• Contenu principal
  • Menu
OpenEdition Books
  • Accueil
  • Catalogue de 15363 livres
  • Éditeurs
  • Auteurs
  • Facebook
  • X
  • Partager
    • Facebook

    • X

    • Accueil
    • Catalogue de 15363 livres
    • Éditeurs
    • Auteurs
  • Ressources numériques en sciences humaines et sociales

    • OpenEdition
  • Nos plateformes

    • OpenEdition Books
    • OpenEdition Journals
    • Hypothèses
    • Calenda
  • Bibliothèques

    • OpenEdition Freemium
  • Suivez-nous

  • Newsletter
OpenEdition Search

Redirection vers OpenEdition Search.

À quel endroit ?
  • Presses universitaires de Rennes
  • ›
  • Histoire
  • ›
  • Les Jeux olympiques de 1892 à 2024
  • ›
  • Troisième partie. Mondialisations (1948-...
  • ›
  • Chapitre XV. Tokyo 1964
  • Presses universitaires de Rennes
  • Presses universitaires de Rennes
    Presses universitaires de Rennes
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Liens vers le livre
    Informations sur la couverture
    Table des matières
    Formats de lecture

    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Le plébiscite de Tokyo en 1959 Une parade martiale dans l’ancien stade Meiji et le poids du souvenir d’Hiroshima Les intégrations retardées du Cameroun, du Tanganyika et de la Mongolie Le penchant du CIO pour les pays de l’apartheid et le refoulement de l’Indonésie L’introduction du judo, comme premier sport non occidental, et du volleyball L’étau sportif socialiste resserré sur les États-Unis L’honneur sauf du Japon malgré la défaite du judoka Kaminaga face à Geesink Le second étiage olympique de la France Les dernières chasses gardées des Américaines La vérification discriminante du genre des sportives comme enjeu de guerre froide Vera Caslavska, les escrimeuses de Hongrie et les volleyeuses du Japon Le Conseil supérieur du sport en Afrique contre le CIO Bibliographie

    Les Jeux olympiques de 1892 à 2024

    Ce livre est recensé par

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Chapitre XV. Tokyo 1964

    L’arrimage longtemps contrarié du Japon et de l’Asie

    p. 187-198

    Texte intégral Le plébiscite de Tokyo en 1959 Une parade martiale dans l’ancien stade Meiji et le poids du souvenir d’Hiroshima Les intégrations retardées du Cameroun, du Tanganyika et de la Mongolie Le penchant du CIO pour les pays de l’apartheid et le refoulement de l’Indonésie L’introduction du judo, comme premier sport non occidental, et du volleyball L’étau sportif socialiste resserré sur les États-Unis L’honneur sauf du Japon malgré la défaite du judoka Kaminaga face à Geesink Le second étiage olympique de la France Les dernières chasses gardées des Américaines La vérification discriminante du genre des sportives comme enjeu de guerre froide Vera Caslavska, les escrimeuses de Hongrie et les volleyeuses du Japon Le Conseil supérieur du sport en Afrique contre le CIO Bibliographie

    Texte intégral

    1Pour la première fois en 1964, les Jeux olympiques se déroulent en dehors du monde occidental, en l’occurrence à Tokyo, la capitale de l’empereur Hirohito qui règne sur l’Empire du Soleil Levant depuis 1926. Après Melbourne en 1956, et avant Mexico en 1968, le CIO poursuit ainsi son programme de mondialisation olympique. À cette époque-là, il est vrai, le Japon est le seul pays du Tiers-monde – il est représenté à la Conférence de Bandung en avril 1955 réunissant 29 pays africains et asiatiques – à présenter un développement économique suffisant pour organiser les XVIIIe Jeux olympiques. Favorisé par les États-Unis qui occupent encore son territoire et qui en font un poste avancé de leur sécurité face à la Chine de Mao et à l’URSS de Staline, le Japon connaît un boom économique depuis la fin des années 1940.

    2Retransmis en mondovision, et en couleur pour ceux qui ont accès à cette nouvelle technologie, les Jeux de Tokyo vont fonctionner comme un immense écran publicitaire destiné à prouver au monde entier que le Japon est entré en modernité. D’ailleurs, la première ligne de son train à grande vitesse (Shinkansen) est inaugurée entre Tokyo et Osaka neuf jours avant la cérémonie d’ouverture. Et, en cette même année 1964, les vingt puissances fondatrices de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) font du Japon le premier pays non atlantique membre de cette organisation qui rassemble les pays développés et démocratiques. Ce schéma qui consiste à utiliser les Jeux pour faire la preuve de son entrée en modernité sera reproduit par d’autres puissances émergentes comme la Corée du Sud en 1988, la Chine en 2008, le Brésil en 2016, en attendant l’Inde pour 2036 ou 2040.

    Le plébiscite de Tokyo en 1959

    3À vrai dire, le CIO avait déjà fait en 1936 le choix de Tokyo pour organiser les Jeux de 1940 qui auraient correspondu au 2600e anniversaire de la dynastie régnante. Mais, pour avoir signé en septembre 1940 un pacte tripartite avec Mussolini et Hitler, le Japon devra attendre quinze ans avant de prétendre organiser les Jeux olympiques d’été. Au moment de la 55e session du CIO à Munich, en mai 1959, quatre villes sont candidates pour succéder à Melbourne : Tokyo qui est choisie dès le premier tour avec 34 voix, mais aussi Detroit, Vienne et Bruxelles qui obtiennent respectivement 10, 9 et 5 suffrages. Après tout, il s’agit là d’un exploit et d’une surprise puisque le Japon n’est adhérent de l’ONU que depuis trois années.

    4Pour expliquer ce plébiscite, on pourra certes arguer de la vitalité économique de ce pays dont le territoire représente en taille le tiers de la France. Mais c’est oublier que le CIO ne se détermine pas seulement sur des critères de faisabilité économique. Il s’inscrit aussi dans une histoire longue et vise avant tout à assurer sa propre pérennité dans un univers aussi concurrentiel et mouvant que celui du sport international. Choisir le Japon, alors que le président du CIO est pour la première fois un Américain, ce n’est assurément pas pour déplaire au département d’État. Mais il faut aussi garder à l’esprit qu’Avery Brundage s’est toujours montré extrêmement méfiant vis-à-vis d’une quelconque influence politique de son propre pays dans les affaires olympiques.

    Une parade martiale dans l’ancien stade Meiji et le poids du souvenir d’Hiroshima

    5Le stade olympique de Tokyo est à l’origine un terrain de parade transformé en 1924 en stade d’athlétisme et situé à l’intérieur du parc du sanctuaire de l’empereur Meiji. Il symbolise la conversion du Japon à la modernité athlétique dans l’entre-deux-guerres, mais aussi au militarisme car il sert de cadre en octobre 1943 à la fête d’adieu des étudiants partant à la guerre. Après la défaite militaire du Japon, le commandement suprême des forces alliées le reconvertit en stade de football américain, puis finit par le rendre au sanctuaire Meiji qui en transfère la propriété quatre ans plus tard au ministère de l’Éducation.

    6Agrandi et rénové pour les Jeux asiatiques de 1958 qui ont servi de test grandeur nature pour les Jeux olympiques, il est alors l’un des deux seuls stades du Japon pouvant accueillir 50 000 spectateurs. L’autre est le Hanshin Koshien de Nishinomiya dévolu au baseball et propriété d’une compagnie de chemin de fer privée. Pour la première fois, la cérémonie est retransmise en direct sur deux continents grâce à un satellite. Les caméras en couleur, utilisées pour la première fois, sont encore en nombre insuffisant pour couvrir l’ensemble des compétitions. Une atmosphère militaro-religieuse flotte encore une fois dans le stade olympique de Tokyo pour l’ouverture des Jeux. Le parfum de chrysanthème répandu dans le stade pour l’arrivée de la flamme est, en effet, une référence à la dynastie impériale dont c’est l’emblème.

    7Cinq avions à réaction des forces aériennes japonaises de défense territoriale – le pays n’a pas le droit d’entretenir une armée – dessinent les anneaux olympiques dans le ciel et ce sont huit membres des forces navales de Défense du territoire qui hissent le drapeau olympique. Si on ne tire plus qu’une salve d’artillerie contre trois à Rome, l’orchestre qui joue pendant le défilé se compose en revanche de 560 musiciens provenant des forces terrestres et navales de la défense du territoire et des agences de police et de pompiers. Quant aux athlètes, ils marchent encore au pas cadencé mais le balancement des bras est moins prononcé sauf pour quelques délégations comme l’Irak.

    8Du reste, une modification est introduite par le CIO dans le serment qui prend en compte le statut de neutralité du Japon et cherche à atténuer le contexte tendu de la guerre froide : la formule patriotique « l’honneur de nos pays » est remplacée par l’expression davantage sportive « l’honneur de nos équipes ». Yoshinori Sakai a été choisi pour allumer la vasque olympique car il est né le jour du bombardement d’Hiroshima, dans une petite localité toute proche de cette ville. Ce dernier déclarera en 2012 : « Aucun doute : cette flamme était un symbole de paix. Pourquoi moi ? Parce que j’ai survécu à Hiroshima. Le symbole était si fort. Après la cérémonie, j’ai reçu beaucoup de courrier. Pour moi, les Jeux de 1964 sont la preuve qu’une page était tournée, qu’un avenir s’ouvrait. Et cette flamme marquait le renouveau de mon pays. »

    Les intégrations retardées du Cameroun, du Tanganyika et de la Mongolie

    9L’orbe olympique continue à s’accroître d’une dizaine de nations à chaque édition olympique depuis la fin de la guerre pour atteindre le nombre de 94 pays représentés à Tokyo si on inclut la Libye dont l’unique représentant, un marathonien, a déclaré forfait après la cérémonie d’ouverture.

    10L’apport majeur est venu de sept pays qui se sont détachés en 1960 de la Communauté française, cette association politique créée deux ans plus tôt entre la France et son ancien empire colonial qui restreignait la souveraineté de ses membres africains : Congo-Brazzaville, Côte d’Ivoire, Madagascar, Mali, Niger, Sénégal, Tchad. À la différence du Royaume-Uni, la France n’a pas cherché à concéder l’autonomie sportive à ses colonies pour ralentir leur accès à l’indépendance. Le processus d’intégration olympique de l’Algérie s’est avéré en revanche plus rapide puisqu’elle accède à l’indépendance le 5 juillet 1962, que son comité olympique est constitué en octobre 1963, et qu’il est reconnu par le CIO au bout de trois mois. Cela s’explique par le fait que la nation algérienne existait grâce au sport avant 1962, et que le CIO n’a probablement pas voulu connaître la même mésaventure que la Fédération internationale de football association mise dans l’embarras par la création en avril 1958 d’une équipe du Front de libération nationale.

    11La reconnaissance olympique du Cameroun pourra sembler tout aussi rapide puisque son comité olympique est constitué en mai 1963 et reconnu au mois d’octobre suivant, ce qui lui permet d’être représenté par un athlète à Tokyo. Il aurait pu bénéficier pourtant d’une existence olympique plus précoce, du temps où il était un mandat de la SDN confié au Royaume-Uni. Le blocage est venu du fait que cette ancienne colonie allemande n’a pas été confiée en intégralité à Londres mais qu’elle a été partitionnée en 1919 en deux territoires mandataires confiés à la France et au Royaume-Uni, et que cette mise sous tutelle a été prolongée par l’ONU. Le Tanganyika est un autre exemple de colonie allemande pour laquelle la SDN a confié mandat au Royaume-Uni. Cela explique sûrement son accès tardif à l’indépendance en 1961 et son intégration olympique seulement lors des Jeux de Tokyo, l’année même où il fusionne avec Zanzibar pour prendre le nom de Tanzanie.

    12La Mongolie constitue un autre cas d’autonomie sportive tardive avec la création d’un comité olympique seulement en 1956 et sa reconnaissance par le CIO six ans plus tard, alors que cette république socialiste est née en 1924. C’est oublier qu’elle est tiraillée dès son origine entre les influences soviétique et chinoise. Se méfiant de la progression du camp communiste en son sein, le CIO aura préféré attendre sa reconnaissance par l’ONU en 1961.

    Le penchant du CIO pour les pays de l’apartheid et le refoulement de l’Indonésie

    13Face à la dissolution en 1963 de la Fédération de Rhodésie et Nyasaland, l’institution lausannoise accorde au gouvernement blanc de Rhodésie du Sud de pouvoir participer aux Jeux de Tokyo mais il n’a pas la même prévention pour les gouvernements noirs du Nyasaland et de la Rhodésie du Nord. Devenus indépendants en juillet et octobre 1964 sous les noms de Malawi et de Zambie, ils n’auront droit à leur première délégation olympique qu’en 1972 et en 2000 respectivement. Toutefois, comme la déclaration d’indépendance de la Zambie a eu lieu le dernier jour des Jeux de Tokyo, sa délégation a choisi de défiler avec un panneau « Zambia » lors de la cérémonie de clôture.

    14Cette question de la participation d’un pays qui pratique l’apartheid se pose aussi pour l’Afrique du Sud. Ce n’est que sous la pression des militants antiracistes du monde entier et des médias que le CIO refuse en 1964 d’accorder son invitation au Comité olympique blanc sud-africain. Cela peut sembler bien tardif si l’on considère que l’ONU a déjà adopté en novembre 1962 la résolution 1761 demandant aux États membres de rompre leurs relations diplomatiques et commerciales avec l’Afrique du Sud. L’argument utilisé pour ne pas agir par le président suprémaciste blanc Brundage tient au fait que le sport devrait rester en dehors de la politique.

    15Dans le cas de l’Indonésie, le CIO de Brundage s’est montré en revanche beaucoup plus ferme en l’excluant indéfiniment des Jeux olympiques pour avoir refusé en 1962 des visas aux athlètes israéliens et taïwanais se rendant aux Jeux asiatiques à Djakarta. À ceux qui lui font remarquer qu’il aurait dû prendre une mesure similaire contre les États-Unis, le Canada et la France pour avoir refusé la même année d’accorder des visas aux hockeyeurs et skieurs est-allemands, il réplique que les Jeux asiatiques relèvent de sa compétence, mais pas les championnats du monde.

    16En réaction, l’Indonésie de Soekarno organise à Djakarta en 1963 des Jeux du Tiers-monde concurrents de ceux du CIO, dénommés Jeux des nouvelles forces émergentes (GANEFO), qui attirent 51 pays d’Afrique, d’Asie dont le Japon, d’Amérique latine, et d’Europe orientale, ainsi que des équipes non officielles venues de Belgique, des Pays-Bas, d’Italie ou de France. La Chine et la Corée du Nord y participent après avoir boycotté les Jeux de Tokyo.

    L’introduction du judo, comme premier sport non occidental, et du volleyball

    17La grande affaire des Jeux de Tokyo, c’est la première introduction au sein du programme olympique d’un sport qui n’a pas été inventé en Occident, en l’occurrence le judo qui est le résultat de la transformation du jiu-jitsu, l’une des techniques de combat des samouraïs, en moyen d’éducation du corps et de l’esprit. Cette première phase de mutation, qui ne correspond pas encore à sa transformation en sport, est à mettre au compte de Jigoro Kano, qui fut le premier membre japonais du CIO en 1909. Si le jiu-jitsu s’est diffusé vers l’Occident au tout début du xxe siècle, sa sportivisation sous la forme du judo s’est mise en place entre les années 1930 et 1950 avec l’apparition de premières compétitions internationales. Réunie à Varsovie en 1937, la Session du CIO avait admis le judo au titre des sports de démonstration pour les Jeux de Tokyo en 1940. Si l’influence de Kano a incontestablement joué, il faut aussi y voir le rôle des Allemands qui ont pris le contrôle de la Europaïsche Judo Union constituée en août 1932 alors même que le judo se développe particulièrement dans la police et l’armée du Reich et que ses dirigeants sont proches de Hitler.

    18Par imitation de la boxe et de la lutte, quatre catégories de poids sont instaurées en 1964 : les légers en moins de 68 kg, les moyens en mois de 80 kg, les lourds en plus de 80 kg, et les toutes catégories (qui n’aura d’existence qu’entre la victoire de Geesink en 1964 et celle de Yamashita vingt ans plus tard). Cette première est une concession faite par le CIO aux organisateurs japonais et par le président Brundage qui est aussi un collectionneur d’arts asiatiques. En 1954 et 1955, pourtant, le CIO n’avait pas voté la reconnaissance du judo comme sport olympique, ni même comme sport optionnel. Des autres arts corporels composant le budo, l’aïkido n’a jamais connu de compétition, le kendo avait bien été proposé pour les Jeux prévus en 1940 à Tokyo, et le karaté ne fera qu’une brève apparition en 2021. Le CIO ne semble pas non plus avoir songé au baseball qui arrive au pays du Soleil-Levant avant 1914 et qui devient encore plus populaire avec l’occupation de l’archipel par l’armée américaine.

    19L’autre grande nouveauté à Tokyo est l’apparition du volley-ball hommes et femmes. Alors que le CIO s’y était opposé en 1952 et 1954 en arguant d’un programme trop chargé, il s’y résout en 1957 pour l’année 1964, mais pas pour l’année 1960 alors que les organisateurs romains y étaient favorables. Opposé aux sports collectifs qu’il considère comme davantage perméables au professionnalisme, le président Brundage se rallie au volley-ball car c’est encore essentiellement un sport amateur et universitaire. Inventé en 1895 par William Morgan, un professeur d’éducation physique des YMCA, sous le nom de « Mintonette » car il était dérivé du jeu de badminton. Destiné à ses débuts aux pratiquants plus fragiles et plus âgés, diffusé avant 1914 en Asie Pacifique et en Amérique latine, ce sport a conquis l’Europe dans l’entre-deux-guerres. Mais rien n’est jamais gagné comme l’illustre le cas du water-polo que Brundage voulait retirer du programme des JO de 1968, peut-être aussi parce que les pays de l’Est trustent les médailles. Il faudra un tour de passe-passe des organisateurs mexicains pour que le water-polo, d’ailleurs pratiqué par les élites latino-américaines, soit sauvé : perdant sa dénomination de « sport olympique », il deviendra en 1968 une épreuve au sein de la catégorie sportive « natation ».

    20Pour le reste, les modifications du programme sont minimes. Comme le retour du 800 m féminin a été décidé pour les JO de 1960, l’adoption du 400 m à Tokyo en 1964 semble une évidence. Ce le fut moins pour le pentathlon féminin en extérieur composé du 80 m haies (100 m à partir de 1969), du lancer du poids, du saut en hauteur, du saut en longueur et du 200 m (800 m à compter de 1977), lequel sera remplacé par l’heptathlon à Los Angeles en 1984. On signalera en outre, pour les hommes, l’introduction du 4 × 100 m nage libre et de la poursuite cycliste individuelle.

    L’étau sportif socialiste resserré sur les États-Unis

    21Le plus grand nombre de médailles d’or des États-Unis n’est pas le principal enseignement sportif des Jeux de Tokyo parce que, d’une part, les Soviétiques ont un nombre de podiums supérieur (96 contre 90), et d’autre part, les pays socialistes affluent dans les quinze premiers rangs : Hongrie 6e, Pologne 7e, Tchécoslovaquie 9e, Bulgarie 11e, et Roumanie 14e.

    22Encore une fois, les Américains concentrent leur domination sur l’athlétisme et sur la natation avec respectivement 14 et 13 médailles d’or sur un total de 36 tandis que les Soviétiques (30 or) atteignent ce même ratio de 75 % avec 5 victoires en athlétisme, 4 en gymnastique comme en haltérophilie, et 3 en lutte comme en canoë et en escrime. Si on considère maintenant le ratio hommes/femmes, qui est considéré par la propagande soviétique comme l’étalon de l’égalité entre les deux sexes, on atteint 72 % de podiums occupés par des sportifs dans les deux camps.

    23Du côté des sportifs américains, les trois grands pourvoyeurs de médailles d’or sont les nageurs blancs Don Schollander sur 100 m et 400 m nage libre et Steve Clark sur les trois relais (trois chacun) sans oublier Gary Ilman (deux breloques), ainsi que les athlètes noirs Bob Hayes sur 100 m et Henry Carr sur 200 m (deux chacun) et caucasien Mike Larrabee sur 400 m (deux). Natif de Caroline du Nord, Schollander a connu sa plus forte progression sous l’autorité du célèbre entraîneur George Haines du Santa Clara Swim Club. Il rejoindra ensuite le Yale College et il se reconvertira dans la promotion immobilière dans l’Oregon. Clark a suivi un chemin inverse depuis Yale University jusqu’à Santa Clara et finalement la faculté de droit de Harvard. Étudiant à la California State University Long Beach, Ilman occupera différentes positions d’entraîneur avant de rejoindre l’industrie électronique. Au bénéfice d’une bourse de la University of Southern California pour étudier la géologie, Larrabee occupera divers emplois comme enseignant de mathématiques, patron d’une société de distribution de boissons et représentant de chaussures pour la marque Adidas.

    24En revanche, Carr a concouru pour l’Arizona State University et il jouera trois saisons dans l’équipe de football américain des New York Giants avant d’ouvrir un modeste restaurant à Atlanta. D’abord reconnu pour ses qualités de receveur en football américain au sein de l’université de mécanique et d’agriculture de Floride ouverte seulement aux étudiants noirs, Hayes connaîtra une plus longue carrière dans ce sport avec onze saisons jouées pour les Dallas Cowboys. On ajoutera à ce tableau la victoire éminemment symbolique du boxeur Joe Frazier en poids lourds que Mohamed Ali traitera d’« Uncle Tom » c’est-à-dire de Noir au service des Blancs.

    25Dans l’équipe soviétique, la gloire du moment est Valeriy Brumel qui vient d’améliorer à six reprises le record du monde de saut en hauteur entre 1961 et 1963 pour le porter à 2,28 m soit 43 cm de plus que sa taille. Né en Sibérie dans une famille de géologues, il est formé au rouleau ventral à Lougansk en Ukraine avant de bénéficier d’une bourse d’études à Moscou où il bénéficie des conseils du fameux entraîneur Vladimir Dyatchkov. Ses deux prestations dans le cadre des rencontres d’athlétisme États-Unis-URSS sont restées dans les mémoires, à Palo Alto en 1962 lorsqu’il est ovationné par le public américain, et le 21 juillet 1963 à Moscou sous les yeux de Khrouchtchev et de l’ambassadeur américain Averell Harriman alors en train de négocier le traité d’interdiction partielle des essais nucléaires (essais souterrains non compris) peu après la crise des missiles de Cuba. Victime d’un accident à motocyclette en octobre 1965, il devra interrompre la compétition. Il embrassera alors une carrière d’acteur, par exemple dans le documentaire Sport, Sport, Sport conçu en 1970 par Elem Ekimov qui combine des archives filmiques et des scènes jouées, puis de romancier et de dramaturge. Au motif que des devises étrangères auraient été trouvées dans ses bagages à son retour des Jeux de Munich en 1972, il aurait été interdit de sortie du territoire soviétique.

    L’honneur sauf du Japon malgré la défaite du judoka Kaminaga face à Geesink

    26En tant que pays-hôte, le Japon se devait de réaliser un exploit pour ne pas perdre la face. Il y est parvenu en occupant le troisième rang avec 29 médailles dont 16 titres (5 en gymnastique et en lutte, 3 en judo, 1 en haltérophilie, en boxe et en volley-ball femmes). Il aurait pu mieux réussir encore s’il avait conservé son magistère en natation hommes des années 1920 à 1950 qu’il a dû abandonner aux Américains et aux Australiens.

    27La gymnastique est l’autre grande spécialité nationale depuis que les exercices physiques sont devenus une des facettes de la modernisation du Japon à l’ère Meiji. Ici, c’est Yukio Endo qui offre à son pays trois médailles d’or. Né dans une famille de pharmaciens, il est un pur produit du système scolaire et de l’université d’éducation de Tokyo connu aujourd’hui sous le nom de Tsukuba University. Il deviendra par la suite entraîneur des équipes de judo de la puissante Nihon University et de la sélection nationale, et directeur administratif du Comité olympique japonais.

    28Avec trois titres sur quatre, l’excellence du judo japonais repose sur des compétiteurs hors pair formés dans les écoles secondaires et dans les grandes universités du pays, et éprouvés durement au cours des séminaires de perfectionnement et des compétitions organisées par l’Institut Kodokan de Jigorō Kanō. Interdit dans le Japon de sortie de guerre par le général MacArthur comme toutes les autres formes de préparation militaire, le judo n’est autorisé à l’enseignement qu’à compter de 1950 et seulement dans sa version sportive, et le Kodokan peut reprendre ses activités.

    29Toutefois, la défaite en toutes catégories d’Akio Kaminaga, un employé de la société Fuji Iron & Steel passé par l’université Meiji, face au Néerlandais Anton Geesink est vécue comme un drame national. Trois ans plus tôt, ce dernier était déjà devenu le premier champion du monde non japonais à l’issue d’une victoire retentissante en neuf minutes sur Koji Sone, l’ami, collègue et rival de Kaminaga. Les difficultés rencontrées par Geesink pour se construire un avenir professionnel après la compétition sont symptomatiques du difficile reclassement des judokas de haut niveau malgré les solidarités très fortes dans cette communauté de combattants. Employé du bâtiment à l’âge de 12 ans, il a fini par rejoindre à 40 ans l’équipe de lutteurs professionnels du champion et bookmaker Shohei Giant Baba, avant de devenir acteur dans des péplums. Coopté comme membre du CIO en 1987, il fera partie des membres de cette organisation ayant reçu un blâme dans le cadre du scandale lié à l’attribution des Jeux d’hiver à Salt Lake City.

    Le second étiage olympique de la France

    30Le 21e rang de la France à Tokyo, qui fait suite à son 25e rang à Rome, démontre combien la politique de Maurice Herzog de production de la performance sportive a été longue à produire des résultats. C’est son successeur François Missoffe qui en récoltera les fruits puisque la France atteindra le 6e rang à Mexico, en 1968, avec sept médailles d’or sur un total de quinze.

    31L’étiage de Tokyo se résume à une seule médaille d’or, celle du cavalier Pierre Jonquères d’Oriola, huit en argent (aviron deux avec barreur, saut d’obstacles par équipes, canoë-kayak C2, boxe avec Joseph Gonzalez, fleuret avec Jean-Claude Magnan, sabre avec Claude Arabo, 800 m avec Maryvonne Dupureur, et 100 m dos avec Christine Caron) et six en bronze. Âgée d’à peine 16 ans, « Kiki » Caron est promue par les médias comme l’icône sportive de la jeunesse française des Sixtees. D’une famille de la classe moyenne de Montrouge, entraînée par Suzanne Berlioux et recordwoman en juin 1964, elle est même reçue à l’Élysée par le général de Gaulle qui s’amuse avec elle de la fréquence de ses apparitions télévisées. Championne des États-Unis en 1965 à une époque où il n’existe pas de compétitions pour un titre mondial, elle sera la première Française porte-drapeau à Mexico en 1968. Elle multipliera ensuite les carrières éphémères au cinéma, dans le mannequinat ou la chanson, commercialisera des cabines de sauna et ira jusqu’à donner son nom à une marque de piscines privées.

    32C’est le dernier jour des Jeux que Jonquères d’Oriola l’emporte au saut d’obstacles sur Lutteur B. Et encore, prompt à dénoncer l’incurie des dirigeants de sa fédération, il a manqué ne pas participer au point qu’il a dû lui-même se porter acquéreur de son cheval anglo-normand. Il était déjà monté sur la première marche du podium à 32 ans à Helsinki avec Alibaba. Initié à l’équitation dès l’âge de 3 ans par son père qui est viticulteur et éleveur de chevaux près de Perpignan, il a enchaîné plus de 500 victoires en quarante ans de carrière dont 25 en jumping international. Il remportera une nouvelle médaille d’argent en jumping par équipes en 1968 sur Pomone B des Haras nationaux, mais il décidera de ne pas participer aux Jeux de Munich au motif que le cheval promis par la fédération a été donné à un autre cavalier. Dans son livre-testament L’Équitation naturelle paru en 2009, il plaidera pour une équitation instinctive reposant sur l’harmonie entre le cavalier et son cheval, sur la tradition, le sang et l’héritage. Ces mêmes principes et valeurs qui ont peuplé son imaginaire politique le conduiront à s’engager en 1979 sur la liste de Jean-Louis Tixier-Vignancour aux élections européennes et à apporter son soutien à Jean-Marie Le Pen en 1995 puis à Bruno Mégret en 2002.

    Les dernières chasses gardées des Américaines

    33Avec près de 4 500 sportifs et 678 sportives, on reste à Tokyo à peu près sur les mêmes effectifs qu’à Rome quatre ans plus tôt, mais avec un peu plus de médailles à distribuer aux championnes du fait de l’adjonction du volley-ball, du 400 m, du pentathlon et du 400 m quatre nages, des choix qui favorisent a priori le camp américain. La partition qui se dessinait précédemment en athlétisme se confirme avec des épreuves de course très largement gagnées par les Américaines et les Australiennes, et celles de saut et de lancer par les Soviétiques et les Roumaines.

    34Les triomphes des Afro-Américaines Wyomia Tyus et Edith McGuire sur 100 m et 200 m sont d’autant plus exploités par les médias américains que le Congrès vient d’adopter le Civil Rights Act le 2 juillet, et que Martin Luther King a obtenu le prix Nobel de la paix quatre jours après l’ouverture des Jeux de Tokyo. Ayant grandi dans une ferme laitière de Géorgie où son père l’encourage à faire du sport avec ses frères, Tyus doit à ses bons résultats sportifs au lycée d’intégrer l’université du Tennessee sous la houlette d’Ed Temple. Après ses deux autres médailles d’or à Mexico, elle deviendra professeure de sport remplaçante au lycée de Beverly Hills et occupera divers emplois avant de devenir mère au foyer. En 1974, elle sera l’une des membres fondatrices de la Women’s Sport Foundation lancée par la championne de tennis Billie Jean King en vue de faire reculer les discriminations contre les femmes dans le sport. Née à Atlanta, McGuire a suivi un parcours à peu près similaire en intégrant l’université du Tennessee, puis en devenant professeure de sport, avant d’ouvrir une chaîne de fast-food avec son mari à Oakland en Californie.

    35La natation reste encore une chasse gardée des Américaines avec six médailles d’or sur huit, quatre argent et cinq bronze. Les quatre vedettes du moment, Virginia Duenkel, Sharon Stouder, Cathy Ferguson et Kathy Ellis, ainsi que leurs huit autres camarades médaillées sont toutes issues de familles d’origine européenne. Du fait de la ségrégation qui perdure dans les piscines aux États-Unis, il faudra attendre les Jeux de Rio en 2016 pour qu’une Afro-Américaine, Simone Manuel, remporte un titre olympique en natation dans une course individuelle. La première médaille d’or en natation pour l’URSS est à mettre au compte de la Criméenne Galina Prozumenschikova sur 200 m brasse. Membre du club des forces armées de Sébastopol puis de Moscou, diplômée en journalisme, elle deviendra entraîneuse de natation et de plongée au fameux club du ministère russe de la Défense CSKA. En plongeon, en revanche, les médailles d’or et d’argent d’Ingrid Krämer, déjà deux fois victorieuses à Rome, sont une préfiguration du triomphe écrasant des imposantes nageuses est-allemandes à Munich en 1976.

    La vérification discriminante du genre des sportives comme enjeu de guerre froide

    36Le premier contrôle antidopage de l’histoire olympique a lieu à Tokyo en 1964 dans la seule épreuve du contre-la-montre du 100 km par équipes qui avait vu le décès de Jensen, et il s’avère négatif. Il est inspiré du protocole mis au point par le professeur Arnold Beckett qui sera en charge de contrôles plus systématiques concernant les amphétamines durant le Tour de Grande-Bretagne cycliste en 1965, puis au moment de la Coupe du monde de football en Angleterre en 1966. Il ne s’agit pas seulement de faire taire les critiques et d’épurer le sport, mais aussi de contenir la progression foudroyante des performances des athlètes socialistes que d’aucuns jugent particulièrement surprenantes.

    37L’approche éducative qui prévalait au cours de ces années-là au sein du CIO était fondée sur l’idée que les athlètes étaient les victimes de leur entourage composé d’entraîneurs et de médecins jouant aux apprentis sorciers, d’où le principe adopté à la Session de Téhéran en mai 1967 de faire signer aux athlètes une déclaration sur l’honneur qu’ils ne sont pas dopés. Ces derniers n’étaient d’ailleurs pas convaincus que les tests étaient justes et efficaces, et ils avaient alors tendance à croire que le recours à l’alcool, aux drogues ou aux produits dopants, relevait de leur entière liberté.

    38Si le CIO montre peu d’empressement en matière de lutte antidopage, il est en revanche beaucoup plus prompt à opérer des tests de genre concernant les sportives. Les trois médailles d’or des sœurs Press, promues au rang d’héroïnes de la patrie soviétique, font couler, en effet, beaucoup d’encre à l’Ouest, notamment dans la presse américaine où on les accuse d’être des hommes. Déjà en 1960, le Los Angeles Times avait décrit Tamara comme « un déménageur de piano en version blonde ». Régulièrement surnommées les « Press brothers », Tamara, victorieuse au lancer du poids et du disque, et sa sœur Irina, qui remporte le premier pentathlon pour femmes, ne seront plus jamais présentées comme des sportives de haut niveau. C’est le cas aussi des nageuses de RDA avec leurs impressionnantes carrures.

    39Alors que l’IAAF exigeait une attestation médicale de féminité depuis 1946, et le CIO depuis 1948, cette fois-ci les deux organisations mettent en place des tests de vérification de genre sans toutefois entrer dans les nuances, pourtant fondamentales, des variations génétiques ou d’intersexualité. Les premiers tests seront effectués à l’occasion des championnats d’Europe d’athlétisme à Budapest en 1966, et le CIO décidera de les introduire pour les Jeux olympiques de 1968. En refusant de s’y soumettre, les sœurs Press accréditeront l’idée qu’elles ont menti sur leur identité sexuelle. Cela a pris d’abord la forme d’examens gynécologiques humiliants et traumatisants pour les jeunes filles et les femmes concernées, puis de tests sanguins dénommés « corpuscule de Barr ». Maintenus de façon systématique jusqu’aux Jeux d’Atlanta en 1996, ces tests n’ont jamais permis d’identifier un homme tentant de se faire passer pour une femme.

    Vera Caslavska, les escrimeuses de Hongrie et les volleyeuses du Japon

    40La domination écrasante des Soviétiques en gymnastique et les deux médailles d’or de Larissa Latynina, qui complètent ses quatre victoires à Melbourne et trois à Rome, sont éclipsés cette fois par les trois triomphes de la Tchécoslovaque Vera Caslavska. Cette dernière en connaîtra encore quatre autres à Mexico et elle sera la première championne de l’histoire de la gymnastique féminine à obtenir en 1967 la note maximale. D’abord initiée au ballet classique et au patinage artistique, Caslavska est prise sous son aile, dès l’âge de 15 ans, par la championne olympique Eva Bosakova qui est de dix ans son aînée et qui est la première gymnaste à avoir accompli une roue à la poutre aux Jeux de Melbourne en 1956.

    41Emmenées par Ildiko Uljaky-Rejto médaillée lors de quatre autres JO (Rome, Mexico, Munich, Montréal), les Hongroises dominent l’escrime comme le font d’ailleurs leurs compatriotes masculins. Sourde de naissance, venue à l’escrime pour corriger sa scoliose, Uljaky-Rejto deviendra directrice technique de plusieurs clubs hongrois d’escrime. En équitation, on compte deux femmes médaillées d’argent par équipes en dressage et en saut d’obstacles, respectivement Marianne Gossweiler pour la Suisse qui est connue pour s’être opposée en 1967 au suffrage des femmes dans son canton, et Janou Lefèbvre pour la France qui remportera deux ans plus tard le Prix des Champions réservé aux médaillés nationaux et internationaux femmes comme hommes.

    42Pour la première introduction du volley-ball aux Jeux olympiques, l’équipe japonaise fait sensation en remportant ses cinq matchs notamment contre les Soviétiques et les Polonaises. Leur prouesse s’explique par un entraînement acharné jour et nuit dans le cadre d’une équipe d’entreprise, et dans une totale obéissance à leur entraîneur Daimatsu Hirofumi. Tout en étant à la fois un homme désiré et un père de substitution, il martyrise ses joueuses à la manière d’un contremaître impitoyable envers ses ouvrières, en leur appliquant des méthodes d’entraînement empruntées à son expérience de la guerre et aux pratiques des arts martiaux.

    43La saga des « Sorcières de l’Orient », un surnom qui leur est donné par les médias dès leur tournée triomphale en Europe en 1961, sera exploitée de manière nostalgique par la puissante chaîne de télévision NHK à compter de la fin des années 1980. Avec l’ère d’instabilité économique et de questionnements qui s’ouvre peu ou prou avec le décès de l’empereur Hirohito, la télévision publique japonaise en vient, en effet, à idéaliser les années 1950 et 1960 comme un moment d’harmonie pour les familles japonaises où la vie était rude mais le travail récompensé. Dans cette relecture de l’histoire qui occulte l’occupation américaine, la violence contre les syndicats et les dégâts environnementaux, les jeunes volleyeuses sont réduites à leur statut d’ouvrières consciencieuses et de mères de famille soumises dans lequel elles seront, d’ailleurs, enfermées toute leur vie.

    Le Conseil supérieur du sport en Afrique contre le CIO

    44Un nouvel épisode de l’histoire africaine du CIO se joue lors de la session olympique à Tokyo : la création des Jeux africains qui auront lieu à Brazzaville en 1965. Ce projet avait échoué à deux reprises sous une forme coloniale dans l’entre-deux-guerres. Dorénavant, il est porté par les leaders africains du sport eux-mêmes qui fondent le Comité permanent du sport africain (CPSA), devenu depuis Conseil supérieur du sport en Afrique (CSSA), afin de lutter contre l’apartheid et le colonialisme par le sport. Ils s’opposent ainsi à la vision postcoloniale de Brundage qui avait déclaré en commission exécutive en 1963 : « Il faut éduquer ces peuples en leur inculquant l’idéal olympique. » Combinant la rhétorique marxiste-léniniste anticoloniale et la référence à l’idéal du « sport pour tous », Andrianov avait répliqué en dénonçant les positions racistes du président et les discriminations frappant les Afro-Américains.

    45Brundage et ses alliés occidentaux avaient lancé à ce moment-là le Comité d’aide internationale olympique pour contrer les initiatives soviétiques de soutien sportif aux nations du Tiers-monde qui prenaient alors diverses formes : financement des déplacements d’athlètes, dirigeants et chercheurs aux compétitions, réunions et congrès internationaux, envoi d’experts en éducation physique et sport en Afrique et en Asie, formation à Moscou des futurs dirigeants du sport de ces pays, aide à la construction d’équipements sportifs et d’espaces de jeux, et livraison de dotations en matériels et vêtements de sport. Sont en particulier concernés le Togo, le Soudan, Zanzibar, la Somalie, la Libye, ou encore le Ghana de Nkrumah. On comprend mieux pourquoi le CIO freine les reconnaissances de ces nouvelles nations sportives.

    46Une figure se détache ici, celle de Jean-Claude Ganga qui s’est fermement opposé aux pressions exercées par Brundage et son vice-président Burghley, alors à la tête de l’IAAF, pour que le CPSA invite l’Afrique du Sud. Né en 1934 à Brazzaville, la capitale de l’Afrique équatoriale française jusqu’à l’indépendance du Congo en 1960, passionné de football, il enseigne le sport dans un établissement privé et expérimente la lutte anticoloniale en tant que leader syndical. Directeur de la Jeunesse et des sports du Congo, il se lance dans une tournée africaine pour encourager la création de CNO et coordonner leur activité contre les anciennes puissances coloniales et contre les organisations sportives internationales jugées néocolonialistes. En tant que secrétaire général du CSSA, il jouera un rôle si essentiel dans le boycott en 1976 des Jeux de Montréal et dans le rattachement l’année suivante de cette entité à l’Organisation de l’unité africaine (OUA) que le président Samaranch le fera coopter en 1986 au sein du CIO.

    47Devenu entre-temps ambassadeur du Congo en Chine, Ganga sera nommé ministre des Sports en 1989 et, en 2000, il fera partie des membres du CIO de second rang sanctionnés dans le cadre du scandale de corruption de Salt Lake City. La normalisation olympique du CSSA surviendra en 2013 avec sa dissolution à l’initiative de la Conférence des ministres africains des sports, et le transfert de ses compétences à l’Association des CNO d’Afrique, pour le coup sous la tutelle du CIO.

    Bibliographie

    Droubie Paul, Playing the Nation. 1964 Tokyo Summer Olympics and Japanese Identity, ProQuest/UMI, thèse de l’université d’Illinois, 2009.

    Mangan James, Ok Gwang et Collins Sandra (éd.), The Triple Asian Olympics – Asia Rising. The Pursuit of National Identity, International Recognition and Global Esteem, Londres, Routledge, 2012.

    Précédent Suivant
    Table des matières

    Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0

    Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

    Voir plus de livres
    Paysans des Alpes

    Paysans des Alpes

    Les communautés montagnardes au Moyen Âge

    Nicolas Carrier et Fabrice Mouthon

    2010

    Pérégrin d’Opole

    Pérégrin d’Opole

    Un prédicateur dominicain à l'apogée de la chrétienté médiévale

    Hervé Martin

    2008

    Prêtres de Bretagne au xixe siècle

    Prêtres de Bretagne au xixe siècle

    Samuel Gicquel

    2008

    Un constructeur de la France du xxe siècle

    Un constructeur de la France du xxe siècle

    La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)

    Pierre Jambard

    2008

    Ouvriers bretons

    Ouvriers bretons

    Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968

    Vincent Porhel

    2008

    L'intrusion balnéaire

    L'intrusion balnéaire

    Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)

    Johan Vincent

    2008

    L'individu dans la famille à Rome au ive siècle

    L'individu dans la famille à Rome au ive siècle

    D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan

    Dominique Lhuillier-Martinetti

    2008

    L'éveil politique de la Savoie

    L'éveil politique de la Savoie

    Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)

    Sylvain Milbach

    2008

    L'évangélisation des Indiens du Mexique

    L'évangélisation des Indiens du Mexique

    Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)

    Éric Roulet

    2008

    L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

    L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

    Présence, attitudes, perceptions

    Laurence Moal

    2008

    Les saints bretons entre légendes et histoire

    Les saints bretons entre légendes et histoire

    Le glaive à deux tranchants

    Bernard Merdrignac

    2008

    Les miroirs du silence

    Les miroirs du silence

    L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934

    Patrick Bourgalais

    2008

    Voir plus de livres
    1 / 12
    Paysans des Alpes

    Paysans des Alpes

    Les communautés montagnardes au Moyen Âge

    Nicolas Carrier et Fabrice Mouthon

    2010

    Pérégrin d’Opole

    Pérégrin d’Opole

    Un prédicateur dominicain à l'apogée de la chrétienté médiévale

    Hervé Martin

    2008

    Prêtres de Bretagne au xixe siècle

    Prêtres de Bretagne au xixe siècle

    Samuel Gicquel

    2008

    Un constructeur de la France du xxe siècle

    Un constructeur de la France du xxe siècle

    La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)

    Pierre Jambard

    2008

    Ouvriers bretons

    Ouvriers bretons

    Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968

    Vincent Porhel

    2008

    L'intrusion balnéaire

    L'intrusion balnéaire

    Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)

    Johan Vincent

    2008

    L'individu dans la famille à Rome au ive siècle

    L'individu dans la famille à Rome au ive siècle

    D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan

    Dominique Lhuillier-Martinetti

    2008

    L'éveil politique de la Savoie

    L'éveil politique de la Savoie

    Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)

    Sylvain Milbach

    2008

    L'évangélisation des Indiens du Mexique

    L'évangélisation des Indiens du Mexique

    Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)

    Éric Roulet

    2008

    L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

    L'étranger en Bretagne au Moyen Âge

    Présence, attitudes, perceptions

    Laurence Moal

    2008

    Les saints bretons entre légendes et histoire

    Les saints bretons entre légendes et histoire

    Le glaive à deux tranchants

    Bernard Merdrignac

    2008

    Les miroirs du silence

    Les miroirs du silence

    L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934

    Patrick Bourgalais

    2008

    Accès ouvert

    Accès ouvert freemium

    ePub

    PDF

    PDF du chapitre

    Suggérer l’acquisition à votre bibliothèque

    Acheter

    Édition imprimée

    Presses universitaires de Rennes
    • amazon.fr
    • decitre.fr
    • mollat.com
    • leslibraires.fr
    • placedeslibraires.fr
    ePub / PDF

    Les Jeux olympiques de 1892 à 2024

    X Facebook Email

    Les Jeux olympiques de 1892 à 2024

    Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks

    Acheter ce livre aux formats PDF et ePub

    Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org

    Les Jeux olympiques de 1892 à 2024

    Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.

    Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org

    Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.

    Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.

    La syntaxe de l’email est incorrecte.

    Référence numérique du chapitre

    Format

    Clastres, P. (2025). Chapitre XV. Tokyo 1964. In Les Jeux olympiques de 1892 à 2024 (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13j33
    Clastres, Patrick. « Chapitre XV. Tokyo 1964 ». In Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13j33.
    Clastres, Patrick. « Chapitre XV. Tokyo 1964 ». Les Jeux olympiques de 1892 à 2024, Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/13j33.

    Référence numérique du livre

    Format

    Clastres, P. (2025). Les Jeux olympiques de 1892 à 2024 (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13j3u
    Clastres, Patrick. Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13j3u.
    Clastres, Patrick. Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/13j3u.
    Compatible avec Zotero Zotero

    1 / 3

    Presses universitaires de Rennes

    Presses universitaires de Rennes

    • Mentions légales
    • Plan du site
    • Se connecter

    Suivez-nous

    • Flux RSS

    URL : http://www.pur-editions.fr

    Email : pur@univ-rennes2.fr

    Adresse :

    2, avenue Gaston Berger

    CS 24307

    F-35044

    Rennes

    France

    OpenEdition
    • Candidater à OpenEdition Books
    • Connaître le programme OpenEdition Freemium
    • Commander des livres
    • S’abonner à la lettre d’OpenEdition
    • CGU d’OpenEdition Books
    • Accessibilité : partiellement conforme
    • Données personnelles
    • Gestion des cookies
    • Système de signalement