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    Plan détaillé Texte intégral Le Saint Louis et la biographie historique : apports, place et réception (Jean-Claude Schmitt) Le Saint Louis de Le Goff : réception outre-Rhin et esquisse de comparaison avec l’empereur Charles IV (Pierre Monnet) Annexe Notes de bas de page Auteurs

    Saint Louis après Jacques Le Goff

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Le Saint Louis de Jacques Le Goff : 1996-2022 ou à quelles conditions écrire une biographie historique ?

    Pierre Monnet et Jean-Claude Schmitt

    p. 31-52

    Texte intégral Le Saint Louis et la biographie historique : apports, place et réception (Jean-Claude Schmitt) Le Saint Louis de Le Goff : retour sur un livre original Le Saint Louis de Le Goff : quelle réception scientifique ? Le Saint Louis de Le Goff : quelle place dans la série des biographies historiques ? Le Saint Louis de Le Goff : réception outre-Rhin et esquisse de comparaison avec l’empereur Charles IV (Pierre Monnet) Le Saint Louis de Le Goff : quelle réception en Allemagne ? De l’utilité de la biographie historique ou Charles IV, un empereur en Europe sur le modèle de Saint Louis Annexe Recensions scientifiques du Saint Louis de Jacques Le Goff 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2005 2008 2009 2010 2011 2012 Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    1Ce qui fait la valeur et l’attrait de la somme (976 pages) consacrée en 1996 par Jacques Le Goff à Saint Louis1 est sa dimension d’histoire-problème, dans la meilleure tradition des Annales : non un récit de vie linéaire, comme tant d’autres biographies historiques, mais, au fil de l’écriture, un questionnement permanent de l’historien sur son objet et la manière de le traiter. En revenant sur le renouvellement apporté par ce livre si singulier au genre biographique, nous souhaiterions mesurer l’influence exacte qu’il eut, en France et à l’étranger, sur ce type de production historique et montrer, au travers de l’exemple d’une biographie récente, celle de Charles IV, que les ambitions assignées par Jacques Le Goff à l’écriture d’une vie passée sont toujours d’actualité.

    Le Saint Louis et la biographie historique : apports, place et réception (Jean-Claude Schmitt)

    Le Saint Louis de Le Goff : retour sur un livre original

    2Deux questions, étroitement liées entre elles, parcourent l’ensemble des pages du livre. D’abord la question de l’individu, qui se divise elle-même en plusieurs interrogations : qu’est-ce qu’un individu ? Saint Louis fut-il un individu ? Le fut-il pour ses biographes ? Le cas échéant, l’historien peut-il accéder à « l’individu Saint-Louis » ? Puis la question des sources, qui sont exceptionnellement abondantes et diverses pour l’époque : ne livrent-elles que des modèles qui occulteraient à jamais le « vrai Saint Louis » ? L’interrogation est récurrente tout au long du livre, comme un leitmotiv chargé de l’angoisse de l’historien craignant de voir son objet lui échapper : « Saint Louis a-t-il existé ? ».

    3Il est remarquable que Jacques Le Goff pose la question de l’existence même, dans les représentations du Moyen Âge, de la catégorie d’individu, alors que le genre historiographique de la biographie semble ordinairement impliquer, par principe, que cette catégorie va de soi, que la question ne se pose pas. Il n’est pas moins remarquable que l’auteur d’une biographie historique puisse se demander si le « héros » de son histoire a bien « existé » ? Ces questions ne sont pas dans le livre de simples clauses de style : elles en forment la trame, elles en soulignent la nature de bout en bout problématique, elles font même de l’ouvrage une sorte d’« antibiographie » qui rompt avec un genre historiographique convenu.

    4L’auteur passe en revue les diverses définitions que les historiens ont données de l’individu médiéval en s’accordant plus ou moins sur l’idée d’une « émergence de l’individu » au Moyen Âge central : le définition est plus juridique chez Walter Ullmann (qui pointe la Grande Charte de 1215 en Angleterre), plus culturelle et religieuse chez Collin Morris ou Aron Gurevitch, qui mettent en valeur les progrès de la subjectivité, mais aussi la persistance des formes collectives d’encadrement des individus dans une société d’ordres. Jacques Le Goff rappelle aussi la distinction faite par Caroline W. Bynum entre le « moi » (self) et « l’individu » auquel elle dénie toute « autonomie » au Moyen Âge ; enfin, il se rallie à l’opinion du père Marie-Dominique Chenu pour conclure que la « conscience » serait le meilleur mot qui caractérise à la fois cet éveil du « moi » et du « je2 ».

    5En 1996, Jacques Le Goff est parfaitement au fait de la bibliographie internationale sur le sujet. Mais depuis, celle-ci n’a fait que s’amplifier en mobilisant aussi de nouvelles sources (tels les sceaux, la signature, le portrait) : en témoignent entre autres, pour ne citer que des travaux collectifs, les essais réunis en 2005 par Brigitte Bedos-Rezak et Dominique Iogna-Prat, L’individu au Moyen Âge ; en 2009 les actes du colloque sur le Portrait individuel aux xiiie-xve siècles publiés par Dominic Olariu ; en 2012 le volume collectif Autobiographies souveraines ; en 2017 une anthologie des « songes autobiographiques au Moyen Âge » sous le titre Rêver de soi3. Toutes ces réflexions approfondissent, chacune à sa manière, le sillon creusé après d’autres par Jacques Le Goff. Pourtant, elles ne citent pas, ou guère (par exemple à l’occasion d’une évocation des rêves de Joinville), son livre magistral. Comme si cette somme avait été d’emblée classée dans le genre particulier des « biographies historiques » et plus précisément celles des rois (on y reviendra), au lieu d’être appréciée pour les leçons de méthode qu’elle donne bien au-delà de ce seul registre.

    6La question des sources est encore plus cruciale, puisqu’elle engage toute la composition du livre et son plan, qui en est assurément la marque la plus distinctive. Il s’agit, classiquement en apparence, d’un plan en trois parties. Mais celles-ci ne concernent pas, comme on pourrait s’y attendre, les étapes de la vie de Saint Louis (sa vie, selon l’auteur, se diviserait plutôt en deux parties, avant et après la croisade et le séjour en Terre Sainte, autrement dit, jusqu’en 1248 puis à partir de 1254), mais trois manières différentes et successives de concevoir l’enquête de l’historien. La première partie, intitulée « La vie de Saint Louis », relate chronologiquement l’existence du roi, mais en s’appliquant à en souligner les moments charnières qui importent le plus à la construction du « portrait » du roi. Cette vie, selon Jacques Le Goff, se prolonge après la mort physique du roi devant Tunis, en 1270, jusqu’à la canonisation de 1297, moment essentiel puisqu’il légitime officiellement le titre de saint accolé à celui de roi. Ce « supplément de vie » de vingt-sept ans ne vise donc pas à étudier simplement la postérité ou le souvenir laissé par le roi, mais à intégrer d’autres témoignages, dont le plus important est celui de Joinville, à la construction de l’identité de Saint Louis.

    7La deuxième partie est cruciale, comme l’indique son titre : « La production de la mémoire royale : Saint Louis a-t-il existé ? ». Ici, Jacques Le Goff fait flèche de tout bois, ne laissant passer aucun des témoignages contemporains qui éclairent l’une ou l’autre des multiples facettes du personnage : documents officiels, hagiographies de religieux mendiants (Geoffroi de Beaulieu, Guillaume de Chartres, Guillaume de Saint-Pathus), Chroniques de Saint-Denis (Guillaume de Nangis), exempla, modèles royaux de l’Ancien Testament (Josias), Miroirs des princes (Gilbert de Tournai et les propres Enseignements de Louis IX à son fils et sa fille, chroniques étrangères (Matthieu Paris), pour finir avec le « témoin exceptionnel », qui a rapporté en français les paroles même du roi, l’ami Joinville. Une lacune de taille, mais l’auteur n’y est pour rien : les actes du procès de canonisation, qui se déroula à Saint-Denis en 1282-1283, ont presque entièrement disparu4 ; on peut estimer cependant que la richesse des autres documents pallie largement cette perte. Saint Louis apparaît, à travers cette documentation bigarrée qui en fait un individu kaléidoscopique, comme la somme d’un grand nombre de modèles largement contradictoires, penchant ici vers la figure souffrante et pénitentielle du Christ et là vers l’affirmation de la majesté royale. Mais entre tous ces modèles, Saint Louis se dérobe : a-t-il existé, comment l’atteindre vraiment ?

    8La troisième partie, intitulée « Saint Louis, roi idéal et unique », répond enfin à la question initiale : oui, il est possible, notamment grâce à Joinville, d’atteindre le « vrai » Saint Louis, qui parle, gesticule, vit ses contradictions, aime, prie et pleure, s’impose comme un individu singulier, historiquement situé, qui incarne et idéalise une forme de gouvernement que la raison d’État naissante, qui s’affirmera sous le règne de son petit-fils Philippe le Bel (celui-là même qui présidera à sa canonisation), rejettera bientôt comme définitivement dépassée. Jacques Le Goff a donc bien rencontré Saint Louis, mais ce face à face est tout en tension, avec des éclairs de réalité jaillis dans l’interstice des sources et simultanément une accumulation de modèles divergents auxquels le saint roi a voulu s’identifier. Le portrait est finalement si ressemblant et vivant que l’historien feint d’oublier qu’il a affaire à une biographie, et non à une autobiographie. En témoigne cette phrase décisive, où l’historien parle à la première personne pour exprimer la quintessence de tout le livre : « De ses biographes ressort une autobiographie du roi par lui-même, de sa vie intérieure une personne, de ses paroles un individu qui exprime ses raisons personnelles, de ses comportements affectifs et de ses attitudes face à la mort, un roi chrétien singulier que je crois pouvoir, non dans la fiction, non dans l’illusion, mais dans la réalité historique, approcher5. »

    Le Saint Louis de Le Goff : quelle réception scientifique ?

    9Paru en 1996, Saint Louis a bénéficié en 2013 d’une nouvelle édition en format « poche », dans la collection « Folio ». Par-delà la presse et les médias, le livre bénéficia rapidement de nombreuses recensions dans les publications scientifiques. Bientôt, les traductions en langue étrangère – en italien dès 1996, en portugais (Brésil) en 19996, en allemand en 2000, en anglais aux USA en 2009 – vinrent raviver l’intérêt pour le livre7.

    10En France, exceptionnellement, deux revues scientifiques lui ouvrirent un espace de discussion : en 1998, la revue Médiévales publia un gros dossier contenant les contributions de Patrick Boucheron, Jean-Philippe Genet, Chiara Frugoni, Jacques Chiffoleau, Odile Redon, William Chester Jordan (de Princeton, lui-même auteur d’un livre sur Saint Louis et la croisade8) et Laurence Moulinier. Des comparaisons y sont esquissées entre Saint Louis et plusieurs de ses contemporains : saint François, l’empereur Frédéric II, le baron anglais Simon de Montfort, le conseiller siennois et podestat impérial Bonatacca Tacche, père du saint ermite Antonio Sansedoni. L’ensemble se conclut sur un entretien avec Jacques Le Goff, qui précise utilement sa démarche. L’une des questions les plus débattues avec ses interlocuteurs est celle du sens à donner au gouvernement royal de Saint Louis, entre « monarchie féodale » et « monarchie moderne ». William Chester Jordan aurait souhaité que l’auteur fît un usage plus important des chansons de la croisade comme expression d’un embryon d’opinion publique9. Patrick Boucheron affirme qu’un des mérites du livre est d’avoir « approfondi l’ambiguïté existentielle du personnage10 ».

    11En 2001, les Annales HSS publièrent un article de Christopher Lucken, historien de la littérature médiévale à l’Université de Vincennes-Saint-Denis, intitulé « L’Évangile du roi : Joinville, témoin et auteur de la Vie de Saint Louis11 ». Cet article est le seul qui remette assez largement en cause la démarche de Jacques Le Goff. Il reproche à ce dernier d’avoir minimisé le caractère d’œuvre littéraire de l’ouvrage de Joinville en insistant exclusivement sur sa valeur de témoignage « vrai », et d’avoir sous-évalué l’image de « roi-Christ », voire du « Christ-roi » incarnée par Saint Louis et dont Joinville aurait entrepris d’écrire le nouvel « Évangile ». Sous le titre « Mon ami le saint roi : Joinville et Saint Louis (Réponse)12 », Jacques Le Goff soutient au contraire que l’intention de Joinville était bien de donner in témoignage « vrai » sur la vie du saint roi et leur amitié ; qu’il n’a pas envisagé de composer une œuvre littéraire et encore moins un « Évangile », puisqu’il s’étend sans complaisance, au contraire, sur les défauts et même les péchés du roi. « La Vie de Saint Louis fut un acte de piété à l’égard de Saint Louis, mais non un Évangile », conclut Jacques Le Goff13. C’est ainsi que le refus de Joinville d’accompagner le roi dans sa deuxième et fatale croisade de Tunis ne fut pas dû à des motifs eschatologiques, mais à la fatigue et la mauvaise santé du sénéchal. En conclusion, Joinville fut, répète Jacques Le Goff, « un individu parlant d’un autre individu ».

    12La réception à l’étranger fut importante aussi, comme en témoigne le grand nombre de recensions consacrées au livre. En Italie, pourtant, elle fut plus limitée qu’on aurait pu l’attendre et notre collègue Elisa Brilli avance pour cela trois raisons14 : le sujet du livre fut perçu, sans doute à tort, comme « très franco-français » ; les partisans de la biographie historique disposaient déjà en Italie d’un modèle, le livre d’Arsenio Frugoni sur Arnaud de Brescia (on y reviendra), et enfin de nombreux historiens se montrent méfiants à l’égard du genre biographique15. Le livre n’a pas été traduit en espagnol, mais l’édition française a bénéficié immédiatement d’au-moins deux recensions très positives16.

    Le Saint Louis de Le Goff : quelle place dans la série des biographies historiques ?

    13À personnage exceptionnel – « le premier grand homme d’Occident à parler au quotidien17 », livre exceptionnel, que les collègues saluèrent presque unanimement. Se pose donc à nous la question de la place de cet ouvrage dans la série immense des biographies historiques, avant et après la parution de celle-ci en 1996. Nous ne pouvons les présenter toutes avec la même précision. Avant, il y en a une au moins à citer, comme l’a fait du reste Jacques Le Goff dès la première page de sa propre somme et comme l’a souligné Jacques Chiffoleau dans le débat précité : Kaiser Friedrich der zweite (L’empereur Frédéric II) d’Ernst Kantorowicz, paru en 192718, dans une Allemagne à peine sortie de la Grande Guerre, de l’humiliation du Diktat de Versailles et de la révolution spartakiste combattue par l’auteur dans les rangs des corps francs19. Les nombreuses rééditions du livre témoignent de son succès immédiat et pérenne, en 1928, 1931, 1936, jusqu’en 1980, par-delà toutes les fractures politiques et idéologiques de l’Allemagne contemporaine et en dépit de l’embarras dans lequel il plongea bien des historiens allemands et sur lequel Pierre Monnet revient ci-dessous. Jacques Le Goff mentionne l’ouvrage de Kantorowicz à de nombreuses reprises à partir de la traduction française, qui n’a paru qu’en 1987. Le parallèle entre Frédéric II et Louis IX s’imposait, puisqu’ils furent largement contemporains (l’empereur ayant devancé le roi de vingt ans exactement dans la vie comme dans la mort). Mais tout sépare les deux souverains, sinon que l’un comme l’autre incarne un modèle politique en train de s’étioler : Jacques Le Goff le souligne, Frédéric II, fasciné par la romanité païenne, fut « le dernier empereur divinisé », tandis que Saint Louis, pénétré de spiritualité franciscaine, fut « le dernier roi saint20 ». Les intentions et les modes opératoires respectifs des deux historiens diffèrent tout autant : les neuf parties extrêmement denses du livre de Kantorowicz n’articulent pas une réflexion sur les effets de la documentation et le poids des modèles, comme dans Saint Louis, mais déroulent le fil d’une vie riche en rebondissements, au gré de l’affrontement avec le pouvoir pontifical, tout particulièrement en Italie, et dans la poursuite du rêve impossible d’une souveraineté universelle (dominus mundi) destinée à affronter l’Antéchrist dans un ultime combat cosmique. L’auteur ne cherche pas à approcher au plus près l’individu réel et singulier Frédéric II, comme le fait Jacques Le Goff pour Saint Louis, mais à retrouver en lui le modèle transcendant d’un pouvoir charismatique, tel que Max Weber a pu le définir quelques années plus tôt21.

    14Si on s’interroge à l’inverse sur la possible postérité du Saint Louis de Jacques Le Goff, après sa parution en 1996, on peut citer pour commencer l’une des dernières biographies historiques consacrées à un roi de France : Charles VII. Une vie, une politique, du regretté Philippe Contamine, en 2017. Le livre de Jacques Le Goff ne figure pas dans la bibliographie donnée en fin de volume, mais l’auteur y fait une brève allusion dans l’introduction pour rappeler la difficulté, pour l’historien, d’une connaissance rapprochée de « l’individu » royal dont il entreprend la biographie22. Les sources de toutes natures étant plus abondantes au xve siècle qu’au xiiie siècle, Charles VII ayant même bénéficié d’un authentique portrait par Jean Fouquet, alors que les traits physiques de Louis IX nous échappent, Philippe Contamine avance que, dans le cas de ce roi « une tentative d’approche “psychologique” (ne serait) pas absurde ni vouée nécessairement à l’échec23 ». Les contemporains eux-mêmes s’y seraient déjà essayés. Et l’auteur de conclure en évoquant le modèle des « deux corps du roi » – emprunt implicite à l’autre grand livre d’Ernst Kantorowicz (1957, traduit en français en 198924) :

    « C’est dire que le corps public, ce monarque au destin shakespearien, ne dissimulerait pas entièrement son corps privé. Avec Charles VII on aurait un exemple somme toute remarquable de ce qu’on appelle parfois la naissance de l’individu. L’hypothèse est retenue25. »

    15Force est de constater que la mise en question du concept d’« individu », dont on a montré la pertinence et les enjeux essentiels dans Saint Louis, tourne court dans ce livre plus récent dont les treize chapitres se contentent de présenter dans l’ordre chronologique, avec, il est vrai, une grande érudition et une familiarité indiscutable avec le règne et l’époque de Charles VII, « une vie, une politique », suivant les termes même du sous-titre. L’intérêt de l’ouvrage n’est pas en cause. Mais on voit assez clairement, par défaut, ce qui fait qu’une biographie historique peut être intéressante et riche, sans être pour autant un grand livre. À l’inverse, dans Saint Louis, l’interrogation est incessante, au fil de l’écriture, sur les concepts utilisés par l’historien, sur les limites imposées par les sources, sur tout ce qui fait que l’histoire doit être une histoire-problème et non un simple récit : voilà le programme d’une biographie historique réussie.

    16Bien des livres y parviennent heureusement. Entre nos deux ouvrages de référence, Frédéric II et Saint Louis, on peut citer Arnaud de Brescia dans les sources du xiie siècle (1954, traduction française en 1993) par Arsenio Frugoni26. Le livre n’est pas construit en accumulant classiquement les sources, qui sont rares et lacunaires, mais au contraire en creusant l’écart entre elles pour tirer de leur caractère « partiel et partial », une autre vision du réformateur religieux et politique que celle qui était admise jusque-là. Autre exemple : dans La folie de Charles VI, roi Bien-Aimé (2004), Bernard Guenée pose la question centrale de sa biographie au cœur de l’existence du roi : comment concilier le règne de droit divin et la folie intermittente du souverain27 ? Comment comprendre que Charles VI n’ait pas été nommé par ses contemporains le « roi fou », mais le « Bien Aimé » ? Comment la folie, en tant qu’elle mobilise des forces qui transcendent la volonté et la raison des hommes, a-t-elle pu donner au roi un surcroît de sacralité et de gloire ? En vis-à-vis de la biographie de Charles VII, citons aussi le livre que Claude Gauvard vient, après bien d’autres historiens, de consacrer à Jeanne d’Arc. Héroïne diffamée et martyre (2022)28. L’innovation principale vient ici de la mise en œuvre d’une source tardive et jusqu’à présent négligée, postérieure à la réhabilitation de Jeanne, les actes du procès intenté en 1461 au noble nivernais Jean II des Ulmes, qui avait traité publiquement la Pucelle de « paillarde et ribaude29 ». Ce document, avec d’autres qu’il incite à remettre pareillement en lumière, démontre que l’opinion publique n’était pas unanime à glorifier la Pucelle comme le faisait une partie des élites et comme l’a retenu surtout la tradition nationale.

    17Un autre exemple encore, bien différent : le livre écrit « à quatre mains » par Elisa Brilli et Giuliano Milani, Dante. Des vies nouvelles (2021) s’articule lui-aussi sur une fracture centrale dans l’existence du grand poète florentin : son exil définitif à Ravenne en 130230. Mais de plus, et le pluriel du sous-titre – « des vies nouvelles » faisant écho à la Vita nova de Dante lui-même –, le montre bien, il s’agit de mettre en scène la complexité de l’approche historique d’un tel personnage, une complexité que seul le dialogue des auteurs, relancé à chaque étape de sa vie, permet de conjurer : tout se passe comme si plusieurs vies s’enchevêtraient, restituées en parallèle par l’historien de la société florentine et l’historienne du « champ littéraire », à la fois latin et vernaculaire, inauguré en Italie par Dante Alighieri. Les manières de problématiser une biographie historique sont donc innombrables. On en donnera un dernier exemple : Charles IV, un Européen ?

    Le Saint Louis de Le Goff : réception outre-Rhin et esquisse de comparaison avec l’empereur Charles IV (Pierre Monnet)

    18Comme vient de le rappeler Jean-Claude Schmitt, l’héritage légué, mais aussi le défi posé, sur le double plan méthodologique et historiographique, par la somme consacrée à Saint Louis par Jacques Le Goff, réside d’abord dans un questionnement permanent et proprement inquiet, comme si chaque démonstration partielle ou chaque hypothèse patiemment assurée au bout d’un chapitre se trouvait aussitôt comme remise en cause, comme ébranlée par le suivant. Ce choix, à la fois si productif et si inconfortable, explique sans doute en partie le geste final et proprement stupéfiant consistant au bout de près de 900 pages de texte à clore le livre sur cette si simple et si magistrale question, sorte en effet d’antibiographie : « À la fin, Saint Louis a-t-il existé31 ? » Comme il vient aussi d’être dit, ce questionnement lui-même est double tant il porte sur les sources d’une part, interrogeant sans cesse leur valeur, leur effet de filtre, de déformation, de modélisation et pour finir de mémoire ; tant il s’accroche de l’autre au problème qui sous-tend toute l’entreprise, à savoir celui de l’individu et qui par conséquent, relève de la possibilité donnée ou non à l’historien de jamais pouvoir l’atteindre. C’est bien dans ce croisement entre une histoire-problème centrée sur la personne, dans une tension entre un « moi » et un « je » jamais coïncidents, et un examen de toutes les sources disponibles sur ce biographé royal si singulier (en quelque sorte voué par nature à l’unique et au légendaire), que se sont déployées à la fois une méthode et une écriture qui ont fait date et finirent par fondamentalement transformer depuis le « genre », au demeurant lui-même historique, de ce que l’on a pu appeler la biographie historique, en particulier celle d’un roi.

    19C’est ainsi, comme l’a si bien résumé encore Jean-Claude Schmitt précédemment, qu’ont pu s’enchaîner à la manière d’un kaléidoscope, trois manières de « saisir » et ce roi et cet individu : en premier lieu avant et après sa mort jusqu’à sa canonisation, en effet véritable « supplément de vie » ; à travers une production de mémoire ensuite, qui commence de son vivant mais le dépasse de très loin ; par le biais enfin d’une attention scrupuleuse et fine à tout ce qui construit ou transcrit un « vrai » Saint Louis, cousu d’émotions et de contradictions. Au final donc, une autobiographie par soi-même, pourrait-on dire, autorisant par-delà les siècles une « rencontre » entre l’historien et son « sujet ». Comme l’on sait, Jacques Le Goff lui-même s’est justifié des ambitions et des limites d’un tel projet, avant comme après la parution du livre32. On en trouve peut-être la synthèse la plus ramassée à la toute fin du livre d’entretiens paru en 2010, Une vie pour l’histoire, qui ne s’achève pas pour rien sur le retour réflexif réalisé par l’historien sur ce livre : « J’ai donc essayé dans ces trois perspectives et à ces trois niveaux, celui des événements et de la chronologie, celui de la critique fondamentale des sources de production de la mémoire et de l’idée d’individualité et enfin celui des valeurs de son époque, de réaliser ce que j’ai de façon peut-être trop ambitieuse appelé une biographie totale33. »

    20Avant d’aborder la manière dont l’essai biographique sur la vie de Charles IV34 a tenté d’être à son tour une tentative, tout en même temps une tentation, de la démonstration legoffienne et ludovicienne, il a paru opportun de s’arrêter un instant sur la réception allemande du livre, tant celle-ci a également conditionné l’écriture d’une biographie consacrée à l’un de ses plus grands rois et empereurs, Charles de Luxembourg, quoiqu’un siècle sépare leurs deux existences et les deux règnes.

    Le Saint Louis de Le Goff : quelle réception en Allemagne ?

    21La version allemande de Saint Louis, qui prend place parmi un total de neuf traductions, est parue en 200035. Jacques Le Goff n’était évidemment pas un inconnu outre-Rhin, bien que mieux lu et mieux reçu dès les années 1960-1970 en Allemagne de l’Est et en Pologne36. Ses grands livres étaient en tout cas traduits, encore que le rythme de leur parution en allemand n’ait seulement commencé à véritablement s’accélérer qu’à compter du début des années 1990. Lorsque Ludwig der Heilige paraît, il doit d’abord s’installer en Allemagne dans un xiiie siècle que, depuis longtemps, les grands narratifs historiographiques avaient en quelque sort coupé en deux37. D’un côté, en effet, une première période dominée par la figure de Frédéric II, incarnation traditionnelle et charismatique d’un Empire universel et sacré, encore méditerranéen et romain et, pour une dernière fois peut-être, tenté par l’ambition politico-théologique du prêtre-roi. C’est en tout cas cette figure qu’avait ciselée depuis 1927 Ernst Kantorowicz dans sa biographie du dernier des Staufen, traduite en français seulement 60 ans plus tard38. On le sait, le livre, plusieurs fois réédité, a d’abord rencontré un franc succès auprès de larges publics politiques et lettrés conservateurs, nationalistes et fascistes de l’Allemagne des années 1920 et 1930 (on songe au rôle primordial joué en l’espèce par le cercle influent animé par Stefan George)39, jusqu’à devenir – dit-on – l’un des livres de chevet de hauts dignitaires nazis, Himmler et Göring en tête, obsédés autant qu’aveuglés par le prétendu parallèle entre l’ancien Reich millénaire et le « leur »40. Si certains historiens, dès sa parution, avaient déjà pointé les dangers potentiels des usages extrémistes d’une biographie vantant dans le dernier empereur Staufen l’archétype du surhomme nietzschéen, ainsi pour Albert Brackmann pourtant lui-même idéologiquement très proche des nationaux-socialistes41, c’est seulement après 1945 qu’une entreprise de révision de la biographie a été menée, non sans quelque embarras initial : Ernst Kantorowicz, professeur juif placé d’office en qualité d’émérite, c’est-à-dire chassé de facto de l’université de Francfort en 1934 puis émigré aux États-Unis dès janvier 1939, vécut jusqu’en 1963 et, avec Les deux corps du roi paru en 1957, menait une deuxième carrière scientifique de grande renommée, à Berkeley d’abord, à Princeton ensuite. Nonobstant, une grande partie des médiévistes et au-delà des historiens allemands dans leur ensemble firent le procès d’un livre dans lequel, à tout le moins, les règles de la « biographie » cédaient trop vite le pas au souffle légendaire, héroïque et prophétique d’une époque traversée par le mythe du grand homme. D’une certaine façon, croyons-nous, la parution du Saint Louis de Jacques Le Goff aurait pu aider à achever une œuvre de déconstruction qui, depuis les années 1960, entendait enfin séparer Empire, empereur, construction d’un État et « germanité ». Mais, pour cela, il eût fallu que soient réellement prises en compte, de ce côté, la méthode « biographique » proposée et une manière de plonger ce roi dans une anthropologie de la personne et du pouvoir tout ensemble. À ce décalage aboutissant à biaiser la mise en regard des deux grands hommes et des deux grands rois Louis et Frédéric, s’ajoute une autre forme de blocage tenant cette fois à la place assignée à l’autre moitié du xiiie siècle, encombrée par la lourde définition du prétendu « Interrègne » de 1250 à 127342, parfois encore interprété comme un temps de lacune ou de grande dépression royale43. Il est au demeurant révélateur de voir que les grandes et très sérieuses collections allemandes en plusieurs volumes analysant et synthétisant l’histoire de l’Empire continuent de découper le xiiie siècle autour des deux césures classiques de 1250 ou de 127344, le siècle ne retrouvant son « unité » qu’à l’échelle européenne. Quoi qu’il en soit, la réception d’une biographie portant sur le plus grand des rois de France du xiiie siècle en Allemagne ne pouvait que rencontrer et remuer une tectonique tremblante des plaques historiographiques prises entre un prétendu surcroît d’impérialité d’un côté et une soi-disant déficience royale de l’autre.

    22Reste que la traduction importante du livre en 2000 ne passe pas inaperçue. Elle avait été préparée en quelque sorte par deux comptes rendus rédigés sur la version française avant la version allemande. La première, sous la plume de Bernhard Töpfer, paraît dès 1998 dans la revue Mediävistik45. Son auteur, le fait vaut d’être noté, avait été l’un des médiévistes les plus éminents de l’ancienne RDA : il avait fait toute sa carrière, de 1951 à 1991, à la Humboldt-Universität (Berlin-Est jusqu’à la réunification) et travaillé sur le millénarisme et le mouvement hussite, mais aussi sur la paix de Dieu et, par ce biais, était également un spécialiste du royaume de France46. Sa recension perçoit bien le caractère modélisateur du livre (qu’il dénomme d’ailleurs « Darstellung » et non « Biographie »), mais estime que le caractère singulier de Saint Louis est trop exceptionnel pour faire école, en raison même de la sainteté du roi dont tout le projet de Jacques Le Goff, à ses yeux, est précisément de l’en « débarrasser ». La seconde recension antérieure à la traduction de 2000 paraît le 24 avril 1999 dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Elle est signée par Hans-Herbert Räkel qui, sous le titre « Der Heilige und sein Biograph » (« Le saint et son biographe »), pointe le projet du livre, à savoir une véritable refondation du genre biographique, mais conclut à une rénovation historiographique d’une facture très « française » liée à la fois au cas unique de Saint Louis et à l’exceptionnelle et imposante figure de Jacques Le Goff. Le recenseur prend au pied de la lettre la dernière phrase du livre (« Saint Louis a-t-il existé ? ») et tente à sa manière d’y répondre en estimant que ce roi existe en effet désormais, mais essentiellement pour les historiens de langue française et, un peu aussi, pour enrichir le panthéon de la mémoire nationale. Cette recension n’était en vérité que la version résumée de la longue préface demandée à l’auteur pour la version allemande du livre paru en 2000, mais qui finalement n’a pas été retenue et n’est désormais consultable que sur le portail « Academia. eu » sous le titre « “Ludwig der Heilige” von Jacques Le Goff in deutscher Sprache47 ». À la différence des recensions publiées lors de la sortie de la version allemande, le préfacier malheureux refuse d’enfermer l’analyse dans un dialogue historiographique et biographique mortifère entre Saint Louis et Frédéric II. Mais, il n’aperçoit pas assez le cœur théorique et proprement historien de l’ouvrage, portant au fond sur les sources et leur usage. Peu après la sortie de la traduction allemande, ce ne sont pas moins de douze recensions qui paraissent coup sur coup, mais pour l’essentiel, c’est-à-dire neuf d’entre elles, dans les cahiers « culture » ou « feuilleton » de la presse hebdomadaire et quotidienne48, contre trois dans des revues scientifiques historiques49. Si l’on voulait tenter de ramasser en quelques mots cette gerbe de comptes rendus, il conviendrait de souligner leurs points communs : le choix d’une forme littéraire considérée comme typique de l’école « française » (au lieu de prendre la mesure du fait que c’est peut-être le renouvellement de l’écriture biographique historique ici à l’œuvre qui commande l’élection d’un style approprié), le questionnement large et croisé des Annales, l’insistance sur le caractère exceptionnel de ce roi et du dossier documentaire lié à la sainteté érigée en point de liaison ou de comparaison avec le destin de Frédéric II, la poussée transformatrice du règne… Mais le questionnement général est moindre sur ce qui, du côté français, avait au contraire dès l’origine retenu l’attention : le travail et la combinaison des sources, l’emboîtement entre chronologie, production de mémoire et valeurs communes ou au contraire décalées entre un homme et son « siècle », le tout au service d’une réflexion problématisée autour de la notion de personne ou d’individu. Si la plupart de ces lectures allemandes (et elles sont accomplies par les grands noms de la médiévistique d’alors) s’accordent à pencher en faveur d’une tentative réussie de biographie totale, elles en attribuent la performance, unique à leurs yeux, à une rencontre exceptionnelle, et sans doute guère transférable, entre un roi et un médiéviste, à nuls autres pareils (peut-être un reste inconscient de méfiance intellectuelle et scientifique allemande envers le « grand homme » après 1945 ?). D’une certaine manière, cette réception allemande donnait à comprendre que le renouveau, réel, de l’histoire du politique, de ce côté, ne passerait pas prioritairement par la biographie historique, traduisant une difficulté à placer le roi au milieu ou en regard de la royauté si particulière que forme, précisément à compter du second xiiie siècle, le trône électif des Romains promesse d’un Empire qui déborde en permanence les territoires et les symboles de sa germanité prétendue originelle.

    De l’utilité de la biographie historique ou Charles IV, un empereur en Europe sur le modèle de Saint Louis

    23C’est bien dans ce cadre propre à l’histoire médiévale du Saint-Empire, et dans le prolongement des développements précédemment proposés sur le geste biographique du Saint Louis de Jacques Le Goff, que s’inscrit en partie l’ouvrage qu’il a paru opportun d’intégrer dans cette réflexion à deux voix consacrée, un quart de siècle plus tard, aux conditions rendant possible, utile et digne d’intérêt, l’écriture d’une biographie royale50. Mais surtout, c’est en s’appuyant sur la méthode, les défis et les présupposés formulés par le modèle ludovicien ciselé en 1996, que cet essai a d’abord voulu se déployer, sorte de réponse historienne à la question initialement posée, celle de l’utilité d’une « biographie », interrogation elle-même historique tant elle varie dans le temps et fluctue selon les méthodes51. Il s’agissait donc, autant que faire se peut, non pas de restituer une existence figée du berceau à la tombe, ni de prendre prétexte de ce roi et de son règne pour opérer un prétendu dévoilement complet de son œuvre, et encore moins d’assurer la restauration d’une gloire ou la geste d’un héros, mais d’oser la saisie d’un moment à travers un individu érigé en lieu d’observation, celui des aspirations et des contradictions de son temps, pour partie exprimées et provoquées par son action, mais qui agissent en retour sur lui, et permettent de saisir la vérité d’une situation dotée de sens pour les contemporains du roi et empereur de la dynastie des Luxembourg, Charles IV (1316-1378)52. Dès l’entame de son œuvre, on le sait, Jacques Le Goff avait méthodologiquement assigné plusieurs conditions à l’écriture d’un tel exercice : que le personnage ait laissé suffisamment de traces documentaires (par lui ou bien sur lui) variées en quantité et en qualité, et si possible contradictoires ou controversées, de manière à pouvoir poser à son propos des problèmes d’une grande ampleur ; qu’il ait transmis une mémoire dont les jeux et enjeux restent significatifs, y compris et même surtout pour notre temps ; que le sujet biographé et son action posent suffisamment de problèmes historiques de nature générale ; que cette existence royale, rapportée la plupart du temps par d’autres ou à travers des filtres multiples, permette de saisir une mise en tension et des interactions complexes, voire discordantes, entre individu et société ; que ce roi ait régné assez longtemps pour introduire dans l’analyse des échelles de durée variée ; que l’écrivain éprouve enfin une certaine « sympathie », une forme de complicité envers son sujet53. Ainsi entendait-il, cela a été rappelé, la tentative d’une « biographie totale », c’est-à-dire l’étude de faits transmis et rassemblés sur une expérience biographique, autant que les éléments symboliques et fictionnels de la production d’une image et d’un souvenir qui ont agi sur les contemporains et leurs successeurs. Saint Louis s’y prêtait pour deux raisons au moins, d’abord parce que les documents provenaient pour une part de proches qui l’avaient côtoyé, et pour une autre part d’auteurs qui avaient le sentiment de tenter à son propos une forme nouvelle d’écriture, tel Joinville, laquelle entrait plus largement dans un dessein qui dépassait le roi et sa vie personnelle : celui de produire un saint pour les Capétiens et le royaume de France au xiiie siècle. C’est bien à ce prix, peut-on, doit-on comprendre, que sous la plume du grand historien des enquêtes collectives et du long Moyen Âge, la biographie restait, malgré tout, « une façon de faire de l’histoire54 ». Dans le cas de Charles IV, la plupart de ces conditions heuristiques sont réunies ou peu s’en faut, à quoi s’ajoute une dimension que Saint Louis n’eut pas directement, celle de l’autobiographie55, à travers textes et portraits qui tendent à renforcer l’idée que cet empereur avait conscience de former un individu, ou en tout cas de correspondre à l’image que son temps pouvait se faire d’un individu56.

    24Faute de place et de temps, on se permettra de passer assez rapidement sur deux des « conditions » formulées précédemment par Jacques Le Goff lui-même et, d’une certaine manière, liées entre elles : la longévité du règne d’une part et la nature et l’ampleur de la documentation de l’autre. Charles IV a vécu soixante-deux ans contre cinquante-six ans pour Saint Louis, tandis que ce dernier a régné près de quarante-quatre ans contre trente-deux ans pour le premier. Une dizaine d’années de différence à chaque fois, mais un temps suffisant pour que s’accumule dans l’un comme dans l’autre cas une masse en expansion d’écrits, de privilèges, de diplômes, de chartes… produits par une chancellerie, du côté « parisien », dont les méthodes seront reprises en partie à un siècle de distance du côté pragois. À quoi s’ajoute, il est à peine besoin de s’y étendre, la production d’une chronistique et d’une littérature narrative amplifiées dans le cas de Saint Louis par un double projet de souveraineté et de sainteté, et augmentées dans le cas de Charles IV par les échos changeants venus des horizons roman, italien et germain de la triple royauté des Romains, par des attentes plus slaves de la couronne de Bohême, par des espérances, parfois eschatologiques, encore animées par l’universalité impériale et enfin par des controverses nées de la compétition avivée entre les Luxembourg, les Wittelsbach et les Habsbourg.

    25On peut en revanche s’attarder davantage sur la mémoire qui, dans le cas de Louis et dans celui de Charles, a assez rapidement confirmé le caractère unique, exemplaire et bientôt légendaire qui investit par nature la fonction royale, aussi « personnalisée » qu’elle ait pu être par ailleurs incarnée. Pour un lecteur ou un citoyen de la République tchèque actuelle, Charles IV figure aujourd’hui encore comme l’un des plus grands, sinon comme le premier héros de la mémoire nationale placé, en qualité de Pater Bohemiae ou de Pater patriae, au sommet du souvenir et de l’identité collectifs57. C’est probablement là le résultat encore actif d’une nationalisation de cette figure au xixe siècle, notamment grâce à l’œuvre monumentale de František Palacký, véritable Jules Michelet local, auteur d’une Histoire du peuple tchèque en Bohême et Moravie (5 vol., 1836-1867) et aux deux célébrations, en 1848 et 1878, du 500e anniversaire de la fondation de l’université Charles de Prague et de la mort de Charles IV. L’intégration de la Bohême dans l’Empire austro-hongrois des Habsbourg jusqu’en 1918, la difficile construction de la République tchèque entre les deux guerres, l’annexion par l’Allemagne nazie en 1939 n’ont pas émoussé, loin s’en faut, cette construction mémorielle d’un Charles IV incarné par la biographie que lui consacra Josef Šusta en 1948, six cents ans cette fois après la fondation de l’université58. La République socialiste de Tchécoslovaquie (1948-1989) n’a pas davantage éliminé un souvenir d’ailleurs très habilement instrumentalisé au moment de la prise de pouvoir par les communistes lors du « coup de Prague » de 1948. C’est ce réservoir mémoriel et symbolique du grand homme Charles IV que purent également réactiver et mobiliser tant la « révolution de velours » de 1989 que la « partition de velours » de 1993 entre République tchèque et Slovaquie. Quant au souvenir germanique d’un roi et empereur qui a écrasé à lui seul tout le xive siècle ou peu s’en faut, qui parlait et écrivait l’allemand, y résida de nombreuses fois, y fit construire résidences, palais, châteaux et monuments, épousa trois princesses d’Empire et avait savamment noué des alliances avec les maisons de Bavière et d’Autriche ; il s’accroche pour l’essentiel à la seule et durable « constitution » qu’ait reçu l’Empire à la fin du Moyen Âge, et dont on a bien voulu faire l’une des origines du fédéralisme allemand : la Bulle d’or proclamée en 1356 qui, jusqu’en 1806, règle l’élection par des princes allemands à Francfort et le couronnement à Aix-la-Chapelle du roi des Romains, appelé à ceindre la couronne impériale hors de toute approbation pontificale59. Loin de faire consensus, cet attelage entre Charles IV et la bulle de 1356 a longtemps divisé : pour les uns, principalement au xixe siècle, il fut le bradeur de l’Empire et des intérêts de l’Allemagne au profit d’un royaume tchèque périphérique, le responsable du fameux « retard » allemand dans la construction d’un État moderne, ou au contraire l’inventeur du compromis négocié entre le roi et ses princes-électeurs ; pour les autres, il parvint à sortir l’Empire d’une confrontation mortifère avec la papauté, ou bien a trop favorisé une Église romaine foncièrement antigermanique ; pour les derniers enfin, il abandonna au puissant royaume capétien repris par les Valois (dont un roi, Charles IV justement, donna au jeune Wenceslas le prénom de Charles, tandis que l’empereur Luxembourg, qui parlait le français, érigea la nouvelle ville de Prague et son université sur le modèle tant admiré de Paris) les bordures occidentales de l’Empire, pendant que les autres le créditent d’avoir déplacé son épicentre vers l’est.

    26Cette pluralité des mémoires, parfois encore chaudes, le plus souvent refroidies, disent déjà l’importance et l’héritage de quelques problèmes posés par le règne, et qui s’inscrivent dans la longue durée d’une histoire européenne : l’ambition et la ténacité à gouverner dans un siècle qui réunit les trois fléaux ancestraux de la guerre, de la peste et de la faim et se clôt, l’année même de la mort de l’empereur, en 1378, par le schisme déchirant la tunique du Christ ; l’articulation entre un royaume (la Bohême) et l’Empire, qui oblige ce roi, ses institutions et son pouvoir à penser une articulation variable et complexe entre le « national » et le « supranational » tout en déclenchant une réflexion sur la pluralité linguistique du tout que se devait désormais de pratiquer un roi/empereur parlant et écrivant cinq langues ; les relations de plus en plus étroites entre la partie allemande de cet Empire et ses bordures orientales, qu’elles soient contrôlées par les Luxembourg d’abord ou par les Habsbourg ensuite ; l’importance des transferts et des interactions entre cet Empire pluriel et le royaume de France ; le retrait progressif des affaires italiennes (et romaines et pontificales) au profit d’un Empire plus germanisé, plus continental, moins méditerranéen, moins byzantin, moins hiérosolymitain ; une forme de rapprochement ou de compénétration plus forte entre l’ouest et l’est d’une Europe qui commence à changer ce faisant de contours et de sens ; le choix de l’élection royale enfin comme mode de cogestion, de répartition et d’équilibre des rapports entre empereur/Empire, roi/royauté et princes/territoires. C’est pourquoi, mais d’une autre manière que ne le faisait Jacques Le Goff pour Saint Louis, la construction de cette biographie caroline arrangeait les trois pesées du temps en faisant de la dernière partie mémorielle de longue durée le reflet déformé et sélectif des deux premières pesées prenant la vie, puis le siècle, pour jauge et mesure60.

    27Restent pour finir les deux fils directeurs et porteurs de la refondation biographique opérée par le Saint Louis de Jacques Le Goff, la question de l’individu d’un côté61, et celle de la sainteté royale de l’autre. Touchant le second point, la différence est bien entendu fondamentale : Louis IX fut canonisé et Charles IV ne le fut pas. Si les raisons du succès ludovicien n’ont pas besoin ici d’être exposées en détail, les motifs de l’échec carolin ne sont pas moins importants. Dans le cas de Charles IV, il a semblé en effet révélateur de considérer le changement profond intervenu entre le siècle précédent, encore dominé par une croisade dans laquelle le roi finit par perdre la vie, et le suivant où se profilent les éléments propres à expliquer une forme de blocage. En effet, si le promoteur et l’artisan d’un projet probable de sainteté royale ne fut personne d’autre, au final, que l’empereur lui-même, les relais et les grands équilibres politiques et théologiques firent défaut pour pousser l’entreprise à son terme : la dynastie des Luxembourg d’abord n’a connu ni la continuité, ni la cohérence idéologiques et mémorielles aptes à inscrire l’ambition dans la durée ; une papauté divisée entre deux, bientôt trois pontifes n’était plus en mesure de canoniser un roi ; les rapports entre l’Empire et l’Église s’étaient certes distendus, mais la crise de l’une continuait de pouvoir amplifier l’ébranlement de l’autre ; l’articulation dans un premier temps réussie entre un royaume oriental et slave d’un côté, et un Empire germanique et pour partie encore romain, de l’autre, ne pouvait se convertir en une initiative hagiographique partagée ; les jugements exacerbés et divergents de théologiens et de juristes venus d’horizons désormais de plus en plus dissemblables finirent par disjoindre les facettes d’un roi et empereur certes convaincu de la légitimité d’un règne par le droit, par l’écrit, par la raison et la négociation pour contrer la crise, mais privé du souffle d’une universalité qui ne se puisait plus aux sources de Rome, de Byzance et de Jérusalem. Et surtout, le second des fils directeurs mentionnés plus haut, à savoir la dimension plus appuyée d’un roi se concevant désormais de plus en plus aussi comme une personne singulière, n’explique-t-il pas au final une forme de distance entre la fonction et la personne qui finit par bloquer un procès réussi en sainteté ? Pourtant, les preuves abondent chez Charles IV d’une représentation poussée parfois à l’extrême de l’exemplarité de sa fonction et de son incarnation à la fois pieuse et sacrée. On le voit en effet sans cesse animé par un esprit de l’accumulation et de la collection visant à souligner par la répétition la légitimité et la sacralité de sa fonction et des vertus qui lui sont attachées : il fut, avec un amas de quelque 650 objets réunis sous son règne, le collecteur de reliques le plus scrupuleux et le plus passionné de son temps ; couronné à six reprises (roi des Romains en 1346 et 1349, roi de Bohême en 1347, roi des Lombards et empereur en 1355, roi d’Arles en 1365, auxquels on peut ajouter les couronnements de ses quatre épouses), il développa une obsession pour les couronnes, les ordines, les rituels, les insignes impériaux ; il se voulut comme Saint Louis un fondateur d’université pour augmenter le savoir de Dieu, un constructeur de cathédrale (celle de Prague dédiée à saint Guy, abritant, à la manière de Saint-Denis, les tombeaux des rois et des saints de Bohême), d’églises, de reliquaires et d’un château éponyme (Karlstein, la pierre de Charles) conçu comme une échelle céleste à trois degrés de chapelles et de palais servis par un chapitre de chanoines afin d’abriter les reliques et les insignes sacrés de ses deux royaumes, jusqu’à porter à près de dix reprises, parmi les quelque 60 à 80 portraits et crypto-portraits que comptent ce roi et son règne62, des images saisissantes de réalisme le montrant en roi-prêtre, en roi mage, en empereur à la byzantine, en héritier des saints de Bohême et de l’Empire… et cela culminant au final dans la chapelle sommitale de la Sainte Croix, véritable Sainte Chapelle, ornée de 130 tableaux de saints, de prophètes et de rois et inondée par la splendor imperii que reflétaient des milliers de pierres précieuses serties sur les voûtes d’or. Quant à sa Vita rédigée en latin et aux deux tiers à la première personne, parole de soi sur soi et de roi sur roi, mais qui s’arrête au moment même où il monte pour la première fois sur le trône, elle s’ouvre par un prologue entièrement composé de sa main sur le modèle des homélies et des sermons dont il truffera également les proemia de la Majestas Carolina de 1355 et de la bulle de 1356, l’ordo réécrit par ses soins du couronnement des rois de Bohême, et la légende recomposée sous son contrôle de saint Wenceslas. Et pourtant, cela n’a pas suffi.

    28Alors, au total, faut-il en conclure que le xiiie siècle de Saint Louis permettait encore un alignement vertueux du roi, de la personne et de la sainteté quand le xive siècle de Charles IV ne le ménagerait plus ? Comme l’on voit, seule peut-être, ou davantage que d’autres formes d’écriture, la biographie historique, entendue au sens que lui a conféré Jacques Le Goff en disant d’elle qu’elle était « l’une des plus difficiles façons de faire de l’histoire63 », est-elle capable de poser ces questions en ces termes. Enquête à suivre et à poursuivre…

    Annexe

    Recensions scientifiques du Saint Louis de Jacques Le Goff

    1996

    Boureau Alain, « Un royal individu », Critique, no 593, octobre 1996, p. 845-857.

    Hilario Franco Junior, « Le Goff, Jacques. Saint Louis. Paris, Gallimard, 1996 », Revista de Historia, no 134, 1996, p. 73-75.

    1997

    Saint-Denis Alain, « Jacques Le Goff, Saint Louis », Revue belge de philologie et d’histoire, 1997, no 75-4, p. 1179-1183. Le chapitre iii, 8 « Conflits et critiques », p. 781-826, lui semble trop rapide.

    Jordan William Chester « Saint Louis by Jacques Le Goff », Speculum, 1997, no 72, p. 518-520.

    Fossier Robert, « J. Le Goff, Saint Louis », Revue historique, 1997, no 297.

    Brunso Ayats Pedro, « Jacques Le Goff, Saint Louis », Verbo. Informacion politica, 1997, p. 963-968.

    1998

    Moulinier Laurence et Boucheron Patrick (dir.), « Hommes de pouvoir : individu et politique au temps de Saint Louis », Médiévales, 1998, no 34 : forum de discussion sur le livre entre Patrick Boucheron, Jean-Philippe Genet, Chiara Frugoni, Jacques Chiffoleau, Odile Redon, William Chester Jordan.

    Töpfer Bernhard, « Jacques Le Goff, Saint Louis. Éditions Gallimard », Mediaevistik, no 11, 1998, p. 331-333.

    Garcia Arancon Maria Raquel, « J. Le Goff, Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996 », Memoria y Civilizacion: anuario de historia, no 1, 1998, p. 272-274.

    1999

    Räkel Hans-Herbert, « Jacques Le Goff und König Ludwig der Heilige », in Michael Jeismann (dir.), Das 13. Jahrhundert — Kaiser, Ketzer und Kommunen, Munich, Beck, 1999, p. 72-79.

    2000

    Kleinert Christian, « Ludwig der Heilige, von Jacques Le Goff », Damals, no 34/1, 2002.

    Recensions scientifiques, mais parues dans la presse quotidienne ou hebdomadaire allemande au moment de la sortie de la traduction, en 2000 (pages et cahiers « Culture ») :

    Schümer Dirk, « Wein mit Wasser trank der Heilige ohne Strohsack. Jacques Le Goff sucht Ludwig IX. », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17 octobre 2000.

    Görich Knut, Berliner Zeitung, 17 octobre 2000.

    Borgolte Michael, Tagesspiegel, 18 octobre 2000.

    Schneidmüller Bernd, Frankfurter Rundschau, 18 octobre 2000.

    Dericum Christa, Süddeutsche Zeitung, 18 octobre 2000.

    Kuchenbuch Ludolf, Neue Zürcher Zeitung, 8 novembre 2000.

    2001

    Lucken Christopher, « L’Évangile du roi. Joinville, témoin et auteur de la Vie de Saint Louis », Annales HSS, no 56-2, 2001, p. 469-477.

    Dos Santos Georgina Silva, « São Luís: o retorno da historiografia francesa à biografia », Tempo, no 6-11, 2001, p. 261-266.

    2005

    Vincent Catherine, Encyclopedia Universalis, 2005, « Saint Louis », 3 pages (consulté en ligne le 19 décembre 2022).

    2008

    Curley Augustine J., « Le Goff, Jacques. Saint Louis », Library Journal, 2008, no 133, p. 74-75.

    2009

    Skoda Hannah, « Saint Louis by Jacques Le Goff. Gollrad Gareth Evan », The English Historical Review, 2009, no 51, p. 1471-1473.

    2010

    Davis Jennifer R., « The problem of King Louis IX of France: Biography, Sanctity, and Kingship », The Journal of Interdisciplinary, 2010, no 41, p. 209-225.

    Bachrach David S., « Jacques Le Goff. Saint Louis », The American Historical Review, no 115-2, 2010, p. 597-598. « […] The solid translation of this work into English by Gareth Evan Gollrad provides an opportunity to consider again the strengths and limitations of annalist biography […]. »

    Linley Wild Benjamin, « Saint Louis. By Jacques Le Goff », Journal of Ecclesiastical History, no 61-2, avril 2010, p. 374-375.

    Powell James M., « Saint Louis by Jacques Le Goff », The Catholic Historical Review, no 96-1, janvier 2010, p. 111-113.

    2011

    Kittell Ellen E., « Saint Louis by Jacques Le Goff », The Historian, 2011, no 73, p. 624-626.

    2012

    Monye Laurent P., « Louis IX. Saint roi et politicien perspicace », CLA Journal, no 55-4, juin 2012, p. 370-380.

    Notes de bas de page

    1Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit.

    2Ibid., p. 512.

    3Bedos-Rezak Brigitte et Iogna-Prat Dominique (dir.), L’individu au Moyen Âge : individuation et individualisation avant la modernité, Paris, Aubier, 2005 ; Olariu Dominic, Le portrait individuel : réflexions autour d’une forme de représentation, xiiie-xve siècles, Bern/Berlin/Bruxelles, Peter Lang, 2009 ; Monnet Pierre et Schmitt Jean-Claude (dir.), Autobiographies souveraines, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012 ; Besson Gisèle et Schmitt Jean-Claude, Rêver de soi : les songes autobiographiques au Moyen Âge, Toulouse, Anacharsis, 2017.

    4Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 337. Cette lacune est déplorée par Vauchez André dans La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation, Rome, École française de Rome, 1981, p. 415. Les actes du procès, disparus, ont été reconstitués par Louis Carolus-Barré : Carolus-Barré Louis, Le procès de canonisation de Saint Louis (1272-1297). Essai de reconstitution, éd. Henri Platelle, Rome, École française de Rome, 1994. Auparavant, ce dernier avait livré un premier article sur la question « Les enquêtes pour la canonisation de Saint Louis de Grégoire X à Boniface VIII et la bulle Gloria Laus, du 11 août 1297 », Revue d’histoire de l’Église de France, no 57, 1971, p. 19-31.

    5Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 509. Dans sa « réponse » aux objections de Christopher Lucken (Lucken Christopher, « L’Évangile du roi », art. cité) – évoquée ci-dessous – Jacques Le Goff revient sur le terme « autobiographie », mais cette fois pour l’attribuer à l’œuvre de Joinville : celui-ci n’aurait pas seulement témoigné de la vie du saint roi, mais parlé de lui-même. Voir Le Goff Jacques, « Mon ami le saint roi : Joinville et Saint Louis (Réponse) », ibid., p. 472 (p. 469-477) : « Je me suis demandé après d’autres si l’entreprise de Joinville n’était pas autant une autobiographie que la biographie du saint roi. Car son livre est l’occasion de parler de lui et notamment de prendre une revanche et d’exorciser un remords. La revanche est sur ceux, et d’abord sur le petit-fils de Sant Louis, le roi Philippe IV le Bel, qui l’ont – Joinville le déplore explicitement – laissé complètement dans l’ombre. »

    6Sao Luis, Rio de Janeiro, 1999.

    7Dans l’introduction de ce volume, Marie Dejoux en recense neuf, parmi lesquelles : en italien, San Luigi, trad. Aldo Serafini, Turin, Einaudi, 1996 (coll. « Biblioteca di cultura storica », 2015), nouvelles éditions en 1999 (Einaudi tascabili) et 2007 (Piccola Biblioteca, N. S. 348) ; en portugais (Brésil), Sào Luis, trad. Marcos de Castro, Rio de Janeiro, Record, 1999 ; en allemand, Ludwig der Heilige, trad. Grete Osterwald, Stuttgart, Klett-Cotta, 2000 ; en anglais, Saint Louis, trad. Gareth Evan Gollrad, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2009.

    8Jordan William Chester, Louis IX and the Challenge, op. cit.

    9Jordan William Chester, « “Amen !” cinq fois “Amen !”. Les chansons de la croisade égyptienne de Saint Louis, une source négligée d’opinion royaliste », Médiévales, no 34, 1998, p. 79-91.

    10Boucheron Patrick, « Saint Louis, comédien et martyr », art. cité, p. 76.

    11Lucken Christopher, « L’Évangile du roi », art. cité.

    12Le Goff Jacques, « Mon ami le saint roi », art. cité.

    13Ibid., p. 477.

    14Dans un email adressé à Jean-Claude Schmitt le 23 février 2022.

    15Voir la double intervention sur Saint Louis, et plus généralement sur la biographie de Sofia Boesch Gajano, plutôt favorable, et de Rossana Rossanda, plus réservée, dans le Manifesto du 27 février 1997. Luigi Provero a tenu un séminaire, organisé à l’Université de Turin le 30 janvier 2009 sur « Le Goff e la biografia ». Voir aussi l’hommage rendu en 2015 par Franco Cardini, Bruno Figliuolo, Roberto Lambertini, Giacomo Todeschini et Pier Giorgio Sclippa dans la Nuova Rivista Storica, XCIX/3 (2015), p. 945-998, suivi d’une bibliographie de Jacques Le Goff, p. 997-1035 mentionnant le livre ; et enfin les deux contributions collectives et conjointes de l’École française de Rome et de l’Istituto storico per il Medio Evo en 2015, [https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb45073753v], et en 2017, [https://www.torrossa.com/it/resources/an/4327183], mais qui ne portent pas spécifiquement sur ce livre particulier, [https://issuu.com/istitutostoricoperilmedioevo/docs/totale_legoff], consultés le 19 décembre 2022.

    16Garcia Arancon Maria Raquel, « J. Le Goff, Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996 », Memoria y Civilizacion: anuario de historia, no 1, 1998, p. 272-274. Brunso Ayats Pedro, « Jacques Le Goff, Saint Louis », Verbo. Informacion politica, 1997, p. 963-968. Nous remercions Vincent Debiais d’avoir bien voulu nous transmettre ces informations.

    17Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 892.

    18Kantorowicz Ernst, Kaiser Friedrich der Zweite, Berlin, Georg Bondi, 1927.

    19Boureau Alain, Histoire d’un historien, Kantorowicz, Paris, Gallimard, 1990.

    20Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 896.

    21Weber Max, Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen, Mohr, 1922, traduit en français chez Gallimard, en 1987.

    22Contamine Philippe, Charles VII. Une vie, une politique, Paris, Perrin, 2017, p. 16-17.

    23Ibid., p. 17.

    24Kantorowicz Ernst, The King’s two Bodies: A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton university press, 1957.

    25Contamine Philippe, Charles VII, op. cit., p. 17.

    26Frugoni Arsenio, Arnaldo da Brescia nelle fonti del secolo XII, Rome, Nella sede del’Istituto, 1954, traduit en français sous le titre Arnaud de Brescia dans les sources du xiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1993.

    27Guenée Bernard, La folie de Charles VI, roi Bien-Aimé, Paris, Perrin, 2004.

    28Gauvard Claude, Jeanne d’Arc, héroïne diffamée et martyre, Paris, Gallimard, 2022.

    29Ibid., p. 142-144.

    30Brilli Elisa et Milani Giulano, Dante. Des vies nouvelles, Paris, Fayard, 2021.

    31Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 897.

    32On se contentera de citer ici : Le Goff Jacques, « Comment écrire une biographie historique aujourd’hui ? », Le Débat, no 2, 1989, p. 48-53 et la même année « The Whys and Ways of Writing a Biography », art. cité. Consulter pour les années postérieures à la parution du livre les sept contributions consacrées à Saint Louis parmi les 134 articles de l’auteur parus entre 1996 et 2014 et recensés par Marie Dejoux en ouverture de ce volume. On soulignera que la dernière livraison de Jacques Le Goff sur le saint roi s’intitule « Et le rire du roi », in Pierre-Yves Le Pogam (dir.), Saint Louis, op. cit., p. 17-22.

    33Le Goff Jacques, Une vie pour l’histoire. Entretiens avec Marc Heurgon, Paris, La Découverte, 2010, « Saint Louis, une tentative de biographie totale », p. 261.

    34Monnet Pierre, Charles IV. Un empereur en Europe, Paris, Fayard, 2020.

    35Le Goff Jacques, Ludwig der Heilige, Stuttgart, Klett-Cotta, 2000.

    36Monnet Pierre, « Jacques Le Goff et l’Allemagne, Jacques Le Goff en Allemagne », in Jacques Revel et Jean-Claude Schmitt (dir.), Une autre histoire. Jacques Le Goff (1924-2014), Paris, Éditions de l’EHESS, 2015, p. 119-130.

    37Sur l’historiographie et les découpages du xiiie siècle : Signori Gabriela, Das 13. Jahrhundert. Einführung in die Geschichte des spätmittelalterlichen Europas, Stuttgart, Kohlhammer Verlag, 2007. Wolfgang Stürner, 13. Jahrhundert 1198-1273 (Gebhardt : Handbuch der deutschen Geschichte 06), Stuttgart, Klett-Cotta, 2007, puis Menzel Michael, Die Zeit der Entwürfe (1273-1347) (Gebhardt : Handbuch der deutschen Geschichte 07), Stuttgart, Klett-Cotta, 2012.

    38Kantorowicz Ernst, L’empereur Frédéric II, op. cit.

    39Raulff Ulrich, Kreis ohne Meister. Stefan Georges Nachleben. Munich, Beck, 2009.

    40Benson Robert L. et Fried Johannes (dir.), Ernst Kantorowicz. Erträge der Doppeltagung Institute for Advanced Study, Johann-Wolfgang-Goethe-Universität Frankfurt, Stuttgart, Steiner, 1997. Burkart Lukas (dir.), Mythen, Körper, Bilder. Ernst Kantorowicz zwischen Historismus, Emigration und Erneuerung der Geisteswissenschaften, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2015.

    41Oexle Otto Gerhard, L’Historisme en débat. De Nietzsche à Kantorowicz, Paris, Aubier, 2001.

    42Kaufhold Martin, Interregnum, Darmstadt, WBG, 2007. Kersken Norbert et Tebruck Stefan (dir.), Interregna im mittelalterlichen Europa. Konkurrierende Kräfte in politischen Zwischenräumen, Marbourg, Herder-Institut, 2020.

    43Kirk Marianne, « Die kaiserlose, die schreckliche Zeit ». Das Interregnum im Wandel der Geschichtsschreibung, Francfort, Peter Lang, 2002.

    44Keller Hagen, Zwischen regionaler Begrenzung und universalem Horizont. Deutschland im Imperium der Salier und Staufer 1024-1250, Berlin, Propyläen, 1986 ; Moraw Peter, Von offener Verfassung zu gestalteter Verdichtung. Das Reich im späten Mittelalter 1250 bis 1490, Berlin, Propyläen, 1985.

    45Töpfer Bernhard, « Jacques Le Goff, Saint Louis. Éditions Gallimard », Mediaevistik, no 11, 1998, p. 331-333.

    46Mertens Lothar, Lexikon der DDR-Historiker. Biographien und Bibliographien zu den Geschichtswissenschaftlern aus der Deutschen Demokratischen Republik, Munich, Saur, 2006, p. 601-602.

    47[https://www.academia.edu/37488318/Ludwig_der_Heilige_von_Jacques_Le_Goff_in_deutscher_Sprache], consulté le 19 décembre 2022. Une version intermédiaire de l’article est parue dans Michael Jeismann (dir.), Das 13. Jahrhundert – Kaiser, Ketzer und Kommunen, Munich, Beck, 1999, p. 72-79.

    48On citera parmi les recensions les plus diffusées (en remarquant un « tir groupé » dans les mois d’octobre et novembre autour de la Foire du livre de Francfort) : Dirk Schümer, « Wein mit Wasser trank der Heilige ohne Strohsack. Jacques Le Goff sucht Ludwig IX. », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17 octobre 2000 ; Knut Görich, Berliner Zeitung, 17 octobre 2000 ; Michael Borgolte, Tagesspiegel, 18 octobre 2000 ; Bernd Schneidmüller, Frankfurter Rundschau, 18 octobre 2000 ; Christa Dericum, Süddeutsche Zeitung, 18 octobre 2000 ; Ludolf Kuchenbuch, Neue Zürcher Zeitung, 8 novembre 2000 ; Christian Kleinert, Damals, 28 janvier 2002.

    49Bernhard Töpfer, « Jacques Le Goff, Saint Louis. Éditions Gallimard », Mediaevistik, no 11, 1998, p. 331-333 ; Christian Kleinert, Damals, no 34/1, 2002.

    50Monnet Pierre, Charles IV, op. cit.

    51Dosse François, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, La Découverte, 2005 et « Biographie, prosopographie », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt, Historiographies. Concepts et débats, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2010, t. I, p. 79-86.

    52Guenée Bernard, Entre l’Église et l’État. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1987, p. 7-16.

    53Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 13-26. Au demeurant, la même année : Loriga Sabina, « La biographie comme problème », in Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelle, Paris, Seuil, 1996, p. 209-231.

    54Le Goff Jacques, « Comment écrire une biographie historique », art. cité. La même année : Levi Giovanni, « Les usages de la biographie », Annales ESC, no 6, 1989, p. 1325-1336. Puis le dossier dirigé par Boureau Alain, Jouhaud Christian, Le Goff Jacques et Viala Alain, « Quand l’historien se fait biographe », Esprit, no 184/8-9, août-septembre 1992, p. 29-53.

    55La Vita de Charles IV de Luxembourg, éd. et trad. commentée Pierre Monnet et Jean-Claude Schmitt, Paris, Les Belles Lettres, 2010 ; Monnet Pierre et Schmitt Jean-Claude (dir.), Autobiographies souveraines, op. cit.

    56Schmitt Jean-Claude, « La “découverte de l’individu” : une fiction historiographique ? », in Jean-Claude Schmitt, Le corps, les rites, les rêves, le temps, Paris, Gallimard, 2001, p. 241-263.

    57Lemberg Hans, « Kaiser und König im tschechischen Geschichtsbild seit 1945 », in Ferdinand Seibt (dir.), Kaiser Karl IV. Staatsmann und Mäzen, Munich, Prestel, 1978, p. 414-418 ; Frey Beat, Pater Bohemiae – Vitricus imperii. Böhmens Vater, Stiefvater des Reichs. Kaiser Karl IV. in der Geschichtsschreibung, Francfort/Bern, Peter Lang, 1978.

    58Jacques Le Goff se trouvait alors à Prague, grâce à une bourse d’études et son premier article s’intitule : « Un étudiant tchèque à l’Université de Paris au xive siècle », Revue des études slaves, no 24, 1948, p. 143-170.

    59Monnet Pierre, « La Bulle d’or, une “constitution” pour l’Empire ? », in François Foronda et Jean-Philippe Genet (dir.), Des chartes aux constitutions. Autour de l’idée constitutionnelle en Europe (xiie-xviie siècle), Paris/Madrid, Presses de la Sorbonne/Casa de Velasquez, 2019, p. 149-189.

    60Comme le souligne bien Cecilia Gaposchkin dans ce volume, Jacques Le Goff ne s’est pas intéressé, dans son Saint Louis, à retracer la vie après la mort du personnage dans la longue durée, en analysant par exemple, comme elle le fait, le culte de saint Louis jusqu’à l’époque moderne.

    61Monnet Pierre, « Charles IV. Quel roi, quel individu ? », Hémecht, no 72-4, 2020, p. 423-456.

    62Monnet Pierre, « Charles IV de Luxembourg en ses portraits », in Gabriel Annas et Jessika Nowak (dir.), Et l’homme dans tout cela ? Von Menschen, Mächten und Motiven. Festschrift für Heribert Müller zum 70. Geburtstag, Stuttgart, Steiner, 2017, p. 351-378.

    63Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 14.

    Auteurs

    • Pierre Monnet

      École des hautes études en sciences sociales.

      Pierre Monnet, né en 1963, est actuellement directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Spécialiste du Saint Empire, il s’intéresse à l’histoire des villes et des sociétés urbaines, aux processus de mémoire et de distinction sociale, à l’histoire globale et aux structures politiques comparées entre France, Empire et Bohême à la fin du Moyen Âge, ainsi qu’aux transferts historiographiques entre la France et l’Allemagne. Dans ce cadre, il a publié l’article « Jacques Le Goff et l’Allemagne, Jacques Le Goff en Allemagne », in Jean-Claude Schmitt et Jacques Revel (dir.), Une autre histoire : Jacques Le Goff (1924-2014), Paris, Éditions de l’EHESS, 2015, p. 119-129, et parmi de nombreuses publications, une biographie méthodologiquement proche du Saint Louis de Jacques Le Goff : Charles IV. Un empereur en Europe, Paris, Fayard, 2020.

    • Jean-Claude Schmitt

      École des hautes études en sciences sociales.

      Jean-Claude Schmitt, né en 1946, a été, de 1983 à 2014, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et a aussi enseigné aux États-Unis et en Allemagne. Il a publié une quinzaine de livres, traduits dans autant de langues, qui se distinguent par une approche anthropologique de l’histoire médiévale et ont contribué à ouvrir le champ des images au questionnement des historiens. Il a aussi dirigé avec Jacques Le Goff le Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Fayard, 1999 (2e éd., Pluriel, 2014) et consacré plusieurs ouvrages et articles à ce dernier, parmi lesquels Une autre histoire. Jacques Le Goff (1924-2014), avec Jacques Revel, Paris, Éditions de l’EHESS, 2015 ; « Jacques Le Goff, de la culture à l’anthropologie historique. Entretien d’Edina Bozoky avec Jean-Claude Schmitt », Cahiers de Civilisation Médiévale, no 59, 2016, p. 273-280 et « Le Goff rencontre Saint Louis », in Cyril Lemieux (dir.), Pour les sciences sociales. 101 livres, Paris, Éditions de l’EHESS, 2017, p. 248-250.

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    1Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit.

    2Ibid., p. 512.

    3Bedos-Rezak Brigitte et Iogna-Prat Dominique (dir.), L’individu au Moyen Âge : individuation et individualisation avant la modernité, Paris, Aubier, 2005 ; Olariu Dominic, Le portrait individuel : réflexions autour d’une forme de représentation, xiiie-xve siècles, Bern/Berlin/Bruxelles, Peter Lang, 2009 ; Monnet Pierre et Schmitt Jean-Claude (dir.), Autobiographies souveraines, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012 ; Besson Gisèle et Schmitt Jean-Claude, Rêver de soi : les songes autobiographiques au Moyen Âge, Toulouse, Anacharsis, 2017.

    4Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 337. Cette lacune est déplorée par Vauchez André dans La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation, Rome, École française de Rome, 1981, p. 415. Les actes du procès, disparus, ont été reconstitués par Louis Carolus-Barré : Carolus-Barré Louis, Le procès de canonisation de Saint Louis (1272-1297). Essai de reconstitution, éd. Henri Platelle, Rome, École française de Rome, 1994. Auparavant, ce dernier avait livré un premier article sur la question « Les enquêtes pour la canonisation de Saint Louis de Grégoire X à Boniface VIII et la bulle Gloria Laus, du 11 août 1297 », Revue d’histoire de l’Église de France, no 57, 1971, p. 19-31.

    5Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 509. Dans sa « réponse » aux objections de Christopher Lucken (Lucken Christopher, « L’Évangile du roi », art. cité) – évoquée ci-dessous – Jacques Le Goff revient sur le terme « autobiographie », mais cette fois pour l’attribuer à l’œuvre de Joinville : celui-ci n’aurait pas seulement témoigné de la vie du saint roi, mais parlé de lui-même. Voir Le Goff Jacques, « Mon ami le saint roi : Joinville et Saint Louis (Réponse) », ibid., p. 472 (p. 469-477) : « Je me suis demandé après d’autres si l’entreprise de Joinville n’était pas autant une autobiographie que la biographie du saint roi. Car son livre est l’occasion de parler de lui et notamment de prendre une revanche et d’exorciser un remords. La revanche est sur ceux, et d’abord sur le petit-fils de Sant Louis, le roi Philippe IV le Bel, qui l’ont – Joinville le déplore explicitement – laissé complètement dans l’ombre. »

    6Sao Luis, Rio de Janeiro, 1999.

    7Dans l’introduction de ce volume, Marie Dejoux en recense neuf, parmi lesquelles : en italien, San Luigi, trad. Aldo Serafini, Turin, Einaudi, 1996 (coll. « Biblioteca di cultura storica », 2015), nouvelles éditions en 1999 (Einaudi tascabili) et 2007 (Piccola Biblioteca, N. S. 348) ; en portugais (Brésil), Sào Luis, trad. Marcos de Castro, Rio de Janeiro, Record, 1999 ; en allemand, Ludwig der Heilige, trad. Grete Osterwald, Stuttgart, Klett-Cotta, 2000 ; en anglais, Saint Louis, trad. Gareth Evan Gollrad, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2009.

    8Jordan William Chester, Louis IX and the Challenge, op. cit.

    9Jordan William Chester, « “Amen !” cinq fois “Amen !”. Les chansons de la croisade égyptienne de Saint Louis, une source négligée d’opinion royaliste », Médiévales, no 34, 1998, p. 79-91.

    10Boucheron Patrick, « Saint Louis, comédien et martyr », art. cité, p. 76.

    11Lucken Christopher, « L’Évangile du roi », art. cité.

    12Le Goff Jacques, « Mon ami le saint roi », art. cité.

    13Ibid., p. 477.

    14Dans un email adressé à Jean-Claude Schmitt le 23 février 2022.

    15Voir la double intervention sur Saint Louis, et plus généralement sur la biographie de Sofia Boesch Gajano, plutôt favorable, et de Rossana Rossanda, plus réservée, dans le Manifesto du 27 février 1997. Luigi Provero a tenu un séminaire, organisé à l’Université de Turin le 30 janvier 2009 sur « Le Goff e la biografia ». Voir aussi l’hommage rendu en 2015 par Franco Cardini, Bruno Figliuolo, Roberto Lambertini, Giacomo Todeschini et Pier Giorgio Sclippa dans la Nuova Rivista Storica, XCIX/3 (2015), p. 945-998, suivi d’une bibliographie de Jacques Le Goff, p. 997-1035 mentionnant le livre ; et enfin les deux contributions collectives et conjointes de l’École française de Rome et de l’Istituto storico per il Medio Evo en 2015, [https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb45073753v], et en 2017, [https://www.torrossa.com/it/resources/an/4327183], mais qui ne portent pas spécifiquement sur ce livre particulier, [https://issuu.com/istitutostoricoperilmedioevo/docs/totale_legoff], consultés le 19 décembre 2022.

    16Garcia Arancon Maria Raquel, « J. Le Goff, Saint Louis, Paris, Gallimard, 1996 », Memoria y Civilizacion: anuario de historia, no 1, 1998, p. 272-274. Brunso Ayats Pedro, « Jacques Le Goff, Saint Louis », Verbo. Informacion politica, 1997, p. 963-968. Nous remercions Vincent Debiais d’avoir bien voulu nous transmettre ces informations.

    17Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 892.

    18Kantorowicz Ernst, Kaiser Friedrich der Zweite, Berlin, Georg Bondi, 1927.

    19Boureau Alain, Histoire d’un historien, Kantorowicz, Paris, Gallimard, 1990.

    20Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 896.

    21Weber Max, Wirtschaft und Gesellschaft, Tübingen, Mohr, 1922, traduit en français chez Gallimard, en 1987.

    22Contamine Philippe, Charles VII. Une vie, une politique, Paris, Perrin, 2017, p. 16-17.

    23Ibid., p. 17.

    24Kantorowicz Ernst, The King’s two Bodies: A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton university press, 1957.

    25Contamine Philippe, Charles VII, op. cit., p. 17.

    26Frugoni Arsenio, Arnaldo da Brescia nelle fonti del secolo XII, Rome, Nella sede del’Istituto, 1954, traduit en français sous le titre Arnaud de Brescia dans les sources du xiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1993.

    27Guenée Bernard, La folie de Charles VI, roi Bien-Aimé, Paris, Perrin, 2004.

    28Gauvard Claude, Jeanne d’Arc, héroïne diffamée et martyre, Paris, Gallimard, 2022.

    29Ibid., p. 142-144.

    30Brilli Elisa et Milani Giulano, Dante. Des vies nouvelles, Paris, Fayard, 2021.

    31Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 897.

    32On se contentera de citer ici : Le Goff Jacques, « Comment écrire une biographie historique aujourd’hui ? », Le Débat, no 2, 1989, p. 48-53 et la même année « The Whys and Ways of Writing a Biography », art. cité. Consulter pour les années postérieures à la parution du livre les sept contributions consacrées à Saint Louis parmi les 134 articles de l’auteur parus entre 1996 et 2014 et recensés par Marie Dejoux en ouverture de ce volume. On soulignera que la dernière livraison de Jacques Le Goff sur le saint roi s’intitule « Et le rire du roi », in Pierre-Yves Le Pogam (dir.), Saint Louis, op. cit., p. 17-22.

    33Le Goff Jacques, Une vie pour l’histoire. Entretiens avec Marc Heurgon, Paris, La Découverte, 2010, « Saint Louis, une tentative de biographie totale », p. 261.

    34Monnet Pierre, Charles IV. Un empereur en Europe, Paris, Fayard, 2020.

    35Le Goff Jacques, Ludwig der Heilige, Stuttgart, Klett-Cotta, 2000.

    36Monnet Pierre, « Jacques Le Goff et l’Allemagne, Jacques Le Goff en Allemagne », in Jacques Revel et Jean-Claude Schmitt (dir.), Une autre histoire. Jacques Le Goff (1924-2014), Paris, Éditions de l’EHESS, 2015, p. 119-130.

    37Sur l’historiographie et les découpages du xiiie siècle : Signori Gabriela, Das 13. Jahrhundert. Einführung in die Geschichte des spätmittelalterlichen Europas, Stuttgart, Kohlhammer Verlag, 2007. Wolfgang Stürner, 13. Jahrhundert 1198-1273 (Gebhardt : Handbuch der deutschen Geschichte 06), Stuttgart, Klett-Cotta, 2007, puis Menzel Michael, Die Zeit der Entwürfe (1273-1347) (Gebhardt : Handbuch der deutschen Geschichte 07), Stuttgart, Klett-Cotta, 2012.

    38Kantorowicz Ernst, L’empereur Frédéric II, op. cit.

    39Raulff Ulrich, Kreis ohne Meister. Stefan Georges Nachleben. Munich, Beck, 2009.

    40Benson Robert L. et Fried Johannes (dir.), Ernst Kantorowicz. Erträge der Doppeltagung Institute for Advanced Study, Johann-Wolfgang-Goethe-Universität Frankfurt, Stuttgart, Steiner, 1997. Burkart Lukas (dir.), Mythen, Körper, Bilder. Ernst Kantorowicz zwischen Historismus, Emigration und Erneuerung der Geisteswissenschaften, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2015.

    41Oexle Otto Gerhard, L’Historisme en débat. De Nietzsche à Kantorowicz, Paris, Aubier, 2001.

    42Kaufhold Martin, Interregnum, Darmstadt, WBG, 2007. Kersken Norbert et Tebruck Stefan (dir.), Interregna im mittelalterlichen Europa. Konkurrierende Kräfte in politischen Zwischenräumen, Marbourg, Herder-Institut, 2020.

    43Kirk Marianne, « Die kaiserlose, die schreckliche Zeit ». Das Interregnum im Wandel der Geschichtsschreibung, Francfort, Peter Lang, 2002.

    44Keller Hagen, Zwischen regionaler Begrenzung und universalem Horizont. Deutschland im Imperium der Salier und Staufer 1024-1250, Berlin, Propyläen, 1986 ; Moraw Peter, Von offener Verfassung zu gestalteter Verdichtung. Das Reich im späten Mittelalter 1250 bis 1490, Berlin, Propyläen, 1985.

    45Töpfer Bernhard, « Jacques Le Goff, Saint Louis. Éditions Gallimard », Mediaevistik, no 11, 1998, p. 331-333.

    46Mertens Lothar, Lexikon der DDR-Historiker. Biographien und Bibliographien zu den Geschichtswissenschaftlern aus der Deutschen Demokratischen Republik, Munich, Saur, 2006, p. 601-602.

    47[https://www.academia.edu/37488318/Ludwig_der_Heilige_von_Jacques_Le_Goff_in_deutscher_Sprache], consulté le 19 décembre 2022. Une version intermédiaire de l’article est parue dans Michael Jeismann (dir.), Das 13. Jahrhundert – Kaiser, Ketzer und Kommunen, Munich, Beck, 1999, p. 72-79.

    48On citera parmi les recensions les plus diffusées (en remarquant un « tir groupé » dans les mois d’octobre et novembre autour de la Foire du livre de Francfort) : Dirk Schümer, « Wein mit Wasser trank der Heilige ohne Strohsack. Jacques Le Goff sucht Ludwig IX. », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 17 octobre 2000 ; Knut Görich, Berliner Zeitung, 17 octobre 2000 ; Michael Borgolte, Tagesspiegel, 18 octobre 2000 ; Bernd Schneidmüller, Frankfurter Rundschau, 18 octobre 2000 ; Christa Dericum, Süddeutsche Zeitung, 18 octobre 2000 ; Ludolf Kuchenbuch, Neue Zürcher Zeitung, 8 novembre 2000 ; Christian Kleinert, Damals, 28 janvier 2002.

    49Bernhard Töpfer, « Jacques Le Goff, Saint Louis. Éditions Gallimard », Mediaevistik, no 11, 1998, p. 331-333 ; Christian Kleinert, Damals, no 34/1, 2002.

    50Monnet Pierre, Charles IV, op. cit.

    51Dosse François, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, La Découverte, 2005 et « Biographie, prosopographie », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia et Nicolas Offenstadt, Historiographies. Concepts et débats, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2010, t. I, p. 79-86.

    52Guenée Bernard, Entre l’Église et l’État. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1987, p. 7-16.

    53Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 13-26. Au demeurant, la même année : Loriga Sabina, « La biographie comme problème », in Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelle, Paris, Seuil, 1996, p. 209-231.

    54Le Goff Jacques, « Comment écrire une biographie historique », art. cité. La même année : Levi Giovanni, « Les usages de la biographie », Annales ESC, no 6, 1989, p. 1325-1336. Puis le dossier dirigé par Boureau Alain, Jouhaud Christian, Le Goff Jacques et Viala Alain, « Quand l’historien se fait biographe », Esprit, no 184/8-9, août-septembre 1992, p. 29-53.

    55La Vita de Charles IV de Luxembourg, éd. et trad. commentée Pierre Monnet et Jean-Claude Schmitt, Paris, Les Belles Lettres, 2010 ; Monnet Pierre et Schmitt Jean-Claude (dir.), Autobiographies souveraines, op. cit.

    56Schmitt Jean-Claude, « La “découverte de l’individu” : une fiction historiographique ? », in Jean-Claude Schmitt, Le corps, les rites, les rêves, le temps, Paris, Gallimard, 2001, p. 241-263.

    57Lemberg Hans, « Kaiser und König im tschechischen Geschichtsbild seit 1945 », in Ferdinand Seibt (dir.), Kaiser Karl IV. Staatsmann und Mäzen, Munich, Prestel, 1978, p. 414-418 ; Frey Beat, Pater Bohemiae – Vitricus imperii. Böhmens Vater, Stiefvater des Reichs. Kaiser Karl IV. in der Geschichtsschreibung, Francfort/Bern, Peter Lang, 1978.

    58Jacques Le Goff se trouvait alors à Prague, grâce à une bourse d’études et son premier article s’intitule : « Un étudiant tchèque à l’Université de Paris au xive siècle », Revue des études slaves, no 24, 1948, p. 143-170.

    59Monnet Pierre, « La Bulle d’or, une “constitution” pour l’Empire ? », in François Foronda et Jean-Philippe Genet (dir.), Des chartes aux constitutions. Autour de l’idée constitutionnelle en Europe (xiie-xviie siècle), Paris/Madrid, Presses de la Sorbonne/Casa de Velasquez, 2019, p. 149-189.

    60Comme le souligne bien Cecilia Gaposchkin dans ce volume, Jacques Le Goff ne s’est pas intéressé, dans son Saint Louis, à retracer la vie après la mort du personnage dans la longue durée, en analysant par exemple, comme elle le fait, le culte de saint Louis jusqu’à l’époque moderne.

    61Monnet Pierre, « Charles IV. Quel roi, quel individu ? », Hémecht, no 72-4, 2020, p. 423-456.

    62Monnet Pierre, « Charles IV de Luxembourg en ses portraits », in Gabriel Annas et Jessika Nowak (dir.), Et l’homme dans tout cela ? Von Menschen, Mächten und Motiven. Festschrift für Heribert Müller zum 70. Geburtstag, Stuttgart, Steiner, 2017, p. 351-378.

    63Le Goff Jacques, Saint Louis, op. cit., p. 14.

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    Monnet, Pierre, et Jean-Claude Schmitt. « Le Saint Louis de Jacques Le Goff : 1996-2022 ou à quelles conditions écrire une biographie historique ? ». In Saint Louis après Jacques Le Goff, édité par Marie Dejoux. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13rqy.
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