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  • Chapitre I. Athènes 1896
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Des organisateurs grecs qui partent d’une table rase Une cérémonie inaugurale dans un stade du iiie siècle rénové La très nette avance américaine en athlétisme Cyclistes et escrimeurs français, gymnastes allemands, nageurs hongrois et autrichiens Coubertin contre la pérennisation des Jeux en Grèce Bibliographie

    Les Jeux olympiques de 1892 à 2024

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    Table des matières

    Chapitre I. Athènes 1896

    La promotion de la Grèce et de son monarque Georges Ier

    p. 33-38

    Texte intégral Des organisateurs grecs qui partent d’une table rase Une cérémonie inaugurale dans un stade du iiie siècle rénové La très nette avance américaine en athlétisme Cyclistes et escrimeurs français, gymnastes allemands, nageurs hongrois et autrichiens Coubertin contre la pérennisation des Jeux en Grèce Bibliographie

    Texte intégral

    1Revenu à Athènes à l’été 1894 en tant que président du CIJO, Dimítrios Vikélas dispose de moins de 18 mois pour remplir sa mission : organiser des concours athlétiques internationaux dans une capitale au faible développement économique et sportif. Tandis que les retards de chantiers s’accumulent, Pierre de Coubertin se révèle être un médiocre conseiller en matière d’installations sportives, tout préoccupé qu’il est par son mariage avec la fille du diplomate Gustave Rothan, l’ancien chargé d’affaires à Berlin au moment de la guerre franco-prussienne. Et puis une crise politique éclate entre le premier ministre Charilaos Trikoupis, qui ne veut pas grever son budget et qui défend le régime parlementaire, et le roi Georges Ier d’origine danoise qui compte sur les Jeux pour asseoir sa dynastie et renforcer son autorité politique. Tout cela décide le souverain grec à reprendre la main sur le dossier olympique en confiant la présidence du comité d’organisation à son fils le diadoque Constantin.

    2Contre toute attente, les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne sont une incontestable réussite. Certes, il n’y eut que quelques milliers de visiteurs étrangers et l’écho de l’événement dans la presse internationale fut extrêmement limité. Mais jamais on n’avait rassemblé autant de spectateurs dans une enceinte sportive et les exploits athlétiques n’ont pas manqué même s’ils sont restés en dessous des records mondiaux. D’ailleurs, une fois de retour dans leurs pays respectifs, les premiers participants aux Jeux se transformeront en ambassadeurs de la cause olympique.

    Des organisateurs grecs qui partent d’une table rase

    3La Grèce est parvenue, dans un délai très court, à mettre sur pied des installations sportives qui donnent satisfaction et qui forcent l’admiration des visiteurs grecs et étrangers alors que le pays s’éveille à peine au sport. En 1894, à Athènes et à Patras, il existe en tout et pour tout deux clubs d’équitation, deux d’escrime, trois de canotage, et huit de vélocipédie, pour vingt-six sociétés de gymnastique, quatre de tir, cinq d’excursionnisme, et trois de chasse.

    4Les retards pris dans la construction d’édifices jusque-là inconnus en Grèce s’expliquent d’abord par la difficulté à lever des fonds : le budget est bouclé par des mécènes, par la famille royale, par la vente des places, et par l’émission des premiers timbres olympiques tous inspirés de l’Antiquité. L’autre difficulté tient au fait qu’il n’existe pas d’instance de régulation du sport à l’échelle internationale hormis les fédérations internationales de gymnastique, de patinage, et de cyclisme. Le comité grec d’organisation prend finalement modèle sur le vélodrome de Copenhague pour l’anneau de Phalère pourvu de 7 000 places en gradins et de terrains de tennis en son centre, invite le jardinier (groundskeeper) du London Athletic Club à élaborer la cendrée de la piste d’athlétisme, et dote le stand de tir de Kallithéa d’un système innovant de communication téléphonique entre les cibles et le jury.

    5La réputation d’hospitalité des Grecs a mis la pression sur les organisateurs qui s’inquiètent de la qualité des transports urbains, des capacités et des qualités d’hébergement, et de l’embellissement de la cité d’Athènes. Les visiteurs, qui ont dû dépenser les deux tiers du salaire annuel d’un ouvrier, reviendront somme toute ravis de leur séjour de deux semaines, tel le journaliste parisien Raoul Fabens qui prédit que la Grèce sera bientôt « la Suisse de l’Europe orientale ». Si les athlètes et touristes allemands et scandinaves font appel à l’agence de voyages Stengen de Breslau, tous les autres visiteurs cèdent aux réclames de la société Cook.

    6Basée à Londres depuis 1841, Cook s’appuie sur un réseau mondial de 300 succursales pour diffuser ses brochures contenant le programme olympique, des lithographies des paysages et monuments à visiter, et les tables de concordance entre bateaux et trains. Sa mappemonde promotionnelle fait converger sur Athènes des voyageurs en provenance de l’Australie, San Francisco, la Nouvelle-Orléans et Québec via New York, depuis Dublin, Londres, Amsterdam et Madrid via Marseille et Naples, depuis Stockholm, Saint-Pétersbourg, Berne et Vienne via Hambourg et Trieste. Munis des guides de voyage Baedeker, Murray ou Joanne, concurrents et touristes empruntent enfin les récentes lignes de chemin de fer Patras-Corinthe et Le Pirée-Athènes. Quant aux « fils des exilés » qui peuplent la Méditerranée orientale, ils peuvent compter sur l’agence de voyages de Dimitrios Baveas et sur les nouvelles compagnies de navigation Hellenic, Panhellenic et Goudis.

    Une cérémonie inaugurale dans un stade du iiie siècle rénové

    7Il reste que le succès des Jeux athéniens provient de l’effet de surprise et d’amplification que produit sur les visiteurs le stade panathénaïque du iiie siècle rénové grâce à la générosité de Georges Averoff, un riche banquier d’Alexandrie en Égypte. Il surprend par sa forme en U, assurément impropre aux courses modernes et aux records, mais surtout par son exceptionnelle capacité de 46 000 places assises et de 30 000 à 50 000 spectateurs debout, à rapporter aux 120 000 habitants de la capitale grecque. Il est alors sans équivalent dans le monde.

    8Le 6 avril 1896, jour de la Pâque orthodoxe, la Grèce célèbre sa fête nationale avec un éclat inaccoutumé du fait de l’inauguration des premiers Jeux olympiques de l’ère moderne. Dès le matin, une foule indescriptible grouille dans l’ensemble de la ville et se précipite pour acquérir des billets au point que la police doit intervenir pour empêcher toute spéculation. Vers 11 heures, elle acclame vivement le cortège royal qui se rend à l’église métropolitaine où l’on chante un Te Deum. Puis à midi elle commence à affluer vers le stade. Des agents de police et des gendarmes à cheval contrôlent la circulation des carrosses et canalisent cette cohue de plus de 80 000 personnes. Des mâts et des hampes ornés d’écussons décorent l’entrée et le pourtour du stade. À 3 h 15, le gouvernement et les diverses commissions viennent à la rencontre de la famille royale qui fait son entrée solennelle. Les athlètes sont alors rassemblés sur deux rangs au milieu de l’arène avec les membres du CIJO.

    9Dans un discours empli d’espérance, le diadoque Constantin évoque les liens d’amitié qui uniront désormais le peuple hellénique et les autres peuples du monde, et appelle de tous ses vœux à la formation d’une nouvelle génération grecque confortée par les exercices corporels et le sentiment national. Son père le roi Georges Ier se lève alors et prononce d’une voix sonore les paroles suivantes : « Je proclame l’ouverture des premiers Jeux olympiques internationaux à Athènes. » Les acclamations fusent et plusieurs centaines d’instrumentistes, accompagnés de chanteurs, entonnent l’hymne olympique orchestré pour l’occasion par le maestro Spyridon Samaras. L’impression est telle sur l’assistance que le roi lui-même demande que l’exécution soit répétée. Mais bientôt le son du clairon se fait entendre et les athlètes des trois premières séries du 100 m font leur entrée sur le stade.

    10Durant dix jours, et dans 14 disciplines différentes, 245 concurrents vont s’affronter : 170 Grecs y compris des ressortissants de l’Empire ottoman, 19 Allemands dont quinze Berlinois, 14 Américains dont 4 étudiants de Princeton et 4 autres de Harvard, 12 Français dont 3 vivent sur place, 10 Britanniques dont 4 résidents athéniens et 1 Irlandais étudiant à Bonn, 7 Hongrois, 3 Autrichiens, 3 Danois, 2 Suisses, 1 Bulgare d’origine helvétique, 1 Italien, 1 Suédois, 1 natif de l’État de Victoria (future Australie) domicilié à Londres, et peut-être 1 Chilien. Un tel rassemblement d’athlètes tous sports confondus est d’autant plus inédit que les premiers « championnats du monde » en patinage sur glace, cyclisme et boxe datent seulement de 1893.

    La très nette avance américaine en athlétisme

    11Considérant l’athlétisme comme leur patrimoine national, les Grecs vivent au début fort mal les prouesses des sportifs américains (dix médailles sur douze en courses, sauts et lancers). Ces étudiants et sportsmen aux attitudes si surprenantes de décontraction finiront par emporter l’adhésion de la foule grecque qui en fait ses héros du lointain Nouveau Monde.

    12Pour avoir confondu le calendrier grégorien des pays catholiques et protestants avec le calendrier julien en usage chez les chrétiens orthodoxes, ils sont arrivés la veille de la première épreuve sans pouvoir profiter des deux semaines d’adaptation prévues par leur coach. Avec leur gabarit impressionnant, leurs shorts et débardeurs, leurs pointes, ils bénéficient d’une forte avance sportive. Depuis une vingtaine d’années, ils s’entraînent sous le regard averti de médecins et de physiologistes et s’éprouvent dans un grand nombre de compétitions.

    13Initié au lancer du disque le matin même de l’épreuve, Robert Garrett de Princeton l’emporte sur ses adversaires grecs en s’étonnant de leur abnégation à imiter les discoboles des vases antiques. D’une riche famille de banquiers, cet athlète complet termine premier au lancer du poids, et deuxième au saut en longueur et en hauteur. Étudiant en droit à Boston et futur avocat et entraîneur sportif, Thomas Burke, surprend à son tour sur 400 m en 54 secondes 2/10 et sur 100 m en 12 secondes en partant en position accroupie les doigts posés sur le sol, dans une attitude alors inconnue en Europe. Il faut compter aussi avec Ellery Clark, un autre futur avocat, qui triomphe avec 6,35 m à la longueur et 1,81 m à la hauteur. De milieu bien plus modeste, James Connolly dame le pion à ses adversaires grecs dans l’épreuve du triple saut avec une performance à 13,70 m en sautant à cloche-pied. Il termine en outre deuxième du saut en hauteur et troisième du saut en longueur et se lancera, à son retour, dans une carrière de journaliste et de romancier.

    14Le clou du spectacle olympique est prévu pour le dernier jour avec la course de Marathon que Michel Bréal a dotée d’une précieuse coupe en argent. Ce linguiste français est curieux de voir réédité l’exploit antique du messager Philippidès chargé d’informer le roi d’Athènes du retrait des troupes perses des rivages de la plaine de Marathon. L’arrivée triomphante dans le stade panathénaïque d’un obscur paysan de Maroussi, Spyridon Louis, qui a bénéficié d’une véritable préparation militaire, et aussi de la bénédiction des popes, déclenche un enthousiasme national. Plus surprenant, et à peine consigné dans la presse grecque, il y eut une certaine Stamata Revithi pour courir cette redoutable épreuve de 40 km. Cette femme grecque dans le dénuement en espérait une récompense et réussit semble-t-il un temps de 5 heures 30 minutes. Forts de leurs préjugés virilistes, les organisateurs lui ont imposé de commencer sa course après les hommes et lui ont interdit l’entrée du stade. Les congressistes de 1894, eux, ne s’étaient même pas posés la question du genre des compétiteurs.

    Cyclistes et escrimeurs français, gymnastes allemands, nageurs hongrois et autrichiens

    15On hésitera d’ailleurs à qualifier ces pionniers de « sportifs » comme à en faire des représentants de leurs nations respectives. Non seulement les langues d’Europe continentale n’ont pas encore adopté le mot sport au sens que nous lui attribuons de nos jours, mais surtout les gymnastes comme les escrimeurs en rejettent l’usage même qu’ils jugent, pour les premiers, trop mondain, et pour les seconds trop vulgaire car renvoyant au monde interlope des parieurs. En outre, en dehors du comité grec d’organisation qui a opéré des sélections à Tinos à l’occasion du pèlerinage de la Vierge, et des gouvernements autrichien et hongrois qui subventionnent des comités olympiques nationaux créés pour l’occasion, les participants se sont inscrits en leur nom propre, au titre de leur club, ou dans le cadre de comités privés financés par des mécènes et par des souscriptions publiques.

    16L’étudiant parisien en médecine Paul Masson, qui passera professionnel après ses trois médailles d’or (vitesse, 10 km, tour de piste), et le vainqueur du 100 km Léon Flameng, qui est le fils d’un peintre paysagiste bien connu, s’imposent en cyclisme en l’absence de leurs concurrents belges. Le médecin français Eugène-Henri Gravelotte et l’étudiant en peinture Henri Callot, qui n’est autre que le fils du trésorier du CIJO, dominent le fleuret pour amateurs tandis que les Grecs remportent le sabre pour amateurs. Le fleuret pour maîtres d’armes donne lieu directement à la finale où Léonidas Pyrgos triomphe de Maurice Perronnet, le filleul de Sarah Bernhardt qui fera par la suite une carrière d’aquarelliste.

    17Les Allemands écrasent la compétition en gymnastique. Quoiqu’accusé de professionnalisme, Carl Schuhmann est l’homme fort des Jeux avec quatre médailles d’or à la barre fixe et aux barres parallèles, au saut de cheval et en lutte gréco-romaine, et d’excellents résultats en haltérophilie, au lancer du poids et même au saut en longueur et au triple saut. Avec un père entraîneur de gymnastique à Athènes, le Suisse Louis Zuitter se distingue également avec un titre au cheval d’arçons et une seconde place aux barres parallèles et au saut de cheval. Même si les Autrichiens et les Grecs font bonne figure, le Hongrois Alfred Hajos âgé de 18 ans est incontestablement la vedette des épreuves de natation dans la baie de Zéa avec deux titres sur 100 m et 1 200 m nage libre. Cet étudiant juif en architecture, qui se spécialisera dans les infrastructures sportives, aurait décidé de devenir un expert en natation après la noyade de son père dans le Danube. Quant aux Britanniques, ils doivent leurs seules quatre médailles d’or à John Pius Boland, un étudiant en droit irlandais qui plus est nationaliste, vainqueur du simple et du double en tennis, et au binational anglo-australien Teddy Flack titré en athlétisme sur 800 m et 1 500 m.

    Coubertin contre la pérennisation des Jeux en Grèce

    18Lors du banquet de clôture, emporté par l’enthousiasme ambiant, le roi des Hellènes déclare aux athlètes présents : « Je ne vous dis pas adieu, je vous dis au revoir encore une fois ici. » Depuis quelques jours, en effet, une idée circule dans la presse athénienne : c’est à la Grèce qu’il revient d’organiser les éditions ultérieures des Jeux olympiques. Par un communiqué de presse, Coubertin s’empresse de rappeler que le congrès de 1894 avait établi que les Jeux suivants devaient se dérouler à Paris en 1900, puis alternativement dans une des grandes capitales du monde. Sa réaction est si immédiate et virulente que Vikélas lui concède de prendre la présidence du Comité dorénavant international et olympique. Pour s’assurer le soutien de ses collègues du CIO pourtant prêts à se joindre à l’initiative de Georges Ier, il rend alors publiques les candidatures de New York, Berlin et Stockholm pour les Jeux de 1904, ainsi que celle de Budapest pour 1908. Au printemps suivant, il mettra même à profit la défaite militaire de la Grèce contre l’Empire ottoman, et de la banqueroute qui a suivi, pour convoquer un deuxième congrès olympique au Havre.

    19Officiellement, il s’agit de trouver une solution au « problème de l’éducation physique », c’est-à-dire, dans son esprit, démontrer la supériorité du sport sur les différentes méthodes de gymnastique. En vérité, Coubertin espère que le congrès va lui permettre de reprendre le contrôle des Jeux olympiques tout en confortant son influence et son enracinement politique en terre normande. La proximité ferroviaire de la capitale et la qualité des liaisons avec les ports anglais et américains doivent faciliter la venue des congressistes au Havre. Bénéficiant du soutien des républicains modérés havrais depuis une décennie, Coubertin ne manque pas d’inviter l’ancien maire Félix Faure, devenu président de la République en janvier 1895, à ouvrir officiellement ce deuxième congrès olympique.

    20Douze participants se sont déplacés de l’étranger sur les soixante congressistes venus de dix pays différents, dont six membres du CIO. Les résolutions adoptées par les congressistes constituent un compromis tout à fait diplomatique entre les différentes méthodes d’éducation physique résumé dans la formule « l’éducation physique représente l’harmonieuse combinaison de la gymnastique et du sport », l’accent étant mis sur la nécessité d’en développer la pratique dans les écoles. Mais l’essentiel n’est pas là : Coubertin a conforté sa présidence du CIO et il a donné des garanties pour la tenue des prochains Jeux à Paris. Si la Grèce n’a pas obtenu gain de cause, elle ne cessera jamais de revendiquer la paternité des JO. Et plusieurs fois, elle tentera même d’en récupérer l’organisation chez elle. En tout cas, elle est le premier pays au monde à avoir développé une forme de diplomatie olympique.

    Bibliographie

    Georgiadis Konstantinos, Olympic Revival: The Revival of the Olympic Games in Modern Times, Athens, Ekdotike Athenon, 2003.

    Kitroeff Alexander, Wrestling with the Ancients: Modern Greek Identity and the Olympics, New York, Greekworks, 2004.

    Koulouri Christina (éd.), Athens, Olympic City, 1896-1906, Athens, International Olympic Academy, 2004.

    Mitsopoulou Christina, Farnoux Alexandre et Jammet Violaine (dir.), L’olympisme. Une invention moderne, un héritage antique, op. cit.

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