Chapitre II. La mise en place du semi portuaire de la France atlantique
p. 63-108
Texte intégral
1Chaque territoire portuaire est une construction. C’est le produit unique d’un rapport complexe entre trois éléments essentiels : des besoins navals et économiques, un environnement littoral et des capacités technologiques pour l’aménager. En dressant le tableau géohistorique des ports maritimes de la France atlantique, nous avons tenté, autant que possible, de décrire cas par cas la trajectoire de chacun d’eux au cours des xie-xve siècles. À partir de nos trois critères de définition ainsi que de cet ensemble d’informations, essayons désormais de mettre en évidence les lignes de force qui charpentent la mise en place de ce semi portuaire1.
L’aptitude inégale des littoraux à accueillir des ports
2Puisque chaque mot a son importance, commençons par nous accorder sur ce qu’il convient d’examiner comme étant littoral. Historiens et géographes ont proposé plusieurs critères pour définir cette notion, le terme lui-même n’apparaissant qu’au xviiie siècle2. Ils ont souvent représenté la côte comme une limite de séparation, une ligne duale entre la terre et la mer, une frontière physique et politique. C’est aussi sous cet angle que les rédacteurs du Moyen Âge évoquaient la bordure maritime. Les textes la désignaient par des expressions telles que « les limites et mectes du royaume de France touchant à la mer, la frontière de mer, la coste de la mer ou la falaise de mer3 ». Cependant, comme la plupart des frontières à cette époque, la lisière côtière n’était pas parfaitement bornée et sa représentation demeurait souvent assez floue et subjective. L’acception classique a été enrichie ensuite par d’autres considérations géographiques. Désormais, le littoral n’est plus seulement envisagé sous l’aspect d’un trait de côte mais il apparaît aussi avec de la profondeur, comme une zone de contact et d’interface plus ou moins étendue, constamment remaniée par les actions marines. Les scientifiques ont cherché à reconstituer son épaisseur au moyen de critères physiques objectifs : le marnage, la salinité, le bouchon vaseux, la turbidité, le climat. Cette approche est très répandue dans les travaux relatifs aux marais. On y décompose leur morphologie selon des bandes successives comprises depuis l’isohypse des sols marins toujours immergés jusqu’à celle des terres toujours émergées : la slikke (estran), le schorre, le polder, le marais mouillé. N’ignorant pas la dimension anthropique de l’objet littoral, les géographes l’ont également défini comme un territoire où s’exercent les activités humaines liées à la mer ainsi que les conflits d’intérêts inhérents à leur développement. Au final, alors qu’il désignait une démarcation de prime abord évidente – la bordure continentale –, le littoral s’avère une notion très complexe, siège de composants dynamiques qui interfèrent entre eux et qu’il est très difficile d’inscrire précisément dans l’espace. Aucun de ces éléments n’étant frappé d’anachronisme, nous pouvons tous les convoquer pour les besoins de notre analyse.
3Des qualités environnementales propres à chaque secteur côtier dépendait en grande partie l’intensité de la vie maritime qui s’y développait. Aujourd’hui comme hier, les littoraux français du golfe de Gascogne, de la Manche et de la mer du Nord se distinguent par leur étonnante variété, qui tranche avec le caractère plus uniforme des côtes des anciens Pays-Bas, ou de l’Espagne atlantique par exemple. Brossons-en un portrait général. Si on additionne les données fournies par l’IGN, corrigées, selon la méthode de suppression des courbes superflues d’une part, en tentant de retrouver l’ancienne ligne de côte d’autre part, l’étendue de la frange côtière que nous étudions s’étire sur environ 5 485 km, en y incluant les îles les plus importantes. Du point de vue de leurs caractéristiques géologiques et morphologiques, ces littoraux s’ordonnent selon trois types : les formations dunaires de sables et de galets couvrent environ 40 % des rivages, les franges rocheuses 30 %, les marais littoraux et des basses vallées fluviales 30 % également (fig. 3). Par ailleurs, rapportée à l’organisation politique des côtes atlantiques françaises – selon le tracé des principautés territoriales du royaume de France, desquelles nous avons extrait les rives des trois grands fleuves (la Gironde, la Loire et la Seine) – cette typologie se répartit de façon très inégale. Quand les côtes de l’ancien comté du Poitou (Bas-Poitou, Aunis, Saintonge) comportaient dans des proportions voisines ces trois catégories de littoraux, les côtes du duché de Guyenne ou bien celles du comté de Flandres étaient assez monotypes4.
Figure 3. – La variété morphologique et géologique des littoraux français.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
4Pour évaluer dans quelle mesure cette typologie morphologique et géologique des littoraux français a joué un rôle dans l’établissement des ports au Moyen Âge, il faut considérer simultanément l’ensemble de la chaîne logistique du transport qui fixait les attendus et les contraintes adressées aux environnements côtiers. Aujourd’hui, il est possible d’assurer la connectivité entre les ports et l’arrière-pays au moyen d’un réseau routier et ferroviaire étendu et ramifié, capable d’écouler en profondeur des flux de marchandises très abondants. De ce fait, les infrastructures portuaires sont déployées le long de bassins en front de mer, au sein de criques, d’abers, de rades ou d’estuaires, c’est-à-dire de vastes espaces aux eaux suffisamment profondes et accessibles pour que soit établie toute une batterie de moyens propres à accueillir, charger et décharger des navires toujours plus contenants. Or, avant que la révolution industrielle n’ait fait son œuvre, c’est par les fleuves et les rivières que beaucoup de denrées transitaient dans les terres, surtout lorsqu’elles étaient pondéreuses ou qu’elles devaient parcourir de longues distances. Pour des populations au modeste bagage technologique et encore très soumises à leur environnement naturel, qui restaient dépendantes des faibles capacités et de la lenteur du transport routier, la proximité d’une voie navigable représentait une chance majeure. En ce sens, la « perméabilité littorale5 » jouait un rôle important dans le choix d’installation des ports6. Qu’entendons-nous par-là ? Au Moyen Âge, chaque site portuaire devait, autant que possible, non seulement assurer un abri aux navires et une connexion avec le réseau terrestre immédiat, mais aussi participer à la jonction entre la voie maritime et la voie fluviale. Plus une côte était pénétrée par les eaux marines relayées elles-mêmes par les eaux douces d’amont, plus la mer entrait en contact avec les ramifications d’un bassin-versant, plus elle donnait accès à son arrière-pays, et plus les hommes étaient susceptibles d’employer ses capillaires et ses artères, du simple étier à l’estuaire du fleuve majestueux. Ainsi, le littoral fait figure d’espace transitionnel dont l’étendue et l’ouverture à la mer variaient selon sa configuration, sa géologie et sa morphologie. À l’image d’une paroi cellulaire dont la porosité qualifie sa capacité à absorber des fluides et à être traversée par eux, il constituait une sorte de membrane continentale d’épaisseur variable, dont le degré de perméabilité conditionnait les échanges par voies d’eau.
5Appliquée aux rivages dont nous venons de brosser le portrait, cette conception trouve tout son sens. Il existe en effet des littoraux relativement ou totalement étanches aux échanges maritimes. C’est le cas en particulier pour deux types géomorphologiques : les côtes rocheuses et les côtes dunaires. Les premières présentent plusieurs profils, plus ou moins handicapants. Les falaises du pays de Caux et du Boulonnais, dont les parois abruptes mesurent entre 40 et 130 m, imposent une séparation nette entre la terre et la mer. Sur la trentaine de kilomètres de littoral artésien, où la roche calcaire entre directement en contact avec la Manche, il n’est pas permis à cette dernière d’infiltrer le continent. Seuls quelques cours d’eau littoraux (la Slack, la Manchue, le Châtelet, l’Herlen et les Nains) viennent rompre la monotonie du trait de côte, mais le relief pentu sur lequel ils s’écoulent oblige au confinement. Les falaises crayeuses du plateau cauchois présentent les mêmes caractéristiques. Longues d’environ 130 km, elles sont rythmées par une quarantaine de vallons reclus sur la côte. S’ils peuvent offrir un abri maritime, la plupart sont d’accès difficile par la terre ; et aucun n’est navigable au-delà des quelques dizaines de mètres voire, comme pour la Valmont, l’Arques et la Bresle, des quelques kilomètres qui prolongent leur estuaire. Le promontoire breton n’est guère plus ouvert sur l’océan qu’il affronte plus qu’il n’accueille. Ses innombrables indentations sont rarement avantageuses. Elles sont tyrannisées par l’Atlantique et isolées par l’Armorique, le premier leur infligeant le vent et la houle, la seconde les rejetant par sa morphologie abrupte et imposante. En réalité, les mouillages sont rares au regard du nombre de brèches proposées. C’est le cas le long des 150 km de côtes qui bordent le Léon. En Cornouaille, depuis l’estuaire du Ty An Taro jusqu’à celui du Goyen, la cinquantaine de kilomètres de littoral n’est qu’une succession de falaises granitiques inaccessibles, dont les quelques criques servent de déversoirs aux éboulis du massif. Il n’y a guère que les abers – et encore ne sont-ils pas tous hospitaliers – qui tempèrent un peu la mer et ouvrent tant bien que mal sur l’arrière-pays. Mais il n’est pas question de compter sur eux pour poursuivre en amont quelque navigation. Avec un peu moins de dureté, les grès, les calcaires et les schistes que les Pyrénées rejettent en plongeant dans le golfe de Gascogne, dessinent des rivages assez retors. Au total, modérées de nuances bien entendu, les 1 200 km de côtes rocheuses qui ponctuent le littoral ponantais s’avèrent très étanches à la progression maritime vers le continent.
6Les cordons sableux ne sont pas moins hermétiques. Il n’est que de penser à la bordure aquitaine pour le vérifier. Elle forme un véritable massif de dunes hautes (jusqu’à 65 m de haut) et épaisses (un à dix kilomètres de large), alignées selon quatre ou cinq vagues successives. La barrière qu’elle constitue est si solide et impénétrable que les eaux douces provenant des terres plus reculées s’accumulent à leurs pieds et s’associent dans des lacs, des étangs et des marais. Ils sont une quarantaine aujourd’hui qui s’égrènent derrière le bourrelet landais. Reliés les uns aux autres par des cours qui serpentent en contrebas, parallèlement aux dunes, ils s’évacuent ensuite dans la mer en creusant de petits fleuves, appelés aussi courants en pays de Born et du Marensin. Ils ne sont que quatre – ceux de Mimizan, de Contis, du Huchet et de Soustons – à traverser ainsi la montagne de sable pour rejoindre le golfe de Gascogne. Ils complètent le dispositif hydrographique borné par l’embouchure de l’Adour au sud et celle du bassin d’Arcachon au nord, et dans lesquelles se jettent aussi les eaux des étangs voisins. La mer n’a donc droit en tout et pour tout, le long de ces quelque 260 km de côtes sableuses, qu’à six points d’accès directement balayés par la houle. Et ces cours ne conduisent, en dehors de l’Adour par lequel il est possible d’accéder à un vaste hinterland, qu’à un arrière-pays extrêmement reclus et pauvre. Ces dispositions littorales, sauvages, dangereuses et stériles, trouvent d’autres exemples en Bas-Poitou, en baie d’Audierne ou sur la façade occidentale du Cotentin, mais selon des dimensions plus modestes. L’étanchéité littorale y est donc moins affirmée.
7La mer s’instille plus facilement lorsque les cordons littoraux offrent moins de résistance, comme le long des bordures picardes, artésiennes et flamandes. Dans ces derniers cas, les transgressions flandriennes ont constitué des flèches faites de galets d’abord (les pouliers) et de sable ensuite. Leurs dimensions n’ont cependant rien de comparable avec celles des dunes aquitaines, ce qui autorise les fleuves venant des plateaux d’amont – de simples ruisseaux parfois – à se frayer un passage vers la Manche et la mer du Nord. De la baie de Somme jusqu’à la baie du Zwin, c’est-à-dire sur environ 170 km de côte, on dénombre neuf estuaires et chenaux qui échancrent ainsi les bourrelets sableux. Ici, l’imbrication entre la terre et la mer est rendue plus forte, d’autant qu’au Moyen Âge le littoral était encore très ouvert aux submersions marines. En dehors de la Somme, ces cours d’eau ne pénètrent guère le continent, mais les pays alentour étaient riches et prospères, ce qui ne rendait pas leur petite taille rédhibitoire.
8La perméabilité littorale est plus marquée encore lorsque les côtes basses n’ont pas été fermées par des cordons sableux. C’est le cas notamment d’une large partie des rivages compris entre la Loire et de la Gironde. Ici, les îles brisent le travail de la houle qui ne peut rejeter son sable que sur les bordures insulaires exposées à ses assauts. L’océan, adoucit et débarrassé de ses sédiments les plus lourds, peut se répandre dans les vastes baies qui lui sont ouvertes sans obstacle particulier, si ce n’est le limon porté par les eaux pluviales du haut-pays, qu’il rejette sur l’estran par l’action répétée de la marée. En ces circonstances singulières, le littoral est tout entier envahit par la mer qui s’infiltre partout, par le moindre étier, dans chaque anfractuosité du bâti sédimentaire. Si par bonheur la roche est tendre et qu’elle affleure sans trop dominer les eaux, elle se laisse découper en dentelle dont les festons procurent autant d’abris et de mouillages potentiels. En Aunis et Saintonge, la chance a voulu que deux bassins versants de taille respectable trouvent leur débouché dans la mer des Pertuis. La Sèvre et la Charente s’offrent ainsi à l’onde marine qui peut remonter leurs cours jusqu’aux abords de Niort pour la première, jusqu’à 82 km pour la seconde.
9L’océan se fait connaître plus profondément encore dans le continent par les trois grands fleuves que compte la France occidentale. S’il est vrai que leurs embouchures ne sont pas des sinécures pour les marins qui les empruntent, l’étendue et la navigabilité de leurs cours font sentir l’influence et l’utilité marine jusqu’au cœur du territoire français. Le domaine tidal – l’espace sur lequel s’exercent les pulsations du niveau de l’eau de mer – peut s’étendre sur plus de 170 km dans la Seine, 90 km dans la Loire, 160 km dans la Garonne et la Dordogne à partir de l’embouchure de la Gironde. Ainsi, la paroi littorale est comme traversée, transpercée par ces fleuves, au point qu’il est bien difficile de distinguer sur leur parcours ce qui relève du maritime et du continental. Il faut cependant être prudent. Tous les ports installés sur leurs berges ne peuvent pas être qualifiés de littoraux. Cette question était d’ailleurs assez bien réglée par les réglementations fluviales au Moyen Âge. Typiquement, dans les cas de la Seine, de la Loire et de la Garonne, n’étaient intégrées au domaine maritime que les sections situées en aval des cités qui les verrouillaient, c’est-à-dire Rouen, Nantes et Bordeaux. Nous tiendrons donc pour limites les seuils que constituaient les ponts et certaines réglementations urbaines, et qui fixaient le point de rupture de charge à partir duquel la batellerie relayait la navigation maritime.
10Selon leur degré de perméabilité, les littoraux ne touchaient donc pas la même somme d’individus ni n’offraient à leurs sociétés riveraines les mêmes facilités d’accès à la mer. Réduits au simple trait de côte, ils étaient extrêmement étanches à la pénétration maritime et donc dénués de site exploitable. Rendus plus épais selon la dimension et la navigabilité des cours qui les traversaient, ils autorisaient l’acheminement des hommes et de leurs biens sur des embarcations fluviales, et invitaient au-delà à quitter le rivage. Nous aurons sur ce point aussi l’occasion de revenir. Enfin – cela va mieux en le précisant – la perméabilité de l’environnement littoral ne constitue pas, au même titre que la morphologie des sites accueillant les ports, l’argument décisif grâce auquel il est possible de comprendre l’essor des transports maritimes dans une zone donnée. Elle en est simplement une explication jusque-là trop occultée. Pour exemple, les petites embouchures percées dans les bordures côtières flamandes et poitevines ont de nombreux caractères géographiques communs, tant du point de vue de leur forme, que de leur contexte dunaire ou de la taille du cours qui les traverse. Et pourtant, leur aptitude au développement portuaire est sans commune mesure, les premières desservant un hinterland immédiat riche et peuplé, les secondes se trouvant en marge d’un espace moins actif et moins habité. Le niveau de croissance des économies continentales, le dynamisme de leur production et de leur consommation, constituent des déterminants plus décisifs encore.
Les dynamiques de la mise en place de la carte portuaire
11C’est sur ce paysage inégal et changeant d’une géomorphologie littorale aux multiples facettes que fut dessinée la carte des ports de la seconde moitié du Moyen Âge. Chaque endroit retenu pour accueillir des navires proposait un environnement naturel aux potentialités et aux difficultés singulières, dont les populations riveraines s’accommodèrent au mieux de leurs intérêts et de leurs facultés. Pour autant, la géographie physique ne détermina pas à elle seule les choix d’implantation. Qu’ils fussent réactivés ou nouvellement fondés, les territoires portuaires résultaient aussi et surtout de dynamiques économiques, politiques et navales. En dépit de quelques soubresauts liés aux aléas de la guerre et des crises commerciales, ces phénomènes contribuèrent sur la durée à intensifier le trafic maritime et, par conséquent, stimulèrent le besoin de ports de toutes dimensions, affectés à toutes sortes d’usages. En voici les principales lignes de force à l’échelle de la façade atlantique du royaume de France.
Les dynamiques économiques : variété des productions et variation des échanges
12Pour en simplifier la compréhension, synthétisons les choses en considérant que l’économie maritime se répartissait aux xie-xve siècles selon trois secteurs d’activité majeurs, tous nécessitant pour fonctionner des installations portuaires adaptées : la pêche, la production saunière et les échanges par voie de mer.
Les progrès de la pêche
13Les sociétés bordières de l’océan ont de tout temps prélevé, pour leur propre subsistance d’abord, pour alimenter leur pays environnant ensuite, les espèces de la faune marine fréquentant leurs rivages. Les produits de la mer représentaient une ressource cruciale au Moyen Âge. Ils constituaient la base d’une alimentation accessible, du fait de leur relative abondance et de leur faible prix. Et, il faut le signaler d’emblée, on a longtemps préféré les « cueillir » à pied plutôt que de les pêcher au moyen de navires. Ainsi, il était d’usage de récupérer les poissons et les cétacés rejetés par l’océan à même la grève. Sur l’étendue de l’estran, on ramassait aussi des coquillages et des crustacés. Et puis, à l’image de ce qui était pratiqué sur les cours d’eau douce, on piégeait des poissons de toutes sortes dans des « pêcheries », soit en y installant des nasses et des filets amovibles, soit en y construisant des parcs et des écluses. Comme le résume Jean-Luc Sarrazin, « jusqu’à la fin du Moyen Âge au moins, la pêche littorale, pratiquée par des paysans de la mer, l’emporte de très loin sur la pêche maritime proprement dite qui demeure une activité secondaire, marginale7 ». Ce constat, les historiens l’ont fait aussi pour l’ensemble des côtes de Saintonge, d’Aunis, du Bas-Poitou, de Bretagne et de Normandie. Et au xviiie siècle encore, ces pratiques traditionnelles très variées avaient subsisté en beaucoup d’endroits du littoral8.
14Peut-être d’ailleurs qu’en certains lieux, les habitudes ancestrales des pêches à pied, partout répandues, retardèrent le développement des ports, sinon leur naissance. La pêche en pleine mer, nécessitant l’emploi de navires, connut en effet un essor plus tardif et surtout moins systématique semble-t-il. C’est pourtant elle qui nous intéresse ici parce que, contrairement aux autres pratiques, elle s’appuyait sur l’existence de sites portuaires pour fonctionner, au point dans bien des cas de constituer le germe de leur éclosion. Aux beaux jours, surtout entre mars et juin, on utilisait pour capturer le poisson et les mammifères marins au-delà de l’estran divers matériels : des bateaux bien entendu, de modestes tonnages, qui pouvaient agir seuls ou de concert ; des cordes dotées d’hameçons qu’on employait à la traine ou en lignes dormantes ; des filets, dormants eux aussi ou bien tirés à la drague ; des harpons munis de flotteurs. Cet exercice de la pêche en pleine mer ne s’éloignait guère de la côte. Il fluctuait dans une bande où le plateau continental restait peu profond, et dont la largeur ne dépassait pas les quelques lieues en général, c’est-à-dire une journée de mer. Toutefois, la raréfaction de certaines espèces et la quête de nouveaux sites poissonneux enjoignirent à certains marins de s’aventurer toujours plus loin de leurs bases traditionnelles. À la fin du Moyen Âge, la pêche à bord de bateaux s’était sans doute diffusée dans la plupart des communautés littorales9. Mais voyons quels furent les endroits où elle s’avéra la plus précoce et connut le meilleur succès.
15Les populations fixées le long des côtes abruptes et indentées du Labourd en avaient fait le sujet de leur renommée. Les pêcheurs en mer de Saint-Jean-de-Luz sont attestés dans les textes dès 1137, ceux de Biarritz en 1199, d’Anglet en 1268. Quant à leurs collègues installés dans les quelques ports nichés le long de la côte landaise, depuis la vicomté de Dax jusqu’au pays de Buch, ils apparaissent plus discrètement. Ceux de Labenne, de Capbreton et de Boret se signalent en 133310 ; il y en avait aussi quelques-uns au Vieux-Boucau, à Mimizan et à La Teste11. Pour en revenir aux Labourdins, ils pratiquaient en particulier la chasse aux cétacés. À cette époque en effet, les grands mammifères marins étaient familiers du golfe de Gascogne et approchaient volontiers les côtes12. Dès le xiie siècle probablement, la plupart des ports basques accueillaient des équipages spécialisés dans leur capture ; et parmi eux les gens de Biarritz et d’Anglet se distinguent particulièrement. La topographie escarpée de leurs côtes, offrant d’excellents promontoires d’observation de l’océan, facilitait la détection des proies. Dès que l’une d’elle était aperçue, l’alerte était donnée au moyen d’une cloche ; les rameurs, les timoniers et les harponneurs se précipitaient alors et embarquaient dans leurs canots ; ils la rattrapaient, lui plantaient leurs dards prolongés de bouées pour la blesser, l’épuiser et ne pas la perdre de vue ; puis ils la poursuivaient jusqu’à ce que la bête meure ou s’échoue13. La saison de capture s’ouvrait à l’équinoxe de septembre et se poursuivait presque tout l’hiver14. Elle mobilisait un grand nombre d’individus – guetteurs et marins – de sorte que, le 17 octobre 1288, Édouard Ier interdit au bailli de Labourd de forcer les Biarrots à comparaître pendant la période de pêche à la baleine15. Florissante pendant plusieurs siècles, cette activité procurait de la viande et de l’huile dont les Bayonnais s’assuraient l’approvisionnement et sur lesquels les autorités locales appliquaient des droits juteux16. Elle déclina cependant à la toute fin du Moyen Âge en raison de la raréfaction des cétacés. En 1496, les habitants de Biarritz invoquèrent la disparition presque complète des baleines, depuis dix à douze ans, pour justifier la réduction de la dîme prélevée sur leurs prises. L’absence de ces animaux avait été si longue que les gestes du métier en auraient été perdus. Il est difficile d’apprécier la véracité du propos ; cependant le plaidoyer s’avéra suffisamment convaincant pour que l’impôt soit diminué, selon un accord du 31 janvier 1499, au 1/20e des baleines tuées17.
16Les pêcheurs saintongeais pratiquaient aussi, à l’occasion, la chasse aux cétacés. En témoigne la coutume d’Oléron qui précise que « si aucun navire trouve en pleine mer un poisson à lard, il sera totalement à ceux qui l’on trouvé18 ». Ils avaient surtout l’habitude, dans l’estuaire de la Gironde, de tendre des filets et de poser des lignes pour capturer toutes sortes de poissons19 : des maigres en grandes quantités, ainsi que des bars, des merlus, des raies, des turbots, des harengs, des roussettes, des esturgeons, etc. Plus au nord, en Aunis, il existait une forte tradition de pêche à bord de navires. Le seigneur de Fouras, depuis au moins 1323, percevait un devoir sur chaque bateau venant vendre sa marée « au port et quay situé sur la rivière Charente20 ». À Esnandes, se signalent des patrons embauchant du personnel étranger pour travailler sur leurs lieux de pêche ou commandant à des Bretons la construction de navires spécialement destinés à la visite de leurs filets dormants21. Quant aux Rochelais, ils comptaient aussi dans leurs rangs des pêcheurs professionnels. Ainsi Robin de Frize qui au début du xve siècle déployait ses installations dans les eaux du pourtour de l’île de Ré. Ces dernières paraissent avoir été assez importantes puisqu’il employait seize compagnons pour faire la tournée de ses rets. En mai 1415, alors qu’il se rendait sur son lieu de pêche avec ses employés, il fut surpris par un baleinier bordelais qui lui déroba plus de trois « cents » et demi de merlus22.
17En Bas-Poitou, des mentions éparses témoignent de captures de cétacés dans les eaux de Noirmoutier, ou de droits sur les navires de pêche à Talmont et à Saint-Gilles23. Mais ce sont les marins de la Chaume et des Sables-d’Olonne qui se font surtout remarquer. Au xiie siècle, leur activité avait déjà atteint un remarquable degré de développement. Elle produisait des ressources fiscales appréciables que convoitaient les autorités locales, tant laïques qu’ecclésiastiques. Depuis plusieurs mesures prises successivement entre 1182 et 1218, les pêcheurs étaient soumis à trois prélèvements distincts : deux coutumes sur le poisson dues au seigneur d’Olonne et à l’abbaye de Lieu-Dieu, un droit sur les navires perçu au profit du prieuré Saint-Nicolas24.
18Le poisson capturé était soit ramené frais, soit salé immédiatement sur les bateaux avec le sel produit dans les marais alentour. Un acte du 7 septembre 1387 le précise. Ce jour-là, Mathieu Gaignardeau, receveur du quart du sel dans la châtellenie d’Olonne, céda une partie de sa ferme à un nommé Pierre Bérard. Au nombre de ses attributions, ce dernier était chargé de percevoir les droits sur le sel qui était spécialement transporté et vendu aux maîtres des navires des ports de la Chaume et des Sables, produit qu’ils embarquaient « pour saler les peissons25 ». La pratique qui consistait, en mer, à couvrir grossièrement de sel les prises jetées en vrac dans les cales ou dans des paniers, était appelée caquage au Moyen Âge. La mention que nous citons est d’une grande importance parce qu’elle est l’une des plus anciennes qu’on connaisse en la matière. L’usage du caquage, attesté pour la première fois en 1396 dans la documentation dieppoise, en 1398 pour la Flandre, était considéré jusqu’à présent par les historiens comme l’apanage des pêcheurs de la Manche et de la mer du Nord26. Il aurait même fondé une partie du succès et de la renommée de leurs entreprises. On découvre qu’il fut aussi très précoce chez les marins olonnais qui en étaient à cette époque des précurseurs. La salaison à bord suppose par ailleurs que les marins chaumois et sablais ne se limitaient pas à des marées littorales et journalières, mais avaient étendu le spectre de leur zone d’action assez loin du rivage, rendant nécessaire l’emploi sur les bateaux de moyens de conservation. Ainsi, dès la seconde moitié du xive siècle, l’essor de l’économie maritime olonnaise fut fondé sur la complémentarité entre deux activités : la pêche côtière voire hauturière d’une part et la production saunière d’autre part.
19Entrées dans le havre, les prises partaient vers les marchés olonnais pour être immédiatement vendues. C’était d’ailleurs une obligation imposée par la législation seigneuriale. Mais le marché local était à l’évidence trop étroit et peu rémunérateur. Aussi, certains préféraient vendre leur marée au plus offrant sur le marché de La Rochelle, considéré alors comme le principal centre de redistribution du Centre-Ouest27. Dans un procès de février 1447 porté à la cour des Aides, les habitants des Sables déclarèrent que « tout leur faist gist en pescherie », ce qui rend compte de la place prééminente des activités de pêche au sein de la population et confirme qu’elles fondèrent bien les développements des siècles précédents28. Néanmoins, ils ajoutèrent qu’ils s’estimaient tous « très pouvres et indigens ». Peut-être un peu excessive, cette appréciation du quotidien des marins sablais recoupe très largement ce qu’on sait de leurs collègues bretons, aunisiens ou saintongeais : leur métier, un des plus rudes qui soit à leur époque, ne permettait pour la grande majorité que de survivre et non de faire fortune.
20L’éveil de la Bretagne à la pêche en pleine mer est réputé tardif ; les populations du duché auraient longtemps préféré la sécurité de leurs campagnes aux risques maritimes. Jean-Christophe Cassard déplore que « de guerre lasse, à force de lire et relire des archives désespérément muettes sur les choses de la mer aux xie-xiie siècles, encore fort laconiques au siècle suivant, une conclusion s’impose : les Bretons n’ont pas choisi de reprendre possession de ces flots qui, jadis, dans un contexte tout différent, avaient porté leurs pères29 ». Peut-être serait-il plus judicieux de dire que la montée en puissance des flottilles bretonnes fut désordonnée et progressive. Par endroits, on note dès le xiie siècle l’existence d’une fiscalité sur les barques de pêche, comme à Hirel aux environs de 114530 ; ou d’une coutume, telle que celle prélevée à Morlaix par Hervé de Léon en 1128, qui pesait non seulement sur les poissons mais aussi sur les cétacés, c’est-à-dire probablement sur les animaux marins capturés dans les eaux bordières, puisqu’en cas d’échouage la bête lui revenait de droit dans sa totalité31. La baie de Laber, premier site portuaire de Roscoff avant les destructions perpétrées en 1374 et 1387, servait de refuge à ses embarcations de pêche32. À Quimper, les pêcheurs stationnaient au « port au poisson » (portus piscium) dans les années 133033. Des taxes sur les prises faites en mer se relèvent aussi à la fin du Moyen Âge à Loc’h, Pouldavid, Port-Rhu, Tréboul et Douarnenez34. La vérification des droits dont disposait le sire De La Lande à Cancale, d’après des aveux de 1423, 1461, 1462, 1470, 1500, 1503 et 1532, laisse apparaître l’existence d’un « droit de palotage » qui consistait « à prendre trois livres tous les ans par chaque vaisseau, gabare et bateau pêcheur35 ».
21C’est en Cornouaille et en Léon que la pêche connut les meilleurs développements, les patrons faisant alterner l’emploi de leurs navires entre la capture de poissons jusqu’au début de l’été et puis le transport maritime jusqu’à l’approche de la saison hivernale. Les prises étaient commercialisées fraîches pour subvenir à la consommation locale, salées ou séchées lorsqu’elles étaient destinées à des marchés étrangers. Ainsi, les pêcheurs de Bretagne étaient souvent astreints à porter leur marée aux installations seigneuriales de conservation, lesquelles procuraient à leurs détenteurs des recettes fiscales appréciables. À proximité du port de Saint-Mathieu, des sècheries permettaient de préparer le poisson. En 1279, elles furent affermées à des marchands de Bayonne36. En février 1343, en souvenir de son soutien apporté à Jean de Montfort, Tanguy du Chastel obtint entre autres récompenses les droits de pêcherie et de « sècherie » levés dans les ports de Trémazan, de Portsall et l’Aber-Ildut37. Et selon un règlement de 1489, le nouveau port de Roscoff abritait une communauté de pêcheurs qui versaient à l’évêque de Léon un droit pour le salage, notamment pour la préparation de leurs maquereaux38. La population de Bordeaux obtenait ainsi une partie des merlus qu’elle consommait des livraisons réalisées par les bâtiments de Cornouaille, en particulier de Penmarc’h, d’Audierne et des ports situés à proximité des ras39. Et, même si la pêche lointaine apparaît encore modeste au xive siècle, certains marins bretons, comme les autres pêcheurs de la Manche, intensifiaient leur présence dans les eaux britanniques. De sorte qu’à la fin du xve siècle, sous l’impulsion notamment des flottilles d’Audierne, de la Forêt-Fouesnant et de Portsall, ils approvisionnaient en nombre les ports du Cornwall (Plymouth, Dartmouth, Exeter)40.
22Les eaux poissonneuses de la Manche suscitèrent assez tôt chez les populations normandes le désir de prendre la mer pour pointer leurs harpons, tendre leurs filets et poser leurs lignes. Une production scientifique importante permet de connaître l’ampleur de leurs initiatives et les fonctionnements de leur profession41. La pêche sur les rivages de Neustrie était répandue de longue date, au moins depuis le viiie siècle. Cette tradition fut complétée par le legs des pratiques scandinaves à la suite de l’installation des Vikings. La chasse aux « crapois » – c’est-à-dire aux cétacés – en est la plus précoce illustration. Elle relevait de manière éminente du duc, qu’il partageait toutefois avec quelques autorités locales. Les entreprises des crassi pisci se reconnaissent dès le xie siècle en Cotentin – vers la Saire, Saint-Vaast-la-Hougue, Lestre, Quinéville et Saint-Marcouf –, dans les secteurs de Port-en-Bessin ou de Dives, et probablement dans l’estuaire de la Seine42. Leur technique consistait là aussi à obliger les animaux à s’échouer après les avoir blessés, ce que facilitaient les grandes plages en pente douce des littoraux du secteur43.
23À la même époque, les pêches en pleine mer trouvaient leur premier essor. Au xe siècle déjà, les marins de Fécamp embarquaient sur leurs bateaux pour chercher du hareng qui était ensuite salé44. Les droits ducaux afférents à ces activités avaient été répartis au profit de seigneurs rivagiers45. On repère par exemple le don fait par Robert, comte d’Eu, à l’abbaye de Jumièges, de deux bateaux de pêche dans le port du Tréport46 ; ou une cession de même type consentie par les vicomtes de Bessin aux moines de Saint-Pierre-de-Préaux dans celui de Sainte-Honorine-des-Pertes47. Pour beaucoup de ports, la pêche constitua l’inspiration de leur naissance. Ce fut le cas, entre les xie et xiiie siècles, pour ceux du pays de Caux : Étretat, Le Tréport, Fécamp, Saint-Valery, Veules, Veulettes, etc. Dans une charte de restitution de Richard II datée de 1024, le duc confirma aux moines de Saint-Wandrille qu’ils disposaient à Étretat d’une franche nef. Cette dernière était notamment autorisée à réaliser toutes sortes de pêches. Ainsi le port d’Étretat fut-il à l’usage principal de pêcheurs locaux qui avaient établi leur village à proximité48. Les équipages s’étaient souvent spécialisés dans la prise de maquereaux et surtout de harengs. Lorsqu’Henri II, roi d’Angleterre, honora le don de 3 000 harengs auquel il était tenu auprès de l’hôpital de Rouen, il s’adressa pour les fournir aux pêcheurs de Fécamp et d’Yport. Parmi les droits cédés en 1217 par Pierre de Criquebeuf à l’abbaye de Fécamp se trouvait la coutume d’Yport sur les harengs, les maquereaux et les autres poissons49. À Veulettes, les négociants de Fécamp fondèrent une guilde à qui le duc accorda des exemptions de droits. Et on peut suivre la rotation des navires cauchois engagés dans l’harengaison en 1420-142150. Durant la seconde moitié du xve siècle, la conquête de la Normandie par la France favorisa le regain de la pêche pratiquée depuis tous ces ports. Parmi eux, Dieppe, spécialisé dans le hareng, était devenu le plus important. Les Dieppois et les Fécampois envoyaient à Paris du poisson frais par les chasse-marée, mais la majeure partie des prises était salée, fumée ou caquée, puis expédiée par terre et surtout par mer à Rouen, le grand centre du commerce du poisson au bas Moyen Âge. De Rouen il gagnait Paris par la route, et surtout le fleuve. Notons enfin que les registres de l’Échiquier de Normandie contiennent plusieurs conflits entre certaines communautés de pêcheurs et leurs tutelles seigneuriales. En 1485 par exemple, les marins de Veules s’opposèrent à l’abbaye de Fécamp, tandis que le même monastère s’accorda avec douze pêcheurs de Graville51.
24Quant à la pêche pratiquée à bord de navires dans la basse vallée de la Seine, à l’aide de filets comme « rets », « seynes », « tramaulx » et « aplets », elle était assez répandue et complétait les nombreuses installations – les « guideaulx » et « étalières » – déployées depuis les rives du fleuve et équipées de matériels fixes52. Un document du 22 mai 1469, faisant état des droits attachés au comté de Tancarville dans les eaux séquaniennes au titre de « l’Eaurie », en brosse le portrait :
« Item, il est accoustumé estre baillé par mondit Sieur pour la ferme nommée l’applet vergant, sainnes et tramaulx […], avec les mecttes de la dite vicomté comme Quillebeuf, le Mesnil-sous-Jumièges, le Tôt, Saint-Maurice Destelan, Villequier, Caudebec, le Traict, Caudebecquet, Artheauville, […] Jumièges, et tous les autres pescheurs dedans lesdites mecttes se doivent allouer à celuy qui tient ladite ferme de mondit seigneur, et prendre tel marché comme ilz pourront avoir. Et si autrement le font est sous peine de forfaicture de leurs batteaus et appletz. »
« Item tous les pescheurs qui peschent sur lesdittes eaulx depuis la ditte pierre du Figuier jusques audit Val Varin et aultres limittes cy dessus demeuranttez et fiscantz es mettes de laditte viconté, sont tenus de payer. C’est ascavoir lesdits pescheurs de guideaulx une marée chascune sepmainne sauf que le fermier des eaulx ne doibt rien avoir le lundy ny aussy en premier marée des aultres jour il doibt le dit fermier ou son commis commander laditte marée nommée la marée d’eaurye. Et doibvent avoir lesdits pescheurs pour les livrer le cincquiesme et le cincquiesme poisson. C’est ascavoir ceulx de la coste de Caulx et ceulx de Quillebeuf et les pescheurs de la Roque, de Rille et Berville doibvent avoir le tierse denier. Et le tiers poisson pour leur livrer et les pescheurs de Jobles, de Fiquefleur et de la Rivière de Saint-Sauveur doibvent avoir pour leur livrer un denier pour leur marée aulx dits guideaulx et aulx fourrez et s’il est ainsy qu’il y ait aultres pescheurs de sainnes, tramaulx et cordes, ilz se doibvent alouer audit fermier sous peine de confiscation de leur applet, et de amende arbitraire53. »
25Un passage de l’aveu et dénombrement produit par Henri d’Orléans en 1587 pour le même comté de Tancarville est encore plus explicite sur ce point :
« Et si avons droict de pesche de tous poissons à la dicte rivière en dedans les bornes et limittes cy dessus, tant en aplect verguant que séant, guideaulx, fourrez, gors, filiez et aultres engins, sans que aulcun y puisse pescher sans avoir permission ou congé de nous ou de nos officiers, sur paine aulx pescheurs de confiscacion de leurs bateaulx, ancres, agres et filiez54. »
26L’expression « applet vergant » désignait un procédé de pêche dérivant et itinérant, probablement pratiqué à l’aide d’un bateau, contrairement à « l’applet séant » qui se rapportait à un dispositif de pêche immobile55. L’une et l’autre de ces méthodes faisaient vivre toute une population de pêcheurs aux xiiie et xve siècles, dans le secteur contrôlé par le comte de Tancarville. Selon le compte de « l’Eaurie » de 1400-1401, un droit lui était dû pour « l’alouage de bateaux peschans, tramaux, tramailles et saines à esperlans56 ». Quelques jugements intervenus dans les années 1480-1490 évoquent ces pratiques de pêche en pleine mer. Ils font aussi référence à l’emploi simultané « d’établières » et de navires pour capturer les poissons : les premières, installées dans le fleuve, n’étant accessibles qu’au moyen des seconds57. Ajoutons que, dans cette partie la plus large et la plus en aval de l’estuaire de la Seine, les installations fixes représentaient à la fin du xve siècle plus de 85 % des dispositifs de pêche58. En 1412, l’abbaye de Grestain obtint la possibilité pour ses hommes qu’ils prennent leurs embarcations pour accéder aux bancs sur lesquels se trouvaient leurs pêcheries59. Au total, les revenus procurés par les activités fluviomaritimes, essentiellement constitués par les fermes des pêches, représentaient, en 1491-1492, 3,58 % du total des recettes du comté de Tancarville.
27Ce rapport était exactement inversé en amont de Quillebeuf où la pêche itinérante était la plus développée. Plusieurs affaires survenues dans les années 1403, 1408-1413, 1430-1431 et 1442, entre le monastère de Jumièges d’une part, les seigneurs voisins et les populations riveraines du fleuve d’autre part, évoquent les navires employés par les pêcheurs pour poser et manier leurs filets60. D’autres bateaux affectés à la pêche figurent dans divers documents de nature juridique concernant les secteurs de Caudebec (1405), du Mesnil, Saint-Georges-de-Gravenchon, Petiville, Saint-Maurice et Bliquetuit (1451), de Beaumesnil et Bliquetuit61 (1480). Au total, toutes sections fluviales confondues, l’utilisation de rets au moyen d’une ou plusieurs embarcations dominait les méthodes de pêche usitées par les riverains de la basse vallée de la Seine au bas Moyen Âge62.
28Venons-en au cas de Dieppe, qui est certainement le plus emblématique des développements de la pêche normande. La ville fut fondée en 1015 par Richard II, probablement là où des pêcheurs et des sauniers avaient auparavant pris l’habitude de travailler et de stationner63. Et lorsque la seigneurie dieppoise entra dans le temporel de l’archevêché de Rouen en 1197, les pêcheurs de harengs étaient déjà très dynamiques64. Précurseurs dès le xie siècle, ils conservèrent leur position de leader dans ce domaine. À la fin du xive siècle, d’après une pièce de procédure dont voici un extrait, l’harengaison avait atteint une vigueur et une organisation remarquables :
« De la St-Michel jusques à Noel est le temps de la harengueson, dont les vesseaux qui les apportent pevent arriver à Dieppe II fois en un jour naturel, quant le harenc est en mer de la contrée de Dieppe. Et si tost que les vesseaux sont venus, il convient que tantost soient deschargez, pour tantost retourner avecques la marée ; et ne s’entremettent les pescheurs que de leur aisier et reposer ; et ont leurs hostes, bourgoiz de Dieppe, qui vendent leur harenc et respondent de l’argent et prennent congié de descharger, pour rapporter sur leur serement combien il y aura eu de harenc et à quel pris vendu en chascun vassal ; et ce est escript ès pappiers de la viconté et ès pappiers desdis hostes ; ne de l’argent desdis harens n’est aucune chose paiée jusques après Noel ; et pour ce est acoustumé de tout temps, que le trésorier, vicaire ou autre soit envoiez à Dieppe pour oyr le compte de harengueson qui aucunes fois monte viiic, xc, xiic ou xvc liv., selon ce que la saison est bonne. Et a icellui compte recevoir et gérer convient pluseurs personnes experts en ce ; et y fault grant subtilité, car le harent de chascun vessel sera gesté par milliers et parti en c ou iic parties, et d’icelles parties sera rabatu la porcion pour aucunes personnes qui sont franches sans paier acquist, et le remenant à Monseigneur l’Arcevesque et à chapitre. Et y a moult autres cérimonies qui longues seraient à escripre ; mais en verité l’on ne s’attendroit au receveur de le faire, ne il ne pourrait fors par gens estranges, qui ne ferait pas chose seure ; car en tel cas qui est si ardueux, n’a nul tel comme soy ; mesme que ledit compte ne peut estre acompli en moins de vi ou vii jours65. »
29Michel Mollat a mis en évidence l’importance exceptionnelle de la pêche dieppoise au travers l’étude d’une série de comptes de la vicomté, depuis 1405 jusqu’en 149266. L’harengaison se déroulait au gré des migrations du poisson dans la Manche, soit au moment de deux saisons particulières : entre mai et septembre lorsque les harengs venaient depuis la mer du Nord ; puis et surtout d’octobre à janvier, lorsqu’ils s’en retournaient, longeant les côtes. Les marins dieppois pêchaient partout où ils le pouvaient, depuis l’estuaire de la Seine jusqu’aux environs de Gravelines, ne prenant guère en compte les limitations que les Anglais voulurent leur imposer lorsqu’ils s’emparèrent de Calais, obtenant des sauf-conduits et s’adaptant aux tensions et insécurités de toutes sortes. Les prises étaient pour l’essentiel préparées de deux façons pour être conservées et expédiées dans les terres : soit caquées, c’est-à-dire vidées et salées dans des barils de chêne ; soit salées et séchées pour donner le hareng saur. Les chiffres détaillés des volumes du trafic produit par cette pêche nous sont accessibles pour l’année 1475 : les 183 navires armés à cette tâche effectuèrent 1 121 arrivages, représentant quelque 456 tonnes de poisson67.
30Les Dieppois étaient concurrencés dans ce domaine par les pêcheurs picards et flamands qui n’étaient pas en reste et avaient, eux aussi, souvent fondé leurs premiers développements sur la capture, la conservation et l’exportation du hareng. Un document de juillet 1329 mentionne les pêcheurs d’Étaples, de Rue, de Saint-Valery, de Cayeux, d’Ault, et du Tréport. Ils s’étaient accordés avec Angelin Beloce de Gênes, demeurant à Paris, lequel avait obtenu la suppression du « hellebic », un droit de 2 deniers par panier de poisson amené aux halles parisiennes68. Saint-Valery, sur la Somme, aurait été au xie-xiie siècles le port de pêche le plus considérable de la région69. On repère aussi des communautés de pêcheurs à Berck, Cucq et Merlimont70. En 1110, Guy, comte de Montreuil et du Ponthieu, confirma la donation faite par Hugues, son aïeul, à l’église de Saint-Josse, d’un droit de pêche à Étaples. Puis en 1178, 1190 et 1360, d’autres devoirs furent précisés, touchant la capture des mulets au moyen de seines ainsi que les bateaux-pêcheurs71. En face, se tenait le port de Trépied, où les pêcheurs possédèrent au xve siècle jusqu’à 28 navires. Avec leurs collègues d’Étaples, ils s’étaient spécialisés dans le hareng, qu’ils vendaient frais, fumé ou caqué. Selon un acte du 4 avril 1450, un droit de tonlieu frappait cette marchandise72. Mais ils subissaient la pression des marchands voisins de Montreuil qui s’appliquaient à vouloir contrôler la distribution de leurs prises ; ce qui souleva entre eux un lourd conflit en 1424-142573. Il y avait une autre communauté de pêcheurs de harengs à Boulogne, assez puissante elle aussi. En témoignent plusieurs dispositions prises à leur égard en 1331 et 136074. Il est question en 1272 du « droit de suite » (secutura, « sieuterie ») perçu trois fois par an sur les pêcheurs du Portel par les religieux Augustins de Saint-Wulmer75. Par une charte datée de 1121, le comte Eustache III de Boulogne accorda auxdits chanoines plusieurs revenus liés à la pêche pratiquée par les marins de Wissant : le « droit de pontage » perçu sur les navires et les aumônes faites sur tous les bateaux de la paroisse76. D’après un compte de 1340, le quart du produit des taxes portuaires provenait de la pêche, Wissant dépassant même Boulogne en la matière77.
31Depuis le Calaisis jusqu’à l’estuaire du Zwin, tous les ports flamands avaient su profiter également de la manne harenguière. Sans exception, leurs historiens insistent sur le caractère décisif de la pêche pour expliquer la naissance de chacun d’eux. À Calais, l’harengaison constitua le facteur principal de l’essor du havre et de la ville aux xiie et xiiie siècles. En 1180, elle avait déjà atteint un tel niveau de développement que les moines de Saint-Bertin prétendirent y cueillir une dîme spécifique. Un siècle plus tard, ces poissons, capturés avec la même saisonnalité qu’à Dieppe, et transformés avec quelques nuances locales, étaient plus que jamais le produit clef de l’économie calaisienne. Et ce au point que le port, dont un bassin était spécialement affecté aux navires de pêche, accueillait durant l’harengaison non seulement ses propres unités, mais aussi des bateaux débarquant du sud depuis Boulogne, d’autres arrivant de l’est de la Flandre maritime, certains provenant même d’au-delà de ces limites ainsi que d’Angleterre. Évidemment, toute une fiscalité avait été progressivement établie sur les embarcations, les poissons et leur transformation. Grâce aux informations comptables les concernant, on peut saisir l’intensité du trafic. En 1321, Calais exporta par mer 16 371 000 saurets, sans compter le « caké herenc » ni les poissons expédiés par terre ou consommés sur place. Mais ces chiffres exceptionnels masquent les fragilités de cette activité lorsqu’on les observe sur la durée. Entre 1300 et 1350, le nombre de navires calaisiens et leurs prises diminuèrent de moitié ; un déclin qui s’observe plus tardivement, mais dans les mêmes proportions, pour les patrons des nefs étrangères qui, perturbés par l’instabilité politique et militaire, finirent par hésiter à s’y déplacer78. Ensuite, l’ouverture des hostilités et les crises qui s’ensuivirent perturbèrent lourdement et durablement l’harengaison, qui ne connut de regain qu’à partir des années 1440, grâce notamment à la venue des Dieppois79.
32Le havre de Gravelines, sujet lui aussi à la dîme des harengs de 1180, était en la matière placé sous le contrôle des Audomarois. Ils y armaient des barques, faisaient saler le poisson en mer et l’importaient dans leur ville de Saint-Omer. Un siècle plus tard, en conflit avec le comte de Flandre, cette dernière fit appel au roi qui arbitra en sa faveur. En 1282, le souverain donna à ses bourgeois le fameux privilège « des harengs de Gravelines », qui les autorisait à acheter, saler et emporter autant de harengs qu’ils souhaitaient, par terre et par mer, de jour ou de nuit80. Spécialisés dans ce commerce, ils investissaient dans d’autres sites portuaires flamands. Ainsi, au xve siècle, il y avait une trentaine de gros marchands poissonniers de Saint-Omer qui subventionnaient les pêcheurs de Dunkerque, de Nieuport et d’Ostende, afin de vendre leur poisson sur place ou pour le réexpédier vers l’Artois et la Picardie81.
33Les premières populations de Mardyck et de Dunkerque participèrent avec celles de Calais et de Gravelines aux débuts de la pêche harenguière. Une charte de 1183, émanant du comte Philippe d’Alsace, stipule que l’abbaye de Saint-Winoc installée à Bergues avait droit à une partie de la dîme des harengs, prélevée sur leurs pêches appelées « filet-saint82 ». À Dunkerque, la fiscalité sur la pêche se signale à nouveau en 1253, preuve de sa vigueur qui paraît se maintenir ensuite en dépit des vicissitudes politiques83. En 1438, les dirigeants de cette ville équipèrent plusieurs vaisseaux pour protéger leur flottille ; initiative qu’ils renouvelèrent en 1471 et 1474. Selon un observateur, en 1466, le convoi comprenait jusqu’à cent unités84. La documentation des xive et xve siècles mentionne également les pêcheurs de harengs de Nieuport, d’Ostende, de Blankenberge, de Mude, de Damme, de Bruges et de L’Écluse, les « droits d’étaple » lorsqu’il y en avait, ainsi que les escortes mises en place pour les défendre85.
34Que retenir de ce portait général des pêches en bateau pratiquées le long des côtes de la France atlantique ? Avec des nuances régionales bien sûr, elles furent précoces, les sources en beaucoup d’endroit les faisant remonter aux xie-xiie siècles. Les premiers marins qui entreprirent, sur des navires, de s’engager dans les eaux des estuaires et de l’océan pour capturer des cétacés ou des poissons forgèrent dès cette époque une tradition qui s’ancra profondément dans leurs économies littorales jusqu’à la fin du Moyen Âge. Selon les espèces capturées, leur abondance et leur accessibilité, selon aussi la concurrence des pêcheries fixes et le niveau de sécurité maritime, la pêche en pleine mer connut des disparités dans l’espace et dans le temps : par endroits elle se contentait de fournir la consommation locale, dans d’autres elle alimentait un commerce régional voire international. Dans tous les cas, elle impulsa l’établissement d’espaces portuaires plus ou moins élaborés, nécessaires pour poser et protéger les embarcations, les filets, les lignes et les harpons, d’une part, pour décharger, transformer et réexpédier les cargaisons, d’autre part. Elle fut pour ces ports l’objet premier de leur utilité et de leur existence ; le développement des échanges venant ensuite compléter le secteur de la pêche, voire parfois le supplanter.
Les progrès des échanges commerciaux
35Avec la pêche, les nécessités commerciales constituent bien entendu le deuxième argument majeur qui a présidé à l’insertion puis à l’essor des ports le long des littoraux du royaume de France. Il s’agit là d’un sujet largement étudié par les monographies locales et régionales qui, en dépit du manque de chiffres, ont pu restituer la nature et les grandes tendances des échanges. Compte tenu de la profusion des informations produites par ces travaux, nous nous contenterons ici d’en dégager les conclusions qui intéressent directement l’existence des espaces portuaires.
36Commençons par souligner les éléments de rupture et de continuité avec les trafics maritimes du haut Moyen Âge. Certes la disparition de certains wicks, comme Quentovic – le grand port de Neustrie86 – ou les destructions perpétrées sur les îles jadis colonisées par le mouvement monastique des vie-viie siècle, traduisent les fractures opérées à la suite des raids scandinaves. Les replis furent nets, les liaisons commerciales de longue distance brisées, les vieux systèmes de concentration et de redistribution démantelés, les cités marchandes coupées de leurs anciens réseaux et livrées à elles-mêmes. Mais tout n’était pas à reconstruire au tournant de l’an mille. Par endroits, les transports de proximité, notamment en contexte fluvial, paraissent avoir résisté au choc des invasions normandes et à l’effondrement du monde carolingien. Les nécessités d’acheminer par voie d’eau des marchandises de première nécessité entretinrent un certain mouvement naval. La persistance de réseaux de petites villes et de marchés ruraux forma le substrat du nouveau Moyen Âge qui se profilait à l’aube du xie siècle87.
37Sur la Canche même, alors que Quentovic s’éteignait, Montreuil, un peu plus en amont, prenait déjà le relais au seuil xe siècle88. Les études conduites sur les épaves et leur contexte d’utilisation en sont une illustration. Les moyens navals assez archaïques employés classiquement en Europe du Ponant, qui témoignent à leur manière du plafonnement de l’économie carolingienne, n’avaient pas disparu de la circulation. Les campagnes de fouilles réalisées dans la Charente depuis 1971 ont permis d’identifier plus d’une quarantaine d’épaves de tous types (monoxyle, monoxyle assemblé, assemblé). Elles témoignent de la persistance des navigations de proximité, au moyen d’embarcation rudimentaires, pour la pêche, le franchissement du fleuve ou de petits déplacements. La pirogue monoxyle des xiie-xiiie siècles de Dompierre-sur-Charente en est un bon exemple. En outre, les grands chalands, comme celui d’Orlac, montrent qu’entre l’époque gallo-romaine et le début du xie siècle, on continua d’employer les navires traditionnels capables de transporter une charge utile de plusieurs tonnes89.
38Il faut dire aussi que la présence scandinave, d’abord déstabilisatrice, a pu, lorsque les envahisseurs se sont sédentarisés puis intégrés dans les zones colonisées, être accompagnée d’un regain d’activité. Toujours sur la Charente, dans les environs de Taillebourg, l’existence de certains groupes vikings paraît s’être prolongée au cours des ixe et xe siècles, donnant lieu à une activité soutenue dans le domaine de la pêche90. Les cas de Nantes et de Rouen démontrent la variété des situations en la matière. Depuis la seconde moitié du viie siècle jusqu’au ixe siècle, autour des sections basses de la Seine et de la Loire, avaient été constitués des complexes économiques assez similaires ; en l’occurrence, des organisations polynucléaires, basées sur une pluralité de vici et de ports monastiques dispersés sur une aire assez vaste en aval des cités de Rouen et de Nantes. Les premières menaces des années 820 se soldèrent par les sacs successifs de l’une et de l’autre en 841 et 843. Cependant, l’occupation normande n’allait pas revêtir le même caractère ni engendrer les mêmes conséquences. À la suite du grand pillage subi par Rouen en 885, les autorités franques firent restaurer les remparts et décidèrent de faire de la cité un refuge dans lequel vinrent s’installer les populations artisanales et marchandes de la basse Seine, les villages qu’ils abandonnaient étant réoccupés par des colons scandinaves. Les modalités d’une forme de cohabitation furent progressivement établies entre ces groupes sociaux différents, facilitant la survie des activités le long du bassin fluvial. De sorte que le traité de 911, cédant au chef normand, Rollon, la cité restaurée, intervenait dans un contexte dynamique qui augurait déjà le regain ultérieur. Au contraire, au sein de l’estuaire ligérien, les ressources humaines avaient été dispersées et le potentiel économique anéanti. La reconnaissance officielle de l’installation des Nordiques à Nantes et dans les pagi environnants en 921 se traduisit par l’exode massif des élites et des forces vives, laissant, malgré la reconquête bretonne, le pays exsangue91.
39Ces quelques informations permettent de souligner l’inégalité des situations économiques à l’orée du xie siècle. Cependant, partout où, aux abords des littoraux, les populations purent exploiter les sols et transformer les matières premières, là où dans le même temps l’essor démographique alimenta la fondation de nouveaux foyers de peuplement et d’échanges, la vie commerciale reprit le dessus dans des proportions inconnues jusque-là.
40La production du sel par évaporation dans des aires salantes fait partie des premiers secteurs d’activité à provoquer ce regain. Depuis Calais jusqu’à l’estuaire de la Gironde, il n’est pas un estran argileux et suffisamment abrité qui n’ait fait l’objet d’une exploitation saunière, temporaire ou durable, durant la seconde moitié du Moyen Âge. Il y aurait d’ailleurs, dans le sillage du colloque international de 2004, une belle synthèse à consacrer à ce sujet92. Le plus souvent de taille réduite, les sites de production n’étaient en capacité que de fournir les marchés locaux, pour la consommation courante et l’usage des pêcheurs. Ils ne généraient donc pas nécessairement de transport maritime, ou bien à une échelle si réduite qu’aucun espace portuaire n’était réservé pour cela. C’est entre la Vilaine et la Gironde, au sein des foyers de Guérande, de la Baie (Bourgneuf, Bouin, Noirmoutier), du pays d’Olonne, des îles de Ré et d’Oléron, de Broue et du val de Seudre, que le sel connu un destin commercial tout à fait exceptionnel. Les conditions naturelles les plus favorables (ensoleillement, vent, topographie, sols, espace disponible) étaient réunies dans ce secteur pour envisager le déploiement de salines à grande échelle. Leur histoire s’inscrit dans la très longue durée. Au moment de sa fondation, à la fin du viie siècle, l’abbaye de Noirmoutier disposait déjà d’un solide patrimoine saunier entre l’île et le continent93. En Aunis, il faut attendre la fin du ixe siècle pour détecter dans les textes les traces de terrains dédiés à la production de sel. Toutefois, la mise au jour de nombreux sites à sels protohistoriques le long des anciens rivages des côtes charentaises prouve que leurs habitants s’étaient très tôt préoccupés de ce sujet. Par la suite, le régime fiscal aquitain, qui exemptait de droits quiconque valoriserait les marais du domaine public, les avait probablement encouragés à développer les premiers bassins de cristallisation. Sur la foi des cartulaires ecclésiastiques du Centre-Ouest, c’est au cours des xe et xie siècles que la saliculture connut son véritable décollage dans les marais aunisiens et saintongeais94. Les grandes abbayes de Saint-Maixent et de Saint-Jean-d’Angély possédaient plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, d’aires salantes à cette époque95. Quant aux salines poitevines, leur essor se manifeste à partir des années 1050, lorsque la rédaction de chartes se fait plus dense.
41En dépit des vicissitudes de la guerre de Cent Ans et des épisodes intempestifs de submersion marine, leur développement se poursuivit, avec quelques à-coups, jusqu’à l’orée des Temps modernes. C’est que les pêcheurs du nord de l’Europe, dont nous avons dit tout le dynamisme pour le seul royaume de France, en avaient une impérieuse nécessité pour la conservation de leur poisson. Le code maritime de Hambourg, rédigé en 1270, mentionne le sel du Poitou comme produit habituel du commerce de cette ville96. Et deux siècles plus tard, Louis de La Trémoïlle, s’adressant à Charles VIII, relatait au roi « qu’en 1488, quatre-vingt ou cent navires s’apparurent aux Sables-d’Olonne et que ce n’était que hourques qui venaient charger des sels en Brouage, isles de Ré et Noirmoutier97 ». Les quantités produites et exportées nous échappent en grande partie cependant. Quels chiffres pouvons-nous proposer ? Jean-Claude Hocquet considère que, pour les seuls sels de l’Ouest français, « aux xvie-xviie siècles, on peut avancer sans crainte d’exagération que production et commercialisation portaient sur plus de 300 000 tonnes, 500 000 tonnes paraissant une capacité vraisemblable98 ». À la fin du Moyen Âge, on ne devait pas être très éloigné de ces estimations. Depuis Guérande, de novembre 1384 à janvier 1386, 6 500 muids de sel furent expédiés au moyen de 384 navires, auxquels il faudrait pouvoir ajouter les chargements faits à Saillé, au Croisic et au Pouliguen. Ces cargaisons partaient pour la Loire, mais aussi en direction des autres ports bretons, de ceux des côtes basques, normandes, du sud de l’Angleterre ou de la Hanse99.
42L’autre produit phare du trafic maritime international, transporté depuis les littoraux français, était le vin. À partir du xiie siècle, il fut à l’origine du décollage économique de nombreux territoires situés au sud de la Loire, en particulier le long des voies de communication fluviales et maritimes. En effet, les populations urbaines de l’Europe septentrionale stimulèrent très tôt, par leur demande, la constitution de vignobles dans ces régions. En dehors du plaisir que procurait sa consommation, leur appétit relevait de plusieurs explications : c’était une boisson essentielle pour la liturgie, un tonifiant physiologique permettant de résister au froid et un moyen de manifester sa stature sociale100.
43À la fin du xiiie siècle, les vignobles dits « du Poitou » – qui englobaient ceux d’Aunis et de Saintonge – ainsi que ceux de Gascogne étaient, déjà proches de leur extension maximale. Là, les terres de « groies », comme celles de « graves » et de « palu », étaient servies par des conditions climatiques favorables (douceur, ensoleillement important, gelées printanières rares), autorisant la production de vins de qualité en quantités importantes et régulières101. Dans certains endroits, la concentration de cette production avait même atteint le stade de la monoculture. Ainsi, les campagnes aunisiennes furent presque totalement destinées à cette activité. Occupant plus de 90 % des parcelles du Grand Fief d’Aunis et du domaine foncier de l’aumônerie Saint-Barthélemy, la vigne dominait très largement dans la banlieue de La Rochelle102. Vers 1279, une requête de la commune rappelait que « entor viron V leues de La Rochele n’a que vingnes103 ». « Icy le terrouüer semble être presque malpropre à toute autre chose » remarquait encore Étienne Huet à la fin du xviie siècle104. Les paysages agricoles autour de Bordeaux présentaient de fortes similitudes. Dans la seconde moitié du xve siècle, 93 % des tenures identifiées dans les Graves étaient exploitées en vigne105. Ces taux d’encépagement s’avèrent très supérieurs à ceux qu’on observe dans les vignobles du reste du royaume. Durant la première moitié du xive siècle, ils variaient généralement entre 30 % et 60 % des parcelles mises en culture. C’est un fait singulier, dans un monde où l’économie de subsistance pesait encore fortement et où la céréaliculture dominait les campagnes, que de voir, non pas seulement quelques domaines, mais des milliers d’hectares de terre entièrement consacrées à la production d’une boisson commerciale d’agrément.
44Tirant parti de l’expansion viticole, deux pôles urbains s’imposèrent dans le trafic du vin par voie maritime : La Rochelle et Bordeaux. Le vignoble de la banlieue rochelaise, qu’on peut évaluer au minimum à 20 000 hectares (surfaces inondables, habitées, boisées et céréalières retranchées), aurait produit en temps normal 45 000 tonneaux par an. Ce chiffre se corrobore avec les informations fournies par le rapport de François Jacques, commissaire général pour le « droit de rêve ». D’après les comptes des années 1326-1330, 40 000 à 45 000 tonneaux de vin seraient sortis annuellement du port de La Rochelle106. À ces quantités il faudrait ajouter, sans pouvoir en préciser le nombre exact malheureusement, les milliers de tonneaux provenant des îles de Ré et d’Oléron ainsi que des vallées de la Sèvre et de la Charente que contrôlaient en partie les bourgeois rochelais.
45S’agissant de la Gascogne, les données comptables sont encore plus impressionnantes. En analysant les registres du connétable de Guyenne, Jean-Christophe Cassard a pu mettre en évidence les volumes de vins emportés depuis la Gironde en 1308-1309, période qui paraît coïncider avec l’apogée du trafic vinaire de la fin du Moyen Âge. Cette année-là, ce ne sont pas moins de 104 895 tonneaux qui furent exportés, quantité à laquelle il faudrait pouvoir additionner la consommation locale pour saisir l’intégralité de la volumétrie. Cette somme se décompose selon les proportions suivantes : 32 162 tonneaux (soit 30,7 %) provenant du Bordelais, 50 389 tonneaux (soit 48 %) issus des terres amont du haut-pays, 10 670 tonneaux (soit 10,2 %) embarqués à Libourne et 11 674 tonneaux (soit 11,1 %) transportés à partir des ports situés en aval de Bordeaux107. Passées les crises du xive siècle, ce niveau de chargement ne fut plus jamais atteint. Durant les bonnes années du début du siècle suivant, on expédiait encore 16 000 à 23 000 tonneaux au départ du havre bordelais, 11 000 à 13 000 tonneaux dans les années 1430-1440, seulement 8 000 tonneaux en 1482-1483108. Il faudrait, pour être complet, pouvoir considérer les volumes de vin qui descendaient habituellement depuis la Loire et l’Adour, mais nous ne les connaissons pas. On peut toutefois supputer, sans risque, qu’ils abondaient de façon marginale, peut-être de quelques milliers de fûts, les exportations réalisées sous le contrôle des bourgeois de La Rochelle et de Bordeaux109. Au cours du xive siècle, Bayonne expédiait environ 8 % des vins importés en Angleterre, son principal marché110.
46En dehors de ces deux articles principaux – le sel et le vin – les exportations maritimes françaises consistaient en une multitude d’autres marchandises. Leur variété et leurs quantités s’accrurent durant la longue phase de développement économique des campagnes et des villes occidentales des xie-xiiie siècles. La liste des éléments constitutifs des cargaisons, fixée dans les pancartes douanières, variait selon les ports et les spécialités des régions dont ils écoulaient les productions. Évidemment, nous ne connaissons pas les quantités transportées mais énumérons-en tout de même les principaux ingrédients. Toutes sortes de denrées alimentaires circulaient par bateaux : des grains lorsque les autorités publiques en autorisaient la sortie, du biscuit, du bétail, des viandes et des poissons salés ou séchés, des fromages, des matières grasses (beurre, huile, graisses animales), des fruits frais ou secs, du cidre, du miel. Parmi les marchandises les plus pondéreuses se trouvaient les matériaux nécessaires à la construction (le bois, les pierres, l’ardoise, les tuiles), les métaux (fer en barres ou ouvré, étain, plomb, cuivre, mercure) et les poteries. Les substances employées pour l’éclairage et l’entretien des matériels, telles que la cire, le suif ou la résine, étaient couramment échangées. Et il y avait tous les produits relevant de l’artisanat textile et de l’habillement : les peaux, la laine et le chanvre, les colorants (guède picarde, pastel toulousain, safran), les tapisseries, les draps, les toiles végétales (« olonnes » bretonnes et poitevines), etc. Ces productions prenaient les fleuves et la mer pour gagner leur lieu de livraison, via un port de transit : des chantiers, des ateliers de transformation, de petits marchés locaux pour les denrées de première nécessité, des places commerciales lointaines voire étrangères ; le rayon de distribution des lourdes cargaisons destinées au secteur du bâtiment étant en général assez restreint.
47Le trafic naval comprenait aussi les importations de marchandises provenant des autres nations. Ce type d’échanges augmenta au cours de la période, s’appuyant sur un mouvement bien connu de jonction entre les deux bassins maritimes majeurs du monde occidental : la Méditerranée et la mer du Nord. Au sortir des invasions vikings, les troubles étant retombés, un foyer commercial commença à se constituer en Europe septentrionale autour de villes nouvelles, progressivement créées entre le Zuiderzee et le golfe de Finlande. Il était fondé sur une complémentarité économique entre leurs sociétés urbaines, qui prit d’abord la forme d’une association de marchands, avant de devenir la Hanse desdites villes durant les années 1280. Dans le même temps, fortement peuplés, densément urbanisés et économiquement développés, la Flandre et le Brabant constituèrent au cours du xiiie siècle un ensemble très attractif pour les producteurs étrangers. Ces derniers pouvaient espérer satisfaire les besoins d’un artisanat préindustriel ainsi que la consommation courante ou plus élaborée de populations urbaines en pleine croissance. Bruges fut à cette époque la ville qui affirma le plus nettement sa primauté. De sorte qu’elle devint un comptoir privilégié des Anglais et des Hanséates. Puis, à partir du dernier quart de ce siècle, souhaitant éviter les contraintes de la route terrestre qui conduisait aux foires de Champagne déclinantes, les Italiens franchirent avec leurs bâtiments le détroit de Gibraltar pour rejoindre par la mer les ports du Zwin : les Génois dès 1277, les Vénitiens à partir de 1314. Ils initièrent ainsi la création de lignes de navigation régulières à une échelle inégalée.
48Au-delà du centre brugeois, l’internationalisation du commerce profita à l’ensemble des grandes places maritimes françaises qui voyaient venir à elles des denrées exotiques. Il s’agissait notamment de vivres qui complétaient les provisions de nourriture de base, comme le blé et le poisson, ou qui élargissaient l’éventail des produits alimentaires disponibles dans le royaume. Citons par exemple la bière de Zélande, les agrumes, l’huile d’olive ou le sucre en provenance des péninsules ibérique et italienne, le riz et les épices (cumin, safran, poivre, gingembre) des pourtours de la Méditerranée et d’Orient. Les négociants étrangers approvisionnaient aussi l’artisanat français en matières premières ordinaires ou plus rares et luxueuses : bois, charbon, cendre, goudron, mais aussi ambre et fourrures des pays nordiques et hanséatiques ; garance zélandaise ; laines anglaises, écossaises et castillanes ; fer basque ; alun, coton, soie et liège méditerranéens. Et puis il y avait les objets manufacturés de toutes sortes, aux qualités spécifiques et internationalement reconnues : les étoffes anglaises ou italiennes, les armes castillanes, entre autres.
49Ce portrait du commerce maritime français de la seconde moitié du Moyen Âge pourra paraître par trop sommaire et impressionniste. Car en effet, ce n’est pas tant la qualité des marchandises que les flux de leur transit qui intéressent la vie portuaire. Certes, le poids, le conditionnement et l’encombrement des produits peuvent déterminer certains modes de transport, de stockage et de transbordement dont les effets intéressent directement les équipements et la manutention disponibles le long des berges. Cependant, admettons-le, en l’absence de données sérielles dignes de ce nom, inutile de chercher à établir de quelconques statistiques, qui plus est depuis le xie siècle. Michel Mollat, en dépit de certaines sources comptables exceptionnelles dont il pouvait disposer, l’avait déjà fait remarquer. Après lui, Henri Touchard pour la Bretagne ou Stéphane Curveiller pour Dunkerque, aussi. Tout au plus, chacun vérifie l’impact des crises sur le commerce, les signes tangibles des reprises, la direction des partenariats et leurs éventuelles réorientations. Nous sommes même convaincus qu’il faut considérer, à rebours, que ce sont les vestiges portuaires, la concentration des sites et la qualité de leurs infrastructures, qui signent en réalité une grande partie de l’intensité et de la durabilité des échanges pratiqués sur leur territoire. Leur multiplication, leur permanence et la diversité de leur taille, de leur situation, de leur morphologie, de leur qualité, sont autant de témoignages concrets d’un essor économique profond et durable des littoraux français. Ainsi, en dépit de l’absence de chiffres commerciaux sur les exportations de sel dans le secteur de la Baie, l’existence avérée dans ce secteur d’une quarantaine de petits ports en fonctionnement à la fin du Moyen Âge, est la manifestation tangible du dynamisme de l’activité salicole à cette époque.
Les dynamiques politiques : création et encadrement des ports
50Franchi le tournant de l’an mille, les sociétés occidentales entrèrent en mouvement, entamant une double croissance, économique nous venons de le voir, mais aussi démographique. Ces progrès ressortent principalement à l’amélioration du contexte climatique et des rendements agraires, ainsi qu’à une baisse de la mortalité. Ce faisant, les tensions au sein du monde aristocratique devinrent moins aigües et trouvèrent bientôt leur point d’équilibre et de tempérance dans la féodalité. La pression sur les conditions de vie s’en trouvait allégée et à mesure que la paix s’installait il devenait possible d’entreprendre, d’inventer et de se développer. Les hommes investissaient de nouveau les espaces laissés jusque-là à la seule Nature : ils défrichaient les forêts comme ils gagnaient l’estran et s’aventuraient sur la mer. Le nombre d’individus augmentant, le pouvoir politique en recomposition ne tarda pas à accompagner une nécessaire réorganisation sociale au travers l’habitat. Le royaume de France connut au cours des xie-xve siècles deux vagues inédites de créations de bourgs ruraux et de villes. Les anciennes cités en partie abandonnées furent restaurées et dotées d’enceintes moins exiguës, pour accueillir et protéger les populations nouvelles ou de retour à leur foyer d’origine. Aux abords des châteaux et des monastères on attirait les familles en quête de travail et de sécurité. Des bourgs se formaient ainsi, composés d’artisans, d’ouvriers et de marchands, bientôt délimités par leurs propres fossés, palissades voire fortifications. Et puis, soutenant la croissance des campagnes, les autorités religieuses et châtelaines fixèrent de nouveaux villages en concédant des franchises à leurs habitants et en y fondant des paroisses neuves.
La première vague de créations : ports ruraux, châteaux-ports et villes-ports
51C’est dans ce contexte démographique dynamique, accompagné par la promotion d’habitats regroupés, que beaucoup de ports furent établis, non loin d’une communauté de pêcheurs, de villageois paysans en bord de littoral, d’habitants d’une vieille cité fluviale. Il existe un lien fort – bien que non exclusif – entre l’histoire urbaine et l’histoire portuaire. Du reste, on serait tenté de penser que ces stations d’accueil des navires apparurent de façon spontanée, par la seule force des nécessités des transports qui partout s’animaient entre chaque foyer d’habitations. On aurait souvent tort. Il se trouve que dans beaucoup d’endroits, les pouvoirs locaux, princiers ou royaux furent déterminants dans le choix de l’emplacement portuaire et dans l’initiative de sa création. Chacun le sait, au Moyen Âge, l’économie resta subordonnée à l’étroite tutelle de la puissance publique qui en fixait les règles, les outils et les limites. On ne saurait donc comprendre la mise en place de la cartographie portuaire française sans tenter de saisir les initiatives impulsées par les autorités politiques elles-mêmes.
52Les cités épiscopales établies à proximité du littoral (Bayonne, Bordeaux, Nantes, Vannes, Quimper, Saint-Pol-de-Léon, Saint-Malo, Tréguier, Saint-Brieuc, Avranches, Coutances, Lisieux, Rouen), en particulier celles fondées depuis l’Antiquité sur la basse vallée d’un grand fleuve, avaient disposé d’un port dès leur fondation. Cela avait certainement concouru au choix de les installer à ces endroits ainsi qu’à leur succès. La réactivation dont elles furent l’objet dans la seconde moitié du Moyen Âge s’accompagna de décisions importantes quant à la situation des nouveaux sites d’accueil des bateaux. Dans leur cas spécifique, l’action publique consista à opérer des déplacements afin d’adapter de façon rationnelle la position et le nombre de sections portuaires aux modifications de la configuration urbaine et environnementale, ainsi qu’aux évolutions du flux naval. À Bayonne, à la faveur du déploiement des faubourgs sur la rive droite de la Nive et de leur réunion à la cité au moyen d’une enceinte, entre le xie et la fin du xiie siècle, le secteur portuaire initial qui se trouvait à proximité du flanc oriental de la muraille antique fut élargi aux deux rives de la rivière selon trois secteurs : le port du Château, le port Suzeye et le port Neuf111. Clairement, ce choix procède de la politique d’aménagement des autorités urbaines. Il en va de même à Bordeaux. L’armature portuaire de cette cité paraît avoir peu changé jusqu’au xiie siècle. Elle comprenait toujours le petit bassin de la Devèze enserré dans les fortifications urbaines, ainsi que les embouchures du Peugue, du ruisseau de Pédouillet de « l’estey d’Ayga-Borda112 ». À partir du xiiie siècle, le mouvement naval fut détourné du havre intérieur pour s’étendre le long des berges de la Garonne. Une enquête commandée par le roi d’Angleterre en 1261, afin de régler plusieurs litiges l’opposant à la commune de Bordeaux, aboutit à la reconnaissance l’année suivante des droits dont les Bordelais pouvaient disposer sur les rives appelées « padouens113 ». Huit sections portuaires furent ainsi progressivement déployées, jusqu’à la fin du xve siècle, en même temps que s’étendaient les fortifications urbaines face au fleuve. En ce qui concerne le complexe portuaire nantais, il occupait, initialement, le cours inférieur de l’Erdre et les abords de sa confluence avec la Loire, le long du flanc occidental des murailles gallo-romaines. Il fut étendu à compter du xiiie siècle de part et d’autre de cette embouchure pour accompagner l’extension du périmètre de la ville. Depuis l’amont du château jusqu’à l’aval du bourg du Main, six zones portuaires supplémentaires furent créées, sous l’impulsion notamment de Guy de Thouars, Pierre de Dreux, dit Mauclerc, et Jean I114. Quant au site originel de Rouen, localisé initialement, selon toute vraisemblance, près des remparts antiques, il fut comblé et intégré dans l’extension du parcellaire urbain, la nouvelle aire portuaire maritime étant repoussée plus au sud, en aval du pont de pierre édifié au xiie siècle. À la fin du Moyen Âge, elle était sectorisée selon six tronçons, dont l’arsenal du Clos des Galées situé sur la rive gauche qui fut créé par le roi de France.
53Dans beaucoup d’autres cas, c’est l’édification d’un complexe castral sur la frange littorale qui détermina le positionnement et l’essor, à proximité, d’une ou plusieurs aires de stationnement naval. En référence aux villes-ports, ainsi nommées lorsqu’il existe un lien constitutif entre les territoires urbains et portuaires, nous les désignerons sous l’appellation « châteaux-ports115 ». En voici la liste des principaux, implantés en bordure maritime ou fluviale de :
la Guyenne : Bourg, Blaye, Castillon ;
la Saintonge et l’Aunis : Mortagne, Talmont, Royan, Mornac, le Château d’Oléron, Broue, Taillebourg, Saint-Savinien, Tonnay, Rochefort, Soubise, Fouras, Châtelaillon, Marans ;
le Bas-Poitou et la Baie : Moricq, Talmont, Les Sables-d’Olonne, Beauvoir, Noirmoutier, Bouin et Le Collet ;
la Bretagne : Pornic, Guérande, Piriac, La Roche-Bernard, Rieux, Auray, Hennebont, Quimperlé, Concarneau, Pont-l’Abbé, Brest, Morlaix, Ploumanac’h, La Roche-Derrien, Dinan ;
la Normandie : Regnéville, Vauville, Cherbourg, Caen, Touques, Graville, Harfleur, Gonfreville, Tancarville, Lillebonne, Duclair, Moulineaux, Arques, Dieppe ;
la Picardie : Eu, Saint-Valery, Le Crotoy, Abbeville, Rue, Waben, Étaples, Montreuil, Boulogne, Ambleteuse, Wissant ;
la Flandre : Calais, Gravelines, L’Écluse.
54L’établissement de ces ensembles fortifiés littoraux, réalisés la plupart du temps entre les xie et xiiie siècles, ressortait à des facteurs à la fois politiques (affirmer le pouvoir du seigneur rivagier), économiques (tirer parti de la circulation maritime), sociaux (attirer et encadrer les populations maritaines) et militaires (défendre les points stratégiques et sensibles alentour). En Bretagne, les châteaux-ports avaient souvent trouvé leur place au fond d’un aber, là où il était possible d’édifier un pont pour franchir le bras d’eau, ce qui permettait du même coup la constitution d’une communication directe entre les voies maritime et terrestre.
55Forts de leur succès, plusieurs de ces bourgs castraux aboutirent même à la formation de véritables centres urbains. Leur population fut alors dotée de statuts privilégiés ainsi que d’une enceinte de protection. Ils venaient grossir les rangs des villes-ports construites ex nihilo entre les xiie et xiiie siècles. Ces dernières se trouvent spécialement dans les régions où furent initiées de véritables politiques urbaines. La primeur en revient aux comtes de Flandre qui, engagés dans un ambitieux projet de valorisation de la plaine maritime, stimulèrent et soutinrent les communautés venant s’installer le long du cordon littoral. Dès lors que se calmèrent les campagnes normandes destructrices, cette région connut un puissant développement, appuyé par le regain précoce des foyers urbains plus anciens, fondés en retrait de la mer et des marais inondables, comme Saint-Omer ou Bruges. Sous l’égide de la maison d’Alsace en particulier, pendant le règne de Thierry puis de son fils Philippe, plusieurs petits bourgs à vocation portuaire reçurent leurs statuts et privilèges urbains : Gravelines (1163), Nieuport (1163), Mardyck (1168 ?), Damme (1180) et Dunkerque (1183). Ces fondations peuvent être rapprochées de celle de Calais (1163-1173) par Mathieu d’Alsace, comte de Boulogne et frère de Philippe116. En dehors de Mardyck dont l’avenir fut grevé par de lourds problèmes environnementaux, toutes ces villes-ports connurent un vif succès. Puis, dans un second temps, avec les progrès commerciaux mais aussi l’inexorable comblement que connaissait le Zwin, de nouveaux bourgs côtiers furent également créés au cours du siècle suivant : Mude (1213), Monnikerede (1226) et Hoeke (1250) sur la rive gauche, L’Écluse sur la rive droite (avant 1290)117.
56Entre Loire et Gironde, les naissances de deux villes neuves retiennent notre attention. La création de La Rochelle et sa fulgurante ascension procèdent d’une double ambition, politique d’abord, économique ensuite. Le point de départ revient aux conséquences d’un évènement militaire : l’écrasement par le duc d’Aquitaine en 1130-1131 de son turbulent vassal, le seigneur de Châtelaillon, qui dominait la vie maritime entre la Sèvre et la Charente. Afin de reprendre en main ce littoral prometteur, Guillaume X entreprit la constitution d’un nouveau centre urbain et portuaire. Ce dernier devait lui permettre de contenir l’agitation féodale ambiante mais aussi d’insérer davantage ce territoire dans les échanges maritimes alors en plein essor. S’appuyant sur ce qui n’était jusque-là qu’un simple village de pêcheurs, il lança une véritable entreprise de peuplement que poursuivirent et amplifièrent les Plantagenêt à partir de 1152, de sorte que, une quarantaine d’années plus tard, en 1175, La Rochelle fut la première agglomération du Centre-Ouest élevée au rang de commune. En quelques décennies seulement, les migrants venus ici faire fortune avaient atteint un tel niveau de développement que le site portuaire initial, trop exigu, fut déplacé dans un bassin plus ample et plus commode118. Environ un siècle plus tard, vers 1269-1270, le prince Édouard, fils d’Henri III, commanda à son lieutenant Roger de Leyburn la création d’une bastide au confluent de l’Isle et de la Dordogne, en lieu et place de la petite bourgade de Fozera. Elle fut affublée du nom de son fondateur : Libourne. Rapidement, le petit port qui y végétait capta à son profit l’essentiel du trafic de la basse vallée de la rivière, s’imposant comme le point de rupture de charge du secteur119.
57On n’oubliera pas non plus le rôle déterminant joué par les établissements ecclésiastiques – chapitres épiscopaux et monastères – implantés en milieu littoral. Comme les seigneurs châtelains, ils s’étaient appliqués à attirer auprès de leurs clos abbatiaux ou prieuraux les habitants alentour. Ainsi furent constitués des bourgs monastiques, auprès desquels un port avait souvent été octroyé afin de permettre aux gens de mer d’exercer leurs activités. Les religieux mettaient aussi en valeur leurs possessions rurales situées en bordure côtière, en y établissant, le cas échéant, des villages et des connexions portuaires. Les abbayes les plus actives en la matière furent :
en Saintonge et en Aunis : Notre-Dame de Saintes, Saint-Jean-d’Angély, Les Châteliers de Ré, La Trinité de Vendôme, La Grâce-Dieu ;
en Bas-Poitou et dans la Baie : Saint-Michel-en-l’Herm, Maillezais, Notre-Dame de Lieu-Dieu en Jard, Sainte-Croix-de-Talmont, Saint-Jean-d’Orbestier, Notre-Dame de La Blanche, Buzay, Saint-Philibert-de-Noirmoutier ;
en Bretagne : Blanche-Couronne, Saint-Sauveur de Redon, Sainte-Croix de Quimperlé, Saint-Guénolé de Landévennec, Notre-Dame de Locmaria-Quimper, Marmoutier, Daoulas, Saint-Mathieu, Notre-Dame de Beauport ;
en Normandie : Mont-Saint-Michel, Montebourg, La Trinité de Caen, Saint-Étienne de Caen, Saint-Martin de Troarn, Saint-Pierre de Préaux, Notre-Dame de Montivilliers, Saint-Pierre de Jumièges, Saint-Wandrille, Valmont, Le Valasse, Notre-Dame de Grestain, le Bec-Hellouin, Saint-Georges-de-Boscherville, Sainte-Catherine-du-Mont de Rouen, La Trinité de Fécamp, Notre-Dame d’Eu, Saint-Michel du Tréport ;
en Picardie : Saint-Riquier, Saint-Josse, Saint-Valery, Saint-Wulmer.
58Le rythme des créations a pu varier selon les régions, la précocité revenant aux littoraux baignés par la Manche et la mer du Nord, l’hésitation appartenant aux côtes bretonnes. La majeure partie de la carte portuaire de la France atlantique, dessinée par les détenteurs de l’autorité publique, était en place au milieu du xiiie siècle. L’étude des sites portuaires séquaniens permet de s’en faire une idée assez claire. Nicolas Leroux a pu documenter 63 ports médiévaux en aval de Rouen, depuis Croisset jusqu’à Chef-de-Caux. Il observe qu’au tournant de l’an mille, sept places portuaires étaient alors en service, les plus anciennes remontant au moins au viie siècle (Caudebecquet et Port-Jumièges). Au cours du xie siècle, quinze nouvelles aires de stationnement naval furent créées (onze ecclésiastiques et quatre laïques), puis dix au xiie siècle (six ecclésiastiques et quatre laïques) et onze au xiiie siècle (sept ecclésiastiques et quatre laïques). À l’issue de cette première séquence, 43 ports étaient déjà en activité, dont 31 (soit 72 %) appartenaient à des communautés religieuses. Ces 43 sites représentent 68 % du total de 63 emplacements inventoriés pour tout le Moyen Âge120.
La seconde vague de créations : quelques ports ruraux et militaires supplémentaires
59Entre la seconde moitié du xiiie siècle et le xve siècle, on note une nouvelle vague d’entreprises seigneuriales et royales. Moins nombreuses, elles consistèrent de manière ciblée à créer des sites portuaires complémentaires ou substitutifs, capables de capter une partie du trafic concentré par des havres plus anciens ou de mieux répondre aux problématiques économiques, politiques et environnementales du moment. Cela se manifeste notamment en Aunis et en Saintonge. Si, dans cette région, l’essentiel du semi portuaire avait été constitué au cours de la première phase, occupant les sites les plus faciles à investir, il fut étoffé par quelques infrastructures supplémentaires, souvent au prix d’aménagements importants et coûteux. Sur la bordure de la seigneurie de Laleu, où existait déjà le complexe portuaire du Plomb, un second point de transit des marchandises fut établi : on l’appela Port-Neuf. Le seigneur du lieu choisit pour cela une conche, en partie aménagée pour la production de sel, que l’envasement n’avait pas encore obstruée et qui donnait directement sur l’entrée du havre de La Rochelle. Son existence apparaît notamment en 1268, lorsqu’Alphonse de Poitiers commanda une enquête pour éclaircir un différend de nature fiscale relevant de la juridiction prévôtale rochelaise121. Dans ce même secteur côtier, une autre initiative seigneuriale est évoquée au travers d’une requête adressée au roi de France aux environs de 1279. La commune de La Rochelle l’avait alors alerté sur le fait que le seigneur de Mauzé faisait « nouveleté em sa terre […] c’est à savoir terres qu’il trenche et fait trencher de nouvel pour faire port en leu ou oncques mes port ne fu122 ».
60Au sein des terres inondables qui jouxtaient le sud de la capitale aunisienne, marais relevant de la baronnie de Châtelaillon, on procéda aussi à l’édification de cales ou d’embarcadères capables d’écouler les productions viticoles de l’arrière-pays immédiat. Le chenal de la Moulinette, qui s’étendait du « rateau de Saint Sauveur » jusque « pres du troil qui fut feu Johan Lecourt123 », depuis qu’il avait été canalisé sur la demande de l’échevinage et les lettres de Charles IV de 1325, offrait des conditions de navigation satisfaisantes, favorables à la vie de petits ports124. Le premier d’entre eux était celui de Périgny. Nous le connaissons un peu mieux grâce aux lettres adressées par Philippe VI aux religieux de Saint-Jean-de-Jérusalem en octobre 1342 et en juin 1343125. Il est dit qu’il « avoit esté fait et construit de nouveau », les premières berges réalisées dix-sept ans auparavant n’ayant vraisemblablement pas résisté à la densité du trafic126. L’aveu et dénombrement de la baronnie rédigé le 22 mars 1402 pour Jean Larcheveque, sire de Parthenay, fournit la liste quasi complète des lieux de chargement fixés dans ces marais127. Outre le port de « Saint Loys de Perigne », sont également cités ceux « des Vaches », de « La Molinate » et « plusieurs autres128 ».
61Plus ambitieuse encore fut l’entreprise lancée en 1311 par le seigneur de Surgères, Guillaume Maingot, afin que soit fondé un port sur un affluent de la basse Charente, la Gères, au niveau du Gué-Charreau. Le plan initial envisageait le creusement d’un canal au cœur des marais, depuis Vergeroux, en aval de Rochefort, sur quelque 21 km. Une première phase de travaux engagée, il fut mis en service. Mais on abandonna finalement le projet en 1345 sur la volonté des échevinages de La Rochelle et de Saint-Jean-d’Angély129. Dernier exemple aunisien : en 1436, c’est la conche de Queue-de-Vache, située à proximité d’Esnandes, qui fut retenue pour constituer un nouveau port capable de desservir les chais des environs de Marsilly. L’entreprise, validée par Charles VII, consista en la réalisation d’un bassin relié à la mer au moyen d’étiers et d’un quai. Encore reconnaissable aujourd’hui, cet ensemble fonctionna jusqu’au milieu de la période moderne130.
62Sans qu’il nous soit possible de connaître exactement le moment de leur naissance, il est probable que, pour plusieurs autres des petits ports ruraux que nous avons identifiés le long des berges fluviales et dans les marais salicoles, leur création ne remonte pas avant les années 1250. Au sein de la basse vallée de la Seine, ils sont ainsi une vingtaine à émerger de la documentation durant la fin du Moyen Âge131 : dix au xive siècle (deux ecclésiastiques et huit laïques) et dix au milieu du xve siècle (trois ecclésiastiques et dix laïques). Parfois, ce sont des installations plus ambitieuses qui furent réalisées. Ainsi la Hougue, au nord du Cotentin, dont l’ascension relève d’un programme urbain volontariste porté par l’amiral de Bourbon à partir de 1474132.
63Au reste, cette seconde séquence est marquée par l’apparition de quelques ports destinés à renforcer le dispositif de défense des côtes françaises. À Rouen, dans les années 1290, Philippe IV lança un vaste plan destiné à mettre en place le Clos des Galées, un arsenal royal capable d’accueillir, de produire et de réparer des bâtiments de guerre. Le projet de former une place fortifiée à Granville, appuyée par un bassin portuaire, fut élaboré par le seigneur anglais Thomas, sire de Scales, capitaine-général des basses marches et sénéchal de Normandie, après qu’il se soit emparé de la zone à la fin 1436. S’il n’eut pas le temps de voir son projet achevé en raison de la reconquête française de septembre 1442, quatre ans plus tard, Charles VII, considérant l’importance stratégique et militaire du site de Granville, prolongea l’initiative anglaise en accordant aux habitants plusieurs privilèges fondateurs de la ville et du port133. Enfin, lorsque Louis de La Trémoïlle soutint, en 1495, l’intention du roi de créer à Brouage une véritable station navale, capable d’accueillir « une flotte qu’on y auroit entretenue [pour] protéger également et avec promptitude » le golfe de Gascogne, c’est aussi pour des considérations militaires134. On envisageait d’imposer un devoir de cinq sous sur chaque pipe de sel chargée sur des navires étrangers afin de financer la construction de deux grosses tours capables d’en défendre l’entrée135. Mais le projet fut finalement remis à une cinquantaine d’années plus tard.
64Que retenir de cette vue d’ensemble ? Le mouvement de grande ampleur qui présida à l’élaboration du semi portuaire de la France atlantique paraît, assez logiquement, avoir été en bonne partie couplé aux développements du réseau des agglomérations rurales et urbaines. À cet égard, il est le fruit de la volonté ou de l’assentiment des autorités publiques, tout autant que des nécessités économiques et sociales. Il se différencie cependant de l’histoire urbaine sur quelques aspects. On observe d’abord le maintien d’un certain rythme de créations après la fin du xiiie siècle ; alors qu’aux environs de 1300, le maillage des villages, des bourgs et des villes est à peu près achevé. Mieux, on ne devine pas d’abandon massif suite aux guerres et aux épidémies. Cela traduit la forte résilience de l’économie maritime, d’une part, ainsi que l’inlassable attention portée par les seigneurs rivagiers à leurs capacités portuaires, d’autre part. Et puis, aux abords des zones de production viticoles et salicoles, les ports n’étaient pas nécessairement liés à un foyer de peuplement. Dans ces endroits, leur nombre dépassait d’ailleurs celui des villages alentour.
Les dynamiques navales : croissance des flottes et progrès technologiques
65Depuis ses débuts, l’histoire portuaire est aussi la résultante des progrès de la technologie navale. Il est évident que le nombre de bateaux en circulation, mais aussi leur taille, leur tonnage, leur tirant d’eau, leur robustesse, leur mode de propulsion, leur manœuvrabilité, influaient sur le choix et l’aménagement des sites consacrés à leur parcage et à leur transbordement. Nous reviendrons dans le détail sur certains aspects de cette question, mais donnons-en, d’ores et déjà, les principales caractéristiques et tendances.
66Il faut commencer par déplorer notre incapacité à connaître les contingents des navires français et étrangers, dévolus au service de la pêche, du transport et de la guerre, qui venaient ponctuellement ou régulièrement stationner dans les ports du royaume. Évidemment, le volume global des échanges augmentant, leur nombre s’accroît nécessairement. Mais dans quelle mesure et pour atteindre quelle valeur maximale ? A-t-il existé dans ce domaine des variations et des disparités selon les périodes et les régions ? Les quelques chiffres avancés par les chroniqueurs, décrivant des rassemblements exceptionnels de plusieurs centaines de bâtiments lors d’opérations navales de grande ampleur, ne signifient pas grand-chose. Quant aux rares éléments fournis par la fiscalité portuaire, ils sont aussi trop ponctuels et partiels pour permettre une représentation globale, statistique et évolutive des choses.
67Selon les livres de comptes du connétable de Guyenne, dans lesquels étaient enregistrés les droits de douane appliqués sur les vins quittant Bordeaux, 603 vaisseaux appareillèrent en 1306-1307, 552 l’année suivante et 747 en 1308-1309136. Ces données, précieuses par ailleurs, n’éclairent en fait qu’assez mal le volume total du trafic naval assumé par le complexe portuaire bordelais. En effet, il faudrait pouvoir aussi y ajouter les embarcations affectées aux transports régionaux de sel, de céréales et d’autres produits pondéreux, ainsi que les navires marchands chargés du reste des échanges internationaux ; autant d’informations qui nous échappent. La même imprécision frappe les données fournies par la comptabilité de Dieppe au xve siècle. En 1475, 183 bateaux différents participèrent à l’harengaison. Mais combien d’autres se relayèrent dans le même temps pour embarquer et débarquer les denrées du commerce ? Quelques dizaines ou quelques centaines ? Impossible de le dire137. D’après les papiers de la vicomté de l’Eau de 1477-1478, le mouvement du port de Rouen aurait été effectué par 376 navires, nombre qui manifestement ne prend pas en compte toute la variété des transports réellement accomplis138.
68Le bilan est sensiblement identique pour la Bretagne. Tout au plus, Henri Touchard a pu constater l’existence à Auray, dans les années 1474-1477, d’une soixantaine de caboteurs et de bateaux de pêche. Les autres bribes d’information qu’il convoque pour tenter d’évaluer le contingent des embarcations attachées aux ports du duché sont bien trop disparates pour espérer produire une estimation crédible139. Dans une étude réalisée pour le roi à la toute fin des années 1490, dont le but était d’analyser les effets positifs et négatifs de l’éventuelle création d’une taxe douanière sur le sel chargé sur des bâtiments étrangers, il est fait remarquer que « les Bretons principalement sont fondez sur navigage et qui à present ont plus de deux mil navires à se jour de naviger continuellement et porter ledit sel en plusieurs pays estranges, mesmement devers le nort140 ». Toujours d’après Henri Touchard, « s’il englobe navires marchands, caboteurs, barges des estuaires, bateaux de pêche, le chiffre de 2 000 [vaisseaux] n’est peut-être pas invraisemblable ». Il poursuit en extrapolant que le tonnage de la flotte bretonne s’établissait alors à 20 000 tonneaux minimum141. Nous ne saurions le contredire pour ce qui concerne ce cas précis. Et si nous prolongeons son raisonnement en rapportant son calcul aux quelque 160 ports bretons que nous avons inventoriés, chaque unité portuaire aurait abrité un peu plus d’une douzaine de navires en moyenne. Est-ce là un résultat très supérieur à ce qui pouvait exister ailleurs ? On serait tenté de l’affirmer compte tenu de ce que l’on sait de la puissance navale en Bretagne. Or nous avons identifié l’existence de 623 sites portuaires le long des littoraux atlantiques français à la fin du Moyen Âge. Il en résulte que, si l’on retient un ratio inférieur de l’ordre de dix bateaux par port, ce sont au bas mot 6 200 navires de toutes sortes qui auraient été en activité à cette époque.
69Mais restons raisonnables. Il ne s’agit là que d’aventureuses simulations établies à partir d’informations inégales. Le corpus trop étroit et lacunaire des comptabilités fiscales qui ont survécu ne permet pas, en général, de déterminer correctement la somme des bateaux employés pour assurer la circulation des marchandises. Impossible donc de reconstituer, ne serait-ce qu’à un moment donné, la totalité du contingent des navires français ; impossible aussi d’estimer leurs rotations et le tonnage qu’ils pouvaient embarquer ; impossible enfin d’y additionner le mouvement de toutes les flottes étrangères. Il n’en demeure pas moins qu’on devine une forte corrélation entre les développements portuaires et ceux du potentiel naval. La croissance significative du nombre de havres et, pour les principaux, l’allongement de leurs quais, correspondent apparemment à l’augmentation du nombre de bateaux et du tonnage qu’ils étaient en mesure d’embarquer.
70Ce que nous savons concerne davantage la physionomie des navires employés. Les évolutions en la matière ont été très sensibles. Si les pirogues monoxyles et les chalands du xie siècle, dont le champ d’action restait cantonné au fleuve, ont persisté sous une forme ou une autre durant toute la période, les bâtiments de mer ont connu eux de substantielles transformations. Pour en résumer la trajectoire, disons que le navire long de type nordique, apprécié pour sa souplesse, son agilité et sa maniabilité, a progressivement laissé la place à un type de bâtiment rond, plus contenant, plus puissant et mieux sécurisé. On pourrait dire aussi que la nef originelle conçue pour les expéditions lointaines a été remplacée par le transporteur polyvalent adapté à des trajets réguliers. Notre propos n’est pas de reprendre ici les études techniques consacrées à la construction navale. Depuis Augustin Jal, les travaux des historiens et des archéologues ont permis de réaliser des avancées considérables en la matière142. Il s’agit plutôt de déterminer quelles sont les évolutions qui ont pu avoir un impact sur l’activité et les caractéristiques portuaires.
71Nous pouvons en relever deux principales. La première concerne la maniabilité des navires. Les bateaux employés par les Normands – encore très bien illustrés dans la tapisserie de Bayeux de la fin du xie siècle – dont la typologie se diffusa au sein des marines du nord-ouest de l’Europe, disposaient des particularités suivantes. Ils étaient amphidromes, c’est-à-dire qu’ils ne possédaient pas de proue ni de poupe distinctes. Cette singularité se trouvait renforcée par le fait que leur gouverne latérale était amovible. Par ce moyen, venant aborder la grève, un tel navire pouvait repartir immédiatement dans le sens inverse, par simple permutation de son gouvernail, sans devoir effectuer un délicat demi-tour, à terre ou sur l’eau. Grâce à sa légèreté, à ses rames et à son mât amovible, il pouvait aisément se faufiler dans les interstices des côtes et des basses vallées fluviales. En conséquence, ce type de navire, dont les caractéristiques essaimèrent le long des littoraux français et perdurèrent au moins jusqu’au début du xiiie siècle, s’adaptait facilement à toutes sortes de configurations portuaires, même aux plus étroites et aux moins accessibles. Au contraire, l’encombrement des grands cargos de la fin du Moyen Âge, leur structure massive et complexe, composée de ponts, de châteaux de plusieurs mâts surmontés de hunes et d’un gouvernail d’étambot, imposaient des plans d’eau suffisamment vastes pour pouvoir s’approcher des quais et manœuvrer en toute sécurité dans le havre.
72La seconde évolution majeure concerne le tirant d’eau des bateaux. Dotés de faibles capacités de chargement, les embarcations employées pour le transport commercial durant les xie-xiie siècles réclamaient peu de profondeur pour stationner, quand elles n’étaient pas tout bonnement échouées ou tirées à sec. Les différents modèles de navires légers, employés ensuite pour la pêche, la surveillance des côtes ou les livraisons de proximité, présentaient les mêmes aptitudes. À l’inverse, les lourds bâtiments du xve siècle, dont la coque une fois remplie était fortement immergée et qui ne pouvaient pas reposer sur leur quille, exigeaient, quelles que soient les marées, un niveau d’eau suffisant pour conserver leur flottaison. Nefs, cogues, cocas, caraques, hourques, font partie de ces vaisseaux de plus 100 tonneaux de jauge, qui pouvaient même parfois dépasser les 1 000 tonneaux, auxquels seuls des havres suffisamment amples et profonds pouvaient convenir. Par ces seules évolutions technologiques, on comprend immédiatement que les ports durent être ajustés aux contraintes imposées par la configuration nouvelle des navires qui venaient à leur rencontre. En réalité, il s’agit là d’un processus d’adaptation qui a traversé les âges et qui mobilise encore aujourd’hui toute l’attention des ingénieurs et des responsables portuaires.
Dispersions, spécialisations, polarités et hiérarchies portuaires
73En établissant le tableau géohistorique des ports de la France atlantique aux xie-xve siècles, nous avons pu reconstituer le semi portuaire produit par cinq siècles de vie maritime. L’image plus nette et précise ainsi obtenue permet de percevoir quelques traits saillants de son organisation. Au total, ce sont quelque 623 sites de toutes dimensions qui ont été pointés : il s’agissait de ports ruraux pour la plus grande partie ; de ports desservant un bourg castral ou ecclésiastique, ou bien une ville, pour le reste. Ce chiffre indique à lui seul toute l’intensité et la densité des activités navales de la fin du Moyen Âge. Il laisse deviner aussi le fort niveau d’appropriation des marges littorales opéré, au fil des décennies, par les populations riveraines qui y trouvaient les ressources et les moyens de leur subsistance. Il dévoile de surcroît les liens de proximité qu’autorisaient ces ports entre les communautés rurales dispersées le long du rivage.
Dispersion et concentration portuaire
74Ce qui frappe à première vue, lorsqu’on rapporte nos 623 emplacements aux 5 485 km de linéaire côtier retenus pour nos calculs, c’est l’extrême dissémination des lieux d’activité navale. Par endroits, ils paraissent avoir occupé la quasi-totalité des échancrures littorales offertes par l’environnement. Henri Touchard puis Gérard Le Bouëdec ont successivement parlé de « dispersion portuaire » et de « poussière portuaire » pour qualifier cet éparpillement déjà en place à l’aube des Temps modernes. En Aunis et en Saintonge, pas une conche ne fut laissée au seul empire de la Nature. En Pays de Caux, chaque dépression creusée dans le socle calcaire par un petit fleuve côtier avait vu se loger un port. Il en était de même pour les embouchures percées dans les cordons dunaires de la Flandre maritime ou pour les « esteys » de la Gironde et de la Garonne. Dans les zones de marais, le travail de canalisation réalisé par les paysans et les sauniers avait permis simultanément d’établir sur les bras d’eau des lieux de chargement des productions locales. En définitive, les populations riveraines de la mer avaient su exploiter au maximum les atouts de la perméabilité littorale que nous avons mise en évidence précédemment.
75Il en résulte des disparités importantes en termes de concentration des sites (fig. 6). Les densités les plus faibles se trouvent là où la côte est la plus étanche aux échanges maritimes. Les bordures gasconnes et flamandes, formées pour l’essentiel de cordons dunaires, présentent une distance moyenne entre chaque port de 25 km pour la première et 18 km pour la seconde. Les littoraux rocheux et hérissés de Bretagne font à peine mieux avec des valeurs comprises entre 13,6 et 17,2. Dans le même ordre de grandeur, il faudrait ajouter les portions sableuses du Bas-Poitou ou escarpées du nord du Cotentin. Dans ces secteurs, les terres étaient relativement imperméables à l’océan : soit parce qu’elles présentaient peu d’aspérités propices à l’abri des navires (comme en Flandre), soit parce que le relief de l’arrière-pays immédiat n’autorisait pas de prolonger les communications vers l’intérieur (comme en Bretagne). Dans le cas gascon, le littoral conjugue ces deux handicaps. Tempérons cependant cette analyse en constatant que pour la plaine maritime flamande, les cours d’eau et les canaux avaient permis de mettre en relation les ports avec les réseaux urbains de l’intérieur ce qui, en dépit de leur faible nombre, contribua au succès des échanges par voie de mer dans ce comté.
76Les densités augmentent depuis le Cotentin jusqu’au Boulonnais, selon des valeurs oscillant entre 8,7 et 6,4, à la faveur des brèches percées dans les falaises calcaires et des embouchures de nombreux fleuves côtiers. Le long de cette portion de littoral, les communications terrestres ou fluviales avec un chapelet de villes dynamiques situées à quelques dizaines de kilomètres de la côte, comme Saint-Lô, Bayeux, Caen, Lisieux, Rouen, Amiens ou Arras, soutinrent l’activité de ces ports. Les concentrations les plus fortes s’observent dans deux types bien particuliers de littoraux. Les zones de marais salants d’entre Loire et Gironde cumulaient un très grand nombre de sites portuaires. Localement, comme dans les bassins de la Baie ou de la Seudre, on peut trouver une moyenne d’un à deux kilomètres entre chaque lieu de chargement. Les basses vallées des trois principaux fleuves furent également propices au développement de ports. On en recense 49 sur les berges de la Gironde et de ses prolongements garonnais et dordognais, 25 sur celles de la Loire et 91 pour la Seine, avec des distances entre chaque aire de stationnement naval variant de six pour les deux premiers à 3,3 pour le troisième.
77Dans beaucoup de cas, les potentialités et les facilités offertes par le contexte géomorphologique côtier ont sans nul doute joué un rôle facilitateur, voire parfois majeur, dans l’implantation et le développement portuaires. Ne versons pas, toutefois, dans le piège du déterminisme environnemental. La main de l’homme a plus d’une fois modelé des rivages austères pour adapter à son service un milieu inapproprié. Cela s’observe justement dans les secteurs où la densité des lieux de transbordement est la plus forte. Les berges des fleuves comme les espaces salicoles présentent la particularité d’être inlassablement engraissés par l’apport de sables et de vases qui gomment les aspérités du littoral. Creusant des canaux et endiguant les rives, il revint souvent aux populations riveraines le mérite de créer et d’entretenir les conditions favorables au stationnement naval. Ainsi, la plupart des 41 ports qui assuraient l’évacuation du sel de la Baie à la fin du Moyen Âge tenaient leur existence du réseau de chenaux élaboré par les sauniers eux-mêmes.
Figure 4. – Concentrations et dispersions portuaires à la fin du Moyen Âge.

Conception et réalisation : Mathias Tranchant, 2017.
Polyvalence et spécialisations portuaires
78Un autre caractère permet de distinguer cette myriade de ports lorsqu’on observe la nature et l’organisation de leur trafic. Il apparaît assez nettement que la variété des produits qui transitaient par chacun d’eux fluctuait selon l’importance et le panel des activités propres aux communautés qu’ils desservaient.
79Le mouvement des ports ruraux, affectés au service d’un ou plusieurs villages, se singularise par un fort degré de spécialisation. Pour la majorité d’entre eux, c’est la pêche qui constitua le motif principal, sinon exclusif, de leur création puis de leur existence pérenne. C’est avec cette intention que de nombreux groupes de marins fixèrent le point d’attache de leurs navires dans les interstices des côtes rocheuses du Labourd, de Bretagne, de Normandie et du Boulonnais, ou sur les petits estuaires traversant les cordons dunaires du Bas-Poitou et de la Flandre. Lorsque la communauté villageoise qu’ils avaient constituée à proximité ne parvenait pas à diversifier ses activités économiques, en commerçant par exemple des marchandises complémentaires, ils se contentèrent, jusqu’à la fin du Moyen Âge, d’alimenter leur arrière-pays en poissons frais, salés ou séchés. Quant aux sites portuaires implantés au contact des zones salicoles ou viticoles, ils étaient assignés au chargement des productions réalisées au sein de ces territoires. Cela en faisait de véritables « ports à sel » ou « ports à vin », dont l’existence dépendait presque exclusivement de la denrée dont ils assuraient l’exportation. Les exemples les plus illustratifs se trouvent en Aunis et dans la Baie143.
80Aux abords des bourgs castraux ou ecclésiastiques, la diversité des marchandises transitant par les berges portuaires était plus grande. Il était en effet nécessaire de pourvoir aux besoins de populations composites, formées non seulement de pêcheurs voire de sauniers, mais aussi d’artisans, de commerçants, des membres de la communauté religieuse ou de la cour châtelaine, ainsi que de tout un personnel dévolu aux tâches afférentes à l’exercice des prérogatives seigneuriales. Leur consommation courante, assez variée, commandait l’approvisionnement de biens et de denrées que la seigneurie ne produisait pas, ou tout du moins insuffisamment. Il était également nécessaire de fournir les matières nécessaires aux petits ateliers de transformation ainsi qu’aux chantiers de construction. De surcroît, souvent situés à la croisée de modes de communication, ces bourgs jouaient un rôle d’interface d’échanges depuis lequel étaient réalisées de multiples opérations d’importation et d’exportation. De ce fait, les ports desservant ce type d’agglomérations se caractérisent par la polyvalence de leur trafic, correspondant à la pluralité des biens dont ils assuraient le chargement et le déchargement.
81À un stade plus évolué et développé se trouvaient les villes, parfois d’origine ancienne, pourvues de statuts privilégiés, ceintes de murailles, plaques tournantes du négoce régional, dotées d’institutions nécessaires au grand commerce (tabellionages, hôtel des monnaies, change, comptoirs, etc.), hauts lieux de la production préindustrielle et de la consommation de masse au Moyen Âge. C’est ici que se concentraient les multiples productions locales et étrangères. Pour assurer la circulation du grand volume de marchandises en transit, ce n’est plus un port, mais plutôt un complexe portuaire qu’il a souvent fallu mettre en place. Cet ensemble se trouvait alors subdivisé en plusieurs éléments qu’on a pu parfois spécialiser en fonction des denrées à traiter. On décompte, à la fin du xve siècle, douze secteurs portuaires affectés au transport maritime aux abords de Bordeaux, huit à Nantes, six à Rouen, trois à Bayonne, à Harfleur, à Calais et à Saint-Omer, ainsi que deux à Libourne, à La Rochelle, aux Sables-d’Olonne, à Vannes, à Auray, à Caen, à Honfleur, à Dieppe et à Abbeville. Parmi eux, certains étaient plus particulièrement destinés à accueillir les chargements de sel, de vin, de poisson, de pierres, de foin, etc.
Avant-ports et hiérarchies portuaires
82Soutenus par leurs autorités municipales, les membres de ces principales communautés marchandes ne se contentèrent pas de démultiplier leurs propres installations portuaires aux limites de leurs enceintes. Souvent, les bourgeois s’appliquèrent également à faire en sorte que les ports plus modestes positionnés dans leur voisinage soient attachés à leur service ; voire, selon des modalités diverses, qu’ils entrent dans leur dépendance.
83Différents objectifs motivaient ces rapprochements. D’abord, on avait pu vouloir compléter les capacités logistiques du site principal, en s’appuyant sur les installations portuaires, les personnels et les navires des aires de stationnement naval alentour. Par ce moyen, les négociants pouvaient compter sur les embarcations de pêche des villages côtiers pour augmenter leurs capacités de transport et de fret. Les petits ports offraient de surcroît autant de points de relâche, de lieux de transbordement et d’escales techniques qui facilitaient la circulation sur le fleuve ou le long de la côte, ainsi que l’écoulement des productions locales. C’est de cette manière que paraissent fonctionner les petits ports d’Aunis, de Bas-Poitou et de Saintonge à l’égard de La Rochelle144.
84Plusieurs mentions montrent que cette grande place commerciale, dont le volume du trafic dépassait largement ses propres capacités d’armement, pouvait compter sur l’important contingent de bateaux établis entre Loire et Gironde pour combler une partie de ses carences navales. Les matelots poitevins, aunisiens et saintongeais avaient aussi l’habitude de travailler ensemble pour les armateurs de la région. Et, malgré leurs infrastructures rudimentaires, les dizaines de petits ports de ce secteur étaient autant d’auxiliaires très appréciables. Ils procuraient des mouillages et des abris où les navires et leurs équipages faisaient relâche pour plusieurs jours, tandis que les maîtres et les marchands négociaient en ville. Le port rochelais était d’ailleurs incapable de remplir à lui seul cette tâche. L’échevinage préféra, pour ne pas l’encombrer inutilement, le réserver aux seuls bâtiments venus réellement commercer. En décembre 1350, il alla même jusqu’à interdire l’entrée de son havre aux nefs n’apportant aucune marchandise ou n’étant pas affrétées145. Les sites en eau profonde tels que le Plomb ou Port-Neuf étaient de ce fait recherchés. Pour les mêmes raisons, on fréquentait beaucoup la baie de Rivedoux ainsi que la rade de la Pallice. La flotte d’allèges de Port-Neuf pourvoyait de surcroît au chargement et au déchargement des plus gros vaisseaux. Et puis, il fallait aussi permettre aux bâtiments étrangers de se ravitailler et, le cas échéant, d’être réparés. Là encore, les ports secondaires de l’Aunis procuraient à leur capitale un appui non négligeable. Ils étaient en mesure de fournir tout ou partie du pain, du poisson, de la viande, de l’eau et du vin nécessaires au voyage retour. Au sein du port du Plomb, des chantiers navals proposaient leurs services pour la réfection des bâtiments endommagés146.
85Cette adéquation fonctionnelle entre sites côtiers s’observe aussi en contexte fluvial. Marcel-Adolphe Hérubel et Jean Tanguy considéraient que les ports de Couëron, le Pellerin, Rohart, Lavau, Paimboeuf, Montoir, Méan, Saint-Nazaire, Le Pouliguen et Le Croisic apportaient leur secours logistique à celui de Nantes en lui procurant de potentielles escales techniques, des lamaneurs, des pilotes et des marins, ainsi que des moyens de défense147. Plusieurs ports de la basse Seine, comme Caudebec ou Quillebeuf, devaient fournir des services identiques à la capitale normande148. Michel Mollat voyait en Honfleur et Harfleur des points de relâche d’une grande utilité pour les Rouennais puisqu’ils permettaient aux gros vaisseaux étrangers de s’alléger à l’entrée de l’estuaire plutôt qu’ils ne risquent de se perdre sur un haut-fond d’amont. Plus encore, il pensait que le site de Rouen était lui-même un lieu d’armement naval pour les Parisiens, attendu que les deux villes fonctionnaient conjointement en la matière149. Quant au complexe du Zwin, il aurait été dès le xiiie siècle la forme la plus aboutie de cette complémentarité portuaire. Les canaux intra-urbains de Bruges, situés au fond du cône formé dans la plaine maritime, étaient desservis par les stations de Damme, Monnikerede, Hoeke, Mude et L’Écluse où se trouvaient les grues, les allèges et tout un personnel affecté à la manutention150.
86Les auteurs ont pris l’habitude, depuis plusieurs décennies, de caractériser la connexion établie entre un site portuaire principal, localisé en un endroit reculé du fleuve, et un site secondaire positionné à proximité de l’embouchure, en désignant ce dernier sous l’appellation « avant-port ». Pourtant, dans son Dictionnaire de la marine françoise, Charles Romme, repris ensuite par Augustin Jal, en proposait une définition plus restrictive en 1792. Selon lui, l’avant-port est un « espace de mer, qui précède un port, qui peut mettre des vaisseaux à l’abri, mais qui ne présente pas, comme un port, des chantiers, des ateliers, & des magasins établis sur ses contours151 ». Et encore dans les dictionnaires d’aujourd’hui, cette acception se rapporte aux seuls bassins de stationnement ou de manœuvre précédant l’entrée d’un port. Un usage détourné et abusif de l’expression initiale s’est donc répandu chez les spécialistes d’histoire maritime. L’appliquant à notre champ d’étude, dans le prolongement des exemples précédents, Bénodet aurait été l’avant-port de Quimper, Ouistreham celui de Caen, Le Tréport celui d’Eu, Saint-Valery et Le Crotoy ceux d’Abbeville, Étaples celui de Montreuil, Gravelines et Dunkerque ceux de Saint-Omer, etc. Par ailleurs, y prêtant davantage attention, on devine que cette formule n’opère pas seulement un lien géographique entre les ports d’amont et d’aval. Elle laisse entendre, simultanément, qu’il existait entre eux une évidente association d’intérêts, un prolongement fonctionnel ; que les premiers – les plus anciens – occupaient le rôle majeur, tandis que les seconds – derniers apparus – étaient renvoyés à une position auxiliaire. Or nous devons absolument nous garder de cette fragile évidence. Car, en effet, ce rapport de subordination n’était pas systématique.
87Jusqu’à la fin du xiie siècle, tant que le tonnage et le tirant d’eau des vaisseaux évoluèrent peu, la zone de rupture de charge qui facilitait la convergence des moyens de communication terrestres et fluviaux demeura souvent localisée en amont des estuaires, là où les principales villes et leurs territoires portuaires avaient été initialement fondés. Cependant, sous la double influence des progrès navals et de l’alluvionnement des cours d’eau, la question de l’accès à ces ports d’origine se trouva bientôt posée. Les courants, les vents, les hauts-fonds et le long parcours sinueux qu’il fallait emprunter constituaient autant d’obstacles et de contraintes pour des bateaux toujours plus lourds et toujours moins manœuvrants. Cette situation handicapait le trafic et les échanges commerciaux. Pire, elle était de nature à détourner la clientèle pour des installations plus aisées à aborder. Parce qu’en effet, même si dans un premier temps l’apparition de bassins d’accueil à proximité de la côte pouvait sembler solutionner le problème logistique, le développement à ses abords d’une nouvelle communauté marchande faisait craindre rapidement une dangereuse concurrence pour les commerçants anciennement établis. La méfiance, voire le conflit, l’emportèrent assez souvent sur une supposée mutuelle et pacifique coordination.
88À Bayonne, le 27 octobre 1296, les autorités urbaines rédigèrent, de leur propre initiative, un établissement imposant leur juridiction jusqu’au « boucau de la Pointe », à proximité de l’embouchure initiale de l’Adour. L’enjeu pour la ville était de taille. Il s’agissait de contrôler l’activité navale sur le cours inférieur du fleuve, pour des raisons de sécurité économique et militaire. Au niveau de Capbreton, des pilotes ou « locmans » assermentés par le pouvoir urbain conduisaient les vaisseaux depuis le Gouf jusqu’aux quais de la Nive. Et, dans le même temps, par des mesures protectionnistes, les Bayonnais s’employèrent par tous les moyens à empêcher Capbreton et son port de prospérer. En dépit du déplacement du cours de l’Adour jusqu’au Vieux-Boucau, ils ne cessèrent, jusqu’au début du xvie siècle, de maintenir leur exclusivité et d’être attentifs à ce que le trafic reste concentré dans leur propre port. Entre 1498 et 1512, leurs privilèges en la matière sont plusieurs fois mentionnés152. Dans un acte du 11 mai 1511, voici comment ils étaient détaillés :
« Inhibem et deffendem de mediches partz a tote condicion et manyere de gens, tant privatz que estrangers, que doresnavant no fazen portz, cargue ni descargue en l’arribeire de l’Ador despuchs Horgave dequi au Bocau, juridiction de ladite ciutat, d’aucunes marchandises […] que en ladite ciutat solemens […] sus pene de perdre lesdites marchandises, nabius et autres pennes à l’arbitre deudict maire et conseilh153. »
89À Caen, d’après la coutume de la prévôté, dont la version la plus ancienne remonte au tournant des xiie et xiiie siècles, « nulle neif puisque elle est venue à Oistreham dedens le port de Oulne [Orne], elle ne puet ne ne doit deschargier ses marchandises à Oistreham ne en nul lieu fors a Caen mais elle puet tant seulement allegier son fais pour venir plus legierement mais elle n’en puet encore riens faire sans le congieu du prévost154 ». Comme dans le cas de Bayonne, on reconnaît clairement dans cette règlementation la volonté de maintenir le port d’aval d’Ouistreham à l’état d’annexe du centre caennais. Les grands vaisseaux de mer qui entraient dans l’Orne pouvaient alléger en faisant transborder leurs biens sur des bateaux qui remontaient ensuite le fleuve. Mais lesdites marchandises ne pouvaient en aucun cas être déchargées sur les rives, ce qui interdisait aux habitants d’Ouistreham l’espoir de développer un jour un quelconque commerce.
90En Flandre, Saint-Omer qui, avec le soutien de Philippe d’Alsace, lança un vaste programme de canalisation de l’Aa entre 1160 et 1170, s’appliqua à maintenir Gravelines et le cours du petit fleuve sous sa domination. La ville obtint la propriété des eaux et des berges du chenal, le long duquel il était bien entendu interdit de décharger avant d’avoir gagné son propre espace portuaire. Dans les années 1440, les Audomarois, dont le commerce était menacé par la dégradation des accès à la mer, engagèrent et financèrent un nouveau projet de creusement du havre de Gravelines ainsi que du cours de l’Aa. Ils débloquèrent pour cela quelque 2 000 livres par an ; en contrepartie de quoi, le duc autorisa la perception d’une « cueillote » sur le trafic du canal et du port de Gravelines155. Pour Bruges, la situation fut plus délicate. Si la communauté urbaine put imposer sans partage sa suprématie sur le Zwin durant tout le xiiie siècle, l’incessant et irrémédiable ensablement du couloir de navigation finit par avoir raison de son autorité, les habitants de L’Écluse s’émancipant peu à peu de sa tutelle156.
91Bien qu’assez répandu, ce rapport de domination entre une ville portuaire principale et un voire plusieurs ports secondaires, n’était pas généralisé. En basse vallée de la Somme par exemple, le poids des bourgs de Saint-Valery et du Crotoy, lesquels verrouillaient l’estuaire, n’avait pas permis à Abbeville d’établir un tel niveau de domination sur le fleuve. Les bâtiments venant de la Manche chargeaient et déchargeaient sur les quais de l’embouchure, des « brigannes » – embarcations typiques de quelques dizaines de tonneaux – assurant les liaisons avec le port du Guindal. Le contexte apparaît assez similaire sur la Canche : Montreuil s’est longtemps appliquée à maintenir Étaples sous une certaine tutelle sans pouvoir toutefois lui interdire ses propres activités commerciales et portuaires. En témoigne le conflit entre les deux municipalités au cours de la première moitié des années 1420157. Rouen, en dépit de la mise en place de la vicomté de l’Eau, ne disposait d’aucun pouvoir sur les ports de la basse Seine, à plus forte raison à Harfleur où un milieu de marchands avait prospéré. Nantes n’était pas davantage en mesure d’imposer ses vues sur l’estuaire de la Loire. Et que dire de Bordeaux ? Son influence directe sur les ports d’aval ne dépassait pas Castillon, le long de la rive gauche de la Gironde. Depuis les années 1220-1240, les bourgeois revendiquaient le monopole sur l’exportation des vins, privilège qui leur fut reconnu officiellement par Louis XI en 1462. Par ce moyen, les productions du Médoc ne pouvaient être directement exportées via les petites installations portuaires des paroisses rurales mais devaient rejoindre la place bordelaise avant être réexpédiées. Au-delà de cette restriction, la grande ville marchande n’était guère en mesure de peser sur les activités maritimes des sites d’aval, sauf peut-être au sein de sa banlieue. Et sur la rive droite, son impuissance était plus marquée encore, les bourgs et seigneurs concurrents conservant jalousement leurs prérogatives de riverains de l’estuaire158.
92Le modèle selon lequel, des relations de tutelle auraient uni étroitement et fait fonctionner ensemble des ports installés sur un même bassin fluvial, n’était donc pas la règle. La même observation peut être faite en contexte côtier. Revenons pour cela sur l’exemple rochelais. En dehors de son propre havre, la commune ne disposa, formellement, d’aucune autorité directe sur les sites portuaires de ses environs qui, par dizaines, avaient vu le jour au cours des xie-xve siècles. Et sa situation en bord de côte – exceptionnelle pour une place de cette importance – ne lui procurait aucun ascendant géographique naturel, tel que les villes de fond d’estuaire pouvaient en bénéficier. Les habitants de La Rochelle se sont donc trouvés, dès la naissance de leur ville durant la seconde moitié du xiie siècle, exposés à de nombreux concurrents, prêts à tirer parti du développement des échanges maritime du sel et du vin. Et pourtant, ils surent s’imposer sur la scène régionale et contenir l’émergence de foyers commerciaux et portuaires susceptibles de menacer leurs intérêts. Comment ? Au moyen de plusieurs dispositifs, mécanismes et prérogatives acquis et mis en œuvre au prix d’une inaltérable opiniâtreté. Sur le plan logistique, ils établirent un grand port fortifié, le plus vaste et le plus sûr du Centre-Ouest. Sur le plan économique, ils parvinrent à concentrer dans leur ville les services indispensables au grand commerce : un atelier monétaire et des bancs de changeurs pour disposer de suffisamment de numéraire, un tabellionage pour contracter des prêts et des affrètements, des comptoirs et des privilèges propres à chaque communauté étrangère. Ils s’approprièrent aussi l’essentiel des terres et des moyens de production du vin ; et ils captèrent une bonne partie de la commercialisation du sel produit dans les marais d’entre Sèvre et Gironde. Sur le plan juridictionnel, ils furent dotés d’une banlieue. Sur le plan fiscal, le pouvoir royal renforça continuellement leurs prérogatives en leur confiant tout ou partie des nouvelles taxes établies sur la circulation des marchandises en Aunis et Saintonge. Sur le plan militaire, ils pilotaient le système de défense littoral. C’est en concentrant l’ensemble de ces compétences que la commune a pu maintenir dans son orbe les installations voisines. Elle sut ainsi se ménager leurs services tout en contenant leur potentielle concurrence159.
93Nous constatons donc que les polarités et les hiérarchies portuaires qui furent établies durant la seconde moitié du Moyen Âge connurent des formes et des intensités variables selon les circonstances géographiques, économiques et surtout politiques. Beaucoup de sites positionnés en embouchure ne furent pas des avant-ports, c’est-à-dire des appendices attachés au fonctionnement de havres dominants et au pouvoir de villes installées sur la même voie navigable qu’eux, plus en retrait de la côte. Partout la compétition était la règle. Elle opposait entre eux les gens de mer, les marchands, les autorités urbaines, seigneuriales et princières, tous ceux qui d’une manière ou d’une autre tiraient parti de l’existence d’un port. Leurs compétitions se réglaient parfois à coups de privilèges. Mais elles persistaient dans la plupart des cas, leurs intérêts divergents ne trouvant de solutions qu’au gré des pressions économiques et politiques, de la constitution de monopoles, d’arbitrages devant les tribunaux, de compromis provisoires et des nécessités du moment.
⁂
94La mise en place, au cours des xie-xve siècles, du semi portuaire de la France atlantique, procède de nombreux facteurs environnementaux et anthropiques. De sorte que la répartition des 623 sites inventoriés, comme leurs dimensions spatiales et économiques, s’avèrent très inégales. Nécessairement incomplet, notre recueil propose cependant une image qui doit être assez proche de la réalité d’alors. Au seuil de l’Époque moderne, elle correspond probablement, à l’exception de la Bretagne dont la vie littorale continua de croître, à la densité maximale des lieux de stationnement naval qui ne sera plus jamais atteinte par la suite.
95Par endroits, comme à proximité des zones salicoles et viticoles d’entre Loire et Gironde, ou en basse vallée de la Seine, la vigueur de l’économie littorale se conjuguait à la perméabilité du rivage. C’est là que les concentrations de sites portuaires furent les plus fortes. Dans d’autres contextes maritimes, comme le long des dunes de Guyenne ou de la bordure rocheuse de Bretagne, les côtes inhospitalières et la vie en retrait des populations limitaient ou retardaient la création de lieux d’accueil des navires. Complétons notre analyse en soulignant toutefois que dans le cas Flamand, les vicissitudes environnementales n’empêchèrent pas les populations bordières de la mer du Nord de mettre à profit les quelques opportunités offertes par le milieu pour développer des havres très dynamiques, parfois de dimension internationale.
96L’irrégularité de la répartition géographique répond à celle de la chronologie des créations portuaires. Les xie-xiiie siècles constituent la période privilégiée au cours de laquelle la majorité des sites apparurent, quand simultanément se densifiait le maillage des villages ruraux et des foyers urbains. Le réveil économique des franges littorales de l’Europe, conjugué à l’avènement de l’ordre féodal ainsi qu’au développement du matériel naval, stimulèrent l’implantation de points de stationnement et de chargement. Les ports ruraux, les plus nombreux, furent établis non loin d’un village ou au contact d’une zone de production ; les autres étaient l’émanation de l’essor commercial concentré dans les centres urbains, avec lesquels ils formaient des châteaux-ports et des villes-ports. Le rythme de leur formation faiblit durant le xiiie siècle, les opportunités du milieu se faisant moins nombreuses et, bientôt, les crises des xive et xve siècles plongeant la vie maritime dans la violence et le marasme. Les projets de nouveaux ports n’en ont que plus d’intérêt historique. Cette guirlande irrégulière de sites aux multiples spécificités et différences trouva progressivement, et par endroits seulement, une sorte d’ordonnancement en réseaux, au sein de pôles d’échanges et de distribution.
Notes de bas de page
1Compte tenu de la somme d’informations déjà rassemblées dans le Tableau géohistorique que constitue le premier volume de cette étude Tranchant Mathias, Les ports maritimes de la France atlantique (xie-xve siècles), op. cit., nous nous contenterons souvent dans ce chapitre d’en reprendre certains aspects essentiels. Aussi, pour plus de détails, nous invitons le lecteur à se reporter à la description des ports évoqués ainsi qu’aux références bibliographiques et aux notes de bas de page qui y figurent.
2Voir la synthèse étymologique sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales, [http://www.cnrtl.fr/definition/littoral] : « a) 1752 adj. “qui vit dans les eaux proches du rivage” ; b) 1793 “qui est situé au bord de la mer” ».
3Sarrazin Jean-Luc, La campagne et la mer…, op. cit., p. 93 ; Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 44 et 108.
4La description synthétique qui suit est en grande partie fondée quelques ouvrages classiques comme : Bavoux Jean-Jacques, Les littoraux français, Paris, Armand Colin, 1997, p. 38-70 ; Miossec Alain, Les littoraux, entre nature et aménagement, Paris, Armand Colin, 2004 (3e éd.), p. 9-24 ; Verger Fernand, Marais et estuaires du littoral français, Paris, Belin, 2005 ; Collectif, Atlas permanent de la mer et du littoral, no 3, Entre Seine et Gironde, Brest, Editmar, 1997.
5Ayant introduit ici ce néologisme, nous nous bornerons désormais à l’employer sans guillemets dans le reste du texte.
6Ce terme de perméabilité, employé de manière incidente et ponctuelle par J.-C. Heesterman puis par Michael N. Pearson pour évoquer une sorte de « fongibilité », « d’interchangeabilité » entre la terre et l’eau, n’a jamais donner lieu, jusque-là, à la construction d’un véritable concept géohistorique. Voir Heesterman Johannes Cornelis, « Littoral et intérieur de l’Inde », Itinerario, no 1, 1980, p. 87-92, p. 89 ; Pearson Michael Naylor, « Littoral society: the concept and the problems », Journal of World History, vol. 17, no 4, 2006, p. 353-373, p. 356 ; Tranchant Mathias, « Ports et environnement de la France atlantique (xie-xve siècle) », Journal for the History of Environment and Society, vol. 6, 2021, p. 63-96.
7Sarrazin Jean-Luc, « Le littoral poitevin (xie-xiiie siècle)… », art. cité, p. 20.
8Le Masson du Parc François, Pêches & pêcheurs du domaine maritime aquitain au xviiie siècle. Amirautés de Bayonne & de Bordeaux. Procès-verbaux des visites faites par ordre du Roy concernant la pesche en mer (1727), éd. Bernard Larrieu, Camiac/Saint-Denis, Les Éditions de l’Entre-deux-Mers, 2004 ; Le Masson du Parc François, Pêches et pêcheurs du domaine maritime et des îles adjacentes de Saintonge, d’Aunis et du Poitou, au xviiie siècle. Procès-verbaux des visites faites concernant la pesche dans le ressort des amirautés de Marennes, de La Rochelle et des Sables d’Olonne en 1727 et en 1728, éd. Denis Lieppe, Saint-Quentin-de-Baron/Rochefort-sur-Mer, Les Éditions de l’Entre-deux-Mers/Observatoire européen de l’Estran, 2009 ; Barré Éric, Ridel Élisabeth et Zysberg André (dir.), Ils vivent avec le rivage. Pêche côtière et exploitation du littoral, actes du colloque du Musée maritime de l’île Tatihou (29 juin-1er juillet 2000), Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2005.
9Voir en particulier : Mollat Michel (dir.), Histoire des pêches maritimes en France, Paris, Bibliothèque historique Privat, 1987 ; Bochaca Michel, Arízaga Bolumburu Beatriz et Gallicé Alain, « Les pêches maritimes dans le golfe de Gascogne à la fin du Moyen Âge », Revue d’histoire maritime, no 15, « Pêches et pêcheries en Europe occidentale du Moyen Âge à nos jours », Le Bouëdec Gérard et Sauzeau Thierry (dir.), 2012, p. 45-72.
10Nogaret Joseph, Saint-Jean-de-Luz, des origines à nos jours, 1re imp., Bulletin de la Société des sciences, lettres, arts et d’études régionales de Bayonne, Bayonne, Imprimerie du Courrier, 1925 ; réimp., Bayonne, Le savoir régional, 1981, p. 20 ; Balasque Jules et Dulaurens Ernest, Études historiques sur la ville de Bayonne, t. I, Bayonne, Lasserre, 1862, p. 144 ; Rôles gascons, t. II, 1273-1290, éd. Charles Bémont, Paris, Imprimerie nationale, 1900, no 479, p. 131 ; no 1438, p. 445 et 446 ; Recueil d’actes relatifs à l’administration des rois d’Angleterre en Guyenne au xiiie siècle (Recogniciones feodorum in Aquitania), éd. Charles Bémont, Paris, Imprimerie nationale, 1914, no 414 ; Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 49 ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 206-210.
11Bochaca Michel, Arízaga Bolumburu Beatriz et Gallicé Alain, « Les pêches maritimes dans le golfe de Gascogne à la fin du Moyen Âge », art. cité, p. 52-54 ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 199-206.
12Balasque Jules et Dulaurens Ernest, Études historiques sur la ville de Bayonne, op. cit., t. I, p. 246 et 247 ; t. III, p. 189-191 ; no XIX, p. 450 et 451 ; Monlezun Jean-Justin, Histoire de la Gascogne depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, t. II, Auch, J.-A. Portes, 1846, p. 385 ; Brissaud Désiré, Les Anglais en Guyenne, Paris, J.-B. Dumoulin, 1875, p. 299.
13Goyheneche Eugène, La pêche à la baleine, Donostia-San Sebastián, Eusko-Ikaskuntza, coll. « Cuadernos de sección Historia-Geografia », 1984, p. 9-11.
14Cleirac Estienne, Us et coustumes de la mer…, op. cit., no 16, p. 146 ; Goyheneche Eugène, La pêche à la baleine, op. cit., p. 12 et 13.
15Rôles gascons, t. II, op. cit., no 1438, p. 445-447.
16Balasque Jules et Dulaurens Ernest, Études historiques sur la ville de Bayonne, op. cit., t. III, p. 104.
17AD 64, G 85.
18Cleirac Estienne, Us et coustumes de la mer…, op. cit., p. 138.
19Périsse Sébastien, Les campagnes littorales saintongeaises…, op. cit., p. 259-261 ; Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 195-199.
20AN, V7 71, amirauté de La Rochelle.
21Médiathèque de La Rochelle, ms. 169, fol. 5 (20/12/1446) ; ms. 183, fol. 29 vo-30 (15/08/1481).
22Registre de la Jurade. Délibérations de 1406 à 1409, éd. Henri Barckhausen, Archives municipales de Bordeaux, t. III, Bordeaux, Imprimerie G. Gounouilhou, 1873, p. 162 et 163.
23Favreau Robert, « Les ports de la côte poitevine au xve siècle », art. cité, p. 18 et 19 ; Sarrazin Jean-Luc, « Le littoral poitevin (xie-xiiie siècle)… », art. cité, p. 20.
24AN, 1 AP 1981. AD 85, H 190/2 ; Cartulaire de l’abbaye de Talmond, éd. Louis de La Boutetière, Poitiers, Fradet, 1872 (Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, t. XXXVI), no 441 et 442 ; Cartulaire de l’abbaye d’Orbestier, éd. Louis de La Boutetière, Poitiers, H. Oudin Frères, 1877 (Archives historiques du Poitou, t. VI), no 4, p. 9 ; no 31, p. 35 et 36 ; no 71, p. 82 ; no 332, p. 496-501 ; Recueil de documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, 1302-1333, éd. Paul Guérin, Poitiers, Imprimerie Oudin, 1881 (Archives historiques du Poitou, t. XI), no CLXXV et CLXXVI, p. 409-417.
25Cartulaire de l’abbaye d’Orbestier, op. cit., no 243, p. 301.
26Mollat Michel (dir.), Histoire des pêches maritimes en France, op. cit., p. 86-93.
27Tranchant Mathias, « Les Sables, de Savary de Mauléon (1218) à Philippe de Commynes (1472) : la lente genèse d’une ville neuve dans sa châtellenie littorale », in Les Vendéens et la mer, de la grande pêche au Vendée Globe, actes du colloque tenu aux Sables-d’Olonne les 20, 21 et 22 septembre 2007, La Roche-sur-Yon, Éditions du Centre vendéen de recherches historiques, 2008, p. 55-87, p. 80.
28AN, Z1A 16, fol. 64.
29Cassard Jean-Christophe, Les Bretons et la mer au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1998, p. 134.
30Morice Pierre-Hyacinthe, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. I, 3 tomes, Paris, Charles Osmont, 1742-1746, col. 596-598.
31Guillotel Hubert, « Les vicomtes de Léon aux xie et xiie siècles », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LI, 1971, p. 29-51, p. 48.
32Tanguy Jean-Yves, Le port et havre de Roscoff, ou histoire d’une vocation maritime, Gourin, Éditions des Montagnes Noires, 2010, p. 10 et 13-17.
33Kerhervé Jean (dir.), Histoire de Quimper, Toulouse, Privat, 1994, p. 78.
34Darsel Joachim, « Seigneuries maritimes de Bretagne », art. cité, p. 40 et 41 ; Le Boulanger Jean-Michel, Douarnenez. Histoire d’une ville, Quimper, Éditions Palantines, 2000, p. 35 et 36.
35AN, MAR C4 175, p. 714.
36Morice Pierre-Hyacinthe, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, t. I, Paris, Delaguette, 1750-1756, p. 211.
37Ibid., p. 994.
38AN, V7 71, amirauté de Brest, sans numéro.
39Bernard Jacques, Navires et gens de mer à Bordeaux (vers 1400-vers 1550), op. cit., p. 215.
40Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 59-61.
41Darsel Joachim, « L’Amirauté en Normandie », Annales de Normandie, 1969-1986 (somme de vingt articles consacrés à chaque amirauté) ; Barré Éric, Ridel Élisabeth et Zysberg André (dir.), Ils vivent avec le rivage…, op. cit. ; Ridel Elisabeth, Barré Éric et Zysberg André (dir.), Les nourritures de la mer, de la criée à l’assiette. Techniques de conservation, commerce et pratiques alimentaires des produits de la mer, de l’Antiquité à nos jours, actes du congrès international du Musée maritime de l’île Tatihou (2-4 octobre 2003), Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2007 ; Lardin Philippe, « Le poisson de Dieppe au Moyen Âge », in Claude Thomasset (dir.), Le poisson, une histoire extraordinaire, Paris, Connaissance et Mémoire, 2003, p. 6-31 ; Hérubel Marcel-Adolphe, « La règlementation de la pêche et du commerce de poisson en Normandie au Moyen Âge », Normannia, t. III, 1930.
42Davy Gilduin, « Consuetudines maris et maritimas consuetudines… », art. cité, p. 93, 94, 105 et 106 ; Musset Lucien, « Quelques notes sur les baleiniers normands du xe au xiiie siècle », Revue d’histoire économique et sociale, vol. XLII, 1964, p. 147-161.
43Proulx Jean-Pierre, La pêche de la baleine dans l’Atlantique Nord jusqu’au milieu du xixe siècle, Ottawa, Parc Canada, 1986, p. 12.
44Renaud Lucien-Georges-Louis, Notices sur les ports de Fécamp, d’Yport et d’Étretat, Paris, Imprimerie nationale, 1874, p. 7 ; Michel Joachim, Notice sur le port de Fécamp, Le Havre, Albert Mignot, 1865, p. 17.
45Davy Gilduin, « Consuetudines maris et maritimas consuetudines… », art. cité, p. 95-97.
46Recueil des actes des ducs de Normandie de 911 à 1066, éd. Marie Fauroux, Caen, Caron et Cie, 1961 (Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, t. XXXVI), p. 119.
47Musset Lucien, « Les ports en Normandie du xie au xiiie siècle… », art. cité, p. 119.
48Cochet Jean-Benoît-Désiré, Étretat, son passé, son présent, son avenir, Dieppe, Émile Delevoye, 1869 (5e éd.), p. 78 ; Renaud Lucien-Georges-Louis, Notices sur les ports de Fécamp, d’Yport et d’Étretat, op. cit., p. 89.
49Fallue Léon, Histoire de la ville et de l’abbaye de Fécamp, Rouen, Nicétas Periaux, 1841, p. 176, 193.
50Hellot Amédée, Les travaux des ports, les marines et la pêche au pays-de-Caux pendant le Moyen Âge, Rouen, Lestringaut, 1891, p. 30, 38-40, 44 et 49-54.
51Barré Éric, Les actes se rapportant à la vie maritime…, op cit., p. 152-158.
52Barré Éric, « Les pêcheries de la baie de Seine du xive au xve siècle », Chronique d’histoire maritime, no 66, 2009, p. 61-76.
53AD 76, 1 ER 11, fol. 2 ; Mouchard Jimmy, Les sites portuaires gallo-romains et médiévaux de l’estuaire de la Seine, thèse d’histoire, dir Anne-Marie Flambard Héricher, université de Rouen, 2008, p 281.
54AD 76, 1 ER 227 ; Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., p. 1095.
55Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., p. 767, 1060.
56AD 76, 1 ER 35 ; ibid., p. 1114.
57AD 76, 1 ER 97 ; Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., p. 1113 et 1115.
58Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., p. 1129 et 1131.
59AD 76, 1 ER 98.
60AD 76, 9 H 1, fol. 172-173 ; 9 H 8, fol. 9 et 58 ; 9 H 734-738.
61AD 76, 16 H 139, 179 ; 1 ER 446/53, fol. 5.
62Leroux Nicolas, « Réflexions sur les pêcheries fluvio-maritimes médiévales dans la basse vallée de la Seine », in Élisabeth Lalou, Bruno Lepeuple et Jean-Louis Roch (dir.), Des châteaux et des sources. Archéologie et histoire dans la Normandie médiévale. Mélanges en l’honneur d’Anne-Marie Flambard Héricher, Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, p. 129-141, p. 137.
63Tieullier Guillaume, Le coustumier de la vicomté de Dieppe, op. cit., p. XXIII, LXI-LXVIII. Lardin Philippe, « Les transformations de la ville de Dieppe pendant la guerre de Cent Ans », in Pierre Bouet et François Neveux (dir.), Les villes normandes au Moyen Âge ; renaissance, essor, crise, actes du colloque international de Cerisy-la-Salle (8-12 octobre 2003), Caen, Presses universitaires de Caen, 2006, p. 75-107, p. 75.
64Lardin Philippe, « L’activité du port de Dieppe… », art. cité, p. 171.
65Tieullier Guillaume, Le coustumier de la vicomté de Dieppe, op. cit., p. LXII et LXIII.
66AD 76, G 498-538.
67Mollat Michel, « La pêche à Dieppe au xve siècle », Bulletin de la Société d’Émulation de Rouen et de la Seine inférieue, exercice 1938, Rouen, 1939, p. 169-211 ; Lardin Philippe, « Le poisson à Dieppe au Moyen Âge », in Claude Thomasset (dir.), Le poisson, une histoire extraordinaire, Paris, Connaissance et Mémoire, 2003, p. 6-31.
68AN, JJ 066, fol. 364v-368v, no 889.
69Noël de La Moriniere Simon-Barthélemy-Joseph, Histoire générale des pêches anciennes et modernes dans les mers et les fleuves des deux continents, t. I, Paris, Imprimerie royale, 1815, p. 320.
70Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais, Arrondissement de Montreuil, Arras, Sueur-Charruey, 1875, p. 318 et 343.
71Souquet Gustave, Histoire chronologique de Quentowic et d’Étaples, Étaples, Les amis du musée de la marine d’Étaples, 1983 (1863), p. 39, 42, 43, 50 et 51 ; Souquet Gustave, Histoire des rues d’Étaples, Amiens, Lenoel-Herouart, 1860, p. 78-82.
72AN, JJ 185, fol. 66-67, no 83.
73AN, X1A 64, fol. 36 vo B, 152v-153, 136-136 vo ; X1A 1480, fol. 307 vo ; X1A 4793, fol. 405-405 vo, 472-472 vo ; X1A 4794, fol. 11, 12-12 vo, 13 vo, 26, 45, 50 vo-52, 121 vo-122 vo, 131 vo-132, 133 vo-134, 135, 138-138 vo.
74Kapferer Anne-Dominique, « Chapitre III : Boulogne devient une ville (1113-1339) », in Alain Lottin (dir.), Histoire de Boulogne-sur-Mer, Lille, Presses universitaires de Lille, 1983, p. 55, 74 et 81 ; Vivenot Henri-Hippolyte, Notice sur le port de Boulogne, Paris, Imprimerie nationale, 1874, p. 8 ; d’Hautefeuille Auguste et Bénard Louis, Histoire de Boulogne-sur-Mer, t. I, Boulogne-sur-Mer, s. é., 1860, p. 155.
75Henry Jacques-François, Essai historique, topographique et statistique sur l’arrondissement communal de Boulogne-sur-Mer, Boulogne, Leroy-Berger, 1810, p. 131 ; Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais, Arrondissement de Boulogne, t. III, Arras, Sueur-Charruey, 1882, p. 342 et 343.
76AD 62, A 4/5.
77Voisin Jean, « Le port de Boulogne », in Boulogne-sur-Mer et la région boulonnaise, ouvrage offert par la ville de Boulogne-sur-Mer aux membres du xxviiie congrès de l’association française pour l’avancement des sciences (Boulogne, 14-21 septembre 1899), Boulogne-sur-Mer, Société typographique et lithographique, 1899, p. 387-404, p. 714.
78Chavanon Jules, « Essai sur le mouvement du port de Calais de 1300 à 1346 », art. cité, p. 122 et 125 ; Derville Alain, « Calais avant 1347. La vie d’un port », Revue du Nord, no 1 spécial hors-série, « Les Hommes et la mer dans l’Europe du Nord-Ouest de l’Antiquité à nos jours », Lottin Alain, Hocquet Jean-Claude et Lebecq Stéphane (dir.), 1986, p. 189-213, p. 189, 194-197 et 206-208.
79Derville Alain et Vion Albert (dir.), Histoire de Calais, Dunkerque, Éditions des Beffrois, 1985, p. 57 et 82.
80Giry Arthur, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, Paris, F. Vieweg, 1877, p. 312 ; Derville Alain, « Les origines de Gravelines et de Calais », art. cité, p. 1055 ; Derville Alain, Saint-Omer : des origines au début du xive siècle, op. cit., p. 180 et 181 ; Verhulst Adriaan, « Un exemple de la politique économique de Philippe d’Alsace : la fondation de Gravelines (1163) », Cahiers de civilisation médiévale, no 37, 10e année, 1994, p. 15-28, p. 18.
81Derville Alain (dir.), Histoire de Saint-Omer, op. cit., p. 86 ; Derville Alain, « Les relations économiques entre Saint-Omer et Dunkerque à la fin du Moyen Âge », Les amis du vieux Dunkerque, no 14, 1982, p. 39-65, p. 47.
82Lemaire Louis, Histoire de Dunkerque, des origines à 1900, Dunkerque, Imprimerie du Nord Maritime, 1927, p. 21 et 58 ; Bertrand Raymond de, Histoire de Mardick et de la Flandre maritime, Dunkerque, Imprimerie C. Drouillard, 1852, p. 111 et 112.
83BnF, ms. lat. 9124.
84Cabantous Alain (dir.), Histoire de Dunkerque, Toulouse, Privat, 1983, p. 39 et 52-56.
85Pasquini Jules-Nicolas, Histoire de la ville d’Ostende et du port, précédée d’une notice des révolutions physiques de la côte de Flandre tirée de M. Belpaire, et suivie du vade-mecum du voyageur à Ostende, Bruxelle, Hauman et Cie, 1843, p. 49 et 53 ; Cartulaire de l’ancienne estaple de Bruges…, op. cit., t. I, no 373, p. 290, no 673, p. 555, no 740, p. 602, no 749, p. 612, no 785, p. 642 no 790, p. 645 ; t. II, no 1049, p. 122, no 1187, p. 228, no 1211, p. 242, no 1324, p. 335-336 ; Cartulaire de l’ancien Grand Tonlieu de Bruges, faisant suite au Cartulaire de l’ancienne Estaple, vol. I, no 2714, éd. Louis Gilliodts van Severen, 2 vol., Bruges, Louis de Plancke, 1908-1909, p. 98, no 2732, p. 113 ; Coutumes des pays et comté de Flandre…, t. IV, op. cit., p. 470, 480, 481 et 585.
86Lebecq Stéphane, Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge, vol. 2, Centres, communications, échanges, t. I, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011, p. 73-107 et 149-176.
87Lebecq Stéphane, « Pour une histoire matérielle et culturelle des mers du Nord entre le ve et le xe siècle », in Christiane Villain-Gandossi et Éric Rieth (dir.), Pour une histoire du « fait maritime »…, op. cit., p. 211-221.
88Lebecq Stéphane, Hommes, mers et terres du Nord au début du Moyen Âge, op. cit., t. I, p. 163 et 164.
89Chapelot Jean et Rieth Éric, « L’archéologie des fleuves et des rivières, une thématique de recherche originale : l’exemple du fleuve Charente », in Medieval Europe Paris, quatrième congrès international d’archéologie médiévale et moderne (3-8 septembre 2007), 20 p., p. 8-12, texte de la communication téléchargeable sur [http://medieval-europe-paris-2007.univ-paris1.fr/Fr.htm] (erreur en 2025).
90Dumont Annie, « La Charente : projet collectif de recherche », in Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, Bilan scientifique, 2005, Marseille, DRASM, 2007, p. 137-140, p. 135-138 ; Mariotti Jean-François et al., « Prospection du lit mineur et des berges sur le site médiéval de Taillebourg-Port-d’Envaux (Charente-Maritime) : un secteur d’activité lié à la Charente », Aquitania, t. XXI, 2005, p. 299-336, p. 320-323 ; Mariotti Jean-François, « Un camp viking à Taillebourg ? », Histoire médiévale, no 8, février-mars-avril 2007, p. 24-27, p. 27.
91Le Maho Jacques, « Les destins comparés de deux cités de fond d’estuaire : Rouen et Nantes du vie au xe siècle », in Philippe Manneville (dir.), Des villes, des ports, la mer et les hommes, actes du 124e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, section histoire moderne et contemporaine (Nantes, 19-26 avril 1999), Paris, Éditions du CTHS, 2001, p. 13-25, p. 16-25.
92Hocquet Jean-Claude et Sarrazin Jean-Luc (dir.), Le sel de la Baie…, op. cit.
93Sarrazin Jean-Luc, « Le littoral poitevin (xie-xiiie siècle)… », art. cité, p. 117.
94Favreau Robert, « Les débuts de l’histoire de l’Aunis », Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, 5e série, t. III, 1990, p. 11-38, p. 13-17 ; Tranchant Mathias, « La place du sel dans l’économie rochelaise de la fin du Moyen Âge », in Jean-Claude Hocquet et Jean-Luc Sarrazin (dir.), Le sel de la Baie…, op. cit., p. 223-233, p. 223.
95Drouin Alice, « Les marais salants d’Aunis et de Saintonge jusqu’en 1789 », Revue de Saintonge et d’Aunis, t. 45, 1933-1936, p. 293-313 ; t. 46, 1936-1939, p. 17-33, 102-114, 148-156, 224-234, 282-290, 326-333 et 353-360 ; t. 47, p. 38-49 (inachevé) ; Papy Louis, « Les marais salants de l’Ouest : étude de géographie humaine », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. V, 1931 ; Papy Louis, La côte atlantique de la Loire à la Gironde, Bordeaux, Delmas, 1941 ; Mollat Michel, « Les marais salants charentais, carrefour du commerce international (xve-xvie siècles) », Annales de l’Université francophone d’Eté, Saintonge-Québec, Saint-Jean-d’Angély, Éditions Bordessoules, 1979-1980, p. 120-128 ; Favreau Robert, « Le commerce du sel en Poitou à la fin du Moyen Âge », Bulletin philologique et historique, 1966, p. 185-223 ; Favreau Robert, « Le port saunier de Cognac au Moyen Âge », in Comptes rendus du 99e Congrès National des Sociétés Savantes, Paris, Bibliothèque nationale, 1976, p. 69-81 ; Réault-Mille Sarah, Les marais charentais. Géohistoire des paysages du sel, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 39-46.
96Favreau Robert, « La Rochelle, port français sur l’Atlantique au xiiie siècle », in L’Europe et l’Océan au Moyen Âge. Contribution à l’histoire de la navigation, congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public (no 17, Nantes, 1986), Nantes, CID éditions, 1988, p. 49-76, p. 61 ; Abraham-Thisse Simone, « Le commerce des Hanséates de la Baltique à Bourgneuf », in L’Europe et l’Océan au Moyen Âge…, op. cit., p. 131-161, p. 131 ; Kellenbenz Hermann, « Les escales hanséatiques », in Les grandes escales. Actes du xe colloque international d’histoire maritime (Bruxelles, octobre 1968), t. I, Bruxelles, Éditions de la Librairie encyclopédique, 1972-1974, p. 365-399, p. 381.
97Vincent Jean-Baptiste, « Un grand port français oublié. Brouage, la ville morte racontée par des documents », Revue maritime, août-octobre 1912, p. 1-13, p. 6.
98Hocquet Jean-Claude, « Le sel de la Baie, des mutations techniques aux bouleversements du marché », in Jean-Claude Hocquet et Jean-Luc Sarrazin (dir.), Le sel de la Baie…, op. cit., p. 11-29, p. 14.
99Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 15-26.
100Rose Susan, The wine trade in medieval Europe, 1000-1500, Londres/New York, Continuum, 2011 ; Renouard Yves, « Le grand commerce des vins de Gascogne au Moyen Âge », Revue historique, t. CCXXI, 1959, p. 261-304.
101Dion Roger, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au xixe siècle, Paris, Clavreuil, 1959, p. 359 ; Lachiver Marcel, Vins, vignes et vignerons. Histoire du vignoble français, Paris, Fayard, 1988, p. 89 ; Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 94-104.
102Le Mené Michel, « Le vignoble Français à la fin du Moyen Âge », in Vignes et vignerons en Europe occidentale au Moyen Âge et aux temps modernes, Auch, Centre culturel de l’abbaye de Flaran, 1991 (Flaran, 11), p. 189-206, p. 191-193 ; Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 94.
103« Une requête au roi des maires et échevins de La Rochelle », éd. Robert-Henri Bautier, Bulletin philologique et historique, 1966, p. 115-129, p. 128.
104Huet Étienne, Commentaires sur la coutume de La Rochelle et pays d’Aunix, La Rochelle, Arnaud de Nancel Marchand, 1688, p. 707.
105Porcher Kévin, De la vigne au chai. Viticulture et vinification en Bordelais après la guerre de Cent Ans (vers 1450-vers 1480), thèse de doctorat, dir. Michel Bochaca, université de La Rochelle, 2011, p. 50.
106Touchard Henri, « Les exportations françaises vers 1330 : l’exemple de La Rochelle », Revue du Bas-Poitou et des provinces de l’Ouest, 76e année, 1965, p. 119-128, p. 124 et 125 ; Moranvillé Henri, « Notes de statistique douanière sous Philippe VI de Valois », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. LXIV, 1903, p. 567-576, p. 573.
107Cassard Jean-Christophe, « Vins et marchands de vins gascons au début du xive siècle », art. cité, p. 124-126.
108Bochaca Michel, « Le commerce de Bordeaux dans la seconde moitié du xve siècle : du marasme à la reprise des affaires », in Mickaël Augeron et Dominique Guillemet (dir.), Champlain ou les portes du Nouveau-Monde. Cinq siècles d’échanges entre le Centre-Ouest français et l’Amérique du Nord, xvie-xxe siècles, La Crèche, Geste éditions, 2004, p. 43-46, p. 44.
109Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 30-37 ; Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 127-148.
110Kirkbride James Margery, « The fluctuations of the Anglo-gascon wine trade during the fourteenth century », in Studies in the medieval wine trade, Oxford, Clarendon Press, 1971, p. 1-38.
111Bochaca Michel et Arízaga Bolumburu Beatriz, « La cuidad y puerto de Bayona. De los orígenes hasta la nueva desembocadura del Adour en el siglo xvi », Revista de Estudios Marítimos del País Vasco, no 7, 2012, p. 71-87, p. 83 ; Bochaca Michel et Arízaga Bolumburu Beatriz, Bayonne au Moyen Âge. Topographie et paysages urbains, Santander, B.A.B., 2016, p. 23-25.
112Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Gironde et de la Garonne maritime, op. cit., p. 64.
113Livre des Bouillons, op. cit., no CXVII, p. 365-373 ; Livre des Coutumes…, op. cit., no V, p. 186-196 ; Lavaud Sandrine, « La Rousselle et la Mar à travers les actes de la fin du Moyen Âge, un quartier ouvert sur le fleuve », Revue archéologique de Bordeaux, no XCIV, 2003 (2005), p. 89-92.
114Mellinet Camille, La commune et la milice de Nantes, t. I, Nantes, Imprimerie Camille Mellinet, 1839, p. 44-48 ; Travers Nicolas, Histoire civile, politique et religieuse de la ville du comté de Nantes, éd. Auguste Savagner, Nantes, Forest, 1836, p. 307, 345 et 351 ; Actes de Pierre de Dreux, duc de Bretagne (1213-1237), éd. Marjolaine Lémeillat, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, no 50, p. 113-115 ; no 63, p. 140 et 141 ; Delaporte Jean-Baptiste, Recherches sur la Bretagne, t. II, Rennes, J. M. Vatar, 1823, p. 230.
115Ayant introduit ici ce néologisme, nous nous bornerons désormais à l’employer sans guillemets dans le reste du texte.
116Verhulst Adriaan, « Initiative comtale et développement économique en Flandre au xiie siècle : le rôle de Thierry et de Philippe d’Alsace (1128-1191) », in Miscellanea Mediaevalia in Memoriam Jan Frederik Niermeyer, Groningen, J.-B. Wolters, 1967, p. 227-240.
117De Smet Antoine, « L’origine des ports du Zwin. Damme, Mude, Monnikerede, Hoeke et Sluis », in Études d’histoire dédiées à la mémoire de Henri Pirenne par ses anciens élèves, Bruxelles, Nouvelle Société d’Éditions, 1937, p. 125-141 ; Sosson Jean-Pierre, « Les “petites villes” du Zwin (xive-xve siècles) : des “espaces urbains” inviables ? », in Commerce, finances et société (xie-xvie siècles). Recueil de travaux d’histoire médiévale offert à M. le professeur Henri Dubois, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1993, p. 171-184 ; Trachet Jan et al., « Reassessing Surface Artefact Scatters. The Integration of Artefact-Accurate Fieldwalking with Geophysical Data at Medieval Harbour Sites Near Bruges (Belgium) », Archaeological Prospection, no 24, 2017, p. 101-117.
118Tranchant Mathias, « Les fondements du commerce maritime de La Rochelle au Moyen Âge », in Michel Balard (dir.), The Sea in History: the Medieval World. La Mer dans l’Histoire : le Moyen Âge, Martlesham, Boydell & Brewer, 2017, p. 508-522, p. 509.
119Bochaca Michel, « Libourne au début du xvie siècle : espaces et pouvoirs d’une ville du Bordelais », Annales du Midi, t. 106, 1994, p. 333-352 ; Bochaca Michel, « Aux origines d’une ville moyenne du Bordelais… », art. cité.
120Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., p. 247-953.
121Comptes et enquêtes d’Alfonse comte de Poitou, 1253-1269, op. cit., p. 133-158.
122« Une requête au roi… », art. cité, p. 115-129.
123AN, P 5531, no 329.
124Musset Georges, La Rochelle et ses ports, La Rochelle, Siret, 1890, p. 49-51.
125Recueil de documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, 1334-1348, éd. Paul Guérin, Poitiers, Oudin Frères, 1883 (Archives historiques du Poitou, t. XIII), p. 261-264.
126AN, P 5522, no 283.
127AN, P 5531, no 329.
128BnF, ms. fr. 26101, no 385 ; ms. fr. 26102, no 671.
129Tranchant Mathias, « Les aménagements des ports secondaires… », art. cité, p. 73-75.
130Tranchant Mathias, « Un port à vin à la fin du Moyen Âge… », art. cité, p. 301-328.
131Leroux Nicolas, L’anthropisation médiévale des rives de la Seine…, op. cit., p. 952 et 953.
132AN, JJ 195, fol. 241v-242.
133AN, JJ 177, fol. 110-111, no 144 et 145 ; SHD, 1 VH 817, no 16 ; La Morandière Charles de, Histoire de Granville, Avallon, Éditions F.E.R.N., 1966 (2e éd. augmentée), p. 51 et 52.
134Arcère Louis-Étienne, Histoire de la ville de La Rochelle et du Pays d’Aulnis, composée d’après les auteurs et les titres originaux et enrichie de divers plans, t. I, La Rochelle, René-Jacob Desbordes, 1756, p. 294.
135AD 44, E 129/28, fol. 5.
136Cassard Jean-Christophe, « Vins et marchands de vins gascons au début du xive siècle », art. cité, p. 123.
137Lardin Philippe, « L’activité du port de Dieppe… », art. cité, p. 173, 180 et 181.
138Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 337.
139Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 100-102 et 319-321.
140AD 44, E 129/28, fol. 2.
141Touchard Henri, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 320.
142Outre l’incontournable thèse de Jacques Bernard (Navires et gens de mer à Bordeaux [vers 1400-vers 1550], op. cit.), on consultera avec profit l’essai d’archéologie des techniques récemment publié par : Rieth Éric, Navires et construction navale au Moyen Âge. Archéologie nautique de la Baltique à la Méditerranée, Paris, Picard, 2016. Voir aussi : Rieth Éric, Pour une histoire de l’archéologie navale. Les bateaux et l’histoire, Paris, Classiques Garnier, 2019.
143Sarrazin Jean-Luc, « Les ports de la Baie à la fin du Moyen Âge… », op. cit., p. 33-54 ; Tranchant Mathias, « Un port à vin à la fin du Moyen Âge… », art. cité, p. 301-326.
144Tranchant Mathias, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 33-45.
145La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin, op. cit., t. I, p. 161.
146Texier Bruno-Jean (dir.), Le Plomb : l’archéologie et l’histoire des 2 500 ans d’un port de mer et la question de l’aqueduc du Trépied du Plomb, 2009, dactyl.
147Tanguy Jean, Le commerce du port de Nantes au milieu du xvie siècle, Paris, S.E.V.P.E.N., 1956, p. 17 ; Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Loire maritime, op. cit., p. 84-89.
148Hérubel Marcel-Adolphe, Les origines des ports de la Seine maritime, op. cit., p. 146-163.
149Mollat Michel, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, op. cit., p. 329 et 358-373.
150Dumolyn Jan et Leloup Ward, « The Zwin estuary: a medieval portuary network », in Beatriz Arízaga Bolumburu et Michel Bochaca (dir.), Las sociedades portuarias de la Europa atlántica en la Edad Media, op. cit., p. 197-212.
151Romme Charles, Dictionnaire de la marine françoise, avec figures, Paris, Barrois, 1792, p. 50.
152Goyheneche Eugène, Bayonne et la région bayonnaise du xiie au xve siècle…, op. cit., p. 51-53, 83 et 84.
153Archives communales de Bayonne, FF 405 (7) ; reproduit dans : Arízaga Bolumburu Beatriz et Bochaca Michel, « Bayona y el control del curso inferior del Adour… », art. cité, p. 223-227.
154BnF, ms. fr. NA 3386, fol. 27-33 ; texte français de la coutume de la prévôté de Caen (milieu xive siècle ?), publié par : Jean-Marie Laurence, « La coutume de la prévôté de Caen. Une définition des règles de prélèvement des taxes sur le commerce », Histoire urbaine, no 30, 2011, p. 147-179, p. 170 et 171.
155Tranchant Mathias, Les ports maritimes (xie-xve siècles), op. cit., p. 204.
156Ibid., p. 219-226.
157Ibid., p. 171-186.
158Bochaca Michel, « El control del puerto de Burdeos… », art. cité, p. 105-113 ; Bochaca Michel, Villes et organisation de l’espace en Bordelais (vers 1300-vers 1550), op. cit., p. 135, 147, 169 et 183-192.
159Tranchant Mathias, « La Rochelle et ses ports à la fin du Moyen Âge », Bulletin de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, année 2003, 2005, p. 85-97.

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