problématiques sécuritaires et militaires. De sorte qu’ils sont devenus des enjeux pour les puissances publiques, des espaces sur lesquels elles pouvaient espérer s’appuyer, tant pour la défense territoriale que pour les opérations de conquête.
L’insécurité endémique des ports médiévaux
65Depuis la fin des descentes normandes jusqu’aux dernières répliques de la guerre de Cent Ans, l’histoire des littoraux français est émaillée d’innombrables attaques commises par des soldats, par des marins prompts à agir en représailles contre des ressortissants ennemis, ou par de simples bandits. Nul besoin ici d’en retracer le détail des événements. Marc Russon a déjà eu l’occasion d’en brosser un tableau général147. Ils n’épargnèrent aucune région. Leur position frontalière et l’attrait des villes qui s’y étaient développées expliquent en grande partie cet état de fait. La piraterie148, endémique, menaçait sans relâche et partout, avec toutefois des lieux de prédilection : à proximité des principaux rails du trafic, c’est-à-dire des pôles commerciaux, des embouchures, des caps. Quant à la guerre, aux manifestations variées, après quelques actions épisodiques perpétrées lors des conquêtes de Guillaume II et de Philippe Auguste depuis la Normandie, puis de Louis VIII dans le Centre-Ouest, elle fit peser un climat de tension permanent sur les ports à partir des années 1290. La cartographie des raids, des combats, des blocus et des sièges survenus au cours de cette période montre que la totalité des littoraux fut concernée par les violences, avec, dans le cas des batailles navales, une prédilection pour les estuaires de la Gironde et de la Seine, les ras bretons, le pas de Calais, les complexes portuaires de La Rochelle et de Bruges149.
66Reprenons, s’il était besoin de s’en convaincre, la chronologie des menaces et des combats militaires qui émaillèrent la vie littorale de l’Aunis et de la Saintonge au cours des xive et xve siècles (fig. 34). L’état d’alerte y apparaît quasi permanent. La guerre de Guyenne (1292-1296) augura les premières déprédations et destructions qui furent suivies d’attaques menaçantes ou avérées durant le premier quart du xive siècle. Puis le conflit franco-anglais se déclarant, des raids secouèrent la région en 1336, 1346 et 1352, tandis que les combats pour libérer les places littorales se multipliaient : Fouras (1351), Soubise (1352), Rochefort (1356). La défaite de leur flotte devant La Rochelle en 1372 mit fin à l’occupation des Anglais, mais pas à leurs incursions qu’ils continuèrent de perpétrer en 1379, 1383, 1388 et 1404. En 1413 il fallut à nouveau libérer Soubise et, dans la foulée, prendre des mesures pour défendre plus efficacement le pays. Entre 1419 et 1453, les faits d’armes reprirent de plus bel, impliquant non seulement des ressortissants anglais, mais également des Gascons, des Espagnols, des Écossais, des Flamands, des Hanséates et des seigneurs locaux. En dépit de la reconquête de la Guyenne en 1453, les exactions ne furent pas interrompues. Les Anglais menacèrent toujours La Rochelle et ses environs entre 1457 et 1462, puis en 1475, avant que la guerre de succession de Bretagne n’agitât les milieux maritimes locaux150.
Figure 34. – L’insécurité en Aunis, 1290-1500.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2003.
67Sujets à des coups de forces perpétrés depuis l’extérieur par des bandes armées ou des soldats, les ports étaient également exposés à des délits et des violences internes, commis par les acteurs qui y travaillaient ou les fréquentaient. Les nécessités économiques, les aléas des marchés et la complexité des réglementations inclinaient nombre de forains, de marins ou de personnels manutentionnaires à transgresser les cadres coutumiers des échanges et de la vie portuaire. De surcroît, le tempérament rugueux des gens de mer, engendré par la rudesse de leur métier, avait vite fait d’occasionner des empoignades, voire des bagarres mortelles, en réponse à une dispute ou une altercation. Quant aux antagonismes commerciaux, politiques et culturels qui marquaient les relations entre les différentes communautés de marins et de marchands, ils ne manquaient pas non plus de se traduire par des heurts et des rixes. Sporadiques lorsqu’il ne s’agissait que de différends entre individus isolés, ils pouvaient être plus systématiques lors de tensions entre nations ennemies.
68Évoquons quelques épisodes exemplaires de cette réalité. À Bordeaux, en 1458, une échauffourée survenue entre des bourgeois de la ville et des Bretons ensanglanta les berges du port. Débutée par des jets de pierres entre les navires, elle s’acheva sur la Grave, aux pieds des remparts, par l’intervention de francs-archers, et se solda par trois morts151. En 1322, l’incendie d’un vaisseau de Saint-Sébastien dans le port de La Rochelle avait fait grand bruit, l’acte criminel ayant été attribué à des marins de Bayonne152. Quarante ans auparavant, ces mêmes Bayonnais avaient eu à subir dans la région de lourdes pertes de la part de Normands : une de leurs nefs fut capturée dans le pertuis d’Antioche, sept de leurs marins tués à Chef-de-Bois, un autre navire tiré hors de la chaîne et coulé, trois maîtres kidnappés, leurs marchandises stockées à La Rochelle saisies153. Un désastre qui les détourna longtemps de l’escale aunisienne. En 1480, 1489 et 1491, des Biscayens subirent aussi plusieurs attaques et eurent à déplorer la perte de deux caravelles et d’une nef dans le havre même de La Rochelle154. Autre affaire survenue dans ce port : le 7 mars 1394, le Rochelais d’origine vénitienne, Anthoine Chastellain, alors qu’il se promenait le long des quais, fut pris à partie par trois ou quatre Allemands le traitant de « ribaut, traitre espaignoul ». Rapidement, la dispute verbale tourna à la bagarre :
« [L’un des marins allemands le frappa] de sa teste en la poitrine, si grant cop qu’il chey à terre et son chapperon vola et chey en la mer. [Puis il sortit] la dague ou coustel ou poing et en voult ferir ledit [Chastellain], lequel veant la fureur et mauvaise voulenté dudit Alement sacha autressi une dague qu’il portoit. Et se poindrent l’un l’autre. Et advint que en celle meslee et debat [Anthoine], meu de chaude cole, […] se advança et feri le dit Hermant un cop de sa dicte dague [duquel] pou de temps apres, […] en ce en icellui mesme jour ala de vie à trepassement155. »
69Et que dire du pillage en règle perpétré en 1477 dans le port même de Crozon ? Une ambassade aragonaise, contrainte de s’y arrêter en raison de vents contraires alors qu’elle se rendait en Angleterre, avait laissé au mouillage sa caravelle pour se rendre à la messe. Une bande de Français et de Bretons du Conquet s’empara du riche vaisseau puis le mena à Brest où ses biens furent dispersés156.
Les ports, clefs du royaume : des territoires sensibles difficiles à protéger
70Cette histoire des violences littorales157, faite de compétitions et de conflits, bien que singulière à certains égards, est aussi le reflet des multiples tensions qui traversèrent la société occidentale, obligeant, partout, chaque communauté à se protéger. Parce qu’ils étaient des territoires, c’est-à-dire des espaces doués d’intérêts particuliers pour les populations qui les avaient investis, on en viendrait logiquement à considérer que les ports furent, en ces circonstances, âprement défendus. Il en allait de la conservation des activités dont ils étaient le siège. Il en allait de la sécurité des équipements, des hommes qui les fréquentaient, de leurs navires et de leurs marchandises. Il en allait, le cas échéant, de la sûreté des agglomérations qu’ils desservaient. Il en allait, enfin, de la sauvegarde de l’arrière-pays auquel chacun d’entre eux donnait potentiellement accès. Les actes royaux rappelaient régulièrement la position sensible des sites les plus stratégiques pour justifier de nouvelles dispositions prises à leur endroit : « en consideration à la scituation de ladite ville qui est sur port de mer et clef de pays158 ».
71Et pourtant, la réalité s’avère des plus médiocres en la matière. Les sites portuaires, dans le cadre de leurs stricts périmètres, ne firent qu’exceptionnellement l’objet de dispositions défensives. Les plus modestes, les plus rudimentaires, les moins fréquentés, les plus exposés, autrement dit la majorité d’entre eux, étaient laissés à leur propre sort en cas « d’insulte » ennemie. Leurs usagers abandonnaient les embarcations aux mains des assaillants, se repliant, s’ils en avaient le temps, à l’abri de quelque rempart avec leurs biens de valeur. L’extrême dissémination des ports français, précieuse pour l’économie littorale en temps de paix, constituait aussi leur principale faiblesse en temps de guerre, devant l’impossibilité de les défendre tous. Cependant, leurs qualités naturelles et leurs modestes aménagements étaient un avantage une fois le calme retrouvé : faciles à réinvestir, ils présentaient une forte résilience.
72Pour ces ports sans défense, dans le meilleur des cas, la mise en place progressive des guets de la mer a pu, par leurs systèmes de réseaux d’alerte, contribuer à dissuader certains agresseurs de lancer des attaques. L’insécurité chronique des littoraux au cours de la guerre de Cent Ans incita en effet les pouvoirs publics, qu’ils fussent seigneuriaux, municipaux, princiers ou royaux, à organiser la surveillance et le secours des côtes, dans le but de prévenir et de contrer les incursions étrangères. Une illustration parmi beaucoup d’autres : dans un fragment de comptes royaux des années 1327-1336, sont évoqués « ceux qui ont gardé les ports depuis Calais jusques au Mont-Saint-Michel ». Le sieur Mahy de Varrennes avait été établi en 1324 « visiteur et garde des ports et passages et frontières de mer ». Puis en 1326, ce fut au tour de Guillaume du Merle d’assurer « la garde de la mer, et des frontières de Normandie, de Honnefleu jusqu’au Mont-Saint-Michel », assisté pour cela de chevaliers et de soldats à pieds. Ces guetteurs soldés, répartis le long de la côte et dans les ports, avaient pour mission de prévenir la garnison la plus proche lorsque se manifestaient des assaillants159.
73Partout, depuis le Labourd jusqu’au Zwin, furent établis de semblables points d’observations, à partir de bâtiments fortifiés existants ou spécialement conçus à cet effet, ainsi que des rotations de garde auxquelles se devaient de participer, non sans résistance de leur part, les populations maritaines. Marc Russon a inventorié plus de 130 sites fortifiés le long de la façade atlantique du royaume de France, répartis de façon relativement régulière. Il pouvait s’agir de forteresses, de châteaux, d’églises et de manoirs fortifiés, de tours et de murailles urbaines, comme il s’en trouve abondamment par exemple dans le Cotentin, en Bretagne ou entre la Sèvre et la Gironde. Ces édifices étaient autant de bases de surveillance côtière, ainsi que de refuges pour les populations littorales recherchant un abri160.
74En fait, ce sont uniquement les bourgs et les villes portuaires, pourvus d’un réel intérêt stratégique – parce que situés sur une voie de communication fluviale ou dotés de centres de pouvoir économique et politique – dont on chercha à assurer la défense au plus près, au moyen d’aménagements idoines. Et encore, soyons précis, dans ce cas ce n’est pas tant le port que l’agglomération qu’il s’agissait de protéger. Déjà, lorsque les seigneurs côtiers érigèrent à partir du xie siècle des châteaux non loin de la mer, ce fut, comme ailleurs dans les terres, pour contrôler les populations adjacentes, pour tenir les voies de communication, ainsi que pour conserver une vue sur leurs domaines. Dans cette perspective, alors que les ponts pouvaient être équipés de structures défensives, les ports qui les jouxtaient en étaient dénués. Un peu plus tard, souvent dès le xiiie siècle, les pouvoirs princiers et royaux lancèrent ou soutinrent de vastes programmes de fortification autour des espaces urbains placés sous leur responsabilité, depuis Bayonne jusqu’à Bruges. Comme pour les bourgs castraux, si les villes se sont progressivement enfermées dans des enceintes, c’est d’abord pour mettre à l’abri leurs bourgeois, leurs autorités et leurs richesses. Les bateaux et les infrastructures dédiées à l’activité navale, bien que placés sous la surveillance des gardiens des remparts, n’en demeuraient pas moins exclus et donc vulnérables.
75Voilà bien, dans ces circonstances, mis en évidence le hiatus qui caractérise les rapports entretenus par la ville avec son port. Force de constater que, de façon quasi systématique, la première se protégeait du second qui la desservait pour le meilleur et pour le pire. Les eaux et les berges portuaires étaient conçues comme des zones fragiles, comme des failles potentielles dans un système défensif, susceptibles d’attirer des forces ennemies, de leur permettre d’aborder, de lancer un assaut ou d’établir un siège. Si bien que le port était rejeté hors du périmètre urbain et de sa clôture, avec pour seules ouvertures de lourdes portes, souvent défendues par des gardes, des herses, des tours, des fossés et des ponts levis ; c’est-à-dire les équipements habituellement employés à l’époque pour interdire l’accès aux intrus, pour empêcher le port de devenir une porte d’entrée. C’est ce qui explique pourquoi les rives ne servaient pas d’entrepôts et que les autorités, bordelaises ou rochelaises par exemple, luttaient contre la construction anarchique de chais le long de leurs remparts161.
76Dans des circonstances topographiques particulières, lorsque le havre avait été établi sur un plan d’eau en retrait d’un cordon littoral, alimenté en amont par un petit fleuve côtier dont l’embouchure perçait la dune de sable et de galet, on avait procédé parfois à la construction d’une forteresse aux abords du chenal. Ainsi les rives du port pouvaient être non seulement surveillées mais aussi protégées d’éventuelles menaces ennemies (fig. 35). On retrouve cette configuration aux Sables-d’Olonne (Château-Gaultier, xiie siècle), à Dieppe (Tour aux Crabes, xve siècle), à Calais (fort du « Risban », xiiie siècle) et, dans une certaine mesure, à L’Écluse (Tour de Bourgogne, xive siècle, depuis laquelle on tendait une chaîne).
Figure 35. – La défense des chenaux d’accès aux ports des Sables-d’Olonne et de Dieppe.

No 1 : le port des Sables-d’Olonne ; no 2 : le port de Dieppe.
Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
77Au final, seuls les ports intérieurs pouvaient bénéficier d’une réelle protection fortifiée. Cette configuration, qui rappelle les pratiques antiques et méditerranéennes, s’avère exceptionnelle pour la France atlantique. D’ailleurs, à Bordeaux, le bassin dédié au stationnement naval, qui à l’origine logeait dans le lit de la Devèze, inséré dans les murs de l’ancienne cité, avait été comblé et repoussé hors des remparts médiévaux, plutôt que d’être conservé pour un usage intra-urbain162. Parmi l’ensemble de notre inventaire, nous ne dénombrons que neuf sites au sein desquels un de leurs espaces portuaires se trouvait inclus dans l’enceinte de la ville. Ils se situaient à Bayonne, La Rochelle, Nantes, Vannes, Harfleur, Honfleur, Abbeville, Calais, Bruges et, dans une certaine mesure, à Caen (fig. 36 et 37). On pourrait aussi y ajouter, à certains égards, les agglomérations traversées par des canaux probablement navigables qui débouchaient sur leur port, telle que Dunkerque.
Figure 36. – Les ports intérieurs de la France atlantique à la fin du xve siècle.

No 1 : le port de Bruges ; no 2 : le port d’Abbeville ; no 3 : le port d’Harfleur ; no 4 : le port d’Honfleur ; no 5 : le port de Caen.
Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
Figure 37. – Les ports intérieurs de la France atlantique à la fin du xve siècle.

No 1 : le port de Vannes ; no 2 : le port de Nantes ; no 3 : le port de La Rochelle ; no 4 : le port de Bayonne.
Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
78À Bruges, la formation du Zwin durant le xiie siècle et la nouvelle canalisation de la Reie qui s’ensuivit conduisirent à l’abandon de l’ancien port au profit d’un nouveau situé sur la Lange Reie, à l’intérieur de l’agglomération dont on élargit le périmètre des défenses entre 1127 et 1297. Toutefois, il ne fut directement accessible au trafic maritime qu’une courte période, jusqu’au milieu du xiiie siècle. Les ensablements répétés déplaçaient l’activité portuaire toujours plus vers le nord. Si bien qu’aux alentours de 1250, le bras d’eau fut fermé au niveau de Damme. Il n’était plus navigable que pour des chalands qui, recevant les cargaisons des bâtiments de mer, les conduisaient jusque dans la ville, au niveau de la Waterhalle163. Calais disposait aussi d’un port intérieur muni d’un quai appelé « l’Estade ». Il était situé au sud des remparts, « sur la rivière », entre le pont de Coddeville et le pont de « l’Estade », et nécessitait de la part des autorités urbaines qu’elles le fassent curer régulièrement164.
79Le port du Guindal, à Abbeville, avait été fixé sur un cours d’eau qui traversait l’espace urbain. Il se trouvait au cœur même de la ville, enfermé dans son enceinte qui après trois phases successives d’extensions englobait, à la fin du Moyen Âge, plusieurs bras du fleuve ainsi que les embouchures de ses affluents, la rivière de Novion et le Scardon. En dépit de cette situation, apparemment peu commode pour des bâtiments maritimes, son trafic resta soutenu, en raison notamment de la législation locale qui imposait aux navires de décharger à cet endroit. Cette configuration rappelle celle du port intérieur de Vannes, dont il est par contre difficile de connaître la longévité du fonctionnement. Quant aux berges du plus amont des ports de Caen, celui situé entre le pont Saint-Pierre et les quartiers fortifiés du bourg royal et de l’île Saint-Jean, elles étaient bordées par les murailles de la ville, donnant à l’espace fluvial ainsi ceinturé les allures d’un véritable port intérieur165.
80De part et d’autre de l’estuaire de la Seine, deux complexes portuaires comprenaient des bassins urbains. À Harfleur, c’est sur la Lézarde – un petit affluent qui traversait la ville – que s’insérait le port intérieur de commerce. Il couvrait la section de la rivière comprise entre le « pont aux chaînes » et le pont Gorand. Les fortifications, érigées au cours des années 1344-1361, l’enveloppaient entièrement. Un peu en amont, complétant le fonctionnement de deux moulins, des écluses avaient été construites en 1391-1398. Elles matérialisaient la limite au-delà de laquelle les bâtiments de mer ne pouvaient plus remonter. Le « pont aux chaînes » était lui aussi doté de portes qui permettaient de maintenir le port marchand à flot et de faciliter son curage166. En aval, à l’extérieur de l’enceinte urbaine proprement dite, un second plan d’eau formé par un méandre de la Lézarde avait été réservé, à partir des années 1280-1290, pour accueillir le Clos aux Galées. Il fut, à la fin du xive siècle, également entouré de ses propres murs qui s’adossaient en partie à ceux de la ville. Au nombre des tours qui venaient flanquer les murailles, il faut signaler celles qui commandaient le chenal d’accès aux deux ports, et entre lesquelles on tirait une chaîne pour en fermer l’entrée. La Gesta Henrici Quinti – chronique anglaise rédigée par un chapelain d’Henri V l’ayant suivi lors de sa campagne de France en 1415 – y consacre un passage assez précis167. À la fin de ce siècle, un document de 1497 évoque les travaux entrepris sur la plus grosse tour, celle nommée « la tour aux chaînes, seant ou costé devers Notre Dame du Bosc ». On acheta pour cela des pierres pour « employer es ouvrages de machonnerie de la tour aux chaînes168 ».
81Sur la rive opposée, profitant des bras d’un autre affluent – la Claire – avaient été établis les deux ports d’Honfleur. Le principal, appelé l’Enclos, se tenait, comme son nom l’indique, dans les murs de l’agglomération qu’il desservait directement. Il était équipé d’écluses qui, tant bien que mal, servaient à le débarrasser de ses alluvions. À plus de dix reprises durant le xve siècle, le roi concéda des aides aux Honfleurois, pour non seulement leur permettre de poursuivre les efforts de fortification de leur ville, mais aussi pour soutenir l’entretien des aménagements portuaires. Une quittance du 21 juillet 1417 enregistre la rémunération d’un certain Jean l’Abbey, « pour avoir vidé les terres pour asseoir les herches du hable de ladite ville169 ». Et en 1464, on effectua de « grans reparacions […] à la herche de l’entrée du hable170 ». Ces deux mentions attestent l’emploi, au niveau de la grosse Tour Carrée qui défendait l’accès, d’un important dispositif de verrouillage. Cette herse n’est pas précisément décrite mais, en principe, elle devait, mieux que la chaîne utilisée à Harfleur, interdire à tout navire ennemi, quelle que soit sa taille, de pénétrer dans la ville par le port.
82On retrouve un tel mode de fermeture à Nantes. Parmi les ports qui furent établis dans les environs de la vieille cité, l’un d’eux fut absorbé par les développements urbains du xiiie siècle. Sous les impulsions successives de Guy de Thouars, Pierre de Dreux et Jean Ier, une série de travaux de fortification permit d’élargir l’enceinte aux quartiers situés à l’ouest de la ville. Par ce moyen, le cours de l’Erdre, affluent de la Loire, se trouva englobé dans la nouvelle clôture et aménagé en véritable port intérieur. Il fut nommé le port d’Erdre. Ainsi protégé par les remparts, il pouvait directement desservir le cœur de la ville. Depuis le fleuve, les bateaux y accédaient en empruntant une ouverture commandée par un « rateau » – c’est-à-dire une herse – et encadrée au xve siècle par les tours du Rateau et Sainte-Catherine. Il était traversé par deux ponts qui reliaient le quartier de la place du Change à la paroisse Saint-Nicolas. Plusieurs séries de travaux furent lancées pour assurer l’entretien de cette section portuaire. En 1449 notamment, l’encombrement de ses fonds nécessita leur curage. Quant à la herse, fragilisée et menacée d’être démolie par les crues violentes de décembre-janvier 1496-1497, on entreprit de la renforcer au moyen de câbles171.
83Dans les dernières années du xve siècle, on envisagea de renforcer l’entrée du havre de Brouage qui connaissait un fort développement : « actandu que neccessairement pour le bien de la chose publique convient faire fortiffier l’entree du port de Brouage de deux bonnes tours bien artillees et y entretenir gardes172 ». À Bayonne, c’est l’ensemble du dispositif portuaire qui bénéficia de l’extension des fortifications de la ville. Initialement déployé sur la rive gauche de la Nive, à proximité des anciens remparts de la cité gallo-romaine, le périmètre des cales fut étendu grâce au déploiement des faubourgs du Petit Bayonne, sur la berge opposée. Une nouvelle clôture fut établie en deux phases successives, d’abord au cours du xiie siècle, puis entre la seconde moitié du xiiie siècle et le milieu du xive siècle. Renforcé par une tour située en amont (la tour de Sault) et deux autres positionnées en aval, de part et d’autre de la zone de confluence (la tour du Nard et la tour Saint-Esprit), cet ensemble défensif permettait non seulement de protéger les nouveaux quartiers, mais également de verrouiller les accès à la section urbaine de la rivière. Sur une longueur d’environ 500 m, la nouvelle clôture englobait le cours de la Nive au sein duquel trois ports avaient été mis en place : le port du Château, le port Suzeye et le port Neuf. La vie portuaire, desservie et cloisonnée par les ponts Mayou et Bertaco, se trouvait ainsi tout entière intégrée dans la ville et assez bien abritée des incursions étrangères173.
84Enfin, le port intérieur le plus emblématique de la France atlantique à cette époque fut certainement celui de La Rochelle. Initialement formé le long d’un petit fleuve côtier, le Lafond, l’espace d’accueil des navires dû être déplacé pour absorber le trafic croissant du commerce international du vin. Il trouva sa position définitive un peu plus à l’est, entre les îlots du Pérot et Saint-Nicolas, à la charnière des xiie et xiiie siècles. Dans la foulée, les premiers remparts vinrent clore les différents quartiers urbains, des constructions sans cesse entretenues et augmentées jusqu’à la fin du Moyen Âge. Si bien qu’à partir du xiiie siècle, deux entités distinctes coexistèrent à l’intérieur des remparts : le port et la ville. Les îlots du Pérot et de Saint-Nicolas étaient reliés au bourg principal par les ponts de Verdière et de Saint-Sauveur qui enjambaient les chenaux de Verdière – dit aussi de la « Besse à la Reine » – et de Maubec. Quant au port, ceint par les murailles de ces quartiers dans lesquelles avaient été percées plusieurs portes, il était également clos par ses propres murs en front de mer. À son approche, les marins constataient que « du costé de la mer y a deux grosses tours et une chayne passant de l’une desdites tours dedans l’autre, qui fait la closture du havre et forteresse174 ». Son entrée était en effet dominée par plusieurs fortifications imposantes. Celle que l’on nomme aujourd’hui la tour Saint-Nicolas était appelée la « tour Neusve » en 1345, puis la « grosse tour de la Chaîne ». En effet, elle dominait le havre de sa stature, surtout depuis que vers 1374 on l’avait renforcée. Comme son nom l’indique, son rôle défensif était couplé à celui de point d’attache pour l’estacade qui barrait l’entrée du havre. De l’autre côté de l’ouverture, sur la rive du Pérot, s’élevait la tour dite « de la Chaîne ». Elle connut plusieurs phases de travaux. Constatant son délabrement en 1382, la municipalité lança sa reconstruction qui fut terminée en 1390. Puis, au cours des années 1470 elle fut restaurée et augmentée une nouvelle fois. À ces deux points de fixation de la chaîne avait été adjoint un mécanisme de tension servant à la tirer et la relâcher, abrité dès 1378 dans la « petite tour de la Chaîne ». Un garde, qui avait en charge son fonctionnement, y était affecté. Vers 1403, grâce aux subsides octroyés par Charles VI, la ville fit améliorer l’équipement de cette petite tour. Puis le mécanisme fut finalement déplacé en 1491 dans la tour principale175.
85En définitive, le très faible nombre de ports intra muros laisse entendre combien il était difficile de protéger les stationnements navals des intrusions et des attaques armées. Les contraintes topographiques de chaque site ainsi que le coût des aménagements défensifs et de leur entretien n’avaient permis de les clore que dans quelques rares circonstances. Systématiquement, c’est le processus d’extension des fortifications aux nouveaux faubourgs qui détermina l’inclusion ou non des ports adjacents, avec dans les cas d’Harfleur et de La Rochelle, une volonté plus marquée d’envelopper spécialement leur havre. Et encore, même pour ces sites exceptionnels, les remparts n’étaient pas une assurance imparable aux yeux des autorités locales. Aussi employait-on parfois une herse ou une chaîne pour interdire l’accès aux vaisseaux indésirables. Ces dispositifs marquaient les esprits des marins et des voyageurs qui devaient s’y soumettre. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà fait remarquer que, sur le plan de la sécurité urbaine, le port constituait une zone intrusive dont il fallait se défendre. Cela explique qu’on ait souvent renoncé à le protéger lui-même. Et, même fermé de toutes parts sur l’extérieur, on avait parfois choisi de le séparer des espaces habités par des murailles intérieures, ce qui témoigne de la méfiance portée à son égard par les habitants. Source de fructueux échanges, le bassin portuaire était également le creuset d’une constante et endémique insécurité dont il fallait absolument se prémunir.
Le « désarmage »
86La sécurité et la fluidité des opérations navales, manutentionnaires et marchandes, en particulier dans les ports où le trafic était soutenu, avaient exigé l’intervention des autorités de tutelle afin qu’elles édictent des règles adaptées aux problèmes posés, d’une part, qu’elles s’emploient à les faire respecter, d’autre part. C’est là tout l’enjeu des polices portuaires dont l’existence n’est observable qu’au travers les grands pôles du commerce international.
87À l’approche d’un havre, avant même qu’ils ne pénètrent véritablement dans l’espace où ils devaient être chargés, déchargés, réparés, etc., les vaisseaux étaient soumis à plusieurs obligations nécessaires à l’intégrité et à la bonne conservation du territoire portuaire. Selon les lieux et les circonstances, il pouvait être demandé aux maîtres de désarmer leurs bâtiments. Après la reconquête de 1453, des mesures de ce type visèrent en particulier les négociants anglais dont les autorités se méfiaient beaucoup. Ils étaient d’abord tenus de s’arrêter au niveau de Soulac, à l’entrée de la Gironde, pour obtenir un sauf-conduit. Puis, continuant leur navigation et arrivant à Blaye, il leur fallait déposer leur artillerie et leurs munitions de guerre. Enfin, arrivés devant Bordeaux, les marchands anglais ne pouvaient descendre à terre qu’une fois délivré un permis du maire et la couture d’une croix rouge distinctive sur leurs habits, ces dernières mesures ayant été abrogées en 1475 par Louis XI176. Notons aussi que dans le Zwin, selon une plainte de 1351, le bailli de l’Eau de L’Écluse devait obliger chaque capitaine et son équipage à déposer leurs armes. Cependant, des exceptions existaient manifestement à ce devoir puisqu’en 1411 les Portugais obtinrent parmi leurs privilèges celui de pouvoir « de nuyt et de jour aller par terre et mer, vers leurs nefz et lavoir de leurs nefz, et arriere retourner leur droit chemin vers leurs hostelz, portans espees et autres convenables armures sans meffaire, et sans estre pour ce pris ne arrestez, ne cheoir pour ce en aucune amende177 ». Les Génois furent dotés de la même liberté en 1414178.
88À La Rochelle, port clos et entièrement inséré dans le périmètre urbain, tout maître qui souhaitait accéder au bassin naval était soumis à l’obligation de désarmer son vaisseau. À l’intérieur de l’enceinte s’arrêtait en effet l’exercice des armes. Même les gens du château n’étaient pas autorisés à en porter quand ils se trouvaient dans la ville179. Ainsi, tous les navires, hauturiers ou de cabotage, équipés généralement de moyens de défense pour assurer leur sécurité en mer, devaient abandonner leurs appareils à l’entrée du havre. Depuis longtemps la ville avait obtenu la responsabilité de cette charge, prérogative qui lui fut rappelée par Philippe VI du 25 août 1339, Édouard III le 25 novembre 1360 et Louis XI en novembre 1461180.
89C’est en 1209 que furent édictés par l’échevinage les grands principes du « désarmage ». À partir de cette date, des agents élus et gagés par la commune furent chargés, avant qu’ils ne franchissent les chaînes du port, de récupérer les éventuels « armures et harnoys » équipant les navires et leurs occupants. Ces matériels devaient être ensuite déposés à l’échevinage par leurs propriétaires et déclarés par les agents au garde de la tour de la Chaîne. En cas de fraude, les armes non déclarées étaient confisquées et les officiers de la ville étaient passibles d’une amende. Apparemment établi avec clarté dès le début du xiiie siècle, le « désarmage » fit pourtant l’objet d’une vingtaine de confirmations et d’améliorations durant les xive et xve siècles, ce qui témoigne, durant les troubles de la fin du Moyen Âge, de l’attention particulière portée sur la sécurité du port par les membres du conseil urbain181.
90La majorité de ces amendements réglementèrent la charge de « désarmeur ». Encore deux en 1299, la ville n’employa plus à cet effet qu’un seul agent à partir de 1331. Il était choisi parmi trois prud’hommes élus au sein du collège des pers (1397), au moment du renouvellement annuel du maire (1292), et devait le même jour prêter serment à ce dernier (1340). L’opération de « désarmage » concernait en premier lieu les navires portant plus de vingt marins (1350)182. Réalisée à l’entrée du port, comme il était en fait habituel de le faire à toutes les portes de l’enceinte, elle consistait à exiger tous les matériels de défense présents sur les vaisseaux, les armes bien sûr mais aussi les armures et les hunes183. Garant de sa charge devant le maire (1350) l’officier était tenu pour responsable de toute infraction au devoir de désarmer. Aussi, il ne pouvait se contenter du serment des marins sur ce sujet. Ses fonctions lui enjoignaient de vérifier « sur la vaze », devant les remparts, la présence ou l’absence d’armes dans les bâtiments. Pour cela, il lui était permis de fouiller minutieusement les navires, même les coffres des maîtres et des équipages. En période de tensions, il pouvait même lui être demandé de porter une attention particulière aux navires affichant certains pavillons étrangers. C’est ce que fit l’échevinage en 1399 et 1400 à l’encontre des bâtiments anglais et espagnols. Ensuite, les matériels étaient déclarés et confiés au garde de l’échevinage – Guillaume Dupoids tenait cet office à vie en 1393 – qui en faisait l’inventaire à l’arrivée et les restituait intégralement à la fin du séjour (1378). Les gages de ce garde furent d’abord fixés à 15 livres par an puis augmentés à 25 livres en 1400184.
91Les opérations de « désarmage » des navires furent facilitées par la construction d’un dispositif spécifique. Il fut établi en lieu et place de la première tour bâtie à l’entrée de l’ancienne base portuaire, à l’embouchure du ruisseau du Lafond. Après l’abandon du havre primitif, la tour – alors appelée « tour du Garrot » – fut employée au désarmement des navires. On entreprit sa réfection à partir de 1445. Difficiles, les travaux se poursuivirent malgré tout, notamment grâce aux efforts consentis par la ville en 1460, 1467 et 1468, année de son achèvement185. Elle était alors munie à son extrémité supérieure d’une lanterne de pierre vitrée à six côtés, destinée par sa fumée le jour, et ses flammes la nuit, « à servir de fare et lumière aux vaisseaulx par le feu qui s’y debvoit mettre le nuict en maulvais temps186 ». La fortification des trois espaces urbains achevée, le havre n’offrait à la vue des marchands étrangers qu’une succession de murailles a priori peu accueillantes. L’animation portuaire et son cortège d’installations toujours plus nombreuses en tempéraient tout de même l’austérité.
92En 1468, et par renouvellement en 1487, l’échevinage décida que le « désarmeur » occuperait également la charge de garde de la tour du Garrot dont on venait d’achever les travaux. Ce n’est semble-t-il pas la première fois que l’on chercha à limiter la multiplication des offices en les plaçant entre les mains d’un même agent municipal. Déjà en 1400, le « désarmeur » se chargeait simultanément de la garde de la tour de la Chaîne. À partir de la fin des années 1460, la nouvelle tour du Garrot remplit donc, à l’image de son occupant, un double emploi : elle recevait le système de levage utilisé pour dégarnir les navires – équipement qui lui aurait donné son nom187 – et servait, chaque fois que les circonstances le requerraient et seulement sur ordre du maire, de phare « pour la seureté de ladicte ville, marchans et vaisseaulx venans en icelle ». De plus, l’officier était tenu d’y résider avec sa famille, un logement gratuit dont l’échevinage usait pour ne pas avoir à lui verser d’autres gages que ceux de l’office de « désarmeur », et cela malgré des responsabilités supplémentaires188.
93La question de la rémunération de l’officier chargé du « désarmage » a elle aussi régulièrement occupé les autorités municipales, ne serait-ce que pour éviter ses abus de pouvoir. Selon la coutume, il percevait des maîtres et marchands 5 sous par navire désarmé (1340). Mais en 1399, l’échevinage y ajouta un droit « plancher », de 2 sous 6 deniers, levé sur les bâtiments visités mais non armés. En 1397, on interdisait à l’officier d’affermer sa charge à un autre Rochelais et pourtant, en 1414, l’échevinage décida de confier le « désarmage » à deux ou trois bourgeois élus à cet effet et autorisés à en prendre les profits189. Par la suite, si ces taux d’imposition ne changèrent pas, leur assiette semble avoir mué et s’être élargie. En 1499, un agent royal rapportait – avec un esprit très contestataire – que la commune percevait alors, au titre du « desarmaige », 5 sous tournois des bâtiments portant une hune et de ceux qui n’en avaient pas 2 sous 6 deniers, dans tous les ports de son gouvernement, « ce qui monte grande somme de deniers chacun an190 ». Quant au roi, il conservait le bénéfice des infractions. Celles-ci n’étaient pas rares. En 1396, un Castillan, Pastonal Delboune, maître de la barque Sainte Catherine de Motrico, fut condamné à payer 22 sous 6 deniers et à être saisi de ses « harnoys » (une arbalète, un bassinet et un « bazelard ») qu’il n’avait pas rendus au passage de la chaîne191. Quelques années plus tard, un conflit opposa l’échevinage au procureur royal, parce que le prévôt avait laissé entrer des bâtiments armés dans le port. Dans son règlement fut précisée la hauteur de l’amende encourue par les contrevenants : « est aussy ledit seigneur [le roi] en pocession et saisine de prandre et avoir de chacun vaissel portant chastel a mast LX s. quand il a este par trois marees, esditz cas sans oster ledict chastel, et de commander a oster les panneaux, et en cas de resfus ou contredit de prandre et avoir l’amande desdictz LX s.192 ». Ajoutons que l’interdiction généralisée des armes sur les bâtiments de commerce devait faire mauvais ménage avec les armements répétés de vaisseaux de guerre à l’intérieur du havre. Peut-être qu’un congé spécial de l’amiral ou du roi les en exonérait alors.
94Le cas de La Rochelle est probablement exceptionnel en matière de désarmement des navires. La situation inhabituelle du havre, au cœur de l’espace urbain, avait exigé que l’interdiction du port d’armes dans la ville soit étendue à ses berges et son bassin. C’était moins nécessaire pour les autres sites qui, dans leur grande majorité, se trouvaient à l’extérieur du périmètre fortifié. Toutefois, sans que nous ne puissions en apporter la preuve, il n’est pas déraisonnable de considérer que parmi eux, certains ports furent aussi équipés d’un règlement de même nature.
Les autorisations d’entrée et de sortie
95Ces obligations de « désarmage » et de délestage respectées, l’accès au port n’était pas pour autant acquis ; il fallait encore montrer patte blanche, surtout lorsque le navire affichait un pavillon étranger. Nous avons déjà évoqué le fait qu’après la reconquête de 1453, les maîtres de vaisseaux anglais avaient été sommés de s’arrêter au niveau de Soulac pour obtenir un sauf-conduit, avant de poursuivre leur chemin vers Bordeaux. L’usage du sauf-conduit – prérogative éminemment régalienne – consistait pour une autorité à accorder à une personne de nationalité étrangère le droit d’entrer et de circuler à l’intérieur de sa juridiction. En temps de guerre, cet octroi était aussi suspensif du droit de marque et de représailles. Sans cette autorisation, le contrevenant était passible d’être arrêté et jugé, et ses biens d’être confisqués ; il se surexposait de surcroît aux saisies arbitraires et aux actes de piraterie que savaient commettre les ressortissants du port fréquenté. Cette liberté pouvait être concédée par statuts généraux pour une communauté entière – dans le cadre de traités notamment – ou au moyen d’un document établi et attribué à titre personnel.
96L’étendue des sauf-conduits n’était pas toujours bien déterminée. Mais en droit et devant tous les tribunaux leur valeur restait reconnue et commandait le respect. Ils ne pouvaient être délivrés que par le prince ou son amiral. Son titulaire devait s’en munir avant de débuter son voyage et le présenter à l’autorité compétente lors de son entrée dans le port de destination193. À La Rochelle par exemple, où depuis le 24 août 1224 tous les marchands aubains étaient placés sous la sauvegarde du roi, ils étaient par ce moyen dispensés pendant vingt jours de posséder un sauf-conduit, tant qu’ils demeuraient dans la ville194. En novembre 1461, puis le 26 mai 1471, Louis XI réaffirma son sauf-conduit à l’intention des négociants étrangers venant par mer ou par terre à La Rochelle195. Surtout, le 27 mai 1472, il étendit davantage encore sa protection.
« Pour améliorer par commerce ladite ville et la condition des habitans d’ycelle », les marchands anglais et autres ennemis du royaume pouvaient désormais « venir en commerce sans fraulde en cette ville et banlieue, toutes et quantes fois que bon leur sembleroyt, quelques guerres qu’il y eust […], en tels navires, de tel port et équipage qu’il leur plaira, et y charger et descharger telles marchandises et denrées et les vendre, et achepter de tels et à qui ils adviseront. »
97Il leur fallait toutefois prendre un sauf-conduit auprès des gens du roi ou de son amiral. Et s’ils venaient en groupe de quinze ou vingt négociants, ils devaient aussi obtenir une autorisation d’entrée du maire de la ville196. Rien ne permet de juger de l’efficacité réelle de ces mesures. Ce que l’on sait, c’est que les services de l’amirauté, intéressés aux revenus produits par la course, délivraient trop souvent, sans précaution voire abusivement, des lettres de marque qui rendaient inopérantes ces mesures de protection. Au final, les saisies illicites finissaient devant les juges. Une sentence rendue par la cour du gouvernement de La Rochelle le 9 décembre 1488 témoigne assez bien de cette situation. En vertu du sauf-conduit royal accordé dans la ville aux marchands allochtones, protection qui venait d’être reconfirmée quatre ans plus tôt, elle débouta un Rochelais, Antoine Martin, qui avait fait saisir grâce à une lettre marque certaines marchandises étrangères197.
98La pratique des sauf-conduits avait été généralisée le long des littoraux européens atlantiques, en particulier durant les conflits ouverts de la guerre de Cent Ans. Les archives des chancelleries et des parlements des royaumes français et anglais sont parsemées de ces autorisations délivrées au coup par coup, ainsi que de procès intentés à la suite d’une autorisation transgressée. Ce dispositif permettait de lutter bien entendu contre les incursions ennemies qui pouvaient être déguisées sous les traits des marins ou des marchands. Il avait aussi permis de tempérer les risques encourus par les négociants quand ils trafiquaient avec des ports réputés hostiles, ou qu’ils en importaient des denrées. Mais sa fonction ne tenait pas seulement à des mesures protectrices ; il présentait aussi un véritable intérêt fiscal. C’est ce qui a bien été démontré pour la Bretagne, le pouvoir ducal en ayant fait, par l’entremise des « brefs », un instrument efficace de prélèvement sur le trafic maritime198. Nous y reviendrons.
99Enfin, un dernier obstacle pouvait se dresser devant les maîtres de navires souhaitant accéder au havre, lorsque ce dernier était commandé par une chaîne ou une herse. Toujours à La Rochelle – qui pour ces questions est le seul port correctement documenté – il fallait obtenir des gardes des tours de la Chaîne l’autorisation de pénétrer dans le bassin portuaire. Ces derniers, comme l’ensemble des officiers chargés de surveiller les entrées de la ville, étaient soumis à des consignes échevinales très strictes censées assurer la sécurité dans le port. Ainsi, les nefs venues à lège ou non affrétées ne furent plus autorisées à y pénétrer à partir 1350. En 1378, les gardes de la chaîne ne devaient plus laisser librement passer que les sujets du roi de France. Quant aux navires étrangers ou venant d’au-delà de la pointe Saint-Mathieu, leur accueil était dès lors soumis à l’obtention de la licence du maire.
100Les craintes d’une attaque par mer se faisant toujours plus pesante, la réglementation fut encore durcie, à l’égard des vaisseaux souhaitant entrer dans le port comme de ceux voulant le quitter. Depuis la fin du xive siècle, en souvenir des inquiétudes qu’avait occasionnée la venue d’un grand nombre de navires et de marchands anglais et étrangers à La Rochelle, on renforça le système de guet et de garde. Tous les soirs vers dix-sept heures, le maire et ses adjoints affectés à la surveillance étaient tenus de se rendre sur les quais et de faire sonner la trompette. Dès lors, les marins ne disposaient plus, s’ils le souhaitaient, que de quelques minutes pour sortir leur navire du havre ou pour le rejoindre hors des remparts. Puis, le maire ordonnait que soient fermées les portes et tirée la chaîne jusqu’au lendemain matin. Ces consignes étaient respectées à la lettre. En 1392, alors que Jehan Marsault, habitant de La Rochelle, en compagnie de trois autres bourgeois, faisait la garde de la tour Saint-Nicolas, des Anglais embarquèrent sur un « batel » après le coup de trompette et demandèrent de passer la chaîne pour rejoindre leur bâtiment qui reposait sur la vase en dehors de la ville. Marsault s’y refusa conformément à son devoir. Mais les hommes continuant de forcer le passage, il leur jeta une pierre qui tua un marchand anglais.
101Ajoutons, et ce n’était pas là la moindre de leurs fonctions, que ces officiers étaient chargés par la même occasion de faire respecter les prescriptions communales en matière de commerce. En 1337, il leur fut ainsi rappelé qu’ils ne devaient pas tolérer la venue de vin produit hors de la banlieue après la saint André. Ils pouvaient aussi arrêter au besoin les navires qui, souhaitant quitter le port, n’auraient pas acquitté toutes leurs taxes199.
102À l’instar de la charge de « désarmeur », celles de garde des tours de la Chaîne furent plusieurs fois réglementées durant la fin du Moyen Âge. Il faut dire que les abus répétés de leurs titulaires méritaient qu’on y apportât quelques corrections. La commune employait pour la surveillance de ses trois tours (tour Saint-Nicolas, tour de la Chaîne et petite tour de la Chaîne) trois gardes, dits aussi capitaines. Ils étaient désignés par le maire, comme l’indique la procédure de nomination du responsable de la tour Saint-Nicolas effectuée en 1345, parmi plusieurs bourgeois élus par l’échevinage. En 1349, à la mort de Jean Gontier, c’est sire Arnauld de Basezane qui reçut la capitainerie de la tour de la Chaîne. Et lorsque Louis XI confirma en novembre 1461 les responsabilités échevinales touchant la garde des portes et tours de la ville, il ajouta que la commune avait aussi le pouvoir de financer celle de la petite tour de la Chaîne. Cette dernière était bien en 1468 sous l’autorité d’un capitaine. Chacun de ces officiers était assisté d’un personnel spécialement attaché à la surveillance de son édifice. Depuis 1407, il disposait notamment de deux valets de son choix qu’il devait seulement présenter à l’échevinage afin qu’ils prêtent serment. En 1410, dans une sordide affaire de meurtre, se signalent également plusieurs gardiens de la tour Saint-Nicolas employés pour assurer sa garde nocturne. L’un d’eux, réveillé par un autre guetteur qui avait fait sonner la cloche de la porte de la tour, le tua en lui jetant une pierre. Les tours de la Chaîne, en activité permanente, de jour comme de nuit, étaient aussi des lieux de vie et de résidence pour leurs occupants. Pour cela, la ville les avait meublées en 1394 de tables, de bancs, « d’escheveaux », de chaises, etc., jusqu’à la somme de 25 à 30 livres. Et à partir de 1407, les capitaines recevaient à leur nomination l’inventaire des vivres, artillerie et mobilier présents dans leur tour, matériels qui devaient figurer dans l’état des lieux à leur départ. Enfin, il était attribué à chaque officier une rémunération spécifique. Nous ne connaissons que celles concernant les deux tours principales. Depuis au moins 1345, les gages du garde de la tour Saint-Nicolas s’élevaient à 100 livres par an. C’était toujours le cas en 1399, lorsque l’échevinage reprécisa les rémunérations de ses capitaines. Cette année-là, on réaffirma par ailleurs que le responsable de la tour de la Chaîne n’avait pour salaire que 50 livres. Cette différence de rémunération entre les deux officiers tenait au complément dont disposait le second, c’est-à-dire « les autres profictz raisonnables accoustumez200 ».
103En effet, le garde de la tour de la Chaîne était le seul habilité à percevoir à l’entrée des navires – et à l’entrée seulement ? – une taxe qu’on doit pouvoir rattacher au « droit de barrage » levé sur toutes les portes de la ville201. Nous n’en savons pas le montant mais son produit était de toute évidence appréciable, au regard des convoitises des autres officiers. En 1378, le capitaine de la petite tour de la Chaîne contraignait les marchands et maîtres à lui payer un « treu » sur la sortie des navires ainsi que le vin consommé par son valet. Plus encore, en 1468, il se faisait aussi payer en argent ou en nature (poisson, bois, foin, paille, etc.) un droit pour pénétrer dans le port. Même le garde de la tour de la Chaîne se livrait à de telles exactions, si bien qu’en 1407, ce sont les trois capitaines qui furent accusés de contraindre les négociants à leur verser des droits indus à l’entrée comme à l’issue du havre. Pour circonvenir à ces abus, qui soulevaient le mécontentement des marchands et des agents du roi, mais qui menaçaient aussi les intérêts commerciaux des bourgeois, l’échevinage dut à plusieurs reprises intervenir. Déjà en 1353, il fut rappelé au nouveau garde de la tour de la Chaîne qu’il ne devait contraindre aucun marchand ou marin à lui verser autre chose que ses devoirs accoutumés. Mais rien n’y faisait. Aussi, en 1384, le conseil de la ville décida que désormais, à chaque élection du maire, seraient élus trois prud’hommes au sein du collège des pers. L’un d’eux était ensuite choisi par le roi et chargé de régler spécialement les différends survenus autour de la garde de chacune des deux tours de la Chaîne. Puis en 1393, afin de remédier aux problèmes posés par une détention prolongée de ces charges, il fut convenu de remplacer chaque année leurs titulaires par des élections à bulletin secret (confirmation en 1400). De surcroît, des sanctions furent prévues pour réprimer les contrevenants : le bannissement (1378), le remboursement sur gages (1399), les amendes arbitraires (1468). En 1407 notamment, l’échevinage fixa qu’à leur élection, les gardes des tours de la Chaîne devaient jurer de ne pas contraindre les maîtres et négociants à leur verser de fausses redevances, sous peine à la première infraction d’une amende de 60 sous, de 10 livres la seconde fois et en cas d’une troisième récidive de destitution de leur office et privation de leurs gages202. Néanmoins, malgré le durcissement et la multiplication des directives, en 1452, lorsque Guillaume Maynard obtint la capitainerie de la tour de la Chaîne, étaient « deus plusieurs droicts par les navires entrant et sortant », les mêmes droits dénoncés par un procureur du roi en 1499203.
104Avec moins de détails, il nous est aussi permis de connaître la réglementation touchant l’entrée et la sortie du Zwin. Afin de filtrer les bâtiments étrangers et de s’assurer des intentions de leurs équipages, le bailli de l’Eau de L’Écluse exigeait d’eux un congé pour pénétrer dans le bras de mer. Les ressortissants de Venise devaient par exemple patienter trois jours. Ce n’est qu’une fois cette autorisation obtenue qu’ils pouvaient venir ensuite s’amarrer aux endroits prévus à cet effet204. Cependant, ces mesures ne s’appliquaient pas à tous les pavillons puisque les ressortissants portugais obtinrent parmi leurs privilèges en 1411 le droit « à toutes les heures quil leur plaira, ils puissent sauvement sans empeschement traire hors de nostredit pais de Flandres, et aler en quelconque lieu qu’il leur plaira, avecques leurs avoirs, leurs biens et marchandises, et à tout ce que a eulx appartient, en paiant ce qu’ils devront205 ». Trois ans plus tard, les Génois obtinrent également quelques libertés sur ce point. Lorsque leurs bâtiments étaient prêts à appareiller, « gisant ancrée d’un ancre seulement », ils ne pouvaient être empechés de partir, sauf en cas de « debte cogneue ou cas jugié ou pour [crime] par eulx perpetrez206 ».
Les modalités de stationnement dans les havres
105Quelques mots sur les manières employées pour stationner les navires lorsqu’ils trouvaient refuge dans un port : elles participaient aussi de leur mise en sécurité. À propos des petites embarcations tirées à sec, nous n’en savons rien. Disposaient-elles de places attitrées ? Étaient-elles rangées selon des règles particulières ? Il n’est pas possible de répondre à ces questions. Même s’ils n’y font que très rarement allusion, les documents signalent en revanche les méthodes de mouillage des plus gros vaisseaux. Les Rôles d’Oléron y consacrent quelques articles. Selon la version de Pierre Garcie, ils pouvaient se mettre « à l’ancre en quelque radde207 ». Dans ce cas, les membres d’un équipage n’étaient pas autorisés à quitter le bord sans le congé du maître tant que leur « nef estoit en lieu où elle seroit ancrée et amarrée de deux ou de trois amarres208 ». La pose des ancres était en effet cruciale pour les bâtiments qui stationnaient en rade. Il s’agissait d’empêcher qu’ils ne dérivent par la force des courants de la marée ou du fleuve et qu’ils ne se percutent ou ne s’échouent maladroitement. Aussi, une répartition du coût des dommages était prévue dans le cas où « une nef est en ung cours liée et amarrée, et une autre nef vient dehors de la mer » et entre en collision avec elle209.
106Il existait plusieurs procédés pour mouiller un navire. Le plus habituel à Bordeaux, renseigné par le récit d’un abordage survenu en 1491, consistait à ne jeter qu’une seule ancre par la proue – voire deux pour les plus gros gabarits – et à adapter la longueur de l’amarre en fonction de la hauteur de l’eau et du sens du courant (fig. 38). Ainsi, les nefs se rangeaient-elles à la file, formant un ou plusieurs rangs selon la fréquentation de la rade210. Il était même recommandé à Bordeaux de se tenir à distance de 45 brasses de la rive portuaire pour ne pas gêner la circulation des autres vaisseaux, le prévôt de l’Ombrière punissant les contrevenants211.
Figure 38. – Navires amarrés à une ou deux ancres de proue.

À gauche : BnF, ms. fr. 5594, fol. 217, xve siècle ; à droite : BnF, ms. fr. 102, fol. 26, xve siècle.
107Une autre solution consistait à embosser le bateau, c’est-à-dire à le fixer par la proue et par la poupe à l’aide de plusieurs ancres (fig. 39). C’est celle qui est stipulée dans l’article 5 des Rôles d’Oléron retranscrits par Pierre Garcie212. En plus d’être attachés à leurs ancres, les bateaux pouvaient être aussi arrimés côte à côte, même si ce procédé ne facilitait pas les opérations de manutention. Cette technique est évoquée dans le témoignage d’une rémission d’avril 1453 accordée à un marin hollandais. Son navire « que on appelle une plecte » arriva dans le port de La Rochelle avec une flotte flamande : « le navire dont est maistre ung nommé Copin Langue, dudit païs de Flandres, se joigny pres et bort à bort de la dicte plecte, en manière que les mariniers de chascun desdits deux vaisseaux povoient regarder de l’un des diz vaisseaulx dedans l’autre213 ». Dans le Zwin, les bâtiments pouvaient être aussi liés de la sorte, les uns aux autres. Parmi leurs privilèges obtenus en 1411, les Portugais furent ainsi autorisés à « mettre et tenir leurs nefz devant Lescluze en reng trois nefz d’espes214 », « partout là ou ilz trouveront lieu wit sans nulluy empeschier ; et par especial sans empeschier le courant de leaue par ou les nefz entrent et yssent, sans meffait ou calenge ». Il leur était seulement demandé d’être attentifs à ne pas encombrer l’accès au bras de mer215. Quant aux Écossais, ils avaient été autorisés en 1407 que « icelles neifz et navires mettre coste a coste l’un l’autre au dehors des estaques en tel nombre que bon leur semblera, et dedens ycelles, jusques au nombre de quatre, et non plus216 ».
Figure 39. – Navire embossé.

BnF, ms. lat. 4915, fol. 72, milieu xve siècle.
108Enfin, on ne détecte pas trace de corps morts, si habituels aujourd’hui. Leur existence aurait vraisemblablement donné lieu à la rédaction d’une fiscalité et d’une réglementation spécifiques à leur usage, mais il ne s’en trouve nulle part. Nous savons cependant que depuis le xie siècle au moins, certaines populations avaient pris l’habitude de planter des perches et des pieux dans le sol fluvial ou marin pour permettre l’amarrage des bateaux. C’était là une pratique généralisée dans l’estuaire de la Seine. Une charte de l’abbaye de Jumièges datée du 16 avril 1077 fait référence au poteau auquel les moines attachaient leur bateau : « Pretium quod pro palo sive paxillo exigitur a quo navis sive baccus religatur217. » Selon les informations de S.-B.-J. Noël de La Morinière, reprises par M.-A. Hérubel, les ports de ce monastère en étaient presque tous dotés218. Quillebeuf en aurait possédé 80 ; Trouville, 40 ; Aizier et Vieux-Port, quelques-uns également219. Mais s’agissait-il toujours de pieux d’amarrage ou de balises pour les chenaux ?
109Aux Sables-d’Olonne, durant les xviie et xviiie siècle, des poteaux plantés au milieu du port et sur les bords du banc de la Cabaude permettaient aux bâtiments les plus forts de s’attacher220. Ils sont précisément figurés sur les plans d’époque (fig. 40). Au Tréport, au xviie siècle, les moines de l’abbaye Saint-Michel percevaient encore des taxes pour financer l’entretient de tels pieux fichés dans le havre221. Il est tentant d’imaginer que dès la fin du Moyen Âge des points d’arrimage similaires, somme toute assez rudimentaires, existaient déjà à cet endroit. Mais faute de preuve, cela reste une hypothèse. Et puis dans le Zwin, d’après les privilèges accordés aux Écossais en 1407, les bâtiments pouvaient fixer leurs amarres aux « estaques », des pieux spécialement conçus à cet effet222.
Figure 40. – Les pieux de mouillage du port des Sables-d’Olonne aux xviie et xviiie siècles.

No 1 : détail du « Bout de plan des Sables d’Olonne et de la Chaume en Bas Poictou », s. n., 1699 (SHD, 1 VH 1600, pièce 17) ; no 2 : détail du « Plan des Sables d’Ollonne et de sa rade en 1702 » ; s. n., février 1703 (Bnf, GE SH 18e, Pf. 54, Div. 3, P. 8) ; no 3 : « Plan des Sables d’Olonne et de la Chaume, fait à l’occasion du bombardement du 28e juillet 1696 », par Buivette, 1696 (SHD, 1 VH 1600, pièce b).
110Il fallait aussi porter la plus grande attention au danger que pouvaient constituer les ancres pour les navires qui les employaient. Les Rôles d’Oléron apportent d’autres précisions sur ce point. Quand « deux nefz ou plusieurs sont en ung havre et y a peu eaue, et si asseiche l’ancre d’une desdictes nefz, lors le maistre de l’autre nef doit dire à l’autre maistre : maistre, leves vostre ancre car elle est trop pres de nous et nous pourroit faire dommage ». L’équipage du vaisseau averti devait alors déplacer ses amarres. Par ailleurs, il y avait obligation de signaler les ancres au moyen de bouées (« oryns ») et de balises (« baloignes ») « qui apparoistront au plain de la mer223 ». Cette opération de balisage devait être également accomplie lorsqu’on effectuait le chargement et le déchargement des bateaux224.
111Là où le trafic était le plus important, c’est-à-dire dans les ports du grand commerce international, il avait parfois fallu bien distinguer dans la réglementation portuaire les espaces et les temps propres au stationnement naval, de ceux réservés aux opérations de manutention. À La Rochelle, pour désengorger le port, dont les capacités d’accueil étaient limitées à une cinquantaine de navires de charge, et pour éviter par la même occasion les avaries au mouillage, les nefs venues à lège ou non affrétées ne furent plus autorisées à y entrer à partir 1350. La décision fut réaffirmée en 1400225. À Rouen, selon l’article LIII du coutumier de la vicomté de l’Eau, l’accès aux berges pour réaliser le transbordement des marchandises était limité à une durée précise qu’il fallait strictement respecter226 :
« La nef fermée à kais Rothom., rien fesante ou volente rien feire, doit départir du kay por donner lieu et plache à i. autre nef volonte et preste à ouvrer et & à laborer, ja ce soit-il que le kai soit au mestre à cui la nef est. Et, se il avient que l’en ne l’oste ne ne la veulle l’en oster du kai desus dit simplement et débonnairement, par le contredit d’aucun, au mandement des Viscontes de l’Eaue de Rouen, par leur sergans, si comme ce a esté acoustumé à feire, et les sergans truisent aucun rebelle ou engrez qui ne veulle ce feire ou le refuse à leur commandement, les dis sergans pueent coupper la feste ou la corde de quoi la dite nef estoit fermée sus terre au kai et lessier la dite nef toute seule ou aler vagante par l’eaue et l’autre nef meitre à kai en leu d’icele nef. Et se il avient que aucun eit damage por l’occasion d’icele nef lessie aler va gante, si comme il est desus dit, et que la nef desus dite perisse en maniere que ce soit, en alant vagante, les Viscontes de l’Eaue Rothom. ou leur sergans ne sont tenus à resppndre à nuli por l’occasion de tele action ; mes iceus qui aront contredit e esté rebelles au commandement des Viscontes de l’Eaue Roth. à emplir, l’amenderont as dis Viscontes. »
112Ainsi, l’accostage aux quais de Rouen était-il interdit aux bâtiments recherchant un simple stationnement, sous peine, pour les maîtres récalcitrants, de voir leurs amarres coupées par les sergents de la vicomté. Voilà qui met particulièrement en évidence cette distinction fondamentale entre les fonctions de havre et de port – d’abri et de transit – au Moyen Âge : si elles avaient vocation à se compléter et à s’articuler, elles ne devaient pas être confondues, au risque de désordonner la logistique navale.
113Dans le Zwin, la place pouvait aussi venir à manquer. Aussi, les Portugais avaient-ils obtenu dans leurs privilèges de 1411 « que lesdis maistres et maronniers puissent tousiours trouver espace vuide à la largesse de deux bateaulx à l’escale Saint-George et à la Grande Escale, pour venir à terre à tout leurs cocques et bateulx ; ne ne soient empeschiez par escutes qui y peuvent estre227 ».
114Et puis, il est à noter, pour en terminer sur le sujet, que l’exercice de la police portuaire avait pu donner lieu, çà et là, à l’établissement de règles spécifiques à l’égard des vaisseaux stationnés. Ainsi, la jurade bordelaise interdisait aux bourgeois d’apporter des engins de pêche ainsi que d’offrir à dîner à bord, aux maîtres des navires ayant jeté l’ancre dans le port228.
Un lieu de transit des marchandises
115Dévolu à diverses activités économiques, le port avait pour autre fonction importante de permettre le dépôt des marchandises, en instance d’être réexpédiées par la mer, le fleuve ou les chemins. Il était donc souvent bipartite, à la fois aquatique et terrestre, englobant une zone de stationnement pour les bateaux et une zone de transit pour les denrées et les matériels.
Les berges portuaires : des espaces d’entrepôt ?
116Énoncé ce principe général, la physionomie réelle et l’organisation concrète de ces zones de décharge et d’entrepôt restent difficiles à saisir. L’iconographie ne donne rien à voir sur le sujet. Les rares enluminures mettant en scène des quais ou des cales les dépeignent toujours vides, sans baraquements ni articles de fret. Les débardeurs, qu’on imagine en nombre, y sont extrêmement discrets. Il est vrai que le contexte narratif de ces images est souvent celui de la guerre, ce qui expliquerait en partie la désertion des lieux. Elles tranchent cependant avec les représentations modernes des activités portuaires. Les vues des ports de France peintes par Joseph Vernet au milieu du xviiie siècle révèlent au contraire une intense animation sur les berges, toute une population s’afférant au milieu d’un fouillis de tonneaux et de paquets229. Sur la seule foi des miniatures médiévales, il faudrait même en conclure que les rives des ports étaient des espaces uniquement transitoires, sur lesquels ne s’arrêtaient ni les hommes, ni leurs biens (fig. 41 et 42). Dans ce cas, les marchandises auraient été systématiquement entreposées à l’abri des fortifications urbaines et seigneuriales ou, s’il n’en existait pas, dans les habitations villageoises elles-mêmes. Sitôt arrivées à quai, soit elles étaient chargées sur les navires, soit elles partaient vers leurs lieux de consommation.
Figure 41. – Les berges du port de Rouen au début du xvie siècle.

Miniature du manuscrit de : Le Lieur Jacques, Le Livre des Fontaines de la ville de Rouen, 1525 (Bibliothèque municipale de Rouen, Ms g 3).
Figure 42. – Représentations de quais au Moyen Âge.

No 1 : BnF, ms. fr. 51, fol. 118 ; no 2 : BnF, NAF 24920, fol. 18 ; no 3 : BnF, ms. fr. 9342, fol. 179 ; no 4 : BnF, ms. fr. 6465, fol. 284 vo ; no 5 : BnF, ms. fr. 9342, fol. 30.
117Il ne faut pas exclure, en effet, que ce comportement dominait parmi les populations littorales. Bien qu’excessifs, les témoignages iconographiques sont porteurs d’une certaine réalité. L’inexistence de bâtiments d’entrepôt dans la plupart des zones portuaires expliquerait le silence des sources écrites à leur sujet. Un port étant par définition positionné à un endroit sensible, au niveau d’un nœud de communication, il exposait à la convoitise les objets d’une certaine valeur qui s’y trouvaient. De ce fait, il était susceptible d’attirer des miséreux et des pillards de toutes espèces, depuis le pirate en quête d’un butin jusqu’au soldat désireux de prélever sa pitance sur l’ennemi. Pas plus qu’ailleurs dans les terres, il n’était question de laisser des biens dans un lieu sans qu’ils ne soient placés sous la surveillance directe de leurs propriétaires. Tout cela relève du bon sens. Nous devons donc prendre garde de ne pas transposer de façon anachronique les représentations surfaites d’une économie portuaire florissante, telles que celles commandées au xviiie siècle par le pouvoir français dans le but d’impressionner le rival anglais. Au Moyen Âge, les berges des ports étaient avant tout des lieux de manutention, plus rarement des lieux de stockage, à plus forte raison si le havre ne se trouvait pas à proximité immédiate des acteurs de la vie maritime. Les denrées et les objets de valeur étaient réfugiés à l’abri des enceintes, dans les magasins et les coffres des commerçants prévus à cet effet. Et, finalement, ce sont les ports intérieurs, protégés par les murailles urbaines et situés au contact des habitations, de leurs greniers et de leurs hangars, qui offraient sur ce point les meilleures commodités. Ceux de La Rochelle, Nantes, de Vannes, d’Harfleur, d’Honfleur, d’Abbeville et de Bruges proposaient ce type de configuration.
118Il est toutefois nécessaire de tempérer notre constat général, quelques exemples démontrant, sinon le contraire, tout du moins une certaine variété des situations. Le souvenir de déprédations particulièrement retentissantes atteste la conservation, à même les quais, de quantités non négligeables de marchandises. En 1197, remontant la Somme, Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre, fondit sur le havre de Saint-Valery. Les navires alors en station furent brûlés et les magasins du port pillés230. Au début des années 1290, alors que les Normands et les Bayonnais se livraient une guerre sans merci, les premiers débusquèrent plusieurs de leurs adversaires « en le chay de La Rochele », c’est-à-dire à l’intérieur du bassin fermé par une chaîne, et leur volèrent les biens qu’ils entreposaient sur le port231. Lorsqu’en août 1388 Richard, comte d’Arundel, attaqua Marans, ses habitants s’étant réfugiés dans le château, il fut en mesure avec ses troupes de dérober dans les hangars donnant sur le fleuve 400 à 500 tonneaux de vin et 400 à 500 tonneaux de blé et de « chairs sallées232 ». Vers 1405, c’est Fécamp qui fut la cible des Anglais. Selon la chronique de Pierre Cochon, ils pillèrent « tout le hable233 ». Des razzias de la sorte affectèrent aussi Boulogne en 1339, 1354, 1377 et 1435234.
119À Redon, les quais étaient en partie bordés par les salorges, ces entrepôts à sel, produit sur lequel reposait l’essentiel du trafic local235. Pour les ports de grande importance, les magasins sont mieux éclairés par les textes. C’est le cas de Bordeaux et de La Rochelle qui présentent, malgré une configuration portuaire dissemblable, beaucoup de similitudes en la matière. Selon Jacques Bernard, « il y eut toujours des chais, des maisons, et même des “oustaus”, en bordure de la rivière, à l’extérieur de la muraille, et surtout là où celle-ci s’écartait notablement de la berge236 ». Ces bâtiments formaient souvent un seul et même ensemble au sein duquel leur propriétaire distinguait deux espaces fonctionnels : « l’oustau » était le lieu de vie et de résidence, le chai était l’annexe où l’on entreposait les marchandises (vin, céréales, bois, etc.). Sandrine Lavaud a identifié 352 chais dans les sources bordelaises de la fin du Moyen Âge. La plupart se trouvaient dans la ville elle-même, inégalement répartis. Beaucoup étaient concentrés au sein du quartier de Tropeyte, mais il s’en trouvait en réalité à proximité de toutes les portes de la ville donnant sur le port, au niveau des quartiers Saint-Éloi et Saint-Michel notamment237 (fig. 43). Ainsi le marchand Fortaney Dupuy, dans le premier quart du xvie siècle, disposait le long du fossé des Salinières de sa maison d’habitation, avec la boutique au rez-de-chaussée et, à proximité, d’autres bâtiments qui lui servaient de lieu de stockage238.
Figure 43. – Le complexe portuaire de Bordeaux à la fin du xve siècle.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
120Il faut rappeler ici qu’en théorie, l’espace interstitiel situé entre l’enceinte et le fleuve relevait du domaine public. Selon les règles d’intérêt général, les autorités étaient censées garantir des commodités de circulation sur ces territoires limitrophes de la ville, ouverts à tous, appelés « padouens » en Bordelais en raison de leur statut de communaux239. Cependant, dans les faits, les intérêts particuliers avaient eu raison de ce principe et certains emplacements furent accensés au profit de négociants afin qu’ils puissent implanter leurs propres entrepôts. Ainsi, le roi et la coutume autorisèrent au xiiie siècle les propriétaires de parcelles situées en bordure de la Garonne à y bâtir des chais et des maisons. Une enquête fut commandée par le roi d’Angleterre en 1261 afin de régler plusieurs litiges l’opposant à la commune de Bordeaux. Quatorze commissaires furent mandatés à cet effet et leur travail aboutit à la reconnaissance, le 29 octobre 1262, des droits dont les Bordelais pouvaient disposer sur les « padouens240 ». Parmi eux on peut noter :
« Item, didem que, deu puyaduy Sent-Miqueu entro a l’ester Sancta-Crotz, no sian feytas maysons dejus, ni sia pausat aucuns enbarguament perdurable ; empero chays poyran estre feytz aqui medis, cum no sian enbargament, mas amelhurament deus locs ; empero lodeyt chay et rybatge son et remanen paduent perdurablament.
Item, didem que, de la moyson Aramon de Casse entro a Ester-Major, no sian maysons dabant las maysos dejus, ni sia pausat aucuns enbargament perdurables.
Item, didem que ly chay et las aribas qui son de la tor de Tropeyta entro a la mayson Miqueu de Medoc son paduent ; empero ly chay poyran estre feyt aqui medis, cum no sian enbarguament, mas, ayssi cum deyt es, amelhuramentz deus locs ; lycau chay aremanguan en perdurable etat paduent.
Item, de las vazas et de las aribas, didem que la proprietat d’eras es d’aquetz qui las maysos o las terras han plus promedanas.
Item, didem qu’ens murs de la Vila no deven estre portas, si no son publicas et comunaus, et que ayen vias publicas a intrar et yssir ; empero ly chay qui son de la mayson n’Arufat Beguer entro a la mayson en Pey Andron deven aver portas ayssi cum en lurs propris murs ; et las vasas son propris d’aquetz deuscaus son las maysons entro a la yma de la mar241. »
121Cet extrait rend bien compte de l’opposition qui existait alors entre deux formes d’emploi des berges fluviales : l’une était fondée sur le respect des règles publiques appliquées aux « padouens » et visait à garantir leur usage pour tous ; l’autre s’appuyait sur l’obtention de droits spécifiques dans le but de permettre à des intérêts privés de disposer d’infrastructures en propre. Au final, il semble que cette seconde conception s’imposa souvent sur la première. Ces installations de stockage connurent deux phases d’extension. On en établit d’abord entre le mur romain et le fleuve, ainsi qu’au bord de la rive droite du Peugue, depuis l’embouchure du fossé de Tropeyte jusqu’à celle des Salinières. Puis, une partie d’entre elles se trouvant englobée dans l’enceinte du xive siècle, de nouvelles constructions furent déployées à l’extérieur des fortifications. Sur les 352 chais repérés par Sandrine Lavaud à la fin du Moyen Âge, 23 sont localisables sur la berge portuaire242. Plusieurs mentions rassemblées à leur sujet, qui couvrent la période 1289-1506, sont explicites quant à leur situation : « supra portum maris » ; le « long de la yma de la mar » ; « la muralha entre mech de l’un cap » ; « a Tropeyta versus mare, devert la mar243 ».
122L’enceinte servant de mur d’appui à ces bâtiments, il apparaît aussi que, pour des raisons à la fois de commodité et de sécurité, elle délimitait souvent les entrepôts des habitations elles-mêmes. Pour décrire leur organisation de façon schématique, disons que ces dernières, édifiées en pierre, se trouvaient plutôt à l’intérieur de la ville, et qu’elles se prolongeaient du côté du port par des chais en bois, des percements dans la muraille autorisant une circulation directe entre les deux espaces. Au niveau du port de la Rousselle, il semble même que, selon Frédéric Boutoule et Sandrine Lavaud, les chais faisaient partie intégrante des fortifications aux xiiie-xve siècles. D’après une mention de 1415, la législation urbaine imposait d’ailleurs aux propriétaires de ces bâtiments donnant sur le fleuve de déposer chaque nuit, auprès de leur jurat, les clefs de leurs portes244. Cependant, ces ouvertures privées, nées d’une tolérance en période de paix, affaiblissaient l’herméticité des remparts en temps de guerre, ce qui conduisait les autorités à les faire parfois boucher. La plupart des chais étaient donc construits, sauf exceptions, dans une zone comprise entre le mur d’enceinte et la laisse des plus hautes mers. Et lorsque la berge était suffisamment large, il existait peut-être même deux rangées d’entrepôts245.
123Les informations fournies par les documents écrits ont été en partie précisées et corroborées par les fouilles réalisées en plusieurs endroits des anciennes rives portuaires. La mise au jour d’une partie du port de Tropeyte, au niveau de la place Jean Jaurès, a permis d’identifier des structures en bois qui ont été interprétées comme les soubassements de plateformes de chais, fondés sur pilotis à la fin du xiie siècle (fig. 44). Leur principe de construction est identique sur l’ensemble du site. Des pieux de chêne furent fichés parallèlement au fleuve, sur 2,50 m de profondeur et à intervalles réguliers de 2,50 m environ. Ils étaient liés au moyen de traverses qui maintenaient également une série de planches disposées verticalement. L’ensemble était consolidé par des jambages disposés à l’intérieur de la structure. Ces chais, édifiés en surélévation par rapport au niveau de la berge, afin d’être hors d’atteinte des excès du fleuve, étaient accessibles depuis la zone d’atterrissement au moyen d’escaliers. Ils furent démolis dans la seconde moitié du xive siècle, probablement dans les années 1370, au moment de la construction du rempart de la troisième enceinte ; et l’archéologie n’a pas permis pour le moment d’exhumer les bâtiments qui les remplacèrent au plus près du fleuve246.
Figure 44. – Le port de Tropeyte du dernier tiers du xiie siècle au dernier tiers du xive siècle.

Gerber Frédéric, Des rivages garonnais de Burdigala…, op. cit., livre I, p. 84 : plan interprétatif des données des fouilles de la place Jean Jaurès et de Gabriel.
124La Grande Rive du port de La Rochelle, réservée au trafic commercial, accueillait une intense activité (fig. 45). Ici aussi, les remparts qui la bordaient avaient été employés comme murs d’appui pour les installations du négoce toujours plus nombreuses. Certaines maisons situées dans l’enceinte se prolongeaient à l’extérieur des murailles, au moyen de simples auvents ou de chais. D’abord provisoires et en bois, ces constructions n’avaient pas tardé à s’imposer de façon permanente. Au xiiie siècle, le pouvoir royal s’était vite inquiété de ces installations dans lesquelles les marchandises étaient à la fois stockées et échangées, ce qui ne facilitait pas la tâche des agents chargés de lever les taxes. Louis IX, par la construction en 1261 de halles près du port, envisagea de créer un lieu de vente obligatoire. Mais les Rochelais boudèrent l’endroit, de telle sorte qu’ils obtinrent en novembre 1267 sa suppression en échange d’une compensation de 6 000 livres247.
Figure 45. – Le port de La Rochelle à la fin du xve siècle.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
125Ces magasins privés situés sur la Grande Rive connurent un développement assez anarchique. Ils tendaient d’ailleurs à dissoudre les fortifications dans leur propre architecture. La limite réelle entre le port et la ville s’en trouva de moins en moins marquée. Il est vrai que l’échevinage obtenait par ce moyen la possibilité de reporter une fraction des frais d’entretien de l’enceinte sur les propriétaires de ces bâtiments. Sous certaines conditions, il autorisa même les bourgeois à percer dans les murailles des portes et des fenêtres, de sorte que ces murs passèrent, en pratique du moins, du domaine public au domaine privé248. Quelques-unes de ces maisons apparaissent dans les sources. Le 31 août 1423, le notaire Boutin enregistra la location du « grant celier et maison qui fu de feu sire Jehan Fouquer249 ». Les comptes rendus de deux interrogatoires menés auprès d’un marchand rochelais et d’un facteur de Jacques Cœur en 1456 et 1457 mentionnent « une maison […] que on appelle le Grant Sellier, assise ou Perrot, et une grant maison qui est sur le port dudit lieu de La Rochelle250 ».
126Le laxisme de la commune n’était pas sans poser quelques problèmes ou dangers. Les risques d’incendies menaçaient à chaque instant. En 1339, l’abandon de plusieurs « maisons, kais et places » avait inquiété le roi, non seulement du fait du manque à gagner, mais aussi parce qu’il faisait peser une grande insécurité251. Les ouvertures privées, difficilement contrôlables, pouvaient être utilisées comme voies d’accès au commerce interlope. C’est ce que rappela un procureur du roi au xvie siècle, dans une enquête des années trente252. D’autre part, elles fragilisaient les moyens de défense de la ville. En 1404, les Anglais s’étant approchés de La Rochelle, et y sachant la présence d’une forte garnison, avaient préféré employer la ruse pour s’en emparer. Un écuyer anglais, d’origine rochelaise, demanda à son frère qui habitait une maison touchant au mur de l’enceinte, d’y pratiquer une entrée souterraine, en échange de 500 écus d’or. Si finalement le plan échoua grâce à une dénonciation, cette affaire montre que, fermant les yeux sur le relatif désordre qui régnait sur les rives, la ville fragilisait ses défenses à l’égard du port253. Le pouvoir le comprit parfois. En 1467, alors qu’on craignait une descente organisée par le duc de Bretagne sur La Rochelle, le roi imposa à la ville de « fermer et murer toutes les portes des quais et maisons qui ont leur aspect sur le havre de cette ville ». Cela fut fait aussitôt. Mais, rapidement le corps de ville se plaignit auprès du roi « de l’extrême incommodité comme la fermeture de leur bouche et de leur commerce » et demanda leur réouverture, ce qui fut autorisé à la condition expresse qu’il veille soigneusement à sa garde254. Enfin, l’accumulation de ces bâtiments gênait considérablement la circulation des marchandises sur les rives. La place venant à manquer, des magasins furent édifiés jusqu’au bord des quais, « empeschent lesdites loges la descharge et descente des marchandises venans audit havre255 ». Tant bien que mal, les charrettes et traîneaux cherchaient dans ce dédale à se frayer un chemin256. Ce fut pour cette raison que Louis IX, commandant la construction des halles, imposa à la ville en 1267 l’établissement de trois rues le long de la rive du Pérot257.
127Les bâtiments d’entrepôt repérés sur les rives des ports de Bordeaux et de La Rochelle font figure d’exception. On leur ajoutera ceux mentionnés dans un texte du 12 avril 1385 qui évoque les celliers situés « dessus le kay dudit lieu de » Harfleur258. Là, la place manquait cependant. Le développement au xive siècle d’une station navale nécessita que soient conservés dans de bonnes conditions l’armement et les poudres. On procéda dans un premier temps à la location ou à la réquisition des maisons adjacentes pour disposer d’espaces de stockage ; puis, comme en 1370, le roi fit procéder à l’acquisition de certaines d’entre elles259. Il semble que des magasins avaient été aussi installés directement sur les quais du port d’Eu. Un règlement municipal de 1301 précise que le vin pouvait être « herbegié sus terre », mais aussi stocké aux « granz voutes » et « petites voutez », ainsi qu’au « chelier260 ». Terminons cet inventaire en mentionnant qu’à Dieppe, en 1408, un marchand dieppois, Bérenger Vasselin, loua au receveur local une « seulle ou cellier » sur les quais, pour y entreposer le fer amené par une nef d’Espagne261.
128Les sources ne mentionnent d’entrepôts ni le long des remparts de Nantes, ni aux abords de ceux de Rouen au Moyen Âge. Dans le premier cas, seul le secteur de la Fosse, établi en aval de la ville, était flanqué de quelques habitations de marchands qui formaient une sorte de faubourg. Elles apparaissent dès le xive siècle dans un acte du duc Jean V262. En 1480, Guillaume Guidelaye et Pierre Boucher cédèrent la rente qu’ils possédaient sur une de ces maisons263. Avec le succès de ce port, elles étaient devenues tellement nombreuses que François II envisagea en 1485 de les faire abattre afin qu’elles ne nuisent plus à la sécurité de la cité264. Quant aux rives du havre de Rouen, elles ne comportaient, semble-t-il, aucun bâtiment. Lorsque des denrées étaient stockées malgré tout à cet endroit, elles demeuraient donc à l’air libre, exposées aux crues, aux grandes marées, au mascaret et aux gelées qui menaçaient de les emporter ou de les avarier. L’espace manquait pour les entreposer correctement, en raison du faible écart entre la muraille et le bord de l’eau, mais également parce que certains particuliers avaient obtenu des terrains sur la berge pour en faire leurs jardins. En effet, le port n’était pas uniquement à l’usage des gens de mer. Les paysans venaient y faire boire leurs bêtes, entre les bateaux. Aussi un grand désordre régnait le long des rives rouennaises, d’autant que les habitants eux-mêmes n’hésitaient pas à y déverser leurs ordures, ni les marins à abandonner leurs matériels navals inutiles265. C’est ce qui motiva l’initiative d’un règlement en 1495 afin que des « lices et barrages seroient faictes au long des kays, des murailles, à la rivière de Saine, et que nul ne mist aucune marchandise dedans icelles lices, qui seraient faictes affin que les marchans voient leurs marchandises descendre de lad. Rivière et exposer en vente autres marchans, sans estre es fanges, becs et ordures qui sont sur lesdits kays266 ».
129En l’absence, dans beaucoup de ports, de magasins destinés à abriter les marchandises en transit, on les stockait sur les rives à l’air libre. Cela nécessitait cependant un minimum de gardiennage afin que les biens ne soient pas laissés au vu des éventuels maraudeurs. Cette activité est repérable dans les petits ports autour de La Rochelle, au xive siècle. Le fragment d’un parchemin, qui servit de couverture à un volume relié, liste un certain nombre de rémunérations pour divers services rendus. Parmi ces derniers figure la garde des vins déposés aux abords du port du Plomb, confiée à plusieurs individus :
« Mise pour rebatage de vins muez, douelles, arimer et rocher et garder vins sur le port :
‒ À un homme qui garda quatre jours les vins vendus à Yon Guiorel sur le port du Plom.
‒ Item, pour un autre qui a gardé certains vins sur le port du Petit Plom.
‒ Item, pour deux hommes qui ont rullé à Nyoil les vins du petit cellier au grant […].
‒ Item, aux boutenneaux pour l’arimage des vins cestuy an […].
‒ Item, pour un homme qui garda certains vins au Plom par III jours et pour la despense de Messire Jehan Gousse qui les livra267 […]. »
Les berges portuaires : des espaces commerciaux ?
130Il convient de s’interroger aussi sur les éventuelles activités commerciales qui pouvaient être pratiquées sur les berges portuaires, à plus forte raison lorsque ces dernières servaient à l’entrepôt de marchandises. À la lumière de ce que nous savons des foires, des halles et des marchés, lieux réservés par les autorités seigneuriales pour accompagner, encadrer et contrôler la vente des denrées, la réponse n’est pas univoque268. Pour résumer, il semble qu’au cours des périodes troublées, celle de la mise en place de l’ordre féodal jusqu’au milieu du xiie siècle, puis celle de la guerre de Cent Ans, les emplacements réservés aux échanges ont été systématiquement positionnés à l’abri des remparts des châteaux et des villes, ainsi que dans les enclos ecclésiastiques protégés par la législation conciliaire. Mais durant la paix relative qui domina la seconde moitié du xiie siècle et le xiiie siècle, puis de nouveau, à partir des années 1450 et du rétablissement d’un contexte économique pacifié, certains sites commerciaux furent établis ou dépaysés hors du castrum et des fortifications, en même temps que s’élargissait le territoire urbain. C’est donc le cas par cas qui prévaut dans ce domaine, à l’image de ce que nous avons pu observer à propos des infrastructures de stockage ; avec tout de même, une orientation générale qui se dégage : les berges et les eaux portuaires étaient majoritairement écartées des opérations commerciales.
131En dehors de l’explication sécuritaire que nous venons de rappeler, d’autres raisons justifient cette réticence à laisser les échanges se conduire hors du champ urbain ou des environs fortifiés du château. Le marché revêtait une importance politique, sociale et économique capitale pour les autorités seigneuriales qui, les fixant à proximité de leur centre de pouvoir, manifestaient ainsi leur domination sur les hommes et leurs biens. Il nécessitait que les instances de tutelle investissent dans des installations pérennes, proches des consommateurs, propres à abriter correctement les vendeurs, les acheteurs et les biens. Il était un moyen de réguler les flux de marchandises, d’assurer leur bonne distribution et de stimuler l’importation de produits extérieurs à l’espace seigneurial. Il facilitait le prélèvement des taxes. Il permettait de contrôler la concurrence étrangère. Toutes ces préoccupations suscitaient la création de règlements et d’infrastructures dont le champ d’exercice et d’implantation était assez logiquement le périmètre clos de la ville ou du bourg castral. On en trouve l’illustration dans les « coustumes de Lybourne » synthétisées par Pierre Garcie dans son routier. Selon lui, « tu ne hoserois vendre [des marchandises] hors la ville269 ». Et à Dieppe, lors de l’harengaison, les cargaisons de poisson déchargées par centaines devaient être conduites sur la place située devant l’hôtel de la vicomté pour être vendues270.
132Faisons remarquer de surcroît que, dans les villes portuaires d’une certaine importance, pour faciliter le commerce de gros, avait été institué bien souvent le métier règlementé des courtiers. Leurs activités sont particulièrement perceptibles à Bayonne, à Bordeaux, à Rouen, à Harfleur, à Fécamp, à Dieppe, à Eu, au Crotoy, à Abbeville, à Montreuil-sur-Mer, à Calais, à Saint-Omer, à Bruges et à L’Écluse, et dans bien d’autres places de commerce plus modestes271. Ces professionnels, dont les droits et devoirs variaient d’une place à l’autre, avaient communément pour rôle de mettre en relation les acteurs économiques locaux et étrangers, de servir d’interprètes et de les accompagner jusqu’au moment de conclure leurs transactions, sans y prendre part pour autant. Par ce moyen, il n’était pas nécessaire d’avoir recours à un lieu d’exposition public des marchandises grâce auquel vendeurs et acheteurs se rencontraient. Les produits étant le plus souvent stockés et mis à l’abri dans des chais, des greniers et des magasins situés auprès de l’habitat des hôtes et autres bourgeois, c’est aussi là qu’ils étaient visibles et mis en vente par l’intermédiaire desdits agents de courtage. Notons qu’il arrivait toutefois que la qualité des biens échangés soit appréciée dès leur déchargement, avant qu’ils ne rejoignent leur bâtiment de dépôt.
133Tous ces éléments concourent à penser que, en règle générale, les négociants ne concluaient pas leurs transactions sur le port lui-même. Mais à Bordeaux, La Rochelle, Harfleur, Eu et Dieppe, où certaines marchandises étaient entreposées et étalées sur les berges, peut-être que, malgré tout, la chose était pratiquée ; idem à Rouen, au moment du déchargement, comme semble l’indiquer le règlement de 1495272. Ce sont là, nous en convenons, beaucoup de conjectures. Essayons de les mettre à l’épreuve en tentant de repérer le lieu d’exercice des notaires qui travaillaient auprès des acteurs du commerce et du transport par voie de mer. Les registres de la seconde moitié du xve siècle, conservés pour Bordeaux et La Rochelle, ne permettent qu’exceptionnellement de connaître le lieu précis où était contracté l’accord entre les négociants (affrètements, connaissements, reconnaissances de dettes, contrats de construction navale, etc.). Quelques-uns de ces professionnels avaient fait de la clientèle des milieux maritimes une spécialité de leur exercice. Mais faut-il en conclure qu’ils établissaient leurs minutes à même les quais, avec « escriptoire » et « manuel », au milieu des marins et des débardeurs, pour les grossoyer ensuite en ville, au calme de leur étude ? Cela pouvait exister en effet. À Bordeaux, il arriva qu’à cette époque, des notaires installés dans le quartier Saint-Michel, à proximité du fleuve, se rendent hors les murs, sur les berges du nouveau secteur portuaire des Chartreux, pour instrumenter auprès des marchands ; ce qui faisait écrire à Jacques Bernard qu’ils travaillaient « dans les chais, et même à bord273 ». Mais il serait bien hasardeux de penser que cette pratique était, dans ce secteur, courante à la fin du Moyen Âge.
134Là où les choses sont plus certaines, c’est au sein de l’espace flamand. Une liberté assez unique semble avoir concerné plusieurs de ses havres. En effet, selon l’article dix-sept des privilèges accordés en juin 1262 par la comtesse Marguerite aux commerçants de La Rochelle, de Saint-Jean-d’Angély, de Niort, du Poitou et de Gascogne, venant trafiquer à Gravelines274 :
« nous faisons asavoir à tous ke li venderes i doit paier de chascun touel de vin ki vendus sera en l’iauwe dou dit port quatre tornois, et de celui c’on vendera à terre seche ou en la vile de Gravelinghe, soit en celiers ou desors, quatre deniers de le monoie de Flandres de chascun tonel ».
135À Gravelines, il était donc autorisé dès le xiiie siècle de vendre directement du vin en gros sur les bâtiments qui en importaient. C’est une pratique qu’il paraît possible d’identifier également à L’Écluse. Le règlement de « l’étaple » de Bruges du 9 avril 1324 statua en effet que, dans ce port concurrent de l’embouchure du Zwin, « toute manière de frez poisson de mer et de bles et sel pourra avoir sa vente au bort de la nef275 ». Par la suite, l’arbitrage d’un conflit survenu entre les gens de L’Écluse et les Brugeois, prononcé par le duc Philippe le Bon le 5 novembre 1441, indique au surplus que ses courtiers pouvaient pratiquer leur métier « en eau et sur terre276 ».
Les opérations de chargement et de déchargement
136Si les berges portuaires servaient en définitive assez peu de lieux d’entrepôt, elles avaient en revanche pour fonction systématique de permettre le transbordement des marchandises, c’est-à-dire d’assurer la connectivité terre-mer, voire aussi fleuve-mer dans certains cas. Les opérations de chargement et de déchargement sont par nature délicates. Elles exigent que le navire puisse approcher la rive au plus près sans risquer d’abîmer ses fonds, qu’il soit arrimé fermement afin d’assurer une stabilité suffisante et que le transfert des produits – surtout si leur poids est élevé – ne soit pas trop compliqué ni trop pénible pour les hommes qui s’en occupent.
Les grèves et les berges faiblement aménagées
137Selon les situations, les berges étaient différemment configurées à cet effet. Le cas le plus simple et le plus courant est celui des embarcations tirées à sec ou échouées sur une cale (fig. 46). En Bretagne par exemple, les textes se contentent le plus souvent de signaler la « rive », simple mot pour désigner l’endroit de la berge où aboutit un chemin, où viennent converger les navires et où l’on a établi la « chaussée » ou le « pavé » du port. On rencontre cette configuration élémentaire à Auray, à Brest, à Landerneau, à Paimpol, à Quimper, à Tréguier, à Morlaix, à Pont-l’Abbé, à Dinan277, etc. Dans ces circonstances, la qualité naturelle du rivage, formé de sable, de gravier ou de vase – ces matériaux pouvant être aussi mélangés – faisait souvent l’affaire. Les seuls travaux d’aménagement consistaient à débarrasser le sol de ses éventuelles aspérités rocheuses et, si nécessaire, à le niveler et à le stabiliser au moyen du lest déposé par les navires étrangers278. Les textes ne les décrivent pas explicitement. Aussi, il faut s’en remettre à l’archéologie pour en saisir l’aspect.
Figure 46. – Opération de déchargement d’un navire en bord de cale.

Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum, Hs. 998 : extrait d’un manuscrit de 1441.
138Ici encore, les fouilles réalisées à Bordeaux nous sont d’un grand secours. L’analyse des éléments rocheux exhumés de l’ancienne terrasse alluviale de la Garonne, lors des fouilles des places Jean Jaurès et de la Bourse, a mis en évidence d’abondantes quantités de galets allochtones de différentes provenances. Manifestement, il s’agirait d’un mélange composite de lests déposés par des vaisseaux venus chercher du vin. Les matériaux sélectionnés furent réemployés pour consolider les berges et former des cales sur lesquelles les bateaux pouvaient venir se poser. La forme arrondie et les petites dimensions des cailloux composant ce lest permettaient d’éviter que les coques ne s’abîment à leur contact. Ils convenaient donc parfaitement à cet usage279. Les fouilles conduites dans les basses vallées de la Charente, de la Loire, de la Seine ou de la Canche, n’ont pas permis quant à elles de mettre au jour des sites médiévaux comparables. Signalons toutefois qu’au niveau des ports antiques de Rezé et d’Aizier, des cales couvertes par des dallages de pierre en grand appareil ont été mises en évidence280. Ce mode d’aménagement de la berge ne se connaît plus au Moyen Âge, pas plus d’ailleurs que l’emploi de la pierre de taille qui fut substituée au bois.
Les quais
139Dès lors que la taille croissante de certains bâtiments ne permit plus qu’on les posât à même une rampe de déchargement, il fallut souvent entreprendre la construction de quais, c’est-à-dire de structures s’avançant dans l’eau, capables d’être accostées à flot (fig. 48). Les sources les évoquent sous diverses appellations et orthographes : « cail », « cay », « kay », « quai ». Jacques Bernard considérait qu’à Bordeaux, comme à Rouen et à Nantes, ces termes ne désignaient en réalité que des cales ou des berges à peine aménagées281. Ce constat paraît en effet s’appliquer au cas bordelais, en raison de la hauteur du marnage qui ne facilitait pas le déploiement d’infrastructures de ce type282. Il en allait sans doute de même pour les quais de Rouen, évoqués à plusieurs reprises au cours des xiiie-xve siècles283. En 1199, on déchargeait les marchandises à même la rive, apud ripam284. L’article LIII du coutumier de la vicomté de l’Eau y fait explicitement référence, lorsqu’il règlemente le stationnement des nefs « à kais Rothom », indiquant à l’occasion que certaines portions de ces quais appartenaient à des particuliers qui détenaient également des navires de commerce285. Et d’après la très belle vue qui nous en est donnée dans Le Livre des Fontaines de la ville de Rouen de Jacques Le Lieur, daté 1525, ne figure toujours qu’une longue grève en pente douce, sans installation véritable en bord d’eau (fig. 47)286.
Figure 47. – Les quais de Rouen au début du xvie siècle.

Bibliothèque municipale de Rouen, Ms g 3-5, vue 01 : miniature du manuscrit de Le Lieur Jacques, Le Livre des Fontaines de la ville de Rouen, 1525.
140Par contre, s’agissant du complexe portuaire nantais, il y a tout lieu de penser qu’il fut doté, par endroits, de structures en bois auxquelles les bateaux pouvaient être accostés et fixés. Au nombre des travaux engagés en 1495-1497 et consignés dans un registre des mises, on dut « amarer les estapes [pieux] du port Brient-Maillart ». En d’autres termes, cette portion de rive était vraisemblablement bordée d’une sorte d’estacade le long de laquelle les navires s’arrimaient287. Elle fut même consolidée à la même époque par un appareillage de pierres. C’est ce que laisse entendre l’emploi à cet endroit durant seize semaines, à partir du 18 juillet 1492, de 20 maçons et de 30 ouvriers serviteurs288. Les travaux durèrent en réalité plusieurs décennies pour s’achever en 1549, grâce notamment à l’aide financière apportée par la Communauté des Marchands de la Loire289. Cela n’avait en réalité rien d’exceptionnel et, dans bien d’autres situations, nous sommes en mesure d’attester l’existence de véritables quais.
141Ceux de La Rochelle nous sont assez bien connus. Les pourtours du port étaient répartis selon deux grandes zones d’activités. La Grande Rive, coupée par le chenal de Verdière, s’étendait de la tour de la chaîne au pont Saint-Sauveur. Elle était réservée aux opérations commerciales. La Petite Rive, dite aussi « quai du Roi », subdivisée en deux terre-pleins – ceux de Saint-Nicolas et de « la Grave », séparés par un chenal qui s’achevait en cul-de-sac au niveau de la herse du faubourg – partait de ce pont pour rejoindre la tour Saint-Nicolas. Elle était à l’usage des chantiers navals. Georges Musset rapporte qu’à la suite de plusieurs travaux exécutés quai Duperré et cours des Dames à la fin du xixe siècle – c’est-à-dire le long de la Grande Rive – d’anciennes structures de quais furent mises au jour. Elles étaient stabilisées et soutenues par une association de pilotis fichés dans la vase et de palplanches290. Ces aménagements sont consignés dans la documentation écrite. Certains propriétaires de chais possédaient la bande de terrain attenante qui se prolongeait jusqu’aux eaux portuaires. C’était le cas par exemple d’un certain Jehan Belestot. En 1423, il louait une maison et son cellier « avecques les kays et vaze a icellui appartenant291 ». Très fragmentés, ces quais étaient pour une bonne part aux mains de particuliers qui payaient pour cela un cens au roi. Ces tenanciers étaient autorisés à lever pour eux-mêmes une taxe sur les navires accostant, dont le montant était fixé par l’échevinage, à la condition qu’ils en assurent l’entretien292. En 1361 et 1362, les enfants de Guillaume Monstrant payaient 30 sous de cens par an pour leur « place et quay qui est devant les Carmes293 ». Une de leurs descendantes les possédait toujours en 1423294. Le 8 juin 1424, Denis Jouhet loua pour trois ans à un nommé De Palerac, pair de la ville, « les kays et vases qu’il a ou Pierrot [Pérot], joignant à la venelle aux Vigneronx et au kay et vase de Marie d’Espaigne », pour la somme de 60 livres tournois295. Par un arrêt du 5 août 1360, Louis Buffet ayant été fait successeur de Guiart de La Gravelle, reçu certains quais appelés « les kais de La Rochelle », d’une longueur de deux nefs. À ce titre, il fut autorisé à lever un droit de « kayage » et ainsi que « le proffit desdiz kays et de la vase », contre un cens annuel de 50 sous296. On imagine la vive concurrence qui devait exister entre les tenanciers de ces portions de rive. Du nombre de bateaux accostant sur leur quai dépendait l’importance de leurs revenus. Lorsqu’un navire attaché à l’un d’eux débordait sur le voisin, les tensions ne devaient pas manquer de surgir.
142Si la ville est apparue assez laxiste à l’égard du développement anarchique des chais, elle fut en revanche déterminée à résoudre les problèmes posés par la parcellisation des rives. Ajoutons que les bénéfices procurés par les droits de « quaiage » ne furent sans doute absents des motivations échevinales. Dès qu’une opportunité se présentait, elle se portait acquéreuse des sections de quai. Amos Barbot relate que le premier juillet 1395, par un accord passé avec Maître Thierry Jarmingault et sa femme, l’échevinage leur acheta les berges qu’ils possédaient297. En fait, le différend remontait à 1388. Le couple et la commune se disputaient alors la propriété « de certains kays, porte et vaze seans sur le port et havre de la dicte ville de La Rochelle avec les chennaux, voyes, usages et autres droiz et choses appartenans ausdiz kays ports et vase ». Après plusieurs procédures qui tournèrent toutes à l’avantage des Jarmingault, un compromis fut trouvé le 8 août 1399. Le corps de ville accepta de leur laisser la jouissance de ces quais en échange de plusieurs places situées au carrefour des « petiz bans298 ». Le chroniqueur rochelais précise que ce contrat fit force de « reiglement […] pour tous les autres quais ». Si bien qu’en 1408, la ville affirma que ses bourgeois étaient depuis toujours exemptés des droits levés sur « la place publique […] appellée la Grande Rive299 ».
143La détermination rochelaise apparaît encore plus forte à l’égard de la Petite Rive. Durant tout le xve siècle, ce sujet opposa les procureurs royaux à l’échevinage. L’affaire débuta en 1400, quand les gens de la commune contestèrent l’affermage fait par le receveur du roi des « cais et vases qui estoyent dans le bourg Saint Nicollas, au long de l’achenal dudict port de la grosse tour de la Chaîne, et venant vers la porte dudict bourg Saint Nicollas, et jusques a la porte qui est au pres de la maison dudit Guillaume d’Origne », alors que, selon eux, ils pouvaient utiliser cette place « franchement, sans en faire aucun debvoir au Roy […] ne a aultres300 ». Les bourgeois de la ville y avaient pris l’habitude « d’estendre leurs marchandises pour les mener ailleurs en ladite ville et y faire leurs aisemens et exploitz pour leurs denrees et marchandises301 ». Dans le cahier de doléances rédigé par les Rochelais en 1408 à l’intention de Charles VI, le procureur royal leur répondit que « c’est le propre dommaine dudict sieur que lesditz de la ville s’esforcent aproprier a eux, et des prosfitz et esmolumens qui yssent de la place ou rive dont principallement lesditz de la ville doullent302 ». Il obtint provisoirement gain de cause. Selon des lettres de 1410 et 1411, le conflit avait été tranché en faveur du roi qui réaffirma l’appartenance de la Petite Rive à son domaine303. Mais les Rochelais ne voulurent se résoudre à cette décision. En octobre 1436, l’échevinage acquit l’intégralité de « la Petite Rive et autres choses assises en la cloison du havre d’icelle ville, devers l’église Sainct Nicolas ». Il l’avait obtenu à la suite d’un accord passé avec Charles VII qui stipulait qu’il leur concédait cette place pour qu’ils la fassent « aparfonder, eslargir et creuzer, afin qu’il vint plus grande quantité de navires en ladite ville de La Rochelle ». En échange de la jouissance de ce quai, les Rochelais étaient redevables auprès du souverain d’une rente annuelle de deux marcs d’argent sous forme d’une tasse aux bords dorés, et payable à Noël. Et si au bout de dix ans le contrat n’était pas rempli, ils encouraient le versement d’une amende de 2 000 écus d’or304. En novembre 1461, Louis XI confirma ces droits. Toutefois, le pouvoir royal eut de grandes difficultés à se faire payer cette tasse d’argent que la commune oubliait volontiers d’acquitter. Dans un règlement général, dénommé traité de Marle, établi le 17 juillet 1460, cette obligation fut rappelée305. En 1478, l’échevinage obtint de Louis XI des lettres exécutoires de ses droits sur la petite Rive, à la condition qu’il payât les deux marcs d’argent et qu’il fît réaliser le nettoyage et le curetage du port à ses frais306. Pourtant, les comptes de la recette ordinaire de Saintonge, ville et gouvernement de La Rochelle pour les années 1469-1470 et 1470-1471, indiquent un non-valoir de dix-huit livres à cause de la tasse non perçue. C’est qu’en 1461, 1462, 1467 et 1473, la ville soutint que les Rochelais en étaient exemptés « à perpétuité ». En janvier 1499, Guillaume Pigne, procureur royal, leur réclamait encore cette somme, dont il dénonçait le non-paiement depuis six ans, requête renouvelée l’année suivante par les agents de la duchesse Anne. Quant au receveur général, peut-être découragé, il renonça dans son compte de l’année 1500-1501 à faire figurer la recette ou la mise de cette redevance307.
144Aux travaux entrepris le long des quais de la Petite Rive, la ville ajouta bientôt ceux de « la calle publique de Maubec » en 1457308. En 1490, il est question du quai de la Grande Boucherie309. Enfin, le 24 mars 1493, après avoir racheté trois ans auparavant « des loges, vazes et cays pres la grand rive310 », la ville bailla à la fabrique de Saint-Sauveur, dont la rénovation du portail de l’église nécessitait que soit dégagée une place pour la taille des pierres, les quais neufs situés au pied du bâtiment religieux. Elle autorisa également aux ecclésiastiques, moyennant 60 sous de rente annuelle, l’établissement de nouvelles cales entre le pont Saint-Sauveur et de la porte de la petite rue de la Poterie ainsi que le scellement d’anneaux de fer pour l’amarrage des navires311.
145Un peu au nord de La Rochelle, dans le port de Queue-de-Vache, il se trouvait des quais en grand appareil au xve siècle. Leurs vestiges sont encore visibles aujourd’hui. Construits au cours des années 1436-1450, dans le prolongement d’un des trois étiers percés pour l’occasion, ils étaient formés de gros blocs calcaires alignés sur une quarantaine de mètres. Ils recevaient les vaisseaux qui venaient charger le vin produit aux alentours312. Selon la réglementation fixée par la charte de fondation de ce havre, le lest apporté par les bateaux étrangers devait être déchargé le long de cette maçonnerie pour stabiliser l’aire de manutention adjacente. Dans un acte notarial de 1565 sont encore mentionnés « les grisons et pierre estant au pied des caix de pierre de taille dudit havre313 ».
146En Bretagne, la situation était assez variée et il est souvent bien difficile d’apprécier la réalité matérielle des « caills », des « cays », des « quays » ou des « kays » évoqués dans les textes. Il pouvait s’agir tout bonnement d’aménagements sommaires, de simples cales talutées, de plans inclinés couverts de bois, d’estacades ou de véritables structures bâties en pierre314. Au Pouliguen et au Croisic, à la fin du xve siècle, les navires accostaient le long de quais maçonnés. Selon des comptes de cette époque, un tiers des revenus du Croisic devait être consacré à la « reparacion du caill de Poliguen », et le reste « es reparacion du caill et chasteau du Croesic ». Le 31 janvier 1500, Rolland Le Boteux s’engagea à curer les « atrectz qui sont choaiz au long du cay » du Pouliguen. Le 21 février, on fit « abiller » les « retrectz » qui sont sur le « cay ». Et durant les mois suivants, on procéda à plusieurs autres travaux, visant à réparer les portions endommagées, à construire de nouvelles sections et à stabiliser le remblai contenu derrière les murs des quais315. À Quimperlé, en 1464, un projet d’équipement de ce type fut envisagé, mais finalement abandonné faute d’argent316. À Quimper, c’est le « kay de pierre », situé sur la rive droite de l’Odet, que l’on reprit entièrement entre 1494 et 1496. Il fut maçonné en granit par une équipe d’ouvriers de la ville, et doté de « bouches et anelletz » de fer pour offrir des points d’attache aux vaisseaux317. En agrandissant le « cail » de Lannion à la fin du Moyen Âge, leurs commanditaires en avaient certainement profité pour le consolider de pierres. Et à Tréguier, durant la même période, le port semble avoir été doté lui aussi de maçonneries substantielles. En 1575, un acte du Parlement de Bretagne rappelle que :
« antiennement a esté basty et construict le quay qui y est aujourd’huy, estant ung des plus beaulx quays dudit pays, en forme de ravellin, de largeur de 80 pieds ou environ et de longueur de 250 pas, qui va donner du bout en flanc dans la rivière et bras de mer qui aborde au devant d’icelle ville, garni et ceint de pieces de bois fichées en terre de la haulteur jusqu’au sommet d’icelluy, afin de gariller que lesdiqtes pierres de taille dont ledit cail est garny et remply de terre ne se puissenet desmollyr avecques deux aultres quays, à chacun costé d’iceluy quay du bout devers la terre qui contiennent de langueur de 400 pas, tous deux bastiz de pierre de taille, sy bien accomodez que losrque la mer vient à monter à chacune marée, les navires peuvent venir aysement descharger318 ».
147Dans la basse vallée de la Seine, la présence de quais a été avérée pour une dizaine de ports : Quillebeuf, Caudebec, Aizier, Harfleur, Honfleur, Vieux-Port, la Rivière-Saint-Sauveur, Fiquefleur, Jobles, Le Mesnil-sous-Lillebonne, Tancarville, Jumièges. La plupart d’entre eux n’apparaissent pas dans les sources avant le xve siècle, le plus ancien – à Quillebeuf – datant du xiie siècle. Leur construction procédait de différentes méthodes et faisait appel à des matériaux variés. À Quillebeuf, une série de pieux avait été fichée dans la vase. Ils contenaient un remblai qui nivelait la berge et servaient aussi de points de fixation aux amarres des navires accostant319. Lors des assises de Fécamp de 1208, les moines de Saint-Wandrille poursuivirent Guillaume Mas au sujet de la construction d’un quai à Caudebec, entre sa maison et le fleuve. Cette infrastructure, construite vraisemblablement en bois, figure dans plusieurs autres pièces du xiiie siècle. Plus tard, elle fut complétée par des quais privés évoqués dans des documents du xve siècle320. À Jumièges, on repère dans une enquête réalisée au début des années 1450 l’existence du quai des Tuileries et celui de « Gloerie ». À la même époque, le fermier de la vicomté de l’Eau de Rouen percevait légèrement en amont, au niveau du « quai le Roy » qui était en pierre, plusieurs taxes321.
148Au nombre des lourds travaux entrepris pour assurer le bon fonctionnement du port d’Harfleur, plusieurs concernèrent ses quais. De part et d’autre de la Lézarde, à l’ouest de la ville, se trouvaient ceux affectés au commerce : le quai Dame Agnès, sur la rive droite, et le quai des Billettes, sur la rive gauche. Réalisés en bois, ils étaient « ordinairement occupez pour charger et descharger les marchandises qui affluent en lad. ville322 ». En 1341, Philippe VI octroya certains privilèges aux marchands portugais, et demanda par la même occasion, comme l’avait fait Philippe IV en 1309, « que le pavement et les quays de la dicte ville et les yssus soient doublees et mises en tel estat par quoy eulx et leurs genz puissent bonnement leurs biens et marchandises chargier et descharger323 ». Des privilèges similaires furent accordés en avril 1364 aux négociants castillans trafiquant dans le royaume. Ils stipulent que « les chaussées & quais de Harfleur seront mis en bon estat, afin que les Castillans puissent décharger & charger commodément leurs marchandises ; sans que pour cet entretien, ils soient tenus de payer aucun droits324 ». La mesure fut rappelée en 1398325. Poursuivant les efforts de réfection engagés par son père, Charles VI fit achever ces quais. Celui des Billettes paraît même avoir été réhabilité avec de la pierre en 1394326. Deux ans plus tard, Robin de Gromesnil, chambellan du roi et capitaine d’Harfleur, demandait à Bilart Lambert, receveur des deniers levés pour la confection d’ouvrages au port, de payer la fourniture de 19 livres de métal destinées aux ouvrages du quai du côté de Saint-Aubin327.
149Quant au Clos aux Galées installé au sud de la ville, il était lui aussi équipé d’appontements le long desquels les navires venaient s’amarrer. Le plus important était le quai Hellart, situé à proximité du Pont aux Chaînes. Il avait été élaboré à partir d’une structure de poteaux de bois assemblés par des crochets en fer, le tout retenant les remblais déposés sur la berge pour la niveler. En 1372, on conduisit « de la crique de Graville, en un vaissel, aux caiz de Harefleu, quatre cens pavaiz, plusieurs bacinés et autres armeures recouvrées de cinq galies qui nagaire ont esté desarmees ». Selon une pièce de 1379, un certain Jean Houe possédait – à cet endroit sans doute – « son hostel et le cay de Harefleu ». Et dans une quittance du 14 avril 1385 est rapporté le transport de 500 queues de biscuit jusqu’audit quai328. Quelques pièces des années 1470 font référence à sa rénovation329. Puis, en juillet 1490, on réalisa un nouvel ouvrage, près de la tour coupée, dans le but de faciliter le déchargement des matériaux employés à la reconstruction de la ville330. Enfin, au commencement du xvie siècle, les vieilles structures de bois furent remplacées par un appareil maçonné. Le devis réalisé pour cela stipule les préconisations suivantes :
« Il convient fonder lad. gectée jusques à la certaine terre de cinq piedz ou environ de large de bonnes bittes assises à bon mortier jusques à la haulteur du fons du gravier du havre.
Item. Sur led. fondement convient faire et esliger le parement de lad. Gectée ; lequel parement se fera de quattre piedz par bas revenant à trois piedz par hault. Et se fera led. parement de bonne pierre dure du vau des leux, avec des bittes par derriere. Et le devant dud. parement sera assis à bon chiment avec de bon mortier.
Item. En faisant icelle gectée, conviendra rabiller le trou de l’esteau et le lesser de haulteur et laize et couvert comme il appartient, en sorte que on le puisse vuider quant meslier sera.
Item. Convient faire la derniere assiette de bonne pierre dure, parpaine de trois piedz de let, servante de pavé audessus de lad. gectée de […] par ung bout jusques […] lad.· gectée fauldra entasser des pierres boutiches [?] qui seront arondis par hault qui auront audessus dud. pavé· environ douze ou quinze pousses ou ainsy qu’il plaira à messieurs les ordonner. Et le tout faire bien et deuement comme il appartient331 […] ».
150Les installations de Dieppe sont encore mieux éclairées par les textes. Ici, les berges portuaires, formées de sable et de vase, étaient assez fragiles, ce qui affectait les fondations des maisons et des bâtiments annexes situés à proximité. Cette instabilité était un inconvénient aussi pour les bâtiments les plus importants qui ne pouvaient s’approcher trop près des rives. C’est ce qui motiva la promulgation par l’archevêque de Rouen, le 6 mars 1363, de solutions proposées par son sénéchal pour améliorer l’état du havre. Les Dieppois s’étaient émus auprès de lui du fait « que tous marchans alans mer craignent et redoublent à venir descendre et arriver au hable de nostre dicte ville ne illec converser, tant pour le peril en quoy les vaisseaulx sont à y demourer, pour la ruyne des dis cays, comme pour le deterrement et longue demeure de descarcher ». Ce préambule laisse deviner qu’avant cette date des quais avaient été installés mais leur état délabré réclamait leur prompt rétablissement. Aussi, les bourgeois de Dieppe demandèrent que :
« les cays et couvers du hable de la dite ville peussent être fais et soustenus, afin de eviter aux perilz dommages et inconveniens qui, pour le fait des dis cays non fais, venoient de jour en jour à ladicte ville, à nostre dit seigneur et ensement à tous les habitans et reperans en icelle, tant pour cause du flux et radecourz de l’eaue de la mer, passant par le dit hable que parce que les dis marchans et vesseaulz carchés de derrees, tant de la dicte ville que d’ailleurs, ne povoient ne ne pevent bonnement venir, entrer ne habiter seurement ne converser en ycellui. Meesment que ja plusieurs maisons estolent cheuez et tourneez en ruyne, pour deffault desdis cays et grant nombre d’autres maisons en peril de cheir et de estre du tout perduez. Desquellez choses riens n’a esté parfaict ».
151Afin « que tous les dits cays et couvers seront fait de nouvel, reparez et tenus doresenavant sans deffault », plusieurs mesures fiscales furent instituées : une taxe foncière « sur chacun pié de fache et de nature de maison habitable et ediffiée ou qui pour le temps avenir seront habitables ou ediffieez sur lesdis cays et hable » ; et un droit de « cayage » sur le trafic des marchandises entrant dans la ville332. Mais les crises et la guerre entravaient la bonne continuité des travaux, si bien qu’après quelques décennies, tout paraissait devoir être refait. À l’occasion d’une autre affaire les opposant à un nommé Pierre Fere en 1445, voici comment les Dieppois décrivaient leur ville :
« La ville de Dieppe est noble ville, et les intimez l’ont bien monstré contre les Anglois et leur siege ainsi qu’il est notoire. De Dieppe a Angleterre a petite distance en la derniere partie de Caulx sur la coute de Eu. À Dieppe a port, petite ville et fort, d’un costé assise sur montagne et de l’autre en bas du bas la mer flote aux [nilons], un costé y est qui n’est clos que de pales sur la bouche d’une riviere qui chet en la mer et par laquele les vaisseaulx et nefz qui entrent en la ville abordent aux pales, au bout desquelx a une tour comme l’en disoit en ceste ville a l’endroit de la Tour de Bois. Dieppe est loing du roy, et les Anglois ont fort tache gaigner la ville, et pour y obvier et grever les Anglois l’en a fait plus grans vaisseaulx qui n’estoient quant Dieppe estoit occuppé par les Anglois, et pour les retraire fut advisé qu’il faloit faire un havre, et pour ce faire fut ordonné que du gaing qui [fol. 235v] se feroit sur la mer, la XXXIIme partie en seroit employee a l’evre dudit havre, quant l’en y cuida besoigner les Anglois mistrent le siege qui a esté plus de six mois, par monseigneur le dauphin qui a pour le siege levé my au ostages et ne fut pourveu audit havre, si fut advisé par la ville que ladite premiere ordonnance sortiroit son effet jusques l’en eust obtenu lettres et provision du Roy, et ce pendant par tormente de mer furent abatuz et ruez jus un grant partie desdits pales et fut la ville en dangier333. »
152À ces « pales » – de simples palplanches fichées dans la vase, le sable et les galets – il convenait de substituer de la pierre pour assurer plus durablement la stabilité du quai et des remparts. Il semble qu’on commença à le faire au cours du dernier quart du xve siècle. Dans ce but, en 1478, les Dieppois obtinrent de Louis XI l’autorisation de faire venir des blocs de grès de la carrière d’Ailly334. Indiquons enfin que le « hable » et le « cays » sont évoqués dans diverses rémissions datées de 1473, 1476, 1481335.
153À Calais se trouvaient plusieurs quais à la fin du Moyen Âge, le long des différentes sections portuaires en activité : le Petit Paradis à l’est, réservé aux navires de pêche, le Grand Paradis à l’ouest, pour les nefs marchandes, et le port intérieur appelé « l’Estade336 ». Très abîmés, on entreprit de les réparer en 1361, moyennant la somme de 988 livres. Le 20 juin 1398, sur la demande des Calaisiens, plusieurs dispositions furent prises par Richard II pour préserver les infrastructures du havre qui étaient menacées. Il interdit à ce titre d’arrimer les vaisseaux aux matériaux et aux pierres des quais, sous peine d’une amende de 40 deniers. Mais au début des années 1440, leur état déplorable requerrait à nouveau de lourds travaux. Une estimation de l’époque considérait que 300 hommes étaient nécessaires à leur réfection337.
154Des quais sont également signalés aux xive et xve siècles dans les havres de Royan, de Mornac, d’Olonne, de Vannes, de Morlaix, de Quimper, de Carentan, d’Honfleur, d’Eu, de Saint-Valery, d’Abbeville, d’Étaples, de Dunkerque, de Bruges et de Damme338. Cependant, sans information textuelle plus détaillée ni rapport de fouilles à leur endroit, il est impossible de savoir si leur qualité était comparable à celle observée sur les sites de Bristol, de Southampton, de Londres, d’Hull, d’Anvers, de Gdansk ou de Dordrecht339. Tout au plus, les mentions dont nous disposons à leur égard – en général allusives – même si elles ne permettent pas de les caractériser précisément, témoignent de la présence de réels aménagements des rives dont la fonction était bien de faciliter l’accostage et les opérations de manutention. C’est ce qui justifiait d’ailleurs la perception de taxes afférentes pour leur entretien. Il pouvait s’agir d’un simple droit de rivage, comme dans les ports du golfe du Poitou, qui frappait les bateaux dès lors qu’ils touchaient la terre ferme340. En Normandie, on pratiquait pour cela depuis au moins le xiiie siècle un droit de « heurtage341 ». Ce prélèvement était appelé « pillage » à Caudebec selon un aveu de 1419342. Et, nous venons de le voir, dans la plupart des lieux où se proposaient de véritables quais, les autorités locales ou leurs propriétaires percevaient un droit de « quaiage ».
155L’iconographie médiévale française nous permet en partie de pallier le silence des sources écrites en nous donnant à voir la physionomie de ces aménagements. Lorsque les images ne sont pas trop stylisées, elles sont d’un grand intérêt, à ceci près qu’il n’est pas possible d’identifier les ports qui ont été réellement dépeints. Dans quelques enluminures du xve siècle sont figurées très nettement les architectures portuaires. Prenons par exemple « La geste ou histore du noble roy Alixandre, roy de Macedonne », manuscrit réalisé sur la commande de Jean II de Bourgogne, comte de Nevers et d’Étampes, duc de Brabant343 (fig. 9, 42 et 48). Parmi les miniatures qu’il contient, trois d’entre elles représentent des quais aux traits similaires. On y voit des structures de bois verticales, avancées dans l’eau, composées de pieux contre lesquels ont été fixés des madriers jointifs. Le tout constitue une paroi épaisse, d’allure assez robuste, qui contient le sol en terre battue de la zone de manutention. Il est probable que ce mode de construction était le plus répandu à l’époque. C’est celui qui fut sans doute employé avant que la pierre ne vienne progressivement remplacer le bois dans certains havres. À ce propos, dans le même manuscrit, on reconnaît dans une scène urbaine un mur maçonné contre lequel sont stationnés des bateaux. Un escalier le traverse et permet d’accéder au bord de l’eau. C’est là une manière de se représenter l’aspect des quais lorsqu’ils étaient situés au sein même de la ville, comme à La Rochelle, à Nantes, à Vannes, à Caen, à Harfleur, à Honfleur, à Abbeville ou à Bruges.
Figure 48. – Représentations de quais en bois et en pierre du xve siècle.

No 1 : BnF, ms. fr. 9342, fol. 30 ; no 2 : ms. fr. 9342, fol. 179 ; no 3 : Munich, Bayerisches Staatsbibliothek, Cod. lat. 23 638, fol. 4 ; no 4 : Bruxelles, Bibliothèque royale, ms. 9231, fol. 118 ; no 5 : BnF, ms. fr. 9342, fol. 69 vo.
Manutention « à la planche »
156Qu’ils fussent posés et stabilisés sur une cale, ou fermement arrimés à un quai, les navires étaient en général chargés ou déchargés grâce à une planche fixée entre leur bord et la rive. C’est aussi par ce moyen que les marins et les passagers allaient et venaient sur leur embarcation. Cette pratique est consignée dans le coutumier d’Oléron. D’après ce texte, parmi les frais qui incombaient soit aux armateurs, soit aux marchands, on y mentionne un droit de « planchage ». L’article XCVII précise que « La nefz, non li avers, paie lo planchage, quar toz vaisseaus deit aveir sa planche a entrer et a essir, a charger et a descharger344 ». Selon la déposition d’un témoin questionné lors d’une enquête commandée par Alphonse de Poitiers en 1268, à propos du havre de Port-Neuf situé à proximité de La Rochelle, « naves cargabant vel discargabant ad portum novum, ita quod planca345 ». L’usage de ce procédé de manutention apparaît aussi dans les contrats notariés. Ainsi, dans un acte du 9 novembre 1514, il est consigné que le maître devait « venir à la planche sur le cay de La Rochelle346 ». Ce fut par l’une de ces planches qu’en 1395, l’agresseur allemand d’un bourgeois rochelais s’enfuit sitôt son méfait accompli347. À Eu, dans un règlement municipal de 1355, figure un droit de « planque » de quatre deniers, « et quiconques vourra avoir planque il peut avoir348 ». Et à Bordeaux, il était d’usage de demander l’autorisation au prévôt de l’Ombrière pour décharger ainsi et obtenir une place le long de la berge349.
157À Beauvoir, en Bas-Poitou, selon un compte de 1454, en contrepartie du droit de « planchage » qu’il percevait sur les embarcations transportant du sel, le seigneur du lieu avait obligation de fournir le matériel exigé pour la manutention ; c’est-à-dire des planches mises à disposition dans les différents ports d’embarquement de sa possession. Durant l’année de ce compte, trois livres furent justement dépensées pour l’achat de quatre planches de chêne, sciées dans la forêt voisine de la Garnache, « pour mettre à quatre pors de mer de Beauvoir, qui estoient necessaires pour charger les vesseaulx qui chargent le sel esdits pors350 ». On trouve par ailleurs dans l’iconographie plusieurs scènes de déchargement dans lesquelles figure clairement cette pratique (fig. 49). Selon l’une d’elle, lorsque l’écart entre le navire et le bord de la berge était trop important pour que l’épaisseur de la planche puisse supporter le poids des marchandises à transporter, la pose d’un tréteau en son milieu permettait de l’étayer.
Figure 49. – Représentations de l’emploi d’une planche pour le transbordement à la fin du Moyen Âge.

No 1 : BnF, ms. fr. 126, fol. 7 ; no 2 : BnF, ms. fr. 2810, fol. 86 vo ; no 3 : BnF, ms. fr. 51, fol. 118 ; no 4 : Oxford, Bodleian Library, Ms. Douce 353, fol. 31.
Manutention à l’aide de palans
158En dehors de ce moyen assez rudimentaire de transbordement, nous ne savons presque rien des autres méthodes qui pouvaient être éventuellement employées pour réaliser les opérations de chargement et de déchargement. Il est probable que les plus gros navires disposaient à leur bord de mécanismes de palans, ne serait-ce que pour manœuvrer les tonneaux de vin dont le poids pouvait avoisiner la tonne. Deux articles des Rôles d’Oléron font référence aux cordages qui devaient être embarqués sur les bateaux pour hisser le chargement351.
« [10] Item, ung maistre d’une nef vient a saulvete a sa droicte descharge, il doit monstrer aux marchans les cordaiges onqueulx il guyndera, et s’il voient que il ayt que amender le maistre, le doibt amender, car si le tonnel se perdoit par deffault de guindage ou de cordage le maistre est tenu a le paier aux marchans entre luy et ses mariniers. Et si doibt le maistre paier selon qu’il doit prendre de guindage, et doit le guindaige estre mys a recouvrer le dommage premierement, et le remanent doibt estre party entre eulx. Mais si les cordages rompent sans que le maistre les monstrast aux marchans, ilz sont tenus a rendre le dommage. Mais si les marchans disent : « Le cordage est bel et bon » et les cordages rompent, chascun doibt partir au dommage, c’est assauoir le marchant a qui le vin sera tant seullement et le maistre et les mariniers. C’est le jugement en ce cas. »
« [25] Item, une nef guynde a sa deschage et se mect a seiche ou elle est si jollie que les mariniers prenent a seur voille et la sortir devant ou derriere, lors le maistre leur doit croistre leurs loyers veue par veue. Et si guindent les vins il advient qu’ilz laissent une broche ouverte ou tonnel que l’on guynde, et ne l’ont mye amaree aux cordes au bout de la nef, et le tounel deffraude et chiet et se pert, et en choient il tumbe sur ung aultre tonnel et sont tous deux perdus, lors le maistre et les mariniers les doibvent randre aux marchans. Et les marchans doibvent payer le fret des deux tonneaulx par raison que on leur doibt payer au fru des autres qui sont venduz. Le maistre et les mariniers doibvent mectre leur guyndage premierement a recouvrer leur dommage livre a livre. Les seigneurs de la nef ne doivent rien perdre, car c’est par faulte du maistre et des mariniers de mareer le tonnel. C’est le jugement. »
159L’article 25 laisse entendre que les bâtiments étaient habituellement chargés et déchargés par leurs extrémités avant ou arrière. Les haubans du grand mât central gênaient en effet le passage au niveau des flancs du navire. On préférait donc poser la planche ou manœuvrer les cordages par les bords de la proue ou de la poupe. C’est bien ainsi que les miniatures dépeignent les opérations de transbordement. De surcroît, se pourrait-il qu’avant de recevoir une civadière, les beauprés furent non seulement employés pour le maniement des ancres mais aussi pour le guindage des marchandises ? De tels bras de levier auraient permis de suppléer l’absence de grues le long des quais. Il semble bien que les Hanséates avaient l’habitude de pratiquer cela. C’est en tout cas ce qui transparaît dans l’une des 55 plaintes qu’ils déposèrent aux quatre membres de Flandre en 1434352 :
« [23] Les déchargeurs de la grue refusent de remonter toute pièce de vin contenant plus d’une verge et dénient au marchand la faculté de le faire avec ses propres cordages ; tandis qu’à Dordrecht et à Sluis, on les remonte et transborde à l’aide de la poulie attachée au mât. »
160Les traces de l’usage de ces palans sont elles aussi assez minces. À Hennebont, au xive siècle, l’abbaye percevait un droit de guindage qui consistait en la perception de dix-huit deniers sur chaque tonneau de vin débarqué353. À Libourne, un dispositif de palans pour la manutention des marchandises avait été mis en place. Selon la pancarte locale, une taxe accompagnait son emploi : « Item, pour batteau portant vin qui s’arrete à l’ancre ou s’amarre devant Libourne, paye pour la poulie s’il guinde des vins, cinq sols354. » Et puis, au coeur d’Abbeville, se tenait le port du Guindal, dont le nom à lui seul évoque le treuil servant aux opérations de manutention.
Manutention à l’aide de grues
161À la fin du Moyen Âge, le dispositif de levage le plus abouti en Europe occidentale était la grue. Cependant, il ne s’en trouve nulle part dans les havres du royaume de France, excepté en Flandre maritime. Alain Derville – sans en apporter la preuve malheureusement – considérait que les ports flamands (Calais, Gravelines, Dunkerque, etc.) créés par volonté comtale au xiie siècle avaient été munis de ce type d’engin355. En réalité, la présence de tels instruments est seulement avérée à Bruges, ainsi qu’à Damme et à L’Écluse. Plaque tournante du trafic international, la place brugeoise bénéficia dès la fin du xiiie siècle, comme quelques grands ports de l’Europe du Nord (Gand, Haarlem, Anvers, Cologne, Rotterdam, Hambourg, Utrecht, Londres, Southampton, Bristol), de la diffusion d’instruments mieux adaptés à son trafic. Les grues permettaient de rationnaliser l’espace portuaire, d’une part, de faciliter et d’accélérer le transit des produits, d’autre part. Leur entretien était financé par une taxe appelée « cranage356 ».
162Les caractéristiques de ce type de machine sont connues notamment par les représentations iconographiques qui en ont été faites aux xve et xvie siècles (fig. 50 à 52)357. S’agissant de la grue de Bruges, la première mention qui y fait référence date de 1288. Dans un acte du 19 février 1293, on apprend que la ville acquit un terrain « en le rue flamenghe » où se trouvait la grue358. Située le long du canal par où arrivaient les bateaux en provenance de Damme et de L’Écluse, elle était la propriété de la commune qui l’exploitait directement ou en affermait les revenus. Construite en bois et entièrement couverte, son allure était massive. Elle était actionnée au moyen d’une roue dans laquelle prenaient place quatre personnes. Elle était capable de soulever deux tonneaux de vin à la fois – soit près de deux tonnes de marchandises – ainsi que de pivoter. Des ouvriers spécialisés, appelés kraankinders, étaient affectés à son fonctionnement359.
Figure 50. – La grue du port de Bruges au début du xvie siècle.

Enluminure extraite du Calendrier flamand attribuée à Simon Bening, (Munich, Bayerisches Staatsbibliothek, Cod. lat. 23 638, fol. 11v).
Figure 51. – Les grues des ports d’Hambourg et d’Anvers à la fin du Moyen Âge.

No 1 : détail d’une enluminure contenue dans le Livre des Droits de la Ville, 1497 (Staatsarchiv Hamburg, CI. VII Lit. La Nr. 2 Vol. 1c, fol. 106) ; no 2 : détail d’une gravure contenue dans le Lofzangen ter eere van Keizer Maximiliaan en zijn kleinzoon Karel den vijfde de Georgius de Opitiis, Anvers, Jan de Gheet, 1515 (Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, Scrin 40).
Figure 52. – Grue flamande à la fin du Moyen Âge.

Détail d’un des cinq polyptyques de La predicación de San Vicente Ferrer, œuvre attribuée au « Maître de Sainte-Gudule », peintre primitif bruxellois de la fin xve siècle, monastère de Las Caldas (Cantabrie).
163Une réglementation assez précise, étoffée au gré des conflits liés à l’usage du « crane », fut élaborée au cours des xive et xve siècles. Elle consistait tout à la fois à rendre obligatoire le recours à cette grue pour le transbordement des denrées pondéreuses, à déterminer les modalités du processus de déchargement, à fixer les droits et devoirs des ouvriers affectés à son maniement ainsi que la fiscalité destinée à couvrir leurs salaires et l’entretien de la machine. Les comptes communaux des années 1304, 1309-1310, 1310-1311 1316-1317 et 1331-1332, référencent les revenus liés au fonctionnement du « crane », employé notamment pour le transbordement du vin360. En 1400, un différend opposa les marchands de waides361 d’Amiens à la ville de Bruges, à propos de plusieurs affaires, et en particulier au sujet de l’usage de la grue. Voici le contenu des réponses apportées par les Brugeois362 :
« Que quant leurs waides seront arrivez à la crenne [grue] de Bruges, qu’ilz soient miz sur terre dedens lendemain vespre du jour qu’ils seront arrivez ; et dedens trois jours aprez, menez et mis es cheliers. Et que pour le crenne ilz soient quites par paiant six mites du tonnel. »
« Et pour le salaire de ceulx qui les metteront hors de l’eaue et merront es cheliers, deux gros et demi, comme on souloit faire anciennement. Et en tant que on en a prins ou volu prendre ou lieu de six mites deux gros, et au lieu de deux gros et demi, quatre gros, que ce soit ramené a raison selon l’ancien usage. »
« Respondent les dis de Bruges quil n’est memoire d’homme, sauve la reverence de ceulx qui le dient, que parmi paiant six mites pour tonnel, lesdiz marchans d’Amiens feussent quites à l’ouvrage de le crenne. Et suppose que ainsi feust, si ne seroit ce pas remuneration condigne ne raisonnable ; car les cordes dont on sacque les diz tonneaulx sur terre cousteroient autant ou plus que les six mites dessusdictes, ne pourroient monter sans le salaire de ceulx qui les sacqueroient. »
« Et aussi doit on avoir consideration que ledit monter sur terre est au peril de la ville ou de ceulx qui le crenne ont achensie ; et que saucune aventure survenoit, que la marchandise se perisist es mains de ceulx de la crenne, que il fauldroit a yceulx censiers ou à la ville ledit dommage restituer aux marchans. »
« Si ne voient pas lesdis de Bruges que le salaire que l’en paie pour ladicte crenne, assavoir deux gros pour le tonnel et quatre gros pour les laboureurs, qui lesdictes waides mainent dudit crane es cheliers à leur peril en quelque lieu de la ville que ce soit, soit desraisonnable. Et meismement que naguerres lesdis laboureurs en souloient prendre six groz pour tonnel. »
« Et prient yceulx de Bruges que en consideration de droit et de remuneration de labour, lesdis marchans d’Amiens en veullent estre contens, si comme tous autres marchands de France, d’Ytalie, d’Aragon, Cataloigne, Castille, Portugal, Engleterre et Escoce sont en cas pareil. »
164Le renouvellement des privilèges accordés aux marchands portugais rédigé en 1411 stipule également des règles de fonctionnement de la grue363 :
« [36] Item, que ceulx de la crane de Bruges et du Dam soient tenuz à delivrer aux marchans et maronniers de ladicte seigneurie, tantost et sans delay, quant requis en seront coraulx et bateaulx pour deschargier leur avoir et mettre en lieu sauf. Et que tantost puis que ils seront venus au crane, ils soient guindez et mis en caliers. Par quoy les marchans n’en aient dommaige.
Et se eulx de la crane ne leur delivrassent tantost escutes et coraulx, que la loy du lieu les doit contraindre à les delivrer. Et se par non vouloir deshargier, lesdis marchans recevoient aucun dommaige, les devant dis de la crane soient tenuz de restituer ledit dommaige au dit de la loy du lieu. »
165Ces deux documents mettent en évidence les attentes respectives de la municipalité et des négociants étrangers arrivant à Bruges : pour la première, s’assurer que le « crane » sera systématiquement utilisé pour l’enlèvement des marchandises ; pour les seconds, s’assurer que leurs denrées seront rapidement prises en charge par les dockers et conduites à l’abri dans les magasins de la ville.
166Le salaire des cranescroders de Damme fut réglé le 30 novembre 1413 au moyen d’une sentence arbitrale prononcée par le magistrat de Bruges. À cette occasion, on spécifia le rôle des différents manutentionnaires travaillant sur les allèges, sur la grue et sur les quais. Il était toléré que le transbordement d’un navire à l’autre puisse être exécuté par les ouvriers des marchands, mais seulement en aval de Monnikerede, moyennant le paiement d’une demi-taxe aux cranescrooders364. Quant au fermier de la grue, il réclamait en 1466 le paiement de la taxe des huiles que les tonneliers achetaient pour leur usage365.
167On veilla par ailleurs à ce que leur responsabilité soit clairement engagée en cas de problème. Dans les règlements prononcés en 1307 par la ville de Bruges à l’égard du commerce, l’article 51 stipule que si un tonneau manœuvré par la grue venait à s’abîmer par la faute de ses ouvriers, ceux-ci étaient tenus d’indemniser son propriétaire366. On retrouve cette précaution dans l’article des privilèges accordés aux marchands de la Hanse en 1359367, ainsi que dans un projet rédigé en 1361 en faveur des bourgeois de Kampen. Ce dernier fait référence (article 21) aux débardeurs de la grue qui étaient responsables des dommages qu’ils pourraient causer368. Les modalités de fonctionnement de la grue sont aussi mentionnées dans l’article 27 des privilèges accordés en 1362 par les trois villes de Flandre aux marchands et bourgeois de Nuremberg369.
168Le monopole attribué aux manutentionnaires du « crane » n’était pas sans produire des abus dont les négociants se plaignaient auprès des autorités municipales. Parmi les 55 articles composant le catalogue de plaintes adressées par les marchands de la Hanse aux quatre membres de la Flandre en 1434, figurait le fait qu’on faisait peser sur les vins du Rhin plusieurs fois des droits de grue – cranegelt – avant même qu’ils soient mis à quai pour être transportés. Par ailleurs, les déchargeurs de la grue refusaient de remonter toute pièce de vin contenant plus d’une verge (roede, rode), et déniaient aux marchands la faculté de le faire avec leurs propres cordages (getouwen) ; alors que dans les ports de Dordrecht et de Sluis, c’est aux marins qu’on confiait le soin de les remonter et de les transborder à l’aide de la poulie attachée au mât. Une première réplique leur fut faite l’année suivante. Elle affirma que la perception des droits de grue n’avait pas connu d’augmentation et que, suivant l’usage établi d’ancienneté, on ne hissait pas à la grue de Bruges des pièces de vin contenant plus d’une verge. Il revenait aux marchands de s’y conformer. Un jugement de 1436 affirma que les négociants de Kampen jouissaient des mêmes franchises des droits de grue que les Hanséates. Puis, en 1438, répondant à ces derniers, les échevins arrêtèrent les modalités de prélèvement des droits de grue et de déchargement des vins – craneghelt ende scroodeghelt. Les tonneaux qu’on transbordait avec le « crane » devaient être jaugés à bord, et dans ce cas les taxes étaient à la charge de l’acheteur. Si la manutention était réalisée ailleurs, les droits étaient acquittés par le vendeur et l’acheteur, ce dernier payant au surplus les frais de transport. Par ailleurs, toutes les marchandises devaient passer par la grue, autant qu’elle pouvait en charger et décharger. Quant au surplus, les négociants étaient libres de le faire enlever par des ouvriers de leur choix, moyennant le payement de simples droits370. Ces éléments de codification furent repris par la suite dans les articles treize et quatorze d’un arbitrage rendu en 1457 par la ville de Bruges, ainsi que dans un règlement en faveur des marchands de la Hanse371.
169Enfin, relevons l’existence d’autres engins de levage dans les ports du Zwin. En 1323, craignant une atteinte de leurs privilèges commerciaux, les Brugeois avaient procédé à la démolition de la grue de L’Écluse372. Et puis, le magistrat de Damme avait cherché à intervenir dans la définition des règles de fonctionnement du « crane ». Selon un arrêté qu’il formula le 11 janvier 1425, relatif au mode de déchargement des bâtiments amenant du vin par le canal, les navires devaient s’amarrer au quai de la grue après leur passage à travers l’écluse et s’y mettre en rang pour être déchargés l’un après l’autre. Mais les Brugeois s’opposèrent également à cette prescription et la firent annuler373.
Manutention à l’aide d’allèges
170Dans d’autres circonstances enfin, lorsque les vaisseaux ne pouvaient pas approcher la rive, le chargement et le déchargement étaient assurés par des allèges qui faisaient l’aconage, c’est-à-dire le va-et-vient entre leur zone de stationnement et la terre ferme. C’était le cas par exemple à Tonnay, sur la Charente374. Ça l’était également à Port-Neuf selon l’enquête réalisée en 1268375. En rade de Bordeaux, au xve siècle, les gabares affectées à cette tâche réalisaient couramment dix à vingt allers-retours pour servir les bâtiments de charge376. On retrouve ces embarcations d’assistance manutentionnaire à La Rochelle et à Nantes377. Dans un sauf-conduit accordé le 24 décembre 1462 par François II à plusieurs marchands anglais, afin qu’ils puissent expédier leur flotte de navires dans les ports du duché de Bretagne, il est précisé qu’ils « se pourront aider, s’ilz voient l’avoir affaire, de allege ou alleges378 ». D’après un aveu et dénombrement du 28 mars 1525, à Quillebeuf et à Conteville, dans la basse vallée de la Seine, les religieux de Jumièges prélevaient des droits de « deschargeaige » et « d’allegeaige379 ». À Harfleur, les marins affectés « pour descharger et alleger lesdites nefs et vaisseaux » formaient un véritable groupe professionnel380. C’est à eux que le vicomte de Montivilliers fit appel en 1352, 1354 et 1355 afin que soient « lamengnagez, alegeazez, descarchagez et bermennagez des denrées » contenues dans une quinzaine de nefs portugaises. Parmi ces bâtiments, se présenta le 31 juillet 1355 la Notre-Dame de Castres, un vaisseau de 135 tonneaux gouverné par un certain Louppes Garcie de Castres. Il fut « allegié » par le « vessel » du Harfleurais Raal Trepel, qui reçut pour cela 5 écus381.
171C’est pour les ports de la Flandre maritime que les meilleures informations nous sont parvenues à ce sujet. En juin 1262, réglant un conflit qui avait éclaté entre Saint-Omer et les communes de Niort, de La Rochelle et de Saint-Jean-d’Angély, Marguerite, comtesse de Flandre et de Hainaut, prit un certain nombre de dispositions règlementaires relatives à Gravelines, avant-port de la cité artésienne. Parmi elles figurent :
« [12] Après nous volons et otrions ke les escutes ne puissent venir à la nef quand elle sera venue devant la havene de Gravelinghes pour alegier, fors tant seulement celes ke li marchans ou ses comandemens ou li maistres de la nef atenera et comandera à venir ; et chargera la premiere escute ki ensi seroit comandée à venir tout arrouteement sa charge avant c’autres escutes puissent riens commencier à chargier ; et ensi et en tel forme feront les autres après, tant come li marcheans ou ses commandemens ou li maistres de la nef voldra.
[13] Après nous volons et ottrions ke nus escutemans ne puist estre compains a l’autre, ne estre deschargierés de vins382. »
172Ces mesures procurent des précisions importantes. L’allègement des vaisseaux était effectué avec des embarcations spécialisées à cet effet : des « escutes », navires à fond plat typiques de cette région, comparables aux gabarres employées à Bordeaux, La Rochelle ou Nantes383. Leur nom et leur fonction étaient étroitement liés aux « escutemans », dont le métier consistait à répondre aux besoins manutentionnaires des marchands et des maîtres des bâtiments. Sur la demande de ces derniers, et seulement dans ce cas, ils venaient l’un après l’autre charger ou décharger les cales de leurs tonneaux de vin, voire d’autres produits. Ces règles étaient d’abord appliquées au port gravelinois, mais certaines expressions contenues dans la charte de franchise laissent à penser, comme l’a fait Jan Craeybeckx, que les dispositions les plus générales concernaient également « toute [la] terre et tout [le] pouvoir des comtes de Flandre384 ».
173Les débardeurs de vaisseaux apparaissent en effet dans d’autres privilèges accordés par le pouvoir flamand à la fin du Moyen Âge. Selon les règles édictées en 1370 qui encadraient les activités des ressortissants de la Hanse à Bruges, l’article 27 spécifie que ces bateliers étaient responsables des marchandises qu’on leur confiait385. Et parmi les 50 articles détaillant les droits octroyés aux marchands portugais en 1348, recopiés en 1366 et renouvelés en 1411, se trouvent les mentions suivantes386 :
« [31] ltem, que ceulx de la coustume du Dam soient tenuz, de nuyt et de jour, et toutefois que requis en seront, de coustumer les avoirs desdiz marchans de Portugal, quand ils arriveront ou Dam en escutes ou autrement, par quoy ils puissent sanz empeschement passer à L’Escluse et ailleurs là où ils vouldront. […]
[34] Item, saucun scuteman recevant a L’Escluse desdis marchans, vins ou autres marchandises, pour mener au Dam ou aillieurs, feist dommaige en buvant les vins ou autrement, qu’il soit tenu de restorer
ledit dommaige, au dit et serement du devant dit marchant, ou ainsi avant qu’il sera tenu par raison.
[35] Item, que les scutemans qui [vehoment] desdis marcbans fruit, fer ou autres marchandises, par compte et par nombre, soient tenuz de les livrer à Bruges ou là où ils devront, par compte et par nombre ; et se perte y avoit, lesdis scutemans soient tenuz de restorer ladicte perte au marchant, ainsi avant que lesdis marchans pourront prouver ou par leur serement jurer. »
174Ces « escutes » – l’article 36 évoque aussi les « coraulx [couraux] et bateaulx pour deschargier » – qui allégeaient les nefs étaient à leur tour déchargées au bord des quais par les ouvriers des « cranes » [les grues] de Bruges et de Damme. Par ailleurs, selon l’article 43, ces embarcations manutentionnaires devaient stationner à l’écart du lieu d’escale des gros vaisseaux afin de ne pas gêner leur stationnement ni leurs manœuvres. En 1392 et 1394, le Sénat de Venise, dans deux décrets concernant le voyage de galées vers la Flandre, stipulait que la partie des cargaisons qui arrivaient dans le Zwin pour repartir vers Londres devait être transbordée dans ces allèges387.
175À l’Écluse aussi, la responsabilité des éventuels dommages causés par les « escutemans » était précisément stipulée. L’article 5 des privilèges accordés en 1414 aux marchands de Gênes, puis confirmés en 1434, évoque clairement la chose388 :
« S’il advenist que en chargeant ou deschargeant en nostredit port de Lescluse les biens et marchandises desdis de Gennes d’une nef en aultre, ou en escutes, pour mener à l’estaple, iceulx biens cheissent en l’eaue, ou que lesdis biens et marchandises ainsi chargiés en escutes ou bateaulx pour mener à l’estaple dessusdit, ou de l’estaple vers nostredit port, par roupture d’iceulx bateaulx, ou renversure, ou en quelque aultre maniere et en quelque lieu ou place que ce adviengne, cheussent en l’eaue ou touchassent icelle ; voulons que iceulx biens leur soient sauvez entierement, sans ce que nous y pretendons avoir aucun droit à cause de ce que dit est, en aucune maniere, et qu’ils les puissent recueillir et peschier sans demander aucune licence par la forme et manière que dessus est dit des biens de leurs nefz qui se rompent. »
176On en trouve également mention dans l’article seize des privilèges accordés en 1493 par le magistrat de Bruges aux ressortissants d’Aragon et de Catalogne : ils pouvaient décharger leurs marchandises amenées à l’Écluse et les envoyer par « bateaux, escutes ou navires »389. Manifestement, compte tenu de la configuration du complexe formé par les ports de Bruges, de Damme et de L’Écluse, dont les quais n’étaient pas toujours d’un accès aisé pour les grands et nombreux bâtiments étrangers, le rôle de ces embarcations légères était primordial au bon fonctionnement logistique et à la qualité des échanges réalisés sur place.
Les personnels manutentionnaires
177Les opérations de transport le long des rives, ainsi que de chargement et de déchargement des vaisseaux, étaient assurées par tout un personnel que les sources ténues tiennent souvent à l’écart de notre connaissance. Les services de ces manouvriers venaient soit compléter le travail exécuté par les mariniers du bord – un salaire était parfois prévu pour « les guindages des compagnons390 » –, soit s’y substituer lorsque la réglementation portuaire imposait leur entremise. Les « sacquiers » de Libourne, auxquels on confiait la manutention des sacs de sel, mais aussi de blé, de chaux ou de pastel, avaient constitué, au début du xve siècle, une corporation dont les statuts furent approuvés par l’archevêque de Bordeaux le 2 novembre 1419. Formant un groupe de 25 membres, ils étaient tenus de prêter serment « que edz seran bons et leyaus […] en lor offici ». Selon un acte du 9 août 1467, leur mission consistait en particulier à « mesurer et pourter la sal venent et affluent au port et avre de Libourne ». Se faisant confirmer leurs privilèges par Charles VII en 1451, ils conservèrent leur prérogative de percevoir un sac de sel de la charge d’un homme – nommé « droit de sainte goutte » – franc de tout impôt, sur chaque navire venant décharger, ainsi que quatre livres par muid sur les chalands en provenance de Bordeaux, passant devant la ville et rejoignant Bergerac391. Il se trouvait des « sacquiers » également à Bordeaux. Selon une délibération municipale du 18 mars 1514, leur nombre était limité à 60. Pour exercer leur activité ils devaient eux aussi prêter serment auprès de la ville et acquitter un droit annuel de 24 ardits ou 6 deniers. À l’issue de la grave crise démographique qui frappa la France au milieu du xive siècle, les tarifs de leurs services furent plafonnés par les maire et les jurats afin de contenir la flambée du coût de la main-d’œuvre392. Au surplus, lorsque les denrées à transporter n’étaient pas du vin, marchands et maîtres de navires pouvaient faire appel, en dehors des « sacquiers », à des portefaix et des « palleyeurs393 ».
178D’autres types de dockers officiaient le long des rives portuaires. Ils étaient appelés « braymans » à Bayonne et en Gironde où ils maniaient exclusivement les fûts vinaires ; « bermans » dans la basse vallée de la Seine et en pays de Caux, avec des compétences plus larges. Les moyens dont ils disposaient pour acheminer les denrées entre les navires et les lieux de stockage étaient rudimentaires, ce qui rendait leur métier extrêmement pénible. Selon leur poids, leur encombrement et leur conditionnement, les produits étaient roulés, portés à dos d’homme ou d’animal, tirés sur le sol, glissés sur des traineaux ou chargés sur des charrettes394. À Bordeaux, pour déplacer les tonneaux sur les cales entre les chais et les embarcations, la rémunération variait selon que l’opération se faisait dans le sens de la descente ou de la montée, le salaire le plus élevé étant « pour treyre les vins deu baysset et de metre e de arrumar au chay395 ».
179Plusieurs « bermans » se signalent à Harfleur en 1355. Le 31 juillet, Guillaume Noël, Michaut Guy et leurs compagnons déchargèrent une nef de 135 tonneaux, à raison de 3 sous 6 deniers par tonneau396. Dans les années 1410-1412, d’autres dockers portèrent du bois acheté à Harfleur « jusques en Saine au vaissel qui l’aporta397 ». Dans « Les droitures, coustumes et apartenances de la Visconté de l’eaue de Rouen », dont le plus ancien exemplaire conservé date du début du xive siècle, il est fait état du cadre d’exercice de l’activité de « berman » :
« LXX – De l’office as bermans.
Il a I’office en la cité Roth. des bermans, que l’en apèle la bergue, de antiquité.
Les bermans carchent les tonneaus et autres marcheandises à terre et en l’eaue de Seinne. Des quiex le serement doit estre renouvelé, une foiz en l’en, en la visconté de l’eaue Roth., à la feste Saint-Michiel, sus leur office qui est à feire. Et doit le serement estre feit en ceste forme, c’est à savoir : Que la compaignie des bermans qui est nommée bergue, si com il est desus dit, dira le nombre des compaignons de la dite bergue, en la viscontée de Roen, et mosterra le nombre de cèle bergue, ne ne porra estre acreu par l’espace d’iceli an. Mès se la bergue de I compagnie eit besog d’autres bermans, èle les porra apeler aveques li, à ouvrer ovec eus à jornée et à aidier leur398. »
180Le conseil municipal de la ville d’Eu était aussi intervenu dans la réglementation des activités des « desquarqueurs », des « porteurs », des « berniers », des « bienneus » et des « bremens » travaillant sur leurs quais comme sur les berges du Tréport. En 1301, il avait fixé leurs gages selon les opérations à effectuer399 :
« L’acort des desquarqueurs d’Eu et du Tresport.
Primez, euz aront de sakier I. tonne de vin des granz voutez et de metre en karete, xx d.
Item, des petites voutez XV d., et de metre en karete.
Item, de sakier du batel ou de nef à kile, et de metre es granz voutes, xviij d.
Item, des petites voutes XV d., ch’est assavoir de sakier du batel ou de nef à kile.
Item, se. I. homme acate I tonne de vin sus le kay hors du batel, et il est mis en karete et en kaustelé en chelier XII d., e se il est sakié du batel sans avoir le paine de metre en karete ne d’enkausteler, VI d.
Item, se I. tonne de vin en karete de dehors le vile, de metre u chelier ou sus terre, VI d.
Item, se le tonne de vin est sakié du batel et herbegié sus terre, XII d.
Item, se il est pris au kay ou en mi les ruez, et mis en karete tant seulement, VI d.
Chest accord est fet pour les privés et les estranges, et n’est fors a le volenté de le vile. »
181En 1351, les tarifs furent repris pour les « berniers » et les « bienneus » comme suit400 :
« Il fu acordé du maire et des eskevins, et de tout le conseil, en plain eskevinage, le lundy après feste
saint Climent, l’an XLI, que les berniers prendront pour chescun tonnel de vin osté de le carette et avaler u chelier, IX d.
Item, il aront II s. de saquier le tonnel des grans voûtes et des petites, et mettre es caretes.
Item, de hoster les tonneaux des bateaux au cay, et mettre escarettez, XVIII d. ; et pour avaler pour les bourgois.
Item, les porteeurs prendront en chelle maniere souz pour maaille, III poitevines pour II d. III maaillez, et ainci es autres choses à l’avenant. Et sera tout à rappelement du maire et des compaingnons. Et fu fait pour cause de le monnoie qui estoit fieble, et comme il se doloient.
Item, le conteeur de bos prendra pour chescune somme d’astele une maille, jusquez au dit rappel.
Henry Catel, Guy de Saint Maischens, plegent Guiffroi de Velly du bermanage.
Symon de Crasville, Jehan le Saunier dit petit, plegent Raoul de Crasville du bermanage. »
« L’ordenanche faite en plaine esquevinage le X jour de javier de le mairie sire Jaquez Sorel sur les bienneus.
Premierement, il fu ordené que il aront de chascun tonnel de vin venus au cay desairchier de naveaux et de tout nefs à plat, sans auchier en careste, et meitre en chelier où eulz ne metront jamès d’apareil, il aront V gros de Flandrez.
Et se euls il meistent leur appareil, il aront VI gros.
Et de une nef à quille où il est arimage, se euls il meitent appareil, il aront VII gros.
Et se il n’en meitent point, il aront V gros, mès il prenderont les vins sur le bort de nef et leur sera mis sur leur mairiens.
Et se il descendent I tonnel de le careste et il ne l’avalent point, il aront II gros.
Et se il l’avalent un chelier il aront III gros.
Et se il le saquet du chelier et meitent en careste il aront VI gros. »
182Avant d’être admis à exercer leur profession, ces hommes devaient présenter des garants « pour rendre les aventurez du desquarquage401 ».
183Le travail des boute-tonneaux était complété par celui des arrimeurs, dont on trouve trace, par exemple, au port du Plomb, près de La Rochelle. Un document du xive siècle fait état de dépenses réalisées auprès de « boutenneaux » pour avoir « rullé à Nyoil les vins du petit cellier au grant », ainsi que « pour l’arimage des vins cestuy an402 ». En effet, une fois chargés sur les navires, il s’agissait ensuite de répartir soigneusement les produits dans les cales et de les stabiliser, afin qu’ils ne chavirent pas ou qu’ils ne déstabilisent pas le bâtiment durant le voyage. À Bordeaux et à Libourne, le salaire des « arrumadors » ou « rimiadors » – les arrimeurs –, plus élevé que pour les autres manutentionnaires, était fixé par la municipalité403.
184Le service rendu par ces spécialistes n’était toutefois pas irréprochable. Sur la Seine, la vicomté clarifia et précisa la réglementation afférente à leurs activités. C’est un accord inconnu jusque-là, daté du 30 octobre 1398, ratifié par Charles VI le mois suivant puis par Henri VI le 14 février 1427, qui nous permet de la connaître dans le détail404. À la fin du xive siècle, Jean Tavel, vicomte de l’eau, avait été saisi du fait que certains « ouvriers du mestiers et ouvrages de arrimer vins en l’eaue de Saine alans par la mer » exerçaient leur travail sans avoir reçu des autorités locales la licence nécessaire pour cela. Insuffisamment formés et encadrés, plusieurs « pertes et dommaiges en sont venuz a plusieurs marchans, marivaulx et vaisseaulx ». Afin d’y obvier, une enquête fut commandée. À partir des informations obtenues auprès de différents témoins appelés à éclairer la situation, plusieurs mesures de précaution – des « pourveances » – furent établies puis soumises pour approbation à dix-neuf ouvriers locaux. Le règlement qu’elles composent contient dix-sept articles dont voici la reproduction :
« [1] Premierement, que aucun ne s’entremecte de fere oudit mestier ne faire ledit labeur s’il ne scet arrimer convenablement ou prouffit du marchant et vaissel ou ledit labour sera fait, tant ou fais d’icellui que autrement, jusques a la parcharge, et que en icellui ne cueille veut, par quoy aucun inconvenient ne puisse ensuir oudit vaissel par quoy il ait peril en ce qui dedans seroit.
[2] Item, que il face recueillir deuement de terre bort a bort lesdits vins, soit en tonneaux que nes, poincons ou caques, au prouffit et rain ou ilz doivent estre et sans ce qu’il y ait aucun empirement ne dommaige es denrees.
[3] Item, que iceulx vins soient si arrimez ou sous que la dite parcharge ne soit pas si hault que l’en ne puisse avoir son alez dedans icellui, ainsi que mestier et necessité sera, ne que par la faulte de aler et venir oudit vaissel incontinent ne s’en ensure es choses dessus declarer.
[4] Item, que a faire ledit arrimage et labour en chacun vaissel soit un des compaignons maistre de bergue qui le feroit par la maniere que dit est, et telement que l’en puisse convenablement et proufitablement et sans inconvenient tendre le tref se mestier est et le vent est bon.
[5] Item, que nul a present dudit mestier ne puisse labourer oudit mestier s’il n’a un des maistres de la bergue dont il sera aprentis, sur paine d’amende au regard de justice.
[6] Item, que aucun ne face ou s’entremecte de faire ledit mestier et ouvraige s’il n’a servy deux ans avec ceulx qui ce scavent faire ou tant de temps que il le sache ou puisse faire jouxte ce que dit est, et de faire de bien et loyaument executer ledit labour et que se faculté avoit en aucunes des choses dessus dictes que ce soit refait aux despens du defaillant, et seront ordonné par le commun dudit mestier devant le viconte de l’eau de Rouen ou son lieutenant trois ou quatre ouvriers comme gardes qui ce visiteront et rapporteront les faultes qui y seront faites, et feront serment de ce tenir et garder et seront lesdits gardes chargiez chacun an au Noel.
[7] Item, et quant aucun apprentis fera ledit serment de faire et apprendre ledit mestier, il paiera au roy notresire XXX s. et X s. au maistres es gardes jurez dudit mestier, et les filz de maistre la moictié, c’est assavoir XV s. au roy et V s. aus dicts gardes.
[8] Item, que cy chacune bergue aura IIII ouvriers qui seront tenuz de baillier caucion de LX l. tournois afin que se aucune chose a fait en leur labour que par leur faulte soit perdu, que ce puisse estre restitué deuement selon raison et en payer amende selon le cas.
[9] Item, que nulle bergue desdits ouvriers ne puisse avoir a une fois et demi lesdits deux ans selon ce que dit est que deux aprentiz sur peine de XX s. d’amende, c’est assavoir X s. au roy et X s. aus dits gardes.
[10] Item, que nul ne soit tenu ou receu a faire ledit ouvrage s’il n’est trouvé souffisant et ydoine de savoir faire ledit mestier et ouvrage bien et deuement selon ce qu’il appartient, tant au prouffit des marchans comme au prouffit des vaissaulx.
[11] Item, quant ung aprentiz aura servy le temps dessus dit et il vouldra estre juré comme maistre, il fauldra qu’il soit par lesdits gardes trouvé souffisant devant ledit vicomte ou son lieutenant avant qu’il puisse jouir dudit mestier comme maistre.
[12] Item, que tous de present que sauront faire ledit ouvrage ce sceu souffisant par gens en ce recongnoissans comme dit est ordonné a faire [fol. 299v] ledit mestier sans ce qu’il porte prejudice pour le temps a venir que les aprentiz ne soient tenuz a servir le temps dessusdits.
[13] Item, et se lesdits maistres et ouvriers sont assemblée entre eulx pour faire taux ou pris plus grant ou excessif qu’il n’appartient de leur dit labour ou ouvrage de vins et il est eronné contre eulx justice y pourra mectre tauxacion ou le faire faire raisonnablement par gens en ce congnoissans et prendre amende selon raison et a la voulenté de justice.
[14] Item, se aucun estoit institué oudit mestier par ignorance ou autrement cuidant qu’il feust souffisant et il ne l’estoit touteffois qu’il vendroit a cognoissance de justice, il seroit osté.
[15] Item, que touteffoiz que ouvrage y sera a faire ceulx qui l’auront aloué a faire la seront tenuz a faire diligement sans intervalle sur peine de desdomagier partie a l’ordonnance de justice.
[16] Item, ce si tost que aucuns des diz ouvriers auront levé a chargier un vaissel mais qu’il soit prest de chargier, il nen pourra pas prendre un autre a labourer pour laissier le labour d’icellui premier alloué sur paine d’amende et de desdommagier partie.
[17] Item, et se aucun desdits ouvriers est trouvé souffisant ou alant contre lesdits articles et ordonnance, il sera tenu paier au roy notre sire X s. et aux gardes X s. »
185Comme l’indiquent les quatre premiers articles, ce sont les opérations de chargement qui furent principalement visées par ce règlement, le débarquement étant moins délicat et nécessitant une moindre technicité sans doute. Le travail de ces ouvriers consistait à transborder les tonneaux, à les répartir convenablement dans le navire afin qu’ils ne gênent ni la circulation des marins ni la manipulation du grand tref, ainsi qu’à les arrimer fermement. Pour l’essentiel, ces statuts traduisent le souci d’assurer aux marchands la qualité des services rendus. Dans cette perspective, comme bien souvent ailleurs, on fixa plusieurs prérequis à l’exercice du métier. La « bergue » générale – si l’on peut l’appeler ainsi – fut organisée en un certain nombre de cellules professionnelles – de petites « bergues » – chacune étant composée d’au moins quatre compagnons et dirigée par un maître, ce dernier obtenant sa capacité du vicomte ou de son lieutenant. La formation des apprentis, obligatoire et codifiée, fut exclusivement confiée à ces maîtres qui ne pouvaient en encadrer plus de deux à la fois. L’entrée dans le métier donnait lieu à l’accomplissement d’un serment et au paiement d’un droit. Il était prévu aussi de couvrir les éventuels dommages occasionnés par un des membres de la « bergue » grâce à une caisse mutualiste constituée du versement d’une caution par chacun d’entre eux. Enfin, dans le cas de certains abus éventuels de la « bergue », qui aurait pu d’un commun accord pratiquer des tarifs excessifs ou ne pas honorer les délais des contrats pour en avoir trop passés, des sanctions étaient fixées.
186Un autre règlement, touchant les opérations de manutention exécutées par les « bromans » – nommés aussi clober ou opslare à Saint-Omer405 – concerne le port de Gravelines. Il fut promulgué en juin 1262 par la comtesse de Flandre et de Hainaut, en ces termes :
« [19] Encore doit on savoir que li bromant doivent deschargier arrouteement les vins as marcheans, ensi cum il vendront premier et mettre es celiers et es voltes, si ke par leur defaute ne par leur negligence li marcheant n’en aient damage, car tel damage que il ensi en averoient, cil lor seroient tenu de rendre plainement.
[20] Apres nous devons faire mettre fuer loial et convenable sour les celiers et sour les voltes par nostre bailliu et par les eskevins dou liu ; et, se il ne le faisoient, nous le feriens.
[21] Apres nous volons et establissons ke li bromant deschargent chascun tonel de vin des alegemens et des escutes et le chargent sour le char et deschargent dou char et mettent et assieent es voltes et es celiers pour dis deniers de la monnoie de Flandres, et le tonel de vin ki sera guindés sour le char il deschargeront et metteront et asserront es voltes et es celiers pour sis deniers et trairont chascun tonnel fors de voltes et des celiers, et chargeront sour le char et deschargeront et rechargeront es escutes pour dis deniers, et trairont enkor fors des voltes et des celiers, et chargeront sour le char chascun tonnel pour six deniers.
[22] Après nous volons encore et establissons ke li char ke li marcheant voldront ki chargent outre l’escluse, portent chascun tonel de vin à Gravelinghes là ou li marcheant voldront, pour dis deniers et de pardeça l’escluse, près dou fossé, pour set deniers, et de devant le vile pour cinq deniers, tout de le monoie de Flandres devant dite.
[23] Et si volons et otrions ke, si par le defaute des bromans ou de leurs aydes ou de lor cordes ou de lor autres estrumens ou par le defaute des charretons cui li char seroient, ou ki les menroient ou par la defaute des chars ou des tonniaus loier, il i avait tonnel brisié et vin espandu, cil d’eaus par cui defaute li damages seroit venus renderoit et seroit tenus de rendre au marcheant ou à son comant le damage fait plainement et entirement406. »
187Ces dispositions, spécialement arrêtées pour encadrer les activités et les salaires des dockers, et pour engager leur responsabilité, laissent deviner les nombreuses négligences et les abus dont pouvaient se rendre coupables ces travailleurs de force. Ils prenaient le relais des « escutemans » qui, sur leurs embarcations, allégeaient les grosses nefs en station dans le havre. Leur rôle consistait à assurer les opérations de chargement et de déchargement entre les rives portuaires et les magasins de la ville (« voltes » et « celiers ») à l’aide de charrettes sur lesquelles les marchandises devaient être parfaitement arrimées.
188Entre Bruges et L’Écluse, tout un personnel s’affairait à la manutention portuaire, ce qui nécessita également la mise en place d’une réglementation visant à encadrer et à organiser leurs activités. D’après l’article 26 des privilèges accordés aux ressortissants de la Hanse en 1307, le travail des portefaix, appelés aussi pynres, était contrôlé par les échevins. On retrouve une disposition similaire dans le projet de privilèges destiné aux bourgeois de Kampen en 1361407. Et tout méfait de leur part, sur la plainte du négociant lésé ou de son serviteur, était passible d’une interdiction d’exercer408. Leur travail apparaît dans les comptes communaux de l’année 1341-1342409. Quant aux opérations de transbordement, de bord à bord entre les navires, où entre les vaisseaux et les quais, elles étaient assurées par les scrooders. Il revenait même aux wijnschroders de s’occuper spécialement des tonneaux de vin, qu’ils déposaient sur des chariots ou des traîneaux afin qu’ils soient ensuite conduits à l’étape410.
189Au cours des xive et xve siècles, les wijnschroders formaient un groupement professionnel identifié, parmi la cinquantaine de métiers dans lesquels se répartissaient les artisans, les compagnons et les apprentis. En 1338-1340, on en dénombrait 32 attachés à cette profession411. Les scrooders, organisés au sein de la corporation des gourmets et déchargeurs de vins – wynscrooders – étaient très attentifs à la conservation de leurs prérogatives. Les droits afférents à leur travail ainsi que les secteurs d’intervention des différentes communautés de scrooders le long de la Reye donnèrent lieu à plusieurs arbitrages au cours de cette période. Selon un appointement rendu en 1413, le transbordement d’un navire à l’autre pouvait être réalisé par les membres d’équipage des marchands en aval de Monnikerede. Mais entre ce port et celui de Damme, cette tâche revenait obligatoirement aux débardeurs-mesureurs jurés de Damme, Houke et Monnikerede. Ces scrooders étaient responsables des dommages qu’ils pouvaient causer. Leur salaire était de 7 gros pour un simple travail, et pour un double, de 14 gros. La même obligation s’appliquait au déchargement à terre ou sur chariot des vins pas encore vendus, moyennant la simple taxe. Toutefois les marchands qui faisaient exécuter par leurs ouvriers ces opérations, ne devaient rien payer si les pièces n’étaient pas d’une contenance supérieure à quatre setiers412. En 1418, des négociants hanséatiques prétendaient ne payer que cette simple taxe pour les vins qu’ils vendaient à bord même de leurs bâtiments amarrés dans le chenal, puis déchargés à quai pour être livrés à l’acheteur. Les dockers considéraient eux qu’il y avait là un double travail et donc une double contribution à acquitter, ce que leur accorda le collège urbain413. L’année suivante, un bâtiment chargé de vins fut pris par les glaces à la hauteur de Monnikerede. Les scrooders de ce port prétendirent être en droit de le décharger et de conduire une partie de la cargaison à Bruges. Au contraire, ceux de Damme, invoquant le privilège de l’étape des vins attaché à leur ville, considéraient être les uniques titulaires de cette tâche. Le collège des échevins de Bruges trancha la question de la manière suivante : les marchandises destinées à être déchargées à Monnikerede pouvaient être dévolues aux scrooders de ce lieu, si l’affréteur ou le patron du navire faisait appel à eux. Quant aux denrées devant être conduites à Bruges, seuls les dockers de Damme avaient le droit de s’en occuper414. La réglementation afférente à leur métier fut encore précisée dans les articles 13 et 14 d’un arbitrage rendu en 1457 en faveur des marchands de la Hanse415.
190Ce tableau met en évidence la complexité qui entourait les opérations de manutention. Des acteurs de toutes nationalités, aux multiples métiers, s’afféraient entre les navires et les lieux de stockage, depuis les eaux du port jusqu’au cœur même de la ville. Chacun y défendait son intérêt et sa subsistance, brandissant les privilèges qui l’obligeaient, mais aussi le protégeaient et lui garantissaient une source de revenu. Chacun pouvait aussi rechercher à contourner le cadre d’exercice de son activité pour tirer avantage d’une opportunité ou échapper à ses responsabilités. Il revenait donc aux autorités compétentes dans l’espace portuaire d’encadrer cette population hétérogène et d’assurer le bon respect de la réglementation en vigueur. Le maintien de l’ordre en dépendait ; la sécurité des agents du trafic maritime, de leurs biens et de leurs entreprises également.
Un lieu d’embarquement de passagers
191Aussi importantes fussent-elles dans la mise en place et le développement du réseau portuaire atlantique français, les activités liées à la pêche et au transport de denrées n’étaient pas exclusives. Elles ne déterminèrent pas à elles seules la totalité du mouvement portuaire de l’époque. Aux fonctionnalités nécessaires à leur exercice venaient s’en ajouter d’autres qui, en dépit de la documentation lacunaire, ne sauraient être laissées de côté.
192Ainsi, tout port, quels que fussent sa taille ou son emplacement, était en mesure de servir, de façon occasionnelle ou régulière, à l’embarquement de voyageurs. Qu’il fasse partie d’une société littorale ou d’une communauté plus retirée dans les terres, chaque individu, sans distinction de condition, pouvait être amené, un jour, à prendre la mer ou le fleuve. Les motifs et les occasions étaient innombrables pour cela. Les besoins de déplacement incombaient aussi bien à la vie domestique que professionnelle, religieuse, politique, militaire. Contentons-nous de reprendre l’exemple du havre de La Rochelle, qui illustre très bien la réalité d’autres grands centres portuaires cosmopolites comme Bordeaux, Nantes, Rouen ou Bruges. On voit s’y croiser, au cours des derniers siècles du Moyen Âge, les itinéraires maritimes de marchands et de commis qui accompagnaient leurs biens, de voyageurs et de savants au long cours, de Saintongeais souhaitant simplement rejoindre leurs villages du val de Charente, de pèlerins en route pour Saint-Jacques de Compostelle, de représentants des autorités seigneuriales, urbaines ou royales, d’ambassadeurs, de gens d’arme, etc. Au gré de n’importe quelle opération d’affrètement, un navire était susceptible d’embarquer avec ses marchandises quelques passagers ordinaires ou extraordinaires. La polyvalence des bâtiments employés au Moyen Âge – qui tranche avec la spécialisation navale contemporaine – facilitait cet opportunisme qui, bien évidemment, n’a laissé qu’exceptionnellement une trace dans les documents médiévaux.
A-t-il existé des liaisons maritimes internationales pour passagers ?
193En dehors de cette multitude de parcours occasionnels, lorsque les circonstances politiques ou économiques le réclamaient, des liaisons plus systématiques entre certains secteurs littoraux français ou étrangers avaient-elles pu être tissées ? Prenons garde tout de suite de ne pas entraîner le lecteur dans un dangereux anachronisme. Poser la question de l’existence à cette époque de lignes maritimes internationales, ce n’est pas chercher à entrevoir le fonctionnement précoce de bâtiments particuliers, dont les aménagements et les rotations auraient été spécialement conçus pour assurer le transport quotidien de voyageurs sur de longues distances. À tout le moins, nous voulons savoir si des parcours maritimes étaient régulièrement empruntés par des passagers et, de surcroît, si dans cette éventualité ils avaient entraîné la création de dispositifs portuaires spécifiques ?
194Le cas anglais est à ce titre particulièrement illustratif. Sans nous lancer dans une analyse précise des trajets accomplis à cette époque entre la France et l’Angleterre – ce qui serait hors de notre sujet – nous pouvons toutefois en dégager quelques traits saillants qui intéressent directement certains ports. Dès la conquête du duc Guillaume en 1066 et la construction du royaume anglo-normand, il apparut nécessaire d’assurer des moyens de communication par voie maritime susceptibles d’affermir le nouveau pouvoir. Les premiers documents semblent indiquer qu’entre 1066 et 1154, les ports de Barfleur et de Wissant furent des points d’appui importants pour les déplacements des élites politiques de l’époque ; Ouistreham, Touques, Dieppe, Le Tréport, Saint-Valery-sur-Somme et Boulogne venant ponctuellement appuyer le dispositif de traversée416. L’étude récente et minutieuse réalisée par Laurence Jean-Marie, qui analyse les navigations du prince et de son entourage sous les règnes d’Henri II, Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, vient conforter ce constat initial. Deux lignes de traversée, au plus court, étaient habituellement empruntées : celle reliant Barfleur au Hampshire d’abord, celle joignant Wissant à Douvres ensuite. Cherbourg, Caen, Dieppe, Le Tréport, Calais et Gravelines, plus éloignés des côtes anglaises, étaient alors des embarcadères tout à fait exceptionnels pour les voyageurs417.
195Nous ne savons pas si les installations portuaires de ces deux têtes de pont avaient été spécialement adaptées au transport de passagers, qui plus est pour des personnalités de marque. Il est seulement possible de signaler l’existence d’un bâtiment nommé l’Esnecca Regis, affecté au transport du roi, de la cour et du trésor royal418. Il apparaît cependant que leur trafic était en grande partie dévolu à la circulation transmanche. Ainsi, lorsqu’en 1204 la Normandie échappa à la Couronne anglaise, cela fit l’effet d’une rupture et condamna cette activité dont semblait substantiellement dépendre le port de Barfleur. Le site disparaît presque de la documentation, pour ne réapparaître qu’au moment des combats de la guerre de Cent Ans. En ce qui concerne Wissant, au contraire, les flux de voyageurs restèrent soutenus, stimulés notamment, depuis la fin du xiie siècle, par le succès du pèlerinage de Canterbury419. La circulation était suffisamment régulière pour qu’un droit de passage pour l’Angleterre y fût bientôt institué, à l’instar de ce qui était déjà pratiqué à Douvres depuis au moins la fin du xie siècle420. C’est par là que traversaient généralement les maîtres et les élèves anglais qui se rendaient en France pour suivre les cours de l’université de Paris. Le roi Philippe IV le Bel ayant appris que le comte de Boulogne leur faisait payer à Wissant un droit sur la traversée de leurs livres, de leurs chevaux et de leurs bagages, il les en exonéra par une charte datée du mois de mars 1313421. Par la suite, au gré des fluctuations des possessions anglaises sur le continent, Calais bien sûr, mais aussi Cherbourg et Brest devinrent également, dans des proportions variables, des ports privilégiés pour les trajets entre la grande île et le continent422.
196Ajoutons que le port de Dieppe fut aussi, au cours des derniers siècles du Moyen Âge et lorsque la situation internationale le permettait, régulièrement emprunté pour relier la grande île britannique. Parmi les rubriques formant le « coustumier de la vicomté de Dieppe » rédigé en 1396, l’une est réservée au « passage d’Engleterre423 » :
« Chascun qui vient d’Engleterre, se il est à pié et il n’est franc, il doit I esterllinc ; chascun cheval, II esterllins ; le sommier, XII esterllincz ; le sac à troussel derriere l’omme ou la malle, III esterllins. Et acquitera le cheval son seigneur et le sergent qui le maine.
Se aucun va en Engleterre à pié, il n’en doit riens. Se il maine cheval, il doit du seul cheval III d. ; du sommier XII tournois ; du sac à troussel ou de la malle IIII d.
Le marchand qui a avec soy ses marchandises ou qui atant leur venue, ou cellui qui les suit, quant ilz sont departis de la ville, ou quant on les amaine à la ville, il ne doit riens pour sa personne, ne pour sa mesgnie, ne pour son cheval, à son user. Et se il a cheval en entente de vendre, il doit du cheval, en venant d’Engleterre, II esterllins ; et se il va en Engleterre, III d. tournois.
Item, il est assavoir que de toutes ces choses devant dites, en venant ou alant en Engleterre, sont quittes et exemps tous moingnes, iceulx qui portent regulier habit, du fleuve de Eu jusquez au fleuve d’Alenchon, et toutes personnes privilegeez se ilz ne sont marchans et de marchandise non, ou d’aucunes fermes.
Item, ensement sont quittez le mareschal et ceulz de sa table, les hoirs de Saint Vallery ; et sont tenus à venir as ples monseigneur l’archevesque, si comme les chevaliers de Belleville, de Braquemont, de Briquegny, du Pont Trencart, de Encourt, de Maronmesnil, de Sauqueville, d’Offranville, de St Denis, de Haquevont, de Hotot, de Bernesant, le chanbellenc de Tranquerville.
Item, ceulz qui demeurent dedens les murs de Rouen anciens, se il […] par an et par jour dedens les vieulx murs et portes, tant de marchandises que aultrement, moyennent la coustume cy dessus escripte faisant mencion d’iceulx. »
197Depuis les villages du pays de Caux jusqu’à Rouen, les marchand, bourgeois ou religieux de toute la Normandie septentrionale étaient susceptibles de franchir la Manche, à pieds ou à cheval, seul ou en compagnie, via le port de Dieppe. Ils y croisaient des passagers anglais se rendant eux en France.
198On peut de la même manière essayer de saisir les liaisons maritimes qui permettaient de connecter l’Angleterre à ses territoires aquitains. Si, jusqu’à la fin du xiie siècle, la route terrestre paraît avoir été préférée par les souverains anglais pour y accéder, la perte de la Normandie en 1204 les priva en grande partie de ce mode de communication. On aurait pu croire que l’évènement nécessitât la mise en place de solutions de transport alternatives et permanentes, par voie de mer, pour rejoindre La Rochelle jusqu’en 1224, puis entre 1360 et 1372, et surtout Bordeaux et Bayonne jusqu’en 1451-1453. Or, les études successives des déplacements de différents ambassadeurs au cours du xve siècle, réalisées par Michel Bochaca, montrent au contraire que chaque voyage de ce type était une entreprise particulière. L’improvisation était la règle. Depuis le port de départ retenu pour l’itinéraire, il fallait trouver un navire en mesure de transporter non seulement le diplomate, mais également les membres de son entourage, avec leurs bagages, leurs armes et parfois leurs serviteurs et leurs chevaux. Rien, au sein du dispositif portuaire, n’était particulièrement prévu pour cela, ni à La Rochelle, ni à Bordeaux, ni à Calais, ni dans les autres grands ports du golfe de Gascogne ou de la Manche. Il fallait compter sur la disponibilité d’un vaisseau et de son équipage, quitte à devoir l’acheter ou à embarquer sur un bâtiment affrété pour un transport de marchandises ; puis espérer la clémence des conditions de navigation424 (vents, courants, houle, pirates).
199Enfin, lorsque des accords commerciaux de grande ampleur impliquaient l’installation de communautés étrangères dans quelques grandes villes portuaires, se pose de la même manière la question de l’existence ou non, dans chacun de leurs ports d’étape ou de factorerie, de facilités logistiques propres à assurer les allées et venues de leurs ressortissants. Épluchant les privilèges souvent très détaillés obtenus au cours des xiiie-xve siècles par les bourgeois de La Rochelle auprès des autorités castillanes, flamandes et hanséatiques, et réciproquement par leurs ressortissants dans la ville-port aunisienne, nous n’avons retrouvé aucun indice laissant penser que des dispositifs propres au transport de passagers aient été créés425. Et les spécialistes des autres grands ports européens n’y font pas davantage allusion. Les voyageurs devaient donc, la plupart du temps, trouver place sur un des navires qui composaient les grands convois du vin et du sel en provenance de Flandre et de la Hanse, ou sur un bâtiment marchand des puissants armateurs castillans.
Les liaisons maritimes insulaires
200Pour les populations qui habitaient les quelques îles ponctuant le littoral atlantique, la circulation maritime était une nécessité. Elles entretenaient toujours, d’une manière ou d’une autre, une relation de dépendance à l’égard du littoral qui leur faisait face, ne serait-ce que pour vendre leurs produits excédentaires ou pour s’approvisionner en toute sorte de marchandises qui leur manquaient. Cependant, les services réguliers n’étaient pas encore la règle au Moyen Âge et il fallait aux insulaires, comme aux voyageurs venant du continent, de la patience et de la débrouillardise pour trouver un navire acceptant de les transporter426.
201Les preuves de l’existence de bacs sont rares. À Noirmoutier, entre le port de la Fosse et celui de Beauvoir, un passage est attesté en 1390427. Mais les seules références nettes dont nous disposons à ce sujet concernent Ré428. Plusieurs bacs y étaient entretenus par les deux autorités seigneuriales de l’île. Le plus court et le plus utilisé, celui reliant les côtes insulaires au promontoire aunisien, et qui permettait de joindre par la route La Rochelle et les paroisses de sa banlieue, était détenu par l’abbaye Notre-Dame, dite des Châteliers. Dès le xiie siècle, ce monastère aurait entretenu des moyens navals pour traverser le pertuis Breton, à partir de son port de Chauvet spécialement aménagé à cet effet429. Ce bac fut l’objet d’un conflit entre les religieux et les habitants de l’île en 1445. L’accord qui fut conclu provisoirement permit de transiger entre les parties et de fixer les tarifs de passage430 :
« Premierement, homme habitant de l’isle de Ré, luy seul paiera, IIII deniers tournois.
Et si ledit habitant est à cheval, payera pour lui et sondit cheval, XV deniers.
Et si ledit habitant a ferdel de charge d’ung cheval, paiera tant pour lui que pour sesdits cheval et fardel, XX deniers.
Homme forains, luy seul paiera, VIII deniers.
Et si ledit forain a cheval, paiera tant pour luy que pour sondit cheval, XX deniers.
Et si ledit forain a fardel qui soit droicte charge d’un cheval, payera tant pour luy que pour sesdits cheval et fardel, II sols I denier.
Item, pour beuf ou vache, s’il est habitant, paiera, XV deniers.
Item, s’il est forains, pour beufs ou vache, payera, XX deniers.
Item, beste porsine, soit forains ou estrangier, V deniers.
Et pour beste beline, soit estrangier ou forains, payera, III deniers. »
202Le 3 août 1452, le vicomte de Thouars, seigneur de Ré, confirma les privilèges de l’abbaye, et notamment « le droit de passage passante et repassant de ladite isle de Ré à la terre d’Aulnis, aux droicts et proufficts dont ils usent et ont accoustumé user ». Mais les Rétais ne baissèrent pas la garde et en 1467, ils affirmaient toujours « que lesdits religieux, abbé et couvent ont exigé plus grant somme de deniers des passans que ne portoit ladite provision431 ». Le fonctionnement précis de ce bac nous est toutefois inconnu. Tout au plus peut-on supposer que les liaisons s’effectuaient avec le port d’échouage de la Repentie ainsi qu’avec le havre du Plomb, aux abords duquel l’abbaye avait quelque possession. Un aveu de 1435 signale « la terre de Laleu, prest le passage de Ré432 ». Il en coûtait trois sous pour faire la traversée433. Au début du xviiie siècle, Claude Masse décrivait ainsi la liaison empruntée par les voyageurs souhaitant se rendre dans l’île434 :
« C’est là où se fait le commun embarquement de tous les voiageurs de la terre ferme à l’isle de Ré. Il y a trois ou quatre cabarets qui dépendent de la paroisse de Laleu, où les voiageurs font quelques fois longtemps séjour, et attendent le vent favorable pour passer en l’isle de Ré. Il y a ordinairement trois chaloupes qui vont actuellement de cette endroit au fort de la Pré qui abordent de basse mer contre un rocher qui est devant ses maisons. »
203De leur côté, les vicomtes de Thouars semblent avoir très tôt songé à établir des connexions entre l’île et leurs autres possessions littorales situées en Bas-Poitou et en Aunis. Ainsi, en 1289, Guy de Thouars, seigneur de Ré, détaillait son « debvoir de la mer » relatif au passage avec le continent : « c’est assçavoir passer et repasser nous et nos gens en ladite isle ; et mener nostre vivre et nostre harnois en laditte isle en Thalamondois, en la chastellanie de Chastelaillon et envenir en garnison à Thalamont, à Courson, en Olonne et leurs cosutes435 ». Si le passage avec le port de Châtelaillon périclita sans doute en raison des recompositions féodales, celui du Bas-Poitou fut, avec quelques discontinuités, progressivement institué. Les comptes très détaillés du receveur de la seigneurie de Ré pour les années 1408-1410 n’y font aucunement référence436. Mais il apparaît à plusieurs reprises dans les déclarations de patrimoine de vicomtes de Thouars de la fin du xve siècle. Dans un précompte dressé en 1484, est listé « le passaige de ladite ysle pour aller au port de la Tranche, en Poictou437 ». Puis un aveu de 1489 fait état de leur droit de « passaiges438 ». Les comptes et les affermages des années 1495, 1496, 1497 et 1499 enregistrent « la ferme du passage, passant et repassant de Sainct-Martin à la terre de Poictou439 ». Tandis qu’une enquête menée en 1498 pour vérifier la nature et l’étendue des droits exercés par Louis de La Trémoïlle mentionne les « passagiers passans ou repassans de ladite ysle a la Tranche en Poictou440 ». C’est donc entre les ports de Saint-Martin et de la Tranche que les liaisons étaient effectuées. Les droits perçus par les autorités seigneuriales donnent à penser que des navires étaient spécifiquement entretenus à cet effet, ainsi peut-être que des embarcadères.
Les bacs fluviaux
204En contexte de basse vallée fluviale et de ria, lorsqu’il n’existait pas de pont pour joindre une rive à l’autre et assurer la continuité des principaux axes de communication terrestres, des dispositifs de traversée spécifiques avaient été souvent créés pour y subvenir. Selon les cas, ils pouvaient être uniquement ouverts à des passagers, ou plus largement à leurs montures, leurs biens et leur bétail.
205On les retrouve sous diverses appellations dans la documentation : portus sive passagium, « port et passage », traversum, transitus baccorum, bac441. L’expression « port et passage », beaucoup employée dans les sources normandes, donne à penser que les lieux de desserte et le couloir de navigation ne formaient qu’un seul et même ensemble. Ces dispositifs nous sont connus la plupart du temps grâce aux droits perçus aux endroits où se faisaient les embarquements. Sans soucis d’exhaustivité, énumérons pêle-mêle ceux de Lamothe-sur-l’Eyre, de Soulac, Royan et Blaye sur la Gironde, de Macau, Calhau, Lormont, Trajeyt et Bordeaux sur la Garonne, de Saint-Pardon, Cavernes et Libourne sur la Dordogne, de Tonnay-Charente et Saint-Savinien sur la Charente, du Brault et Marans sur la Sèvre, de Saint-Benoît sur le Lay, du Pellerin, Couëron et Port-Launay sur la Loire, de Concarneau sur le Moros, de « Tresquinec » sur L’Élorn, de « Truc Paol » sur l’Aber-Benoît, de « Vei de Rupale » sur la Vire, de Dieppe sur l’Arques, de « Grand Port » et « Petit Port » sur la Somme, de Montreuil sur la Canche, ainsi que de plusieurs autres signalés sur l’Adour, la Dives, etc. Devant Bordeaux, on franchissait le fleuve depuis le port de la Grave jusqu’à celui de Trajeyt, dont le nom exprime explicitement l’usage spécifique qui en était fait. Au xiiie sècle, il était tenu par des bourgeois bordelais qui devaient en contrepartie assurer les allées et venues des personnages officiels. Puis par la suite, à partir du xve siècle semble-t-il, il fut exploité par des gabariers442. Il existait même des bacs dans les ports eux-mêmes, qui permettaient de joindre leurs cales, comme à Dieppe dont le havre était desservi par un « batel passeur », ou bien entre les rives des Sables-d’Olonne et de la Chaume.
206Pour la seule basse vallée de la Seine, Nicolas Leroux référence 37 lignes de passage traversant le fleuve : 21 appartenant à des établissements ecclésiastiques, 16 à des seigneurs laïcs. Les deux tiers furent établies entre les xiiie et xve siècles. Son inventaire est complété par trois itinéraires supplémentaires qu’a pu identifier Jimmy Mouchard443 (fig. 53). Ces bacs, parfois d’origine romaine444, mettaient en relation une soixantaine de ports, dont certains paraissent avoir été réservés à cet usage exclusif. Parmi eux, quelques-uns bénéficient d’un éclairage documentaire particulier. À Jumièges, selon le tarif appliqué à chaque passage, le bac fonctionnait de jour comme de nuit et permettait de transporter des individus, leurs chevaux ainsi que leurs charrettes chargées. L’abbaye de Saint-Wandrille exploita quant à elle deux bacs au cours du Moyen Âge : l’un, qui fonctionna entre les viie et xvie siècles, reliait Caudebecquet à Bliquetuit ; l’autre, établi à partir du xie siècle, joignait ce dernier port à Caudebec445. Voici ce que prévoyait le tarif du bac de Caudebec, d’après une sentence du 22 mai 1523 :
« Et pour le droit du port et passage, travers et costume pretendue par les dis religieux, notre dicte court en tant que est le dit port et passaige pourront prendre pour chacun homme, chargé ou non chargé, deux deniers tournois, pour chacun cheval chargé ou non, deux deniers tournois, pour homme et cheval ensemble, cinq deniers tournois, pour beste aumaille, deux deniers tournois, pour beste à laine, chievre ou bouc, obole, pour pourceau ou truie, un denier tournois, pour chacune charrette chargée, dix deniers tournois, pour non chargée, cinq deniers tournois, pour chariot chargé, deux sols et six deniers tournois, pour non chargée, quinze deniers tournois, pour un chacun homme conduisant les dits charrettes ou chariot, deux deniers tournois, et pour cheval, trois deniers tournois. Et ou ils admendront que par impetuosité de vent ou d’eaue, il fust necessité avoir d’autres aides que es ordinaires au dit port et passage ou qu’il commendroit avoir le grand bac. En cas ne pourront prendre oultre quatre deniers tournois pour chascun des dits aides446. »
Figure 53. – Les bacs de la basse vallée de la Seine à la fin du Moyen Âge.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
207Il arrivait que certains seigneurs, comme Nicolas de Vatteville en 1235, détiennent une barque traversière pour leur usage personnel. Plusieurs affaires intervenues à propos des droits de passage sur la Seine, entre les xiiie et xve siècles, laissent entendre qu’une vive compétition existait entre les propriétaires de ces ports, et qu’ils étaient prêts à en créer de nouveaux pour concurrencer leurs voisins. Par ailleurs, des particuliers essayaient parfois, de façon illicite, de tirer parti, avec leur propre embarcation, du besoin de traverser des populations locales. Ainsi, un certain Jean Cueuret fut-il condamné le 4 juin 1489 pour avoir embarqué des passagers au détriment du bac de Val-Hulin447.
208Que ces chiffres ne nous exonèrent toutefois pas d’un cruel constat : ce sont notamment ces bacs qui viennent cribler notre inventaire portuaire de larges lacunes. Au vu de leur densité dans la basse vallée de la Seine, ces passages devaient être aussi très nombreux sur les autres fleuves et rias relevant de notre champ d’étude. Malheureusement, les sources n’en ont pas gardé trace. Au surplus, l’identification de toponymes ne suffit pas à satisfaire notre connaissance des embarcadères à partir desquels étaient établies les jonctions entre berges opposées.
209Autre question : quels aménagements permettaient aux voyageurs d’accéder à ces bacs ? Nous l’ignorons pour ainsi dire, ce qui laisse deviner leur caractère rudimentaire. Au passage du Brault, sur la Sèvre Niortaise, des « paux » (pieux) étaient fichés dans la vase pour faciliter le hallage des bateaux traversiers448. Le long des rives séquaniennes, les points d’embarquements se limitaient souvent aux extrémités des chaussées mises en relation. Celui de la Bouille, par exemple, situé à quelque 18 km en aval de Rouen, n’était formé que d’une simple cale empierrée, qui devait souvent obliger les passagers à mouiller leurs mollets depuis la terre ferme jusqu’à bord des navires449. Sur les points de passage les plus fréquentés, l’espace nécessaire pour assurer l’attente et le transit des passagers, de leurs biens, de leurs chevaux et de leurs bêtes, pouvait être important. C’est pour cette raison que le seigneur de Mauconduit loua aux religieux de Saint-Wandrille, avant 1412, une place contiguë au port de Caudebec450.
210Tout au plus, nous pouvons apporter quelques informations à propos des navires employés pour cette tâche, des matériels qui étaient dans ce cas précis directement attachés à la logistique du port. Le bac de la Bouille fonctionnait au moyen de trois embarcations : un navire à rames pour le transport des bêtes et des chargements les plus pondéreux, et deux « bachots » capables d’emmener quelques passagers. Ces bateaux étaient très sensibles aux courants du fleuve et de la marée, ce qui obligeait parfois les passeurs à régler leur parcours en décalant leur point de départ en amont ou en aval de l’embarcadère de la Bouille451. À Caudebec, la traversée entre les deux rives jusqu’à Bliquetuit se faisait grâce à un bac affermé par l’abbaye de Saint-Wandrille. Il était doté de plusieurs embarcations et en particulier d’un grand bateau, que les preneurs étaient tenus d’entretenir. Les constructeurs de ces navires traversiers devaient trouver le meilleur équilibre entre le besoin de conduire un maximum d’individus – avec parfois leurs charrettes et leur bétail – et la nécessité de les maintenir en sécurité dans les eaux agitées du fleuve. En 1283, on limita les dimensions du bac de Caudebec à 51 pieds de long et 21 pieds de large (soit environ 15 mètres de long sur 6 mètres de large), un gabarit déjà très important452. Cette embarcation est à nouveau évoquée dans un contrat de 1464453. Jimmy Mouchard fait justement remarquer que, selon les conditions nautiques proposées par chaque section de la basse vallée du fleuve, le matériel naval employé était assez différent. Dans la partie d’aval, la plus large de l’estuaire, jusqu’aux environs de Quillebeuf, on privilégiait des bateaux à voile pour assurer les traversées ; dans sa zone intermédiaire, jusque vers Caudebec, on avait recours, de préférence, à des navires à rames ; enfin, sur sa section d’amont la plus étroite, on pouvait mettre en place un dispositif de traille pour actionner les embarcations454.
211Sur la Gironde, en dehors des gabarres utilisées à cet effet, avait été mis en service, au moins depuis le début du xve siècle, un modèle spécifique de navire : « l’anguille ». Elle était employée par les marins de Blaye, qui avaient le monopole des liaisons avec Bordeaux par ses ports des Pèlerins et des Anguilles. Dotée de bonnes dimensions, elle pouvait conduire facilement, d’une rive à l’autre, des hommes et leurs chevaux. Ses capacités étaient parfois assez conséquentes, certains spécimens pouvant mesurer 39 à 40 pieds de long sur 11 pieds de large455. Sur la Dordogne, entre Cavernes et Libourne, circulait la « cavernière ». Il s’agissait d’une sorte de gabare pontée, munie de bancs sur lesquels pouvaient s’asseoir 25 à 30 passagers. Elle est attestée depuis au moins 1346. Les jurats affermaient ce passage à des matelots expérimentés pour la conduire, alternativement, au départ de Libourne au jusant et de Cavernes au flot456. Achevons ce bref inventaire en évoquant le bac du Moros, situé aux pieds des remparts de Concarneau. C’est ici une embarcation à fond plat, qu’on actionnait au moyen de câbles, qui était employée pour permettre aux piétons et à leurs attelages de franchir le lit du fleuve côtier457.
Un lieu de construction et réparation navale
212Alors que depuis les années 1980, plusieurs opérations archéologiques d’envergure ont permis de préciser les méthodes d’assemblage des bateaux ainsi que les caractéristiques et les traits de certains modèles, la question de leurs sites de fabrication est restée, somme toute, en suspens. Avant elles, Jacques Bernard, à partir de ses sources bordelaises complétées par d’autres documents épars, avait essayé d’explorer la question dans sa thèse d’État, mais sans grand succès du fait de la faiblesse des pièces informatives.
213Conçu pour abriter et desservir des embarcations, le port était aussi l’endroit tout indiqué de leur construction et de leur entretien. Cependant, selon toute vraisemblance, tous les sites recensés n’ont pas accueilli des chantiers de marine au Moyen Âge. Loin s’en faut. Il ne s’en trouvait que dans les ports les plus importants, ceux qui disposaient tout à la fois de la place, des matériaux et des ouvriers nécessaires à l’artisanat naval. Cela étant dit, les témoignages sont très rares à leur égard, surtout pour la période antérieure au xve siècle. Le constat vaut pour les marchés de construction comme pour les contrats ou devis portant sur des travaux de réparation. Il était en effet d’un usage très courant dans ce domaine de contracter sous seing privé ou par simple convention verbale. Ainsi, en dépit de son volume remarquable, le corpus notarial bordelais est extrêmement discret à ce sujet. On aimerait dresser une carte, même sommaire, des lieux de production des navires, mais faute d’indications suffisantes, cela n’est pas possible. Nous nous bornerons donc ici à décrire la physionomie et le fonctionnement de ceux pour lesquels quelques renseignements ont traversé le temps.
214Il s’en trouvait à Bayonne, le long des berges des nouveaux quartiers établis sur la rive droite de la Nive, entre la tour des Menons et la rue de San Benedit et près de la rue du Pont Traversant458. Quelques-uns furent ouverts notamment en 1317, à hauteur du couvent des Jacobins459. Sur l’Adour, ils étaient fixés le long de la courtine du Bourg-Neuf et à Liposse, au pied de la hauteur de Saint-Esprit. Eugène Goyheneche pense qu’il a dû y en avoir aussi à Tarrides, le faubourg maritime de Bayonne. Le 3 avril 1322, la ville promulgua plusieurs interdictions à l’intérieur des faubourgs afin d’éviter leur encombrement et la propagation des incendies : celle d’y construire des barques et des galupes, d’une part, celle de faire chauffer du brai pour les calfater, d’autre part460. Ces chantiers étaient d’une remarquable activité et participaient activement au dynamisme économique de la cité. Investis dans l’armement et le secteur du fret, les Bayonnais étaient attentifs aux exigences du marché et prenaient des mesures pour conserver leur leadership dans ce domaine. Ainsi, le 29 juillet 1307, ils prirent la décision d’interdire la construction de « naus » et de « baschetz » inférieurs à 100 tonneaux, comme d’en acheter461. Les chantiers faisaient vivre toute une population de charpentiers, de calfats, de forgerons, de cordiers, de « fauts », de tourneurs ou de fabricants de rames. Les constructeurs de vaisseaux avaient créé une organisation professionnelle qui disputait les premières places au sein de la société bayonnaise. Un établissement du 17 mai 1326 vint régler leur travail462.
215À Bordeaux, dont la population paraît s’être peu intéressée à la question navale en dépit du commerce maritime dynamique qui s’y pratiquait, toutes les rives portuaires étaient susceptibles d’accueillir un chantier. Mais parmi elles, celles de la Grave au sud et de Tropeyte au nord avaient été privilégiées par certains charpentiers. En réalité, ce n’étaient que de simples emplacements temporaires, choisis au gré des besoins et des contraintes du moment. La grève suffisait à recevoir les accores et les tins contre lesquels était stabilisée chaque coque. Les navires y étaient hissés au moyen de leviers, de cabestans et de treuils. Parfois, une « fousse », fermée par des batardeaux, était creusée dans la berge, faisant office de cale sèche. Quant aux charpentiers eux-mêmes, ils ne formaient pas un groupe professionnel à part entière. Employés en bonne partie à la restauration des bateaux en transit à Bordeaux, il leur arrivait de répondre à des commandes afin de bâtir quelques « anguilles », caboteurs ou galères463.
216Les témoignages relatifs aux sites de construction navale sont plus significatifs à propos de La Rochelle et de certains ports environnants. Le grand havre de la capitale aunisienne comportait un secteur spécialement dédié à la construction et à la réparation des bateaux, le long de la Petite Rive. Une partie de cette bordure portuaire était une vaste cale dont le sol constitué de vase avait dû être stabilisé par épandage du lest des bâtiments marchands. La Petite Rive bordait les remparts du quartier Saint-Nicolas et plongeait en pente douce dans les eaux du port. Certaines représentations modernes laissent entendre qu’un bras d’eau la pénétrait, formant ainsi une sorte de bassin de carénage. Quelques contrats de construction rendent compte des travaux que les charpentiers spécialisés y effectuaient. Entre 1468 et 1469, trois actes précisent les clauses de fabrication de « gabares plates », capables de contenir une « fourniture » de vin, soit 21 tonneaux. Ces embarcations servaient au transport des fûts à partir du cours de la Moulinette jusqu’au port de La Rochelle464. Leur prix variait de 40 à 45 écus d’or, en fonction des façons et des appareillages dont elles étaient pourvues, et pouvait descendre à 20 écus si le client apportait une partie des matériaux nécessaires. On précise que les travaux étaient entrepris « sur la vase à la Petite Rive ». Dans un premier temps, l’acheteur devait faire stabiliser la berge à l’aide de planches en bois, le tout formant une « solle, sur quoi […] droisse ladite gabarre, car pour mettre en besoigne n’est bonne et sceure pour asseoir l’édifice465 ». Grâce à ce dispositif, le chantier échappait à l’incommodité des boues environnantes. Le maître charpentier disposait d’un plan de travail stable et régulier, ce qui était indispensable à la fabrication d’un navire à fond plat. Par ailleurs, la mise à l’eau du navire s’en trouvait facilitée. Ensuite s’engageait la construction de la gabare dont les façons et les appareils différaient selon la commande. Toutefois, il semble qu’on privilégia certains standards : ainsi Micheau Moine spécifia que son embarcation devait être « de la longueur et de la largeur de celle de Meriot Fromaget466 ». Les matériaux employés pour ce type de bateau étaient peu nombreux. Le charpentier s’approvisionnait en « sole » [planches de bois pour les fonds et le bordage] et en clous pour la confection de la coque, en brai, en étoupe et en graisse pour en assurer l’étanchéité. Après trois mois et demi à quatre mois et demi de chantier, l’embarcation était livrée garnie de « lasses dedans et de boys dehors ». Pour tout appareil, elle ne disposait que d’une douzaine de perches pour « maroyer », c’est-à-dire bien peu au regard des modèles fluviaux actionnés à la voile467.
217Des bâtiments de plus grande taille étaient également produits en Aunis, en particulier pour les besoins de la pêche et du cabotage. En août 1481, un marin d’Esnandes, Huguet Poponneau, contracta avec un charpentier breton de Planguenoual, près de Saint-Brieuc, afin qu’il lui construise un « fleung à pescherie » pour le prix de 100 livres tournois. Le flouin, navire long et maniable, était en effet un modèle très apprécié des pêcheurs. La construction de l’embarcation, dont le début avait été prévu en mars 1482, devait être effectuée à Esnandes, devant l’hôtel dudit Poponneau. Trois à cinq hommes – le maître charpentier et ses compagnons – étaient nécessaires à sa réalisation. Elle mesurerait « quarante piez de quille, treze piez de mastoute, six piez et demy de floie et six piez de genoilz ». Le charpentier s’engageait à fournir tout le bois et l’étoupe nécessaires, l’acheteur quant à lui prenant à sa charge la mâture, les ferrures et l’ensemble besoins liés à la résidence des hommes (logement, lits, draps, cuisson des aliments, vin)468.
218Aux commandes d’embarcations neuves s’ajoutaient toutes les opérations liées à la réparation des navires. Ce sont elles qui paraissent avoir mobilisé la majorité de l’activité des chantiers aunisiens. Au regard du volume du trafic maritime qui transitait par la mer des Pertuis, le travail ne devait pas manquer. Malheureusement, nos sources restent pauvres à ce sujet. Pour La Rochelle, un seul contrat de réparation, passé le 6 novembre 1467 entre un bourgeois de la ville et Jehan de la Rye, a été conservé. Il s’agissait de restaurer une pinasse, « c’est assavoir une quille toute neuve, quatre estodrames, les carreaux tout le long, toutes courbes et varaigues qui seront necessaires […], avec vaigres, boz et escarlingues469 ». Il en coûta à son propriétaire, en plus de la fourniture « de bort [bordés], de clou, d’estouppe, de geme », 20 écus d’or, une demi-pipe de vin, une charge de froment et un quart de porc. On sait par ailleurs qu’à l’occasion des réparations de la Gabrielle, nef de la duchesse de Thouars, réalisées en 1492, les chantiers rochelais furent à plusieurs reprises mis à contribution. De mars à juin, les gens de la dame de La Trémoïlle y achetèrent les matériaux (pièces d’olonne, fil à coudre, étoupe, savon de cordage, écuelles de bois, suif, aiguilles, tarières, clous, lanternes, cuir) nécessaires aux diverses réfections commencées aux Sables-d’Olonne. Puis, au cours des premiers jours du mois de juillet, le navire fut mené en l’île de Ré et à La Rochelle pour que soient achevés les derniers travaux et l’entretien du matériel (on fit notamment « abiller » les compas)470. Enfin, dans les ports alentour, des chantiers navals proposaient également leurs services pour la réfection des bâtiments endommagés. C’est par l’un d’eux qu’en 1484 Jean Codelain, contraint de faire une escale d’urgence au Plomb, fit réparer son navire armé en course471.
219En Bas-Poitou, ce sont les charpentiers des Sables-d’Olonne qui se signalent à plusieurs reprises au cours de la fin du Moyen Âge. Des maîtres et ouvriers de chantiers y vivaient de la construction et de l’entretien des navires. Les forêts alentour – d’Orbestier et de Grosbreuil notamment – fournissaient le bois nécessaire à l’élaboration des coques. Le chanvre cultivé dans les marais servait quant à lui à la fabrication des cordages et surtout des olonnes, ces toiles réputées employées pour la confection des sacs de sel et des voiles. Leur production débuta en Bas-Poitou pour s’étendre ensuite à la Bretagne ; si bien qu’au xve siècle, le terme était devenu générique et son usage s’était répandu dans l’ensemble des milieux maritimes472. Reprenons les comptes des travaux exécutés sur la Gabrielle en 1492, dont une partie importante fut effectuée aux Sables-d’Olonne. Ils enregistrent l’emploi d’une grande variété de professionnels locaux affectés à la restauration des structures et des équipements du vaisseau : des charpentiers, des scieurs de bois, des calfats, des couturiers de voiles, des canonniers et des artilleurs. En ce qui concerne spécialement les aménagements portuaires, quelques indications filtrent des pièces comptables. La vicomtesse commença par faire réaliser une « forme » – c’est-à-dire une cale sèche – capable de recevoir l’imposante coque de ce bâtiment. On entreprit aussi de « fere la grue » nécessaire à manipulation des lourdes pièces de charpente qu’il convenait de remplacer473.
220Si la marine de Bretagne transparaît abondamment dans les textes, sa construction navale reste en revanche frappée d’un profond silence. Le fonctionnement des chantiers bretons est très mal connu. Les plus importants, comme ceux de Morlaix ou de Nantes, étaient capables de lancer à la fin du xve siècle des vaisseaux de quelque 1 000 tonneaux. On identifie aussi l’activité d’autres sites plus modestes au Croisic, à Penmarc’h, au Conquet, à Brest ou à Saint-Malo, pour le compte du duc en particulier. En pays de Retz, certains professionnels étaient particulièrement réputés au xiie siècle. Ainsi, dans sa géographie, Al-Idrissi évoquait en 1154 une « jolie ville où sont un chantier de construction et un port très sûr, et des bazars474 ». Même de petits ports comme Kergoal pouvaient être le siège d’activité de pêcheurs-charpentiers475. L’épave d’un caboteur – vestige rarissime – a été découverte dans l’Aber Wrac’h. Sa coque mesurait près de 30 m de long. Construite à clin avec des pièces de chêne reposant sur une quille en hêtre, elle était emplie de quelque vingt tonnes de pierre de lest476. Au sein du complexe portuaire nantais, les rares chantiers navals qu’on identifie au xve siècle se trouvaient au niveau du Port-à-vin477. Al-Idrissi évoque aussi ceux de Vannes au xiie siècle478. Ils voisinaient les nouveaux quartiers au sud de la ville primitive479. À Morlaix, au xve siècle, les constructeurs de bateaux travaillaient un peu en aval du port, dans une anse formée au niveau de la confluence avec le Dourduff. Vauban imagina plus tard y établir un port militaire480. En dehors de ces quelques généralités, la physionomie concrète des sites de construction bretons est impossible à cerner.
221Au sein de l’espace normand, la coutume de la prévôté de Caen précise que « qui vendra neif ou batel doit 4 d. et qui l’achate aussi481 ». Les ports de la basse Seine jouaient un rôle important dans le domaine de la construction navale. Selon Jimmy Mouchard, les chantiers se répartissaient autour de trois secteurs relativement spécialisés qui perdurèrent depuis le xie siècle jusqu’au xve siècle : à l’embouchure, les stations navales d’Harfleur et d’Honfleur ainsi que le port de Leure ; en partie médiane, un foyer organisé autour de Tancarville, Marais-Vernier et Quillebeuf ; entre le domaine maritime et le domaine fluvial, une « zone de transition » englobant Vatteville, Villequier et Caudebec482. Et bien entendu, en amont de ces installations, se trouvaient celles du complexe portuaire rouennais, qui comprenait depuis 1293 l’arsenal du Clos des Galées. Au total, à la fin du Moyen Âge, pas moins d’une dizaine de sites de construction fonctionnaient depuis Rouen jusqu’à la mer483. À Harfleur, les chantiers civils et militaires se concentraient au sud de la ville, autour d’un bassin fortifié destiné à accueillir et à protéger les bâtiments royaux. Ils participèrent à plusieurs reprises à la construction de flottes pour le compte de la Couronne française484. Quant aux chantiers d’Honfleur, ils étaient, selon toute vraisemblance, situés de part et d’autre de l’entrée du port, au niveau des lieux-dits « l’Hôpital » et « le Butin » à l’ouest, dans le secteur du « Havre Neuf », du « Rocher » et du hameau « La Rivière » à l’est485. En dehors d’indications éparses, rapportant çà et là l’armement de bâtiments de guerre pour le compte du roi, quelques rares documents viennent attester le fonctionnement de ces sites de production. À Harfleur, on fit édifier deux barges en 1371, au moyen d’une quarantaine de chênes coupés dans les forêts des Hallates et de Touques486. Selon un contrat passé le 15 janvier 1419, un charpentier du Mesnil, petit port situé en face de Quillebeuf, s’engagea auprès de deux habitants à leur « besongner ung batel, allant par mer et Seine, tout neuf, batel à quille, portant le peson de VII queues de vin, de XXII piez de quille487 ». Un peu plus en amont, le seigneur d’Ételan disposait de plusieurs droits lui permettant de faire prélever au xve siècle des arbres dans les forêts de Gravenchon et du Trait-Maulévrier pour le fonctionnement de ses chantiers navals du port de Petiville488. En 1474, un grand bâtiment de guerre, exécuté à partir de 55 chênes, sortit des chantiers honfleurais489. Et le 29 avril 1493, le vice-amiral Caulbart faisait référence dans une lettre aux mâts destinés aux caraques du roi, en cours de construction dans le port d’Honfleur490.
222Les matériaux nécessaires à l’élaboration des coques et des mâtures étaient également obtenus via les ports situés à proximité immédiate des forêts de prélèvement. Ainsi que l’indiquent deux quittances de 1385 et 1386 relatives à l’approvisionnement des chantiers du Clos des Galées de Rouen, on allait chercher du bois dans les « pors de Croisset, de Caudebecquet, de Bliquetuit, de Caudebec, et de Cronenfleu [Crémanfleur491] ». Les ports de Vatteville et d’Aizier, ou encore celui de Boscherville, profitaient également de leurs abords boisés dans lesquels se fournissaient les constructeurs de bateaux, et ce dès le xie siècle492.
223À Rouen, ce sont uniquement les arsenaux militaires du Clos des Galées dont on saisit le fonctionnement. Nous les aborderons plus loin. L’hypothétique existence de chantiers civils le long de la rive droite, à hauteur de l’extrémité sud-ouest des remparts, dès les xie-xiie siècles493, a été parfaitement réfutée par Laurence Jean-Marie494. Il reste pour la Normandie les chantiers de Dieppe, étudiés par Michel Mollat au moyen d’une série de 29 relevés de droits seigneuriaux perçus sur la construction et la réparation des bateaux, entre les années 1405-1484495, ainsi que de pièces comptables, notariales et juridiques diverses496. D’après ces registres, une taxe frappait les navires neufs ou restaurés selon deux catégories de tonnages, dont le seuil distinctif varia entre 26 et 14 tonneaux durant le xve siècle. Voici la présentation qu’en faisait le receveur dans son registre en 1423-1424497 :
« Autre recepte appartenant à mondit seigneur à cause des nefz et bateaulx que l’on fait de noeuf ou qui de nouvel sont rappareillez et mis en l’aastellier durant le temps de ce present compte, et dont chacun navire qui est du port de 24 tonneaulx et plus doibt 10 s. t., et au dessoubz, de mendre port, 5 s. t., dont les noms de ceulx qui y ont esté depuis Saint Michel CCCCLXXIIII jusques à l’an revolud ensuivent. »
224Le terme « d’aastellier » employé dans cette mention indiquerait le caractère artisanal des chantiers dieppois. Ces derniers n’avaient pas de place fixe et s’installaient de manière dispersée, au gré des commandes, des besoins et des facilités. Cependant, il paraît que les berges de l’Arques avaient la préférence des charpentiers, la grève du « port de West » étant trop exposée. On positionnait les accores employés pour soutenir les coques plutôt le long de la rive gauche, au contact de la ville. Mais lorsque la taille du bâtiment dépassait les quelques dizaines de tonneaux – qui étaient la jauge standard des bateaux locaux – on se plaçait sur la rive droite, « oultre l’eaue », du côté du Pollet, où la place disponible offrait davantage d’aisance pour travailler. C’est là que fut mise en chantier une nef de quelque 300 tonneaux vers 1493-1494. Ces ateliers fonctionnaient toute l’année, selon le rythme des commandes et de l’activité maritime, avec une période creuse à l’automne, au moment de la pleine saison de la pêche au hareng. Ils pouvaient compter sur la proximité de la forêt d’Arques pour obtenir les bois nécessaires. Durant la période couverte par lesdits comptes, 326 navires, de tailles et de types divers, passèrent par les mains des charpentiers et calfats de Dieppe, soit une moyenne annuelle légèrement supérieure à 11 embarcations. En dehors d’une demi-douzaine originaire d’Harfleur, de Rouen, d’Abbeville, d’Espagne, du Portugal ou d’Angleterre, presque tous les bateaux étaient attachés à ce port. Toutes sortes d’unités étaient réalisées ou réparées, la plupart – soit 275 – d’une capacité inférieure à 24 tonneaux : des nefs, des barges, des « batels » ou des « carvelles » pour les plus gros ; des bateaux de pêche plus modestes comme des « harenguiers », des « maqueleurs », de « tourets », des « tramailleurs » ou des « cordiers », représentant 144 des 326 mentions ; quelques vaisseaux de guerre tels que baleiniers, gallées, « archelais », « roualles de guerre ». Un pic d’activité semble avoir été atteint après la fin des hostilités : les chantiers ont alors été capables de fournir et de réparer, en quelques années seulement, les 183 bateaux qui composaient la flotille de pêche au hareng de 1475498.
225Les chantiers d’Abbeville étaient particulièrement actifs. En 1340, le port fournit un contingent de 12 barges et de 1 500 matelots pour participer à la bataille de L’Écluse499. Vers la fin du xve siècle, pas moins de 200 charpentiers et 100 maîtres charpentiers de marine y travaillaient, produisant des vaisseaux de 70 à 100 tonneaux. Leur modèle favori était la « briganne » : ce navire était spécialement affecté au transport fluvial de la somme, depuis les ports de l’embouchure jusqu’à Amiens500.
226Enfin, en Flandre, les traces d’activités de construction navale ne sont pas plus significatives. À Calais, c’est probablement dans l’arrière-port qu’on s’affairait à cette tâche, pour les besoins de la pêche, du commerce ou de la guerre : en 1297, on y bâtit une galère pour le roi501. Dans le Zwin, on construisait et réparait une multitude de navires, de types très différents, que Jacques Paviot a parfaitement étudiés. À L’Écluse, une caravelle fut fabriquée en 1438-1439, un brigantin et trois galiotes en 1449502. Dans le cadre de plaintes adressées en 1351 au magistrat de Bruges, il est mentionné que le bailli de l’Eau devait donner son congé pour la vente de navires. Par ailleurs, une taxe de six deniers était exigée pour permettre l’échouage d’un bâtiment devant être radoubé503. Cette dernière exigence fut complétée. En 1411, les Portugais, puis les Génois, avaient ainsi obtenu, parmi leurs privilèges, la possibilité pour « les maistres et maronniers dessusdis puissent à toutes heures mettre et tenir leurs nefz au sec à Lescluse et aillieurs en la conté de Flandres, pour les regarder, empoyer et rappareillier ; et quils puissent la terre caver dessoubz ycelles pour les ensavonner, pour fondre syeuf et poy, et dautres choses faire qui mestier leur feront, sans peine ou calenge, et sans faire dommaige audit sec ne autruy504 ».
227Voilà tout ce que nous pouvons dire à propos des structures civiles de construction et de réparation de navires. Les progrès de l’archéologie ont certes permis d’exhumer des épaves et de mieux comprendre les réalités et les problématiques de l’architecture navale, mais sans pouvoir réellement éclairer les chantiers dont sortaient les bateaux étudiés. La pauvreté de nos informations à cet égard est extrêmement frustrante, compte tenu du dynamisme de ce secteur, en particulier en Bretagne et en Normandie. Souvenons-nous de la vitalité de la flotte bretonne au cours des xive et xve siècles. Les navires des moindres ports venaient grossir les rangs des rouliers qui par centaines répondaient aux besoins des affréteurs européens. Cela donne à penser que, partout dans le duché des charpentiers étaient capables de lancer des barges, des « carvelles », voire des nefs. Mais il nous est impossible d’accéder à la réalité de leur travail le long des berges portuaires.
Un lieu d’armement militaire : arsenaux et bases navales
228Appréhendée dans les travaux fondateurs de Charles La Roncière consacrés à l’histoire de la marine française, conceptualisée par Michel Mollat et récemment reprise par Marc Russon, la question de la politique maritime et navale des rois de France ne fait plus grand mystère505. Elle a de plus été complétée par les études plus ciblées menées sur les duchés de Bourgogne et de Bretagne, ainsi que sur les provinces de Normandie, du Bas-Poitou, d’Aunis et de Saintonge506. Même si les navires et les évènements politiques y relèguent souvent les ports au rôle de paysage, ces analyses n’en demeurent pas moins très utiles lorsqu’on souhaite saisir le caractère militaire de ces espaces.
Les capacités navales du royaume anglo-normand
229Dès la constitution du royaume anglo-normand, la capacité de la Couronne à se pourvoir de bâtiments de guerre à son service constitua un enjeu majeur de sa défense stratégique. Laurence Jean-Marie en a récemment présenté une analyse détaillée. Avant même la conquête de l’Angleterre d’ailleurs, les ducs de Normandie auraient disposé de bâtiments et de pilotes pour leurs propres besoins. Robert le Magnifique avait commandé la formation d’une première flotte en 1030. En 1066, répondant à leur service féodal, les seigneurs du duché auraient été en capacité de fournir à Guillaume le Conquérant quelque 676 vaisseaux – et peut-être 1 000 ! – pour entreprendre son débarquement. Puis, sous Henri II, on repère à plusieurs reprises le service des « esnèques », des embarcations longues et rapides de type nordique employées pour traverser la Manche, et notamment pour transporter le trésor royal. Ces bateaux semblent cependant avoir eu pour ports d’attache exclusifs des sites anglais. Ils furent bientôt complétés à la fin du règne d’Henri II, surtout lors de la préparation à la croisade de Richard Cœur de Lion en 1189-1190, par d’autres naves regis. On finança spécialement à cet effet des navires et des équipages. Nous connaissons ceux provenant des Cinque Ports, de Southampton, de Dartmouth et de Shoreham ; ils furent épaulés par des spécimens attachés à des havres normands, bretons, poitevins et bayonnais. Cette expédition en Terre sainte paraît avoir enclenché une certaine prise de conscience de la part du souverain Plantagenêt puisqu’après son retour on continua de financer la construction de bâtiments capables à tout moment de le servir sur mer et sur les fleuves. Et de part et d’autre de la Manche, on mit à contribution certains centres portuaires – les Cinque Ports en Angleterre (Hastings, New Romney, Hythe, Douvres et Sandwich), Barfleur, Dieppe et Ouistreham-Caen en Normandie – afin qu’ils contribuent à la formation et à l’entretien de forces navales. C’est dans ce but que des galées furent probablement construites à Rouen à cette époque ; et c’est grâce aux efforts de son frère que Jean Sans Terre disposa quelques années plus tard, en 1204, d’une flotte d’environ 70 navires avec laquelle il entreprit de desserrer le siège de Château-Gaillard507. Tant et si bien que les historiens anglais considèrent le règne de Richard Cœur de Lion comme le moment de la naissance, sous une forme embryonnaire, d’une première « royal navy508 ».
230Les Capétiens ne prirent manifestement pas la mesure de cet héritage, tout du moins pour ce qui concerne la façade atlantique. Les conquêtes avortées de l’Angleterre, en 1213 et 1216, imaginées par Philippe Auguste et Louis de France, ne doivent pas faire illusion ; pas plus que l’incorporation des marges littorales du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge. Cependant, ne soyons pas trop sévère avec eux. Au même moment, la Couronne anglaise, ainsi que les principautés de Bretagne et de Flandre, n’accomplissaient guère plus de progrès. Dans le domaine de la puissance navale, tous marquèrent le pas durant le xiiie siècle.
La constitution d’un dispositif militaire sur la basse vallée de la Seine
231En France, c’est à Philippe le Bel qu’on doit l’élaboration d’une véritable force maritime au service de sa politique militaire et internationale. Alors que montaient les tensions annonciatrices du déclenchement de la guerre de Cent Ans, que l’adversaire anglais se faisait toujours plus pressant et que les villes flamandes résistaient à son gouvernement, il rechercha dans la puissance navale un nouvel atout pour établir sa suprématie. Son action en la matière peut être synthétisée en trois axes, dont la mise en œuvre fut synchrone. L’un consista à s’appuyer sur les navires et marins disponibles dans les ports du royaume et parmi les équipages étrangers, qu’ils fussent de l’Atlantique ou de la Méditerranée. Des centaines de bâtiments furent ainsi armés en guerre, tandis que des corsaires agissaient pour le compte du roi. Un autre axe reposa sur la constitution de l’amirauté de France, institution militaire spécialement dévolue au commandement des actions maritimes. Le troisième axe fixa la création d’un réseau de stations navales, avec pour arsenal principal le Clos des Galées de Rouen.
232Ce dernier projet releva du défi. À la fin du xiiie siècle, l’espace portuaire rouennais avait atteint son extension maximum sur la rive droite de la Seine. Aussi, lorsque le pouvoir royal envisagea d’y établir un complexe dédié à la fabrication de navires et à l’armement, il fallut trouver de la place ailleurs. Seule la rive gauche, en aval du pont de pierre, pouvait encore recevoir des installations complémentaires (fig. 54). Elle offrait déjà un mouillage, la « cauchie » de Saint-Sever, le long duquel il devint obligatoire de stationner une fois les opérations de manutention achevées509. Le roi se démit, en 1284, au profit de la municipalité, de l’emplacement sur lequel se tenaient jusqu’à présent ses chantiers navals, portant son attention sur un terrain sis à Richebourg, à proximité du faubourg Saint-Sever. Une charte émanant du « Cartulaire des Emmurées » mentionne l’existence des « Neuves Galées » dans ce quartier, en avril 1297510. Puis, la présence à cet endroit du Clos des Galées est clairement précisée dans des lettres d’amortissement accordées aux Carmes de Rouen par Philippe IV le Bel, en 1308, et dont les termes sont rappelés dans d’autres lettres patentes données trente ans après511.
Figure 54. – Le complexe portuaire de Rouen à la fin du Moyen Âge.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2013.
233Le Clos des Galées fut aménagé d’après les plans de l’ingénieur génois, de Marchese, entre 1284 et 1294. L’emprise foncière de l’arsenal, d’une douzaine d’hectares au maximum, formait un quadrilatère entièrement ceint d’une palissade et de fossés qui le séparaient de la berge ; plusieurs documents des années 1360-1370 attestent de travaux destinés à leur entretien. Les fossés, visibles encore en partie au début du xvie siècle (fig. 55), étaient alimentés par le fleuve au moyen de trois écluses. Et l’ensemble était défendu par des édifices de garde, d’abord construits en bois puis sans doute en pierre. À l’intérieur se trouvait une vaste place centrale autour de laquelle se répartissaient divers bâtiments. Le maître du clos disposait de son propre hôtel, dont le rez-de-chaussée servait de magasin et l’étage de logis luxueux, auquel s’ajoutaient un jardin et une chapelle. L’espace était ensuite partagé entre 25 à 30 halles couvertes où étaient fabriqués, réparés et radoubés les navires. Certains groupes d’entre elles portaient le nom de provinces comme les « Flandres », la « Normandie », la « Bretagne ». Chaque halle abritait une barge, une nef ou une galée qui y recevait les travaux nécessaires ou y restait en hivernage, parfois plusieurs années. Il n’existait pas de bassin de carène. Le travail réalisé sur les coques était effectué à même le sol. Pour être entretenus, les vaisseaux étaient tirés à sec sur des rondins jusque dans les halles, puis stabilisés au moyen d’accores. Sans darse, si ce n’est peut-être un bassin de trempage des bois de marine, la mise à l’eau des bateaux devait se faire par le fossé qui longeait la Seine. Le bois nécessaire aux œuvres des navires était prélevé, selon des règles strictes, principalement dans les forêts royales de Roumare et de Rouvray. Les autres matériaux étaient approvisionnés par des marchands et des artisans de Rouen. Il s’agissait de brai, de goudron, de résine, de suif, d’huile et d’étoupes pour le calfatage, de voiles de chanvre ou de coton, de clous de toutes sortes, ainsi que de plomb. Les bâtiments destinés à la construction navale étaient complétés par une somme de logements pour le personnel ainsi que par un atelier, une manufacture d’armes et un magasin de vivres, ces derniers étant capables en 1340 de fournir le nécessaire aux quelque 20 000 hommes embarqués à bord de 200 nefs. La fabrique produisait tous les types d’armements nécessaires pour l’équipement des navires, des hommes et des installations terrestres : armures, armes blanches et de jet, armes de trait, armes à feu, engins et artillerie de siège. Au total, entre 1293 et 1418, période durant laquelle on atteste le fonctionnement du Clos des Galées, plusieurs milliers de navires de toutes tailles y furent ravitaillés, équipés, armés, réparés ou construits, certains appartenant au roi, beaucoup à des personnes privées. Quelques campagnes particulières retiennent l’attention : sous Philippe le Bel on commanda la production de quatre galées, vingt huissiers et vingt-quatre autres bateaux. Sous Jean II, en 1355-1356, on entreprit la construction, la réparation et l’avitaillement d’au moins quinze galées, cinq barges et quatre autres navires. Puis sous Charles V, durant les hivers 1369-1371, cinq barges, six galées subtiles et plusieurs galées huissières sortirent des chantiers de Rouen. Au printemps 1376, on fit faire dix barges neuves et réhabiliter un grand nombre d’autres. Ensuite, sous Charles VI, faute d’argent, l’activité dut être réduite512.
Figure 55. – Vestiges des anciens fossés du Clos des Galées de Rouen au début du xvie siècle.

Bibliothèque municipale de Rouen, Ms g 3-5, vue 01 : détail d’une miniature du manuscrit de Jacques Le Lieur, Le Livre des Fontaines de la ville de Rouen, 1525.
234Principal arsenal d’une marine française en cours d’élaboration, le Clos des Galées de Rouen fut complété simultanément par d’autres stations navales qui en des endroits stratégiques du littoral permettaient à la Couronne de pouvoir disposer rapidement d’unités d’intervention. À l’embouchure de la Seine – nous l’avons déjà évoqué – se tenait le Clos aux Galées d’Harfleur. On avait vraisemblablement commencé à l’établir au cours des années 1280-1290, à partir du moment où, en 1281, Philippe III le Hardi acheta la ville et son port. De forme circulaire, son diamètre voisinait les 100 m, pour une surface d’environ 5 000 m², le tout contenu dans sa propre enceinte accolée en aval de la ville et munie d’un fossé513. Ses fonctions étaient multiples : accueillir le « navire », c’est-à-dire la flotte royale ; construire, réparer, armer et avitailler les bâtiments en guerre ; recevoir les garnisons ; entreposer les vivres et les équipements. Il était placé sous l’autorité d’un capitaine directement nommé par le roi, auquel était adjoint un lieutenant. Comme à Rouen, ce port de guerre servait surtout à s’occuper de bâtiments déjà existants plutôt qu’à en construire de nouveaux : des nefs achetées ou louées à des armateurs, des vaisseaux fournis par des nations alliées (Gênes, Castille), des bateaux capturés sur l’ennemi. Réunis dans l’arsenal, on les avitaillait, on les préparait pour la bataille et un contingent d’hommes équipés en guerre embarquait à leur bord. Une manufacture locale permettait de produire les armes nécessaires pour cela. Cependant, la place manquait pour entreposer l’ensemble des matériels et des vivres. Aussi, les tours de l’enceinte et l’hôtel de ville étaient-ils employés pour ce faire514.
235Face à Harfleur, sur la rive gauche, la station navale d’Honfleur contribuait aussi à verrouiller l’entrée du fleuve et fournissait des moyens de défense complémentaires. Toutefois, nos informations à son endroit sont assez maigres. Elle procura des navires à la marine royale de 1340. Mais c’est sous Jean de Vienne, amiral de Charles V, que ce havre devint une véritable base militaire de la flotte française. En 1372, les Honfleurais équipèrent une escadre destinée à la guerre de Guyenne. Puis, un siècle plus tard, leurs chantiers navals, situés pour l’essentiel à l’ouest de l’entrée du port, livrèrent à Louis XI plusieurs grands vaisseaux de guerre, dont le Coulon et la Louise de 790 tonneaux515.
La station navale de La Rochelle
236Depuis que Philippe IV le Bel, entre 1284 et 1293, avait initié l’établissement du Clos des Galées de Rouen, la monarchie française tenta simultanément de s’assurer des capacités d’intervention navale sur l’ensemble des littoraux placés sous son contrôle direct516. La Rochelle, l’autre grand débouché maritime des souverains français, sans posséder le prestige de l’arsenal de la Seine ni sa dimension institutionnelle, paraît tout du moins en avoir été un excellent relais. Malgré les réticences constantes qu’affichait l’échevinage à l’égard des gens de guerre – souvenons-nous que les vaisseaux marchands étaient contraints de désarmer avant de pénétrer dans le havre – ses chantiers faisaient vivre par intermittence un clos royal qui s’y superposait. Le 2 décembre 1377, Charles V ordonnait que 100 francs d’or soit remis à Jehan Perrer, patron de la galée espagnole le Saint-Nicolas stationnée à Rouen, pour que soit « conduicte la dicte galée jusques à nostre dit clos à La Rochelle517 ».
237La naissance de cette « station navale », pour reprendre l’expression de Charles de La Roncière, remonte semble-t-il à la fin du xiiie siècle. Faisant suite aux instructions qu’il reçut en décembre 1297, le nouvel amiral, Benedetto Zaccharia, notait dans son mémoire que « nous entendons à armer vingt ussiers et quatre galères et vingt-trois bateaux, dont nous trouvons que nous avons treize audit roi : les sept sont à Rouen, les cinq à La Rochelle et à la Réole, et le treizieme est à Calais ». Les huissiers présents dans le port aunisien étaient capables d’embarquer chacun 20 chevaliers, 20 chevaux et 400 hommes d’armes à pied, et de l’un d’eux, « un grand ussier de marcheanz […], on porroit avoir à convenable fuer518 ». Deux mentions des 24 et 26 juillet 1298 signalent les gages payés à Guillaume Vitali, garde des galées de La Rochelle519. Mais c’est à partir de 1337 que la station navale prit toute son importance. Les Rochelais se plaignaient alors de l’incapacité du pouvoir de faire régner l’ordre sur mer et à protéger les flottes qui transportaient leur vin. Au mois d’août, pour répondre à leur requête, Philippe VI décida la mise en place d’une unité d’escorte à La Rochelle. Dans ce but, le capitaine Badin du Four, accompagné de Guillebert Poolin, commis aux constructions de la flotte royale, débarquèrent en Aunis avec trois galères, avec ordre d’en bâtir une quatrième. L’initiative ne resta pas sans suite520.
238La station navale ne semble pas avoir fonctionné à la manière d’un véritable arsenal, avec son personnel et ses propres bâtiments. Il s’agissait plutôt pour la royauté, par l’intermédiaire d’agents en mission ou attachés à la ville, de s’assurer les services et les compétences du port en cas de besoin, d’y entretenir à l’occasion quelques bâtiments armés, prompts à réagir en cas de danger, et de disposer d’une escorte aux navires marchands si les circonstances l’imposaient. En échange, une partie des frais étaient couverts par une taxe sur les marchandises exportées. Cette dernière fut établie le 12 novembre 1337 à Saint-Jean-d’Angély et le 20 du même mois à La Rochelle521. Il est probable que le havre rochelais conserva cette fonction durant toute la fin du Moyen Âge, parfois à contrecœur car le roi avait tôt fait de se décharger auprès des habitants des frais inhérents à l’armement des vaisseaux. Pourtant, en 1495, l’idée que Charles VIII puisse déplacer à Brouage cette prérogative les fit aussitôt réagir522. Malgré son coût, il était plus profitable à la ville de conserver en son sein un instrument de défense, certes gênant en temps de paix, mais ô combien utile lors de menaces ennemies, plutôt que de le voir déplacé hors de son contrôle, auquel cas elle ne maîtrisait plus son destin.
239À plusieurs reprises, le pouvoir s’adressa à cette station pour la construction ou l’armement de navires royaux. Déjà, une quittance du 24 juillet 1337 donnée à Thomas Fouques, garde de l’arsenal normand, mentionne l’ordre de « porter en La Rochelle à armer une galie523 ». Une galée et une galiote appartenant au souverain sont signalées dans le havre en 1358524. Un mandement du 12 juin 1387 adressé à Jehan Le Flamenc, trésorier des guerres, stipule qu’il devait remettre 1 500 francs d’or à Pierre Tilloy pour y faire l’armement et l’avitaillement d’un navire du roi525. L’année suivante, le 21 juillet, Charles VI faisait débloquer 4 000 livres tournois « pour faire prest et paiement aux gens d’armes, maistres de nefs, contremaistres, quaterniers, arbalestriers et autres officiers quelconques profitables et neccessaires pour le navire des parties de La Rochelle et de Normandie que nous avons ordenné estre amené a l’Escluse en Flandres526 ».
240Quand ce n’était pas directement des vaisseaux du monarque dont il s’agissait, ce pouvait être de navires de particuliers affrétés par lui ou attachés à son service. Le 19 mai 1339, Philippe VI demanda à Hue Quiéret, son amiral, et à ses trésoriers, de faire équiper à la façon d’une galée royale la galée que Badin du Four avait fait faire à La Rochelle, de la mener en Normandie avec les galées du roi, et de laisser ledit Badin au commandement de son vaisseau527. D’après le compte des armées de mer, dressé en 1341-1342 par François de l’Ospital, on fit équiper dans ce port le « floin » de Jean Le Gros et le « vaissel » de Danel Foulerot, tous deux rochelais528. En 1385, alors que le roi Charles VI préparaît à L’Écluse une flotte pour son expédition en Angleterre, Eon de Lesnerac, capitaine de Cliçon, et Hervé Chauvete, qui souhaitaient armer une barge à La Rochelle afin d’y participer, commandèrent à deux Bretons de mener leur sel de Guérande, de le vendre en Espagne, et d’y acheter avec l’argent ainsi dégagé des lances et « autres harnois » pour son armement529. Le 21 juillet 1386, quatre francs par jour étaient alloués par le roi à Erart de Dinteville, envoyé sur la place rochelaise pour « arrester de par nous tout le navire qu’il pourra trouver et icellui faire mener à L’Escluse530 ». Trois mois plus tard, le 16 octobre, Guillaume de Neilhat, sénéchal de Saintonge et gouverneur de La Rochelle, envoya à L’Écluse quarante hommes d’armes dans un « vaissel » de la ville531. Le 5 juin de l’année suivante, Jacques de Montmor passait un accord avec le Rochelais Thomas Pere, maître de la nef Notre Dame de Guerrande, jaugeant 160 tonneaux, portant 40 marins, et pourvue des « apparaulx » nécessaires à sa conduite, pour 300 livres tournois532. Le 20 juin, le trésorier Le Flamenc recevait « la montre de soixante-cinq mariniers esquielx il a un constremaistre et quatre gromez, receue à La Rochelle […] pour servir aux gaiges du roy […] en la barge de monseigneur de Suly en la compaignie et soubz le gouvernement de Guide de Pise, maistre de ladite barge533 ». Le baleinier de 140 tonneaux la Saincte Marie appartenant à Perruche de La Sau, affrété par le roi, devait selon un acte du 26 octobre 1423, se rendre à La Rochelle après avoir conduit en France ou en Bretagne des gens d’armes écossais534.
241L’amiral et les grands seigneurs de la région y faisaient également construire et entretenir leurs propres vaisseaux. Un compte de 1472 montre qu’Olivier de Coëtivy stationnait dans le havre sa grande nef amirale de guerre535. En avril 1510, Louis de La Trémoïlle fit tirer sa nef de 1 200 tonneaux en cours de construction, de Taillebourg à La Rochelle, pour qu’y soient poursuivis les travaux d’aménagement536.
242La ville n’était pas moins mise à contribution, soit de sa propre initiative, soit de celle du roi. Malgré la libération de la région, la menace anglaise continuait de peser sur les côtes aunisiennes en 1376, notamment dans la rade de Chef-de-Bois que les navires ennemis infestaient sans relâche. Pour y obvier, l’échevinage équipa six bâtiments destinés à assurer une meilleure sécurité des parages537. En 1385, les Rochelais participèrent à la reprise du château de Taillebourg en fournissant divers navires « qui furent armés et appareillés tant de munitions que d’arbalestriers et gens de guerre ». En août 1388, on les retrouve face à la menace anglaise. Avec l’aide du comte de Sancerre, alors « capitaine des frontières depuis le levant jusqu’en cette ville », ils appareillèrent huit bâtiments montés par des hommes d’armes. Afin de réduire la poche de Mornac, ils décidèrent en mars 1434 de lancer une flottille de neuf vaisseaux, dont quatre « grandes berches ». Ils répondirent encore présent en 1443, aux côtés des Bretons, pour ravitailler, sous le commandement de Guillaume de Coëtivy, frère de l’amiral, la ville de Dieppe assiégée par les Anglais. Ils livrèrent aux troupes de Charles Desmarets, capitaine de la place, du « bled, vin, chair salée et quantité de traits, de poudre et autres provisions538 ». Puis en 1453 ils participèrent avec des navires de guerre à la reconquête de la Guyenne. La Grosse Nef du rochelais Pierre Gentil, équipée de plus de 80 hommes, livra un combat naval acharné face à une flotte du duc de Lancastre de 28 octobre 1457. Malgré l’expulsion des Anglais, sur mer les tensions restaient vives entre les puissances ennemies. Charles VII, poursuivant ses efforts militaires, commanda en 1460 à l’échevinage qu’il réunisse et équipe 30 bâtiments rochelais539. En 1468, Louis XI, qui craignait une attaque des troupes d’Édouard IV le long de ses côtes, demanda à Jean Mérichon, alors maire et capitaine de La Rochelle, d’organiser la défense des côtes de Poitou, Saintonge et Aunis. Douze grands vaisseaux furent ainsi armés, équipés et avitaillés puis rassemblés le 1er août à Chef-de-Bois où la montre des gens de guerre fut effectuée. Cette flotte, confiée à sire Guillaume de Combes, échevin de la ville, croisa durant deux mois « en faisans plusieurs grandes executions sur les navires bretons, angloys et autres540 ». En 1474, le roi réclama au retour d’ambassadeurs portugais, que leur soient préparés des navires. Lors du siège de la ville de Nantes par Charles VIII en 1487, dans laquelle se trouvait son ennemi le duc de Bretagne, il fit de nouveau appel à La Rochelle pour lui fournir la majeure partie de sa flotte, « de quoy cette ville fut fort incommodée […], tant pour les armemens et esquipemens des vaisseaulx qu’au défrayement que l’on faisoit des seigneurs envoyés ici pour ledit armement541 ». Pour finir, en 1495, Charles VIII faisait savoir à la commune, par la voix de Louis de La Trémoïlle, qu’il souhaitait qu’elle fasse construire à ses propres frais deux navires dont il avait besoin542.
243Le clos rochelais servait ensuite de base relais aux marins et bâtiments alliés – bretons et castillans par exemple – qui combattaient aux côtés du souverain français. D’après le compte de l’armée de mer de 1341-1342, plus de 200 « mariniers » espagnols firent escale dans la ville, employés à garder en 1340 une grande nef et une galiote, nommées l’Edourade et le Saint Nicolas543. En décembre 1377, la galée du roi de Castille y fut conduite. Le 28 mai 1387, un mandement fait à La Rochelle par Jaques de Montmor, commis à faire fréter et avitailler les barges et nefs de la mer, et adressé à Jehan Le Flamenc, trésorier des guerres, enjoignait de payer à Jehan Sanches, capitaine de la barge Sant-Iago de Motrico, et à Nicolas de Laonnon, capitaine de la barge Dondairre, 80 francs d’or pour munir les navires de cordages et d’apparaux544. Treize jours plus tard, Jehan de Sarrie, « maistre empres Dieu de la nef Saint-Jaques de Bilbau », promit dans une quittance rédigée également à La Rochelle d’équiper son navire à « la costume de mer » pour 735 livres tournois, fret et gages de l’équipage compris545. Pour finir, en 1462, après avoir de l’île d’Yeu observé les agissements des Anglais qui avaient fait une descente sur l’île de Ré, une escadre bretonne de 24 navires attendit dans le port rochelais le moment propice pour agir546.
244Enfin, comme toute station navale, le port de La Rochelle était un poste de ravitaillement pour navires armés et flottes de guerre. Relevons à ce sujet, parmi d’autres, deux exemples significatifs. Le compte de Jean l’Ospital de l’armée de mer pour la période 1346-1347, en offre un aperçu relativement précis que l’on peut résumer ainsi : les trois galées et le flouin venus faire relâche à La Rochelle chargèrent à cet effet 270 quintaux de biscuits et 44 tonneaux de vin547. Préparant son expédition pour l’Afrique du Nord, le capitaine Etienne Chiros y trouva aussi de quoi avitailler le navire des La Trémoïlle, La Gabrielle, en mai 1491. Puis en mars-juillet de l’année suivante, les gens de la duchesse de Thouars achetèrent à La Rochelle une partie des vivres (jambons de porc, pièces de bœuf, beurre, vin) nécessaires à bonne marche des travaux de réparation de son bâtiment stationné aux Sables-d’Olonne548.
245Au final, l’existence de cette station navale indique que le havre disposait habituellement d’un personnel nombreux et qualifié, habitué à construire, armer et réparer tant les petites unités de cabotage, que les galées guerrières et les lourds bâtiments de charge. À l’image de l’arsenal rouennais, il est probable qu’il fut un des rares ports dont les chantiers étaient en mesure de réparer des vaisseaux, tant ponantais que méditerranéens, aux conceptions architecturales très éloignées, à clin selon le principe bordé premier pour les uns, à franc-bord sur une structure charpente première pour les autres549. À la lumière des compétences technologiques que proposaient les professionnels rochelais, on s’explique mieux alors le choix du Normand Jean de Béthencourt et de son associé Gadifer de La Salle qui, à leur départ pour les Canaries en 1402, plutôt que de compléter leur équipement à Rouen, avaient préféré lancer leur expédition depuis La Rochelle550.
Les ports d’armement militaire des grandes principautés
246Entrée dans le champ de la stratégie militaire avec la guerre de Cent Ans, la marine de guerre devint aussi un enjeu pour les autres puissances qui se disputaient le pouvoir le long des côtes du royaume de France. Le duché de Guyenne – ses deux principaux ports en premier lieu (Bordeaux et Bayonne) – ainsi que certaines populations littorales du Centre-Ouest comme celles d’Oléron par exemple, furent mis à contribution par les souverains anglais durant les xiie-xve siècles, au titre notamment de leurs obligations d’ost féodal.
247Depuis longtemps, on construisait et on armait pour la guerre des bâtiments de toutes sortes à Bayonne : pinasses, baleiniers, galères, nefs. Ils pouvaient être appelés à intervenir jusque sur les côtes de Bretagne et dans la Manche. En 1401, Henri IV commanda la construction de baleiniers, type de navire qu’on retrouve au service d’Henri V en 1419 ou en patrouille dans la Gironde en 1406551. Surtout, les souverains anglais furent des clients assidus auprès des fabricatores galeirarum de l’Adour qui bénéficièrent d’une solide réputation jusqu’au xvie siècle. Le 5 septembre 1205, Jean sans Terre fit appeler trois d’entre eux qui se trouvaient à Southampton, puis il s’adressa à nouveau à leurs membres en juin 1216 pour armer des galées contre les Français. En 1224, les Bayonnais répondirent à l’appel lancé pour défendre La Rochelle de l’attaque conduite par Louis VIII ; ils y envoyèrent plusieurs de leurs galères, mais ce fut un échec. En juillet 1242, le roi anglais voulut prendre sa revanche et organisa le blocus de la capitale aunisienne. Il sollicita pour cela, comme il en avait l’habitude, les gens de Bayonne, leur demandant d’équiper des galées, d’en envoyer quatre à Bordeaux et les autres devant La Rochelle, tout en rassemblant devant Tonnay-Charente toutes les autres galées qui se trouvaient en mer. L’année suivante, Henri III emprunta à quatre Bayonnais la somme de 350 mars pour équiper 6 galées et les envoyer à nouveau en Aunis. On repère d’autres commandes pour obtenir des galées auprès des chantiers bayonnais en 1255, 1264, 1275, 1284, 1294, 1324, 1325, 1336, 1337, 1340, 1345, 1346, 1406, 1411 et 1416552. Comme le dit très bien Eugène Goyheneche, « Bayonne n’était pas seulement un chantier naval, elle était aussi une puissance maritime, une alliée de son roi à qui elle prêtait souvent un secours ». Au point qu’en 1295, Édouard Ier nomma le premier amiral de Bayonne, Barrau de Sescars, « admirallus maritime Baionensis et capitaneum nautarum et marinariorum nostrorum ejusdem ville553 ».
248En comparaison, Bordeaux paraît avoir été d’un moindre secours. En 1242, certaines des galées qui devaient se rassembler devant Royan, puis Tonnay, provenaient bien des rives bordelaises554. Mais cette mention est rare, la capitale de la Guyenne s’illustrant davantage comme centre de commandement que port d’armement militaire. En 1259, Henri III sollicita à nouveau la commune de Bordeaux afin qu’elle procure au roi de Castille, pour une expédition en Afrique, des bateaux et des équipages. Elle fut chargée par la suite de rassembler une flotte de 23 navires en 1264, de 12 en 1276 et de 20 en 1281. Elle fut aussi mobilisée avec le sénéchal en 1315, à l’occasion de la guerre contre l’Ecosse. Au nombre de ses attributions, le sénéchal de Gascogne avait en effet pour responsabilité la mobilisation maritime. À ce titre, il pouvait réquisitionner et faire armer les navires nécessaires à son commandement. En 1328, il ordonna ainsi aux chantiers bordelais la fourniture d’une galère et de six autres bateaux555. Cependant, sous l’administration anglaise, c’est d’abord au connétable de Bordeaux, fait vice-amiral de Guyenne en 1337, que revenait l’entretien d’une flotte au service du duché. En plus de la garde du château de l’Ombrière et des archives du duché, il devait assurer la protection de son arsenal et des galères royales556. Voici, en substance, les missions qu’Édouard III assigna en 1337 au Génois Nicolas Uso di Mare auquel il avait confié ledit office : « Nous vous constituons vice-amiral de notre flotte de galères et de tous les autres navires de notre duché, que nous avons ordonné de préparer d’une certaine manière. Nous vous donnons pouvoir de châtier et de punir tous les marins de notre flotte, selon la justice et suivant la coutume suivie jusqu’ici. » Puis l’année suivante il compléta en ces termes : « Nous nous confions à vous pour aménager et conduire à notre besoin et en notre nom, des galères armées, bien équipées, munies d’hommes d’armes et des munitions nécessaires, suivant ce qui vous semblera utile. Vous déciderez du prix des galères, des conditions du naulage et des soldes557. »
249Les galées employées étaient souvent munies d’engins de guerre, de balistes et d’autres machines de jet. À Bordeaux, on semble toutefois leur avoir préféré un autre type de navire long, aux façons plus locales : le baleinier. Plusieurs spécimens se manifestent dans le Bordelais au cours de la première moitié du xve siècle, armés par des nobles (les sires de Lesparre et de Montferrand) ou par la jurade elle-même558. Ils étaient affectés, en priorité, à la protection de la ville et à la défense du fleuve. Mais, comme à La Rochelle, on pouvait les envoyer porter secours aux agglomérations voisines, patrouiller à l’embouchure de la Gironde, protéger les gabarres porteuses des vendanges, etc. Durant le premier quart du xve siècle, la jurade multiplia les délibérations en ce sens559. Elle forma notamment une flotte, prête à intervenir sous ses ordres, composée de quatre « baleneys », d’une galiote et de navires plus petits tels que des anguilles et des « tilholas ». Par ce moyen, en 1406, Bordeaux parvint à chasser les assaillants français devant Bourg et Blaye560. Et en 1433, la ville put pourvoir à la défense du port de Royan561. Toutefois, galères et baleiniers n’étaient pas exploités de façon continue. Ces navires pouvaient être désarmés pour de longues périodes, ce qui n’était pas sans poser des problèmes de stockage et d’entretien. Durant leur hivernage, on les tirait parfois à sec pour les mettre à l’abri dans un hangar, appelé domus au xiiie siècle ou « chay » au xve siècle. En 1409, la jurade décida « en comissaris, per beder si, en lo chay de Motin de Puyous, attendut so que dedens es de la bila, poyren estre recebutz los baleneys de la bila562 ». Mais, en cas d’inemploi prolongé, on se contentait aussi de les stationner dans l’estey du Peugue. Là, constamment exposés aux éléments et à l’humidité, leurs coques et leurs agrès pourrissaient, nécessitant de nouvelles dépenses pour être remis en état et convenablement armés. Au global, en dépit des frais engagés par les instances urbaines bordelaises, leur flotte et l’organisation portuaire qui l’abritait apparaissent bien modestes face aux halles du Clos des Galées rouennais563.
250Les autorités du duché de Bretagne ne devaient pas rencontrer trop de difficultés pour réunir une flotte dès que le besoin s’en faisait sentir, compte tenu du dynamisme de la filière navale le long de cette bordure littorale. C’est peut-être ce qui explique, en partie, pourquoi la politique ducale en la matière paraît longtemps effacée et peu ambitieuse. Avant Jean III (1312-1341), en dépit des tensions militaires toujours plus fortes, aucun duc ne se soucia d’investir dans une véritable marine de guerre564. C’est sous le règne des Montfort – en particulier de Jean IV (1364-1399), Jean V (1399-1442) et François II (1458-1488) – que les nécessités d’une défense maritime s’imposèrent et qu’un volontarisme politique commença à se manifester. Le premier esquissa la mise en place d’une flotte durant les années 1390. Bien qu’intermittente, elle était capable d’escorter les convois marchands. Sous l’autorité du second, l’amiral Jean de Penhoët put activer cette marine embryonnaire pour remporter quelques belles victoires, comme en 1403 devant Saint-Mathieu. Mais sous François II, pourtant assez actif dans le domaine militaire, l’élan ne fut pas soutenu et la Bretagne ne parvint jamais à établir le moindre arsenal digne de ce nom.
251En fait, les ducs avaient pris l’habitude depuis longtemps de recruter dans les ports, auprès de particuliers. Au gré de leurs besoins, ils faisaient louer les vaisseaux nécessaires à leurs projets auprès de seigneurs ou de riches bourgeois. Sous François II, en 1481-1482, une nef de 240 tonneaux et un baleinier de 10 tonneaux furent ainsi employés pour le prix de 10 livres par mois et par tonneau de jauge565. À ces frais s’ajoutaient ceux destinés à l’armement et au paiement des équipages. Dans de plus impérieuses nécessités ou lorsque les maîtres sollicités s’avéraient récalcitrants, on procédait à des réquisitions pures et simples ; parfois de tous les bateaux d’un port, voire d’un ou plusieurs évêchés ; charge ensuite aux agents ducaux, à ceux de l’amiral ou à un armateur de les équiper et de les avitailler566. Par ce moyen, la flotte bretonne parvenait à faire tomber un siège, à protéger les navires marchands ou à mater des pirates trop assidus. Mais ces succès marquent en réalité des insuffisances structurelles en la matière. Remarquons d’ailleurs que les développements de l’artillerie à bord des vaisseaux au cours du xve siècle avaient technicisé les équipements ainsi que le travail des matelots. Aussi, les autorités ducales prirent-elles l’habitude de solliciter des armateurs spécialisés dans la course pour recruter leurs bâtiments et leurs équipages, comme les Bouchart de Guérande en 1487, les Jouhan du Croisic ou les Coatanlem de Morlaix567.
252Les bateaux ayant appartenu au duc sont extrêmement rares, ce qui signe le caractère temporaire des escadres mises en place, ces dernières s’évaporant une fois les opérations terminées. Au xve siècle, lui, son amiral et son vice-amiral, semblent disposer en propre de quelques unités permanentes, basées dans les ports de Saint-Malo, de Morlaix, de Brest, de Guérande et de Nantes, auxquelles s’ajoutaient leurs hommes de bord. Vers 1420, Jean V commanda la fabrication de deux grands bâtiments de guerre. Le plus important, nommé l’Amiral, devait contenir 160 tonneaux. De son côté, François II fit construire à Brest, en 1482, un vaisseau imposant de quelque 1 200 tonneaux. La même année, son amiral, le vicomte du Fou, possédait deux navires, le Grand Lion et le Petit Lion, qui jaugeaient respectivement 300 et 180 tonneaux et pouvaient embarquer 197 et 120 hommes. Quant à son vice-amiral, il détenait une barque de 60 tonneaux capable de porter autant de soldats. Enfin, de 1496 à 1498, un vaste chantier fut entrepris pour édifier sur les quais de Morlaix un navire ducal jaugeant environ 1 000 tonneaux, qu’on nommera la Maréchale (ou la Cordelière). Ces bateaux exceptionnels formaient le petit noyau élémentaire, toujours actif, qu’il fallait compléter selon les circonstances568. Tant et si bien qu’au final, aucun port breton ne fut véritablement doté d’une fonction militaire attitrée et durable.
253En Flandre pour finir, la politique des ducs de Bourgogne apparaît également marquée par une faible autonomie navale et un recours assez systématique aux bâtiments privés. Jacques Paviot en a dressé une liste très complète. Les quelques vaisseaux dont la construction fut directement commandée par les princes bourguignons étaient des baleiniers et des galées. En 1448, Philippe le Bon fit fabriquer un baleinier à Boulogne puis l’expédia en Méditerranée en 1453. On commanda la construction de galées à Nice en 1443-1444, à Anvers entre 1446 et 1449, à Pise en 1464. Ensuite, il ressort qu’en dehors de ces navires à rames, toutes les autres unités étaient des bateaux marchands ou de pêche, loués ou achetés par le duc, et qu’il convenait d’adapter, voire de transformer, pour les besoins de la guerre : enduire les coques de graisse pour les rendre plus rapides et plus manœuvrantes, les couvrir de plaques de plomb, ajouter des châteaux défensifs, élargir les voiles, compartimenter les logis et les dortoirs, installer l’artillerie et les décorations, avitailler, etc. Comme en Bretagne ou en Guyenne, aucun port ne paraît spécialement attitré pour la réalisation de ces tâches569, à une nuance près : le long de la berge du port de L’Écluse, on fit réaliser une cale de pierre destinée à tirer à sec les bâtiments de guerre, l’emplacement formant alors une sorte d’arsenal570.
254Pour conclure sur ce sujet, il est frappant de constater le caractère polyvalent des navires et des ports du Moyen Âge. Ils étaient capables, sauf exceptions – baleiniers et galées dans le cas des premiers, les Clos des Galées de Rouen et d’Harfleur pour les seconds –, d’être employés à tout moment pour le commerce et pour la guerre. Cette réalité n’était pas propre au royaume de France. Louis Sicking a pu l’observer aussi pour les flottes bourguignonnes rassemblées en 1417 et 1475, composées de bâtiments marchands hollandais et zélandais convertis le temps d’une opération militaire en vaisseaux armés. Il constate à son tour que les autorités publiques dépendaient largement des propriétaires privés, sollicitant au gré de leurs nécessités les détenteurs de bateaux de toute l’Europe du nord-ouest571. Et, tout comme nous, il en vient à considérer au final que le pragmatisme l’emportait sur toute approche théorique et centralisée de ces questions ; qu’aussi longtemps qu’il fut plus simple et moins coûteux d’équiper pour le combat des embarcations civiles, on investit assez peu dans des infrastructures et des équipements purement militaires ; que la puissance navale d’un prince reposait en fait sur son aptitude à enrôler les bateaux possédés pas ses sujets ; que la flotte princière ou royale relevait d’une mobilisation des moyens de ses nationaux ; que les ports comme les navires étaient autant de points d’appui potentiels pour servir un intérêt militaire général. De ce point de vue, la Couronne française disposait sur le papier d’une capacité substantielle face à ses compétiteurs européens. L’usage qu’elle sut en faire appelle à plus de circonspection.
Un lieu de perception fiscale
255Nous arrivons à la question la plus épineuse des fonctions portuaires, celle qui touche leurs activités fiscales. Les nœuds de communication (ponts, ports, portes, marchés, halles, etc.), qui au Moyen Âge concentraient la circulation des hommes et des marchandises, étaient en général placés sous l’autorité d’un seigneur, d’un prince ou d’un suzerain ; et ils étaient soumis à de nombreux prélèvements, dont la variété tenait aux coutumes locales, au niveau de partage des droits féodaux, ainsi qu’à de multiples paramètres techniques, économiques, juridiques et politiques qu’il reste bien difficile de clarifier, qui plus est à l’échelle du royaume de France. Le positionnement tout à fait spécifique de beaucoup de ports, à la fois en frontière du royaume et en rupture de charge, les désignait comme des territoires appropriés pour les échanges et la perception fiscale.
256On nous accordera, je l’espère, de ne pas vouloir dresser un tableau détaillé et intégral de l’ensemble des taxes perçues dans les ports étudiés. D’abord parce que cette exhaustivité est hors de portée du fait des lacunes documentaires ; ensuite parce que, pour être mené à bien, cet inventaire systématique serait l’entreprise d’un groupement scientifique et non pas d’un chercheur isolé. Cependant, la somme des connaissances accumulées depuis le xixe siècle sur les économies maritimes de villes ou de régions littorales offre, lorsqu’on en extrait les données et les informations fiscales, suffisamment de matière pour en concevoir les ressorts et les mécanismes généraux.
257Afin de faciliter la compréhension de ce domaine composite, commençons d’emblée par dire aussi qu’il n’est pas envisagé ici de nous engager dans les questions théoriques et politiques qui entourent l’impôt au Moyen Âge et qui relèvent davantage de pensées portant sur l’exercice du pouvoir et la « gouvernementalité572 ». Nous n’entendons pas non plus employer les très rares chiffres fournis par les comptabilités portuaires pour tenter de saisir les flux et leurs variations. Il est acquis depuis longtemps qu’en France, au contraire de l’Angleterre par exemple, l’indigence des données sérielles empêche toute réflexion aboutie en la matière. C’est regrettable bien entendu et nous n’imaginerions pas aujourd’hui étudier un port contemporain sans en apprécier l’évolution du trafic. Mais il faut pourtant renoncer à cette légitime ambition pour la période qui nous occupe. Les grandes tendances de l’économie maritime médiévale ont été établies depuis longtemps. Il s’agira seulement de nous y référer lorsque ce sera nécessaire. En réalité, ce qui nous intéresse ici, c’est de connaître, de façon pragmatique, la typologie des taxes perçues dans les ports, leur assiette, les motifs qui en justifiaient l’établissement et leurs éventuelles évolutions, ainsi que les lieux, les moments et les méthodes de prélèvement. Cela permettra de distinguer les réalités communes des particularismes locaux. Il sera aussi possible de mieux apprécier le rôle tenu par la fiscalité dans le dynamisme et les concurrences portuaires. Et ce sera déjà beaucoup.
258Sans pouvoir en retracer systématiquement les origines, nous entrevoyons, analysant la somme des taxes levées dans les territoires portuaires, qu’elles relevaient de trois catégories principales : les services portuaires, les douanes et péages, ainsi que les protections juridiques. Nous allons nous appuyer sur elles pour structurer notre propos.
Les devoirs relevant de services portuaires
259Établies sur le principe des banalités rurales, beaucoup de contributions émanaient d’un service à usage obligatoire, procuré par le seigneur qui en avait le monopole. En théorie, elles étaient donc la propriété des hauts justiciers rivagiers, même si, dans le cas des grandes villes, ce sont ces dernières qui au fil des siècles en obtinrent progressivement la responsabilité, les princes acceptant, non sans les réticences de leurs administrations, de leur transférer tout ou partie des charges locales. Ces devoirs pesaient pour l’essentiel sur les navires et leurs équipements, à l’approche du port, au moment du stationnement et lors des chargements et des déchargements. Leur mise en place intervint de façon progressive, en fonction des besoins et de l’importance du trafic ; et leur nombre variait selon les prestations et les aménagements mis à disposition. La plupart d’entre eux avaient sans doute été créés au cours des xie-xiiie siècles, au moment de la mise en place du semi portuaire. Pour un même devoir, les montants demandés étaient très variables d’un endroit à l’autre. Ils ne paraissent relever d’aucune règle générale. Ils étaient fixés « à la merci » et volonté du seigneur propriétaire. Au minimum, on peut considérer qu’ils devaient couvrir les émoluments des agents chargés de les prélever et de gérer les sommes récoltées, rémunérer les personnels responsables des services à rendre au titre desdits devoirs, et financer la construction et l’entretien des aménagements et infrastructures dédiés. Toutefois, certaines prestations ne semblent pas avoir nécessité d’investissement particulier ; et la conservation des installations n’était pas toujours correctement assurée. Par ailleurs, on peut supposer qu’à partir d’un certain niveau de trafic, le produit de ces taxes dégageait de substantiels bénéfices. Au final, inscrites au domaine muable des comptabilités seigneuriales, elles participaient des revenus liés à l’activité économique du site.
260Il n’est pas toujours possible de définir précisément qui était redevable de ces tributs. On peut penser qu’ils concernaient en premier lieu les bâtiments étrangers, ceux du cabotage interrégional ou international. Les petites embarcations destinées à la pêche ou au transport local devaient y échapper en grande partie. Directement liés aux fonctionnalités portuaires, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la plupart de ces devoirs précédemment. Depuis l’approche de son navire jusqu’à son stationnement et la manutention qu’on y opérait, voici à la fin du Moyen Âge les services portuaires qu’un maître pouvait avoir à acquitter.
Le devoir de balisage
261Cette contribution avait pour but de financer l’installation de balises – des perches ou des bouées – sur le parcours d’accès à un port, afin de matérialiser les hauts-fonds et d’éviter aux vaisseaux qu’ils ne s’échouent ou ne se brisent. On en trouve mention dans les basses vallées de quelques grands fleuves – la Loire et la Seine – encombrées par des bancs de sable aux déplacements incessants. Le chenal d’accès au havre de La Rochelle, comme celui du Zwin, en étaient également équipés. Il en existait aussi aux abords des îles d’Ars et de Loix. Par contre, ni l’Adour ni la Gironde n’en furent dotés, si ce n’est en amont de ce dernier, sur la Dordogne.
Le devoir lié au fonctionnement d’un phare
262Afin d’assurer la construction et l’entretien quotidien du foyer d’un phare, une taxe pouvait être spécialement réclamée à cet effet. Pourquoi ce prélèvement n’était-il pas systématique ? Il semble que cela dépendait du lien qui pouvait exister ou non entre le fanal et d’éventuelles fortifications. Dans ce cas, c’est-à-dire lorsque la lanterne était établie sur une tour de défense dont le financement était assuré par ailleurs sur d’autres ressources – en l’occurrence l’effort de guerre – aucun devoir supplémentaire n’était exigé au titre de son fonctionnement. On repère cette taxe à Cordouan573, aux Sables-d’Olonne (le « pharillon »), à Dieppe (le « fouier » ou « fouger »), à Étaples, à Boulogne (le « fouier »), à Calais, à Ostende et dans tout le Zwin (« tourage »). Notons que le phare de Blankenberghe était lui entretenu grâce à une cotisation annuelle payée par les pêcheurs eux-mêmes.
Les devoirs de « délestage » et de « lestage »
263Afin de préserver les fonds portuaires du rejet sauvage des sables, graviers, galets et roches entreposés dans les cales des bâtiments de charge qui se déplaçaient à lège, les responsables de certains sites particulièrement exposés avaient pris l’initiative d’encadrer ces dépôts, d’assurer le strict respect de la réglementation en la matière, et parfois d’aménager des lieux de stockage. En contrepartie, les maîtres des vaisseaux concernés devaient acquitter un devoir dit de « délestage ». Il était réclamé à Bayonne, à Bordeaux, dans la Seudre, à La Rochelle et à Queue-de-Vache, c’est-à-dire dans des endroits où les exportations étaient très supérieures aux importations. Dans le Zwin, où ce déséquilibre était moins marqué, certains maîtres de vaisseaux venus décharger leurs marchandises devaient au contraire repartir sur lest. Dans ce cas – comme à L’Écluse par exemple – ils payaient un « congé du lest », dit aussi « droit de lest ».
Le devoir de « désarmage »
264Le devoir de « désarmage » s’appliquait aux bâtiments équipés de matériels de guerre ou de défense, ce qui était généralement le cas sur les navires marchands qui devaient pouvoir, en toutes circonstances, se prémunir des attaques des pirates qui menaçaient sur leur parcours. Cette obligation était une sorte d’extension navale à un usage très répandus aux portes des villes. Elle ne concernait donc que les ports clos. En l’occurrence, nous n’avons identifié la contribution au titre du « désarmage » qu’à La Rochelle. Un agent attitré exigeait à l’entrée du port que tous les hommes d’équipage déposent leurs armes, mais aussi les armures et les hunes fixées sur la structure du bateau. Un dispositif de levage, établi sur la « tour du Garrot », facilitait ce travail. Les salaires et équipements nécessaires à cette tâche légitimaient ladite perception.
Les devoirs liés au stationnement naval
265Les précédents devoirs, tous attachés à des services et à des dispositifs onéreux, trouvaient assez facilement leur justification du fait des personnels, des installations et des moyens qui étaient mobilisés. En revanche, la chose est moins évidente pour ce qui concerne les taxes payées au titre du stationnement naval, à l’intérieur du havre lui-même. Ce dernier semble avoir été considéré par les autorités seigneuriales comme un équipement à part entière, mis à la disposition des marins afin qu’ils puissent abriter, charger et décharger leurs bateaux. Cependant, dans la réalité, le site n’avait généralement nécessité – dans un premier temps tout du moins – aucun effort d’aménagement, ses qualités tenant entièrement à ses dispositions naturelles. Il exista donc, dans beaucoup de cas, une évidente asymétrie entre le coût d’entretien d’un port et les revenus tirés du devoir de stationnement, et cela au profit du seigneur. Cette réalité prévalut jusqu’au moment où, au tournant du xiie siècle, dans plusieurs endroits du littoral, la sédimentation menaça la pérennité des sites portuaires et obligea les propriétaires à engager des investissements pour chasser les sables et les vases ainsi que repousser les bancs dérivants. Dès lors, lesdites taxes, immuables parce que fixées dans la coutume, s’avérèrent insuffisantes et obligèrent à recourir à d’autres moyens de financement.
266Le seigneur de Champagné, dans le Marais poitevin, percevait sur « l’achenal » de Luçon des droits de « quillage », « d’amarrage », « d’ancrage » et de « navigage », autant de droits qui désignaient les différents modes de stationnement des embarcations574. Dans sa Dissertation sur l’état du commerce en France…, Claude Carlier énumérait les contributions dont étaient redevables, selon lui, les maîtres des navires sous les Mérovingiens. Un bateau, lorsqu’il pénétrait dans un port, était frappé selon lui d’un droit d’entrée, d’un droit d’ancrage pour laisser séjourner le bateau (portulaticum) et du ripaticum, un droit qui autorisait à se poser sur l’estran575. Le droit d’entrée des vaisseaux dans le port, nous le trouvons uniquement à La Rochelle, levé par le garde de la tour de la Chaîne576. Par ailleurs, il nous semble en effet que, parmi la variété des redevances seigneuriales, urbaines et royales appliquées au repos des navires, on peut distinguer deux types de taxes selon le mode de stationnement employé. L’une touchait les bâtiments qui mouillaient à l’ancre sans toucher l’estran. On l’appelait communément le droit « d’ancrage ». À Bordeaux, vers 1278, les jurats s’étaient crus légitimes d’imposer une telle taxe sur les bâtiments anglais, disposition que l’archevêque-chancelier, Robert Burnell, cassa dix ans plus tard577. À l’île d’Yeu, elle était fixée à douze deniers sur chaque vaisseau jaugeant moins de 21 pipes de vin et ayant passé le ras, les autres étant redevables d’une pipe par chargement ; il rapportait, vers 1462, 4 à 5 livres par an, soit un mouvement de 80 à 100 navires578. À Noirmoutier, d’après des documents comptables de 1464 et des années 1491-1493, une taxe de 10 sous s’appliquait spécialement aux bâtiments espagnols, en provenance directe de leurs ports d’origine, et mouillant à l’ancre dans les eaux de l’île579. Le vicomte de Saint-Nazaire percevait le « petit ancrage » et le « grand ancrage » sur tous les navires passant ou séjournant dans la rade580. D’ailleurs, à proximité de ce port, se trouvait « le treict de l’Ancraesan » ou « Encroison », qu’on peut traduire par « l’Ancrage581 ». Dans la zone portuaire de Guérande se levaient pour le compte du duc plusieurs taxes portuaires, comme les « anciennes coustumes, ventes et gardes des navires, barques, basteaux et ancrages582 ». Plus généralement, en Bretagne, le droit « d’ancrage » était assez léger, de l’ordre de quatre deniers583. Aux xvie et xviie siècles, il se percevait encore à Morlaix584.
267En Normandie, il existait divers droits de ce type, dont le principal paraît être le « heurtage » – hurtagium – cité dans un texte de 1238 relatif à Jumièges : « hurtagium de navibus et batellis qui onerabantur super Secanam585 ». Ducange le définit comme un « tributum quod pro facultate figendi in portu anchoram exsolvitur586 ». À Dives, on ne retrouve la trace d’un droit « d’ancrage » qu’au xviiie siècle587. À Tancarville, le comte percevait ce droit à hauteur de cinq sous tournois par navire588. En Picardie, nous le relevons aussi dans les anciens comptes et les aveux de plusieurs seigneuries, dont celles de Waben, de Groffliers et d’Authie589. Le roi de France exerçait de temps immémorial un droit de vicomté ou « d’ancrage » sur les bateaux de pêche qui abordaient à Cucq, à Berck et à Merlimont. Il consistait à prendre deux poissons sur chaque bateau, excepté les barbues590. À Montreuil-sur-Mer, il était perçu au profit du vicomte. Il s’appliquait au séjour de tous les bateaux, qu’ils fussent employés pour le transport ou la pêche591. Et en Flandres, on le trouve mentionné à Calais. Des mesures édictées en 1398 par Richard II y font référence : les navires étaient tenus d’apporter, en guise de lest, des pierres pour le renforcement des jetées et de payer une taxe d’ancrage dans le Paradis. Abolis en 1399, ces devoirs furent rétablis en 1432. Mais alors le trésorier exempta les maîtres des nefs de cette charge, contre une somme d’argent et à son seul profit592.
268L’autre taxe appliquée au stationnement naval frappait les bateaux venus s’échouer sur le sable ou la vase portuaire, à proximité de la berge, d’une cale ou d’un quai. Elle était assez ancienne et doit être bien distinguée du droit précédent qui frappait les vaisseaux demeurant en flottaison. Ce devoir établi sur les navires qui touchaient le sol pour stationner porta plusieurs appellations selon les cas : droit de « quillage », de « siège », de « rivage », de « sauveté », « d’accostage », de « la vase », etc., certains termes pouvant avoir un sens pluriel et s’appliquer à d’autres situations.
269Dans les registres se rapportant à la fiscalité des havres du golfe de Gascogne, on employait presque exclusivement le vocable « quillage ». Selon l’article XCV du coutumier d’Oléron rédigé au xiiie siècle, des frais de la sorte incombaient soit aux armateurs, soit aux marchands : « la nez paiet lo quillage593 ». C’était le cas dans la Gironde et la Garonne. On y percevait distinctement le « quillage » et « l’ancrage594 ». Le premier releva longtemps du ressort maritime du roi595. D’un montant de quatre sous sterling guyennais sous domination anglaise596, il avait muté, selon le compte de Macé Picot pour l’année 1466-1467, pour devenir la « coustume de IX s. ts » [qui était] « deue par chacun navyre qui entre nouvellement esdits pors et havres [de l’estuaire de la Gironde] pour charger vin, appellée quillaige ». Et plus loin : « Item, de la coustume de neuf solz ts. pour chacun navyre nouvellement entré oudit havre de Bourdeaulx pour droit de quillaige597. » Cette fiscalité portuaire pouvait inciter les maîtres de navires à rester en rade plutôt qu’à s’approcher des quais, afin de ne pas devoir acquitter les deux coutumes. Jacques Bernard a ainsi repéré deux mentions dans la comptabilité de Southampton indiquant que des bateaux payaient « l’ancrage » mais pas le « quillage598 ». Le « quillage » était aussi appliqué aux bâtiments qui touchaient la terre pour être radoubés. Et selon les registres de la comptablie de 1482-1483, le roi encaissait non seulement un droit de « quillage » de neuf sous « pour chacun naviere nouvellement entré oudict havre de Bourdeaulx », mais encore, un autre « quillage » spécialement sur les bateaux chargés de sel en provenance de Soulac599. Et puis notons que, toujours à Bordeaux, vers 1278, les jurats avaient, en plus d’un droit « d’ancrage », créé un devoir « d’accostage » sur les bâtiments anglais, initiative qui fut également abolie une dizaine d’années plus tard600.
270Un compte de 1478 de la prévôté d’Hiers, dans les marais de Brouage, désigne un droit de « quillage » sur le chenal de l’Épine601. La comptabilité du xve siècle de la seigneurie de Rochefort, sur la Charente, évoque les péages, « quillages », mesurages et autres menues coutumes prélevées le long de ses rives602. On payait aussi le « quillage » dans les ports de Mornac603, de Châtelaillon604, de l’île de Ré605, du Brault dans l’embouchure de la Sèvre niortaise606. À Talmont et dans ses deux avant-ports qu’étaient la Guittière et la Vinière, parmi les droits portuaires on appliquait un « quillage » de douze deniers par quille607.
271En Manche et en mer du Nord, le vocabulaire était plus varié mais décrivait une même réalité. L’un des premiers et des plus anciens était le droit de « siège des navires » – sedes navium (ou navis) – qui frappait le stationnement des bateaux dans leur port d’attache. On le rencontre dès 1035 pour Harfleur, et jusqu’à la fin du xiie siècle. En 1119, la collégiale d’Eu obtint le sedem navis à Eu ou à Criel, ce qui lui fut renouvelé en 1148. On trouve aussi une telle mention dans un texte des environs de 1200 pour Pont-Audemer608. Parmi les droits perçus au port de Caen au milieu du xive siècle, se trouvait celui selon lequel « chacune neif soit petite ou grande doit de son siege xii deniers609 ». À Étaples, se distingue celui du « siège des navires », montant à dix sous, auquel tout bâtiment entrant en ce havre était soumis ; charge au fermier « de bien et duement balizer le chenal610 ». À Calais se levait aussi un droit sur le « siège des navires611 ». Selon les comptes de ce port réalisés durant la première moitié du xive siècle, le receveur prenait les « sièges et issues », une taxe que payait chaque bateau pour y séjourner et pour en sortir612. Dans la comptabilité du bailli de Dunkerque du demi-siècle suivant, figure le « siège des nefs et bateaux613 ». Des droits similaires, dits de « posée », étaient perçus dans plusieurs ports de l’estuaire de la Seine, et ce depuis le xie siècle au moins614. À partir de 1517, ils furent placés sous l’autorité de l’amiral de France615. À Dieppe, un receveur consignait quant à lui la ferme dite de « la vase ». C’était un droit seigneurial d’un montant de deux deniers parisis par navire mouillant dans le port, et qui s’appliquait sans exception, que les bateaux fussent indigènes ou étrangers616. Selon le coutumier de Dieppe composé par Guillaume Tieullier en 1396, le prélèvement de cette taxe fonctionnait ainsi :
« La Coustume de la Voyse.
Il est assavoir que toutes les nefz et bateaulx estans en hable de Dieppe à quelque personne que ilz soient de la dite ville de Dieppe ou estrangiers, soit franc ou nom, qui posent entre la porte nommée à present la porte Notre Dame devant l’ostel à present Rogier Le Carpentier jusquez au degré par là ou l’en passe au batel passeur devant la viconté de la dite ville de Dieppe, se elles sont amareez au cay quelque poy, doivent à monseigneur ou au fermier de la voyze pour chascune foiz que les dites nefz ou bateaulx posent à la dite vaize, II d. par. Et se c’est pesquaille, se il plest au maistre de la nef, il puet bailler poissons à la value. Et se les dites nefz ou bateaulx sont wyans, sy doivent ilz chascun II d. par., excepté nefz et bateaulx chargez de vingz et sel, lesquelz ne doivent pas les II d. par. dessus diz ; car se aucun descharge vingz ès dites mettes, il doit paier un gantier qui vaille les II d. par. dessus ; et se le sel est deschargé d’aucunes nefz ou bateaulx, le maistre ou marchant doit paier une palée de sel à telle pele comme se mesure le dit sel ; et se par aventure, nefz ou bateaulx entraient ès dites mettes et riens ne deschargeoient, mais voulsissent en aultre port aler, ilz ne seraient tenus de paier gantier ne sel, mais pour chascune nef ou batel, pour chascune foiz II d. par. comme dessus est dit. Et est assavoir que toutes nefz et bateaulx soient wianz ou charges comme dit est, doivent la dite coustume ; et n’est aucun franc de la dite coustume paier pour quelconquez raison de franchise ne pour quelque priviiege que il ait d’eglise ou temporalité. Et se aucun est refusant de paier au fermier la dite coustume, il puet prendre gage ès dites nefz ou bateaulx à la valeur de son droit dessus dit. Et moyennent les chosez dessus dites le dit fermier, sy comme l’en dit, est tenu de tenir necte de pierres la place de la dite voize, afin que les nefz ou bateaulx puissent avoir bon siege sanz empirer. Et ce ay je veu faire par pluseurs années aux fermiers d’icelle ferme, en especial à Jehan Anguehart, dit Vittelu. Et quant à moi, je tieng que c’est raison617. »
272Ce texte, que nous réutiliserons un peu plus loin, est intéressant parce qu’il lie, sous une même appellation – la « voyse » – le devoir dû pour le stationnement naval à une taxe sur l’entrée des marchandises. Or il s’agit là de deux opérations très différentes. Cela donne à penser que dans ce cas précis, la relâche d’un navire dans le port était considérée comme acte de circulation auquel s’appliquait un péage, plutôt que comme l’usage d’un service portuaire.
273Enfin, parfois, c’est un terme plus général qui désignait le stationnement naval, quel que fût la pratique employée pour cela. En Bretagne, c’est le bref de sauveté qui englobait ce droit de mettre un navire à l’abri, à flot ou posé sur l’estran618. On le retrouve aussi en Bas-Poitou, prélevé dans l’espace portuaire de Beauvoir. Là, un impôt de 17 deniers était exigé sur chaque bâtiment, en particulier sur celui qui, conduisant du vin, venait se poser à l’ancre. Son maître devait alors régler son devoir dans le délai de trois marées, sous peine de confiscation. Par contre, lorsqu’il était chargé de sel pour effectuer un voyage en deçà du ras – c’est-à-dire des caps bretons probablement – il en était exempté619. À Bouin, toujours en Bas-Poitou, se payait le « portaige » – littéralement le droit de port – qui s’élevait à quatre deniers par charge de sel620. Les documents relatifs aux privilèges de ce lieu précisent qu’il s’agissait d’un droit « au commung proffict de lad. isle, pour curer les ports où les nefs chargent, pour adouber les ponts, les mauvais pas et les autres necessités de l’isle ». Les habitants de Bouin furent par ailleurs autorisés par leur seigneur à désigner un receveur de cette taxe, ce dernier étant censé en exiger le paiement avant que la planche des vaisseaux ne soit retirée621. Là encore, ces devoirs appliqués au titre d’un service portuaire, paraissent dissimuler dans le même temps un impôt indirect sur la circulation des marchandises.
Les devoirs liés aux services de manutention
274Nous l’avons vu précédemment, les opérations de manutention et l’emploi d’infrastructures construites à cet effet pouvaient donner lieu à l’établissement de tributs spécifiques, selon les modalités de chargement et de déchargement adoptées par les maîtres de navires. Déjà, en s’amarrant au quai, lorsqu’il en existait un et que la taille de son bâtiment lui permettait de l’approcher, le patron pouvait être conduit à verser une contribution au titre du « quaiage ». C’était le cas à La Rochelle. Avant que la commune ne rachète l’ensemble des berges portuaires, ce sont les tenanciers de la Grande Rive qui levaient pour eux-mêmes une taxe sur les navires accostant, dont le montant était fixé par l’échevinage, à la condition qu’ils en assurent l’entretien. On trouve un prélèvement comparable à Dieppe, et il est probable qu’il en exista dans bien d’autres ports munis de quais qu’il fallait bien entretenir.
275Ensuite, plusieurs procédés permettaient de joindre le bord du navire à celui du quai. Traditionnellement, on employait pour cela une planche. Cette pratique engendrait parfois la perception d’un droit de « planchage ». L’article XCVII du coutumier d’Oléron indique que « La nefz, non li avers, paie lo planchage, quar toz vaisseaus deit aveir sa planche a entrer et a essir, a charger et a descharger622 ». On acquittait aussi ce devoir en Bas-Poitou. Dans le petit port de Saint-Benoît, fixé sur le Lay, les patrons des navires payaient le « planchage » au fermier local qui en échange devait leur procurer le matériel adéquat623. À Talmont, où il en coûtait pour le « planchage » douze deniers par chargement. Et à Beauvoir, pour toute embarcation portant plus de dix charges de sel, il convenait de payer cinq sous, ou bien six deniers par charge dans le cas contraire624. Notons que ces deux dernières taxes se rapprochaient elles aussi, à certains égards, d’un droit de douane.
276Et puis, là où une grue avait été installée, il était en général obligatoire de faire appel à ses services moyennant évidemment une rétribution. Nous avons vu que les comptes communaux de Bruges, pour les années 1304, 1309-1310, 1310-1311 1316-1317 et 1331-1332, mentionnent les revenus liés au fonctionnement du « crane », employé notamment pour le transbordement du vin625. Enfin, pour les vaisseaux qui ne pouvaient pas approcher la grève, il fallait avoir recours à l’aconage. Dans ce cas, des allèges se chargeaient du va-et-vient depuis la rive ce qui, si ces dernières relevaient d’un service seigneurial, impliquait l’entremise d’un devoir approprié. D’après un aveu et dénombrement du 28 mars 1525, à Quillebeuf et à Conteville, dans la basse vallée de la Seine, les religieux de Jumièges prélevaient des droits de « deschargeaige » et « d’allegeaige626 ».
Les devoirs de « mesurage »
277La problématique des poids et mesures – comme celle de la qualité des produits – revêtait une importance capitale dans les échanges au Moyen Âge. Elle participait de la sécurité et de la stabilité commerciale. C’est pour cette raison que divers dispositifs et prescriptions venaient les encadrer. Par ce moyen, il s’agissait de fournir aux acteurs économiques des unités et des outils fiables leur permettant d’évaluer, de la façon la plus précise possible, les quantités des divers biens qu’ils commerçaient. Il s’agissait aussi de procurer des normes métrologiques admises et respectées par tous, capables d’assurer et de préserver la confiance lors des transactions. Il s’agissait enfin d’installer, au moyen d’étalons, un système gradué, afin que les autorités publiques puissent établir leur réglementation fiscale et fournir à leurs receveurs les outils nécessaires à la perception. Aussi, le domaine des poids et mesures relevait exclusivement des prérogatives des hauts-justiciers. Il était partout nécessaire, avant le chargement ou à l’issue du déchargement de denrées, dans l’espace portuaire ou à l’intérieur de l’enceinte urbaine, de procéder à l’estimation des quantités de marchandises par un agent des autorités locales. Ce service obligatoire, qui induisait des dépenses liées aux émoluments du personnel et au matériel employé, motivait souvent la collecte d’une contribution afférente627. Mais notons que, toujours en quête de nouvelles recettes, les autorités avaient tôt fait de détourner la justification de ces devoirs pour, en réalité, dissimuler derrière eux la perception d’une taxe sur le trafic.
278Il n’est pas question ici de recenser tous les devoirs inhérents au mesurage des produits transportés. Dans ce domaine comme dans tant d’autres, l’émiettement du pouvoir au profit des seigneurs rivagiers avait débouché sur une épaisse diversité du vocabulaire, des pratiques et des normes, un désordre métrologique que les regains de la puissance royale à la fin du Moyen Âge n’auront pas réussi à clarifier ni à unifier. Seules les contraintes du négoce international avaient exigé, par pragmatisme, que les unités particulières employées au sein de chaque place soient liées les unes aux autres par des rapports relativement stables dans le temps. Les taxes de « mesurage », de « jaugeage » et de « comptage » étaient perçues principalement sur les produits ordinaires, c’est-à-dire les plus échangés, ceux qui procuraient l’essentiel de la manne fiscale indirecte et qu’il fallait en priorité protéger des fraudes et des malversations : les céréales, le sel, le vin, le poisson, la laine, les draps. Ces taxes s’appliquaient, selon les cas, à l’acheteur, au vendeur, ou aux deux agents de la transaction. On pouvait également être amené à jauger les navires pour vérifier leurs capacités de charge, notamment lors de leur mise à l’eau628.
279Dans les grandes villes marchandes, l’exercice de ces droits était parfois partagé entre les administrations princières et urbaines. Prenons un exemple pour en apprécier la réalité. À la fin du Moyen Âge, tous les droits de « mesurage » avaient été obtenus par la commune de La Rochelle. Si bien que le procureur du roi voyait dans leur exercice une usurpation des attributs royaux, ainsi qu’une fiscalité urbaine indue, aux « tribuz, malefices et coustumes dampnees ». Dès 1277, un affrontement avait eu lieu à ce sujet629. En mars 1283, puis par confirmation le 20 mars 1313, s’ajoutant aux pouvoirs de police déjà obtenus par les Rochelais, « le roy leur fit octroy de la congnoissance des poids, aulnes et mesures sur les bourgeois et non bourgeois de ladite ville, soit pour les blés, vins, que toutes aultres chosent qui se mesurent, avec pouvoir de chastier les délinquans630 ». En 1321, les Rochelais s’associèrent aux seigneurs et communautés de France qui ont « la pollice des poids, aulnes et mesures », pour s’opposer au souverain qui voulut faire exécuter une ordonnance visant à réduire tous les étalons, afin semble-t-il de les uniformiser. Ce conflit stoppa net avec la mort de Philippe V631. Dans son rapport rédigé sous Philippe VI, François Jacques, commissaire général pour le « droit de rêve », signalait à propos des poids de La Rochelle que seules des balances employées pour des denrées pondéreuses étaient disponibles dans la ville632. Afin d’éviter les fraudes sur le pesage de marchandises moins lourdes, comme la soie ou les épices, il préconisa que soient fournies trois autres balances adaptées à ces produits précieux. Les prérogatives de police de la commune furent par la suite confirmées en 1360, 1408 et 1461633. S’agissant des céréales, Charles V donna en juin 1373 à l’échevinage le poids servant à peser le blé. C’est lui que devaient utiliser les meuniers pour mesurer leurs farines. Son emploi donnait lieu à la perception par la ville d’un « devoir raisonnable634 ». En supplément de ce poids, la commune obtint en 1457 la ferme du « poyzage » des blés. Plus encore, d’après un arrêt de la cour du Parlement de Paris du 8 mars 1417, elle possédait aussi le droit « d’allotage » des cuirs635. Et dans la charte de fondation du port de Queue-de-Vache de 1436, Charles VII fit stipuler que les habitants du village voisin de Marsilly devaient prendre « le comptaige de tout poisson sec et salé, le droit de l’aune et mesurage de tous grains et de plastre, chaux et carbon, tout ainsi et autant comme noz bien amez les maire, eschevins et habitans de notre ville de La Rochelle en prennent et lievent par notre octroy636 ».
Les douanes et péages
280Alors que l’énumération des devoirs perçus au titre d’un service seigneurial, quoique sans doute incomplète, ne pose pas de difficulté majeure – leur versement reposant sur une contrepartie qui s’est maintenue dans le temps – l’inventaire des perceptions établies sur le mouvement des marchandises est bien plus ardu. Elles étaient innombrables637. Selon le niveau de juridiction du détenteur de l’impôt, selon le caractère permanent ou temporaire de ce dernier, selon la nature et la quantité des denrées concernées, selon l’origine des négociants et des navires imposés, selon la provenance et la destination des marchandises, selon qu’il était question d’entrée ou de sortie, les contributions se multipliaient, apparaissaient et disparaissaient au gré des besoins toujours pressants des finances des seigneurs, des villes et des États. Tenter d’en réaliser le répertoire complet à l’échelle du royaume, pour envisager ensuite leur analyse et leur classement méthodique, s’avère illusoire et certainement sans fondement. Beaucoup d’informations à leur propos ont disparu, surtout pour la période des xie-xiie siècles, durant laquelle les rares textes conservés font davantage référence à l’octroi de franchises qu’aux impositions elles-mêmes. De sorte que notre liste serait très incomplète et qu’aucun travail statistique pertinent ne pourrait être envisagé à son égard. On n’obtiendrait rien de plus qu’une litanie incohérente de taxes, fruits de l’histoire de cinq siècles de compétitions féodales, que la variété des genèses, des motifs et des chronologies empêcherait de réellement comparer. Il n’a jamais été question à l’époque, pas même lors des progrès de la monarchie et de l’État au xve siècle, de sérier de façon rationnelle les prélèvements fiscaux.
281Néanmoins, essayons, à partir d’un secteur littoral donné, de dresser et d’analyser cet enchevêtrement fiscal. Son caractère exemplaire témoignera de réalités plus générales. Nous avons choisi de retenir l’espace compris entre la Bidassoa et la Loire. Son intérêt en la matière est multiple. Il tire sa cohérence des limites initiales du duché d’Aquitaine, qui prévalaient au début du xie siècle, et qui connurent les démantèlements et recompositions dus aux compétitions seigneuriales et princières propres à notre période. Il embrasse une multitude de ports, aux fonctions et aux dimensions très variées, dont l’existence s’inscrit dans les contextes économiques représentatifs des marchés locaux, inter-régionaux et internationaux. Et il donne à voir le foisonnement hétéroclite des prélèvements comme les quelques tentatives de mise en ordre lancées par l’État monarchique.
Le régime fiscal traditionnel : la coutume
282Établis sur le vieux principe des tonlieux, les droits de péage et de douane frappaient la circulation des marchandises, voire des navires et des individus638. Il s’agissait de taxes portant sur leur entrée et/ou leur sortie de l’espace seigneurial, urbain ou princier, en l’occurrence ici, via le port. Nos informations à leur endroit sont très incomplètes et disparates et ne débutent, véritablement, pas avant le xiiie siècle639. Remarquons cependant quelques traits généraux. La mise en place de ces droits accompagna, à partir du xie siècle, la formation des seigneuries rivagières ainsi que le développement des échanges maritimes. Ils furent bientôt fixés dans la coutume locale, souvent désignée sous l’appellation « coutume ancienne » à la fin du Moyen Âge. Par ailleurs, cette fiscalité ne paraît pas avoir toujours concerné l’ensemble du trafic ; elle portait d’abord sur les principaux produits transportés. En voici quelques exemples significatifs.
283À Bayonne, la ville perçut pendant un certain temps une taxe sur le fer entrant et sortant. Toutefois, Henri IV le lui interdit en 1411. Elle prélevait aussi depuis le xiiie siècle un droit sur les cidres et les vins exportés. Il montait à douze deniers par pipe de cidre et à douze médailles grosses par pipe de vin640. Plus généralement, le pouvoir anglais avait institué des droits de douane sur l’ensemble des vins de Gascogne. Le 13 août 1302, Édouard II délivra une charte selon laquelle toute exportation ou importation était autorisée aux marchands gascons, moyennant le paiement des droits appropriés, et à l’exception de l’exportation des vins qui ne pouvait se faire qu’après l’obtention d’une autorisation spéciale du roi. Ce dernier en profita pour établir une nouvelle redevance de deux sous par pièce de vin, à prendre dans les quarante jours suivant son déchargement641.
284Les « coutumes de Bordeaux », dont la perception était supervisée par le connétable, rassemblaient des impositions très diverses, dont plusieurs droits de douane et de péage. Deux catégories principales, auxquelles s’ajoutaient quelques impositions secondaires, les distinguaient selon la nature des biens taxés. La première englobait les devoirs établis sur les produits viticoles : la « grande coutume des vins » et « l’issac » revenant intégralement au roi, auxquelles il convient d’ajouter la « coutume de Royan ». La seconde comprenait les « petites coutumes », c’est-à-dire les devoirs pesant sur les autres marchandises en transit à Bordeaux ou dans certains ports des environs. La « grande coutume des vins » était perçue sur tous ceux, quelle que fût leur origine, qui passaient par le havre de la capitale guyennaise. Son tarif était variable, fixé chaque année par le connétable après les vendanges, en monnaie bordelaise ou tournois. Pour exemple, en 1281-1282 il était de sept sous bordelais par tonneau, de neuf sous bordelais l’année suivante, de sept sous six deniers tournois en 1302, de seize sous tournois en 1303, de cinq sous quatre deniers tournois en 1305, puis de dix sous bordelais en 1306. « L’isssac », au sein duquel se distinguait le « petit issac », était appliqué sur les vins – en général ceux ne provenant pas des vignes des bourgeois bordelais – acheminés par voie terrestre ou fluviale et entrant dans Bordeaux pour y être négociés ou vendus dans les tavernes. Quant à la « coutume de Royan », d’abord attachée à sa seigneurie initiale, elle fut probablement détournée par les autorités anglaises pour être jointe aux autres taxes perçues par le roi-duc à Bordeaux. Son montant, de deux deniers et une obole par tonneau, était fixe. Les quatre « petites coutumes », qui sous le règne d’Édouard Ier étaient toutes perçues à Bordeaux, portaient, elles aussi, le nom de leur port d’origine : Royan, Mortagne, Bordeaux et Blaye. Elles se distinguaient des précédentes par trois singularités : le roi-duc en partageait le produit avec un ou plusieurs autres bénéficiaires, elles s’appliquaient aux produits autres que le vin et leur tarif était fixe pour chaque type de marchandise. Tels étaient les modes de perception en vigueur, communs à tous les individus, même si, en réalité, il existait d’innombrables exceptions, allant d’un tarif réduit à l’immunité pure et simple642. Selon la comptablie de Bordeaux, en 1482-1483, les « prouffiz de la coutume appellé ysac » appartenaient aux jurats bordelais depuis que les rois d’Angleterre leur en avaient fait don643.
285Citons aussi, sans soucis d’exhaustivité, la coutume du sel en provenance de Soulac qui s’établissait à trois deniers par tonneau et qu’on collectait également à Bordeaux644. Toujours d’après le registre de la comptablie de 1482-1483, un devoir de quatre sous six deniers tournois était pratiqué sur certains vaisseaux en vertu du « droit de branche645 ». Cette imposition est signalée en 1450 ainsi que dans les comptes de Bernard Angevin, connétable de Bordeaux, rendus en 1425. Ces derniers le mentionnent sous l’appellation « droit de la branche de cyprès ». Il était acquitté, au moment de leur départ, par les maîtres des navires chargés de vins. À ce titre, ils payaient alors dix-huit ardits, six ardits revenant au roi et douze ardits au sire du Cypressat. En effet, les capitaines devaient alors retirer auprès du château de l’Ombrière, en guise de justificatif de leur paiement, une branche de cyprès fraîchement coupée. C’est le seigneur du Cypressat, petite terre située sur la rive droite en face de la ville, qui devait régulièrement fournir au connétable lesdites branches. Ce droit était ancien puisque son affermage est avéré dès 1282646.
286Sur la Dordogne, au port de Libourne, on sait l’existence d’une « coutume ancienne » appartenant à la Couronne, sans en connaître le détail. En 1287, Édouard Ier avait essayé de l’augmenter d’un péage supplémentaire, ce à quoi il renonça devant l’opposition des bourgeois locaux. Il est établi cependant que le roi anglais faisait payer au titre de la coutume dix sous guyennais par tonneau de vin expédié, tarif qui était toujours en vigueur dans les années 1360. En 1388, les Libournais demandèrent à Richard II d’en être dispensés647. Sur la Gironde, il se percevait des coutumes sur la circulation des marchandises aux ports de Mortagne et de Blaye. Il s’en levait une aussi sur le vin à Talmont, à hauteur de deux deniers obole par tonneau648. Cette dernière, de par son montant et la marchandise qu’elle frappait, n’est pas sans rappeler la « coutume de Royan », dont une version fut jointe – nous l’avons dit – au fisc du roi anglais et prélevée à Bordeaux. Son histoire, retracée par Georges Musset, mérite qu’on s’y arrête quelques instants, parce qu’elle témoigne des imbroglios et des luttes de pouvoirs qui ont opposé les autorités seigneuriales, urbaines et princières au sujet des droits portuaires, dans bien d’autres endroits du littoral atlantique français.
287Depuis le xiiie siècle au moins, le seigneur du petit port de Royan, situé sur la rive saintongeaise de l’embouchure, détenait en effet une coutume sur le mouvement des denrées. Selon une mention de 1232, cette coutume retenait le onzième de tous les produits qui transitaient par son havre. Elle apparaît ensuite à plusieurs reprises dans des transactions passées en 1243, 1244-1247 et 1290. Et pourtant, entre-temps, une coutume du même nom avait été fixée à Bordeaux au profit du roi-duc. Il semble que leur cohabitation ait fonctionné sans trop de difficulté quelques décennies, jusqu’à un différend survenu en 1367. Le Soudan de Preyssac, seigneur de Didonne, réclama auprès du duc de Guyenne la conduite d’une enquête, au motif qu’il prétendait détenir de ses prédécesseurs le droit de percevoir des péages et des coutumes sur les produits passant par mer à Didonne et à Royan, jusqu’au moment où l’on en avait exercé la perception à Bordeaux. Les témoins entendus accréditèrent ses dires. Les titres du demandeur ayant été dûment vérifiés, le prince de Galles lui reconnut ses droits sur les coutumes appliquées aux marchands passant devant Royan et Didonne. Simultanément, il autorisa que les deux deniers obole soient encaissés, au profit de Soudan de Preyssac, par les agents du château de l’Ombrière à Bordeaux ; les autres droits relevant de ladite coutume étant perçus à Royan même. Plusieurs pièces rédigées dans les décennies suivantes précisent la composition des diverses taxes réclamées dans le petit port saintongeais. Certaines portaient exclusivement sur les produits viticoles : cinq deniers par tonneau de vin exporté et produit sur le territoire de Royan-Didonne, onze deniers obole pour les autres ; et deux deniers obole sur chaque tonneau de vin passant devant Royan et Didonne. Un doublon ? Voilà qui interroge. La perception, en ce lieu, de ce dernier devoir, est en effet attestée par plusieurs documents juridiques et comptables durant tout le xve siècle. Olivier de Coëtivy, qui posséda entre autres titres celui de seigneur de Royan et de Didonne, entreprit lui aussi de faire reconnaître ses prérogatives sur cette coutume : « laquelle jadis souloit estre levée, prize et receue audit lieu de Royan […] sur toutes denrées et marchandises passans par devant lesdits lieux et seigneuries de Didonne et de Royan ». Parmi les taxes mentionnées figurent bien les deux deniers obole par tonneau de vin, dont il justifie l’encaissement par le fait qu’il exonère ensuite, ceux qui l’ont acquitté, de l’exercice, le cas échéant, du droit d’épave. Il semblerait donc qu’à la fin du Moyen Âge, se pratiquait simultanément la levée de deux coutumes dites « de Royan », de montants et d’assiettes identiques : l’une à Royan même au profit de son seigneur, l’autre à Bordeaux au profit du roi. C’est ce que confirmèrent les témoignages sollicités dans le cadre de deux enquêtes conduites en 1487 et 1488649.
288Au-delà des oppositions entre les receveurs de ces deux impôts, on imagine la confusion qui devait régulièrement survenir dans l’esprit des marchands et des maîtres de navires : pensant avoir acquitté leur dû à un endroit, il leur était réclamé une seconde fois à un autre ! À la lumière de cet exemple, chacun comprendra le caractère illusoire d’un inventaire ou d’une cartographie de la fiscalité coutumière des ports de la France atlantique. Tirons-en cependant une première conclusion. Sur le plan fiscal, les autorités publiques considéraient que chaque territoire portuaire constituait un lieu de perception douanière à part entière, dont il fallait tirer parti. Si, à l’échelle des échanges locaux, ce fonctionnement commun avec les péages terrestres conservait du sens, il apparaît très inadapté aux contraintes économiques du trafic maritime, en raison du caractère inter-régional et international de ce dernier. En d’autres termes, le développement des échanges maritimes le long des côtes de la France et de l’Europe du Ponant a mis progressivement en lumière les incohérences spatiales de la fiscalité coutumière traditionnellement pratiquée dans le continent.
289Poursuivons cependant notre portrait général des coutumes portuaires. Des redevances du même type étaient toujours perçues dans les ports aunisiens à la fin du Moyen Âge. À Châtelaillon, en 1402, Jehan Larchevêque avoua tenir le droit de deux deniers maille par pièce de vin chargée ou déchargée650. Des comptes et aveu de 1408-1410, 1479 et 1484 évoquent « la coustume ancienne » de deux deniers obole des vins et blés chargés et déchargés aux havres de l’île de Ré651. La même redevance figure en tête de la longue liste dressée en 1436, lors de la mise en place de Queue-de-Vache652.
290À La Rochelle, l’ancien régime des taxes appliquées à la circulation des marchandises reposait semble-t-il sur trois impositions indirectes qu’il est bien difficile de discerner. Parce qu’alors toutes perçues par la prévôté de la ville, dont nous ne disposons d’aucun compte détaillé, il faut bien avouer que nos connaissances restent très lacunaires à leur sujet. Les origines de leur principe plus que de leur taux sont sans doute à rechercher à la charnière des xiie et xiiie siècles, au moment où les activités maritimes prenaient leur essor dans la région, et où les souverains comme les seigneurs locaux s’organisaient pour profiter au mieux du commerce pratiqué sur les côtes aunisiennes. Avant 1205, les marchands payaient déjà un droit, à leur entrée et à leur sortie, d’un gros du Poitou653.
291Ces redevances étaient appelées durant la fin du Moyen Âge, et encore au xviie siècle, « coustumes anciennes ». L’une s’appliquait aux vins tirés par mer hors du havre, à raison de deux deniers maille par tonneau. C’est ainsi qu’elle était désignée lors d’un affermage, le 21 octobre 1424654. Et en 1610, le receveur du domaine du roi l’inscrivait toujours dans ses comptes655. À l’entrée de la ville, par terre comme par mer, le roi faisait également cueillir deux deniers oboles sur chaque tonneau de vin. Le destin de cette imposition fut plus mouvementé. En 1372, suivant un octroi de Charles V, la commune en reçut pour un temps limité le bénéfice pour financer les travaux de ses murailles. D’autre part, tous les bourgeois en furent alors exemptés656. Mais cette dernière bienveillance ne fit pas tout de suite force de privilège, comme le rappelait Charles VI dans une réponse du 24 février 1386 à une requête rochelaise657. Aussi, les conflits avec les receveurs royaux ne cessèrent pas. Les bourgeois durent attendre les faveurs de Charles VII en 1460 pour se faire confirmer cet avantage, qui valait tant pour le vin entrant que sortant658. À l’issue de cette décision, la coutume n’avait plus guère de raison d’exister. C’est probablement pour cela qu’on ne la retrouve pas mentionnée dans les papiers du receveur en 1610. Elle ne subsistait plus qu’à travers un droit, au taux inchangé, perçu sur le vin entrant à La Rochelle par le canal de la Moulinette659. Quant à la troisième « coustume ancienne », elle s’exerçait sur les « denrées et marchandises entrans et sortans par mer au havre de La Rochelle660 ». Elle frappait en fait, selon un tarif certainement similaire, la circulation de tous les autres produits transitant par la ville et le port.
292En Bas-Poitou, plusieurs comptes ou fragments de comptabilités permettent de dresser une liste partielle des coutumes portant sur les importations et les exportations. Le trafic des ports de Talmont donnait lieu à la perception de plusieurs « menues coustumes » appliquées aux produits chargés sur les navires : deux deniers obole sur chaque tonneau de vin et de blé, huit deniers par charge de sel et quatre deniers « pour chacun fardeau cordé qui passe le pont de l’ayve de Thalmont661 ». Aux Sables-d’Olonne, les receveurs des vicomtes de Thouars enregistraient deux droits différents sur l’activité portuaire au xve siècle. L’un touchait les poissons frais, le fermier retenant une prise sur cinq choisie par le pêcheur lui-même ; l’autre, intitulé « menues coustumes », concernait divers autres produits, à l’image sans doute de ce qu’y était pratiqué par les mêmes seigneurs dans la châtellenie voisine de Talmont662. Les bâtiments expédiant du vin depuis l’île d’Yeu étaient soumis, d’après l’épave d’un registre datable de 1462, à une coutume spécifique. Si leur chargement ne dépassait pas vingt et une pipes et qu’ils n’envisageaient pas de franchir les ras – les ras bretons probablement –, leurs maîtres ne devaient acquitter que le droit d’ancrage de douze deniers. Dans le cas contraire, il était redevable d’un tribut d’une demi-pipe par tranche de vingt et une pipes de vin663.
293Au sein de l’espace salicole de la Baie, la fiscalité était concentrée sur le seul produit qui motivait le mouvement naval : le sel. Dans les ports de l’île de Bouin, selon les privilèges de ses habitants confirmés en 1342, la taxe sur l’achat et l’expédition du sel était fixée à vingt-cinq deniers la charge. D’après les vestiges d’un registre de 1454, dans la douzaine de ports que comptait la seigneurie voisine de Beauvoir, des coutumes différentes étaient dues selon la nature et la destination des cargaisons : sept deniers obole par charge de sel lorsque les navires devaient franchir les ras bretons, cinq deniers dans le cas contraire, treize deniers pour les vaisseaux portant jusqu’à treize tonneaux de vin, deux sous deux deniers lorsqu’ils embarquaient entre treize et vingt tonneaux, et treize deniers par tranche de treize tonneaux pour les cargaisons supérieures. Toujours dans le même secteur salicole, les exportations réalisées depuis l’île de Noirmoutier supposaient le paiement de la « grande coutume » sur le sel, soit : dans le cas d’embarcations portant moins de douze charges, douze deniers par charge pour celles venant de l’étranger et six deniers pour celles attachées à un port de l’île ; dans le cas de navires embarquant douze charges ou davantage, seize sous six deniers pour toute leur cargaison, quelle que fût leur origine, montant auquel s’ajoutaient douze deniers par bateau. Quant à la « petite coutume », elle s’appliquait de façon uniforme au montant d’un denier par charge, sans aucune distinction.
294Quelles conclusions tirer de cette liste de prélèvements fiscaux ? Ce qui frappe à première vue c’est la disparité de leurs montants, de leurs assiettes et de leurs fonctionnements. Seul le devoir de deux deniers obole par tonneau de vin exporté paraît avoir été assez répandu le long des littoraux aquitains. On le retrouve à Bordeaux, à Talmont sur la Gironde, à Royan, à Châtelaillon, à La Rochelle, dans l’île de Ré, à Queue-de-Vache, à Talmont en Bas-Poitou. Cela invite à penser qu’il aurait été établi sous les ducs d’Aquitaine, durant le xiie siècle, avant les recompositions territoriales opérées durant les luttes entre Capétiens et Plantagenets. Remarquons par ailleurs que les taxes de douane frappaient principalement les productions commerciales les plus courantes dans ce secteur : le sel et le vin. On pourrait, élargissant nos investigations au reste du royaume, énumérer d’autres prélèvements coutumiers propres aux vals de Loire et de Seine, à la Bretagne, à la Normandie ou à la Flandre664. Tous ces autres cas rendraient compte de la même réalité. La naissance et les premiers développements des territoires portuaires, au cours des xie-xiiie siècles, donnèrent lieu, concomitamment à la constitution des « seigneuries rivagières », à la création d’une foison de prélèvements douaniers et de péages. Ces derniers étaient devenus, souvent, une des principales ressources de la seigneurie et furent donc jalousement gardés et défendus par leurs titulaires. Ils représentaient de ce fait un sujet sensible, voire conflictuel, objet de contradictions d’intérêts locaux et particuliers : d’abord entre les seigneurs eux-mêmes bien sûr, bientôt avec les communautés urbaines, mais aussi avec les puissances princières et royales et, de surcroît, avec les acteurs du commerce inter-régional et international.
Les taxes additionnelles : imposition foraine et traites
295Durant les xive et xve siècles, considérée l’ampleur des besoins financiers nécessaires pour subvenir aux efforts de guerre et de fortification, les Couronnes anglaises et françaises avaient entrepris, chacune à sa manière, d’aller chercher l’argent là où il se trouvait. Le trafic maritime, florissant jusqu’au seuil de la crise, fut donc particulièrement visé. Les exportations, sur lesquelles pesaient déjà des droits de douane anciens, constituèrent une cible fiscale spécifique qui donna naissance à un nouveau régime de taxes, qui se répandit par tout le royaume, celui des « traites ».
296Pour ce qui concerne les territoires du roi de France, le port de La Rochelle offre un parfait point de vue pour observer ces évolutions. Le 28 avril 1438, alors que Gabriel de Marseille recevait la charge de la recette de la prévôté, Colin Langlois recueillait toujours « la revenue, proffit et emolumens » de « la coustume ancienne », mais aussi de « l’imposition foraine », dont le montant avait été accordé par Charles VII à Prigent de Coëtivy dix jours auparavant665. Sur les bases de la vieille fiscalité, la royauté, toujours en quête d’argent frais, avait en effet cherché, dès les premières difficultés du xive siècle, à augmenter ses revenus. « L’imposition foraine » prend sa source dans l’institution par Charles IV du « droit de rêve », le 31 décembre 1324, au moment où l’État tenta de contrôler les exportations hors du royaume666.
297Revenons quelques instants sur le parcours qui conduisit à la création de ce nouveau devoir. Un usage très répandu depuis le xiiie siècle, fixé par l’ordonnance de 1254, défendait, au motif des risques d’affaiblissement du royaume et de renforcement des étrangers, d’exporter certains produits667. En 1305, Philippe IV le Bel l’étendit à presque tous les produits agricoles ou manufacturés de royaume, comme l’argent, les chevaux, les bestiaux, les grains, les vins, les armes, les draps et les toiles. Ayant fixé ces prohibitions, il en contrôla l’exécution et les dérogations en créant, cinq jours après son ordonnance, l’office de « maître des ports et passage », auquel il donna le pouvoir d’établir des gardes sur les frontières, de vendre les autorisations d’exporter et de poursuivre les contrevenants. Sous Louis X, l’exportation redevint libre puis, en 1320, Philippe V le Long rétablit les interdictions générales. Toutefois, afin de mieux les administrer et de limiter l’arbitraire, il commua les permis d’exportation en un droit dit de « haut-passage », dont il confia à trois commissaires nommés par la chambre des comptes le soin de fixer le prix des autorisations, ne laissant aux « maîtres des ports » que l’exécution des décisions prises. De nouvelles ordonnances prohibitives, comme celle de Charles IV le Bel en 1324, conduisirent les marchands étrangers à proposer le rétablissement de la liberté d’exporter, en échange d’un droit de quatre deniers pour livre du prix de toutes les marchandises qu’ils achèteraient. C’est ainsi que naquit le « droit de rêve », qui vint s’ajouter à celui de « haut-passage668 ».
298Ce « droit de rêve », initialement valable un an, puis renouvelé d’année en année, variait selon les marchandises transportées669 : il était fixe pour le vin et dans ce cas s’élevait à dix sous par tonneau ; mais il frappait, ad valorem, à hauteur de quatre deniers pour livre, la plupart des autres produits chargés à La Rochelle en partance pour l’étranger670. Les principes de cette taxe ne se firent pas admettre immédiatement. De vives réactions survinrent à son égard dans tout le royaume, conduisant les autorités royales à supprimer sa perception après mai 1332. En réalité, elle ne fut pas abolie mais plutôt démembrée. Les deux modes d’application du « droit de rêve », selon la nature des denrées exportées, furent complètement distingués par les autorités royales ce qui donna lieu à la création de deux nouveaux impôts indirects : « l’imposition foraine » de quatre deniers pour livre d’une part – employée notamment pour payer la rançon de Jean II le Bon – et la « Traite » de dix sous par tonneau d’autre part671.
299Le 19 mars 1333, l’échevinage recevait confirmation de Philippe VI de l’abolition des quatre deniers pour livre, avec mandement de rembourser ceux d’entre les Rochelais qui l’avaient indûment acquittée672. Toutefois, la royauté n’abandonna pas l’idée de reconduire cette taxe au rapport juteux. Une ordonnance du 16 octobre 1340 signale qu’avant cette date sa perception avait été rétablie673. Le 17 septembre 1342, Philippe VI accorda exceptionnellement à la ville, afin de subvenir à ses frais de défense, la moitié des quatre deniers pour livre levés dans son port674. Par quittance du 21 février 1343, la mairie reçut de ce fait 5 000 des 10 000 livres produites à ce titre l’année précédente675. Dès lors, et malgré quelques intermèdes, on peut considérer cet impôt comme définitivement fixé. Suspendu quelque temps en 1360, Édouard III en confirma la perception le 20 juillet 1361 puis le retira quatre mois plus tard, sur la demande des bourgeois semble-t-il, le 19 novembre676. Il figure ainsi dans les deux comptes de Pierre Bernard de 1360-1361 et 1361-1362677. On le nomme désormais « imposition foraine ». Dans un procès de 1372 et le compte de 1409 de Jehan Innocent, sa perception est toujours avérée678. Malgré son absence dans la ferme de la traite délivrée à Jehan Vergier le 21 octobre 1424679, la documentation en donne le signalement en 1438 et durant tout le xvie siècle680. Alors que les anciennes coutumes résistèrent assez bien au régime des dispenses, à l’inverse, « l’imposition foraine » souffrait de fortes exemptions. Parmi les premiers privilégiés, on comptait en 1361 les « monnoyers681 ». La libéralité de Charles V à l’égard des Rochelais s’appliqua également en 1372 aux quatre deniers pour livre, mais cette fois-ci avec des résultats durables682. Des documents de 1380, 1386, 1423 et 1460 le confirment683. Sur ordre de Charles VII du 15 juillet 1424, les Castillans bénéficièrent du même avantage684. Avec les trois contributions précédentes, elle était enfin, bien que parfois détachée sur la recette générale de Saintonge et gouvernement de La Rochelle, encaissée par la prévôté de la ville685, et le demeura, sauf concession temporaire, jusqu’en 1593686.
300Selon les principes du « droit de rêve », l’exportation du vin donnait lieu à la perception d’une taxe de dix sous par tonneau et cinq sous par pipe. Cette dernière connut en 1332-1333 le même sort que sa consœur, et ne semble pas avoir été tout de suite réactivée687. Jean II le Bon en aurait temporairement concédé une partie à la commune sous son règne688, puis elle apparaît dans les deux comptes de la période anglaise689. En 1372 elle était toujours encaissée. Et il est ensuite régulièrement fait état de sa perception entre 1418 et 1506. Dès lors, on la désigna sous l’appellation « Traicte de Saintonge, ville et gouvernement de La Rochelle ». Elle s’exerçait sur le vin en premier lieu, sur le blé aussi parfois quand les autorités royales, garantes des réserves et des prix des céréales, en autorisaient l’exportation. C’est ainsi que le seigneur de Surgères put, afin de financer la reconstruction de sa place forte, tirer 10 000 tonneaux de céréales par la Charente, sans avoir à payer les droits de traite690. En 1464, alors qu’avait été promulguée l’interdiction de tirer des céréales hors de Saintonge, Louis XI autorisa les marchands à en exporter de La Rochelle partout où bon leur semblerait, sauf en terres ennemies. Cette licence, valable un mois après leur venue dans la ville, était toutefois subordonnée à l’acquittement de la « Traite691 ».
301Initialement établie sur les exportations hors du royaume, la « Traite » s’appliquait en réalité aux exportations réalisées hors des territoires relevant directement du domaine royal. Elle se percevait donc aux frontières des provinces de Saintonge, d’Aunis, de Poitou et de Normandie, au même titre que s’il s’était agi de frontières avec l’étranger692. De la sorte, en 1418, en pleine occupation anglo-bourguignonne, le dauphin Charles décida que la taxe frapperait dorénavant les vins « menez et deschargez au dedans du royaulme et des fins et limittes d’icelluy », c’est-à-dire, à ce moment précis, à destination des côtes guyennaises, bretonnes, normandes, picardes et flamandes693. Cette conception théorique de la « Traite » fut rappelée sous Charles VIII en 1484694. Quant aux exemptions, longtemps les Rochelais furent les seuls à en bénéficier. Charles V en 1372, et ses successeurs en 1386 et 1423, les en dispensèrent pour les vins crus dans leurs propres vignes et chargés par eux695. En 1461, il semble même que ces contraintes avaient disparu696.
302Durant tout le xve siècle, la « Traite » se trouva au cœur d’un débat intense et acharné entre la commune et l’administration centrale. Une documentation abondante en relate les faits697. L’affaire débuta dès 1418, quand Charles VI délaissa le tiers de la « Traite » à l’échevinage, pour qu’il puisse jouir de disponibilités suffisantes à l’entretien des fortifications de la ville. Cette concession fut d’abord, sinon intermittente, en tout cas dépendante d’un renouvellement régulier par l’autorité royale. En 1431, son successeur leur octroya sa « tierce partie » pour un an, consentement réaffirmé en 1438698. Puis, moins magnanime, il réduisit cette portion au quart, un taux qui ne varia dès lors plus. En 1450, la concession fut prorogée pour quatre ans puis régulièrement confirmée en 1461, 1463, 1467, 1469, 1472, 1478, 1483, 1484, 1492, 1498 et 1499699. Même si l’administration centrale prenait le soin, comme en 1456, de réaffirmer que la « Traite » relevait normalement de la fiscalité royale700, ce droit, toujours reconduit, fut peu à peu considéré par les Rochelais comme faisant partie de leurs privilèges et de leur juridiction. Pour cette raison, ils en défendirent la possession avec opiniâtreté devant les attaques répétées des officiers de Charles de France, de Louis XI, de Charles VIII, de Louis XII et des deux reines douairières, Marie d’Anjou et Anne de Bretagne701.
303Malgré l’intéressement progressif de la ville au rendement de la « Traite », les fraudes étaient nombreuses et tenaces. Déjà, vers 1330, François Jacques dénonçait les esquives au « droit de rêve » couramment pratiquées à La Rochelle. Puisque seuls les vins transportés dans le royaume, ou plutôt dans les limites du domaine royal, étaient exonérés de cet impôt, il était tentant pour les marchands de déclarer aux officiers royaux une destination vers un port français quelconque alors que leurs cargaisons partaient en réalité pour l’étranger. Afin d’obvier à ce problème, l’administration fiscale imposait aux négociants ayant fait une telle déclaration de verser une caution et d’en rapporter la preuve à l’issue de leur voyage en faisant présenter aux receveurs rochelais un certificat de leur homologue du port de déchargement. Malgré cette précaution, François Jacques observait que seule la moitié des attestations parvenait à La Rochelle, ce qui sous-entend que l’autre moitié des vins avait été exportée. Il proposa donc d’y remédier au moyen de deux propositions : charger de la levée de ce droit un receveur originaire du pays, et missionner des espions dans les grands ports de commerce étrangers (Anvers, Bruges, Londres, Sandwich) pour qu’ils vérifient si les tonneaux déchargés avaient bien donné lieu au payement du « droit de rêve702 ». Il est peu probable que la seconde disposition fut mise en œuvre. Quant à la réglementation d’origine, elle était toujours en vigueur un siècle et demi plus tard. Par lettres du 26 juillet 1469, Charles de France prit même l’initiative de l’alléger. Le serment des marchands suffisait dès lors à les exonérer des droits de « traite703 ». Sur la foi de ces quelques indications, et malgré les perfectionnements apportés aux services de l’État, on devine que la part de la fraude n’était pas marginale à la fin du Moyen Âge.
304Pour terminer sur ce point, il faut remarquer que par intermittence, le roi comme la commune bénéficièrent en propre d’autres formes occasionnelles de « Traite ». Ainsi, en cas d’urgence, la royauté avait parfois recours à la taxe d’un écu par muid de vin transporté hors du royaume. Louis XI, encore lui, l’utilisa à plusieurs reprises, et notamment selon les papiers de la ville, en 1476704. Du côté des Rochelais, en 1456, pour financer un procès entamé avec les Picards et les Flamands ainsi que l’entretien de la chapelle de Dam, Charles VII leur accorda pour quelques années le pouvoir de lever cinq deniers par tonneau de vin tiré de Saintonge, ville et gouvernement de La Rochelle705. Malgré son caractère temporaire, et pour « subvenir aux nécessités de cette ville », la redevance fut reconduite par Louis XI le 27 mai 1466706. Et en 1499, elle avait toujours cours, rapportant annuellement plus 1 200 livres de ferme707.
305L’exercice des droits de douane avait été généralisé, avec des accommodements locaux, tout le long des littoraux directement placés sous l’autorité de la Couronne française. Dans une quittance du 2 août 1463, Jean de Montespedon reçu 500 livres tournois du roi à prendre chaque année sur le revenu de « la traicte des biez et vins chargez et transportez par mer par les porcs et havres dudit lieu de Luxon, la Chanet, Sainct-Benoist, la Tranche, Moric, Sainct-Michel-en-Lair, Thalemont, les Sables-d’Aulonne, Saint-Gille-sur-Vie, Besse et Beauvoir-sur-Mer », c’est-à-dire par l’ensemble des ports du Bas-Poitou708. En effet, lorsque Louis XI précisa en 1474 les dispositions des lettres royaux qu’il avait accordées deux ans plus tôt aux habitants des Sables-d’Olonne, pour fonder leur organisation municipale, il les affranchit notamment de la « traicte des blez et vins qui se vuydent par la mer ou havre d’Olonne ». L’exemption de cette dernière fut ramenée à vingt ans lors de son entérinement par la Chambre des comptes709. Les impositions douanières avaient aussi cours en Normandie aux xive et xve siècles. Ainsi que le résumait Michel Mollat, « ces droits répondaient, dans l’esprit des gouvernants, à une intention essentiellement fiscale, encore que se dessine, timidement, et par intermittences, un souci de nationalisme économique plus encore que de protectionnisme ». Accompagnant la création des premiers droits sur les exportations sous Philippe V et Charles IV, l’administration fiscale avait établi des bureaux de la recette foraine, aux ressorts variables, dans les principaux ports du commerce normand : à Rouen, Caudebec, Harfleur, Dieppe, Arques ; sans doute à Honfleur aussi. Il s’y levait un ensemble de taxes qui montait à vingt-trois deniers pour livre. Il était formé du « haut-passage », du « droit de rêve » et de « l’imposition foraine » de douze deniers pour livre. Sous Charles VII, trois deniers supplémentaires furent ajoutés à ce bouquet fiscal. Puis son successeur y substitua une taxe au rapport plus élevé d’un écu d’or par queue de vin et par ballot d’autres marchandises710.
306Les territoires saintongeais et guyennais du souverain anglais ne furent pas épargnés par ces évolutions. Ici aussi, les exportations de vin offraient un bon moyen d’augmenter les recettes fiscales de la Couronne, d’une part, des villes qui avaient besoin de financer leurs fortifications, d’autre part. En 1348, Édouard III établit, pour subvenir aux frais de la guerre de Gascogne, un tribut d’un florin par écu sur les vins chargés aux ports de Bordeaux et de Libourne ou qui descendaient et passaient devant eux711. Puis, la reconquête de ces territoires accomplie, c’est le dispositif des douanes et des péages, progressivement inventé par les souverains français, qui se subsitua à ce dispositif initial. Passé les sanctions fiscales infligées par Charles VII au lendemain de la réduction de 1451-1453, un système plus pérenne fut institué. Nous en disposons d’une image assez précise au travers le registre d’Étienne de Makanam, receveur de la comptablie de Bordeaux, dont le ressort englobait en réalité l’ensemble du duché de Guyenne, depuis le Labourd jusqu’à la Dordogne. Il couvre les douze mois compris entre la fête de saint Michel 1482 et celle de 1483. La « traicte de Bourdeaulx » est évoquée une première fois en préambule de son compte. Cette expression paraît avoir désigné une version modifiée et recomposée d’une partie du régime fiscal traditionnel. Elle s’appliquait séparément aux vins et aux autres denrées, et ses montants étaient parfois variables, au gré de la politique économique et diplomatique du pouvoir royal. Son tarif avait été fixé à douze deniers tournois pour livre de toutes les marchandises « entrans et yssans en ladite ville de Bourdeaulx, tant par mer que par terre ». Tous les ressortissants étrangers à la Couronne y étaient soumis. Cependant, ladite année, en vertu des trêves, les négociants anglais virent leur redevance ramenée par Louis XI à six deniers tournois pour un an. Quant aux sujets du roi de France, excepté les bourgeois de Bordeaux, ils devaient également acquitter lesdits douze deniers pour livre, le produit de leur contribution revenant à la commune. En ce qui concerne l’exportation des vins, la tarification, réunie sous l’appellation « grandes et petites coutumes », était devenue plus complexe. Sur chaque tonneau de cru bordelais, chargé sur mer par un habitant de la ville ou de la banlieue pour être livré hors de Guyenne, que ce fût dans le reste du royaume ou à l’extérieur, était appliquée une redevance de dix sous tournois. Ce montant passait à vingt sous si l’opération était conduite par un marchand étranger, et de vingt-cinq à trente sous si le vin provenait du « hault pays ». Sur ce point aussi les Anglais bénéficièrent de la mansuétude de Louis XI qui ramena leur obligation à douze sous par tonneau, quelle que soit la provenance du vin. Le receveur de la comptablie de Bordeaux faisait aussi lever « la traicte du vin mené à Sainctonge », fixée semble-t-il à cinq sous par barrique, mais qui intégrait de surcroît des devoirs sur divers autres produits comme le sel, le pastel, la laine ou les draps. Et puis, chaque tonneau de vin restait frappé par les deux deniers obole au titre de « la coustume de Royan » lorsqu’on le chargeait « audict port et havre de Bourdeaulx et autres ports d’icelle recepte », ainsi que par les quatre deniers au titre de « la coustume ancienne712 ».
307En aval – à Bourg et à Blaye – comme sur la Dordogne – à Fronsac et à Libourne – les douze deniers tournois pour livre de toutes les marchandises « entrans et yssans […] par mer et par terre » s’appliquait de la même manière qu’à Bordeaux713. Par ailleurs, d’après une enquête conduite en 1486, le roi prenait vingt sous tournois par tonneau de vin chargé dans le port Libournais714. Et puis, toujours en Guyenne, la « Traite » se manifestait également dans le Labourd. La « coustume de Bayonne et des [navires] entrans [et yssant] durant le temps de ce compte ès villes de Saint-Jehan-de-Luz et Capbreton » permettait de prélever douze deniers pour livre sur tous les produits, excepté sur le vin pour lequel chaque tonneau importé ou exporté était imposé vingt-cinq sous tournois, une moitié revenant au roi et l’autre aux habitants de Bayonne715.
Les taxes additionnelles : autres devoirs divers
308Poursuivons notre inventaire des douanes et péages appliqués le long des littoraux de l’ancienne Aquitaine. Aux « coutumes anciennes » et au régime des « traites » venaient, çà et là, s’ajouter des devoirs divers établis au cours des xive et xve siècles.
309Bien qu’on sache l’existence de péages sur la Dordogne et la Garonne avant 1200, ceux situés en aval de Libourne et de Bordeaux – en dehors du péage de Vayres – n’apparaissent pas dans la documentation avant le xiiie siècle. À Libourne, la réexpédition du sel qui, remontant la Dordogne, devait être déchargé sur ses quais, avait donné lieu, sous les souverains anglais, à l’octroi d’un droit de quatre francs bordelais par muid au profit de la ville, afin qu’elle puisse elle aussi financer ses fortifications. Cependant, Charles VII avait voulu marquer son autorité après la difficile reconquête de 1451-1453 en surimposant la circulation du sel à Libourne au moyen d’une taxe de quinze sous tournois par pipe « yssant de laditte ville », soit l’équivalent de dix francs bordelais par muid. L’impact négatif sur le commerce fut immédiat, ce qui conduisit Louis XI, en 1462, à ramener cette taxe à six francs bordelais, quatre francs revenant aux caisses royales et deux francs à celles de la commune716. Au surplus, selon les statuts municipaux compilés en 1476, le fermier des charges encaissait deux sous bordelais par charge ou douze deniers par demie-charge sur les marchandises, autres que le vin et le sel, qui entraient ou sortaient du port : poisson salé, viande, draps, huile717, etc. Plus en aval, des péages fonctionnaient à Fronsac, à Vayres et à Bourg718. Par ailleurs, en 1408, les Libournais parvinrent à faire annuler la perception d’un « droit de billette », que les Bordelais leur imposaient lorsqu’ils conduisaient des marchandises dans leur port719. Voici, à la fin du xve siècle, les devoirs que Pierre Garcie indiquait dans son routier comme étant perçus au titre des « coustumes de Lybourne », incluant les ports d’aval :
« Les coustumes de Lybourne sont telles que l’on vent le sel par muy. Et y a en chascun muy LX mynes de sel. Et en chascune myne de sel et quart de myne y a ung sac de sel de la mesure de Ryé et de Sainct Gilles sur Vie, bien grant et bien mesuré, car chascun sac vault myne et quart bien escarsé.
Et le roy prent par chascun muy troys royaulx d’or de la valeur de trente solz chascun royaulx, qui est en somme IIII livres et dimye tournois. Et puys fault vingt solz pour les porteurs pour chascun muy, et six ardis pour ceulx qui mesurent.
Pareillement, tu doibz coustumes de sel à Vaysres, qui est ung chasteau, lequel est au debas de Lybourne devers le su, et aussi semblablement a Bourc.
Pareillement, y a coustumes a Fronsac, qui est au debas de Lybourne, devers le noroest, ung quart de lieux. Et c’est ung chasteau qui est en hault lieu. Et saches certainement que de toutes marchandies que porteras à Libourne, tu dois par coustume le vingttiesme. Mais les portages des compaignons sont francs et ne doibvent ryen720. »
310À La Rochelle, sur les bases du régime douanier de la « Traite », les nécessités de la guerre avaient conduit ensemble, souverains et échevinage, à imaginer l’imposition de redevances supplémentaires. En principe de durée limitée, elles finissaient souvent par être perpétuées et intégrées à la fiscalité courante de la ville. Ainsi, en février 1347, suite aux ravages causés par les raids conduits par le comte de Derby en Saintonge et Aunis, et à la requête de l’échevinage de lui fournir les moyens d’entretenir et d’augmenter ses fortifications, Philippe VI accepta sa proposition de prendre 10 sous par tonneau et 5 sous par pipe de vin. Cette taxe concernait initialement les productions réalisées dans un rayon de 3 lieues autour de la ville – excepté celles appartenant à des bourgeois721 –, ainsi que celles amenées par mer, de l’extérieur de la banlieue à La Rochelle et dans ses ports voisins. Sur ces 10 sous, 8 sous revenaient à la commune pour son enceinte et 2 sous à la prévôté pour l’entretien du château722. La mesure, commandée unilatéralement par les Rochelais, fut aussitôt accueillie par un refus catégorique des paroisses environnantes. L’année suivante, le roi proposa donc un compromis, duquel ne semble plus avoir subsisté qu’une levée sur les vins provenant de l’extérieur de la banlieue et uniquement déchargés dans le havre de La Rochelle723. Dans les comptes anglais figure la recette des 10 sous (dont la part du roi) levés sur chaque tonneau venant « des îles », du jour des vendanges à la saint André. En 1460 puis 1461, les 1 490 et 1 655 vaisseaux vinaires déchargés produisirent respectivement 745 livres et 827 livres 10 sous de revenus724. En 1373, Charles V fit reconduire cette aide en l’état mais sous son successeur, par lettre du 23 décembre 1407, on l’étendit à nouveau aux ports de la banlieue725. Malgré son caractère exceptionnel défini en 1347, le principe de cet impôt ne semble donc jamais avoir été remis en cause par la suite. Il est mentionné dans un acte expédié sous le sceau du prévôt de Paris du 8 janvier 1413, puis à l’occasion d’un accord passé avec les Castillans le 8 mars 1417, et à deux nouvelles reprises en 1461 et 1499726. Le compte de la sénéchaussée de Saintonge, ville et gouvernement de La Rochelle, établi en 1501, référençait toujours la portion de cette taxe revenant au roi727. En outre, le traité dit de Marle du 17 juillet 1460, évoque une imposition sur le vin entrant dans la ville, à raison de 2 sous 6 deniers par tonneau appartenant à des non bourgeois, et de 15 deniers sur ceux des bourgeois728. Et puis, un autre prélèvement figure dans une enquête administrative de 1499. Il avait la même valeur et assiette que le précédent, mais était cette fois-ci appliqué à la sortie du port rochelais et des autres havres du gouvernement729. En septembre 1459, les voisins rétais avaient déjà obtenu de Charles VII le droit de lever dans leurs ports une redevance de la sorte730.
311Il n’est pas surprenant de constater qu’à La Rochelle, l’essentiel de la pression fiscale s’exerçait sur les échanges du vin. Toutefois, les usages de « l’imposition foraine » ou de la « Traite » à l’égard des blés indiquent le caractère non négligeable du trafic d’autres marchandises. Il nous faut cependant regretter de ne pas disposer de la pancarte de la prévôté, celle à laquelle tous les marchands devaient se référer quand ils ne commerçaient pas du vin ; une pancarte peut-être du même type que celle à laquelle ils avaient recours quand ils se rendaient à Nantes731. À la lumière de la fiscalité douanière développée à La Rochelle, nous percevons la complexité et la démultiplication des dispositifs communaux et royaux qui, pour perdurer, se perdaient dans leurs fonctionnements et leurs justifications.
312Pour finir, à mi-chemin entre fiscalité sur les navires, sur les transactions et sur les marchandises, apparut également à La Rochelle, au cours du xive siècle, le droit de « courtage », une redevance sur la navigation établie à partir des contrats d’affrètement. Nous ne connaissons pas la date précise de son apparition. Toujours est-il que sa perception par l’échevinage fut confirmée en 1360 par Édouard III : « Item dient que le cortaige des nefz et vaisseaulx venans en ladite ville et ou pays d’environ leur apartient que ques soit en sont et ont esté en possession et saisine tant que sousfise et enseigneront deuement732. » Le « courtage » s’appliquait aux bâtiments en partance pour l’étranger dont la cargaison était supérieure ou égale à une fourniture de vin, soit vingt tonneaux. Ce seuil plancher, en deçà duquel le droit n’était pas applicable, ne fut pas toujours observé. Aussi, une disposition échevinale de 1400 ainsi que le règlement de Marle du 17 juillet 1460 avaient dû rappeler la teneur de ce droit733. Il équivalait à la valeur du prix du fret d’un tonneau, montant fixé entre l’affréteur et l’armateur avant le départ. En 1499, cette somme variait entre deux et quatre écus d’or734. Lors de la concession des fermes de l’échevinage rochelais, rendue le 21 janvier de cette même année, on attribua conjointement le courtage et la taxe de dix deniers par animal chargé, pour 4 000 livres par an735. Par ailleurs, ce droit s’exerçait non seulement à La Rochelle mais également dans les ports de sa banlieue puis de son gouvernement. Pour cette raison, les litiges ne manquèrent pas à son sujet. À plusieurs reprises, entre 1380 et 1389, la ville se heurta au refus déterminé des seigneurs d’Esnandes, du Plomb et de Port-Neuf736.
Complexité, compétition et inflation fiscale
313Les besoins financiers sans cesse croissants exprimés par les autorités, à toutes les strates organisationnelles du pouvoir, d’une part, l’affirmation par l’impôt de la puissance royale et princière, d’autre part, suscitèrent le développement d’une profusion de nouvelles contributions sur la circulation des produits durant la fin du Moyen Âge. Cette réalité s’observe dans tous les territoires du royaume. Il n’est que de s’intéresser au « grand tonlieu » de la ville de Bruges, réservé aux importations réalisées dans le Zwin, dont le fonctionnement et les développements depuis le xiie siècle sont éclairés par une somme impressionnante de documents, pour en saisir toute la complexité737.
314On se doit cependant de relever une nuance notable en ce qui concerne la Bretagne, où le pouvoir ducal réussit à créer de façon précoce un véritable système douanier uniformisé. D’abord, comme partout durant l’époque féodale, des taxes portuaires attachées au mouvement des navires furent instaurées dans les havres bretons dont le niveau d’activité le justifiait. Établies sur les « passaiges » et « trépas », elles étaient assimilables à des péages et figuraient sur la liste des « coutumes anciennes » enregistrées dans les pancartes locales. Elles étaient, pour la plupart, détenues de temps immémorial par les seigneurs rivagiers, au titre de leurs droits domaniaux. Leur nombre et leur diversité interdit là aussi toute classification. Les ducs ne paraissent pas avoir troublé leur fonctionnement ; ils les auraient même parfois protégés jusqu’au milieu du xive siècle738. C’est en 1365 que leur existence fut remise en cause. Jean IV imposa alors de nouveaux prélèvements portuaires, affirmant qu’il avait « toutes cognoessence, gardes et gouvernemens de portz et havres avec touz les proffitz et émolumens à cause de ce deuz et appartenant739 ». Vingt ans plus tard, il revendiquait toujours sa prééminence sur la fiscalité indirecte en interdisant « à tous et chacun nos feaux subgetz de non lever, ne faire lever livraiges, ne imposition en nulle manière en nostre duché, sinon par nostre congié et licence740 ». L’objectif fut d’étendre son dispositif douanier à l’ensemble des côtes de Bretagne, au moyen d’un personnel spécialisé et d’une tarification unifiée, cohérente et simplifiée. En dépit des oppositions énergiques, le duc sut faire admettre à l’épiscopat, à l’aristocratie et aux communautés urbaines ce nouveau principe qui lui permit d’établir ses propres devoirs portuaires et taxes de douanes maritimes ; même s’il est vrai qu’en réalité, les receveurs qui avaient vocation à intervenir dans tous les ports placés sous l’autorité directe ou indirecte du duc, continuaient par endroits de côtoyer les receveurs de puissants châtelains rivagiers, comme les Rohan ou les Penthièvres, qui faisaient lever pour leur propre compte des péages attitrés741.
315Au début du règne de Jean IV apparurent les nouveaux « devoirs d’entrée et yssue ». Ce fut d’abord l’un ou l’autre qu’on instaura dans les ports de leur recette. Puis, en 1372, la double imposition fut généralisée. Leur tarification se limita dans un premier temps à quelques produits spécifiques – vin, blé, viande, graisse –, avec des disparités qui demeurèrent selon les sites. Puis, grâce à l’ordonnance du 1er novembre 1397, s’opéra la première phase d’uniformisation tarifaire au moyen d’un barème qui resta en vigueur jusqu’aux années 1420. Comme le résume Jean Kerhervé en produisant les chiffres précis de chaque devoir, ce dispositif traduisait la « volonté manifeste d’équilibrer les charges à l’entrée et à la sortie, de favoriser l’importation des produits bretons (sel en particulier) et d’avantager les marchands du duché742 ». Le régime évolua et fut étendu à davantage de denrées après 1422 ; il fut aussi grevé par beaucoup d’exemptions en faveur des nobles, des clercs et des bourgeois. Et puis, lorsque les circonstances l’exigeaient – nous le verrons pour Nantes un peu plus loin – des dispositions conjoncturelles étaient prises pour adapter les taxes à des nécessités impérieuses. Il n’en demeure pas moins qu’il conserva sa remarquable uniformité.
316Dans la même séquence chronologique, le pouvoir ducal créa, comme ailleurs, un système de « traites » organisant les exportations. Il se différenciait là encore des pratiques françaises. Sa principale caractéristique tenait à sa distinction en deux catégories, celle des « blez » et des « bestes vives », d’une part, celle des « choses mortes », d’autre part. Autre particularité de taille : pour l’essentiel, ces « traites » frappaient les exportations réalisées vers l’est, par les frontières continentales et donc au moyen de transports terrestres. Toutefois, dans le cas des blés et bêtes vives, une petite partie empruntait la voie maritime743.
317Revenons maintenant à l’hétérogénéité fiscale qui caractérisait les prélèvements pratiqués dans les autres ports français. Nous n’avons abordé, s’agissant des impositions indirectes, que les douanes et les péages, qui sont les seuls devoirs à intéresser spécifiquement l’activité portuaire. Il faudrait, pour saisir mieux encore l’ampleur de l’inflation des taxes – ce qui est hors du cadre de notre étude –, y ajouter les nouveaux prélèvements réalisés à l’intérieur des villes, dans les hôtels par l’entremise de courtiers, ou sur les foires, les halles et les marchés : ceux appliqués aux transactions commerciales sur les denrées, en gros et au détail, ainsi que ceux émanant des opérations de change et des contrats notariés. Leur superposition au régime fiscal traditionnel des « coutumes anciennes » eut des conséquences fâcheuses sur les activités commerciales et le trafic portuaire. Elle vint non seulement alourdir le poids de l’impôt sur les échanges, mais elle le complexifia de surcroît, ce qui justifia, nous l’avons vu, de nombreuses oppositions urbaines et seigneuriales. Ajoutons que cet imbroglio était sensiblement épaissi par les exemptions accordées au gré des contestations et de la politique royale à l’égard des villes et des communautés marchandes. On pourrait résumer les choses ainsi : chaque création fiscale donnait lieu à l’entremise de lobbies de toutes sortes, ces derniers obtenant quelque temps après, l’octroi de privilèges destinés à les en décharger totalement ou partiellement ; cela réduisait par conséquent le rapport espéré initialement par le pouvoir ; si bien qu’il devenait nécessaire d’élaborer une nouvelle contribution dont on constatait bientôt, pour les mêmes raisons, la partielle inopérance.
318Les manifestations de ce processus se révèlent partout, à Bordeaux et à La Rochelle nous l’avons dit, mais aussi à Nantes, à Harfleur, à Rouen et dans les principales villes-port de Flandre. Les grandes nations du commerce international (cités italiennes, Castillans, Portugais, Anglais, Hanséates), fortes de leur puissance économique et navale, avaient, tout au long des xive et xve siècles, mis en compétition les souverains et les princes rivaux agissant au sein du royaume de France, obtenant d’eux des exonérations significatives inscrites dans des privilèges qu’ils ne cessaient de vouloir élargir. Une illustration de ce phénomène suffira pour s’en convaincre. Elle concerne la compétition à laquelle se livrèrent les bourgeois nantais et rochelais afin d’attirer dans leur port respectif les marchands et les armateurs castillans744.
319Comme à Harfleur, la promulgation des premiers privilèges en faveur de ces négociants en Aunis dut intervenir quelque temps après le traité franco-castillan de 1336745. Le 3 mars 1361, Édouard III, qui avait conclu un traité d’alliance avec Pierre Ier, dit le Cruel, entérina les prérogatives dont disposaient les marchands de Marina Castella et Lapuscoa à La Rochelle, du temps de la souveraineté française746. Si l’on s’appuie sur ce qui se pratiquait alors dans le port normand, il est probable que, parmi ces concessions, figuraient un certain nombre d’exonérations fiscales sur le trafic747. En 1406, des exemptions furent à nouveau prononcées748. Le 8 mars 1417, un accord passé entre le corps de ville et les marchands de Castille – ces derniers prétendant, suivant leurs privilèges dans le royaume de France, être exempts de toute imposition – décida qu’ils ne paieraient dorénavant à l’échevinage que « l’alotage des cuirs » et leur devoir de huit sous par tonneaux de vin produit hors de la banlieue et exporté à partir du port de La Rochelle749.
320Quelque temps avant, le 22 décembre 1407, réagissant à la concurrence des places étrangères, les Nantais obtinrent de leur côté la création d’une foire franche d’une durée quinze jours. Les commerçants forains y étaient quittes de tous devoirs d’entrée et de tout nouvel impôt, quelles que soient les denrées déchargées dans le port, à l’exception du sel, des blés et des vins d’amont. Ils restaient seulement redevables des anciens devoirs et des droits de sortie750. Mais la mesure s’avéra insuffisante. En 1420, les bourgeois de Nantes se plaignaient toujours auprès du duc de Bretagne des conséquences néfastes que la pression fiscale infligeait au commerce de toutes sortes de produits. Ainsi, « pour occasion desdits devoirs, plusieurs marchans de basse Bretaigne vont à La Rochelle querir leurs vins et y maynent des bledz ». Au surplus, le péage de Saint-Nazaire, devant lequel les « Espaigneulx et autres marchanz […] avoint acoustumé mener et tirer par mer hors de notre pais grant nombre de draps et de merceries », était si lourd qu’il devenait préférable à ces négociants de faire transporter leurs biens par terre jusqu’à La Rochelle pour ensuite les réexpédier. Répondant aux demandes nantaises, Jean V prononça, le 19 septembre, une série d’allégements de taxes, prolongeant ainsi une réforme fiscale engagée depuis déjà quelques années. Il supprima les « devoirs d’ixue et trepas » de Saint-Nazaire appliqués à ces produits, y substituant une taxe de sortie de cinq sous par charge payables à l’embarquement, tout en maintenant les « devoirs anciens751 ». L’histoire ne dit pas si cette mesure rendit immédiatement aux bourgeois nantais leur trafic initial. On peut toutefois en douter. En effet, en 1424 et 1435, selon les ordonnances de Charles VII, les privilèges dont jouissaient les Castillans à Harfleur furent transférés à La Rochelle, parmi lesquels se trouvaient des exemptions fiscales Cela favorisa leur venue en Aunis au détriment de la Basse-Bretagne752. Le duc ne tarda pas à réagir. Le 20 avril 1430, il fixa à Nantes un droit d’étape – une bourse ou cofradía de la contratación – ce qui dynamisa semble-t-il la fréquentation des Castillans753. À cette occasion, il consentit à les exempter pendant neuf ans « du devoir du quarantiesme seullement, deü sur les denrees et marchandises qui viennent par mer et par terre au port de Nantes », leur demandant seulement de continuer à payer les autres « coustumes et devoirs y deüz et acoustumez754 ». L’accord fut renouvelé à plusieurs reprises, en 1435, 1445, 1452 et 1456, avec parfois quelques avantages supplémentaires. En 1452 puis 1459, grâce à un nouvel accord, ils se trouvaient de surcroît affranchis de l’imposition du denier pour livre755.
321La place de La Rochelle demeurait toutefois attractive. Non contents d’y bénéficier des larges privilèges accordés par les souverains français à l’ensemble des négociants étrangers, les Castillans s’évertuèrent à élargir leur propre régime d’immunités. En 1457, dans une série de correspondances entre les deux Couronnes, Charles VII dut leur rappeler les limites de ses concessions, et préciser notamment qu’ils restaient redevables du devoir de « Traite » appliqué aux produits exportés du royaume de France756. Pourtant, le 31 octobre 1463, Louis XI abolit la taxe de deux sous par livre pesant sur toutes les marchandises, et notamment sur le sel de Poitou et de Saintonge exporté vers le royaume de Castille, ainsi que sur les marchandises castillanes importées en France757. Et le 31 janvier 1494, Charles VIII confirma les anciens privilèges accordés par ses prédécesseurs aux marchands castillans trafiquant à Harfleur, La Rochelle et Paris758. Enfin, durant les six années (1487-1493) au cours desquelles l’étape de Nantes fut transférée en Aunis, les conditions de leur négoce s’y révélèrent plus avantageuses encore759. Vers cette époque, à bien comprendre une requête de l’échevinage très détériorée, on apprend qu’ils étaient les seuls étrangers à ne pas participer aux frais de réparation de l’enceinte, et que le pouvoir leur avait accordé, sans doute afin qu’ils puissent y entretenir leurs propres infrastructures et personnels, le droit de lever une taxe de six deniers pour livre sur les marchandises qu’ils échangeaient, ainsi qu’un droit de « marreage » payé par les maîtres des bâtiments ressortissant de leur royaume760. À propos de cette dernière contribution, peut-être s’agissait-il de l’impôt, évoqué dans une pétition de 1497, qui était perçu au moment du déchargement dans le port des marchandises dont ils avaient le monopole. Ce même document nous apprend aussi qu’un consul continua d’exercer ses fonctions dans la ville plusieurs années après le rétablissement de l’étape nantaise761.
Les redevances issues de protections princières
322Aux devoirs portuaires relevant de services seigneuriaux, de douanes et de péages, s’ajoutaient enfin les redevances perçues au motif des sauvegardes et de garanties accordées aux marchands, à leurs biens et à leurs navires. Elles étaient attachées à trois types de protections : le sauf-conduit, le « bref » et le « convoi de la mer ».
Les sauf-conduits
323Nous avons commencé à l’expliquer, le sauf-conduit consistait pour les pouvoirs publics à accorder et garantir la sécurité et la liberté de circulation à une personne de nationalité étrangère, pour elle et ses biens, au travers toute la juridiction qu’ils contrôlent. Cette protection pouvait revêtir deux formes : une collective et une individuelle. Depuis la fin du xiie siècle, les souverains anglais puis français avaient pris l’habitude de promulguer des sauf-conduits généraux pour stimuler l’économie commerciale de certains ports (La Rochelle, Bordeaux) ou, durant la guerre de Cent Ans, pour réactiver les échanges en temps de trêves ou de paix. À partir de 1373, il fut confié de surcroît à l’amiral de France le pouvoir exclusif de délivrer des sauf-conduits individuels (article 18 de l’ordonnance de Charles V). Nous ne disposons malheureusement que de peu d’informations sur la remise de ces documents. Une enquête menée en octobre-novembre 1441 par Robert Perault, commis par Prigent de Coëtivy pour étudier la lieutenance du Mont-Saint-Michel, révèle l’octroi de 34 sauf-conduits à des Anglais pour « passer la mer » ou « marchander en leur parti », à un prêtre pour « passer en Angleterre », et à plusieurs négociants et marins-pêcheurs normands pour « marchander » et « pêcher ». Ces actes étaient délivrés moyennant 3, 4, voire 6 saluts d’or – pièces valant chacune 25 sous, c’est-à-dire une fortune – par trimestre762. Quant aux exemples de procès qu’on trouve en France, ils concernent soit de faux sauf-conduits, soit des marins anglais victimes de prises malgré la détention du document protecteur. Citons à ce titre les cas de Bernard Maige, marchand de vin anglais victime d’une attaque le 15 août 1468, ou de Jean Bastondu, marin boulonnais, qui attaqua des marchands bretons en 1491 parce qu’ils ne disposaient pas de leur sauf-conduit à bord763.
324En Bretagne, le chancelier, le trésorier ou l’amiral délivraient au nom du duc, à titre individuel ou collectif, des congés, des sauf-conduits, des lettres de protection et de sauvegarde. Leur fonction était assez similaire. Le sauf-conduit, moyennant finance, autorisait un sujet étranger à entrer dans le duché et lui garantissait la liberté d’aller, venir et commercer. Il lui donnait en outre la possibilité de faire appel à la justice locale. En période de guerre, sa possession était obligatoire764.
Les « brefs »
325L’attribution de sauf-conduits était indépendante du régime des « brefs ». La somme des études anciennes et récentes consacrées à ce sujet nous autorise à ne faire état que de ses caractéristiques les plus générales765. Les maîtres de navires qui envisageaient de relier, dans un sens ou dans l’autre, le golfe de Gascogne et la Manche, s’apprêtaient à trouver sur leur parcours, le long des côtes bretonnes, un grand nombre de périls, considéré que « les coustiers & havres de Bretagne estoient & sont plus dangereux & perilleux à maroyer que ne sont en nulle autre contrée766 ». Ils s’exposaient, en cas de naufrage, à l’exercice du droit de bris – dit aussi de « lagan » ou « peczoy ». Ce droit appartenait au haut-justicier du littoral concerné par le sinistre ; et plusieurs mentions démontrent qu’aux xie et xiie siècles, les seigneurs rivagiers de Bretagne – comme le vicomte de Léon, le comte de Penthièvre, l’abbé de Quimperlé, les sires de Combourg et de Rays, ou l’évêque de Dol – ne se privaient pas de s’en prévaloir. Ils en tiraient même des revenus substantiels. Cependant, les multiples contestations et condamnations dont cette prérogative faisait l’objet, de la part de l’Église, des autorités royales anglaises et des villes portuaires, conduisirent les responsables bretons à imaginer un dispositif moins confiscatoire, dont les principes étaient plus admissibles pour les acteurs de la vie maritime. On entreprit donc de protéger, par un système d’assurance, les navigateurs exposés aux périls des côtes armoricaines qui en cas d’avarie pouvaient perdre, selon le droit de bris, tous leurs biens sauvés. Pour cela, les maîtres de navires devaient se munir, avant de s’engager dans les eaux bretonnes, de documents particuliers délivrés par les autorités. Il s’agissait de petits morceaux de parchemin sur lesquels était apposé le cachet authentifiant la puissance émettrice ; d’où leur nom de « sceaux » qui renvoie à cette estampille, puis de « briefs » ou « brefs », synonyme de « lettres ». Par ce moyen, en cas de naufrage, le porteur d’une telle pièce conservait la propriété de ce qui avait pu être récupéré767.
326Il est probable, sans qu’on puisse connaître la paternité exacte de ce système, que son fonctionnement débuta vers les années 1170-1180, lorsque le pouvoir ducal, affirmant sa souveraineté, commença à s’approprier le droit de bris des seigneurs rivagiers. L’argumentation récemment élaborée par Laurence Moal et Alain Gallicé sur ce point est très convaincante768. Ce sont ensuite les « Coutumes et noblesses es contes de Bretaigne » qui permettent d’en suivre le déploiement et le fonctionnement769. En Léon, des « seaux de conduit », distincts des premiers « brefs » ducaux, avaient été mis en place par le vicomte. Tous les capitaines, que leurs bâtiments fussent chargés ou vides, s’engageant dans la mer d’Iroise pour franchir ses ras, devaient faire escale dans le port de Saint-Mathieu pour obtenir ledit document. Par ce moyen, ils disposaient d’un droit d’escale, pouvaient faire appel aux pilotes locaux et ainsi se prémunir des écueils et des courants du Four. Il semble aussi que ce fut une manière de réguler et de sécuriser le trafic à cet endroit particulièrement sensible pour la navigation. Quelques décennies après sa création, entre 1265 et 1275, ce dispositif passa entre les mains des ducs de Bretagne. Se réservant la pleine propriété du droit de bris sur le littoral armoricain, ces derniers avaient désormais les mains libres pour établir une institution harmonisée sur l’ensemble de la frange côtière de leur domaine. Toujours selon les « Coutumes et noblesses es contes de Bretaigne », il apparaît que les systèmes ducaux et léonards furent ensuite fusionnés pour donner naissance à une nouvelle nomenclature de « brefs », distinguant plusieurs types de documents selon la cargaison et le tonnage des vaisseaux à assurer. Les principes de cette refonte perdurèrent jusqu’à la fin du Moyen Âge. Et puis, avec le temps, fut opérée une fiscalisation des « brefs » qui se transformèrent en impôt progressif sur la navigation770.
327C’est par l’ordonnance de Pierre II, du 21 mars 1454, que l’échelle de taxation connut sa version définitive : le petit « bref d’année » était délivré aux embarcations de moins de cinq tonneaux ; le « bref de vitaille » concernait les bateaux de cinq à neuf tonneaux ; le « demi-bref », représentant la somme du « bref de vitaille » et du « bref de conduit », visait les vaisseaux jaugeant neuf à dix-neuf tonneaux ; quant aux bâtiments d’un tonnage supérieur, ils devaient se munir d’un jeu de « brefs » complet comprenant les « brefs de vitaille », « de conduit » et « de sauveté ». Si les appellations de ces différents « brefs » renvoient probablement aux services qui justifièrent leur création – rachat du droit de bris, ravitaillement, pilotage –, elles ne faisaient plus sens à la fin du Moyen Âge. Les « brefs » n’avaient plus alors pour seule fonction que de garantir leur détenteur contre l’exercice du droit de bris. Sur le plan tarifaire, ils renchérirent bien sûr entre les xiiie et xve siècles et, en dépit de leur normalisation, ils connurent encore quelques différences locales ; comme à Nantes où le fermier de la prévôté avait réussi à imposer un prix légèrement supérieur à celui pratiqué dans le reste du duché771.
328Lorsqu’un maître de navire envisageait un voyage parcourant tout ou partie du littoral armoricain, il pouvait retirer ses « brefs », soit dans le premier port breton où il faisait escale, soit dans un port partenaire de Poitou ou de Guyenne dans lequel le duc de Bretagne avait obtenu autorisation de les faire délivrer. Toutefois, à partir du xive siècle, les places de La Rochelle et de Bordeaux n’étaient plus que les deux seules places étrangères où un bureau ducal en assurait la distribution. Scellés et remis en blanc par la Chambre des Comptes du duché aux receveurs locaux, ces derniers y portaient les noms du navire et du maître, la cargaison, la destination du voyage et le type du « bref » acheté. Par ailleurs, des accords internationaux passés avec l’Angleterre (1320), les villes de Biscaye (1372) et la Castille (1430), venaient préciser certaines formalités particulières772. Ajoutons pour terminer que, depuis le xiiie siècle, les seigneurs de Rays, épargnés par la mainmise ducale en raison sans doute de leur position frontalière avec le Poitou, conservèrent la faculté eux aussi de délivrer de tels « brefs ». Les activités de leur receveur à La Rochelle sont encore perceptibles aux environs de 1345773.
Le convoi de la mer
329La piraterie, sous toutes ses formes, gangrena le trafic maritime tout au long des xiie-xve siècles. En temps de guerre bien sûr, mais aussi durant les périodes de paix, les navires marchands étaient constamment sujets à des attaques surprises visant à piller leurs cargaisons, quand il ne s’agissait pas tout bonnement de les couler et de tuer leurs équipages. Les puissances publiques, responsables de la sécurité maritime et soucieuses de préserver la santé économique de leurs villes littorales, prirent plusieurs initiatives pour encadrer, contrôler et réduire cette violence, en lançant des patrouilles de surveillance et de police en mer774, en créant aussi – nous l’avons vu – des amirautés. Parmi les fonctions liées à leur charge, les amiraux étaient souvent tenus d’organiser l’escorte des flottes et des convois, destinée à protéger les bâtiments durant leur voyage775.
330Du temps de la domination anglaise, le maire et amiral de Bayonne était parfois mandaté, comme durant la première moitié du xive siècle, pour accompagner et défendre les bâtiments marchands navigant en groupe. Le connétable de Bordeaux, ainsi que le maire et les jurats de la ville, tenaient un rôle important dans l’organisation des déplacements en convoi et de leur mise en sécurité. En période de fortes tensions – comme dans les années 1360 ou 1410 par exemple – il était interdit aux bâtiments de commerce de partir isolément. Le connétable recevait donc le serment des équipages de naviguer en convoi. Et afin d’assurer le financement de leur escorte, on aurait employé le produit de la « coutume de Royan » levée dans le havre bordelais776. Ensuite, après la reconquête française, Charles VII établit le « convoi de Bordeaux ». Par ce moyen, il avait obligé les Bordelais à passer un contrat avec plusieurs patrons de barques armées, dont la principale mission était de conduire les vaisseaux jusqu’à la sortie de la Gironde, au-delà de Cordouan. À cette fin, un droit de convoi – une taxe appliquée à l’exportation de certaines denrées – devait en théorie revenir à l’amiral de Guyenne. Mais en réalité, c’est le roi qui le percevait777.
331À l’image de ce que pratiquaient les grandes principautés du royaume (Flandre depuis 1371, Bretagne depuis 1372) ou d’autres nations maritimes (Angleterre, Hanse germanique), l’amiral de France avait en charge d’organiser des convois pour protéger le transport maritime de ses ressortissants778. Il lui revenait « la conduite par la mer de toutes flotes de navires de marchandise et non aultre779 ». Cependant, l’application de cette mesure ne paraît pas avoir été, dans un premier temps tout du moins, très répandue. Il faut dire que les ports placés sous son autorité – spécialement celui de La Rochelle – étaient davantage des destinations de flottes étrangères qui venaient y commercer, plutôt que des lieux d’armement d’où partaient des vaisseaux français. Qu’avait-il donc à protéger qui exigeât le déploiement d’une telle logistique ? Par ailleurs, les attaques de bâtiments arborant le pavillon du roi de France exposaient leurs auteurs à des rétorsions auxquelles peu de nations se risquaient. Comme l’écrit avec justesse Marc Russon, le convoi de la mer était en réalité « l’arme des nations navales faibles », qui n’inspiraient pas suffisamment de crainte et de respect pour contenir les ardeurs des pillards780. C’est ce qui explique sans doute pourquoi les amiraux français ont peu usité la compétence dont ils disposaient en la matière. Aussi n’en trouve-t-on pas trace pour La Rochelle ni pour la Normandie781.
332En Bretagne, le « convoi de la mer », qui consistait à escorter les vaisseaux circulant sur la route du vin, devint, sous l’impulsion de Jean IV en 1372, une véritable organisation imposée aux marchands et aux maîtres. Son financement reposait sur l’encaissement d’une contribution « raisonnable ». Dans les années 1480, les frais inhérents à la mise en œuvre de ces convois avoisinaient 6 000 à 7 000 livres. Ces dépenses étaient couvertes par les marchands eux-mêmes, au moyen d’un devoir spécifique, fixé sous Jean IV, levé dans tous les ports bretons sur les entrées et les sorties. Puis, au xve siècle, on fit évoluer la réglementation, en optant pour un prélèvement sur les vins revenant des régions viticoles du golfe de Gascogne : 5 %, si les cargaisons étaient destinées au duché, et 2,5 %, si elles poursuivaient leur route au-delà des ras. En 1487, ces pourcentages furent substitués par des taxes fixes sur chaque tonneau de vin, montant respectivement selon leur destination à 10 sous et 5 sous. Les maîtres des bâtiments escortés acquittaient leur contribution à l’issue du convoiement. Des franchises ou des réductions étaient parfois obtenues. Et, si nécessaire, des moyens supplémentaires pouvaient être demandés à la trésorerie générale. Si ce système perdura jusqu’en 1555, il connut de nombreuses contestations ; de la part des capitaines bretons dont le champ des navigations se limitait à un cabotage local et qui ne bénéficiaient donc pas de ladite escorte ; de la part des marchands une fois les hostilités entre la Bretagne et la France terminées. Mais le pouvoir le prolongea pourtant, afin de conserver le bénéfice des recettes fiscales qu’il générait782.
333Les autorités flamandes avaient elles aussi entrepris de protéger leurs flottes ; celles qui se livraient à la pêche du hareng dans la mer du Nord ; et celles qui rejoignaient le golfe de Gascogne pour quérir du sel à Guérande et dans la Baie, ou du vin à La Rochelle. L’attaque perpétrée en 1371 aux abords de l’île de Batz contre l’une d’elles constitua l’évènement déclencheur d’un conflit plus ample. En 1387, Philippe II le Hardi fit convoyer le groupe de bâtiments en partance pour l’Aunis au moyen de navires armés, placés sous le commandement de son amiral Jan Buuc. Quelques décennies passèrent, émaillées de plusieurs attaques perpétrées par des Anglais et les Castillans, avant que les Flamands ne se soucient à nouveau de la protection de leurs vaisseaux de commerce. À partir de 1424, lors de plusieurs réunions des Quatre membres, on s’inquiéta de ce problème ; jusqu’à ce qu’au début de l’année 1436, un projet de « secours de le flotte estant presentement à La Rochelle » soit entrepris. Quarante gros vaisseaux à hune et une trentaine de barges furent mobilisés. Mais cela ne découragea pas les ennemis et pirates puisque les flottes furent à nouveau attaquées en 1449 et 1453. Des mesures sporadiques furent également prises pour soutenir les bateaux de pêche, comme en 1438, 1440, 1445, 1457, 1458, 1465, 1468, 1474, 1477 et 1479 ; mais dans ces circonstances, il revenait souvent aux villes portuaires elles-mêmes – Bruges, L’Écluse, Blankenberge, Ostende, Nieuport, Dunkerque – d’organiser et de payer les convoyeurs armés. En 1480, plusieurs réunions entre les villes portuaires débouchèrent sur la rédaction d’une ordonnance portant sur les navires de guerre employés pour la défense de la côte et des pêcheurs. Force est de constater que la protection des convois flamands ne fut pas soutenue par une véritable politique ducale, comme en Bretagne. Les actions au coup par coup, improvisées, sans armature institutionnelle ni financement pérenne, s’avérèrent assez inefficaces. Cela conduisit les communautés impliquées dans la pêche à subvenir, par leurs propres moyens, à la sécurisation des déplacements de leurs bateaux, en effectuant pour cela des prélèvements sur le produit des prises783.
Les personnels affectés aux prélèvements fiscaux
334Les personnels attachés à la bonne application de toutes ces mesures fiscales officiaient dans le cadre de l’espace urbain, mais aussi dans les limites du territoire portuaire ; et c’est à ce titre qu’ils nous intéressent. Cependant, la mémoire de leur travail, de l’organisation et du déroulement de leurs missions le long des rives et dans les eaux du havre, n’a quasiment pas survécu dans les sources. Il nous faut donc nous contenter d’un mince florilège de quelques bribes informatives.
335Au niveau de l’administration royale, il revenait au « maître des ports et passages » – dont la charge avait été créée en 1305 – ainsi qu’à ses officiers implantés dans des bureaux locaux, de superviser et de contrôler les mouvements d’exportation, qu’ils concernent des marchandises ou des monnaies. Selon les instructions données en 1383, ils devaient visiter en personne « tous les pors et paissaiges qui sont ès frontieres dudit royaume, […] chascun mois une foys784 ». Ils pouvaient être également sollicités pour encadrer l’entretien et la réparation des installations portuaires. Il est possible de suivre leurs missions au travers des ordonnances des rois de France qui furent prononcées à leur endroit au cours des xive et xve siècles785. Les bureaux des « ports et passages » se trouvaient surtout aux carrefours-frontières des territoires tenus par la royauté de France. Vers 1330, ceux du littoral atlantique se trouvaient en sénéchaussées de Saintonge et de Poitou, dans les baillages de Cotentin, de Caen, de Caux et d’Amiens. Cependant, parce que « l’imposition foraine » et la « Traite » des vins furent placées au nombre des « aides », elles relevèrent à partir des années 1360, non pas des revenus domaniaux gérés par les baillages et les sénéchaussées, mais des finances extraordinaires rattachées aux « élections ». Certaines oppositions à l’établissement de ces postes douaniers se firent jour. Le comte de Flandre ne voulait pas en « souffrir » dans ses territoires786. En 1330, la comtesse d’Artois refusa leur érection dans les ports de Saint-Omer et de Calais. S’agissant du premier, il en fut pourtant établi un, un bon siècle plus tard, dont le fonctionnement est avéré en 1452. Les agents douaniers – souvent des fermiers – venaient s’ajouter aux receveurs ordinaires du roi. Malheureusement, ce que nous savons de leur organisation générale, nous ne le retrouvons guère dans les faits concrets de leur quotidien, les sources étant particulièrement muettes à leur sujet. Comment et quand les taxes anciennes et les nouvelles redevances était-elles encaissées ? Lors des opérations de chargement et de déchargement ? Lors des opérations de mesurage ? Lors de la visite des cales des bâtiments ? Aux portes urbaines ?
336À Bayonne, la ville engageait un certain nombre de fonctionnaires assermentés, missionnés au contrôle des activités des métiers. Parmi eux se trouvaient les jaugeurs de tonneaux qui devaient, en partie tout du moins, travailler sur les rives portuaires. Le roi y employait aussi son propre jaugeur. Créées par Édouard III en 1344, ses attributions furent reprises en 1448787. À Bordeaux, le jaugeage était une tâche règlementée exercée par des personnels spécialisés. Ils intervenaient tant à l’arrivée qu’au départ des fûts de vin788. C’est au connétable, dont la charge avait été instituée vers 1254, qu’il revenait de superviser la perception des « coutumes » et des autres droits de douane. Il était entouré pour ce faire de plusieurs agents chargés d’enregistrer les cargaisons des navires pour calculer et obtenir le montant des taxes auxquelles elles étaient soumises. Lui et ses adjoints occupaient, comme les autres services administratifs, judiciaires et financiers de la monarchie, l’ancien palais ducal de l’Ombrière situé à proximité immédiate du port789. Et puis, la commune avait institué, comme à Libourne, ses propres visiteurs, mesureurs, contrôleurs et collecteurs, sans qu’il ne soit possible de connaître la réalité de leurs activités au sein du havre. C’est à peu près tout ce qu’on peut en dire d’ailleurs, car, comme le résume Michel Bochaca, « la vie sur le port nous échappe790 ».
337Ce constat vaut aussi pour La Rochelle. Là, seule la réglementation urbaine encadrant les droits et devoirs du garde de la tour de la Chaîne permet de se faire une idée de la réalité de son travail, et surtout des abus qu’il pouvait commettre envers les maîtres et les négociants entrant et sortant du port791. La Bretagne, en dépit du travail minutieux réalisé par Jean Kerhervé pour rendre compte des métiers liés aux finances ducales, n’est guère mieux informée sur ce point.
338On se contentera toutefois du journal tenu entre 1464 et 1467 par Olivier Mazéas, receveur du port léonard de l’Aber-Wrac’h, dont l’étendue couvrait un vaste espace incluant les sites de Port-Moalleuc et de Corréjou. Il avait la responsabilité de venir auprès des maîtres qui entraient dans sa juridiction pour qu’ils lui déclarent leur nom, celui de leur navire, leur provenance ou leur port d’attache, et leur destination. Il enregistrait aussi diverses informations relatives aux cargaisons, comme leur nature, le montant des transactions réalisées sur place. À partir de ces informations, il pouvait appliquer la réglementation fiscale – en portant une attention particulière aux « droits d’entrée et yssue » –, contrôler le trafic, vérifier la légalité de l’opération de transport et s’assurer de l’inoffensivité de l’équipage. Pour éviter la fraude, il patrouillait dans les eaux portuaires et les rades environnantes, ou montait en personne sur les vaisseaux pour contrôler les déclarations qu’il avait recueillies et pour vérifier qu’aucune marchandise n’avait été omise. Et en cas de contravention, il faisait placer sous séquestre, grâce aux sergents qui l’accompagnaient, le chargement, le navire et l’équipage. Cependant, l’assiduité de ce receveur ne fut pas irréprochable et, sommé de se justifier, il abandonna son office en 1467792. Il faut dire que cette fonction présentait quelques risques. En 1335, à Camaret, les navigateurs qui refusaient d’acquitter la « coutume » s’opposèrent à son fermier qui fut « naffré et batu793 ».
339Selon le coutumier de Caen rédigé au milieu du xive siècle, le prévôt délivrait ses congés aux navires qui, exceptionnellement, étaient autorisés à séjourner au port d’Ouistreham794. Les attributions des receveurs de la vicomté de Dieppe, consignées dans un coutumier de la fin du xive siècle, montrent qu’ils étaient en contact direct avec les gens de mer. Ils enregistraient les bateaux et leurs cargaisons, distinguant dans leurs comptes les marchandises selon leur nature795. Ils délivraient les congés, les laissez-passer, les passes-portes, les enseignes, les acquis et les médailles de plomb, tout ce qui servait en somme à justifier du paiement des droits de « coutume ». Et ils recueillaient le serment des « maistres de nef » qui n’étaient que de passage dans le havre, pour être dispensés de payer les droits d’acquit de leurs cargaisons. Les pêcheurs de « selletans » devaient en faire de même à leur entrée dans le port, avant de mettre en vente leurs prises, en envoyant devers le receveur quatre hommes d’équipage – le capitaine et trois matelots – pour qu’ils déclarent sous la foi du serment que « oncques en leur pescherie ne virent harenc » ; ou bien que les maquereaux qu’ils amenaient dans le port avaient bien été pris « as hains, à lissez ou à lingne796 ». À Fécamp, le receveur était aussi le vicomte de la mer. Pour accomplir sa tâche, il était assisté de trois officiers, respectivement chargés des droits sur le trafic maritime, sur le mesurage des marchandises et sur la pêche. Dans tous les autres ports dépendant de l’abbaye (Saint-Valery, Veules, Veulettes, Saint-Pierre-en-Port, Grandes et Petites Dalles, Yport) avaient été établis des commis797.
340Quant au ressort de la vicomté de l’Eau, en aval de Rouen, il était divisé au xve siècle en plusieurs « branches », comprenant entre autres les ports de Moulineaux, la Bouille, Caumont, le Val-des-Leux, Saint-Joire (Saint-Georges-de-Boscherville ?), la Foullerie (le Landin), Anneville, les Tieulleries (Clos-au-Loup), Yville et Jumièges, qui étaient les sites traditionnels de passage et d’embarquement de marchandises. En principe, il n’y avait que deux « branchiers » : un pour Jumièges qui était assez éloigné des autres ports ; un autre pour l’ensemble des autres stations portuaires. Chaque « branche » était baillée à ferme selon des règles précises. Pour transporter des marchandises en amont depuis lesdits ports jusqu’à Rouen ou sa banlieue, les maîtres ne devaient rien aux « branchiers » mais seulement à la vicomté, au passage de Rouen. En revanche, les bâtiments qui d’aval remontaient et déchargeaient dans l’un d’eux, ou bien ceux qui y chargeaient des denrées pour les descendre vers la mer, devaient acquitter les droits en vigueur auprès des receveurs et commis officiant chacun dans son secteur. Le règlement s’effectuait soit dans le port de Jumièges, au lieudit le « peel du Kay le Roy », soit dans l’un des autres ports où avait lieu le chargement. Et les contrevenants risquaient d’être saisis et poursuivis798.
341On trouve enfin dans l’espace Flamand quelques traces des receveurs de droits portuaires. À Dunkerque, selon la comptabilité comtale de la seconde moitié du xive siècle, le tonlieu était perçu par des agents du bailli aux abords du quai, à l’ouest de la ville, ainsi qu’au sud, non loin du marché et du point de confluence des marchandises venant par mer ou par le canal de Bergues799. À Calais, le tonlieu se levait en divers endroits : sur les quais du port de mer, sur ceux du port fluvial nommé l’Estade, au niveau du pont de Nieuna et parfois au marché. Le receveur faisait vérifier sur place les informations que lui donnaient les maîtres des navires, à propos des marchandises débarquées ou embarquées, de leurs quantités et de leurs propriétaires800. Citons aussi, parmi ce recueil illustratif, les efforts entrepris par Bruges pour éviter la fraude fiscale. Selon des plaintes adressées par les échevins au magistrat de la ville en 1351, il était interdit de charger ou décharger des marchandises la nuit, sous peine de double amende801.
⁂
342Étudié à partir de ses fonctionnalités, le port se montre dans toute la richesse et la diversité de ses situations, de ses formes et de ses équipements. Il laisse aussi apparaître la somme d’intérêts et de pratiques dont il fut la focale. Le navire est au cœur de ses obligations, qu’il s’agisse de l’abriter, de lui offrir un stationnement, de faciliter la manutention et les opérations de transbordement, ou de le construire et de le réparer. Il desservait pour l’essentiel les besoins des acteurs de l’économie maritime, mais pouvait aussi, le cas échéant, participer au transport des voyageurs ou héberger des moyens militaires, de façon occasionnelle ou plus régulière. On aura remarqué l’hétérogénéité de ses installations, depuis la simple plage d’échouage jusqu’au port clos et fortifié, bordé de cales et de quais, doté de phares, de grues et, plus rarement, d’entrepôts. Territoire frontalier, nœud de communications, affecté à différents services, le port fut enfin, pour ces trois raisons, un lieu d’exercice important du pouvoir fiscal. La variété et la complexité des prélèvements qu’on y pratiquait traduisent à eux seuls l’ampleur des enjeux économiques et politiques dont il était le centre.
Notes de bas de page
1Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 336-373.
2Gerber Frédéric et al., L’archéologie navale : premier inventaire, premières études des pièces de bateaux en réemploi et des fragments d’épaves, rapport de la fouille préventive « Bourse, Saint-Rémi, Jean Jaurès et Gabriel », livre IV, Inrap, septembre 2006, p. 17-42.
3Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 165, 166 et 261-271.
4Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 181.
5Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 261.
6Cochet Jean-Benoît-Désiré, Étretat, son passé, son présent, son avenir, op. cit., p. 102.
7Lefils Florentin, « La topographie du Ponthieu d’après les anciennes cartes », Mémoires de la Société d’émulation d’Abbeville, 1852, p. 575-593, p. 576.
8BnF, GE C 9180 (RES), « Partie de la coste de Normandie, entre le Havre et le Tresport », s. n., 1625.
9Tranchant Mathias, « Le navire médiéval à travers les sceaux », Revue française d’héraldique et de sigillographie, no 64, 1994, p. 115-133 ; Tranchant Mathias, « Méditerranée et genèse du navire moderne : l’intervention basque (xive-xve siècles) », in Christiane Villain-Gandossi, Louis Durteste et Salvino Busuttil (dir.), Méditerranée, mer ouverte, tome I, Du xvie au xviiie siècle, actes du colloque de Marseille (21-23 septembre 1995), Malte, International Foundation, 1997, p. 239-253 ; Tranchant Mathias, « La construction navale à La Rochelle et dans ses environs à la fin du Moyen Âge », in Philippe Sturmel (dir.), Navires et gens de mer du Moyen Âge à nos jours, actes du colloque de La Rochelle (2-3 octobre 2009), Paris, L’Harmattan, 2010, p. 11-31. On se reportera évidemment aussi aux pages inégalées de Jacques Bernard consacrées aux navires (Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux [vers 1400-vers 1550], op. cit., p. 219-378).
10Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 181. Voir aussi la version produite par Jean-Marie Pardessus (Collection de lois maritimes antérieures au xviiie siècle, op. cit., t. I, p. 341).
11Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 112-115.
12Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 84-89.
13« Enquête relative à la création d’un port à Royan en 1551 », art. cité, p. 43 et 44.
14Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Gironde et de la Garonne maritime, op. cit., p. 64.
15Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 54-58.
16Colle Robert, Châteaux, manoirs et forteresses d’Aunis et de Saintonge, t. II, La Rochelle, Rupella, 1984, p. 322.
17Clouzot Étienne, « Un voyage à l’île de Cordouan au xvie siècle », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 66, 1905, p. 401-425, p. 423.
18Valadeau Yves, Rochefort à la charnière du xve et du xvie siècle à travers quelques éléments du Chartrier de Thouars, mémoire de maîtrise, dir. Nicolas Fauchère, université de La Rochelle, juin 1998, dactyl., p. 48-50.
19Archives municipales de Nantes, CC 279.
20Le Maître Yves et Lemerle Éric, « Les “petits ports” de la Basse-Loire ou la “face cachée” de l’estuaire », Æstuaria, no 5, « Pour une géoarchéologie des estuaires », 2004, p. 285-314, p. 286.
21Arteaga Oswaldo et Ménanteau Loïc, « Géoarchéologie comparée de deux estuaires de l’Atlantique : la Loire (France) et le Guadalquivir (Espagne) », Æstuaria, no 5, « Pour une géoarchéologie des estuaires », 2004, p. 23-45 ; Ménanteau Loïc, « L’importance du lien historique paysage estuarien/patrimoine culturel comme élément de valorisation », in Patrimoine et estuaires. Culture – Gestion intégrée – Développement, actes du colloque international de Blaye (5, 6, 7 octobre 2005), Bordeaux, Éditions Confluences, 2006, p. 77-100.
22Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 49.
23AN, 1 AP 1924, fol. 33 ; 1 AP 1925, fol. 37 ; Périsse Sébastien, Les campagnes littorales saintongeaises…, op. cit., p. 334 et 335.
24Clouzot Étienne, Les marais de la Sèvre Niortaise…, op. cit., p. 63 et 64.
25La Fontenelle de Vaudoré Armand-Désiré de, Histoire du monastère et des évêques de Luçon, Fontenay-le-Comte/Paris, Gaudin fils/Derache, 1847, p. 220 et 221.
26Infra.
27Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 145, 178 et 179.
28Tranchant Mathias, « Méditerranée et genèse du navire moderne… », art. cité, p. 239-253.
29Herbert Abel (dir.), Die Bremer Hanse-Kogge, ein Schlüssel zur Schiffahrtsgeschichte, Fund, Konservierung, Forschung, Bremen, F. Röver, 1969. Dans le même temps, des exemplaires plus petits continuaient d’être construits, pour des usages fluviomaritimes, comme l’épave de la 1re moitié du xve siècle, exhumée près de Beutin, dans lit de la Canche (Rieth Éric [dir.], L’épave de la première moitié du xve siècle, op. cit.).
30Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 307, 309, 316 et 505.
31Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 341.
32Vissière Laurent, « La Gabrielle, navire des La Trémoïlle (1489-1496) », art. cité ; La Trémoïlle Louis-Charles de, Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, op. cit., t. II, p. 59-61.
33Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 271-310.
34Archives municipales de Rouen, A 10, fol. 93 vo-95 (18 décembre 1507) ; Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 364.
35Trocmé Étienne et Delafosse Marcel, Le commerce rochelais, de la fin du xve siècle au début du xviie, Paris, Colin, 1952, p. 14.
36Guiard y Larrauri Teófilo, Historia del Consulado y Casa de Contratación de la villa de Bilbao, t. I, 2 tomes, Bilbao, Imp. José de Astuy, 1913-1914, p. 24.
37Saint-Jours Bernard, Port-d’Albert (Vieux-Boucau). L’Adour ancien et le littoral des Landes, Perpignan, Charles Latrobe, 1900, p. 223, 252 et 262 ; Bochaca Michel, « Bayonne et le déplacement de l’embouchure de l’Adour d’après l’enquête de 1491 », in Michel Bochaca et Jean-Luc Sarrazin (dir.), Ports et littoraux de l’Europe atlantique…, op. cit., p. 97-117, p. 106 et 110-117.
38Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 40.
39Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 81-82.
40Ibid., p. 96-98.
41Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 98.
42Martin Alphonse, Histoire de Chef-de-Caux et de Sainte-Adresse, Fécamp, L. Durand, 1881, p. 94 ; Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Seine maritime, op. cit., p. 158.
43Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen et aux armées de mer du roi de France de 1295 à 1418, t. II, no XXVII, éd. Anne Merlin-Chazelas, Paris, Bibliothèque nationale, 1977-1978.
44Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 173-177.
45Bréard Charles, Le Crotoy et les armements maritimes des xive et xve siècles. Étude historique, in Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, 4e série, t. IV, Paris, A. Picard, 1903, p. 21, 113 et 114 ; Recueil de documents inédits concernant la Picardie, t. II, no CVI, éd. Victor de Beauvillé, Paris, Imprimerie impériale, 1860, p. 101.
46Diaz de Gamez Gutierre, Le Victorial. Chronique de Don Pedro Niño, comte de Buelna, trad. et éd. Albert de Circourt et Théodore de Puymaigre, Paris, Victor Palmé, 1867, p. 367.
47Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 231-226.
48Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 278.
49Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 54 et 88.
50Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 299-302.
51La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 111 ; Lettres de Louis XI, roi de France, publiées d’après les originaux, t. III, 1465-1469, éd. Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Paris, Henri Loones, 1887, p. 237 et 238.
52Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 246 ; Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Seine maritime, op. cit., p. 107, 113, 153, 179, 207 et 210.
53Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, de 1420 à 1431, no 1451, éd. René Blanchard, Nantes, Société des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne, 1892, p. 38-41.
54Archives municipales d’Honfleur, AA 21.
55Gallicé Alain, Guérande au Moyen Âge, op. cit., p. 200.
56Sarrazin Jean-Luc, « Les ports de la Baie à la fin du Moyen Âge… », art. cité, p. 35-45.
57Parmi les dizaines d’incidents voire de naufrages dus à une tempête, rapportés par Charles de La Roncière, aucun ne se déroula dans un port (La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. I, Les origines ; t. II, La guerre de Cent Ans, révolution maritime, Paris, Plon, 1899-1900).
58Cartulaire des sires de Rays…, op. cit., t. XXX, no CCCXIV, p. 457-474 ; Sarrazin Jean-Luc, « Les ports de la Baie à la fin du Moyen Âge… », art. cité, p. 41.
59Inventaire sommaire des registres de la Jurade, 1520 à 1783, éd. Dast Le Vacher de Boisville, Ariste Ducaunnès-Duval, Paul Courteault et Alfred Leroux, Archives municipales de Bordeaux, 6 vol., Bordeaux, Imprimerie G. Gounouilhou/ Imprimerie nouvelle F. Pech & Cie, 1896-1916, p. 345 (17 janv. 1525).
60Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 89-126.
61Bochaca Michel et Moal Laurence (dir.), Le Grand Routier de Pierre Garcie dit Ferrande…, op. cit., p. 95-235.
62Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 124.
63AD 85, H 121, no 17.
64Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 339. L’auteur a confondu dans sa transcription le droit de baptizage avec le droit de balisage, le premier s’appliquant aux navires neufs construits en Bretagne et vendus à La Rochelle. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 70.
65Favreau Robert, « Un document financier sur la ville de La Rochelle (1499) », in Jean Kerhervé et Albert Rigaudière (dir.), Finances, pouvoirs et mémoire. Mélanges offerts à Jean Favier, Paris, Fayard, 1999, p. 228 et 229. Ce droit est confirmé en 1461 et 1483.
66Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 317, 318 et 389 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 168.
67Tranchant Mathias, Les origines des Sables-d’Olonne…, op. cit., p. 58 et 59.
68Jeulin Paul, L’évolution du port de Nantes, organisation et trafic depuis ses origines, Paris, Presses universitaires de France, 1929, p. 51. Le balisage constitua une préoccupation permanente pour la Communauté des Marchands fréquentant la Loire. En témoignent les nombreuses pièces produites à ce sujet par cette assemblée. Pour le secteur compris entre Nantes et Ingrandes, voir : Mantellier Philippe, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire, op. cit., t. I, p. 149-179 ; t. II, no 302, p. 433, (mai 1497), no 308, p. 442 (mai 1507).
69Gallicé Alain, Guérande au Moyen Âge, op. cit., p. 200 et 328.
70Le Mené Joseph-Marie, Topographie historique de Vannes, Vannes, Imprimerie Galles, 1897, p. 55.
71Souquet Gustave, Histoire des rues d’Étaples, op. cit., p. 71-76. Adjudication des fermes du 15 mars 1641.
72Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 363.
73Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Seine maritime, op. cit., p. 173 et 199.
74AN, X1A 11, fol. 287 vo.
75Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, p. 375 et 376.
76Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 772 et 773.
77Ibid., p. 1092.
78Ibid., p. 1111 et 1112.
79Coornaert Maurits, Knokke en het Zwin. De geschiedenis, topografie en toponimie van Knokke, met een studie over de Zwindelta, Tielt, Drukkerij Lannoo, 1974, p. 54-62.
80Selon Jacques Bernard, « les phares, lanternes, fanaux, étaient fort rares » ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 93.
81La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. II, op. cit., p. 540.
82Saint-Jours Bernard, Port-d’Albert (Vieux-Boucau)…, op. cit., p. 264 ; Bochaca Michel, « Bayonne et le déplacement de l’embouchure de l’Adour d’après l’enquête de 1491 », art. cité, p. 113.
83Saint-Jours Bernard, Le littoral gascon, Bordeaux, Marcel Mounastre-Picamilh, 1921, p. 252-254.
84BnF, ms. fr. 20855, fol. 117 ; Saint-Jours Bernard, Le littoral gascon, op. cit., p. 254 et 265.
85Foedera, conventiones, literae…, op. cit., t. IV, p. 156. Lettres d’Henri IV d’Angleterre du 8 août 1409 : « Cum, carislimus avunculus noster, Edwardus, bonae memoriae, nuper Princeps Walliae, infra magnum mare, super introitu de Gerond, quandam turrim & quandam capellam beatae Mariae, una cum aliis domibus & substantiis de petra, ut puca bikenes, ac alias res, ad vasa ibidem, de civitate nostra Burdegaliae transeuntia, salvo conducendum, & ea, absque deterioratione sive periculo de rokkes & sabulorum, cusftodiendum, fundari & stabiliri fecisset, quae quidemt turris & capella, ac aliae Res, per magnas venti & aquae tempestates, adeo Ruptae sunt & prostratae, quod totus idem locus, prout informamur, in via perditionis existit […]. »
86Saint-Jours Bernard, Le littoral gascon, op. cit., p. 265 et 266.
87Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 93 et 94.
88Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 427 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 55, 69, 107 et 110-112.
89Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 368 et 369 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 110-112.
90Tranchant Mathias, Les origines des Sables-d’Olonne…, op. cit., p. 60-65.
91Mollat Guillaume, Études et documents sur l’histoire de Bretagne (xiiie-xvie siècle), Paris, Honoré Champion, 1907, no XXVI, p. 177 ; Gallicé Alain et Trémel Philippe, « La navigation dans l’estuaire de la Loire à la fin du Moyen Âge », Aesturia, no 5, « Pour une géoarchéologie des estuaires », 2004, p. 252-283, p. 255 ; La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. II, op. cit., p. 540.
92Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 171-173.
93La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. II, op. cit., p. 540.
94Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Seine maritime, op. cit., p. 162.
95Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 990.
96Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 205.
97Mandements et actes divers de Charles V (1364-1380), recueillis dans les collections de la Bibliothèque Nationale, éd. Léopold Delisle, Paris, Imprimerie nationale, 1874, no 642, p. 322, n. 1.
98BnF, ms. fr. 25999, no 11.
99Lardin Philippe, « Les transformations de la ville de Dieppe », op. cit., p. 91.
100Asseline David, Les aintiquitez et chroniques de la ville de Dieppe, t. I, Dieppe, A. Marais/A. Leblanc, 1874, p. 132 et 133 ; Vitet Louis, Histoire de Dieppe, Paris, Charles Gosselin, 1844, p. 30 et 31.
101Souquet Gustave, Histoire chronologique de Quentowic et d’Étaples, op. cit., p. 69 ; Harbaville Louis-Joseph, Mémorial historique et archéologique du département du Pas-de-Calais, t. II, Arras, Topino, 1842, p. 154 ; Bertrand Raymond de, Histoire de Mardick et de la Flandre maritime, op. cit., p. 26.
102La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. II, op. cit., p. 542.
103Souquet Gustave, Histoire des rues d’Étaples, op. cit., p. 71-76.
104Kapferer Anne-Dominique, « Chapitre : III : Boulogne devient une ville (1113-1339) », op. cit., p. 84.
105Harbaville Louis-Joseph, Mémorial historique et archéologique du département du Pas-de-Calais, op. cit., p. 8 et 9.
106Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 589, p. 482-491 ; AD 59, B 1599. Cité par : Lemaire Louis, Histoire de Dunkerque, des origines à 1900, op. cit., p. 48.
107Ryckaert Marc, « La gestion des ports flamands au Moyen Âge », art. cité, p. 363.
108Derville Alain, « Calais avant 1347… », art. cité, p. 191.
109Ryckaert Marc, « La gestion des ports flamands au Moyen Âge », art. cité, p. 363.
110Lemaire Louis, Histoire de Dunkerque, des origines à 1900, op. cit., p. 48.
111Lennel Fernand, Histoire de Calais. Calais sous la domination anglaise, 1346-1558, t. II, Les institutions, 3e vol., Calais, J. Plumery, 1913, p. 35 ; Histoire de Calais, op. cit., p. 21.
112AN, MAR C4 174, p. 57.
113La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. II, op. cit., p. 543.
114Bertrand Raymond de, Histoire de Mardick et de la Flandre maritime, op. cit., p. 92.
115Pfister-Langanay Christian, Ports, navires et négociants à Dunkerque (1662-1792), Dunkerque, Société dunkerquoise, 1985, p. 19.
116Lemaire Louis, Histoire de Dunkerque, des origines à 1900, op. cit., p. 363.
117Coutumes des pays et comté de Flandre…, t. II, Coutume du Franc de Bruges, éd. Louis Gilliodts van Severen, Bruxelles, F. Gobbaerts, 1879, p. 69.
118Ryckaert Marc, « La gestion des ports flamands au Moyen Âge », art. cité, p. 363.
119Coutumes des pays et comté de Flandre…, t. III, Ghistelles, Houcke, Lichtervelde, Maldeghem, Merckem, Middelbourg, Mude, Munikerede, Nieuvliet, Oostbourg, éd. Louis Gilliodts van Severen, Bruxelles, F. Gobbaerts, 1891, p. 237.
120Ryckaert Marc, « La gestion des ports flamands au Moyen Âge », art. cité, p. 363.
121Bémont Charles (éd.), « Le coutumier de l’île d’Oléron », Bulletin philologique et historique, année 1917, p. 246-340, no LXXXVIII, p. 330.
122Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., fol. 1 vo.
123Archives communales de Bayonne, AA 3, fol. 76 ; cité par : Bochaca Michel, « Bayonne et le déplacement de l’embouchure de l’Adour », art. cité, p. 103 ; Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 51 et 506.
124Saint-Jours Bernard, Port-d’Albert (Vieux-Boucau)…, op. cit., p. 232 et 256.
125Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 90 et 91.
126Archives municipales de Libourne, AA 1 ; cité par Bochaca Michel, « Les accès fluviomaritimes des ports gascons (xive-début du xvie siècle) : éléments de réflexion et pistes de recherche », Revue d’histoire maritime, no 9, « Risque, sécurité et sécurisation maritimes depuis le Moyen Âge », Tranchant Mathias et Poussou Jean-Pierre (dir.), 2008, p. 135-145, p. 145.
127Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. II, no XXVII.
128Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 125.
129Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Loire maritime, op. cit., p. 79 et 80.
130Gallicé Alain et Trémel Philippe, « La navigation dans l’estuaire de la Loire à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 260.
131Collection de lois maritimes antérieures au xviiie siècle, op. cit., t. I, article 13, p. 332 et 333.
132Une étude récente fait le point sur le sujet : Gallicé Alain et Moal Laurence, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 94 et 102.
133Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 196.
134AN, Z1A 20, fol. 321·324 (11 décembre 1453) ; cité par Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 362.
135AD 76, 16 H 118. Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 932 ; Barré Éric, « Les possessions fluvio-maritimes de l’abbaye de Jumièges au Moyen-Âge », Chronique d’histoire maritime, no 53, 2003, p. 21-32.
136Mémoires et notes de M. Auguste Le Prévost pour servir à l’histoire du département de l’Eure, t. III, éd. Léopold Delisle et Louis Passy, Évreux, Auguste Hérissey, 1869, p. 8 et 9.
137Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 363.
138BnF, ms. fr. 26000, no 464.
139Lefils Florentin, Histoire de la ville du Crotoy et de son château, Abbeville, René House, 1860, p. 146 ; Lefils Florentin, Histoire civile, politique et religieuse de Saint-Valéry et du comté du Vimeu, Abbeville, René Hausse, 1858, p. 159 et 160.
140Ryckaert Marc, « La gestion des ports flamands au Moyen Âge », art. cité, p. 362.
141Gilliodts van Severen Louis, Bruges, port de mer. Étude historique sur l’état de cette question, principalement dans le cours du seizième siècle, d’après des documents inédits reposant aux archives de la ville de Bruges, avec trois cartes inédites des années 1514, 1546 et 1588, Bruges, Louis de Plancke, 1895, p. 72 et 73 ; Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. VI, p. 235 sq., 275 sq., 448 sq. ; Derville Alain et Vion Albert (dir.), Histoire de Calais, Dunkerque, Éditions des Beffrois, 1985, p. 21.
142Cabantous Alain (dir.), Histoire de Dunkerque, op. cit., p. 53 ; Lemaire Louis, Histoire de Dunkerque, des origines à 1900, op. cit., p. 79.
143Degryse Roger, « Brugge en de organisatie van het loodswezen van het Zwin op het cinde van de 15de eeuw », Handelingen van het Genootschap voor Geschiedenis ‘Société d’Émulation’ te Brugge, CXII, 1975, p. 61-130 ; CXVII, 1980, p. 105-178.
144Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 589, p. 482-491.
145Coornaert Maurits, Knokke en het Zwin…, op. cit., p. 51-87.
146Sicking Louis, « Le paradoxe de l’accès : le rôle des avant-ports dans les anciens Pays-Bas à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne (approche comparative générale) », in Michel Bochaca et Jean-Luc Sarrazin (dir.), Ports et littoraux de l’Europe atlantique…, op. cit., p. 227-255, p. 234 ; Paviot Jacques, La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384/1482, op. cit., p. 283.
147Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit.
148Prétou Pierre, L’invention de la piraterie en France au Moyen Âge, op. cit.
149Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 65, 85 et 124.
150Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 48-51.
151AN, JJ 188, no 207.
152Actes du Parlement de Paris, 1re série, De l’an 1254 à l’an 1328, t. II, 1299-1328, éd. Edgard Boutaric, Paris, Plon-Nourrit, 1867, no 6715.
153Lettres de rois, reines et autres personnages des cours de France et d’Angleterre depuis Louis VII jusqu’à Henri IV, tirées des archives de Londres par Bréquigny, éd. M. Champollion-Figeac, t. I, Paris, 1839, no CCCI.
154Archivo General de Simancas, Reg. del Sello, 14/09/1480, 28/07/1489, 28/08/1491, 19/11/1491.
155AN, JJ 147, no 171, fol. 80-80 vo.
156Poquet du Haut-Jussé Barthélemy-Amédée, François II, duc de Bretagne, et l’Angleterre (1458-1488), Mémoires de la Société d’histoire et d’archéoligie de Bretagne, t. IX, 9e année, 1928, 2e partie, p. 384.
157Voir également à ce sujet : Bochaca Michel, Arízaga Bolumburu Beatriz et Tranchant Mathias, « La violence en mer et dans les ports du golfe de Gascogne à la fin du Moyen Âge : bilan et perspectives de recherche », in Mathias Tranchant et Mickaël Augeron (dir.), La violence et la mer dans l’espace atlantique (xiie-xixe siècle), actes du colloque international organisé par l’université de La Rochelle (14, 15 et 16 novembre 2002), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, p. 27-50.
158BnF, ms. fr. 18970, fo 90 vo.
159Barré Éric, « Le droit martime médiéval en Normandie », Annales de Normandie, no 5, 47e année, 1997, p. 511-536, p. 530 et 531.
160Un point très complet sur la question a été réalisé par : Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 222-236.
161Voir infra : chap. iii, Les berges portuaires : des zones d’entrepôt ?
162Gerber Frédéric, Des rivages garonnais de Burdigala au Port de la Mer…, op. cit., livre I, p. 65-71.
163Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 231-226.
164Derville Alain, « Calais avant 1347… », art. cité, p. 198.
165Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 89-91, 125-129 et 174-181.
166Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 830.
167Henrici Quinti, Angliae regis, gesta, cum chronicâ Neustriae, Gallicè, ab anno MCCCCXIV ad MCCCCXXII, éd. Benjamin Williams, Londres, Sumptibus Societatis, 1850, p. 18-19.
168BnF, PO 2030, dossier Montmor, no 58 et 59.
169AD 14, F 1535 ; cités dans : Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 260.
170Bréard Charles, Les archives de la ville de Honfleur. Notes historiques et analyses de documents, Paris, Alphonse Picard, 1885, p. 43 et 51.
171Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 75-82.
172AD 44, E 129/28, fol. 2 vo.
173Bochaca Michel et Arízaga Bolumburu Beatriz, Bayonne au Moyen Âge…, op. cit. ; Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 17-21.
174BnF, Coll. Clair. 963, no 19.
175Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 43 et 44.
176Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux, principalement sous l’administration anglaise, vol. 1, 2 vol., Bordeaux, J. Delmas, 1867-1870, p. 379-384.
177Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 284, p. 213 et 214, no 589, p. 482-491.
178Ibid., no 610, p. 503-510.
179BnF, ms. fr. 18970, fol. 28 vo.
180Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 144 ; Médiathèque de La Rochelle, ms. 78. BnF, ms. fr. 18970, fol. 28 vo ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 90.
181La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 26.
182Médiathèque de La Rochelle, ms. 78, p. 259 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 26, 96, 100, 105, 136, 148, 149, 251-252, 256 et 257 ; t. II, p. 12-15, 36, 110-112 et 154.
183BnF, ms. fr. 16906, fol. 133 vo.
184La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 216-218, 244, 251, 252, 256 et 257 ; t. II, p. 12-15.
185Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 427 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 55, 69, 107 et 110.
186Bonnin Jean-Claude et Faucherre Nicolas, Les tours de La Rochelle, La Rochelle, Caisse nationale des monuments historiques et des sites/Éditions du patrimoine, 1998, p. 21 et 22 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 368 et 369 ; Médiathèque de La Rochelle, ms. 45-46, p. 629.
187Bonnin Jean-Claude et Faucherre Nicolas, Les tours de La Rochelle, op. cit., p. 21 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 14 et 15.
188La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 14, 15, 110-112, 154 et 155.
189Ibid., t. I, p. 26, 251, 252, 256 et 257 ; t. II, p. 36.
190BnF, ms. fr. 23915, fol. 201-205.
191La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 250.
192BnF, ms. fr. 16906, fol. 133 vo.
193Mas-Latrie René de, « Du droit de marque ou droit de représailles au Moyen Âge », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 27, 1866, p. 529-577, t. 29, 1868, p. 294-317 et 612-635, t. 27, p. 620 ; Timbal Pierre-Clément, « Les lettres de marque dans le droit de la France médiévale », in L’étranger. Recueil de la Société Jean Bodin, t. X, 2e partie, 1958, p. 109-138.
194Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 68 ; Tranchant Mathias, « Au risque de l’étranger… », art. cité, p. 92-94.
195La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 86, 128 et 129.
196Barbot Amos, Histoire de La Rochelle…, op. cit., p. 409.
197La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 152 et 155.
198Gallicé Alain et Moal Laurence, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 99-104 ; Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 115-142.
199La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 145, 161 et 216 ; t. II, p. 12. AN, JJ 144, no 54.
200AN, JJ 147, no 171. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 153, 159 et 258 ; t. II, p. 90, 110 et 111. En 1345, le maire choisit le garde de la tour Saint-Nicolas parmi Jean de Perigord, Jean de La Brousse et Jean de Verneuil.
201Trocmé Étienne et Delafosse Marcel, Le commerce rochelais…, op. cit., p. 24.
202La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 165, 216, 229, 233, 234, 243 et 258 ; t. II, 14, 15, 25, 110 et 111.
203Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 318 ; BnF, ms. fr. 23915, fol. 203 vo.
204Paviot Jacques, La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384/1482, op. cit., p. 32.
205Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 589, p. 482-491.
206Ibid., no 610, p. 503-510.
207Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., article 36, p. 185.
208Ibid., article 5, p. 174 et 175.
209Ibid., article 14, p. 177 et 178.
210Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 88, 89, 387 et 388.
211Malvezin Théophile, Histoire du commerce de Bordeaux…, op. cit., vol. 1, p. 273 ; Bochaca Michel, « El control del puerto de Burdeos… », art. cité, p. 102 et 103.
212Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., article 5, p. 174 et 175.
213AN, JJ 182, no 59.
214« espes » signifie « épaisseur ».
215Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 589, p. 482-491.
216Ibid., no 540, p. 448-451.
217Chartes de l’abbaye de Jumièges, op. cit., t. I, v. 825 à 1169, no XXX, p. 83 et 84. « Le prix qui est exigé pour le pieu ou le piquet auquel un navire ou un bateau est amarré. »
218Noël de La Morinière Simon-Barthélemy-Joseph, Tableau statistique de la navigation de la Seine, depuis la mer jusqu’à Rouen, contenant des vues générales sur le système de son embouchure, ancienne et moderne, Rouen, Impr. des Arts, 1802, p. 103 et 107.
219Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Seine maritime, op. cit., p. 172 et 173.
220Les Sables au temps de la grande pêche. Manuscrits de Collinet (1739-1782), éd. Alain Gérard, La Roche-sur-Yon, Éditions du Centre vendéen de recherches historiques, 2002, p. 355. Collinet rapporte l’évènement suivant survenu le 26 juin 1782 : « Ce jour, on a planté un pieu pour le halage et l’appareillage des vaisseaux au milieu du port […]. Ce dit pieu est de la hauteur de l’ancien grand pieu placé il y a cent quatre ans, seize à dix-huit toises plus au sud-est. »
221Coquelin Benoist, Histoire de l’abbaye de Saint-Michel du Tréport, éd. C. Lormier, t. I, Rouen, C. Métérie, 1879 p. 37.
222Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 540, p. 448-451.
223Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., article 15, p. 178.
224Collection de lois maritimes antérieures au xviiie siècle, op. cit., t. I, article 24, p. 340.
225Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 146.
226Robillard de Beaurepaire Charles de, De la vicomté de l’Eau de Rouen…, op. cit., p. 342 et 343.
227Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 589, p. 482-491.
228Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 52.
229Voir l’édition récente de ces peintures : Alliot-Duchêne Virginie (dir.), Joseph Vernet (1714-1789). Les vues des ports de France, Paris, Musée national de la Marine, 2011.
230Blondin Charles, Mémoire pour l’histoire de Saint-Valery-sur-Somme (1713), éd. Alcius Ledieu, Amiens, 1882, p. 20.
231Lettres de rois, reines et autres personnages…, op. cit., no CCCI, p. 392-400.
232Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 241-243.
233Cochon Pierre, Chronique normande, éd. Charles de Robillard de Beaurepaire, Rouen, Le Brument, 1870, p. 334.
234Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 158-161.
235Pichot Daniel et Provost Georges (dir.), Histoire de Redon, de l’abbaye à la ville, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 143.
236Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 66.
237Lavaud Sandrine, Bordeaux et le vin au Moyen Âge. Essor d’une civilisation, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2003, p. 53 et 54.
238Bochaca Michel et Micheau Jacques, Fortaney Dupuy, un marchand de Bordeaux à l’aube de la Renaissance, Saint-Quentin-de-Baron, Les Éditions de l’Entre-deux-Mers, 2014, p. 49-62.
239Harlé Pierre, Les padouens du Bordelais. Étude historique, Bordeaux, Y. Cadoret, 1910.
240Livre des Bouillons, op. cit., no CXVII, p. 365-373 ; Livre des Coutumes…, op. cit., no V, p. 186-196.
241Livre des Coutumes…, op. cit., p. no V, p. 194.
242Lavaud Sandrine, Bordeaux et le vin au Moyen Âge…, op. cit., p. 54.
243Selon les données collectées dans les actes notariés bordelais collectées par : Antignac Hélène, La paroisse Saint-Rémi intra-muros, 1289-1506, mémoire de maîtrise, dir. Jean-Bernard Marquette, université de Bordeaux III, 1996, 3 vol., dactyl.
244Boutoulle Frédéric, « Enceintes, tours, palais et castrum à Bordeaux du xie siècle au milieu du xiiie siècle, d’après les Textes », Revue archéologique de Bordeaux, no XCIV, 2003 (2005), p. 59-75, p. 67 ; Lavaud Sandrine, « La Rousselle et la Mar… », art. cité, p. 91 ; Malvezin Théophile, Histoire du commerce de Bordeaux, depuis les origines jusqu’à nos jours, op. cit., vol. 1, p. 272.
245Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 65, 66 et 68.
246Gerber Frédéric, Des rivages garonnais de Burdigala au Port de la Mer…, op. cit., livre I, p. 83-86.
247La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 76.
248BnF, Coll. Clair. 963, no 19.
249Médiathèque de La Rochelle, ms. 199, fol. 43.
250Les affaires de Jacques Coeur, Journal du procureur Dauvet, procès-verbaux de séquestre et d’adjudication, t. II, éd. Michel Mollat, 2 vol., Paris, Armand Colin, 1952-1953, p. 549-551 et 610-615.
251AN, JJ 71, no 351.
252BnF, Coll. Clair. 963, no 19.
253Chronique du religieux de Saint-Denys, contenant le règne de Charles VI, de 1380 à 1422, éd. Louis Bellaguet, livre XXV, 6 vol., Paris, Crapelet, 1839-1852, chap. XIII.
254Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 364.
255BnF, Coll. Clair. 963, no 19.
256Musset Georges, La Rochelle et ses ports, op. cit., p. 31.
257Ibid., p. 30.
258Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, no 1240, p. 283.
259Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 858.
260Le livre rouge d’Eu, 1151-1454, éd. Albert Legris, Rouen/Paris, A. Lestringant/A. Picard, 1911, p. 104 et 105.
261AD 76, G 499, fol. 34. Lardin Philippe, « L’activité du port de Dieppe… », art. cité, p. 175.
262Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Loire maritime, op. cit., p. 81.
263Archives municipales de Nantes, DD 352.
264Mellinet Camille, La commune et la milice de Nantes, op. cit., t. I, p. 77.
265Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 365-367.
266Archives municipales de Rouen, tiroir 35, liasse 2 (24 mars 1495).
267Médiathèque de La Rochelle, ms. 2560.
268Parmi les travaux portant sur la question, nous retenons l’étude récente de Petrowiste Judicaël, À la foire d’empoigne. Foires et marchés en Aunis et Saintonge au Moyen Âge (vers 1000-vers 1550), Jonzac, Université francophone d’été Saintonge-Québec, Toulouse, CNRS/université de Toulouse-Le Mirail, 2004.
269Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 35.
270Mollat Michel, « La pêche à Dieppe au xve siècle », art. cité, p. 185.
271Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 331-342 ; Bochaca Michel, « Les “gens de mer”… », art. cité, p. 59 et 60 ; Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 52 ; Mollat Michel, « Les hôtes et les courtiers dans les ports normands à la fin du Moyen Âge », Revue historique de Droit français et étranger, XXIV, 1946-1947, p. 49-67 ; Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 427-431 ; Tieullier Guillaume, Le coustumier de la vicomté de Dieppe, op. cit., p. xix. Darsel Joachim, « L’Amirauté en Normandie. I. – Amirauté d’Eu-Le Tréport », art. cité, p. 294 ; Lefils Florentin, Histoire de la ville du Crotoy…, op. cit., p. 48 et 143 ; Louandre François-César, Histoire ancienne et moderne d’Abbeville et de son arrondissement, Abbeville, A. Boulanger, 1834, p. 111 ; Louandre François-César, Histoire d’Abbeville et du comté de Ponthieu jusqu’en 1789, Paris/Abbeville, Joubert-J. Labitte/T. Jeunet, 1844, p. 401 ; Lhomel Georges de, Documents pour servir à l’histoire de Berck, Abbeville, A. Lafosse, 1913, p. 15, 51, 87 et 88 ; Derville Alain, « Une ville vers 1300 : Calais », Revue du Nord, t. LXXII, octobre-décembre 1990, p. 737-756, p. 744 ; Histoire de Saint-Omer, op. cit., p. 44, 50, 57 et 86 ; Derville Alain, Saint-Omer : des origines au début du xive siècle, op. cit., p. 167, 169, 172 et 176 ; Giry Arthur, Histoire de la ville de Saint-Omer…, op. cit., p. 206, 218, 220, 244, 291-294, 297, 308, 327-329 et 332 ; Van Houtte Jan-Arthur, « Les courtiers au Moyen Âge ; origine et caractéristiques d’une institution commerciale en Europe occidentale », Revue historique de Droit français et étranger, 1936, p. 105-141 ; Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, p. 60, 81, 102-107, 127, 187, 188, 195-197, 214, 225, 233, 397, 446, 472, 473, 540, 548 et 615 ; t. II, p. 3, 16, 122, 222, 226, 231, 232, 263, 265, 274, 279 et 282 ; Coutumes des pays et comté de Flandre…, t. IV, op. cit., p. 462, 472 et 480 ; Craeybeckx Jan, Un grand commerce d’importation : les vins de France aux anciens Pays-Bas (xiiie-xvie siècle), Paris, S.E.V.P.E.N., 1958, p. 171-175 et 178-181.
272Archives municipales de Rouen, tiroir 35, liasse 2 (24 mars 1495).
273Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 77 ; Bochaca Michel, « Les “gens de mer”… », art. cité, p. 59.
274Documents relatifs à l’histoire de l’industrie et du commerce en France, op. cit., t. I, no 222, p. 256.
275Coutumes des pays et comté de Flandre…, t. IV, op. cit., p. 502-504.
276Ibid., p. 472.
277Leguay Jean-Pierre, « Un aspect de l’histoire et de l’économie urbaines bretonnes : les petits ports des abers et des rias au xve siècle », in Chantal Connochie-Bourgne (dir.), Mondes marins au Moyen Âge, actes du 30e colloque du CUER MA (3, 4 et 5 mars 2005), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2006, p. 297-315, p. 304 et 305.
278Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 69 et 145.
279Gerber Frédéric, Konik Stéphane et Platel Nicole, L’archéologie fluviale : archéologie du bord d’eau ou essai de Waterfront archaeology appliquée à un port français, rapport final d’opération de la fouille préventive « Bourse, Saint-Rémi, Jean Jaurès et Gabriel », livre III, Inrap, septembre 2006, p. 40 et 41 ; Gerber Frédéric, « Physionomie d’un port médiéval… », art. cité, p. 194 et 195.
280Arthuis Rémy et al., « Nouvelles recherches sur le port fluvial et les entrepôts antiques de Rezé (Loire-Atlantique) », Aestuaria, no 12, 2007, p. 132-136 ; Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 400.
281Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 80.
282Gerber Frédéric, Des rivages garonnais de Burdigala au Port de la Mer…, op. cit., livre I, p. 76.
283BnF, ms. fr. 26005, no 1474 (1363) ; ms. Fr. 26093, no 1019-1021 (1470) ; Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, no 600, p. 188 (1363) ; no 1220, p. 280 (1385) ; no 1211, p. 278 (1385) ; no 1222, p. 280 (1385).
284Cartulaire normand de Philippe-Auguste, Louis VIII, saint Louis et Philippe le Hardi, éd. Léopold Delisle, Mémoires des antiquaires de Normandie, t. XVI, Caen, A. Hardel, 1852, no 50, p. 10-11.
285Robillard de Beaurepaire Charles de, De la vicomté de l’Eau de Rouen…, op. cit., p. 342 et 343.
286Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 75-82.
287Archives municipales de Nantes, CC 273.
288Archives municipales de Nantes, CC 269.
289Tanguy Jean, Le commerce du port de Nantes au milieu du xvie siècle, op. cit., p. 16.
290Musset Georges, La Rochelle et ses ports, op. cit., p. 21.
291Médiathèque de La Rochelle, ms. 199, fol. 43.
292Musset Georges, La Rochelle et ses ports, op. cit., p. 30.
293Aunis, Saintonge et Angoumois sous la domination anglaise, 1360-1372. Comptes et pièces diverses tirés des archives anglaises, éd. Robert Favreau, Saintes, Société des Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, 1999 (Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, t. LIII), p. 118 et 123.
294Médiathèque de La Rochelle, ms. 199, fol. 42 vo.
295Médiathèque de La Rochelle, ms. 199, fol. 76 et 76 vo.
296AN, JJ 88, no 93.
297Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 248 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 248.
298AN, X1C 78 B, no 111.
299BnF, ms. fr. 16906, fol. 134.
300BnF, ms. fr. 16906, fol. 134 et 134 vo.
301BnF, ms. fr. 16906, fol. 134.
302BnF, ms. fr. 16906, fol. 135.
303BnF, ms. fr. 23915, fol. 201-205.
304Ibid.
305BnF, ms. fr. 16906, fol. 188-198 vo ; ms. fr. 18970, fol. 48 et 48 vo.
306La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 91, 147 et 148.
307BnF, ms. fr. 18970, fol. 45-59 (1460) ; ms. fr. 20584, no 5 (1462) ; ms. fr. 20587, fol. 77-83 (1469-1470) ; ms. fr. 23913, fol. 199-210 (1500-1501) ; ms. fr. 23915, fol. 127-134 vo (1470-1471) et fol. 201-205 (1436, 1499) ; ms. fr. 26094, no 1267 (1473). AD 44, E 19 (2 Mi 785 R5), no 10 (± 1500) ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 303 (1436), 336-338 (1460) et 366 (1461 et 1467).
308Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 332.
309Ibid., p. 442.
310La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 156.
311Jourdan Jean-Baptiste-Ernest, Ephémérides historiques de La Rochelle, avec un plan de cette ville en 1685 et une gravure sur bois représentant le sceau primitif de son ancienne commune, La Rochelle, A. Sires, 1861, rééd., Marseille, Laffitte reprints, 1979, 2 vol., p. 121 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 161 et 162.
312Tranchant Mathias, « Un port à vin à la fin du Moyen Âge… », art. cité, p. 303 et 309.
313AD 17, 3 E 144, fol. 744-745.
314Leguay Jean-Pierre, « Un aspect de l’histoire et de l’économie urbaines bretonnes… », art. cité, p. 306 et 307.
315Gallicé Alain, Guérande au Moyen Âge, op. cit., p. 199 et 200.
316AD 44, B 3, fol. 94 ; B 6, fol. 129 vo ; B 7, fol. 166 vo ; La Borderie Arthur de, « Ponts et quais de Quimperlé », Mélanges d’histoire et d’archéologie bretonnes, t. I, 1860, p. 116.
317Archives municipales de Quimper, E 1516, compte de 1494-1496, fol. 20 et 29.
318AD 35, 1 Ba, no 7, fol. 158-159 ; Leguay Jean-Pierre, Un réseau urbain au Moyen Âge : les villes du duché de Bretagne aux xive & xve siècles, Paris, Maloine, 1981, p. 239 et 240.
319Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 196, 243 et 244.
320Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 891-893 et 896-898.
321Ibid., p. 905-907 et 912-917.
322Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, no LXXXI, p. 382.
323AN, JJ 074, no 281, fol. 164 vo ; no 281, fol. 163 ; no 281, fol. 163 ; no 289, fol. 170.
324Ordonnances des rois de France de la troisième race, vol. 4, éd. M. Secousse, Paris, Imprimerie royale, 1734, p. 422, § 7.
325AN, JJ 153, no 249, fol. 162.
326Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 827 et 828 ; Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 248 et 249 ; Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, p. 86 et 87.
327BnF, ms. fr. 26285, no 304 ; AD 76, 16 F 26.
328Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, no 936, p. 238 ; no 1093, p. 260 ; no 1240 et 1245, p. 283 et 284 ; no 1655, p. 342 (1415) ; no 1660, 1662 et 1664, p. 343 et 344 (1415).
329AD 76, 3 E 6/118, fol. 43 (04/02/1473) et 78 (22/09/1473) ; cité par Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 991 ; Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., t. II, no LXXXI, p. 380 (03-09-1476).
330Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., t. II, no LXXXI, p. 382.
331Ibid., no XCIX, p. 407 et 408.
332Ibid., t. II, no XXXVII, p. 125-131.
333AN, X1A 4800, fol. 235-236v.
334Asseline David, Les aintiquitez et chroniques de la ville de Dieppe, op. cit., t. I, p. 269.
335AN, JJ 195, fol. 209 vo et 384 vo ; JJ 206, fol. 168 vo, no 759.
336Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 195-199.
337Daumet Georges, Calais sous la domination anglaise, Arras, Répesé-Crépel, 1902, p. 110-112.
338Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit. ; Sicking Louis, La naissance d’une thalassocratie. Les Pays-Bas et la mer à l’aube du Siècle d’or, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2015, p. 54 et 55.
339Milne Gustav et Hobley Brian, Waterfront archaeology in Britain and northern Europe…, op. cit., p. 10-15 ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 80.
340Clouzot Étienne, Les marais de la Sèvre Niortaise…, op. cit., p. 160.
341Musset Lucien, « Les ports en Normandie », art. cité, p. 124.
342Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 893-896.
343BnF, ms. fr. 9342, La geste ou histore du noble roy Alixandre, roy de Macedonne, anonyme, xve siècle, parchemin, 227 feuillets, fol. 30, 69 vo et 96.
344Bémont Charles (éd.), « Le coutumier de l’île d’Oléron », art. cité, p. 334, no XCVII.
345Comptes et enquêtes d’Alfonse comte de Poitou, 1253-1269, op. cit., p. 147.
346AD 33, 3 E 4472 ; cité par Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 80.
347AN, JJ 147, no 171.
348Le livre rouge d’Eu, 1151-1454, op. cit., p. 234.
349Malvezin Théophile, Histoire du commerce de Bordeaux…, op. cit., vol. 1, p. 273 ; Bochaca Michel, « El control del puerto de Burdeos… », art. cité, p. 102.
350AN, 1 AP 1171, fol. 14 vo. Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 24 ; Sarrazin Jean-Luc, « Le sel et l’aménagement du littoral poitevin (xiiie s.-début xvie s.) », in Les sociétés littorales du Centre-Ouest atlantique, de la Préhistoire à nos jours, actes du colloque GERHICO (Rochefort, 18-20 avril 1995), Poitiers, Société des antiquaires de l’Ouest, 1998, p. 143-158, p. 153.
351Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., fol. 88, v. 91.
352Cartulaire de l’Ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 740, p. 594-606.
353Lukas Yann, Hennebont, vingt d’histoire, Quimper, Éditions Palantines, 2006, p. 18-21.
354AN, H4 3055, no 1153.
355Derville Alain, Histoire de Saint-Omer, op. cit., p. 38.
356Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 80 et 82.
357Matheus Michael, Hafenkrane. Zur Geschichte einer mittelalterlichen Maschine am Rhein und seinen Nebenflüssen von Straßburg bis Düsseldorf, Trêve, Trierer Historische Forschungen, 1985 ; Haenens Albert d’, L’Europe de la mer du Nord et de la Baltique. Le monde de la Hanse, Anvers, Éditions Fonds Mercator, 1984.
358Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. I, no 66, p. 81.
359Ryckaert Marc, « La gestion des ports flamands au Moyen Âge », art. cité, p. 364 et 365.
360Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 145, p. 110 (« Van coste van den crane ende van verlettene doe menne vermaecte, ende van craneghelde van sheren ende der stede wine ») ; no 173, p. 125 ; no 176, p. 129, no 197, p. 140 ; no 237, p. 164.
361Pastel des teinturiers, ou guède.
362Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 489, p. 410-412.
363Ibid., no 589, p. 488 et 489.
364Ibid., no 600, p. 498 et 499.
365Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. II, no 1075, p. 138.
366Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. I, no 222, p. 272.
367Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 303, p. 225 ; Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. II, no 530, p. 44 ; no 532, p. 51.
368Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. II, no 542, p. 79.
369Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 319, p. 248. « Voort, ware dat zake dat eenighe wine vp den crane daer mense mede vten scepe trect, iof bi den wiintreckers of voerres hute ghoten of verzuimt worden, die scade zullen de ghene weder vprechten bi wien zij verzwimet ziin die voorseide wine. »
370Ibid., no 740, p. 596 et 604 ; no 746, p. 611 ; no 752, p. 614.
371Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. II, no 975, p. 57 ; no 998, p. 78 et 79.
372Sicking Louis, La naissance d’une thalassocratie…, op. cit., p. 64.
373Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 675, p. 556. D’autres mesures concernant la crane figurent dans : Cartulaire de l’ancien grand tonlieu de Bruges…, op. cit., vol. I, p. 54, 68, 74, 84, 93, 103 et 111.
374Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., p. 41.
375Comptes et enquêtes d’Alfonse comte de Poitou, 1253-1269, op. cit., p. 133-158.
376Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 82 et 157.
377Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 163 ; Jeulin Paul, L’évolution du port de Nantes, organisation et trafic depuis ses origines, p. 168.
378La Nicollière-Teijeiro Stéphane de, « La Marine bretonne aux xve et xvie siècles », art. cité, p. 418.
379Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 929, 930, 936 et 940.
380AN, JJ 074, no 281, fol. 163 vo.
381BnF, ms. fr. 25999, no 0166 ; ms. fr. 26000, no 287, 376 et 464.
382Gouget Alexandre, Mémoires pour servir à l’histoire de Niort, t. I, Le commerce (xiiie-xviiie siècle), Niort, Clouzot et fils, 1863, no I, p. 89-94 ; Documents relatifs à l’histoire de l’industrie et du commerce en France, t. I, éd. Gustave Fagniez, 2 tomes, Paris, Alphonse Picard et fils, 1898-1900, no 222, p. 251-259.
383Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 240, 300 et 744 ; Jal Augustin, Glossaire nautique…, op. cit., p. 653.
384Craeybeckx Jan, Un grand commerce d’importation…, op. cit., p. 58, 92 et 93.
385Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. I, no 222, p. 270.
386Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 589, p. 482-491 ; Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. II, no 564, p. 136 et 137.
387Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 451, p. 379 ; no 465, p. 389.
388Ibid., no 734, p. 588-590.
389Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. II, no 1277, p. 290 et 291.
390Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 597, note 30, p. 628.
391Guinodie Raymond, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement, op. cit., t. II, p. 240, 241 et 405.
392Bochaca Michel, « Les “gens de mer”… », art. cité, p. 54 et 55.
393Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 83.
394Un exemple parmi beaucoup d’autres : le renvoi d’un procès instruit au Parlement le 2 février 1380, impliquant notamment le vicomte de Montivilliers, fait état de la demande de restitution d’un traineau (traerii) chargé de 27 jarres et 1 pipe de vin (AN, X1a 29, fol. 8).
395Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 83, 134 et 475.
396BnF, ms. fr. 26000, no 464.
397AD 76, 1 ER 34, fol. 32.
398Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, p. 74 et 75.
399Le livre rouge d’Eu, 1151-1454, op. cit., p. 104-106.
400Ibid., p. 180, 255 et 256.
401Ibid., p. 69, 92 et 93.
402Médiathèque de La Rochelle, ms. 2560.
403Bochaca Michel, « Les “gens de mer”… », art. cité, p. 57.
404AN, JJ 173, fol. 299-299 v, no 603.
405Giry Arthur, Histoire de la ville de Saint-Omer…, op. cit., p. 433 et 434.
406Documents relatifs à l’histoire de l’industrie et du commerce en France, op. cit., t. I, no 222, p. 251-259.
407Inventaire des archives de la ville de Bruges, section première, Inventaire des chartes, op. cit., t. II, no 542, p. 79.
408Ibid., t. I, no 222, p. 270.
409Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 264, p. 198.
410Craeybeckx Jan, Un grand commerce d’importation…, op. cit., p. 182.
411Paviot Jacques, Bruges 1300-1500, Paris, Éditions Autrement, 2002, p. 69-90.
412Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 600, p. 499, no 832, p. 668.
413Ibid., t. I, no 633, p. 527 et 528.
414Ibid., t. I, no 634, p. 528.
415Ibid., t. II, no 975, p. 57.
416Lindemann Richard Henry Ferdinand, Channel crossings by english Royalty, 1066-1216, thèse (Ph.D.), Charlottesville, University of Virginia, 1981, p. 216-225 ; Musset Lucien, « Un empire à cheval sur la mer : les périls de mer dans l’État anglo-normand d’après les chartes, les chroniques et les miracles », Revue du Nord, no 1 spécial hors-série, déjà cité, p. 413-424.
417Jean-Marie Laurence, Le prince, la Normandie et la mer (milieu du xiie-1204), op. cit., p. 37-87.
418Neveux François, La Normandie des ducs aux rois, xe-xiie siècle, Rennes, Éditions Ouest-France, 1998, p. 216.
419Kapferer Anne-Dominique, « Chapitre : III : Boulogne devient une ville », op. cit., p. 77.
420Selon le Domesday Book, le prix de la traversée pour un cheval arrivant à Douvres était de 3 deniers en hiver et de 2 en été, en 1086 ; Musset Lucien, « Un empire à cheval sur la mer… », op. cit., p. 416 ; voir aussi au sujet du coût de la traversée depuis l’Angleterre : Jean-Marie Laurence, Le prince, la Normandie et la mer (milieu du xiie-1204), op. cit., p. 516-521.
421Dictionnaire historique et archéologique…, Arrondissement de Boulogne, t. III, op. cit., p. 287.
422Genet Jean-Philippe, « Les voyages des Anglais à la fin du Moyen Âge », in Stéphane Curveiller (dir.), Se déplacer du Moyen Âge à nos jours, actes du 6e colloque européen de Calais (2006-2007), Calais, les Amis du vieux Calais, 2008, p. 86-98, p. 86.
423Tieullier Guillaume, Le coustumier de la vicomté de Dieppe, op. cit., p. 92 et 93.
424Bochaca Michel, « Navigation entre la France et l’Écosse d’après le récit de l’ambassade de Regnault Girard auprès de Jacques Ier Stuart (1434-1436) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 119, 2012, p. 36-54 ; Bochaca Michel, « Sea Travel at the End of the Middle Ages Based on the Account of the Embassy to Spain and Portugal Given by Roger Machado (1489) », The Mariner’s Mirror, vol. 98, 2012, p. 436-447 ; Bochaca Michel, « Un voyage par mer d’Angleterre à Bordeaux et retour en 1442-1443 d’après A Journal by One of the Suite of Thomas Beckington », Annales du Midi, no 283, 2013, p. 369-388 ; Bochaca Michel, « D’un port à l’autre : le temps dans les récits de traversée des mers du Ponant au xve siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 122, 2015, p. 43-65.
425Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 285-342.
426Guillemet Dominique, Les îles de l’Ouest…, op. cit., p. 135 et 136.
427Ibid., p. 136.
428Nous ne connaissons pas l’éventuelle existence de bacs pour les îles voisines d’Ars et de Loix, qui appartenaient au monastère de Saint-Michel-en-l’Herm.
429Bonnin Jean-Claude, « Les liaisons Ré-Continent du Moyen Âge au xvie siècle », in Des îles à la grande terre. Les liaisons maritimes entre Aix, Oléron, Ré et le continent du Moyen Âge à nos jours, La Rochelle, Archives départementales de la Charente-Maritime, 1995, p. 62-64, p. 62. Voir aussi le compte des recettes de l’île de Ré en 1479 : B.N., ms. fr. 20499, fos 20-24.
430AN, S 6757.
431Ibid.
432BnF, ms. fr. 20906, fo 10.
433Musset Georges, « Les ports francs, étude historique », art. cité, p. 245.
434Médiathèque de La Rochelle, ms. 31.
435AN, P 2145, no 13. James René, Chartes seigneuriales et privilèges royaux de l’île de Ré, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1939, p. 145-151.
436AN, 1 AP 1999.
437AN, 1 AP 181, fol. 59-63.
438AN, 1 AP 2001, no 9.
439AN, 1 AP 2000, no 2, 106 ; 2001, no 22 ; 2002, no 10.
440AN, 1 AP 2001, no 95, 22 mars 1498.
441Musset Lucien, « Les ports en Normandie du xie au xiiie siècle… », art. cité, p. 123 et 124.
442Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 151.
443Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., vol. III, figure 164, p. 112 ; Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., annexe 1, cartes no 26 et 27, p. 60 et 61 ; Barré Éric, « Traverser la Seine en aval de Rouen au Moyen Âge », in Bernard Bodinier (dir.), Sur la route de Louviers, voies de communication et moyens de transport en Normandie de l’Antiquité à nos jours, actes du 42e congrès organisé par la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie (Louviers, 18-21 octobre 2007), Louviers, Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie, coll. « Congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie », t. 13, 2008, p. 249-260.
444Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 315-325.
445Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 922, 1012 et 1024-1028.
446AD 76, 16 H 1114. Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 1012.
447Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 1002, 1009 et 1118.
448Musset Georges, « Les ports francs, étude historique », art. cité, p. 237.
449Lefebvre Eugène et Lemariey Daniel, La Bouille : Moulineaux, Caumont, Sahurs par les cartes postales, Luneray, Impr. Bertout, 1995, p. 12 et 13.
450AD 76, 16 H 127. Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 1008.
451Lefebvre Eugène et Lemariey Daniel, La Bouille…, op. cit., p. 12 et 13.
452Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 898, 899 et 1004.
453AD 76, 16 H 27. Barré Éric, « Traverser la Seine en aval de Rouen au Moyen Âge », art. cité, p. 254.
454Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 325-341.
455Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 162-165.
456Guinodie Raymond, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement, op. cit., t. II, p. 199.
457Le Maître Louis-Pierre, Concarneau. Histoire d’une ville, Quimper, Éditions Palantines, 2003, p. 25 et 26.
458Bochaca Michel et Arízaga Bolumburu Beatriz, « La cuidad y puerto de Bayona », art. cité, p. 83.
459Hourmat Pierre, Bayonne. Pyrénées-Atlantiques, Paris, Éditions du CNRS, 1982.
460Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 296.
461Livre des établissements, éd. Édouard Ducéré et Pierre Yturbide, Archives municipales de Bayonne, Bayonne, A. Lamaignère, 1892, p. 124 et 125 ; Bochaca Michel, « Les “gens de mer”… », art. cité, p. 53.
462Livre des établissements, op. cit., p. 139.
463Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 73, 273 et 321-323.
464AD 17, 3E 110/4, registre de Nicolas Noyrault, fol. 24 vo. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 132.
465AD 17, 3E 110/4, fol. 24 vo.
466AD 17, 3E 110/4, fol. 123.
467AD 17, 3E 110/4, fol. 24 vo.
468AD 17, 3E 110/112, registre de Guillaume Paris, notaire à Esnandes, fol. 29 vo-30.
469AD 17, 3E 110/4, fol. 1 vo.
470Vissière Laurent, « La Gabrielle, navire des La Trémoïlle (1489-1496) », art. cité, p. 17, 24 et 27, pièce no 5.
471Procès-verbaux des séances du Conseil de Régence du Roi Charles VIII, éd. Adhelm Bernier, Paris, Imprimerie royale, 1836, p. 226 et 227.
472Tranchant Mathias, Les origines des Sables-d’Olonne…, op. cit., p. 107-110.
473AN, 1 AP 217, no 8. La Trémoïlle Louis-Charles de, Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, op. cit., t. II, p. 45-47 ; Vissière Laurent, « La Gabrielle, navire des La Trémoïlle (1489-1496) », art. cité.
474El-Édrisi, Géographie d’Édrisi, t. II, trad. Amédée Jaubert, Paris, Imprimerie royale, 1840, p. 354.
475Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 319 ; Gallicé Alain, Guérande au Moyen Âge, op. cit., p. 309.
476Cassard Jean-Christophe, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, op. cit., p. 138 et 139.
477Jeulin Paul, L’évolution du port de Nantes, organisation et trafic depuis ses origines, op. cit., p. 59.
478El-Édrisi, Géographie d’Édrisi, op. cit., p. 354.
479Frélaut Bertrand, Histoire de Vannes, Paris, Jean-Paul Gisserot, 2000, p. 32.
480La Nicollière-Teijeiro Stéphane de, « La Marine bretonne aux xve et xvie siècles », art. cité, 1886, p. 34.
481BnF, NAF 3386, Formeville Henri de, Documents sur le Tiers-État (villes), t. XII, fol. 27-33 ; Jean-Marie Laurence, « “La coutume de la prévôté de Caen”. Une définition des règles de prélèvement des taxes sur le commerce », Histoire urbaine, no 30, avril 2011, p. 147-179, p. 170.
482Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 364.
483Mollat du Jourdin Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 340.
484Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 993-995.
485Joubert Alain (dir.), La Seine : mémoire d’un fleuve, à partir des collections du Musée de la Marine de Seine à Caudebec-en-Caux et des organismes culturels de Haute-Normandie, Notre-Dame-de-Bliquetuit, Parc naturel régional de Brotonne, 1994, p. 198.
486Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. II, no 867, p. 228.
487Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, no LXV, p. 286 et 287.
488Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 997.
489AD 14, A 224 ; cité par Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 996.
490Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, no XCVI, p. 402.
491Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, no 1302, p. 292 ; no 1378, p. 303.
492Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 966 ; Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 366 et 367.
493Gauthiez Bernard, « The urban developpement of Rouen », in Leonie V. Hicks et Elma Brenner (dir.), Society and Culture in Medieval Rouen, 911-1300, Turnhout, Brepols, 2013, p. 17-64.
494Jean-Marie Laurence, Le prince, la Normandie et la mer (milieu du xiie-1204), op. cit., p. 279.
495AD 76, G 498-534.
496Mollat Michel, « Constructions navales à Dieppe au xve siècle », Bulletin philologique et historique, Paris, 1966, p. 131-141.
497AD 76, G 501.
498Mollat Michel, « Constructions navales à Dieppe au xve siècle », art. cité, p. 134-141.
499Louandre François-César, Histoire ancienne et moderne d’Abbeville et de son arrondissement, op. cit., p. 109.
500Ben Redjeb Tahar, « Abbeville », Revue archéologique de Picardie, no spécial 16, 1999, p. 187-197, p. 192.
501Derville Alain, « Une ville vers 1300 : Calais », art. cité, p. 737-756, p. 742 et 752.
502Paviot Jacques, La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384/1482, op. cit., p. 283-299.
503Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 284, p. 213 et 214.
504Ibid., no 589, p. 482-491, no 610, p. 503-510.
505La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. I et II, op. cit. ; Mollat Michel, « L’État capétien en quête d’une force navale », « Les enjeux maritimes de la guerre de Cent Ans », « “Être roi sur la mer” : naissance d’une ambition », in André Corvisier (dir.), Histoire militaire de la France, Philippe Contamine (dir.), t. I, Des origines à 1715, Presses universitaires de France, 1992, p. 107-123, 153-169 et 279-301 ; Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit.
506Paviot Jacques, La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384/1482, op. cit. ; Sicking Louis, La naissance d’une thalassocratie…, op. cit. ; Cassard Jean-Christophe, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, op. cit. ; Leguay Jean-Pierre et Martin Hervé, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, 1213-1532, Rennes, Ouest-France, 1982 ; Jean-Marie Laurence, Le prince, la Normandie et la mer (milieu du xiie-1204), op. cit. ; Sarrazin Jean-Luc, « L’État et la seigneurie… », art. cité ; Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit.
507Jean-Marie Laurence, Le prince, la Normandie et la mer (milieu du xiie-1204), op. cit., p. 340-370 et 379-384.
508Gillingham John, « Richard I, galley-warfare and Portsmouth: the beginnings of a royal navy », in Michael Prestwich, Richard Hugh Britnell et Robin Frame (dir.), Thirteenth century England VI, Proceedings of the Durham Conference (1995), Woodbridge, The Boydell Press, 1997, p. 1-15.
509Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 365.
510AD 76, 68 H 20, Cartulaire des Dominicaines ou Emmurées de Rouen, fol. 347 vo-348.
511Robillard de Beaurepaire Charles de, Recherches sur l’ancien Clos-de-Galées de Rouen, Rouen, H. Boissel, 1864, p. 3 et 4.
512Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, p. 27-32 et 95-101.
513Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 359 ; Martin Alphonse, Les origines du Havre. Histoire de Leure et d’Ingouville, Fécamp, L. Durand, 1882-1883, p. 87 ; Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 260-264.
514Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 846-875.
515BnF, ms. fr. 25698, no 623 ; ms. fr. 26011, no 1123 ; AD 14, A 224 ; Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 996.
516Rieth Éric, « Les galées du Clos de Rouen », in François Bellec (dir.), Quand voguaient les galères, catalogue d’exposition, 4 octobre 1990-6 janvier 1991, musée de la Marine, Paris, Association des amis du musée de la Marine, 1990, p. 88-91.
517Mandements et actes divers de Charles V (1364-1380)…, op. cit., no 1527.
518« Notices et extraits de documents inédits relatifs à l’histoire de France sous Philippe le Bel », éd. Edgard Boutaric, in Notices et extraits de manuscrits de la bibliothèque impériale et autres bibliothèques, t. XX, no V, Paris, Imprimerie impériale, 1865, p. 112-114 ; Favreau Robert, « La Rochelle, port français sur l’Atlantique au xiiie siècle », art. cité, p. 53. Ajoutons l’existence de quatre comptes liés aux dépenses de l’armée de mer à La Rochelle entre 1295 et 1297 (Inventaire d’anciens comptes royaux dressé par Robert Mignon sous le règne de Philippe VI de Valois, éd. Charles-Victor Langlois, Paris, C. Klincksieck, 1899, no 2299, 2300, 2382, 2383).
519Les journaux du Trésor de Philippe IV Le Bel, éd. Jules Viard, no 964 et 986, Paris, Imprimerie nationale, coll. « Documents inédits relatifs à l’histoire de France », 1940.
520La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. I, op. cit. p. 398 et 399.
521Ibid., t. I, p. 398, n. 4.
522Arcère Louis-Étienne, Histoire de la ville de La Rochelle et du Pays d’Aulnis, op. cit., p. 294.
523BnF, ms. fr. 27704, Fouques, no 2.
524BnF, ms. fr. 26002, no 781.
525BnF, ms. fr. 28514, Montmor, no 22.
526BnF, ms. fr. 28779, Plancy, no 20.
527BnF, ms. fr. 10430, no 1176.
528Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. II, no XXVII.
529AN, JJ 127, no 283.
530BnF, ms. fr. 27488, Dinteville, no 22.
531BnF, Coll. Clair. 951, 1386.
532BnF, ms. fr. 28514, Montmor, no 21 et 22.
533BnF, ms. fr. 28775, Pise, no 4.
534Cartulaire de Saint-Jean d’Orbestier, éd. Louis Prévost de La Boutetière, Poitiers, Imprimerie Oudin, 1877, p. 429-434.
535« Lettres missives originales du chartrier de Thouars, série du xve siècle », éd. Paul Marchegay, Bulletin de la Société archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, t. X, 1870-1871, p. 149-187, t. XI, 1872, p. 47-66, 107-130 et 183-225, t. XII, 1873, p. 31-74, t. XI, p. 120 et 121.
536Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, op. cit., t. II, p. 59-61.
537La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 212-214.
538Boudier André, « Charles Desmarets, corsaire dieppois, documents inédits de 1445 », Revue historique, t. 137, 1921, p. 32-48, p. 34.
539La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 70.
540Ibid., p. 111. Lettres de Louis XI…, t. III, op. cit., p. 237 et 238.
541La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 154 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 237, 241-243, 299-302, 322, 333, 334, 370, 421 et 441 ; Louis XI et l’Angleterre (1461-1483), éd. Joseph Calmette et Georges Perinelle, Paris, Auguste Picard, 1930, (Mémoires et documents publiés par la Société de l’École des Chartes, t. XI), p. 96.
542La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 165-166 ; Arcère Louis-Étienne, Histoire de la ville de La Rochelle et du Pays d’Aulnis…, op. cit., p. 294.
543Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. II, no XXVII.
544BnF, NAF 20510, no 101.
545AN, K 53B, no 69 ; dans : Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. I, no 1462.
546La Roncière Charles de, Histoire de la marine française, t. II, op. cit., p. 316.
547BnF, NAF 9241, fol. 48-86 vo. Documents relatifs au Clos des Galées de Rouen…, op. cit., t. II, no XXXII.
548Vissière Laurent, « La Gabrielle, navire des La Trémoïlle (1489-1496) », art. cité, p. 17, pièce no 5.
549Rieth Éric, « Le Clos des Galées de Rouen, lieu de construction navale à clin et à carvel (1293-1419) », in Christiane Villain-Gandossi et Salvino Busuttil (dir.), Medieval Ships and the Birth of Technological Societes, vol. I, Malte, European Coordination Centre for Research and Documentation in Social Sciences, 1989, p. 71-77 ; Rieth Éric, « Le calfatage des barges et des galées au Clos des Galées de Rouen (1293-1418) », in Furio Ciciliot (dir.), Navalia archeologia et storia, Cosseria, The International Propeller Club Port of Savona, 1996, p. 55-67.
550La conquête et les conquérants des Canaries, nouvelles recherches sur Jean IV de Béthencourt et Gadifer de La Salle, le vrai manuscrit du Canarien, éd. Pierre Margry, Paris, Leroux, 1896, p. 131 ; Bochaca Michel et Tranchant Mathias, « En toile de fond à l’expédition canarienne de Jean de Béthencourt en 1402 : la façade atlantique de la France et la place de La Rochelle au début du xve siècle », in Eduardo Aznar et al. (dir.), Le Canarien. Retrato de dos mundos. II. Contextos, La Laguna, Instituto de Estudios Canarios, 2006, p. 51-61.
551Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 300.
552Balasque Jules et Dulaurens Ernest, Études historiques sur la ville de Bayonne, op. cit., t. II, p. 73 ; Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 304-313 ; Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 56 et 57.
553Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 306 et 310. « Amiral maritime de Bayonne et capitaine des navigateurs et marins de notre dite ville. »
554Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux, op. cit., vol. I, p. 181 ; Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 56 et 57.
555Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 75.
556Ibid., p. 77.
557Ibid., p. 93.
558Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 248.
559Registre de la Jurade. Délibérations de 1406 à 1409, t. III, op. cit., p. 20, 24, 28, 29, 33, 34, 38, 39, 55, 70, 106, 111, 114, 116, 118, 121, 130, 136, 138, 139, 145, 152, 154, 161, 172, 181, 191, 192, 195, 197, 198, 201, 210, 217, 251, 262, 280, 282, 304, 307, 323, 336, 338, 346, 355, 364, 377, 378, 415 et 423 ; Registre de la Jurade. Délibérations de 1414 à 1416 et de 1420 à 1422, t. IV, 1883, p. 85, 100, 106-108, 149, 162, 172, 180, 184, 189, 192, 215, 217, 240, 242-248, 262, 272, 289, 292, 306, 308, 322, 464, 472, 486, 509, 552, 569, 597 et 614 ; Malvezin Théophile, Histoire du commerce de Bordeaux, depuis les origines jusqu’à nos jours, op. cit., 1er vol., p. 275 et 276.
560Lavaud Sandrine, « La flotte communale au service de l’effort de guerre : le cas de Bordeaux pendant la guerre de Cent Ans », in Éric Guerber et Gérard Le Bouëdec (dir.), Gens de mer. Ports et cités aux époques ancienne, médiévale et moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 55-71.
561Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 56 et 57.
562Registre de la Jurade. Délibérations de 1406 à 1409, op. cit., p. 415.
563Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 241-255.
564Cassard Jean-Christophe, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, op. cit., p. 170.
565Maître Léon, « Le budget du duché de Bretagne sous le règne de François II », Annales de Bretagne, t. V, 1889-1890, p. 293-318, p. 317.
566Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 93.
567Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 411-430.
568Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 92-94.
569Paviot Jacques, La politique navale des ducs de Bourgogne, 1384/1482, op. cit., p. 283-298.
570Ibid., p. 282.
571Sicking Louis, La naissance d’une thalassocratie…, op. cit., p. 195-204.
572Scordia Lydwine, « Le roi doit vivre du sien ». La théorie de l’impôt en France (xiiie-xve siècles), Paris, Institut d’études augustiniennes, 2005.
573« Registre de la comptablie de Bordeaux, 1482-1483 », éd. Gaston Ducaunnès-Duval, Archives historiques du département de la Gironde, t. L, 1915, p. 1-166, no 1, p. 78 ; Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux…, op. cit., p. 208-212.
574Clouzot Étienne, Les marais de la Sèvre Niortaise…, op. cit., p. 160.
575Carlier Claude, Dissertation sur l’état du commerce en France sous les rois de la première et de la seconde race, Amiens, Godart, 1753, p. 71.
576Voir supra.
577Bémont Charles, « Bordeaux en 1288 », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, vol. 20, 1927, p. 241-247 ; Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 53.
578AN, 1 AP 1973. Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 18.
579AN, 1 AP 1963, 1964 et 1976. Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 25.
580Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Loire maritime, op. cit., p. 85.
581Gallicé Alain et Trémel Philippe, « La navigation dans l’estuaire de la Loire à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 264.
582Gallicé Alain, Guérande au Moyen Âge, op. cit., p. 328.
583Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 96.
584Lejean Guillaume-Marie, Histoire politique et municipale de la ville et de la communauté de Morlaix, depuis les temps reculés jusqu’à la Révolution française, Morlaix, V. Guilmer, 1846, p. 148 et 187.
585Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, p. 84 et 85, no XXII ; Musset Lucien, « Les ports en Normandie du xie au xiiie siècle… », art. cité, p. 124, « heurtage des navires et des bateaux qui étaient chargés sur la Seine ».
586« Taxe payée pour la permission de jeter l’ancre dans le port. »
587Carpentier Vincent, « Le portus de Dives-sur-Mer, Calvados. Naissance et physionomie d’un port ducal autour de 1066 », in Anne-Lise Piétri-Lévy, John Barzman et Éric Barré (dir.), Environnements portuaires, op. cit., p. 83-95, p. 92.
588Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 363.
589Prarond Ernest, Histoire de cinq villes et de trois cents villages, hameaux ou fermes, Première partie : Abbeville et Hallencourt, Paris/Abbeville, Dumoulin/Grare, 1861, p. xiv.
590Dictionnaire historique et archéologique…, Arrondissement de Montreuil, op. cit., p. 343.
591Béthouart Bruno, Histoire de Montreuil-sur-Mer, Étaples, Le Touquet-Paris-Plage. Du Val de Canche à la Côte d’Opale, Toulouse, Privat, 2006, p. 62.
592Lennel Fernand, Histoire de Calais…, op. cit., p. 74.
593Bémont Charles (éd.), « Le coutumier de l’île d’Oléron », art. cité, p. 262 et 333.
594Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 80.
595Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 53.
596Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux…, op. cit., p. 203.
597La coutume de Royan au Moyen Âge, op. cit., p. 64-66 ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 237 et 273 ; Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 46.
598The port books or local customs accounts of Southampton for the reign of Edward IV, t. I, 1469-1471, t. II, 1477-1481, éd. D. B. Quinn, Southampton, Southampton Record Society, 1937-1938, t. I, p. viii et xvi ; t. II, p. vii et viii ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 425.
599« Registre de la comptablie de Bordeaux, 1482-1483 », art. cité, p. 63 et 78.
600Bémont Charles, « Bordeaux en 1288 », art. cité, p. 241-247 ; Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 53.
601Périsse Sébastien, « Les marais salants de la prévôté d’Hiers », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 119, no 2, 2012, p. 109-124, p. 110 et 116.
602Musset Georges, « Les ports francs, étude historique », art. cité, p. 179-225, 235-275 et 283-315, p. 250.
603AN, 1 AP 1924, fol. 33.
604AN, P 5531, no 329.
605Musset Georges, « Les ports francs, étude historique », art. cité, p. 210 et 211.
606Ibid., p. 237 et 238.
607AD 85, 1 E 1244 à 1255.
608Musset Lucien, « Les ports en Normandie du xie au xiiie siècle… », art. cité, p. 122.
609BnF, ms. fr. NAF 3386, fol. 27-33. Jean-Marie Jean, « La coutume de la prévôté de Caen.. », art. cité, p. 172.
610Souquet Gustave, Histoire des rues d’Étaples, op. cit., p. 71-76.
611Derville Alain, « Calais avant 1347… », art. cité, p. 197 et 204.
612Chavanon Jules, « Essai sur le mouvement du port de Calais de 1300 à 1346 », art. cité, p. 121.
613Curveiller Stéphane, Dunkerque : ville & port de Flandre…, op. cit., p. 117, 120 et 121.
614Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, op. cit., p. 182-186.
615Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 435.
616Lardin Philippe, « L’activité du port de Dieppe… », art. cité p. 173.
617Tieullier Guillaume, Le coustumier de la vicomté de Dieppe, op. cit., p. 44 et 45.
618Gallicé Alain et Moal Laurence, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 100.
619AN, 1 AP 1171, fol. 9 vo-10 vo. Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 24.
620AN, 1 AP 1995.
621Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 23 et 24.
622Bémont Charles (éd.), « Le coutumier de l’île d’Oléron », art. cité, p. 334, no XCVII.
623AD 85, 1 E 1250. Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 26.
624AD 85, 1 E 1244 à 1255. AN, 1 AP 1171, fol. 9 vo-10 vo.
625Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 145, p. 110 : « Van coste van den crane ende van verlettene doe menne vermaecte, ende van craneghelde van sheren ende der stede wine » ; no 173, p. 125 ; no 176, p. 129 ; no 197, p. 140 ; no 237, p. 164.
626Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., vol. 3, p. 929, 930, 936 et 940.
627Hocquet Jean-Claude, Anciens systèmes de poids et mesures en Occident, Aldershot, Variorum, 1992 ; Collectif, Mesure et histoire médiévale, actes du XLIIIe congrès de la SHMESP (Tours, 31 mai-2 juin 2012), Paris, Publications de la Sorbonne, 2013.
628Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 219-237.
629Actes du Parlement de Paris, op. cit., t. I, 1254-1299, 1863, no 2093.
630La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 88, 89 et 117 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 123.
631Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 131 et 132.
632Moranvillé Henri, « Notes de statistique douanière », art. cité, p. 573-576.
633BnF, ms. fr. 18970, fol. 27 ; ms. fr. 16906, fol. 126-126 vo. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 175 ; t. II, p. 88.
634La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 205 ; t. II, p. 88 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 388. Donnation confirmée en novembre 1461.
635La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 38.
636AN, P 1341, no 514.
637Lot Ferdinand et Fawtier Robert (dir.), Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. II, Institutions royales, Paris, Presses universitaires de France, 1958, p. 161.
638Magnou-Nortier Élisabeth, Aux origines de la fiscalité moderne. Le système fiscal et sa gestion dans le royaume des Francs, Genève, Droz, 2012, p. 452-454 et 559-561 ; Kerhervé Jean, Contamine Philippe et Rigaudière Albert (dir.), L’impôt au Moyen Âge. L’impôt public et le prélèvement seigneurial, fin xiie-début xvie siècle, actes du colloque tenu à Bercy les 14, 15 et 16 juin 2000, 3 vol., Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002 ; Kerhervé Jean, Contamine Philippe et Rigaudière Albert (dir.), Monnaie, fiscalité et finances au temps de Philippe le bel, Jean Kerhervé, actes de la journée d’étude du 14 mai 2007, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002.
639C’est ce qu’on constate, par exemple, à la lecture des travaux pourtant très détaillés relatifs au littoral poitevin : Sarrazin Jean-Luc, « Le littoral poitevin (xie-xiiie siècle)… », art. cité, p. 24, 118 et 122 ; Jeanne-Rose Olivier, « Ports, marchands et marchandises… », art. cité.
640Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 142 et 264.
641Ibid., p. 414.
642Trabut-Cussac Jean-Paul, « Les coutumes ou droits de douanes perçus à Bordeaux sur les vins et les marchandises par l’administration anglaise de 1252 à 1307 », Annales du Midi, t. 62, no 10, 1950, p. 135-150 ; Higounet Charles, « Géographie des péages de la Garonne et de ses affluents au Moyen Âge », Journal des savants, no 1-2, 1978, p. 105-130 ; Higounet Charles, « Un mémoire sur les péages de la Garonne au début du xive siècle », Annales du Midi, 1948-1949, p. 320-324 ; Bochaca Michel, La Banlieue de Bordeaux…, op. cit., p. 21 ; Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux…, op. cit., p. 197-208 ; La coutume de Royan au Moyen Âge, op. cit., p. 378 et 379.
643« Registre de la comptablie de Bordeaux, 1482-1483 », art. cité, p. 34.
644Ibid., p. 63.
645Ibid., p. 78.
646Malvezin Théophile, Histoire du commerce de Bordeaux…, op. cit., vol. 1, p. 280.
647Guinodie Raymond, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement, op. cit., t. I, p. 35, 61 et 71.
648Périsse Sébastien, Les campagnes littorales saintongeaises…, op. cit., p. 336.
649La coutume de Royan au Moyen Âge, op. cit., p. 378-388.
650AN, P 5531, no 329.
651AN, 1 AP 181, fol. 59-63 (1484) ; 1 AP 1999 (1408-1410). BnF, ms. fr. 20499, fol. 20-24 (1479).
652AN, P 1341, no 514.
653La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 20 et 21. Médiathèque de La Rochelle, ms. 78, A XV.
654BnF, NAF 21696, no 25.
655Médiathèque de La Rochelle, ms. 762, fol. 37.
656Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 209.
657AD 44, E 19, no 10.
658BnF, ms. fr. 18970, fol. 47 vo-48 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 337 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 86. L’exonération fut réaffirmée en novembre 1461.
659Médiathèque de La Rochelle, ms. 762, fol. 38 vo.
660Ibid., fol. 37.
661AD 85, 1 E 1244-1250, 1252-1255.
662AN, 1 AP 1977-1979, 1980-1988, 1990. AD 85, 1 E 1244-1250, 1252-1255.
663AN, 1 AP 1973 ; Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 18.
664Mantellier Philippe, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire, op. cit., t. I, p. 38-71 ; Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit. ; Jean-Marie Laurence, Le prince, la Normandie et la mer (milieu du xiie-1204), op. cit., p. 489-516 ; Jean-Marie Laurence, « Un espace de prélèvement des coutumes sur le commerce : ville, banlieue et prévôté de Caen », Le Moyen Âge, t. CXX-1, 2014, p. 95-122 ; Lardin Philippe, « L’activité du port de Dieppe… », art. cité, p. 171-182 ; Curveiller Stéphane, Dunkerque : ville et port de Flandre…, op. cit., p. 110-122.
665BnF, Coll. Clair. 963, no 5 et 6.
666Guenée Bernard, L’Occident aux xive et xve siècles : les États, Paris, Presses universitaires de France, 1971, 1991 (4e éd.), p. 170 ; Touchard Henri, « Les exportations françaises vers 1330… », art. cité, p. 119 et 120 ; Moranvillé Henri, « Notes de statistique douanière sous Philippe VI de Valois », art. cité, p. 573.
667Dupont-Ferrier Gustave, Les institutions financières de la France à la fin du Moyen Âge, Tome second, Les finances extraordinaires et leur mécanisme, Paris, Firmin-Didot et Cie, 1932, p. 143-161.
668Dareste Antoine-Cléophas, « Traites et droits de douane dans l’ancienne France », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. VIII, 1847, p. 465-478, p. 465-468.
669Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. II, op. cit., p. 206. Le terme « rêve » est un substantif tiré du verbe rogare. Il fait référence à la demande (ou prière) formulée par les marchands au roi afin qu’il les autorise à exporter.
670Ibid., p. 206.
671La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 230, t. II, p. 41, 42 et 44. Les perceptions de dix sous par tonneau et quatre deniers pour livre furent confirmées ensemble par Charles VI en 1385 et 1421 et Charles VII en 1423.
672La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 138.
673Favreau Robert, « Comptes de la sénéchaussée de Saintonge (1360-1362) », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. CXVII, 1959, p. 73-88, p. 84, n. 3. Le « droit de rêve » fut rétabli avant 1339 : Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. II, op. cit., p. 206. Les Annales de La Rochelle signalent que par lettres du 20 novembre 1337, Philippe VI fit lever, avec l’accord de l’échevinage, une nouvelle imposition. Peut-être s’agissait-il du rétablissement des 4 deniers pour livre ? La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 145.
674BnF, ms. fr. 20584, no 4.
675BnF, ms. fr. 27319, Condat (21/02/1343). Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. II, op. cit., p. 260 et 261.
676Aunis, Saintonge et Angoumois…, op. cit., p. 33 et 34, pièces no 12 (20/07/1361) et no 13 (22/11/1361), p. 157. Durant la période de suspension de 1360, des cautions furent demandés aux marchands dans l’attente de la décision du roi d’Angleterre au sujet du « droit de rêve ».
677Aunis, Saintonge et Angoumois…, op. cit., p. 94, 119 et 135-138.
678AD 44, E 19, no 10. Médiathèque de La Rochelle, ms. 2474, no 10.
679BnF, NAF 21696, no 25.
680Trocmé Étienne et Delafosse Marcel, Le commerce rochelais…, op. cit., p. 26.
681Aunis, Saintonge et Angoumois…, op. cit., p. 136 et 137.
682Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 209.
683Ibid., p. 231 ; AD 44, E 19, no 10. Médiathèque de La Rochelle, ms. 499, fol. 15. BnF, ms. fr. 18970, fol. 47 vo-48.
684Fernández Luís Suárez, Navegación y comercio en el golfo de Vizcaya. Un estudio sobre la política marinera de la Casa de Trastámara, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1959, pièce justificative no XXIII.
685AD 44, E 19, no 18.
686Trocmé Étienne et Delafosse Marcel, Le commerce rochelais…, op. cit., p. 25 et 26.
687Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 138. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 138.
688La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 164.
689Aunis, Saintonge et Angoumois…, op. cit., p. 94, 119 et 135-138.
690AD 44, E 19, no 18.
691La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 100.
692Boy Jean-Claude, L’administration des douanes en France sous l’Ancien Régime, Neuilly-sur-Seine, Association pour l’histoire de l’administration des douanes, 1976, p. 10-19.
693BnF, ms. fr. 18970, fol. 97.
694La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 151 et 152.
695Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 288. AD 44, E 19, no 10.
696La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 86.
697BnF, NAF 21696, no 25 ; ms. fr. 23925, fol. 201-205 ; ms. fr. 18970, fol. 97-100 vo, 105-107, 109-111 vo, 113-115 vo, 117, 118, 126-129, 145, 146 vo, 147-150 vo, 151-153, 155 vo, 157, 158 vo, 159-161 vo ; AD 44, E 19, no 9, 10-13, 15 et 18.
698Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 298 et 304.
699La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 48, 59, 89, 90, 98, 109, 126, 127, 133, 134, 136, 137, 148, 151, 152, 162 et 168-170 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 316.
700La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 65.
701Ibid., t. II, p. 126, 127, 151, 152, 164 et 168-170.
702Moranvillé Henri, « Notes de statistique douanière », art. cité, p. 573-576.
703La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 126 et 127.
704Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 427.
705Ibid., p. 330.
706Ibid., p. 358 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 109.
707BnF, ms. fr. 23915, fol. 201-205 et 206-206 vo.
708BnF, PO 2016, dossier 46234, pièce 11 ; Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 42 et 43.
709AN, JJ 204, no 107, fol. 64 vo. Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. XVII, éd. Claude-Emmanuel Joseph-Pierre Pastoret, Paris, Imprimerie royale, 1820, p. 556 et 557 ; La Boutetière Louis de, « Ordonnance de Louis XI pour les Sables-d’Olonne et son voyage en Bas-Poitou en 1472 », Annuaire de la Société d’émulation de la Vendée, t. X, 1880, p. 79-90 ; Recueil de documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, 1465-1474, éd. Paul Guérin, Poitiers, Imprimerie Oudin, 1909 (Archives historiques du Poitou, t. XXXVIII), no MDXXXIX, p. 436-440 ; Mémoires de Philippe de Commynes, t. III, éd. Émilie Dupont, Paris, J. Renouard, 1840-1847, p. 33-37 et 59 ; Tranchant Mathias, Les origines des Sables-d’Olonne…, op. cit., p. 119-128.
710Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 457-460.
711Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux, op. cit., p. 198 et 199 ; Guinodie Raymond, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement, op. cit., t. I, p. 53.
712« Registre de la comptablie de Bordeaux, 1482-1483 », art. cité, p. 1-5, 54-62, 65, 66 et 78.
713Cette taxe semble avoir été abolie temporairement par Louis XI à Libourne en 1462 ; Bochaca Michel, « Libourne et le commerce du sel… », art. cité, p. 237.
714Guinodie Raymond, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement, op. cit., t. I, p. 98.
715« Registre de la comptablie de Bordeaux, 1482-1483 », art. cité, p. 62, 63, 141 et 142.
716Bochaca Michel, « Libourne et le commerce du sel… », art. cité, p. 237.
717Bochaca Michel, « La fiscalité municipale en Bordelais à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 87 et 88.
718Higounet Charles, « Géographie des péages de la Garonne et de ses affluents au Moyen Âge », art. cité, carte p. 128 et 129.
719Guinodie Raymond, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement, op. cit., t. I, p. 77.
720Garcie Pierre, Le grant routtier et pyllotage et encrage de la mer…, op. cit., p. 35.
721AN, JJ 77, no 80. Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 209.
722AN, JJ 77, no 80. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 155 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 150 et 151.
723AN, X1C 4, no 200.
724Aunis, Saintonge et Angoumois, op. cit., p. 118 et 119.
725AN, JJ 162, no 87. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 199.
726BnF, ms. fr. 23915, fol. 202 vo ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 275 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 34 et 92.
727BnF, ms. fr. 23913, fol. 200 vo.
728Ibid., fol. 48 vo.
729BnF, ms. fr. 23915, fol. 201-205.
730AN, JJ 188, no 194.
731AD 44, B 2971 ; Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit., p. 662-666.
732BnF, ms. fr. 18970, fol. 28 vo.
733Ibid., fol. 49 vo ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 13.
734BnF, ms. fr. 23915, fol. 201-205.
735Ibid., fol. 206-206 vo.
736AN, X1A 34, no 336 ; X1C 59, no 67 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 229, 230 et 242-244.
737Cartulaire de l’ancien grand tonlieu de Bruges…, op. cit.
738Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 147-153.
739AD 44, E 89/4.
740AD 44, E 129/5.
741Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit., p. 457-459, 668 et 669 ; Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 147-153.
742Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit., p. 670 et 671.
743Ibid., p. 659-662.
744Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 257-262 ; Tranchant Mathias, « Échanges et concurrences entre Nantes et La Rochelle à la fin du Moyen Âge », in Frédéric Chauvaud et Jacques Péret (dir.), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 51-56 ; Gallicé Alain et Moal Laurence, « Nantes et le commerce maritime à la fin du Moyen Âge : essai de réinterprétation », Bulletin de la Société d’archéologie et d’histoire de Bretagne, t. XCII, 2014, p 33-52, p. 44-49 ; Moal Laurence, « Le rétablissement de la bourse d’Espagne à Nantes par le roi de France en 1493 », Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, t. 145, 2010, p. 127-152 ; Moal Laurence, « Les Castillans à Nantes aux xve et xvie siècles. Négoce et notabilité », in Cédric Quertier, Roxane Chilà et Nicolas Pluchot (dir.), « Arriver » en ville. Les migrants en milieu urbain au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 261-281.
745Pérez-Embid Florentino, « Las escalas ibericas del Mediterraneo al Mar del Norte (siglos XIII al XVI) », in Les grandes escales, Actes du xe colloque international d’histoire maritime (Bruxelles, octobre 1968), t. I, Bruxelles, Éditions de la Librairie encyclopédique, 1972-1974, p. 265-290, p. 285 et 286. L’auteur indique, comme point de départ des privilèges castillans à La Rochelle, la date de 1339, comme pour Harfleur. Et en 1366, Édouard III les confirma, à La Rochelle et à Rouen.
746Suárez Fernández Luis, Navegación y comercio en el golfo de Vizcaya…, op. cit., p. 14 et 15 ; Menéndez Pidal Ramón (dir.), Historia de España, t. XIV, Madrid, Espasa-Calpe, 1966, p. 79 ; Aunis, Saintonge et Angoumois…, op. cit., p. 32.
747Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 17 ; Recueil général des anciennes lois françaises, op. cit., t. IV, no 97 ; ibid., t. V, no 363.
748Delafosse Marcel (dir.), Histoire de La Rochelle, Toulouse, Privat, 1985, p. 66.
749Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 275 ; La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 38.
750Archives municipales de Nantes, AA 2, no 1 ; Privilèges accordés par les ducs de Bretagne et les rois de France aux bourgeois, habitants, maires et échevins de la ville de Nantes, éd. Stéphane de La Nicollière, Nantes, Société des bibliophiles bretons, 1883, no XII, p. 20-22.
751Archives municipales de Nantes, AA 2, no 6. AD 17, C 700, doc. 81 ; Privilèges accordés par les ducs de Bretagne, op. cit., no XV, p. 29-37 ; Mollat Michel, « La draperie normande », in Marco Spallanzani (dir.), Produzione, commercio e consumo dei panni di lana : nei secoli xii-xviii, Atti della seconda settimana di studio [dell’] Istituto internazionale di storia economica F. Datini (Prato, 10-16 aprile 1970), Finenze, L.S. Olschki, 1976, p. 403-421, p. 413.
752Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. XIII, éd. Louis-Guillaume de Vilevault, Paris, Imprimerie royale, 1782, no 44 et 209 ; Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 43.
753Suárez Fernández Luis, Navegación y comercio en el golfo de Vizcaya…, op. cit., p. 102 ; Lettres et mandements de Jean V…, op. cit., no 1896 et 2202 ; Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 275 et 276, n. 2 ; AD 44, E 124, no 11.
754AD 44, E 124, no 11.
755AD 44, E 124, no 13 ; Archives municipales de Nantes, CC 240, fol. 288 ; Suárez Fernández Luis, Navegación y comercio en el golfo de Vizcaya…, op. cit., p. 119-120.
756Suárez Fernández Luis, Navegación y comercio en el golfo de Vizcaya…, op. cit., no XL.
757Barbot Amos, Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 351 ; Médiathèque de La Rochelle, ms. 78. La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. II, p. 98.
758Documentos relativos a España existentes en los archivos nacionales de París: catalogo y extractos de más de 2 000 documentos de los años 1276 a 1844, éd. Julián Paz, Madrid, Instituto de Valencia de Don Juan, 1934, no 578.
759Médiathèque de La Rochelle, ms. 45-46, p. 709. Archives municipales de Nantes, HH 188, no 1.
760Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 940, fol. 238.
761Archivo General de Simancas, Reg. del Sello, 30/12/1497.
762AN, 1 AP 567, octobre 1441.
763Sur l’affaire Bastondu, voir AN, X1A 8321, fol. 328, 6 avril 1492 ; X1A 8321, fol. 331 vo-333, 10 avril 1492 (Dumas Auguste, Étude sur le jugement des prises maritimes en France jusqu’à la suppression de l’office d’amiral [1627], Paris, Émile Larose, 1908, p. 283-305, p. j. no V) ; X1A 9319, no 87, 9 août 1488 (Lettres de Charles VIII, roi de France, publiées d’après les originaux pour la Société de l’histoire de France, t. II, 1488-1489, éd. Paul Pélicier, Paris, Renouard, 1900, p. 202 et 203) ; X1A 8321, fol. 197v, 29 juillet 1491. Sur l’affaire Bernard Maige, voir AN, X1A 4811, fol. 309, 6 mars 1470 ; X1A 103, fol. 148 vo-150 vo, 26 mai 1470 ; X1A 104, fol. 307 vo-308, 16 mars 1471.
764Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 115 et 116.
765Gallicé Alain et Moal Laurence, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 99-104 ; Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 118-142 ; Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit., p. 673-681 ; Touchard Henri, « Les brefs de Bretagne… », Revue d’histoire économique et sociale, t. XXXIV, 1956, p. 116-140 ; Pocquet du Haut-Jussé Barthélémy-Amédée, « L’origine des brefs de sauveté », Annales de Bretagne, t. 66, 1959, p. 255-262 ; Nouailhat Yves-Henri, « Les revenus des seigneurs de Rays au Moyen Âge », Revue du Bas-Poitou et des provinces de l’Ouest, 75e année, 1964, p. 114-126, p. 125 ; Maitre Léon, « Les congés des ducs de Bretagne », Revue de Bretagne et de Vendée, 1871, p. 267-277.
766Morice Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves…, op. cit., t. II, col. 475.
767La très ancienne coutume de Bretagne, avec les assises, constitutions de parlement et ordonnances ducales, suivies d’un recueil de textes divers antérieurs à 1491, éd. Marcel Planiol, Rennes, J. Plihon et L. Hervé, 1896, p. 465-468.
768Gallicé Alain et Moal Laurence, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 84-90.
769La très ancienne coutume de Bretagne…, op. cit., p. 466-468.
770Touchard Henri, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 137 ; Kerhervé Jean, « Le vin et l’impôt public en Bretagne aux xive et xve siècles », Cahiers de Bretagne occidentale, t. VI, 1987, p. 186-205, p. 189 et 190.
771Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit., p. 676 et 677.
772Gallicé Alain et Moal Laurence, « Les brefs de Bretagne… », art. cité, p. 97-99.
773Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 190-192.
774Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 273-289.
775Ibid., p. 257-265.
776Malvezin Théophile, Histoire du commerce de Bordeaux…, op. cit., vol. 1, p. 279 et 324.
777Gouron Marcel, L’Amirauté de Guienne…, op. cit., p. 97-102, 195 et 365.
778Voir sur ce sujet l’étude récente d’Alain Gallicé et Laurence Moal, « Le convoi de la mer breton (1372-1559) : une stratégie de mutualisation des risques ? », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 120, no 2, « Face aux risques maritimes. La pluriactivité et la mutualisation comme stratégies individuelles et collectives (xiiie-xviiie siècle) », Tranchant Mathias (dir.), 2013, p. 153-178. Consulter aussi : Darsel Joachim, « La protection des flottes du vin au Moyen Âge dans la Manche et dans l’Atlantique », Bulletin philologique et historique, 1958, p. 185-195 ; Bagot Fernand, « Le trafic maritime breton et sa protection sous Henri II : le “convoi de la mer” et les états de Bretagne », Bulletin philologique et historique, 1968, p. 819-827.
779BnF, NAF 10251, fol. 9, § 18.
780Russon Marc, Les côtes guerrières…, op. cit., p. 265.
781Tranchant Mathias et Hamel Sébastien, « Le déploiement de l’Amirauté de France à La Rochelle à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 41 et 42.
782Kerhervé Jean, L’État breton aux 14e et 15e siècles…, op. cit., p. 681-686 ; Le Bouëdec Gérard (dir.), L’Amirauté en Bretagne, des origines à la fin du xviiie siècle…, op. cit., p. 142-147.
783Paviot Jacques, La politique navale…, op. cit., p. 201-213.
784Ordonnances des rois de France de la troisième race, t. XII, éd. Louis-Guillaume de Vilevault, Paris, Imprimerie royale, 1777, p. 131-136.
785Ordonnances des rois de France de la troisième race, op. cit., t. II (1327-1355), p. 36 et 39 ; t. III (1355-1364), p. 150, 180, 181, 201, 225, 240, 241, 255-257, 336, 337 et 463-465 ; t. IV (1364-1366), p. 180, 189, 203, 272 et 273 ; t. V (1367-1373), p. 69, 89, 90, 146, 190 et 483, t. VI (1374-1382), p. 467-469 ; t. VII (1383-1394), p. 328-332, 464 et 701 ; t. VIII (1395-1403), p. 59, 69, 123, 183, 288, 293, 296, 473, 537, 539 et 545 ; t. IX (1404-1411), p. 60, 110, 247, 338, 349 et 372 ; t. XII (suppl. 1187-1402), p. 131-133, 140-142, 148, 152, 153, 155 et 156 ; t. XVI (1463-1467), p. XCIII-XCVII ; t. XVII (1467-1473), p. XXIV.
786Dupont-Ferrier Gustave, Les institutions financières de la France à la fin du Moyen Âge, t. II, op. cit., p. 148 et 149.
787Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 137, 256 et 278.
788Porcher Kévin, De la vigne au chai…, op. cit., p. 304 et 305 ; Michel Francisque, Histoire du commerce et de la navigation à Bordeaux, op. cit., p. 193-197.
789Bochaca Michel, La Banlieue de Bordeaux…, op. cit., p. 21.
790Bochaca Michel, « Les “gens de mer”… », art. cité, p. 57-62.
791Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 146-149.
792Russon Marc, « L’Aber-Warc’h et les terroirs littoraux environnants : portrait d’une société maritime bretonne à la fin du Moyen Âge », Kreiz, no 2, « Études sur la Bretagne et les pays celtiques », Milin Gaël et Galliou Patrick (dir.), Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 1994, p. 259-277, p. 271-273.
793Morice Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves…, op. cit., t. I, col. 1375 et 1376.
794BnF, NAF 3386, fol. 27-33. Jean-Marie Laurence, « “La coutume de la prévôté de Caen”… », art. cité, p. 171.
795Lardin Philippe, « L’activité du port de Dieppe… », art. cité, p. 173.
796Tieullier Guillaume, Le coustumier de la vicomté de Dieppe, op. cit., p. xx-xxii.
797Darsel Joachim, « L’Amirauté en Normandie. III. – Amirauté de Fécamp », art. cité, p. 85 et 86.
798Fréville Ernest de, Mémoire sur le commerce maritime de Rouen…, op. cit., t. II, no LXXI, p. 312-343 ; Darsel Joachim, « L’Amirauté en Normandie. VI. – Amirauté de Rouen (1re partie) », art. cité, p. 47 et 48.
799Curveiller Stéphane, Dunkerque : ville et port de Flandre…, op. cit., p. 110.
800Derville Alain, « Calais avant 1347… », art. cité, p. 193-196.
801Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 284, p. 214.

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2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008