« Une voie royale » peu empruntée par Jacques Le Goff, les écrits de gouvernement
p. 71-86
Texte intégral
1Dans son magistral Saint Louis, Jacques Le Goff considérait les documents qu’il nommait « officiels » comme « une voie royale pour parvenir aux réalités du pouvoir à travers sa pratique routinière1 ». Pour autant, sa biographie du roi, forte de 976 pages, ne consacrait que dix pages à la présentation de ce type de sources, contre plusieurs centaines pour les sources narratives, vitae, miroirs aux princes ou exempla2. Cet évitement tient bien évidemment au projet même de l’auteur, tenter d’approcher l’individu derrière le roi, et plus encore derrière le saint. Aussi écrivait-il en toutes lettres dans ce très court chapitre : « il n’entrait pas dans mon intention, de toute façon, d’étudier ces documents qui renseignent plus sur les institutions que sur le roi3 ».
2De fait, s’il mentionne brièvement les registres de chancellerie de Louis IX, les layettes désormais entreposées sous son règne à la Sainte-Chapelle ou encore les Olim, qu’il présente comme les premiers registres du Parlement, c’est avant tout pour illustrer un souci personnel qu’aurait eu le monarque pour la conservation documentaire. Souci que Le Goff appelle élégamment « une bureaucratie du scrupule dynastique et monarchique4 », qui le pousse à rapprocher la date de début des Olim, 1254, de la rencontre du roi avec le franciscain joachimite Hugues de Digne. Celui-ci ne l’avait-il pas averti : « que le roi prenne garde puisqu’il s’en va en France, à faire si bien justice à son peuple qu’il en conserve l’amour de Dieu, de telle manière que Dieu ne lui ôte pas le royaume de France avec la vie5 » ? Les grandes enquêtes, à peine évoquées dans la dizaine de pages en question, ont reçu ailleurs dans le volume une même interprétation, biographique, celle d’une marche sans cesse plus eschatologique du roi et de son règne6.
3Jacques Le Goff passe enfin en revue d’autres documents dits « officiels » : les comptabilités, avant tout pour déplorer leur disparition dans l’incendie de la Chambre des comptes en 17377, les ordonnances, dont il regrette « l’absence d’une édition convenable8 » et les actes, leur absence d’édition tout court9. S’il ne s’est donc pas emparé des sources de gouvernement, c’est pour deux raisons : la première était qu’elles ne lui semblaient pas être en mesure de le renseigner sur l’individu Saint Louis, qui était ici son objet, et la seconde était que cette documentation lui apparaissait trop lacunaire ou trop peu accessible. En somme, Jacques Le Goff n’a ni voulu, ni pu livrer sur le gouvernement de Louis IX une somme équivalente à celle de John Baldwin sur celui de Philippe Auguste, parue dix ans plus tôt, et solidement arrimée à l’édition des registres du monarque, qu’il avait en partie menée10. En 1996, des entreprises de la sorte existaient au demeurant déjà sur le règne de Louis IX, à commencer par le retentissant Louis IX and the Challenge of the Crusade de William Chester Jordan, paru en 197911 et qui avait ouvert la voie aux deux biographies de Jean Richard et de Gérard Sivéry en 198312. Mais à leur tour, ces trois ouvrages exploitèrent avant tout ces écrits de gouvernement pour nourrir de manière chronologique la trame de la vie ou du règne de Louis IX.
4La nouveauté que nous souhaiterions signaler ici est, qu’à compter des années 2000, ces écrits de gouvernement sont devenus des objets d’étude en soi. D’abord parce que les lacunes déplorées par Jacques Le Goff sont en passe d’être comblées ou ont été habilement dépassées : seront présentées ici l’entreprise de recension et de transcription des actes de Louis IX et la manière dont les très copieuses comptabilités d’Alphonse de Poitiers peuvent éclairer le fonctionnement des comptabilités royales, dont les vestiges sont au demeurant « significatifs13 ». L’informatisation des données a permis quant à elle de procéder au dépouillement systématique de certains monuments du règne, précocement édités. Il en va ainsi de sources judiciaires comme les Olim ou les enquêtes de réparation dont il sera aussi question ici.
5Sur un plan historiographique, cet intérêt spécifique pour les sources que Jacques Le Goff appelait des « documents officiels » s’inscrit dans une forme nouvelle d’approche érudite des actes de la pratique et de retour aux originaux, désignée, c’est selon, comme un « tournant pragmatique », une « nouvelle érudition » ou « nouvelle diplomatique » ou encore comme une « archéologie documentaire14 ». La clé d’entrée vers le règne de Louis IX est dès lors typologique – par type de sources – et non plus biographique, comme les vitae du saint roi y ont longtemps invité. Entre tous les rois, Louis IX a en effet une particularité forte : celle d’avoir fait l’objet de plusieurs vies rédigées dès après sa mort, soit en vue de sa canonisation, soit dans la foulée de celle-ci15. Malgré leurs biais, bien mis en évidence par Jacques Le Goff, leur richesse, leur précocité et leur nombre expliquent qu’elles aient longtemps été privilégiées aux sources de la pratique du règne, plus lacunaires, plus abruptes. Que Louis IX n’ait pas été immortalisé comme présidant son tout jeune Parlement de Paris, mais sous son chêne, d’après une unique et fugace allusion de Joinville, est particulièrement révélateur16. Quoi de neuf donc sur les sources de gouvernement depuis le Saint Louis de Le Goff qui les avait sciemment écartées ?
Quoi de neuf sur les sources judiciaires ? Le cas des Olim et des enquêtes de réparation
Des documents célèbres, précocement édités et pourtant objets d’une attention spécifique récente
6Les Olim, c’est-à-dire les tout premiers registres à consigner de nombreuses décisions du Parlement à partir de 1254, furent précocement édités par Auguste-Arthur Beugnot au milieu du xixe siècle. Mais jusqu’à ces quinze dernières années, ils n’avaient pas véritablement fait l’objet ni de recherches dédiées, ni de dépouillements systématiques, les historiens s’étant généralement contenté d’y piocher les éléments qui les intéressaient pour des recherches particulières. Il en va au demeurant largement de même pour les grandes enquêtes menées par Louis IX à partir de 1247 pour faire restituer les biens mal acquis par son administration. Redécouvertes en 1855 par Edgard Boutaric, archiviste à la section historique des Archives nationales, elles furent confiées par l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1877 au « prince des bibliothécaires », Léopold Delisle, qui en livra, en 1904, l’édition intégrale dans le 24e et ultime volume du Recueil des Historiens des Gaules et de la France17. Les enquêtes entraient dans un panthéon documentaire français, rival des non moins célèbres Monumenta Germaniae Historica : un monument national était né. Monumentale, cette source l’était au sens propre du terme, puisqu’elle ne répertoriait pas moins de 10 000 plaintes d’hommes et de femmes du xiiie siècle, qui ne furent jusqu’à peu jamais dépouillées. Quant à la procédure employée, à l’aire géographique embrassée et au personnel chargé de ces investigations, ils demeuraient totalement inconnus, d’où la thèse qui leur fut consacrée et qui parut en 2014 sous le titre Les enquêtes de Saint Louis, gouverner et sauver son âme18. Il faut d’ailleurs noter qu’en ces années 2010, plusieurs historiens constataient la sous-exploitation de ces sources et l’on doit nécessairement citer pour la France, l’article de Yann Potin sur le versement de ces enquêtes au trésor des chartes19, au Japon, les recherches prédoctorales de Shin’ya Mukai20, au Royaume-Uni les travaux doctoraux de Tom Underwood21 et aux États-Unis ceux d’Andrew Collings22. Quant aux travaux ayant fait dans les mêmes années des Olim des objets en soi, ou qui se sont fondés sur leur dépouillement sériel, ils sont plus nombreux encore23.
Quoi de neuf sur les Olim ?
7Depuis le Saint Louis de Jacques Le Goff, c’est en quelque sorte la nature même des Olim qui a changé pour les médiévistes. En dépit des précautions prises par leur éditeur, Auguste-Arthur Beugnot24, le chef de file des Annales suit la vulgate qui présente les Olim comme les premiers registres du Parlement : des registres de greffe, tenus à partir de 1254 à l’issue de chaque session du Parlement, pour en consigner systématiquement toutes les décisions. Or il n’en est rien : leur compilation est postérieure au règne de Louis IX et les auteurs des Olim semblent avoir effectué des sélections, dont l’ampleur est toujours discutée par les médiévistes25. L’initiative de compiler des décisions du Parlement ne serait d’ailleurs pas une initiative institutionnelle qui refléterait « une bureaucratie du scrupule dynastique et monarchique26 » propre à Louis IX. Il s’agirait au contraire d’une démarche individuelle, celle de Jean de Montluçon, clerc du Parlement, sans doute désireux de se constituer un catalogue jurisprudentiel. D’après Olivier Canteaut enfin, ces registres ne constituaient d’ailleurs pas le lieu unique d’enregistrement de l’activité de la cour qui, jusqu’en 1319, conservait la mémoire des affaires et des décisions prises aussi, et peut-être avant tout, dans ses rouleaux27.
8Enfin et depuis les travaux de Pierre-Anne Forcadet, on ne peut plus considérer les Olim comme le témoin de la naissance du Parlement de Paris en 1254. Celle-ci ne peut être véritablement fixée : la première évocation d’une session « expressément “in parlemento”, c’est-à-dire où l’on “parlemente”, où des débats judiciaires et contradictoires ont lieu […], remonte à l’année 123928 ». À cette occasion, plusieurs membres de l’Hôtel reçurent un manteau qui est peut-être une robe spécialement conçue et offerte pour remplir la fonction de juge29. Pierre-Anne Forcadet a également retrouvé la trace de plus d’une centaine de procès datant des années 1230 et 1240, grâce à des cédules, des comptes rendus d’arrêts ou des mentions marginales. Le Parlement de Paris n’est donc à l’origine qu’une poignée de conseillers que le roi choisit de distinguer par un habit spécifique. Et c’est en parlementant que ce groupe devient Parlement, c’est-à-dire que ces individus se détachent des autres conseillers et fondent petit à petit, par leurs arrêts, une institution qui, pendant ses premières décennies d’existence est, avant de devenir la cour d’appel que l’on connaît, « un tribunal de première instance, pour les grands du royaume, mais aussi pour de plus petits litiges30 ». L’enregistrement de ces mêmes arrêts, démarche initialement individuelle de l’un de ces conseillers, est dès lors à replacer dans la genèse d’une institution qui s’invente au xiiie siècle en temps réel, par la pratique, et qui doit son succès aux recours toujours plus nombreux des sujets qui la saisissent. Un succès sans doute dû à une démarche, volontariste et plus large, d’acculturation au recours à la justice du roi : les enquêtes de réparation.
Quoi de neuf sur les enquêtes ?
9Éditées par Léopold Delisle comme des enquêtes « administratives », les enquêtes générales diligentées par Louis IX à partir de 1247 furent longtemps interprétées comme destinées à informer le roi sur les abus des officiers royaux à des fins de contrôle, voire de punition de ces derniers. Des enquêtes de réformation en somme31.
10L’étude matérielle de l’ensemble des originaux conservés, de même que la reconstitution de leur versement dans les archives royales, ont permis de démontrer que les milliers de plaintes recueillies par les enquêteurs n’avaient pas vocation à remonter vers le souverain de son vivant32. Les documents aujourd’hui conservés n’étaient pas des mémoriaux qui lui étaient destinés, mais de modestes documents de travail, faits pour et par les enquêteurs, pour les aider dans leur travail de restitution financière sur le terrain33. Louis IX n’entendait donc pas s’informer à travers eux sur les abus de ses agents. Il avait délégué à des enquêteurs le soin de régler financièrement des centaines de litiges l’impliquant lui ou ses officiers, et de faire sur place la démonstration du caractère équitable de sa justice. Ces enquêtes relevaient de la justice civile et non du champ « administratif ».
11Le dépouillement des milliers de plaintes a permis quant à lui de mettre en évidence que ces investigations furent les premières à avoir l’ambition de s’étendre non seulement à tout le domaine royal, mais également au royaume tout entier. Elles étaient une entreprise de pacification et de promotion de la justice et du pouvoir royal, inédite par son ampleur géographique et sociale, et rendue urgente par le départ en croisade du roi34.
12La prosopographie des enquêteurs mène quant à elle vers une autre piste d’interprétation : les personnages auquel le roi de France avait délégué son autorité étaient tous des hommes de Dieu35. Pour moitié des séculiers, souvent clercs du roi, rompus au droit et aux intérêts de la Couronne. Pour moitié des réguliers, au premier rang desquels des Mendiants, champions de la prédication, mais aussi spécialistes de la valeur des choses, car fins connaisseurs de l’économie de leur temps. Tous étaient des spécialistes du salut. Entre « économie du salut » et « comptabilité de l’au-delà36 », les enquêteurs avaient reçu la mission de racheter sou à sou l’âme du roi en faisant réparer financièrement ses fautes et celles de ses officiers. Ces enquêtes étaient ainsi la plus vaste mise en acte jamais tentée d’un impératif chrétien, formel au xiiie siècle : la restitution des male ablata37, ardemment promue par l’Église du temps, et notamment par les Mendiants qui peuplaient l’entourage de Louis IX et étaient ses confesseurs38. Nous y reviendrons en détail plus loin dans le volume. Pour l’heure, insistons sur le fait que ces enquêtes n’étaient pas des enquêtes administratives ou des enquêtes de réformation, idéal bien postérieur39. Elles étaient des enquêtes de réparation visant d’une part, à faire connaître, reconnaître, voire aimer le roi de France par ses sujets et, de l’autre, à obtenir le rachat de ses fautes et partant, son salut. Une manifestation inédite par son ampleur géographique et sociale de ce que Michel Foucault nommait « le gouvernement de soi et des autres », et de ce que William Chester Jordan nomme la redemptive governance de Louis IX40. La « comptabilité de l’au-delà » telle que mise en acte par Louis IX dans ses enquêtes n’est toutefois pas la seule à avoir été éclairée depuis le Saint Louis de Jacques Le Goff : sa comptabilité tout court a fait l’objet de renouvellements forts.
Quoi de neuf sur les comptabilités ? La comptabilité d’Alphonse de Poitiers au secours de celle de Louis IX
Des comptabilités désormais étudiées pour elles-mêmes
13La comptabilité a connu une certaine faveur dans l’historiographie française des années 1970-198041. À la suite d’une histoire quantitative à la Labrousse, Gérard Sivéry s’était saisi des quelques fragments de comptabilité royale du temps de Saint Louis pour esquisser un budget chiffré de la royauté française42. Dans une veine davantage institutionnelle et politique, d’autres historiens s’étaient alors intéressés avant tout au rôle de la comptabilité dans la construction de l’État et à la mise en place d’outils de gestion domaniale véritablement efficaces43. La comptabilité a ainsi été considérée comme une source de données chiffrées – voire économiques – et comme un élément d’appréciation de la maturité d’une administration. Les historiens ont dès lors guetté le développement et la diffusion de certaines pratiques ou innovations techniques (notamment la partie double et la séparation du comptable et de l’ordonnateur) pour mesurer les « progrès » de la comptabilité comme l’un des éléments de la genèse de l’État. Jean Favier, se penchant sur les finances de Louis IX, estimait en outre que :
« Connaître les finances d’un prince, ce n’est pas seulement connaître l’état de ses ressources, c’est aussi apprécier la variété et l’étendue de ses moyens d’action. À travers les recettes et les dépenses, c’est la politique que l’on juge44. »
14Ces travaux ont beaucoup apporté et contribué à réhabiliter ces sources, quelque peu délaissées depuis le xixe siècle. Ils ont notamment permis de mieux connaître une large part des procédures comptables et du personnel des différentes chambres des comptes45. Mais ils ont également introduit un biais chez certains historiens en raison de la trop forte attention portée aux chiffres et aux aspects les plus techniques, au détriment d’une compréhension globale des rouages administratifs. Jean Favier, encore, s’étonnait de l’absence de procédure de reddition des comptes à la cour pontificale, alors même que le Dialogue de l’Échiquier montre une procédure déjà très aboutie dans le royaume d’Angleterre à la fin du xiie siècle. Gérard Sivéry s’est montré quant à lui très critique vis-à-vis des Capétiens pour avoir tardé à organiser proprement leur comptabilité au cours du xiiie siècle, et surtout avoir refusé la partie double46.
15Ce point de vue est aujourd’hui considéré comme biaisé, voire injuste, puisqu’il vise à mettre en évidence les signes d’une « meilleure » maîtrise technique de la procédure comptable, car permettant un contrôle plus fiable de tous les mouvements d’argent. Implicitement, il pose comme présupposé que c’est bien là le rôle de la comptabilité. Or, ce n’est pas si sûr. Depuis quelques années, les historiens jettent un nouveau regard sur ces documents, un regard plus diplomatique qui cherche à mieux comprendre leur genèse, tant du point de vue matériel que de la procédure47. Les rôles et registres sont décortiqués, rapprochés de leur contexte de production, leurs rédacteurs identifiés chaque fois que possible, leurs rubriques et leur constitution finement relevées et étudiées : en somme, les comptabilités sont désormais étudiées pour elles-mêmes.
La comptabilité d’Alphonse de Poitiers au secours d’une comptabilité royale décimée
16Ce tournant historiographique, qui fait des comptabilités des objets de recherche en soi et non des carrières de chiffres, peut à première vue paraitre malaisé à suivre quand on en vient au règne de Saint Louis, tant ce type de document a souffert de l’incendie de la Chambre des comptes, on l’a dit. On ne conserve au total que trois magna expensa et quelques fragments de comptabilité de l’Hôtel. Le problème qu’affrontent les historiens spécialistes de Louis IX est donc inverse, en la matière, à celui que rencontrent ceux d’Henri III, qui croulent sous des comptabilités si nombreuses qu’elles en deviennent dès lors peu exploitables. On aurait pu s’arrêter, comme Jacques Le Goff, à ce constat d’échec s’il n’existait des comptabilités contemporaines, très similaires à celles du roi saint, quoique plus simples, présentant l’avantage d’être sérielles, d’être constituées de plusieurs typologies de comptes permettant de reproduire la chaîne comptable en son entier et, de surcroît, d’être pleinement capétiennes48 : celles d’Alphonse de Poitiers, qui n’étaient, elles, pas conservées à la Chambre des comptes.
17Leur édition complète, de même que leur analyse en profondeur, ont permis de renouveler profondément notre compréhension de l’évolution et de la raison d’être de la comptabilité royale du xiiie siècle49. Au cours du premier tiers de celui-ci, le roi cherche avant tout à faire perdurer un modèle administratif assez simple, économe en moyens, créé dans le cadre exigu du vieux domaine francilien : une large partie des revenus du domaine est affermée pour simplifier leur perception et la comptabilité reste établie par un bureau central à Paris à partir des déclarations des prévôts, des baillis et des sénéchaux. Ce que le prince compte alors, c’est essentiellement un revenu global, exprimé de manière uniforme en monnaie de compte, mais sans toujours entrer dans le détail de ce qui a été véritablement reçu ou non. La comptabilité est ainsi conçue comme un état des droits exigibles quelle que soit la réalité des versements, plutôt que comme un compte rendu précis des opérations sur le terrain. Cette logique implique l’impossibilité des pertes – les droits sont dus, perçus ou non au moment du compte – et la création de rôles de dettes qui mesurent l’écart entre les versements réels et l’attendu. Elle induit également un mécanisme commun aux administrations comtale et royale : l’endettement systématique et massif des baillis et des sénéchaux à la fin de leur charge, précisément car cette comptabilité ne connaît pas l’admission en non-valeur permettant d’annuler une dette non perçue. Seule la grâce royale ou comtale peut éventuellement alléger cet endettement.
18Outre ce malheureux effet secondaire, ce système ne peut ensuite résister à l’évolution profonde de la nature même des revenus du roi avec l’émergence de revenus extraordinaires. Ces derniers s’avèrent rapidement beaucoup plus rentables que les rentes domaniales, mais leur gestion implique une administration locale beaucoup plus charpentée et compétente. À mesure que le siècle avance, le contrôle devient donc plus étroit et s’appuie sur des procédures de vérification plus complexes, mais aussi plus proches de la réalité des échanges. Cela commence par la multiplication des pièces justificatives, dont le bureau central demande la production avec de plus en plus d’insistance pour justifier les dépenses. Mais dans les années 1260, le roi et le comte de Poitiers ne se contentent plus d’établir ce qui leur est dû, ils vérifient les mouvements des différentes caisses de leur domaine et la réalité des versements, en multipliant, là encore, les justificatifs. Mieux que ses revenus, le prince entend compter désormais de l’argent, sonnant et trébuchant, d’où la grande innovation de la fin du règne de Louis IX, l’arrivée de véritables professionnels de la comptabilité : les receveurs.
19Ces derniers doivent pallier aussi le problème de l’endettement systématique des baillis et sénéchaux, mais aussi les épauler dans leur tâche comptable, préparant par-là l’inversion complète de la charge d’écriture des comptabilités au xive siècle, les comptes n’étant plus rédigés, mais uniquement audités et vérifiés par la Chambre des comptes. Sans les comptabilités d’Alphonse, l’apparition de ces nouveaux acteurs, centraux, serait passée presque inaperçue jusqu’au règne de Philippe IV, point d’arrivée masquant une évolution plus ancienne. La compilation des sources locales, ou la consultation du Corpus Philippicum, permettent de faire apparaître les premiers receveurs à la fin des années 1260, avec des titres encore fluctuants : receptor ou thesaurarius. Ces offices sont alors encore très rares, voire éphémères, et leur création est souvent liée à la perception de revenus directs ou casuels50. L’étude de la comptabilité d’Alphonse de Poitiers pour elle-même permet ainsi de mesurer les mécanismes d’adaptation d’une gestion domaniale longtemps restée très économe de moyens. Renversant dans les années 1260 les préceptes qui avaient guidé Philippe Auguste, Alphonse et son frère, Louis, investissent progressivement dans leur administration locale dont ils attendent désormais un retour financier bien plus intéressant. Les clercs et chevaliers envoyés sur place, un temps itinérants et chargés de missions provisoires, se changent en officiers dans certains endroits bien spécifiques, comme à Toulouse. Ce sont toutefois les rois Philippe III et Philippe le Bel qui achèveront la transition en généralisant le système du receveur dans tous les bailliages et sénéchaussées : l’ordonnance royale sur les comptes de 1321 les mentionnent alors enfin en toutes lettres51.
20Comme pour la date de naissance du Parlement de Paris, fixée parfois d’après l’ordonnance de 1278 qui l’évoque pour la première fois en toutes lettres, les actes royaux sont donc le reflet imparfait des évolutions institutionnelles en cours. Mais encore faut-il que ceux-ci puissent être interrogeables facilement, ce qui n’est pas encore pleinement le cas pour Louis IX.
Une entreprise en cours : l’édition et l’exploitation des actes de Louis IX
Une lacune bientôt comblée ? L’édition des actes de Louis IX
21Depuis plus d’un siècle, les actes émis au nom des rois qui ont régné sur une partie de l’actuelle France depuis Charles le Chauve sont l’objet d’une titanesque entreprise d’édition sous l’égide de l’Institut de France52. Or l’imposant corpus s’arrête au règne de Philippe Auguste, dont le sixième volume d’actes est paru en 200553. Si les actes de Louis VIII ont été catalogués par Charles Petit-Dutaillis en 1894, ceux de Louis IX durent attendre la thèse de l’École des Chartes de Jean-François Moufflet, soutenue en 2007, pour que l’on puisse se faire une idée de la nature et du volume d’actes émis par la chancellerie en son nom54. Notons par ailleurs que les registres de Philippe Auguste, ainsi que ceux de Philippe le Bel et de ses fils, ont été l’objet d’une édition exhaustive dans la seconde moitié du xxe siècle55. Dans le cas de Louis IX, un tel retard peut surprendre d’autant que ses copieuses vitae ont été à maintes reprises éditées et rééditées depuis le xvie siècle. Deux séries d’explication peuvent être avancées pour expliquer une « lacune » si surprenante, dûment repérée par Jacques Le Goff dans son Saint Louis56.
22Tout d’abord, la campagne de collecte et de transcription a bel et bien été initiée en même temps que celle des autres monarques, et poursuivie sur près d’un siècle par d’éminents chartistes, qui purent compter sur l’appui, « en région », d’une armée d’archivistes : Léopold Delisle (1826-1910), Georges Daumet (1870-1918), Henri Stein (1862-1940), Louis Carolus Barré (1910-1993), qui fut seul maître de l’opération de 1934 à sa mort, et Bruno Galland (1993-2013). Le nom que porte aujourd’hui le fonds qui rassemble l’ensemble de ces travaux, est, en hommage au grand savant, le « fonds Carolus Barré », conservé par la bibliothèque de l’Institut. Constitué de 46 cartons de fiches chronologiques, de regestes et d’éditions d’actes rédigés par les différents savants mentionnés plus haut, il a été reclassé par Carolus Barré par diocèse, par destinataire et par dossiers thématiques, sa fille s’occupant de dactylographier les transcriptions. Le fonds, énorme, manque également de cohérence et il faut saluer ici le courage de Jean-François Moufflet, qui s’y est affronté pour livrer, dans un premier temps, un catalogue des actes de Louis IX, en comprenant 2300, auxquels viennent s’ajouter une centaine d’actes identifiés depuis. D’après ses estimations, 40 % environ des actes identifiés par Carolus Barré et ses prédécesseurs ont été retranscrits, lui laissant encore un chantier colossal, quoi que bien avancé.
23Car si les actes de Louis IX ne sont toujours pas édités, contrairement à la majorité de ceux de ses prédécesseurs, c’est avant tout parce que les archivistes-paléographes se sont heurtés ici aux conséquences d’un phénomène historique de vaste ampleur : la « révolution documentaire » des xiie-xiiie siècles. Pour se donner une idée de celle-ci, on peut simplement mentionner qu’environ 3 000 actes sont conservés de Charles le Chauve à Philippe Auguste, quand on en garderait environ 2 400 pour le seul règne de Louis IX ! Pour Le Goff, ce « saut quantitatif » tient à « une meilleure conservation des archives royales » et à une « forte progression de la rédaction d’actes due à l’accroissement du domaine royal57 ». On pourrait ajouter à ces causes le recours croissant de la société dans son ensemble à l’écrit, notamment dans le cadre d’une juridicisation croissante des rapports économiques et sociaux, et la consolidation du pouvoir royal capétien, acteur désormais incontournable. À l’image de son Parlement, où les recours des justiciables se multiplient tout au long du xiiie siècle jusqu’à la surcharge, les sujets demandent quotidiennement au roi de France qu’il émette pour eux des actes en son nom.
24L’accélération des rythmes de la production documentaire de la chancellerie capétienne est d’ailleurs une réalité dont celle-ci prend peu à peu conscience, comme l’évolution des registres de chancellerie en témoigne58. Louis IX hérite en la matière du modèle du cartulaire registre de Philippe Auguste, qui compile les actes et les répartit entre des rubriques thématiques qui non seulement en facilitent la consultation, mais qui rendent également compte de la manière dont le pouvoir royal se représente l’étendue de son domaine et de ses droits. Sous le règne de Louis IX, ces rubriques n’ont de cesse de se complexifier : de 10 rubriques sous Philippe Auguste, on passe bientôt à 18, avec l’irruption par exemple de nouveaux acteurs comme les villes ou les hôpitaux, pour arriver à la fin du règne à près de 39 rubriques ! Or face à l’inflation toujours croissante du nombre d’actes produits par la chancellerie, le temps manque pour enregistrer ces derniers dans les bonnes rubriques, si bien que les actes sont écrits les uns derrière les autres dans l’attente d’une future recompilation qui ne viendra pas. Apparaissent dès lors à la toute fin du règne, et en parallèle de cet enregistrement à la file, de premiers registres thématiques, avant que les registres de chancellerie n’adoptent de manière pérenne un mode d’enregistrement purement chronologique, les actes pouvant néanmoins être encore ventilés au xive siècle entre chartes perpétuelles et non perpétuelles.
25Jacques Le Goff avait donc raison : « Saint Louis est un roi de l’écrit59 » et ses actes peuvent apparaître comme l’un des plus importants gisements documentaires du règne à exploiter.
Les actes de Louis IX, premières exploitations
26Lors du colloque de mars 2022, Jean-François Moufflet avait montré tout le potentiel heuristique des actes de Louis IX, capables d’éclairer à la fois le fonctionnement de la chancellerie et celui du gouvernement au quotidien, ses usages de l’écrit et la construction d’une mémoire au travers de la thésaurisation des actes. Ces aspects sont désormais éclairés dans sa thèse de doctorat, soutenue depuis60.
27Nous ne jetons ici la lumière que sur la manière dont le catalogue d’actes a permis d’enrichir considérablement notre cartographie des résidences et des itinéraires du roi saint, qui constitue une première exploitation intéressante de ce type de documentation. L’itinérance constitue en effet l’un des traits fondamentaux de la royauté médiévale : d’elle dépend le mode de vie de la cour, l’actualisation des liens personnels sur lesquels reposait son pouvoir, ainsi que sa visibilité concrète. Si les actes de Louis IX ne permettent pas de le saisir, comme les rois Plantagenets, au jour le jour61, leurs dates de lieu permettent toutefois de le localiser mois par mois. On peut dès lors de distinguer les lieux que ce dernier privilégiait par goût personnel – il aurait par exemple tout particulièrement aimé le cresson de Vernon et l’escalier qui reliait à Pontoise, sa chambre à celle de Marguerite, comme le rappelle plus loin Lindy Grant – de ceux qu’il fréquentait par contrainte géopolitique, comme la Normandie qu’il convenait d’arrimer solidement au domaine royal après sa conquête.
28À l’instar de Jacques Le Goff, selon lequel « Saint-Louis est d’abord un roi de l’Île-de-France62 », Jean-François Moufflet a établi que le roi résidait avant tout dans « sa » France63 : dans les palais carolingiens de Compiègne, d’Orléans et de Senlis, les demeures robertiennes de Melun, d’Étampes, de Poissy et de Vitry-aux-Loges – qui sont toutes des résidences urbaines – mais également dans « des lieux à connotation militaire plus marquée, de type château-fort » : Châteauneuf-sur-Loire, Mantes, Pontoise, La Ferté-Alais, Corbeil, Montlhéry, Yèvre-le-Châtel, Lorrez-le-Bocage, Moret-sur-Loing, Saint-Germain-en-Laye, Lorris, Château-Thierry, Crécy-en-Brie et Château-Gaillard64. Il occupe et investit également des constructions héritées de Louis VII, qui s’opposent à ce type de palais renforcé : Bois-Commun, Choisy-au-Bac, Fontainebleau et Vincennes se trouvent dans des « zones géographiques calmes et qui se trouvent à proximité des forêts65 ». Bien sûr, le roi ne séjourne pas que dans ses propres résidences lorsqu’il se déplace : les itinéraires royaux élargissent l’espace vécu du roi de France. Jean-François Moufflet note tout d’abord que le roi ne sort guère – en temps ordinaire – du vieux domaine capétien. « L’itinéraire révèle un incessant déplacement autour de Paris66 », dans un quadrilatère délimité du nord au sud par la Picardie (Beauvais, Compiègne, Saint-Quentin, Laon) et l’Orléanais (Orléans, Lorris-en-Gâtinais), d’est en ouest par les limites avec la Champagne et la Bourgogne (diocèse de Sens) et le Vexin (de Vernon à Chartres). Trois pôles peuvent être discernés : le sud de Paris, la Picardie et l’Orléanais. Soixante-trois pour cent des indications des actes royaux se répartissent entre Paris, Vincennes, Saint-Germain-en-Laye, Melun, Pontoise, Compiègne, Senlis, Vernon, Fontainebleau, Asnières-sur-Oise et Beaumont-sur-Oise. Le taux de fréquentation des régions prolongeant le vieux domaine se dilue vers les marges, l’Artois ne recevant par exemple qu’assez exceptionnellement la visite du roi67. « Les trajets bourguignons de Louis IX sont très limités et correspondent à des circonstances bien précises : le départ en croisade. Cependant, en décembre 1245, le roi s’est aussi rendu à Mâcon68. » Le Berry constitue quant à lui un prolongement des séjours en Orléanais. La Champagne est peu parcourue, contrairement à la Normandie, où le roi se rend assez régulièrement au-delà de Vernon : l’attirance de Louis IX pour cette région récemment intégrée au domaine mérite d’être soulignée. Si les voyages à l’intérieur même du duché sont des trajets plus exceptionnels, Louis IX est assez souvent dans le diocèse de Rouen. On peut considérer qu’au-delà de ces itinéraires qui prolongent l’ancien domaine, on entre dans les trajets extraordinaires.
29De fait, Louis IX a accompli deux fois le tour complet de la Normandie jusqu’au Cotentin : une fois en 1256 et une fois en 1269, à l’occasion de deux pèlerinages au Mont-Saint-Michel69. La présence du roi en Bretagne et en Anjou, puis dans le futur apanage de son frère Alphonse, est due quant à elle aux expéditions menées contre Pierre Mauclerc. « En dehors de ces raisons, le roi n’est jamais réellement retourné dans ces régions, à l’exception des confins du Poitou à Loudun, à proximité de Chinon et de Tours où, en revanche, il est assez présent70. » De fait, le roi ne se rend dans la moitié sud de son royaume que pour des raisons exceptionnelles : le pèlerinage de Rocamadour semble justifier son unique séjour en Limousin et ses deux départs à la croisade ses séjours en Languedoc. En 1248 et en 1270, il emprunte le même trajet de départ : celui par la Bourgogne, puis depuis Lyon le cours du Rhône, et ensuite l’actuelle Drôme. Arrivé à Nîmes par la voie regordane, le roi embarque à Aigues-Mortes. Au retour de 1254, Louis IX s’attarde à Nîmes avant de remonter par l’Auvergne et le Bourbonnais. La sénéchaussée de Carcassonne-Béziers, dans laquelle Louis VIII avait porté la guerre et dans laquelle ses enquêteurs portèrent leur pas, ne fut donc jamais visitée par son fils. L’heure des « voyages politiques du roi de l’État moderne71 » n’était pas encore venue.
⁂
30Au terme de cette présentation des renouvellements permis, ou en cours, sur Louis IX et son règne, à partir des enquêtes, des Olim, des comptabilités ou des actes émis au nom du souverain, on ne peut que souscrire à l’avis que Jacques Le Goff formulait à leur propos : oui, ce type de sources est « une voie royale pour parvenir aux réalités du pouvoir », mais peut-être également à l’individu Saint Louis et à sa conception du ministère royal. C’est ce que démontreront à leur tour les contributions de ce volume.
Notes de bas de page
1Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 369. Lors du colloque de mars 2022, une communication à trois voix sur ce thème avait été donnée, celle de Jean-François Moufflet étant alors venue se joindre aux nôtres. Les délais impartis à l’achèvement de son mémoire de doctorat, préparé alors qu’il exerçait une charge de conservateur à temps plein aux Archives nationales, ne lui ont malheureusement pas permis de participer à sa version écrite. Nous espérons donc n’avoir pas trop trahi sa pensée : les erreurs sur son travail sont les nôtres ! De plus, cette contribution a été rédigée avant la soutenance de son doctorat. Il n’a pas été possible de reporter, autant que nous l’aurions souhaité, dans les épreuves du volume des développements qui en auraient été issus.
2Ibid., p. 369-379.
3Ibid., p. 372.
4Ibid., p. 375.
5Joinville Jean de, Vie de saint Louis, éd. Jacques Monfrin, Paris, Classiques Garnier, 1995, p. 363.
6Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 186.
7Ibid., p. 377.
8Ibid., p. 378.
9Ibid., p. 372.
10Baldwin John, Philippe Auguste, op. cit.
11Jordan William Chester, Louis IX and the Challenge, op. cit.
12Richard Jean, Saint Louis, op. cit. ; Sivéry Gérard, Saint Louis, op. cit.
13Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 377.
14Sur ce renversement de perspective historiographique, voir Chastang Pierre, « L’archéologie du texte médiéval. Autour de travaux récents sur l’écrit au Moyen Âge », Annales HSS, 2008/2, 63e année, p. 245-269 et Dewez Harmony, « Réflexions sur les écritures pragmatiques », in Benoit Grévin et Aude Mairey (dir.), Le Moyen Âge dans le texte. Cinq ans d’histoire textuelle au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 243-254.
15Nous renvoyons ici à la liste dressée par Le Goff dans son Saint Louis, op. cit., p. 380-420 et p. 546-575.
16Dejoux Marie, « Le chêne de Vincennes », art. cité.
17Delisle Léopold, Recueil des historiens des Gaules et de la France, « Les enquêtes administratives du règne de Saint Louis et la chronique de l’anonyme de Béthune », Paris, Imprimerie nationale, 1904.
18Dejoux Marie, Les enquêtes de Saint Louis, op. cit.
19Potin Yann, « Archiver l’enquête ? Avatars archivistiques d’un monument historiographique : les enquêtes “administratives” de Louis IX (1247-1248) », in Claude Gauvard (dir.), L’enquête au Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2008, p. 241-267.
20Mukai Shin’ya, « Rui 9-sei ki Nanfutsu Biterowa chihō ni okeru kokuō tōchi », Seiyō chūsei kenkyū, no 2, 2010, p. 99-117.
21Horler Underwood Tom, The Querimoniae normannorum, op. cit.
22Collings Andrew Jeffrey, The King Cannot Be Everywhere, op. cit.
23Entre autres : Canteaut Olivier, « Les archives du Parlement au temps des Olim : considérations autour de fragments d’un rôle de 1287 », in Olivier Poncet et Isabelle Storez-Brancourt (dir.), Une histoire de la mémoire judiciaire, Paris, 2010, p. 31-43 ; Morgat-Bonnet Monique, « Brève histoire des origines médiévales du greffe du parlement de Paris », ibid., p. 133-149 ; Hilaire Jean, La construction de l’État de droit dans les archives judiciaires de la cour de France au xiiie siècle, Paris, Dalloz, 2011 ; Canteaut Olivier, « Registres perdus du Parlement de Louis IX à Philippe VI », in Olivier Descamps, Françoise Hildesheimer et Monique Morgat-Bonnet (dir.) Le Parlement en sa cour. Études en l’honneur de Jean Hilaire, Paris, Honoré Champion, 2012, p. 75-98 ; Maddox Donald, « Shaping the Case: The Olim and the Parlement de Paris under King Louis IX », in Daniel E. O’Sullivan et Laurie Shepard (dir.), Shaping Courtliness in Medieval France: Essays in Honor of Matilda Tomaryn Bruckner, Woodbridge, Boydell & Brewer, 2013, p. 47-59 ; Tuttle Liêm, La justice pénale devant la Cour de Parlement, op. cit. ; Forcadet Pierre-Anne, « Les premiers juges de la Cour du roi au xiiie siècle », art. cité ; Conquestus fuit domino regi, op. cit.
24Dès leur publication, Beugnot démontra que le premier registre des Olim (concernant le règne de Louis IX à partir de 1254) n’était pas un registre officiel d’arrêts du Parlement, même s’il fut ensuite conservé comme tel par l’institution. Selon lui, il serait l’œuvre de Jean de Montluçon, maître en la cour du roi, qui avait « écrit sur des rouleaux, non pas tous les arrêts, mais quelques-uns des arrêts qu’il avait vu rendre » (Olim, t. I, p. lxxxvi).
25Voir par exemple Canteaut Olivier, « Les archives du Parlement », art. cité, et Morgat-Bonnet Monique, « Brève histoire des origines », art. cité.
26Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 375.
27Canteaut Olivier, « Les archives du Parlement », art. cité.
28Forcadet Pierre-Anne, « Origines de l’appel judiciaire et naissance de la souveraineté royale au xiiie siècle », in Laurence Soula (dir.), Les cours d’appel : origines, histoire et enjeux contemporains, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 33-52, ici p. 33. Voir aussi sa contribution dans ce volume.
29Ibid.
30Ibid., p. 34.
31Entre beaucoup d’autres : Glénisson Jean, « Les enquêtes administratives en Europe occidentale aux xiiie et xive siècles », in Werner Paravicini et Karl Werner (dir.), Histoire comparée de l’administration, ive-xviiie siècles, Zurich, Artemis Verlag, 1980, p. 17-25 ; Cazelles Raymond, « Une exigence de l’opinion depuis Saint Louis : la réformation du royaume », Annuaire-bulletin de la Société de l’Histoire de France, années 1962-1963, 1964, p. 91-99.
32Potin Yann, « Archiver l’enquête ? », art. cité et Dejoux Marie, Les enquêtes de Saint Louis, op. cit., p. 38-48.
33Ibid., p. 49-64.
34Ibid., p. 1-10.
35Ibid., p. 107-148.
36Chiffoleau Jacques, La comptabilité de l’au-delà : les hommes, la mort et la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Âge, Rome, Collections de l’École française de Rome, 1980.
37Ibid., p. 335-343 ; Ceccarelli Giovanni, « L’usura nella trattatisca teologica sulle restituzioni dei male ablata (XIII-XIV secolo) », in Giacomo Todeschini et Gian Maria Varanini (dir.), Credito e usura fra teologia, diritto e amministrazione: linguaggi a confronto, sec. XII-XVI, Rome, École française de Rome, 2005, p. 3-23 ; Gaulin Jean-Louis et Todeschini Giacomo (dir.), Male ablata. La restitution des biens mal acquis, xiie-xve siècle, Rome, École française de Rome, 2019.
38Cet aspect des enquêtes fera l’objet d’un développement plus complet plus loin dans ce volume.
39Dejoux Marie, « Gouverner par l’enquête de Philippe Auguste aux derniers Capétiens », French Historical Studies, Special Issue « Capetians », 37-2, 2014, p. 271-302 ; Reformatio ? Les mots pour dire la réforme à la fin du Moyen Âge, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2023.
40Foucault Michel, Le gouvernement de soi et des autres : cours au Collège de France 1982-1983, Paris, Le Seuil, 2008 ; Jordan William-Chester, Men at the Center, op. cit.
41Nous reprenons dans les développements qui suivent une partie des démonstrations présentées dans Chenard Gaël, « Que compte le prince : réflexions sur le rôle de la comptabilité dans la gestion domaniale sous Louis IX », Comptabilités, no 13, 2020, consulté en ligne le 4 janvier 2023.
42Sivéry Gérard, Les Capétiens et l’argent au siècle de Saint Louis, Lille, Presses universitaires de Lille, 1995.
43Voir entre autres Favier Jean, Les finances pontificales à l’époque du Grand Schisme d’Occident, 1378-1409, Paris, de Boccard, 1966 ; Baldwin John et Nortier Michel, « Contributions à l’étude des finances de Philippe Auguste », Bibliothèque de l’École des chartes, no 138, 1980, p. 5-33.
44Favier Jean, « Les finances de Saint Louis », in Septième centenaire, op. cit., p. 133.
45Dans le cas de la Cour des comptes du roi de France, il faut citer les travaux d’Élisabeth Lalou, et notamment son article de synthèse « La Chambre des comptes de Paris : sa mise en place et son fonctionnement (fin xiiie-xve siècle) », in Philippe Contamine et Olivier Mattéoni (dir.), La France des principautés, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1996, p. 3-15. Sur d’autres chambres, voir Mattéoni Olivier, Les Chambres des comptes en France aux xive et xve siècles, Paris, 1998.
46Sivéry Gérard, Les Capétiens et l’argent, op. cit., p. 75. Voir également, du même, « L’influence des techniques comptables italiennes », Studi di memoria di Federigo Melis, Naples, 1978, p. 543-552.
47De trop nombreux travaux ont récemment vu le jour pour être cités de manière exhaustive. On peut néanmoins se référer à quelques articles, dont Mattéoni Olivier, « Codicologie des documents comptables (xiiie-xve siècles). Remarques introductives », Comptabilités, 2011, consulté le 12 décembre 2022, et plus largement à la revue en ligne Comptabilités.
48Sur l’ADN capétien commun des administrations de Louis IX et d’Alphonse de Poitiers, nous renvoyons à notre contribution intitulée « Louis IX et Alphonse de Poitiers : des hommes singuliers ? » dans ce même volume.
49Les comptabilités d’Alphonse de Poitiers ont été intégralement transcrites et éditées dans le deuxième volume de notre thèse de doctorat demeurée inédite : Chenard Gaël, L’administration d’Alphonse de Poitiers, op. cit.
50La comptabilité et la correspondance (Molinier Auguste, Correspondance administrative d’Alfonse de Poitiers, Paris, 1900, 2 vol.) permettent de voir apparaître ces premiers « receveurs », à savoir des clercs tel que Jacques Dubois dans le Midi toulousain en 1269, ayant pour mission de lever des revenus extraordinaires et d’en rendre compte par écrit dans le cadre de la préparation de la croisade. Mais avant lui, l’administration alphonsine dispose déjà d’une expérience dans la levée du fouage, d’une part, et dans celle des décimes de l’autre.
51La chronologie de cette diffusion reste encore à affiner et n’est pas forcément propre au roi. Il existe ainsi un receveur à Nesle officiant pour son seigneur. Mais pour ce qui est du domaine royal, le premier receveur permanent identifié est à Toulouse dès 1272. D’autres le suivent, à Agen au plus tard en 1287, ou plus tôt dans les domaines confiés à la garde du roi, et plus particulièrement les domaines champenois à partir de 1285. Ils semblent répandus presque partout à la fin des années 1290.
52Signalons ici une autre entreprise d’envergure, le projet CARo (Corpus des actes royaux), piloté par Nicolas Perreaux au LaMOP, visant à constituer ce corpus papier en corpus numérique, consultable et exploitable par tous.
53Nortier Michel (éd.), Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, t. VI : Lettres mises sous le nom de Philippe Auguste dans les recueils de formulaires d’école ou pouvant être considérés, quoiqu’anonymes, comme lui ayant été attribuées, Paris, De Boccard, 2005.
54Moufflet Jean-François, Autour de l’Hôtel de Saint Louis, op. cit. Le catalogue revu et augmenté des actes de Louis IX constitue le tome II de la thèse de Moufflet Jean-François, Le gouvernement de Saint Louis au quotidien, op. cit.
55Baldwin John et alii (éd.), Les registres de Philippe Auguste, Paris, De Boccard, 1992. Fawtier Robert (dir.), Registres du Trésor des Chartes, Paris, 3 t., Paris, De Boccard, 1958-1999.
56Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 320.
57Ibid.
58Ces derniers ont fait l’objet d’un colloque en 2009 et d’un volume, dans lequel une contribution est plus spécifiquement dédiée aux registres de chancellerie du xiiie siècle : Chenard Gaël et Moufflet Jean-François, « La pratique du registre dans les chancelleries de Louis IX et d’Alphonse de Poitiers : regards croisés », in Olivier Guyotjeannin (dir.), L’art médiéval du registre, Paris, École nationale des chartes, 2019, p. 71-96. Il faut également citer la base Himanis, pilotée notamment par Jean-François Moufflet et qui permet d’interroger par mot les registres de chancellerie de la royauté française conservés aux AN et à la BnF, soit 199 volumes de registres et de formulaires, formant un ensemble de 83 158 pages numérisées, qui ont été « lus » et indexés grâce à l’intelligence artificielle. Les registres ont été compilés entre 1302 et 1483, mais ils contiennent bien entendu des documents antérieurs, notamment du xiiie siècle.
59Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 319.
60Moufflet Jean-François, Le gouvernement de Saint Louis au quotidien, op. cit.
61Madeline Fanny, Les Plantagenêts et leur empire ; construire un territoire politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019.
62Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 535.
63Moufflet Jean-François, Autour de l’Hôtel, op. cit., p. 221.
64Ibid.
65Ibid.
66Ibid., p. 211.
67Ibid., p. 213.
68Ibid.
69Sur les pèlerinages royaux au Mont-Saint-Michel, voir Lalou Élisabeth, « Les pèlerinages au Mont-Saint-Michel de saint Louis et de Philippe le Bel », Revue de l’Avranchin et du pays de Granville, no 82, 2005, p. 103-121.
70Moufflet Jean-François, Autour de l’Hôtel, op. cit., p. 217.
71Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 538.
Auteurs
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Gaël Chenard
Archives départementales de la Creuse.
Gaël Chenard, archiviste-paléographe, né en 1982, est actuellement directeur des Archives départementales de la Creuse. Ses recherches portent sur le gouvernement et l’administration capétienne, ses hommes, ses institutions et ses pratiques. Dans sa thèse de l’École nationale des chartes, comme dans sa thèse de doctorat, il a privilégié pour ce faire les archives du frère de Louis IX, Alphonse de Poitiers, en particulier ses comptabilités. Outre de nombreux articles, il est l’auteur de l’ouvrage de référence sur la principauté alphonsine, L’administration d’Alphonse de Poitiers, Paris, Classiques Garnier, 2017.
-
Marie Dejoux
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Institut universitaire de France.
Marie Dejoux, née en 1981, est maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et membre de l’Institut universitaire de France. Son travail porte principalement sur la construction étatique française et sur le gouvernement médiéval, c’est-à-dire sur l’ensemble des pratiques, des représentations et des discours établissant la souveraineté royale. Son observatoire privilégié est le règne de Saint Louis qu’elle explore principalement à partir des sources de la pratique : enquêtes, ordonnances, documents judiciaires, etc. Elle est notamment l’autrice du livre Les Enquêtes de Saint Louis, gouverner et sauver son âme, Paris, Presses universitaires de France, 2014 et coautrice de La justice de Saint Louis. Dans l’ombre du chêne, Paris, Presses universitaires de France, 2024.

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