Négociations et reconfigurations du pouvoir
Les communautés religieuses en Lorraine face à la « réforme grégorienne » (fin du xie-début du xiie siècle)
p. 67-78
Remerciements
Je tiens à remercier Éloïse Adde (CEU Vienna) et Caroline Galla (RWTH Aachen) de leur aimable soutien pour la rédaction du texte en français. Les notes ont été limitées au minimum pour privilégier le contenu du texte.
Texte intégral
1En Lorraine, l’impact de la « réforme grégorienne » se manifeste d’abord dans les altercations entre le pape et l’empereur à propos de la nomination de l’évêque dans les trois cités épiscopales de Metz, Toul et Verdun. À partir des années 1080, ils se disputaient notamment les sièges de Metz et de Verdun, chacun cherchant à installer ses propres candidats. La situation fut un peu moins critique à Toul, où l’évêque Pibon finit par s’imposer durablement après s’être réconcilié avec Grégoire VII. À Metz, la querelle autour du siège épiscopal fut en revanche tellement virulente que l’évêque Hériman dut quitter la ville en 1079. Son exil marque le début d’une période durant laquelle l’autorité épiscopale fut sapée soit par l’absence de l’évêque, soit par l’alternance relativement rapide entre évêques pontificaux et impériaux, période qui ne prit fin qu’avec l’avènement d’Étienne de Bar en 1120. Malgré les tentatives répétées de la papauté de suspendre les évêques de Verdun qui étaient soutenus par l’empereur, ces derniers parvinrent à se maintenir dans la ville. Pour défendre leur position, ils n’hésitèrent pas, tout comme leurs collègues messins, à chasser les communautés religieuses qu’ils considéraient comme étant trop fidèles vis-à-vis du pape1.
2Il n’est pas question ici de traiter en détail les conséquences politiques de la « réforme grégorienne » en Lorraine, d’autant que celles-ci ont déjà été largement étudiées2. Mais il convient de les évoquer malgré tout parce qu’elles mirent au défi les communautés religieuses de reconsidérer les rapports de force qui les liaient soit à l’évêque, dont la légitimité était désormais fortement contestée, soit à d’autres acteurs régionaux qui étaient eux aussi concernés par le conflit entre le pape et l’empereur. A priori, cette situation était donc particulièrement favorable à ce que les communautés religieuses lorraines aient recours aux revendications de la « réforme grégorienne », telles que l’abolition de toutes sortes de simonie ou l’immunité ecclésiastique. En effet, celles-ci leur auraient permis de redéfinir leur statut en se fondant sur une autorité supérieure représentée par la papauté ou, le cas échéant, par le droit canonique.
3Ainsi, il ne faut pas seulement se demander dans quelle mesure et selon quel objectif ces revendications furent retenues au sein des communautés. Dans ce contexte, se pose également la question de savoir si les circonstances politiques que l’on vient d’évoquer ont joué ou non un rôle de catalyseur dans l’introduction de certains principes « grégoriens ». De même, il faut s’interroger sur les conséquences. Le recours à ces principes a-t-il provoqué des résistances insurmontables ? A-t-il – pour reprendre la formule contenue dans le titre du présent ouvrage collectif – véritablement « déchiré » les communautés ? Ou s’agit-il plutôt d’un processus qui se caractérise par des compromis et des ajustements réciproques ? La « réforme grégorienne » a-t-elle changé de manière radicale les rapports des communautés religieuses avec les différents acteurs régionaux ?
4Pour répondre à ces questions, nous allons nous concentrer sur quelques-unes des communautés religieuses lorraines en traitant trois aspects différents qui constituent, d’une part, des lieux d’accueil favorables aux revendications « grégoriennes » et qui présentent, d’autre part, un certain degré de conflictualité : d’abord les modalités de l’élection de l’abbé, notamment la question de son investiture ; puis l’évolution des immunités monastiques ; et pour finir le transfert et la gestion des églises paroissiales.
L’élection et l’investiture de l’abbé
5Jusqu’au deuxième tiers du xie siècle, les évêques et les patrons laïques exercèrent une influence considérable sur la nomination des abbés et abbesses dans la plupart des abbayes lorraines. C’est en tout cas ce que suggèrent les actes pontificaux qui sont majoritairement adressés à l’évêque et dans lesquels l’élection de l’abbé, si elle est évoquée, reflète la volonté de l’évêque et, le cas échéant, d’un patron laïque de garder sa mainmise sur l’institution concernée. Citons en particulier deux cas révélateurs de ce phénomène : un acte du pape Jean XIII établi le 29 septembre 970 pour l’abbaye Saint-Vincent de Metz prescrit que l’abbé est à nommer par l’évêque et que l’abbaye relève de l’autorité de l’évêché messin3 ; l’acte du pape Léon IX pour l’abbaye de Bleurville (diocèse de Toul) prévoit que l’abbesse ne doit être élue que parmi les descendantes du comte Rambaud de Toul, avoué de l’abbaye et fils de son fondateur, Renaud II ; s’il n’y a pas de candidate qui convient parmi elles ou les moniales de Remiremont, le droit de désigner l’abbesse doit être dévolu à l’évêque de Toul4.
6D’après les actes pontificaux, cette influence forte des patrons ecclésiastiques et laïques, emblématique des rapports sociaux et juridiques des communautés religieuses lorraines, semble s’être affaiblie à partir de la fin du xie siècle. La plupart des actes pontificaux établis à partir de ce moment-là sont directement adressés aux abbés, abbesses et prévôts des communautés religieuses. De plus, certains actes pontificaux contiennent désormais des formules accordant à l’institution concernée le droit de libre élection de l’abbé, et ce sans même mentionner l’évêque ou alors en prescrivant que ce dernier doit approuver sans réserve le candidat élu par la communauté5.
7Par contre, ce changement profond dans l’Urkundenpraxis et le contenu juridique des actes pontificaux expédiés en Lorraine ne peut pas être considéré comme un indice du fait qu’il y ait eu des conflits à propos de l’élection de l’abbé au sein des communautés religieuses. Quant aux sources lorraines, seule une lettre que le duc Thierry II de Haute-Lotharingie adressa en 1115 au pape Pascal II pourrait être interprétée dans ce sens. À en croire le duc, le conflit ardent opposant alors le royaume à l’Église aurait suscité une longue querelle entre les moines de l’abbaye de Saint-Èvre de Toul à propos de l’élection de leur abbé6. Malheureusement, nous ne connaissons pas les détails de cette querelle, à part le fait qu’elle fut probablement déclenchée après la mort de l’abbé Gui survenue après 10727. La raison pour laquelle Thierry II écrivit à Pascal II environ quarante ans plus tard était cependant différente : il demandait au pape de convoquer les moines de Molesme (diocèse de Langres) à comparaître devant le tribunal pontifical en déplorant que ceux-ci auraient profité des tensions survenues au sein de la communauté de Saint-Èvre après la mort de son abbé pour occuper le prieuré de Châtenois, filiale fondée par la mère de Thierry II et se trouvant alors sous la dépendance de l’abbaye touloise. Dans sa lettre, Thierry II affirme qu’il était alors trop jeune pour empêcher les moines de Molesme de prendre possession de Châtenois8.
8Pour Thierry II, le prieuré de Châtenois était d’une importance stratégique considérable : il y possédait un château qu’il comptait ériger en nécropole dynastique et ce lieu situé près de Neufchâteau dans le sud du diocèse de Toul faisait partie d’un carrefour commercial assez important dans la région9. Il faut aussi prendre en compte le fait que Thierry II était avoué de Saint-Èvre10. Il est évident que sa tentative de faire revenir les moines de Saint-Èvre à Châtenois s’explique par son intérêt à renforcer son influence sur le site de ce prieuré. A-t-il exagéré l’ampleur de la tension, apparue au sein de la communauté de Saint-Èvre après la mort de l’abbé Gui, pour avoir un argument solide susceptible de convaincre Pascal II de promulguer un jugement pontifical obligeant les moines de Molesme à quitter Châtenois ? Aucune autre source qui pourrait nous renseigner sur ces évènements ne nous étant parvenue, cela reste une hypothèse. Pascal II donna en tout cas suite à l’appel de Thierry II. Lors d’un tribunal convoqué à Bénévent en mai 1115, les moines de Molesme durent renoncer au prieuré de Châtenois que le pape et ses cardinaux confirmèrent ensuite à l’abbaye de Saint-Èvre11.
9Au-delà des directives normatives des actes pontificaux, certaines des sources historiographiques et diplomatiques lorraines suggèrent, elles aussi, que les patrons ecclésiastiques et laïques perdirent de leur influence sur la nomination de l’abbé, en particulier en ce qui concerne la procédure liée à son investiture. Citons par exemple le cas de l’abbaye de Saint-Vanne de Verdun, où la pratique de la Selbstinvestitur (l’auto-investiture), emblématique des abbayes exemptes et révélatrice d’une conception « grégorienne » de l’immunité monastique, est attestée pour la première fois lors de l’élection de l’abbé Laurent en 1099/1100. D’après la chronique d’Hugues de Flavigny, contemporaine des événements, l’introduction de cette pratique n’a provoqué de conflits ni au sein de la communauté de Saint-Vanne ni entre elle et l’évêque Richer de Verdun, qui aurait assumé sans réserve le rôle passif que lui avaient conféré les moines. Avant de procéder à l’élection, les moines l’expulsèrent de la salle capitulaire et ne le rappelèrent qu’après pour lui faire approuver et consacrer le nouvel élu auquel ils avaient remis les insignes (crosse, bague, gants)12. Pour la communauté de Saint-Vanne, la cérémonie de l’investiture de l’abbé Laurent représentait quelque chose d’inédit car ses prédécesseurs, Rimoald et Rodolphe, avaient encore été choisis par l’évêque13.
10La pratique de l’auto-investiture fut également adoptée dans l’abbaye de Saint-Mihiel qui était un pilier important des comtes de Bar dans le diocèse de Verdun. Descendants de la première lignée de ducs de Haute-Lotharingie, les comtes de Bar avaient hérité de l’avouerie de Saint-Mihiel en 1033, exerçant ainsi une influence primordiale sur l’abbaye14. D’après un acte de 1117 réglant l’investiture de l’abbé, les moines de Saint-Mihiel remirent en cause pour la première fois vers la fin des années 1070 la coutume selon laquelle le comte de Bar se réservait le droit d’investir lui-même l’abbé en lui remettant la crosse. Conscient qu’il s’agit d’un crime contre l’autorité du droit canonique, l’abbé Sigefroid se serait rendu à Rome pour livrer sa crosse à Grégoire VII. Après le retour de l’abbé, la comtesse Sophie de Bar serait partie elle aussi pour Rome et se serait excusée auprès du pape pour avoir investi l’abbé Sigefroid. En dépit de cet acte de pénitence, le fils de Sophie, Thierry de Bar, insista, après la mort de sa mère, pour investir lui-même l’abbé. Le conflit survenu entre lui et les moines lors de l’élection de l’abbé Ornatus, successeur de Sigefroid, fut réglé par un compromis : le comte devait déposer la crosse sur l’autel et y conduire l’élu pour que celui-ci la ramasse. C’est ainsi que fut investi aussi l’abbé Odalric, successeur d’Ornatus. Après la mort d’Odalric, les moines décidèrent finalement d’investir eux-mêmes leur nouvel élu, Lanzon ; ils estimèrent même inutile de prévenir le comte de Bar, Renaud Ier, le fils de Thierry.
11Bien évidemment, Renaud Ier en fut fort mécontent ; il aurait même menacé les moines de les chasser de leur abbaye et de dévaster leurs terres. Mais une fois calmé par des « hommes prudents », il aurait finalement accepté de paraître devant une assemblée que les moines avaient convoquée pour négocier l’affaire. Renaud aurait alors compris que les moines n’avaient pas agi contre lui, mais bien au contraire en faveur de son propre salut, l’investiture par un laïc ayant pour conséquence l’excommunication, voire son supplice infernal. D’après l’acte que les moines firent établir lors de cette assemblée, ceux-ci seraient parvenus à convaincre le comte en présentant trois décrétales condamnant chacune l’investiture faite par un laïc15.
12Toutefois, leur capacité à imposer leur position forte ne semble pas avoir reposé uniquement sur leur recours à des dispositions du droit canonique. Il faut également tenir compte du fait que la position du comte était à ce moment-là très affaiblie à cause du conflit qui l’opposait à l’évêque Richard de Verdun. Ce dernier l’avait dépourvu de ses fonctions d’avoué de Verdun et de ses droits comtaux sur l’évêché pour les céder à Guillaume de Luxembourg. En 1113, l’évêque assiégea l’abbaye de Saint-Mihiel et, à l’aide de l’empereur, il finit même par faire Renaud de Bar prisonnier16.
13Pour les moines, cette situation fut favorable dans la mesure où elle leur permettait de tirer profit de la faiblesse de Renaud Ier pour reconfigurer les rapports de force qui les liaient à lui. En revanche, l’acceptation des revendications des moines permettait à Renaud de compenser sa perte de légitimité causée par les attaques répétées du camp de l’évêque en se présentant devant un public nombreux qui le reconnaissait dans ses fonctions de comte de Bar et d’avoué de Saint-Mihiel. L’acte de 1117 réglant l’investiture de l’abbé de Saint-Mihiel fut souscrit par plusieurs abbés, clercs et laïcs de la région. Parmi ceux-ci, se trouvaient aussi les seigneurs d’Apremont et de Belrain, dont les châteaux étaient situés dans une zone s’étendant d’une quinzaine de kilomètres au sud de Saint-Mihiel et alors contrôlée par Renaud Ier. Étant attestés en tant que sous-avoués de Saint-Mihiel, ces seigneurs comptaient sans doute parmi les vassaux de Renaud17. Il ne s’agit donc pas d’un choix individuel de ce dernier, mais bien d’une décision supportée par les principaux piliers de son pouvoir dans la région limitrophe de Saint-Mihiel.
14À première vue, l’acte de 1117 représente un triomphe éclatant de la « réforme grégorienne » sur un laïc obsédé par son pouvoir sur une institution ecclésiastique. Mais vu le contexte des affrontements militaires dans le Verdunois, dont l’acte ne fait pas mention, il s’avère plutôt être un compromis, voire un « deal » qui permettait aux moines de reconfigurer le capital symbolique de l’investiture de l’abbé en leur propre faveur et à Renaud de Bar de profiter du capital symbolique de son autorité publique à un moment où celle-ci était en train de s’affaiblir.
L’évolution des immunités monastiques
15En parlant de l’évolution des immunités monastiques en Lorraine, il importe d’abord de souligner que celles-ci n’ont pas été instaurées par la « réforme grégorienne ». La plus connue est certainement celle de l’abbaye de Saint-Vanne de Verdun, attestée pour la première fois au début du xie siècle. Elle était le produit d’une collaboration étroite et progressive entre les moines et différents acteurs locaux, y compris l’évêque, qui, en transférant à l’abbaye plusieurs biens situés sur le Mont-Saint-Vanne, entendaient construire une zone d’immunité. Celle-ci fut par la suite entourée de murs et de bornes pour circonscrire ce que l’on appelait plus tard « le ban du Mont-Saint-Vanne ». Reposant sur le consensus de différents acteurs issus en particulier du milieu urbain, cette immunité devint fragile au moment où les conséquences politiques de la « réforme grégorienne » mirent en branle l’opposition entre Saint-Vanne et les évêques verdunois18.
16Dans la continuation des Gestes des évêques de Verdun que Laurent de Liège écrivit à Saint-Vanne vers la fin des années 1130 se trouve un récit indubitablement tendancieux certes, mais très détaillé du conflit qui opposa les moines aux prélats verdunois durant une vingtaine d’années. En 1107, lors d’un synode réuni à Troyes, Pascal II avait excommunié l’évêque Richard à cause de sa fidélité envers de l’empereur. Il ordonna à l’abbé de Saint-Vanne de veiller à ce que cette sentence soit respectée et d’empêcher les habitants de la cité de Verdun de fréquenter l’excommunié. En conséquence, Richard confisqua les droits liés au ban du Mont-Sanne-Vanne et fit enfermer les moines dans leur abbaye. Même après la mort de Richard survenue en 1114, cette querelle était encore loin d’être achevée, car son successeur, Henri (1117-1129), refusait lui aussi de restituer ces droits. Pour les récupérer, les moines sollicitèrent à plusieurs reprises le soutien des papes Calixte II et Honorius II. En 1128, ce dernier parvint finalement à convoquer Henri à Rome et à le faire comparaître devant un tribunal, où il œuvra avec ses cardinaux à mettre un terme à ce conflit. Mais n’ayant pas pu réconcilier les deux partis, Honorius II dut ordonner à son légat Mathieu d’Albane de se charger de l’affaire. Lors d’un synode réuni à l’instigation de ce légat un an plus tard à Châlons-en-Champagne, l’évêque Henri de Verdun finit par démissionner de sa fonction épiscopale19. Dans le cas de Saint-Vanne, la « réforme grégorienne » n’avait pas pour conséquence une extension de l’immunité monastique, ses implications politiques provoquèrent bien au contraire un grave conflit entre les moines et l’évêque et contribuèrent ainsi à l’érosion d’une immunité établie durant la période précédente.
17En ce qui concerne le marquage et la délimitation des immunités monastiques, les historiens qui se sont interrogés sur cette question ont souvent souligné l’importance du pape Léon IX. Lors de ses voyages, ce pape accorda en effet à plusieurs églises une immunité qu’il avait circonscrite en faisant un circuit autour de l’aître ou d’autres aires de l’institution concernée20. En Lorraine, c’était le cas à Bouzonville, fondation familiale des ducs de Haute-Lotharingie située à la périphérie septentrionale du diocèse de Metz. Après y avoir délimité l’aire d’immunité, Léon IX confirma l’abbaye au duc Gérard Ier en approuvant les droits d’avoué de ce dernier21. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une immunité au sens « grégorien » visant à libérer l’église de la mainmise des laïcs, mais d’une immunité dont les détails avaient été définis en collaboration étroite avec le duc, patron principal de l’abbaye.
18Les immunités monastiques qui ne résultaient pas de la collaboration avec des instances régionales ne sont attestées en Lorraine qu’au début du xiie siècle, où elles apparaissent pour la première fois dans les privilèges du pape Pascal II. C’est par exemple le cas de l’abbaye de Gorze, où l’immunité accordée par le pape en 1105 concerne, outre l’abbaye et son église, le château qui était situé à côté ainsi que la ville en contrebas, et, de façon moins radicale, même les prieurés situés dans d’autres diocèses. Le privilège de Pascal II pour Gorze interdit à tous les laïcs de résider dans le château sans l’accord de l’abbé. De même, il empêchait l’évêque et tous ses fonctionnaires d’exercer un pouvoir quelconque dans la ville et son église paroissiale sous prétexte qu’elles relevaient toutes deux exclusivement de la juridiction de l’abbaye et de son abbé22.
19Cette immunité fut mise à l’épreuve après la destitution de l’évêque impérial Adalbéron IV de Metz que les papes Pascal II, Gélase II et Calixte II s’efforcèrent de remplacer par l’abbé Théoger de Sankt Georgen, abbaye située dans la Forêt Noire et appartenant au cercle réformateur de l’abbaye de Hirsau. D’après la Vie qui fut écrite sur lui par Wolfger de Prüfening, Théoger ne pouvait pas entrer dans la ville de Metz parce que les bourgeois y auraient fait barrage. Il fut donc décidé de l’envoyer à l’abbaye de Gorze pour qu’il y consacre le Saint Chrême. Mais à Gorze, Théoger se vit aussi confronté à une foule déchaînée qui l’empêcha d’entrer sur le site, bien que l’abbé eût déjà fait tous les préparatifs pour la cérémonie de consécration. Armée de matraques et d’épées, cette foule composée de moines et de villageois serait finalement parvenue à chasser Théoger qui rejoignit ensuite l’entourage de Calixte II et mourut à Cluny vers la fin de l’année 111923.
20Les chercheurs qui ont étudié ce cas expliquent la résistance des bourgeois messins et de la foule mobilisée à Gorze par la fidélité de ces deux groupes vis-à-vis de l’empereur24. Toutefois, il n’y a aucun indice dans les sources confirmant une telle hypothèse. Quant aux citadins messins, ceux-ci s’étaient déjà résolument opposés aux candidats choisis par l’empereur Henri IV pour remplacer l’évêque Hériman. C’est justement durant cette période de crises successives de l’autorité épiscopale que les élites urbaines messines commencèrent à s’organiser et à réclamer une certaine autonomie25. Tout porte donc à croire que les Messins voyaient également dans les tentatives répétées des papes d’installer Théoger sur le siège de Metz une atteinte à leur nouvelle autonomie. C’est sans doute aussi le cas des moines et villageois de Gorze. Le privilège de Pascal II ayant prescrit que le site entier relève uniquement de la justice de l’abbaye et de son abbé26, les moines pouvaient sans doute réclamer un droit de regard dans le choix des personnes autorisées à y entrer, ce que leur abbé n’avait apparemment pas respecté.
21Comme le cas de Saint-Vanne, celui de Gorze montre que l’extension des immunités monastiques en Lorraine ne provoqua de graves conflits qu’au moment où les communautés religieuses furent touchées par les implications politiques de la « réforme grégorienne ». Par ailleurs, le cas de Gorze illustre l’importance de ces implications politiques dans la mesure où elles favorisèrent l’émergence et la mobilisation de communautés non religieuses qui, d’après les sources, ne constituaient auparavant pas un facteur-clé ni pour l’autorité de l’évêque ni pour la défense des libertés monastiques.
Transferts et gestion des églises paroissiales
22Jusqu’à la fin des années 1080, les listes de biens contenues dans les chartes des évêques lorrains et dans les actes pontificaux ne faisaient référence qu’aux noms de lieu, sans préciser s’il s’y trouvait une église. Cela change durant la décennie suivante. Aux noms de lieux s’ajoutent progressivement des termes tels que ecclesia ou cum decimis27. De plus, ces deux types d’actes contiennent désormais même des dispositions visant à définir le statut des églises paroissiales en fixant les droits du monastère concerné et respectivement ceux de l’évêque28. Ce changement dans le vocabulaire des actes est donc le reflet d’une conscience alternée du côté des bénéficiaires et des auteurs pour ce qui est de leur conception des biens et droits monastiques. Au-delà, le fait que les communautés religieuses se disputaient désormais les églises paroissiales – et non plus les lieux – montre que la Lorraine était elle aussi affectée par la sacralisation des biens, phénomène caractéristique des glissements sociaux causés par la « réforme grégorienne29 ».
23Pour illustrer la portée de ce phénomène, nous allons ici brièvement évoquer la querelle entre les chanoines réguliers de Chaumousey et les moniales de Remiremont, dont nous connaissons les détails grâce à la chronique de l’abbé Seher de Chaumousey, contemporaine de ces événements. Cette querelle portait sur l’autel de l’église paroissiale de Chaumousey que l’évêque Pibon de Toul avait concédé aux chanoines vers 1103, ce qui fut confirmé ensuite par le pape Pascal II. Les moniales de Remiremont qui prétendaient être en possession d’une part de l’église contestaient ce règlement. Comme l’évêque ne donna pas suite à leur plainte, elles s’efforcèrent de récupérer leur part en faisant appel au duc Thierry II de Haute-Lotharingie, avoué de Remiremont, qui n’hésita pas à occuper par la force le site de Chaumousey pour faire plier les chanoines. Pour entraver les moniales et leurs alliés dans leurs tentatives de prendre possession de l’église de Chaumousey, les chanoines sollicitèrent à plusieurs reprises le pape Pascal II et son légat Richard d’Albane. Après environ quatre années d’altercations acharnées, Pascal II parvint finalement à faire comparaître les deux partis devant un tribunal convoqué à Langres le 23 février 110730. L’acte qui y fut établi pour régler l’affaire ordonna aux chanoines de céder l’autel de l’église aux moniales en précisant que celui-ci leur aurait été transféré par un laïc, et ce après que Grégoire VII eut explicitement condamné ce genre de donations31. En désaccord avec cette version « grégorienne » des choses, l’abbé Seher de Chaumousey soutint que le transfert de l’église correspondait à la coutume alors prédominante dans sa région32.
24Vue dans ce contexte, la concession de l’église par l’évêque Pibon de Toul semble avoir visé à dissimuler les circonstances d’un transfert traditionnel que les réformateurs et leurs partisans considéraient comme étant une pratique simoniaque. Mise en relation avec les changements dans le vocabulaire des actes que l’on vient d’évoquer, elle s’avère être aussi une possibilité pour l’évêque d’étendre son influence par le biais des églises paroissiales sur des régions éloignées de la cité épiscopale puisque la concession d’une église paroissiale lui permettait de se réserver le droit de présenter un candidat à la cure ou de réclamer une partie des revenus et offrandes. Vue dans un contexte plus large, cette querelle montre combien les revendications de la « réforme grégorienne » contribuèrent à renforcer l’influence de la papauté à l’échelon local. Étant la seule autorité, autre que le pouvoir épiscopal, habilitée à intervenir sur les transferts et la gestion des églises paroissiales, les interactions avec les souverains pontifes devinrent de plus en plus nombreuses, a fortiori lorsque les reconfigurations des rapports de dépendances locales déchaînaient des conflits.
Conclusion
25Les altercations répétées entre le pape et l’empereur à propos des sièges épiscopaux de Metz et Verdun ne furent pas sans implications. Dans certains cas, elles contribuèrent à déchirer les liens qui unissaient les communautés religieuses et les évêques durant la période précédente, en particulier à Saint-Vanne. En affaiblissant l’autorité épiscopale, elles favorisèrent aussi la mobilisation de communautés non religieuses dans le milieu urbain, notamment à Metz où les bourgeois constituaient désormais un groupe influent susceptible de décider de la légitimité de l’évêque. De même, elles causaient des tensions au sein de certaines communautés religieuses, comme à Saint-Èvre et en particulier à Gorze où elles provoquaient une émeute des villageois et des moines.
26Par ailleurs, la dimension sociale du phénomène « grégorien » se manifeste en Lorraine par les changements profonds qui caractérisent les rapports entre les communautés religieuses et l’évêque pour ce qui est du temporel monastique. Celui-ci est affecté par une forte sacralisation des biens qui ouvrit de nouvelles possibilités à l’évêque pour renforcer son influence dans les régions périphériques du diocèse. Cette évolution contrebalançait en quelque sorte la perte progressive de l’autorité épiscopale causée, d’une part, par les altercations entre le pape et l’empereur, et de l’autre, par les dispositions des actes pontificaux visant à limiter l’influence de l’évêque sur les monastères. En revanche, cette évolution contribua à provoquer de graves conflits entre différentes communautés religieuses qui, en reprenant progressivement à leur compte la lutte « grégorienne » menée de plus en plus radicalement contre toutes sortes de simonie, pouvaient désormais contester la légitimité de certains transferts de biens. En somme, la « réforme grégorienne » affectait donc considérablement les rapports sociaux qu’entretenaient les communautés religieuses lorraines. Toutefois, les processus de reconfigurations qu’elle engendra ne furent pas tous violents, et n’ont pas tous déchiré de manière décisive les liens traditionnels. Dans la plupart des cas, ils reposaient sur le consensus des acteurs concernés qui voyaient dans cette « réforme » la possibilité soit de récompenser leur perte de légitimité, soit de viabiliser de nouveaux champs d’action. C’est ainsi qu’elle favorisa l’essor de la papauté comme puissance de plus en plus importante en Lorraine, la redéfinition des rapports de force nécessitant souvent la validation par une instance externe autorisée à décider dans ce genre de reconfigurations du pouvoir.
Notes de bas de page
1Erkens Franz-Reiner, Die Trierer Kirchenprovinz im Investiturstreit, Cologne/Vienne, Böhlau, coll. « Passauer Historische Forschungen », 1987 ; Hari Arnaud, Écrire l’histoire des évêques de Metz au Moyen Âge. Les Gesta episcoporum messins de la fin du viiie siècle à la fin du xive siècle, vol. I, thèse d’histoire, sous la direction de Mireille Chazan, université de Metz, 2010, p. 187-216 ; Choux Jacques, « Pibon, évêque de Toul, et la Querelle des Investitures (1069-1107) », in Jacques Choux (dir.), La Lorraine chrétienne au Moyen Âge. Recueil d’études, Metz, Éditions Serpenoise, 1981, p. 79-106 ; Choux Jacques, Recherches sur le diocèse de Toul au temps de la Réforme grégorienne. L’épiscopat de Pibon (1069-1107), Nancy, Société d’archéologie lorraine, coll. « Recueil de documents sur l’histoire de Lorraine », 1952 ; Hirschmann Frank G., Verdun im hohen Mittelalter. Eine lothringische Kathedralstadt und ihr Umland im Spiegel der geistlichen Institutionen, vol. II, Trèves, Verlag Trierer Historische Forschungen, coll. « Trierer Historische Forschungen », 1996, p. 393-411 et 449-463 ; Dauphin Hubert, « L’abbaye Saint-Vanne de Verdun et la Querelle des Investitures », Studi gregoriani per la storia di Gregorio VII e della riforma gregoriana, no 1, 1947, p. 237-261.
2Voir la note précédente.
3Zimmermann Harald (éd.), Papsturkunden (896-1046), t. I : 896-996, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, coll. « Österreichische Akademie der Wissenschaften, philosophisch-historische Klasse, Denkschriften », 1984, p. 402-404, no 204 : « illud monasterium sancti Uincentii respiciens sit ad sedem episcopalem prothomartyris Christi Stephani, iubemus atque abbas in potestate episcopi ipsius loci eligendus sit ».
4Charte Artem/CMJS no 223 [http://telma.irht.cnrs.fr/outils/originaux/charte223/], consulté le 14 décembre 2022 ; voir sur ce point plus récemment Engl Hannes, « Die Bedetutung des Pontifikats Leos IX. für die Beziehungen Oberlotharingiens zum Papsttum (ca. 1049-ca. 1130) », in Francesco Massetti (dir.), Un vescovo imperiale sulla cattedra di Pietro. Il pontificato di Leone IX (1049-1054) tra regnum e sacerdotium, Milan, Vita e pensiero, coll. « Ricerche, Storia-Ordines », 2021, p. 89-106, ici p. 97-100.
5C’est par exemple le cas des actes de Pascal II pour le chapitre cathédral de Toul et les chanoines réguliers de Saint-Pierremont (diocèse de Metz) et de Chaumousey (diocèse de Toul), voir Parisse Michel : « Bullaire de la Lorraine (jusqu’à 1198) », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, no 69, 1969, p. 1-98, ici p. 24, no 85 et no 86 et p. 28, no 112.
6Schaeffer Michèle, Chartes de l’abbaye de Saint-Epvre de Toul des origines à 1228, thèse d’histoire, sous la direction de Michel Parisse, université de Nancy, 1984, p. 225, no 43 : « Defuncto vero abbate […] ex dissensione regni et ecclesie que tunc erat ferventissima de substituendo abbate multo tempore intercessit contentio. »
7Choux Jacques, Recherches sur le diocèse de Toul…, op. cit., p. 119, n. 34.
8Schaeffer Michèle, Chartes de l’abbaye de Saint-Epvre…, op. cit., p. 225, no 25 : « Cum igitur et ego adhuc adolescens presertim talibus minus intenderem. »
9Margue Michel, « Châteaux et prieurés vers 1100 en Lotharingie centrale : de la dynamique de la fondation aux rapports ambivalents. Useldange et les autres », Revue belge de philologie et d’histoire, no 96, 2018, p. 669-690, ici p. 681-683 ; Bönnen Gerold, Die Bischofsstadt Toul und ihr Umland während des hohen und späten Mittelalters, Trèves, Verlag Trierer Historische Forschungen, coll. « Trierer Historische Forschungen », 1995, p. 240-243.
10Boshof Egon, « Untersuchungen zur Kirchenvogtei in Lothringen im 10. und 11. Jahrhundert », Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, kanonistische Abteilung, no 65, 1979, p. 55-119, ici p. 69-70.
11Parisse Michel, « Bullaire de la Lorraine », art. cité, p. 29, no 113 ; Schaeffer Michèle, Chartes de l’abbaye de Saint-Epvre…, op. cit., p. 227-230, no 44.
12Hugues de Flavigny, « Chronicon Virdunense », éd. Georg Heinrich Pertz, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, coll. « Monumenta Germaniae Historica Scriptores in Folio VIII », 1848, p. 501 ; Hirschmann Frank G., Verdun im hohen Mittelalter, op. cit., p. 455-456 ; Seibert Hubertus, Abtserhebungen zwischen Rechtsnorm und Rechtswirklichkeit. Formen der Nachfolgeregelung in lothringischen und schwäbischen Klöstern der Salierzeit (1024-1125), Mayence, Selbstverlag der Gesellschaft für mittelrheinische Kirchengeschichte, coll. « Quellen und Abhandlungen zur mittelrheinischen Kirchengeschichte », 1995, p. 396-398 ; concernant la date, voir l’analyse très pointue de Lawo Mathias, Studien zu Hugo von Flavigny, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, coll. « Monumenta Germaniae Historica Schriften », 2010, p. 37-40.
13Hirschmann Frank G., Verdun im hohen Mittelalter, op. cit., p. 451-452.
14Parisse Michel, « In media Francia. Saint-Mihiel, Salonnes et Saint-Denis (viiie-xiie siècles) », in Collectif, Media in Francia. Recueil de mélanges offertes à Karl Ferdinand Werner à l’occasion de son 65e anniversaire par ses amis et collègues français. Avec une préface de Georges Duby de l’Académie française, Maulévrier, Hérault, 1989, p. 319-343, ici p. 334-335 ; Boshof Egon, « Untersuchungen zur Kirchenvogtei… », art. cité, p. 78-80.
15Lesort André (éd.), Chronique et chartes de l’abbaye de Saint-Mihiel, Paris, C. Klincksieck, coll. « Mettensia », 1909-1912, p. 232-237, no 65 ; Seibert Hubertus, Abtserhebungen…, op. cit., p. 385-387 et 398.
16Gillen Anja, Saint-Mihiel im hohen und späten Mittelalter. Studien zu Abtei, Stadt und Landesherrschaft im Westen des Reiches, Trèves, Kliomedia, coll. « Trierer Historische Forschungen », 2003, p. 134-135.
17Parisse Michel, Noblesse et chevalerie en Lorraine médiévale. Les familles nobles du xie au xiiie siècle, Nancy, Service des publications de l’université de Nancy II, 1982, p. 139-144 et 149-151.
18Devroey Jean-Pierre, « Du grand domaine carolingien à la “seigneurie monastique”. Saint-Remi de Reims, Gorze, Saint-Vanne de Verdun (880-1050) », in Dominique Iogna-Prat, Michel Lauwers, Florian Mazel et Isabelle Rosé (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Art & Société », 2013, p. 279-298, ici p. 282-283.
19Laurent de Liège, Gesta episcoporum Virdunensium, chap. xvi-xxvii, éd. Georg Waitz, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, coll. « Monumenta Germaniae Historica Scriptores in Folio X », 1852, p. 500-506 ; voir aussi Hirschmann Frank G., Verdun im hohen Mittelalter, op. cit., p. 457-462. Une partie des lettres pontificales rédigées au sujet de cette querelle sont connues grâce à leur insertion dans les Gestes des évêques de Verdun. D’autres furent copiées dans le cartulaire de Saint-Vanne du xiie siècle, dont nous ne sont parvenues que deux copies datant de la fin du xve siècle, voir Bloch Hermann, « Die älteren Urkunden des Klosters Saint-Vanne zu Verdun, Teil 1 », Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde, no 10, 1898, p. 338-449, ici p. 342-345 ; il s’agit des lettres recensées par Parisse Michel, « Bullaire de la Lorraine », art. cité, p. 27-35 nos 103, 104, 135, 137 et 143.
20Voir notamment Iogna-Prat Dominique, « Léon IX, pape consécrateur », in Benoît-Michel Tock et Georges Bischoff (dir.), Léon IX et son temps. Actes du colloque international organisé par l’Institut d’histoire médiévale de l’université de Strasbourg-Eguisheim, 20-22 juin 2002, Turnhout, Brepols, coll. « Atelier de recherches sur les textes médiévaux », 2006, p. 355-383.
21Notitiae fundationis monasterii Bosonis-villae, éd. Oswald Holder-Egger, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, coll. « Monumenta Germaniae Historica Scriptores in Folio XV/2 », 1888, p. 980 ; voir sur ce point toujours Perrin Charles-Edmond, Recherches sur la seigneurie rurale en Lorraine d’après les plus anciens censiers (ixe-xiie siècle), Paris, Les Belles Lettres, 1935, p. 471-475.
22Herbomez Armand d’ (éd.), Le cartulaire de l’abbaye de Gorze, Ms. 826 de la Bibliothèque de Metz, Paris, C. Klincksieck, coll. « Mettensia », 1898, p. 251-252, no 143 : « Ipsum sane monasterium castrum, ita liberum, ita immune persistere arbitramur, ut nulli seculari persone infra illud liceat, sine abbatis licentia, habitare. In adjacenti etiam villa, nec diocesanus episcopus, nec archidiaconus, vel persona quelibet per eos missa, preter abbatis consensum, aliquam exerceat potestatem, sed tam villa quam capella illic sita, sub jure semper cenobii et abbatis dispositione persistentes, consuete libertatis integritate potiantur. »
23Wolfger de Prüfening, Vita Theogeri abbatis S. Georgii et episcopi Mettensis, chap. xxvi, éd. Philipp Jaffé, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, coll. « Monumenta Germaniae Historica Scriptores in Folio XII », 1856, p. 477 : « Iamque aderat dies […] quo ut chrisma conficeret, episcopalis ordo poscebat. Sed quid ageret, ignorabat. In loco, quo manebat, quae tanto officio usui, habere non poterat ceterum in civitate id fieri tumultuantis populi seditio prohibeat. Tandem consilium fuit, ut apud Gorziense coenobium eiusdem consecrationis compleret officium. Abbas loci per nuntium de adventu episcopi perdocetur; et omnibus, quae rei utilitas postulabat, rite provisis, pridie advenit episcopus. Iam passim fama disperserat, Gorziam venisse pontificem, et ecce homines loci illius cum gladiis et fustibus exierunt tamquam ad latronem. »
24Hari Arnaud, Écrire l’histoire…, op. cit., p. 208 ; Erkens Franz-Reiner, Trierer Kirchenprovinz…, op. cit., p. 238.
25Parisse Michel, « Metz dans l’Église impériale », in François-Yves Le Moigne (dir.), Histoire de Metz, Toulouse, Privat, coll. « Univers de la France et des pays francophones », 1986, p. 109-135, ici p. 119-121.
26« tam villa quam capella illic sita, sub jure semper cenobii et abbatis dispositione persistentes », voir la page précédente.
27Voir Choux Jacques, Recherches sur le diocèse de Toul…, op. cit., p. 70-71.
28C’est par exemple le cas d’un privilège du pape Urbain II pour l’abbaye de Saint-Mihiel, voir Lesort André (éd.), Chronique et chartes, op. cit., p. 314, note 1.
29Voir Mazel Florian, « Introduction : une “révolution totale” ? Penser la réforme grégorienne par-delà les frontières historiographiques », in Tristan Martine et Jérémy Winandy (dir.), La Réforme grégorienne, une « révolution totale » ?, Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres, civilisation médiévale », 2021, p. 15-25, ici p. 21.
30Engl Hannes, « Aspects diplomatiques des relations entre la papauté et les premiers chanoines réguliers en Lorraine (fin xie-début xiie siècles) », in Tristan Martine et Jessika Nowak (dir.), D’un regnum à l’autre. La Lotharingie, un espace de l’entre-deux ? Vom regnum zum imperium. Lotharingien als Zwischenreich?, Nancy, Éditions universitaires de Lorraine, coll. « Archéologie, espaces, patrimoines », 2020, p. 309-324, ici p. 316-318.
31Charte Artem/CMJS no 2646, [http://telma.irht.cnrs.fr/outils/originaux/charte2646/], consulté le 14 décembre 2022 : « quia secularis miles ęcclesię res injuste possessas jure donare non potuit, maxime cum iidem fratres donum ipsum post apostolicę memorię Gregorii septimi papę concilium acceperint, in quo nimirum concilio idem pontifex priorum statuta renovans decimas aut alias res ecclesiasticas a laicis suscipi vetuit ».
32Seher de Chaumousey, De primordiis Calmosiacensis monasterii, éd. Léopold Duhamel, Paris, J.-B. Dumoulin, coll. « Documents rares ou inédits de l’histoire des Vosges », 1869, p. 38 : « Sicque nos eidem judicio consentientes, portione parochialis ecclesiae, quam a supradicto viro Theoderico, juste quidem secundum consuetudinem terrae nostrae, susceperamus, carere nos adquievimus. »
Auteur
-
Hannes Engl
Université du Luxembourg, Université d’Aix-la-Chapelle (RWTH Aachen University).
Hannes Engl est docteur en histoire de l’université du Luxembourg et actuellement postdoc à l’université d’Aix-la-Chapelle (RWTH Aachen University). Ses recherches portent sur la Lotharingie et l’histoire ecclésiastique, particulièrement sur la papauté, les communautés religieuses et la réforme grégorienne.

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