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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Pierre de Coubertin en théoricien du pacifisme libéral L’amateurisme comme barrière de classe, de genre et de race Le plébiscite d’Athènes plutôt que le projet parisien de Coubertin Le premier Comité international : sportsmen, officiers et pédagogues Le négociant et lettré grec Vikélas comme premier président Un programme sportif savamment négocié mais déjà critiqué Bibliographie

    Les Jeux olympiques de 1892 à 2024

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    Table des matières

    Prologue. Paris 1892 et 1894

    Pour la paix, par les Jeux olympiques

    p. 23-30

    Texte intégral Pierre de Coubertin en théoricien du pacifisme libéral L’amateurisme comme barrière de classe, de genre et de race Le plébiscite d’Athènes plutôt que le projet parisien de Coubertin Le premier Comité international : sportsmen, officiers et pédagogues Le négociant et lettré grec Vikélas comme premier président Un programme sportif savamment négocié mais déjà critiqué Bibliographie

    Texte intégral

    1Le 25 novembre 1892, le jeune baron Pierre de Coubertin (1863-1937) déclare en Sorbonne devant les dirigeants des clubs de l’élite sociale parisienne : « Il est évident que le télégraphe, les chemins de fer, le téléphone, la recherche passionnée de la science, les congrès, les expositions ont fait plus pour la paix que tous les traités et toutes les conventions diplomatiques. Eh bien, j’ai espoir que l’athlétisme fera plus encore : ceux qui ont vu 30 000 personnes courir sous la pluie pour assister à un match de football ne trouveront pas que j’exagère. Exportons des rameurs, des coureurs, des escrimeurs ; voilà le libre-échange de l’avenir et le jour où il sera introduit dans les mœurs de la vieille Europe, la cause de la paix aura reçu un nouvel et puissant appui. » Et plus loin d’ajouter : « Cela suffit pour encourager votre serviteur à songer maintenant à la seconde partie de son programme ; il espère que vous l’y aiderez comme vous l’en avez aidé jusqu’ici, et qu’avec vous il pourra poursuivre et réaliser, sur une base conforme aux conditions de la vie moderne, cette œuvre grandiose et bienfaisante : le rétablissement des Jeux olympiques. »

    2Alors que les échanges sportifs entre pays se multiplient, son idée olympique de paix internationale par le sport est jugée pour le moins irréaliste et anachronique, et la presse parisienne ne lui donne pas d’écho particulier. Deux années de voyages et de propagande sont alors nécessaires à Coubertin pour faire adhérer à son projet quelques dirigeants sportifs influents de France, de Grande-Bretagne et des États-Unis. Le 23 juin 1894, il va profiter d’un congrès international de sportsmen, convoqué à Paris aux fins d’adopter une définition internationale de l’amateurisme, pour faire voter à l’unanimité sa proposition de « rétablissement des Jeux olympiques sous une forme moderne ».

    Pierre de Coubertin en théoricien du pacifisme libéral

    3Mais comment un jeune aristocrate parisien âgé de seulement 29 ans a-t-il pu avoir l’idée d’organiser des compétitions sportives itinérantes de capitale en capitale pour faire progresser la paix entre les peuples ? À vrai dire, depuis quelque temps déjà, il existe en Europe un air du temps sportif et olympique : « Jeux olympiques du Rondeau » organisés tous les quatre ans à l’initiative des jeunes séminaristes du Rondeau près de Grenoble de 1832 à 1905, Jeux athéniens imités des Anciens que finance le patriote grec Evangelos Zappas à sept reprises entre 1859 et 1893, fouilles et découverte du site d’Olympie par l’Allemand Ernst Curtius de 1875 à 1881, « Olympian Games » organisés à Much Wenloch en Angleterre depuis 1852 par le Dr William Penny Brookes qui a même initié un rapprochement avec les organisateurs grecs. Surtout, il y a cette idée émise en 1891 par le célèbre pacifiste britannique Hodgson Pratt de compétitions sportives et de concours de prose et de poésie entre étudiants « en vue de la concorde et de la coopération internationales ».

    4Coubertin a bien connaissance de tout cela. Sa scolarité classique lui a donné de solides bases en histoire grecque et romaine, il s’est forgé une vision aiguisée des enjeux géopolitiques à l’École libre des sciences politiques, il est introduit dans les cercles pacifistes depuis le congrès de Paris en 1889, il a rendu visite en 1890 au Dr Brookes, et il fréquente le père Henri Didon dès janvier 1891. Son originalité tient au fait qu’il est un jeune pratiquant de sport en amateur (sportsman), un aristocrate connecté à des élites européennes encore largement monarchistes, un militant de l’introduction de l’éducation sportive dans l’enseignement secondaire soit pour un public de moins de 5 % des jeunes garçons français. Il est aussi un dirigeant sportif entreprenant qui multiplie depuis 1888 les initiatives pour favoriser les compétitions entre jeunes athlètes français, anglais, belges, américains. Bref, il est un des tout premiers acteurs du processus émergent de mondialisation sportive, et son premier théoricien.

    5Mais ses atouts deviennent aussi très vite des handicaps, particulièrement en France. Ses nombreux adversaires, qu’ils soient patriotes, catholiques, républicains ou socialistes, lui reprochent pêle-mêle d’introduire des Jeux inventés dans une monarchie ennemie et protestante, de les destiner seulement à l’élite sociale, et de vouloir contribuer à la paix internationale alors que la France devrait préparer la revanche contre l’Empire allemand.

    L’amateurisme comme barrière de classe, de genre et de race

    6Lors du congrès international tenu en Sorbonne en juin 1894, les délégués des clubs anglo-saxons, qui se considèrent comme les gardiens du temple du sport, n’accordent guère d’intérêt à la 2e commission dite de « rétablissement des Jeux olympiques ». Ils préfèrent se consacrer au sujet plus essentiel à l’ordre du jour de la 1re commission : l’adoption d’une définition internationale de l’amateurisme. L’enjeu, pour tous ces sportsmen qui pratiquent tous les sports au fil des saisons, est de refouler hors de leurs clubs et de leurs tournois les spécialistes ou professionnels qui sont généralement issus des classes populaires et qui les empêcheraient d’accéder à la victoire. Or la définition d’un athlète amateur varie d’un pays à l’autre, et même d’un sport à l’autre. Et comme les compétitions entre athlètes de nationalités différentes se multiplient, le risque augmente qu’un amateur rencontre un professionnel sans nécessairement le savoir. Or, on perd automatiquement son statut d’amateur en ne respectant pas l’esprit du jeu qui repose sur la compétition entre personnes dotées de dons naturels de par leur origine sociale, et non entre adversaires qui s’abîment moralement dans la quête de la victoire à tout prix.

    7Pour les représentants des associations britanniques d’athlétisme et d’aviron, il s’agit d’exclure explicitement les ouvriers considérés par nature comme enclins à être payés pour leur performance ou à succomber à la tentation des paris d’argent. Quant aux jeunes filles et aux femmes, et aux populations autres que d’origine européenne, elles constituent un impensé et sont évincées de facto. La définition qui est finalement adoptée par les congressistes ne stigmatise pas les sportifs d’origine populaire mais elle n’en est pas moins rigoriste sur le plan social : « est amateur toute personne qui n’a jamais pris part à un concours ouvert à tous venants, ni concouru pour un prix en espèces ou pour une somme d’argent, de quelque source qu’elle provienne, notamment des admissions sur le terrain, ou avec des professionnels, et qui n’a jamais été à aucune période de sa vie, professeur ou moniteur salarié d’exercices physiques ». Rien n’est dit toutefois de certaines pratiques en usage comme la revente des prix en nature, les indemnités versées par les clubs ou des bienfaiteurs comme manque à gagner pour les journées non travaillées, les frais d’études pris en charge par les universités, le paiement des entretiens exclusifs donnés à la presse. La question des faux amateurs ne cessera de resurgir et empoisonnera les Jeux olympiques jusqu’aux années 1980.

    8Composée seulement de onze délégués français et de six autres émissaires provenant des marges nordiques, orientales et méditerranéennes de l’Europe, la « commission olympique » est d’avance conquise à l’idée du « sport pour l’honneur » qui est « la formule fondamentale et intransformable à laquelle on doit tendre ». Elle rejette l’idée d’exclure a priori les ouvriers en tant que tels, mais elle exige des « gages de bonne moralité ». Un sportsman olympique doit faire preuve d’esprit sportif qui est un mélange de respect de l’adversaire et des règles du jeu (fair-play), de maîtrise de soi, et de persistance mesurée dans l’effort. C’est aussi une manière de filtrer, et d’exclure éventuellement, les compétiteurs jugés déviants du fait de leur mauvais comportement sportif et en société. Une exception est faite toutefois pour les épreuves d’escrime qui seront ouvertes aux professionnels, c’est-à-dire aux maîtres d’armes dont le sens de l’honneur ne saurait être mis en doute et sans lesquels les tournois olympiques n’auraient guère d’intérêt.

    Le plébiscite d’Athènes plutôt que le projet parisien de Coubertin

    9Outre sa version de l’amateurisme, la petite commission olympique propose à l’assemblée générale des congressistes un certain nombre de dispositions qui vont marquer à jamais l’histoire des Jeux olympiques. Tous les ans à compter de 1948, en effet, ce 23 juin sera fêté comme « journée olympique » dans le monde entier. Le premier vœu affirmait : « nul doute ne pouvant exister sur les avantages que présente le rétablissement des Jeux Olympiques tant au point de vue de l’athlétisme qu’au point de vue moral et international, que ces jeux soient rétablis sur des bases et dans des conditions conformes aux nécessités de la vie moderne ». Les derniers mots sont de première importance pour Coubertin qui se refuse à des concours imités de l’antiquité à la façon des pageants, ces spectacles historiques si prisés des Américains. Le terme même de « Jeux Olympiques », s’il peut prêter à confusion, présente au moins deux avantages à une époque où l’expression « championnat du monde » est très peu usitée : il ennoblit le projet en le renvoyant à une tradition antique et il suggère que plusieurs disciplines sportives pourront cohabiter.

    10Concernant le lieu des premiers concours, deux propositions s’affrontent : Pierre de Coubertin est favorable à des jeux en France pour l’Exposition universelle de 1900 tandis que les distingués sportsmen du Polo Club de Paris sont partisans d’épreuves à Londres même. La question est finalement tranchée le 23 juin en séance plénière par des délégués enthousiasmés par la proposition du délégué grec Dimítrios Vikélas que les Jeux olympiques soient restaurés à Athènes en 1896. Préférant des Jeux grecs à des Jeux anglais, Pierre de Coubertin obtient que la deuxième édition se déroule à Paris quatre ans plus tard. Ces jeux se déplaceront ensuite de part et d’autre de l’Atlantique, puis à compter des JO de Melbourne en 1956 sur tous les continents et hémisphères hormis l’Afrique.

    11La solution athénienne est l’aboutissement d’une campagne savamment orchestrée par la monarchie grecque. Georges Ier, qui est un dynaste d’origine danoise, et ses conseillers ont très tôt identifié l’intérêt politique de ces Jeux afin de conforter le sentiment national du peuple grec et de réinsérer la Grèce dans le concert des nations européennes. En renouant avec un passé antique prestigieux, le roi des Hellènes fait vibrer deux puissantes cordes : le philhellénisme des élites occidentales et le panhellénisme des Grecs de la diaspora. Et ce n’est pas un hasard si la Pâque 1896 a été choisie : c’est le jour de la fête majeure des chrétiens orthodoxes et le 75e anniversaire de la proclamation d’indépendance de l’État grec moderne insurgé contre l’Empire ottoman.

    Le premier Comité international : sportsmen, officiers et pédagogues

    12Les congressistes décident en outre de remettre à Dimítrios Vikélas la présidence du Comité international des Jeux olympiques (CIJO) qui aura pour mission de veiller à la pérennité de ces événements quadriennaux qui seront itinérants. Pour garantir l’indépendance et la neutralité de ce Comité, trois principes de fonctionnement sont imaginés : la présidence est confiée pour quatre ans au membre du pays qui accueillera les prochains Jeux ; les membres disposent d’un mandat à vie et se recruteront par cooptation ; ils représentent le Comité dans leur pays et non leur pays au sein du Comité.

    13Seul à être inséré dans les réseaux du sport international en train d’émerger, Coubertin a lui-même choisi les douze autres premiers membres, sans vraiment d’ailleurs demander leur avis aux intéressés. Son choix s’est porté sur des sportsmen connus de tous pour incarner les valeurs de l’amateurisme et sur des pédagogues qui accordent au sport une place centrale dans la formation des caractères. Il a aussi veillé à un savant équilibre des différentes cultures athlétiques nationales et a bien pris soin de recruter des collègues proches de lui et amis de la France. L’absence d’un membre allemand lui vaut une violente campagne de presse outre-Rhin à laquelle il répond en prétextant que les sociétés germaniques n’ont pas répondu à ses courriers. Sous la pression de l’Empereur Guillaume II et du souverain grec, Vikélas imposera en 1895 le recrutement du docteur en chimie Willibald Gebhardt qui est très engagé en faveur de tous les sports.

    14Le bureau du CIJO est donc composé du président Dimítrios Vikélas, du secrétaire général Pierre de Coubertin, et du trésorier Ernest Callot qui présente le double avantage d’être un helléniste distingué et un ancien président de l’Union des sociétés de gymnastique de France (USGF) acquis à la cause compétitive. Les trois représentants du sport anglo-saxon sont le très jeune lord Ampthill qui préside les Rowing Club d’Oxford et de Londres, Charles Herbert qui est le secrétaire de l’Amateur Athletic Association et travaille pour le fameux journal sportif The Field, et le principal dirigeant de l’amateurisme néo-zélandais Leonard Cuff. Les Amériques bénéficient de deux représentants : William Milligan Sloane, professeur d’histoire à Princeton et délégué du New York Athletic Club, et le Dr José Benjamín Zubiaur qui promeut le sport dans les établissements d’enseignement secondaire argentins.

    15L’Europe scandinave, centrale et orientale, davantage familière des pratiques gymniques, a pour représentants Jiri Guth-Jarkovski qui est un professeur de lycée tchèque, le pacifiste hongrois Férenc Kémény qui dirige un lycée moderne, le général de Boutowski en charge de l’éducation physique dans les écoles militaires russes, et le commandant Victor Balck qui est un célèbre propagandiste suédois de la gymnastique et du sport. Quant au vice-consul Lucchesi-Palli en poste à Paris, trop peu disponible, il a rapidement cédé sa place au député italien et duc d’Andria-Carafa. Enfin, c’est un autre aristocrate et ami de la France qui représente la Belgique : l’avocat et tennisman comte Maxime de Bousies.

    Le négociant et lettré grec Vikélas comme premier président

    16Dimítrios Vikélas (1835-1908) est un personnage-clé de l’offensive diplomatique menée par la monarchie grecque pour prendre le contrôle des Jeux rénovés. Sa performance diplomatique, lors du congrès de Paris, est d’autant plus remarquable qu’il n’a connu qu’une éphémère initiation à l’escrime, à l’équitation et à l’aviron du temps de ses études en Angleterre comme il le reconnaîtra dans ses mémoires. Membre d’une famille de commerçants grecs établis à Constantinople et Odessa, à Londres et Marseille, il travaille auprès de ses oncles établis dans la City durant un quart de siècle. Devenu polyglotte, il se fait connaître de ses contemporains pour les collectes de fonds qu’il organise en soutien au nouveau monarque Georges Ier et à la cause crétoise. Figure emblématique de la littérature grecque contemporaine, quoique largement autodidacte, Vikélas joue, durant trois décennies, un rôle important dans la réactivation du sentiment philhellène auprès des élites insulaires et continentales.

    17À Londres, il traduit ainsi en grec moderne Shakespeare et Robert Burns, donne une version anglaise de Homère, tout en commentant parallèlement dans la presse spécialisée les progrès économiques de son pays d’origine. Ses contes et ses poésies, rédigés, tantôt dans une langue grecque classique, tantôt en démotique contemporain, lui valent, auprès de ses compatriotes, une réputation incontestée d’auteur national au moment même où la querelle philologique entre Anciens et Modernes connaît son apogée. Avec Les Byzantins, publié en 1874, il propose une ambitieuse vulgarisation des travaux historiques en cours sur la Grèce médiévale. La réhabilitation alors en vogue de la Grèce chrétienne et impériale sert de justification historique aux velléités helléniques d’expansion en mer Égée contre les prétentions bulgare et turque. Son roman Loukis Laras (1878), traduit en dix-sept langues raconte le drame des populations semi-indépendantes des pays irrédimés, victimes de la répression ottomane de 1821.

    18Vikélas poursuit sa double campagne intellectuelle et patriotique à Paris où il s’installe à compter de 1878. Il voyage également beaucoup en Europe et fait partie des invités au mariage du prince héritier Constantin en 1889. Comme beaucoup d’autres négociants grecs, il figure parmi les donateurs de nombreuses œuvres comme la Société pour la construction de l’église orthodoxe grecque de Paris ou bien l’Association pour l’encouragement des études grecques en France. Sa générosité et son érudition lui valent même d’intégrer très tôt le bureau de cette société philologique et humaniste ; il en est le vice-président en 1894. L’article qu’il publie en 1891, dans la Revue d’histoire diplomatique, sur le philhellénisme en France dans les années 1820, est un moyen de diffuser officieusement la position de la Grèce sur la question d’Orient. Pour lui, la Grèce moderne devrait être soutenue par les puissances occidentales dans la mesure où sa renaissance encourage les autres peuples chrétiens d’Orient à s’émanciper et oblige la Turquie à entrer, pour son propre bien, dans la voie de la civilisation. Assurément, son écriture de l’histoire a aussi valeur d’engagement dans l’histoire en train de se faire, comme le prouve son deuxième essai historique sur la Grèce médiévale publié chez Firmin-Didot en 1893. Augmenté cette fois de chapitres d’histoire contemporaine, La Grèce byzantine et moderne lui donne l’occasion de célébrer le régime parlementaire adopté en 1875.

    19En quête de reconnaissance internationale, le roi George Ier ne pouvait rêver meilleur ambassadeur de l’hellénisme et de la modernité de la nouvelle Grèce que ce « diplomate hors-cadre » selon la formule du poète parnassien et premier prix Nobel de littérature Sully Prudhomme. Monarchiste libéral et cosmopolite, Vikélas n’a occupé que deux années la présidence du Comité olympique qu’il cédera à Coubertin après les Jeux d’Athènes en application des décisions du congrès de la Sorbonne, et probablement aussi du fait du soutien qu’il doit apporter à son épouse fréquemment internée à l’asile d’Ivry-sur-Seine depuis 1874.

    Un programme sportif savamment négocié mais déjà critiqué

    20Pour assurer le succès des premiers JO, les congressistes de juin 1894 ont établi une liste des sports représentés « autant que possible » : sports athlétiques (courses, sauts, mais aussi lancer du poids et du disque réclamé par les Grecs en souvenir du sculpteur Myron) débouchant sur un Championnat général d’athlétisme dénommé « pentathle », sports nautiques (aviron, voile, natation), jeux athlétiques (football, lawn-tennis, paume), patinage, escrime (fleuret, sabre, épée), boxe, lutte, sports hippiques et polo, tir et gymnastique (exercices individuels, mouvements d’ensemble), vélocipédie, et même prix d’alpinisme. Ils n’ont pas envisagé d’intégrer des sports trop spécifiquement britanniques ou américains comme le cricket ou le baseball, ou bien propres aux peuples colonisés.

    21Le programme officiel, adopté en novembre 1894 par le Comité hellène d’organisation, supprimera le football (comprendre plutôt le rugby), la paume, le patinage, la boxe, les sports hippiques, le polo et l’alpinisme, et ajoutera le water-polo et la course de Marathon inventée pour l’occasion par le linguiste français Michel Bréal. Tout cela est le résultat d’un compromis passé par les sportsmen anglo-saxons avec les gymnastes du continent européen qui acceptent le principe de compétition individuelle, et avec les organisateurs grecs fiers de promouvoir leur passé athlétique. Si Coubertin doit reconnaître l’hégémonie réglementaire anglo-saxonne en matière de lancers et sauts, d’aviron, de tennis et de cricket, il impose néanmoins certains règlements de sociétés parisiennes pour les courses à pied, l’escrime et la voile, en sus du recours au système métrique et à la langue française comme langue éditoriale et arbitrale.

    22Tous ces choix suscitent bien des réactions de rejet en Grèce même, en Grande-Bretagne et en Allemagne. La presse britannique qui revendique le titre de « first sporting nation in the world » en vient à imaginer des All-England Olympic Games ouverts uniquement aux athlètes anglais. Craignant d’être classées au dernier rang olympique du fait de la sur-représentation des épreuves d’athlétisme, les trois fédérations allemandes de gymnastique (Turnen) ont même songé un temps à des Jeux de confrontation (Kampfspiele) étendus à tous les sports mais fermés aux autres nations. Il reste que les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne auront bien lieu à Athènes en avril 1896 et constitueront un incontestable succès sportif et populaire même s’ils furent relativement peu médiatisés à l’étranger. Mais encore fallait-il parvenir à organiser un tel événement dans une Grèce à peine renaissante qui n’en avait aucune expérience, et surtout y attirer des athlètes de l’Ancien et du Nouveau mondes.

    Bibliographie

    Clastres Patrick, La chevalerie des sportsmen : Pierre de Coubertin (1863-1937), thèse de doctorat en histoire contemporaine, dir. Jean-François Sirinelli, Institut d’études politiques de Paris, 2011.

    Clastres Patrick, Pierre de Coubertin ou la paix par le sport, Rennes, Presses universitaires de Rennes, à paraître.

    Mitsopoulou Christina, Farnoux Alexandre et Jammet Violaine (dir.), L’olympisme. Une invention moderne, un héritage antique, Paris, Louvre éditions, 2024.

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    Clastres, P. (2025). Prologue. Paris 1892 et 1894. In Les Jeux olympiques de 1892 à 2024 (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13j30
    Clastres, Patrick. « Prologue. Paris 1892 et 1894 ». In Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13j30.
    Clastres, Patrick. « Prologue. Paris 1892 et 1894 ». Les Jeux olympiques de 1892 à 2024, Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/13j30.

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    Clastres, P. (2025). Les Jeux olympiques de 1892 à 2024 (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13j3u
    Clastres, Patrick. Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13j3u.
    Clastres, Patrick. Les Jeux olympiques de 1892 à 2024. Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/13j3u.
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