Introduction
p. 7-22
Texte intégral
1L’ampleur de l’œuvre de Martine Acerra pourrait laisser imaginer qu’elle est une historienne amarinée depuis l’enfance, mais ce n’est pas au bord de la mer ou sur les quais d’un port ou d’un arsenal qu’elle fit ses premiers pas. Née à Argenteuil en région parisienne, sa famille s’installe à Paris alors qu’elle n’a que deux ans, et elle reste ensuite dans la capitale durant toute sa scolarité, de la Montagne Sainte-Geneviève aux boulevards Saint-Michel et Saint-Germain, les voyages forment la jeunesse… Mais « Paris, Port-de-Mer1 » n’est peut-être pas qu’une rêverie littéraire lorsque l’on songe à l’importance que prend la Sorbonne dans le champ de l’histoire maritime à partir des années 1970. C’est dans cette université que Martine Acerra réalise sa formation avant d’y entamer la première partie de sa vie professionnelle. Affectée au CNRS en 1973, initialement au Centre de recherche sur l’Europe Moderne, elle rejoint en 1988 le Laboratoire d’histoire maritime (CNRS/Paris-IV Sorbonne) dirigé par Jean Meyer depuis 1978 avec lequel elle collabore déjà depuis plusieurs années et entreprend sa thèse de doctorat. La place de ce laboratoire et de ses chercheurs dans le renouvellement de l’histoire maritime et navale est fondamentale. Succédant à Michel Mollat du Jourdin, qui joua un rôle considérable pour l’approche des économies maritimes2, Jean Meyer engage de nombreuses enquêtes collectives autour des marines de commerce, des évolutions techniques dans les flottes de guerre européennes, principalement aux xviie et xviiie siècles, et des marchés publics militaires en France entre 1650 et 1800. Cette période particulièrement féconde, riche de rencontres scientifiques nationales et internationales et de très nombreuses publications, permet de rompre avec une lecture nationale, voire nationaliste, de l’histoire des flottes de guerre forgée essentiellement au xixe siècle et très peu révisée depuis3. Martine Acerra prend une part active dans ces renouvellements avant même la soutenance de sa thèse, en publiant notamment plusieurs ouvrages importants avec Jean Meyer, à l’exemple du très beau livre L’Empire des mers, du galion au clipper4, richement illustré et qui fait l’objet de traductions en plusieurs langues, ou encore de Marine et Révolution5 à l’occasion des célébrations du bicentenaire de la Révolution française.
2Les recherches personnelles de Martine Acerra s’orientent alors plus spécifiquement vers le matériel de guerre (navires, systèmes d’armes), le personnel technique nécessaire à son élaboration, son entretien et son utilisation (ouvriers, charpentiers, constructeurs) et, de manière assez naturelle, vers les arsenaux. L’ensemble de ces thèmes se retrouvent dans de nombreux articles fondateurs, mais surtout dans sa thèse de doctorat, soutenue en 19926, intitulée Rochefort et la construction navale française, 1661-1815 et publiée quasiment in extenso à la Librairie de l’Inde l’année suivante en quatre volumes de couleur rose, inratable dans une bibliothèque7 ! Martine Acerra analyse alors l’évolution de la politique de défense française entre le début du règne personnel de Louis XIV jusqu’à la fin de la période impériale sous l’angle de la construction des navires de guerre. De cette thèse dense et bâtie à partir d’un corpus de sources d’une grande diversité, il ressort deux apports majeurs qui ont structuré les recherches ultérieures de Martine Acerra et de bien d’autres chercheurs.
3Le premier tour de force de ce travail est d’avoir offert une restitution quantitative et qualitative de la flotte française sur la période en question. Jusque-là, il faut bien reconnaître que nous avions une image très impressionniste de la réalité matérielle de cet outil militaire dont on ne connaissait les effectifs, à vrai dire partiellement, qu’à de rares moments et sans être capable d’envisager la dynamique de construction. Évidemment, l’objectif ne nourrissait pas la volonté triviale de « compter » les navires mais bien davantage de faire apparaître en creux la réalité de l’effort de guerre français, de corréler les ambitions navales des décideurs politiques avec les moyens humains et matériels pour y parvenir et in fine de mesurer les capacités de la France à se projeter sur différents théâtres d’opérations, en Europe et ailleurs dans le monde. Parmi les différents sujets abordés, il faut évoquer, par exemple, les pages très neuves consacrées à l’entretien des navires, de la prise de conscience de l’acte de réparer et d’entretenir aux difficultés économiques et logistiques dès lors qu’il s’agit d’en généraliser l’usage, un chapitre d’une grande modernité et très prospectif lorsque l’on songe à l’importance prise par ce thème en histoire et plus globalement pour les sciences humaines et sociales8. D’autre part, au-delà du dénombrement de la flotte, il s’agit également de mesurer son évolution technique. De la volonté de construire et d’entretenir une marine de guerre permanente au xviie siècle, d’abord au cours du ministériat de Richelieu puis bien davantage à partir des années 1660 jusqu’à la Restauration, la physionomie des navires connaît des mutations profondes. Il s’agit alors d’adapter leurs performances véliques au choix et à l’échantillonnage de l’artillerie embarquées avec l’ambition constamment renouvelée d’une uniformisation des modèles. Les données rassemblées permettent de lier les différentes circulations de savoirs et de savoir-faire dans le domaine nautique avec la réalité de l’adoption de telle ou telle innovation par les praticiens au niveau de l’arsenal et du chantier de construction. C’est une marine « réelle » qui est alors restituée, composée de navires singuliers aux performances plus ou moins disparates, y compris après l’adoption des plans types à la veille de la Révolution.
4Alors que de nombreux travaux consacrés aux marines européennes se posent la question récurrente des raisons qui poussent les États à posséder une flotte de guerre – une marine pour quoi faire ? –, Martine Acerra réalise un pas de côté et envisage les moyens mis en œuvre pour parvenir à en posséder une – une marine, comment faire ? –, c’est le deuxième grand apport de sa thèse. Faire la guerre sur mer suppose des investissements sans commune mesure avec un engagement terrestre et une importante partie du renouvellement historiographique des années 1980-1990 se situe précisément dans l’analyse de la capacité des États à mobiliser les ressources nécessaires pour y parvenir (économiques, financières, culturelles, logistiques, etc.). Cette problématique a été à l’origine d’un renouvellement profond de la recherche au Royaume-Uni et en France, sans que les chercheurs de ces deux pays ne parviennent vraiment à dialoguer. Au moment où Martine Acerra s’interroge sur ces problématiques dans le cadre de sa thèse, John Brewer publie The Sinews of Power: War, Money and the English State, 1688-17839, un ouvrage qui apparaît outre-manche comme une rupture historiographique dans la mesure où l’auteur met en lumière le rôle capital joué par l’entretien d’une force militaire, notamment navale, dans le processus de construction de l’État anglais à partir de la Glorieuse Révolution. Si de nombreux travaux antérieurs avaient commencé à nourrir cette thèse10, Brewer pose clairement la relation complexe entre l’efficacité de l’État – rationalisation de la prise de décision, développement d’une bureaucratie professionnelle, mise en œuvre d’une fiscalité complexe et efficace, etc. –, la croissance économique et la capacité d’intervention militaire, nourrissant ainsi le concept d’État militaro-fiscal11 qui est débattu ensuite dans le monde académique anglo-saxon puis plus tardivement dans d’autres pays européens12. En France, à cette époque, le processus de construction de l’État monarchique est largement révisé mais selon des perspectives différentes même si les travaux, entre autres, de Françoise Bayard, de Daniel Dessert ou encore de Guy Chaussinand-Nogaret interrogent de manière ample les liens entre finances, fiscalités et guerre13, des thèmes également traités par Jean Meyer dans Le Poids de l’État14. Sans interroger le concept d’État militaro ou navalo-fiscal, Martine Acerra s’attache malgré tout à décrypter en permanence le fonctionnement de l’État et de son administration face à la guerre navale, notamment à l’occasion de l’intégration de l’innovation ou dans le cadre des enquêtes littorales par exemple15. Mais c’est surtout sur le plan de la mobilisation et de la formalisation des savoirs et des savoir-faire en lien avec la construction navale, la sélection des matériaux et le déploiement d’une logistique d’approvisionnement efficace que Martine Acerra envisage de comprendre comment l’État est parvenu à entretenir une flotte de guerre permanente. Parmi toutes ces entrées, celle qui relève de la formation des hommes a sans doute été la plus féconde. La thèse vient ainsi approfondir un article majeur publié en 1984 en retraçant sur le temps long le passage du charpentier au constructeur puis à l’ingénieur-constructeur16.
5Au-delà de l’apport scientifique de Rochefort et la construction navale française, cette thèse s’inscrit dans un retour de l’histoire quantitative et, de ce qu’on n’appelle pas encore à l’époque, un usage des humanités numériques. Au cours des années 1950 et 1960, la démographie historique avait largement contribué à faire de l’histoire quantitative une méthodologie spécifique qui s’était emparée de nombreux champs de l’histoire et, plus globalement, des sciences sociales. De manière concomitante, l’émergence de l’informatique autorisait les chercheurs à traiter de très grandes séries de données dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires composées d’historiens, de représentants d’autres sciences sociales mais également d’informaticiens, de « perforateurs de cartes » ou de cartographes. De nombreux historiens appellent à un changement de méthode, comme en témoigne, par exemple, l’introduction qu’Adeline Daumard et François Furet rédigent pour un dossier des Annales en 1959 intitulé Méthodes de l’histoire sociale : les archives notariales et la mécanographie : « La mécanographie du travail de classement et de sélection des fichiers serait une immense amélioration, qualitative et quantitative, de nos enquêtes, car les archives notariales accéderaient à la dignité statistique, sans pour autant perdre leur valeur typologique17. » Le succès d’une telle approche est évident et la « dignité statistique » se lit dans de très nombreux travaux où le chiffre est mis à l’honneur comme un moyen de résoudre des problématiques jusque-là inaccessibles. La sixième section de l’École Pratique des Hautes Études, future EHESS, et quelques personnalités de la Sorbonne, notamment Ernest Labrousse et ses travaux d’histoire économique, incarnent ce renouvellement où l’accent est mis sur des analyses qui prennent pour cadre la longue durée et la recherche d’une « pesée globale » pour reprendre une expression de Pierre Chaunu qui fera des émules. Toutefois, et contrairement à la prédiction d’Emmanuel Le Roy Ladurie pour lequel « l’historien de demain sera programmeur ou ne sera plus18 », l’histoire quantitative reflue nettement à partir de la fin des années 1970 tout autant que l’usage de l’informatique. Les ordinateurs de l’époque sont encore difficiles d’utilisation et, en dépit d’équipes pluridisciplinaires, l’insuffisance de formation des historiens à ces outils n’a pas permis à cette méthodologie de s’enraciner, allant même jusqu’à entraîner un rejet pour cette « religion du chiffre ».
6Le bilan de cette première phase demeure cependant très positif pour l’histoire maritime, notamment pour ce qui concerne son volet économique et commercial, qui a pleinement tiré parti de « la vague du quantitatif et du sériel19 » en mettant au premier plan mondial la recherche française dans ce domaine avec des figures importantes comme François Crouzet, Pierre Chaunu, Pierre Jeannin, Jean Meyer, Paul Butel et plusieurs autres. Par ailleurs, si l’approche quantitative marque un retrait global évident au cours des années 1980, celui-ci est sans doute de plus courte durée pour ce qui concerne l’histoire maritime. À cette époque, de nombreuses thèses de doctorat, en partie réalisée au sein du Laboratoire d’histoire maritime, font un nouvel usage de la quantification dans un contexte technique en pleine révolution avec la percée des micro-ordinateurs individuels. L’encadrement de Jean Meyer a été fondamental pour la mise en œuvre de ces travaux et l’introduction des premiers micro-ordinateurs en Sorbonne20, mais André Zysberg est sans doute tout aussi décisif. Dans le cadre de sa thèse de doctorat réalisée à l’EHESS et consacrée à La société des galériens (1680-1748)21, cet historien fait de l’histoire quantitative et de l’usage de l’informatique un pivot de sa recherche et convainc de nombreux chercheurs et doctorants de l’époque de suivre sa voie, dont Martine Acerra.
7Ce recours s’imposa par la quantité de données récoltées autant que par l’éclatement de la documentation d’origine. Rochefort et la construction navale française ne repose qu’en partie sur des sources sérielles puisque les Carnets du Roi, sortes d’inventaires annuels récapitulant les forces navales et présentés sous forme esthétique et triomphante du souverain, n’ont pas été conservés sur l’ensemble de la période et montrent rapidement leurs limites informatives. Correspondances portuaires, mémoires et rapports techniques, listes d’armement, dossiers personnels de constructeurs, plans de bâtiments ont représenté des sources complémentaires pour rassembler de nombreux éléments sur les caractéristiques de la flotte française. Des 1 376 vaisseaux et frégates identifiés entre 1661 et 1815, 1 293 unités pouvaient être décrites à partir de 152 variables techniques différentes. C’est un pan de la thèse qui passe souvent en arrière-plan de la description et de l’analyse de la politique navale française alors qu’il constitue à bien des égards un aspect très novateur de la démarche entreprise par Martine Acerra. Ce corpus savamment organisé dans une base de données informatique et interrogé à partir d’un croisement permanent de toutes les informations – notamment le rapport longueur-largeur du navire et le rapport largeur-creux – permit de dessiner les formes architecturales des navires, leurs capacités nautiques, en bref de restituer graphiquement les choix techniques des constructeurs de la flotte française pour une période où les plans et les devis ne sont pas systématiques ou, quand ils le deviennent, ne sont pas toujours conservés. Ces précieux développements techniques s’ajoutaient à l’immense travail que l’architecte Jean Boudriot avait initié depuis les années 1970 pour la restitution des principaux navires de l’Ancien Régime22 – dont la monographie du 74 canons reste un modèle du genre23 – et rejoignaient les démarches entreprises au même moment par Éric Rieth dans le domaine de l’archéologie navale24, et un peu plus tard par Sylviane Llinarès avec son étude du système propulsif des navires de guerre, une autre thèse sous la direction de Jean Meyer25.
8À partir de cette thèse, Martine Acerra a construit une œuvre scientifique qui a emprunté plusieurs directions complémentaires touchant aux domaines militaire, civil, social, économique et culturel de l’histoire maritime et navale depuis l’époque précédant l’expansion européenne des xve et xvie siècles jusqu’au milieu du xixe siècle, de l’aire européenne et atlantique aux confins du monde asiatique. De cette foisonnante production, il n’est pas question de faire l’inventaire ici – nous renvoyons à la bibliographie en fin d’ouvrage – mais de relever ce qui apparaît comme les apports les plus substantiels à l’histoire maritime et naval de l’époque moderne.
9Les formes, les fonctions et l’organisation des arsenaux constituent un premier thème, sinon le thème principal, des recherches de Martine Acerra. Ses connaissances du matériel naval auraient pu la conduire à prendre la mer et à y rester, à envisager davantage les aspects liés à l’opérationnel naval sans jamais revenir au port, mais elle fit un choix différent en faisant de l’arsenal un véritable objet d’histoire. Certes, sa bibliographie témoigne à l’évidence de fréquentes incursions océanes où les conditions de navigation autant que celles du combat naval sont analysées avec justesse26. Au reste, comment interpréter les mutations techniques de la flotte française sur près de deux siècles sans envisager son usage ? Mais au-delà du navire et des hommes qui en ont la responsabilité, cette moisson d’informations lui a surtout permis de nourrir une grille d’analyse de l’évolution fonctionnelle des arsenaux perçus comme des lieux d’apprentissage d’une politique navale, et des laboratoires expérimentaux pour l’État français de la gestion des hommes, des matériaux, du temps et de l’espace. Sous sa plume, la guerre navale ne se fait pas uniquement sur mer mais également dans cet espace stratégique qu’est devenu, entre le xviie et le xviiie siècle, un « pivot de la puissance maritime27 ». Or, en dehors des arsenaux italiens – Venise surtout28 – et anglais29 pour lesquels la communauté scientifique disposait de travaux solides, nos connaissances de ces infrastructures en France restaient encore modestes au milieu des années 1980. Le renouvellement de l’histoire maritime et navale de cette période, qui s’est particulièrement attaché à une meilleure compréhension des enjeux économiques, sociaux et techniques de la guerre sur mer, a fait de l’arsenal un angle privilégié de la recherche30. Martine Acerra a donc creusé ce sillon pour l’époque préindustrielle, dans une perspective comparative avec les autres puissances navales européennes. Parmi ses nombreux apports, l’un des plus remarquables est sans doute d’avoir donné à voir ses infrastructures singulières par un usage systématique et critique des dessins, esquisses, plans et autres documents figuratifs représentant les arsenaux. L’iconographie a un statut de source à part entière et constitue à maintes reprises le socle documentaire pour saisir l’arsenal dans sa définition spatiale à tel ou tel moment ou dans une configuration espérée ou rêvée, à l’exemple des projets de Pierre Puget entre 1671 et 1676 ou des plans d’aménagement des années 1784-1785 commandés par le maréchal de Castries31.
10La problématique de la transmission des savoirs et des savoir-faire dans les domaines techniques – la construction navale et l’apprentissage de la navigation en mer notamment – et gestionnaires représente à l’évidence l’un des grands traits du travail de Martine Acerra. L’exploitation des dossiers individuels conservés aux Archives nationales et au Service historique de la Défense à Vincennes, qui servirent de base documentaire à l’article consacré à la formation des constructeurs32 et à une partie de sa thèse, a été systématisée et étendue à de nombreux acteurs, depuis les simples charpentiers au savoir-faire hérité jusqu’aux marins puis aux intendants, responsables devant le roi de l’application de sa politique navale. À l’appui de ces archives, les enquêtes littorales et les correspondances ont permis d’élaborer une grille d’analyse des différentes voies de la professionnalisation de certains métiers de l’arsenal en distinguant « des formes de savoirs et de savoir-faire, de maîtrise et de qualification, des modalités de transmission et de formation, des stades et des voies d’appropriation33 ». Dans un monde où l’apprentissage reste empirique jusque tard, Martine Acerra s’est efforcée de le saisir avec ses cultures opératoires spécifiques à travers, une nouvelle fois, l’usage de la riche iconographie maritime ou en exploitant des écrits de for privé, à l’exemple de « son » Jean-Pierre Étienne, un marin du xviiie siècle dont elle prépare l’édition de ses écrits34. En historienne des marines et des arsenaux, elle s’est toujours efforcée de connecter cette recherche à la dimension matérielle des objets fabriqués tout en réintégrant le travail de ces hommes dans leur environnement. Ce faisant, ses analyses ont permis de mieux appréhender le fonctionnement d’artefacts spécifiques aux arsenaux et la manipulation des outils et des instruments, sur le chantier de construction notamment, et cet intérêt aux corps et aux gestes a débouché également sur la question des pathologies et des accidents35, un dossier qui mériterait d’être poursuivi. Mais si de nombreux métiers de la construction navale et du monde maritime ont retenu l’intérêt de Martine Acerra, c’est incontestablement les constructeurs et les ingénieurs-constructeurs qui ont bénéficié de son attention la plus soutenue. Il n’est sans doute pas exagéré d’évoquer ces acteurs comme un fil rouge de l’ensemble de son œuvre scientifique, au point de regretter que cet immense travail n’ait pas débouché sur un ouvrage de synthèse. Du règne de Louis XIV à la création du corps des ingénieurs du génie maritime, Martine Acerra a défini, au travers de nombreuses communications orales et écrites, le processus formel du passage de l’homme de l’art, en l’espèce le charpentier, à la construction d’une profession organisée et institutionnalisée autour de savoirs, de savoir-faire et de valeurs communes, et qui a conscience d’elle-même.
11C’est dans le cadre universitaire que Martine Acerra mènera l’ensemble de ces chantiers de recherche puisqu’elle quitte le CNRS en 1993 pour rejoindre l’université d’Angers en qualité de maîtresse de conférences avant de devenir professeure des universités à La Rochelle en 1997 après son habilitation à diriger des recherches soutenue l’année précédente. L’université de La Rochelle devient une université de droit commun à la rentrée 1998 et les défis sont immenses avec la création de filières, de diplômes et de laboratoires de recherche. Avec plusieurs autres collègues, Martine Acerra accompagne la création de cette université en assurant, dès sa nomination, les fonctions de doyenne par intérim de l’UFR lettres, langues, arts et sciences humaines (FLLASH) pendant un an avant d’être élue à l’unanimité pour un mandat de quatre ans jusqu’en 2002. À n’en pas douter, ces années de développement de l’université de La Rochelle, de surcroît dans le cadre d’une composante pluridisciplinaire, furent exaltantes et permirent à Martine Acerra de pratiquer un art qu’elle maîtrisait déjà depuis longtemps mais qui prend sa pleine mesure au cours de cette période, celui du compromis. En dehors des aspects liés à l’enseignement et à la recherche, les aptitudes à la gouvernance d’une UFR ou d’un laboratoire sont rarement mis au crédit des universitaires alors qu’il s’agit d’une dimension importante de leur activité professionnelle et pour laquelle ils n’ont jamais reçu, ou presque, de formation. La mise au point de contrats de recherche, la négociation de tel ou tel dossier avec ses homologues ou des élus, ou encore la gestion des ressources humaines sont autant de sujets considérés comme triviaux alors qu’il s’agit de piliers de la vie universitaire et un gage de l’indépendance des enseignants-chercheurs. Pendant cinq années, Martine Acerra se frotte donc à l’exercice de la gestion universitaire tout en apportant sa contribution à la construction d’une université en devenir. À l’issue de son mandat, elle décide de rejoindre l’université de Nantes en 2002 où elle sera en poste jusqu’à son départ en retraite en 2017. Au cours de cette période Martine Acerra poursuit son engagement au service de la communauté universitaire en prenant, par exemple, la direction du master histoire et en participant au développement de réseaux de recherche, à l’exemple du Groupement d’intérêt scientifique histoire maritime, qui tient sa première réunion à l’université de Nantes en 2005, ou encore de l’Institut universitaire Mer et Littoral à partir de 2007.
12La propension au dialogue de Martine Acerra, notamment avec les élus et les associations culturelles, et la qualité de ses travaux scientifiques lui valent la reconnaissance de son expertise dans le domaine des musées et du patrimoine maritime. Pour de nombreuses raisons qui tiennent à la sociologie des populations littorales et à la nature des héritages maritimes, la valorisation patrimoniale de ces derniers n’a débuté qu’à partir des années 1980, portée par un puissant mouvement associatif qui agrège des individus aux profils socioprofessionnels variés, issus moins du monde maritime que des activités tertiaires en pleine expansion à cette époque. Cette « resignification » de territoires en déshérence s’est réalisée dans un premier temps sans le concours, ou presque, des universitaires bien que les sciences humaines et sociales observent depuis ses origines ce mouvement général de patrimonialisation36. La charnière de la fin des années 1990 et du début des années 2000 est l’occasion d’un bilan des expériences menées au cours de cette première phase et l’ouverture d’une nouvelle période marquée par une certaine forme d’institutionnalisation dans laquelle l’expertise scientifique est largement convoquée. Martine Acerra incarne cette première génération d’universitaires, avec plusieurs autres collègues à la même époque, très impliquée dans la valorisation des héritages maritimes, une université hors-les-murs qui n’était pas pour lui déplaire dès lors qu’il s’agissait de partager les acquis de la recherche historique dans le cadre de projets patrimoniaux qui étaient aussi des projets sociétaux dans lesquels le patrimoine maritime devenait un fait rassembleur et identitaire large.
13Dans un cadre académique, elle participe à des campagnes de fouilles archéologiques sous-marines, telles celles menées sur l’épave du Fougueux au large de Cadix en 2007 et 2009, rejoint les conseils scientifiques de nombreux musées, dont le musée national de la Marine, et d’expositions temporaires et, enfin, participe aux jurys de différents concours liés à la conservation du patrimoine. L’importance du tissu associatif dans le monde culturel et patrimonial ouvre des perspectives aux universitaires dans l’accompagnement de projets ambitieux et dans des opérations de sauvegarde et de valorisation plus classiques. Ainsi, Martine Acerra participe depuis 1980 à l’aventure initiée par Christian Cardin et l’association Tourville dont l’objectif est la reconstruction d’un vaisseau de la marine de Louis XIV. Entre 1995 et 1997, elle préside le musée maritime de La Rochelle où elle engage avec l’équipe en place le classement au titre des Monuments historiques de plusieurs navires (le France I, un navire météorologique, le Saint-Gilles, un remorqueur, et le Capitaine de Frégate Leverger, un canot de la SNSM) tout en refondant la muséographie du site. Ces différents engagements, dont il n’est pas possible ici de faire état de manière exhaustive, qualifient assez naturellement Martine Acerra pour siéger dans des organismes régionaux, nationaux et internationaux. De 2008 à 2012, elle rejoint la Commission régionale de protection des sites de Poitou-Charente où elle siège en tant que personne qualifiée. En 2010, elle devient membre d’ICOMOS France, partenaire d’ICOMOS international du patrimoine mondial de l’Unesco, et, en 2011, conseiller en charge des expertises autonomes. Auparavant, en 2006-2009, elle avait présidé la Commission scientifique et patrimoniale associée à la candidature de l’arsenal de Rochefort pour sa reconnaissance comme patrimoine mondial37. Enfin, depuis 2013, elle est membre du Comité national des biens français, instance qui propose les biens de la France à la liste du Patrimoine mondial.
14Cet hommage à la carrière de Martine Acerra serait incomplet si nous n’évoquions pas son extrême générosité. Elle se manifeste d’abord par un dévouement sans faille à l’égard de ses étudiants qui purent bénéficier d’une attention constante et d’un enseignement bâti à partir des acquis scientifiques les plus neufs et qu’elle n’hésitait pas à livrer à un débat contradictoire, notamment dans le cadre de son cours consacré à la Révolution française pendant près de dix ans ou à l’occasion des nombreuses visites de terrain avec les étudiants du master professionnel Valorisation des nouveaux patrimoines. À rebours du pessimisme ambiant et d’un certain conformisme réactionnaire, Martine Acerra a toujours cultivé une ambition pédagogique de haut niveau pour ses étudiants de première année comme pour ceux inscrits en master ou en doctorat. Cet engagement s’est notamment traduit par un souci constant d’élaborer un discours adapté à son public sans jamais renoncer à la complexité de ses sujets mais en construisant un cheminement qui invitait à la suivre dans les méandres de l’histoire maritime et navale. Son souci de la transmission chevillé au corps, Martine Acerra a abordé avec la même passion et le même enthousiasme un cours universitaire ou une conférence à destination du grand public. Enfin, comment ne pas souligner sa générosité scientifique ? Les auteurs de ce volume ont un évident parti pris tant leur dette est immense à l’égard d’une directrice de recherche, d’une collègue puis d’une amie, mais de nombreux autres collègues peuvent témoigner de la volonté de Martine Acerra de mettre à disposition ses trouvailles archivistiques, ses travaux, des ouvrages difficiles à trouver – ses amis connaissent son goût pour les ouvrages anciens – ou tout simplement consacrer de longues heures à débattre d’une recherche en cours. En guise de reconnaissance, il était naturel d’offrir à Martine Acerra ce volume organisé en trois grandes parties reprenant ses principaux thèmes de recherche dans une perspective résolument diachronique.
15La caractérisation du « fait maritime », d’un point de vue historique autant que patrimonial, compose la première partie de l’ouvrage tant il a semblé évident que les réflexions autour des sources de l’histoire maritime et de la perception de la mer et des littoraux comme des lieux culturels et porteurs d’enjeux patrimoniaux ont puissamment structuré l’œuvre de Martine Acerra. De l’Antiquité à nos jours, l’appropriation et l’exploitation des espaces maritimes ont conduit à la production d’une littérature et de représentations picturales mais également d’archives reflétant la mise en œuvre d’un contrôle de l’État et le développement d’activités spécifiques (pêche, saliculture, cabotage, etc.). Les xvie et xviie siècles représentent un tournant incontestable avec l’inflation réglementaire et la multiplication d’institutions qui caractérisent la monarchie administrative, une inflexion qui n’est pas démentie, bien au contraire, par la Révolution française et la succession des régimes politiques des xixe et xxe siècles. Dans ce contexte, l’historien qui travaille sur le monde maritime de l’Ancien Régime et de l’époque contemporaine est rarement sans archives même si celles-ci peuvent être lacunaires ou révéler des tropismes, notamment en fonction des différentes campagnes de classement qui ont jalonné son histoire. Ainsi, en France, la réorganisation des fonds « marine » des Archives nationales entre 1862 et 1887 est un moment de fixation des grandes séries bien connues des historiens d’aujourd’hui. Celles-ci font la part belle aux sources de l’administration centrale de la Marine, dans laquelle la flotte de guerre occupe une place évidente, sans toutefois ignorer les papiers issus des grandes enquêtes consacrées aux littoraux et aux activités commerciales, à l’exemple du Rolle général des bastimens de mer […] de 1686 présenté par Christian Pfister-Langanay qu’il n’hésite pas à désigner comme le « plus magnifique document que l’Ancien Régime nous ait légué sur la marine de commerce du royaume de France sous le règne de Louis XIV. » Aborder le fait maritime pour des périodes anciennes ou quand celui-ci n’est pas lié au développement de la puissance publique suppose de mettre en œuvre des stratégies documentaires alternatives qui ne sont pas toujours couronnées de succès. En exploitant les écrits du géographe arabe al-Idrīsī, et notamment le Livre de Roger, Christine Mazzoli-Guintard mène une enquête terminologique du glossaire nautique et montre à quel point la pauvreté de celui-ci rend malaisé la possibilité de dessiner la trame portuaire d’al-Andalus et de saisir la variété des navires empruntant les routes maritimes du xiie siècle. Ces difficultés ne sont pas sans rappeler le glossaire nautique publié par Augustin Jal en 184838, une entreprise lexicographique impressionnante qui a bénéficié d’une révision depuis les années 1970 tant les enjeux terminologiques sont au cœur du travail des archéologues et des historiens des mondes maritimes. Éric Rieth et Michel Daeffler montrent, à travers deux approches complémentaires, les difficultés d’aborder la physionomie des marines anciennes, surtout quand celles-ci appartiennent à cette poussière navale des petits navires de travail, de pêche et de commerce. Ainsi, Éric Rieth esquisse une typologie des navires de commerce en usage au milieu du xviiie siècle à partir de l’exploitation d’une source iconographique inédite, un album conservé au musée maritime de l’île de Tatihou, où le bateau est véritablement au cœur de chaque planche. L’auteur montre que cet ensemble documentaire, qui s’ajoute d’une certaine manière aux commentaires des deux albums dit de Jouve et de celui de Colbert pour le xviie siècle39, présente des « portraits architecturaux » d’une rare précision, réalisés par un homme liant une culture technique nautique et un souci de l’esthétique, une source de premier ordre. Michel Daeffler cultive la même ambition de parvenir à restituer les flottes anciennes au-delà de la profusion terminologique en usage en Normandie en croisant les archives notariales – les contrats de construction –, les registres de propriété de navires de l’Amirauté d’Honfleur et une série de documents qui précisent les modifications au cours des constructions demandées par le futur propriétaire. Cette approche permet non seulement de dégager une typologie générale des navires en circulation en Normandie au xviie siècle, mais également d’envisager toutes les transformations liées à des usages spécifiques, qu’il s’agisse du commerce ou de la pêche. Ce travail de caractérisation du fait maritime va au-delà de l’écriture de l’histoire et a des implications sur la patrimonialisation en cours depuis les années 1980. Guy Saupin décrit avec précision les différentes étapes qui jalonnent la mise en valeur des héritages liés aux activités maritimes qui a permis bien souvent de surmonter la fin de certaines filières professionnelles et la crise économique et sociale qu’ont traversé les territoires littoraux. Ce processus protéiforme a été globalement respectueux de leur profondeur historique, il y trouve d’ailleurs bien souvent une source de légitimité, même si certains sites ont forcé le trait sur tel ou tel aspect du passé ou exagéré leur identité maritime. Mais il faut reconnaître également que l’objectif principal des constructions patrimoniales n’est pas nécessairement d’atteindre l’historicité la plus pure, elles s’attachent bien souvent au mythe fondateur d’un territoire dont la mise en valeur s’éloigne parfois de la réalité historique et sociale. Ce qui vaut pour le patrimoine maritime et littoral se retrouve dans bien d’autres processus mémoriels et/ou patrimoniaux comme le montre Didier Poton de Xaintrailles pour les musées d’histoire du protestantisme qui associent presque systématiquement une galère à leur muséographie. L’expertise de l’historien permet alors d’éviter les dérives et d’alerter contre des légendes forgées au fil du temps à l’image du récit que livre Jean-François Klein à propos de la chaloupe-canonnière La Grandière qui aurait sombré avec un trésor dans les eaux du Haut-Mékong, ce que démentent toutes les enquêtes sérieuses menées dans les archives. Mais la problématique de l’historicité n’est pas le seul point de vigilance lorsqu’il s’agit de participer à une entreprise patrimoniale, et celle de son universalité mérite tout autant d’être posée. C’est la réflexion que propose Vincent Guigueno avec le cas des phares. Infrastructure d’origine européenne et symbole des empires coloniaux, le phare peut-il être un patrimoine « universel » ?
16La seconde partie de l’ouvrage est consacrée au thème de la guerre sur mer. Il s’agit de la préparer, la faire ou éviter de la faire, anticiper ses conséquences et, enfin, la dire en montrant sa puissance par l’objet ou en utilisant les instruments de la communication politique. Le texte d’Isabelle Pimouguet-Pédarros permet d’emblée de réinscrire le combat naval dans sa profondeur historique et dans sa réalité matérielle. Si l’époque moderne connaît une « nouvelle fureur » avec la poudre, le canon et l’invention du vaisseau de ligne, les périodes anciennes montrent que les engagements maritimes entraînent également des mobilisations hors normes conduisant à des affrontements dévastateurs pour les hommes et le matériel. Au cours de la période hellénistique, les sources permettent de dénombrer plusieurs centaines de bâtiments et des dizaines de milliers d’hommes d’équipage (officiers, rameurs, techniciens, etc.) engagés dans les combats navals, des données qui montrent qu’au-delà des périodes et des systèmes techniques la guerre sur mer suppose des puissances politiques organisées pour faire face à un tel effort. L’ambition de disposer d’une marine de guerre contraint presque toujours à édifier des arsenaux pérennes comme c’est le cas du Danemark au xviie siècle. Pierrick Pourchasse montre que la volonté de Christian IV, le « neptune danois », de doter son royaume de l’une des plus grandes flottes européennes passe alors par la création de l’arsenal de Copenhague, sans doute l’infrastructure de ce type la plus complète après Venise à cette époque. Au-delà, il est nécessaire d’entretenir des réseaux d’approvisionnement drainant des matières premières et ouvrées de qualité tout autant qu’il s’agit de mettre en place un système de recrutement des marins. Les marines offrent alors des opportunités commerciales indéniables pour les acteurs économiques, à condition d’être capable de livrer des matériels adaptés et le plus rapidement possible. C’est sans doute ce qu’apprend à ses dépens Pierre Grandguillaume dans sa tentative de devenir un fournisseur incontournable de l’approvisionnement en produits métallurgiques du Nivernais sous le règne de Louis XIV. Caroline Le Mao présente ce très intéressant personnage, à mi-chemin entre l’entrepreneur visionnaire et l’escroc fantasque, qui parvient à édifier un empire sidérurgique éphémère pour satisfaire les très importants besoins de la flotte française engagée dans la guerre de la Ligue d’Augsbourg, une gageure qu’il paye finalement de sa ruine puis de sa vie. S’assurer d’un vivier de marins n’est pas un moindre défi et à donner lieu à de nombreuses organisations administratives bien avant la mise en œuvre du système des classes en France. Annick Peters-Custot analyse ce « service militaire maritime » pour la Calabre entre le xe et le xiie siècle et montre une certaine continuité avec les pratiques en usage dans l’Empire Byzantin, l’ancienne puissance dominante dans cette région de Méditerranée. Ainsi, c’est sur la base de listes fiscales byzantines que la nouvelle administration normande organisa son propre système d’enrôlement des marins articulé autour de l’établissement d’un rôle – fiscal ici – et de l’envoi de représentants du pouvoir dans les régions littorales – les comtes des galères du roi –, ce qui n’est pas sans rappeler de nombreuses autres formules en usage en Méditerranée depuis l’Antiquité puis dans certains pays d’Europe occidentale à l’époque moderne. À travers l’exemple des gens de mer du Plessis-Bertrand, Philippe Hrodej présente en creux le fonctionnement de cette administration pour la France à la fin du règne de Louis XIV et renouvelle l’abord d’une source « classique » pour l’histoire maritime de cette époque. En suivant une cohorte de marins concernés par les campagnes vers les Antilles et le Brésil, l’auteur décrypte les conditions de ces engagements – mortalité, maladies – mais reconstitue également les liens familiaux et les réseaux de sociabilité et d’interconnaissance qui lient ces hommes, une fenêtre ouverte sur le prometteur programme de recherche GEMER. Nous restons au cœur du combat naval avec la communication d’Olivier Chaline qui s’interroge sur les modalités de prise de décision au sein du commandement français à l’occasion d’un conseil de guerre tenu le 25 août 1704, au lendemain de la bataille de Vélez-Málaga. L’escadre française doit-elle réengager le combat contre l’ennemi anglo-hollandais ? L’analyse du compte rendu du conseil de guerre – une rareté dans les archives françaises – permet de lire la confrontation des arguments de chacun des officiers présents qui conduit à la construction d’une décision potentiellement lourde de conséquences puisqu’il s’agit ici de ne pas poursuivre l’engagement. Le combat naval reste la toile de fond de la communication d’Éric Schnakenbourg avec l’émergence du concept de « neutralité armée » lié à l’exacerbation de la violence de guerre au cours de la Révolution et de l’Empire. Dans un contexte où il est difficile de faire respecter son statut de neutre, les États-Unis sont contraints de réagir en mettant en scène leur force et leur volonté, en cas d’agression, de rendre coup pour coup sans pour autant entrer officiellement en guerre, ouvrant ainsi un interstice ambigu entre la belligérance et la non-belligérance. La paix revenue, les flottes de guerre conservent un rôle majeur à la fois pour servir les ambitions scientifiques et techniques de leurs commanditaires – les grands voyages scientifiques des xviiie et xixe siècles – mais également en étant des forces de dissuasion dans le cadre de la pérennisation de certaines routes commerciales. Dans cette perspective, Philippe Haudrère (†) évoque la tentative du Maréchal de Castries de réorganiser la présence française dans l’océan Indien au lendemain de la guerre d’Indépendance américaine, tant commercialement que militairement, afin de tirer parti encore longtemps des comptoirs indiens. Cette partie s’achève par deux articles ayant pour thème commun la mise en scène de la puissance navale de manière symbolique par l’objet et l’image. À travers la figure du marquis de Langeron, Michel Vergé-Fransceschi montre la construction de la flotte du Grand Canal du château de Versailles au cours du règne de Louis XIV. S’il s’agit, pour le Roi et sa Cour, de jouir des plaisirs de la navigation sur l’une des plus importantes pièces d’eau de la demeure royale, le dessein est aussi politique puisqu’il faut donner à voir le nouveau statut de puissance navale acquis par la France à cette époque. L’exploitation d’un corpus inédit de « placards d’actualités » conservés au Rijksmuseum d’Amsterdam permet à Émilie Dosquet de dessiner les contours de la diffusion des nouvelles liées aux opérations navales de la deuxième guerre anglo-hollandaise, faisant de la bataille un évènement dont il importe désormais de mettre en scène le déroulé par l’image et le texte associé. Au-delà de l’analyse des mécanismes de construction et de diffusion de l’évènement, la puissance réaliste qui se dégage de ces représentations en font des documents d’un rare intérêt pour aborder l’engagement naval en pleine mutation à cette époque.
17La troisième et dernière partie de cet ouvrage est consacrée aux acteurs et aux infrastructures littorales et portuaires et s’ouvre sur une double approche de la côte atlantique liant histoire maritime et histoire environnementale. Jean-Luc Sarrazin montre la richesse de l’approche des naufrages sur le littoral de la seigneurie de Talmont à la fin du Moyen Âge. En dépit des difficultés documentaires propres à la période, ces évènements récurrents informent sur les conditions de navigation – découpage de la côte, vents, courants, etc. –, la nature des trafics tout en ouvrant des perspectives de recherche sur le rapport des « pouvoirs » aux activités maritimes via l’administration des naufrages. Les procès-verbaux relatant l’évènement et plusieurs autres sources permettent également d’identifier des « écluses à poissons » qui, s’il n’est pas avéré qu’elles sont responsables des échouements de navires, représentent les premiers signes d’un aménagement littoral qui prend une ampleur bien plus importante aux xviiie et xixe siècles comme le montre Thierry Sauzeau pour Noirmoutier. Confrontée à des évènements météorologiques marins extrêmes, la population de l’île a conscience depuis longtemps des risques et de sa vulnérabilité et a tenté de s’en protéger par différents aménagements, le plus souvent précaires. La vente de l’île à l’État en 1767 ouvre un moment de confrontation des savoirs et savoir-faire locaux avec ceux des ingénieurs des Ponts et Chaussées avant d’aboutir à un compromis technique original. La question des aménagements et des contraintes environnementales est également au cœur des textes consacrés aux arsenaux de Rochefort, Brest et Toulon. Denis Roland revient sur le site exécrable de l’arsenal charentais contraint de composer en permanence avec la vase qui handicape l’activité militaire et conduit à d’importantes dépenses pour garantir la fonctionnalité des infrastructures. Mais la contrainte n’a-t-elle pas conduit à faire de Rochefort un arsenal « laboratoire » pour la Marine ? La corderie et ses fondations sur radier, les formes de radoub, l’installation de la première machine à vapeur pour l’hôpital, le moulin à draguer les vases, le lancement du Sphinx qui marque les débuts de la propulsion vapeur dès 1829 : la liste de ces innovations permet à l’évidence de poser cette hypothèse pour construire l’histoire de cet arsenal et envisager un récit dans le cadre de sa mise en valeur patrimoniale. Les textes d’Olivier Corre et de Bernard Cros prolongent cette intéressante immersion dans la réalité matérielle des arsenaux en évoquant l’action des ingénieurs des Bâtiments civils, puis ingénieurs des Travaux maritimes au xixe siècle, en charge de l’entretien et de la construction des bases navales. Les deux auteurs montrent en creux que ces hommes et leur travail n’ont pas bénéficié d’un intérêt à la hauteur de leur rôle dans leur participation à la construction d’une puissance militaire navale en France. De l’entretien courant, comme à Brest à la fin du xviiie siècle, à la transformation spatiale et fonctionnelle des arsenaux dans le contexte de l’industrialisation de Toulon au xixe siècle, ces hommes déploient des savoirs et des savoir-faire très spécifiques tout en étant maîtres d’œuvre des travaux en assurant la responsabilité globale de leur réalisation, de la conception à la coordination de l’exécution qui les met au cœur d’une intermédiation avec de nombreux entrepreneurs privés. Mais si les transformations industrielles de l’arsenal de Toulon conduisent à des conflits avec les riverains, notamment en raison de nombreuses expropriations, c’est sans commune mesure avec ce qui se joue à Bordeaux à la même époque. Car au-delà de l’implantation des grues, des entrepôts, d’une ligne de chemin de fer et de la requalification d’une partie du port à des fins industrielles, Bruno Marnot évoque la confrontation des constructions culturelles et identitaires à laquelle ces mutations conduisent, le passage du Bordeaux classique au port industriel. L’ouvrage se termine sur trois communications qui, comme les précédentes, contribuent à alimenter des champs encore en retrait dans l’historiographie actuelle. Alors que l’histoire sociale et du travail connaît un regain d’intérêt depuis une vingtaine d’années, les ouvriers de la construction navale sont restés à l’écart de cette dynamique. Gilbert Buti offre une première synthèse renouvelée concernant la prud’homie des calfats de Marseille au xviiie siècle en montrant les particularités de ce monde ouvrier corporé, alternant entre la navigation et le travail au port, qui compose autant que faire se peut avec les pouvoirs locaux – politiques et économiques – et la Marine pour conserver ses droits et prérogatives. Le système des classes ne représente pas la moindre des contraintes sur la vie quotidienne des calfats marseillais, et tous les autres professionnels de la construction navale en France, qui induit une mobilité obligatoire vers les vaisseaux du roi ou ses arsenaux. Ces hommes rejoignent alors un monde ouvrier composite, traversé par de nombreux statuts professionnels qui rendent complexe l’abord de l’histoire du travail dans les arsenaux. Au-delà d’un premier essai typologique de cette diversité ouvrière, David Plouviez présente la documentation disponible et quelques-unes des grandes problématiques qui structurent un projet d’humanité numérique en cours consacré aux professions de la construction navale du xviie au xixe siècle. Enfin, la communication de Sébastien Martin constitue une ouverture vers l’écriture d’une histoire socioculturelle des villes-arsenaux à l’époque moderne. Si les rapports entre la maçonnerie et les ports ont donné lieu à de nombreux travaux, les arsenaux sont restés à l’écart de ce mouvement général, sauf exceptions. Une fois de plus, le cas rochefortais semble se distinguer à la fois par le recrutement des loges que par leur dynamisme au regard d’autres ports.
Notes de bas de page
1Cendrars Blaise, « Paris, Port-de-Mer », Bourlinguer, Paris, Denoël, 1948.
2Villain-Gandossi Christiane et Rieth Éric, Pour une histoire du fait maritime. Sources et champs de recherche, Paris, CTHS, 2001, p. 7-15 (dans le même volume la bibliographie de Michel Mollat du Jourdin, p. 17 sqq.).
3Pour l’apport de Jean Meyer à l’histoire maritime : Acerra Martine, Haudrère Philippe, Vergé-Franceschi Michel et Zysberg André, « Jean Meyer, et le renouveau de l’histoire maritime », in Martine Acerra, Jean-Pierre Poussou, Michel Vergé-Franceschi et André Zysberg, État, Marine et Société, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1995, p. xxi-xxvii.
4Acerra Martine et Meyer Jean, L’Empire des mers, du galion au clipper, Paris, Nathan, 1990.
5Acerra Martine et Meyer Jean, Marines et Révolution, Rennes, Ouest-France, 1988 [Grand prix de l’Académie de Marine].
6La soutenance a eu lieu le 16 novembre 1992 à l’université Paris-IV Sorbonne devant un jury composé de Jean Meyer (directeur de recherche), André Zysberg (université de Caen), Philippe Haudrère (université d’Angers), Michel Vergé-Franceschi (université de Chambéry) et François Bellec (directeur du musée national de la Marine à Paris). Cette thèse a obtenu la mention très honorable avec les félicitations du jury à l’unanimité.
7Acerra Martine, Rochefort et la construction navale française, 1661-1815, 4 vol., Paris, Librairie de l’Inde, 1993.
8Acerra Martine, Rochefort et la construction navale, op. cit., p. 567-586. Pour une mise en perspective de la « réparation » en sciences humaines et sociales : Bernasconi Gianerico, Carnino Guillaume, Hilaire-Pérez Liliane et Raveux Olivier (dir.), Les réparations dans l’Histoire. Cultures techniques et savoir-faire dans la longue durée, Paris, Presses des Mines, 2021.
9Brewer John, The Sinews of Power: War, Money and the English State, 1688-1783, Londres, Unwin Hyman, 1989.
10Les travaux de Daniel Baugh sur la Royal Navy (British naval administration in the age of Walpole, Princeton, Princeton University Press, 1965 ; Naval Administration, 1715-1750, Greenwich, Publications of the Navy Records Society, CXX, 1977), ou encore ceux de Peter Mathias et de Patrick Karl O’Brien (« Taxation in Britain and France, 1715-1810 : A comparison of the Social and Economic Incidence of Taxes Colected for the Central Governments », Journal of European Economic History, no 5, 1976, p. 601-650) avaient plus que largement initié la thèse de Brewer.
11Un concept qui se transforme sous la plume des historiens anglo-saxons au cours des années 1990 et 2000 pour devenir « État navalo-fiscal » ; Rodger Nicholas, « War as an Economic Activity in the “Long” Eighteenth Century », International Journal of Maritime History, 1, no 22, 2010, p. 1-18.
12Torres-Sánchez Rafael, « The Triumph of the Fiscal Military State in the Eighteenth Century. War and Mercantilism », in Rafael Torres-Sánchez (dir.), War, Sate and Development Fiscal-Military States in the Eighteenth Century, Pamplona, Ediciones Universidad de Navarra, 2007, p. 13-44.
13Bayard Françoise, Le monde des financiers au xviie siècle, Paris, Flammarion, 1987 ; Dessert Daniel, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Paris, Fayard, 1984 ; Chaussinant-Nogaret Guy, Les financiers du Languedoc au xviiie siècle, Paris, SEVPEN, 1970 ; id., Gens de finance au xviiie siècle, Paris, Bordas, 1972.
14Meyer Jean, Le Poids de l’État, Paris, PUF, 1983. Ces problématiques ont récemment bénéficié d’analyses stimulantes : Béguin Katia, Financer la guerre au xviie siècle. La dette publique et les rentiers de l’absolutisme, Paris, Seyssel, Champ Vallon, 2012 ; Chaline Olivier, Les armées du Roi. Le grand chantier. xviie-xviiie, Paris, Armand Colin, 2016.
15Acerra Martine et Buti Gilbert, Llinarès Sylviane et Pfister Christian, « Inspecter le littoral français à l’époque moderne », in La maritimisation du monde de la Préhistoire à nos jours, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2016, p. 497-513 ; Les enquêtes littorales ont été au cœur du programme régional LETO (Littoral, État, Océan) mené à l’université de Nantes entre 2016 et 2018 : Acerra Martine, « LETO (Littoral, État, Océan), un dispositif test sur les enquêtes littorales (xviie-xixe siècles) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2018/4, p. 69-90.
16Acerra Martine, « Les constructeurs de la marine (xviie-xviiie siècle) », Revue Historique, t. 273, 554, avril-juin 1985, p. 283-304.
17Daumard Adeline et Furet François, « Méthodes de l’Histoire sociale : les Archives notariales et la Mécanographie », Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, 14-4, 1959, p. 676-693 (ici p. 693).
18Le Roy Ladurie Emmanuel, « La fin des érudits. L’historien de demain sera programmeur ou ne sera pas », Le Nouvel Observateur, 8 mai 1968.
19Marzagalli Silvia, « Les échanges maritimes à l’époque moderne : bilan et perspectives de la recherche française », Le recherche internationale en histoire maritime : essai d’évaluation, Revue d’histoire maritime, no 10-11, 2010, p. 33.
20Acerra Martine, Haudrère Philippe, Vergé-Franceschi Michel et Zysberg André, op. cit., p. xxii.
21Zysberg André, Les Galères de France et la société des galériens, 1660-1748, thèse d’histoire de l’EHESS, dir. Emmanuel Le Roy Ladurie, 1986 ; publié sous le titre Les galériens : vies et destins de 60 000 forçats sur les galères de France, 1680-1748, Paris, Seuil, coll. « L’Univers historique », 1987.
22Plouviez David, « Jean Boudriot (1921-2015) », Artefact. Techniques, Histoire et Sciences humaines, no 3, 2015, p. 11-13.
23Boudriot Jean, Le vaisseau de 74 canons, Grenoble, Édition des Quatre Seigneurs, coll. « Archéologie navale française », 4 tomes, 1973-1977 ; cet ouvrage devient rapidement une référence et donne naissance aux Éditions Ancre, une société que Jean Boudriot fonde avec son associé et ami Hubert Berti en 1979 et qui compte aujourd’hui plus de soixante titres dont de très nombreuses monographies de navires et la réédition de traités de construction du xviie au xixe siècle.
24Le travail et l’œuvre d’Éric Rieth sont fondamentaux : Rieth Éric, Pour une histoire de l’archéologie navale. Les bateaux et l’histoire, Paris, Classiques Garnier, 2019. À l’intersection de l’histoire, de l’archéologie et de l’architecture, le séminaire animé conjointement par Jean Boudriot et Éric Rieth au palais de Chaillot a longtemps représenté un lieu d’échanges de référence à Paris sur toutes les questions relatives aux marines anciennes.
25Llinarès Sylviane, Marine, propulsion et technique : l’évolution du système technologique du navire de guerre français au xviiie siècle, Paris, Librairie de l’Inde, 1994.
26Acerra Martine, « La navigation dans l’Atlantique Nord aux xviie et xviiie siècles », in Mickaël Augeron et Dominique Guillemet (dir.), Champlain ou les portes du Nouveau Monde. Cinq siècles d’échanges entre le Centre-Ouest français et l’Amérique du Nord, La Crèche, Geste Éditions, 2004, p. 105-108 ; id., « Des rafles de Boscawen au « Vengeur du peuple ». La fin de la guerre en dentelles. 1755-1794 », in La Révolution française, Les massacres au temps des révolutions, 2011, [http://journals.openedition.org/Irf/193] (erreur en 2025).
27Acerra Martine, « L’arsenal, pivot de la puissance maritime ? », in Christian Buchet, Jean Meyer et Jean-Pierre Poussou (dir.), La puissance maritime, actes du colloque de 2001, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2004, p. 435-442.
28Frédéric C. Lane avait publié son important travail sur la construction navale dans l’arsenal de Venise en 1965 (Navires et Constructeurs à Venise pendant la Renaissance, Paris, SEVPEN, 1965) et au début des années 1980, Giorgio Bellavitis et Ennio Concina offraient deux monographies qui restent aujourd’hui incontournables : Bellevitis Giorgio, L’Arsenale di Venezia, Venezia, Marsilio editore, 1983 et Concina Ennio, L’Arsenale della Republica di Venezia, Milano, Electa editore, 1984.
29La bibliographie est immense mais les travaux de J. G. Coad représentent un très bon point de départ : Coad Jonathan G., The Royal Dockyards 1690-1850 : architecture and engineering works of the Sailing Navy, Aldershot, Scolar Press, 1989.
30Outre l’arsenal de Rochefort avec Martine Acerra, Jean Meyer dirigea également les thèses de Gérard Le Bouëdec et d’Alain Boulaire : Le Bouëdec Gérard, Les mutations d’une ville maritime du xviiie au xixe siècle : Lorient. L’édification d’un arsenal maritime en pointe au xixe siècle dans la ville-port de la Compagnie des Indes, thèse d’histoire, dir. Jean Meyer, université Paris-IV Sorbonne, 1993 ; Boulaire Alain, Brest et la Marine royale de 1660 à 1790, thèse d’histoire, dir. Jean Meyer, université Paris-IV Sorbonne, 1988.
31Acerra Martine, « Les projets d’arsenaux de Pierre Puget, 1671 et 1676 », in Martine Acerra, Jean-Pierre Poussou et Michel Vergé-Franceschi, État, Marine et Société, hommage à Jean Meyer, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 1995, p. 1-13 ; id., « Les arsenaux français à la fin du xviiie siècle », in Ulane Bonnel (dir.), Fleurieu et la marine de son temps, Paris, Economica, 1992, p. 179-189.
32Acerra Martine, « Les constructeurs de la marine (xviie-xviiie siècle) », op. cit.
33Bernardi Philippe et Hatzfeld Nicolas, « Métiers et professions : au-delà des modèles successifs d’organisation du travail, des évolutions à nuancer », Historiens et Géographes, no 438, p. 53.
34Acerra Martine, « Jean Pierre Étienne, entre compétences et opportunités. Regards sur soi d’un mousse, devenu officier de marine (1782-1798) », in Anne de Mathan, Pierrick Pourchasse et Philippe Jarnoux (dir.), La mer, la guerre et les affaires. Enjeux et réalités maritimes de la Révolution française, Rennes, PUR, 2017, p. 295-304 ; id., « Dire sa compétence navale. Les mots d’un officier de marine issu du rang à la fin du xviiie siècle », in Benjamin Deruelle, Hervé Drévillon, Bernard Gainot et Nicolas Handfield (dir.), La construction du militaire, vol. 3, Les mots du militaire : dire et se dire militaire en Occident (xve-xixe siècle) de la guerre de Cent Ans à l’entre-deux-guerres, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 179-197.
35Acerra Martine, « Les conditions humaines de production de l’outil militaire : compétence des personnels et impacts du conflit sur la vie quotidienne », in Olivier Chaline, Philippe Bonnichon et Charles-Philippe de Vergennes (dir.), Les marines de la guerre d’Indépendance américaine (1763-1783), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2013, p. 281-292.
36Péron Françoise (dir.), Le patrimoine maritime. Construire, transmettre, utiliser, symboliser les héritages maritimes européens, Rennes, PUR, 2002.
37Cette aventure scientifique et patrimoniale a fait l’objet d’une publication des synthèses et débats à l’occasion d’un colloque organisé à l’occasion de la demande de classement de l’arsenal de Rochefort : Acerra Martine (dir.), Arsenal et patrimoine : l’Europe Atlantique et Rochefort (xviie-xixe siècle), Actes du colloque « Arsenal et gestion patrimoniale », Rochefort, 18-20 septembre 2007, Paris, Les Indes savantes, Rivages des Xantons, 2009.
38Jal Augustin, Glossaire nautique, répertoire polyglotte de termes de marine anciens et modernes, Paris, Firmin-Didot frères, 1848.
39Vergé-Franceschi Michel et Rieth Éric, Voiles et voiliers au temps de Louis XIV, Paris, Éditions Du May, 1992.
Auteur
-
David Plouviez
Université de Nantes.
David Plouviez est maître de conférences en histoire moderne à l’université de Nantes. Ses recherches s’inscrivent dans le champ de l’histoire de la guerre, déclinée dans ses perspectives économiques, sociales et techniques. Après une thèse de doctorat et des travaux consacrés aux réseaux d’approvisionnement de la Marine française (La Marine française et ses réseaux économiques, Paris, Les Indes Savantes, rivages des Xantons, 2014), ses recherches actuelles portent sur le phénomène de la sous-traitance navale en France et en Europe aux xviiie et xixe siècles et procèdent d’un glissement vers l’histoire du travail et l’histoire des techniques en contexte portuaire.

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