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  • « La main à la pâte »
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Introduction Apprentissage aux carnavals indépendants de Nice et Marseille L’apprentissage sans maître ni disciple ? Ou comment apprendre à faire un carnaval anti-touristique avec les anarchistes génois Field-crossing et l’imprévu Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Enquêter en carnaval

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    « La main à la pâte »

    L’apport des méthodes multisensorielles et du field-crossing dans les recherches sur le carnaval et l’événement festif

    Monika Salzbrunn, Raphaela von Weichs et Federica Moretti

    p. 69-94

    Note de l’auteur

    « This project has received funding from the European Research Council (ERC) under the European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme (ARTIVISM – grant agreement no 681880) ».
    Les noms mentionnés dans le texte se réfèrent aux noms réels ou aux pseudonymes que les participants et participantes à la recherche ont choisi pour être cités. Les personnes sont donc nommées selon leurs préférences.

    Remerciements

    Nous remercions toutes les actrices et tous les acteurs rencontrés sur nos terrains respectifs pour le généreux partage de leurs discours, pratiques et expériences. Ana Laura Rodriguez Quinones a relu, commenté et coédité cet article ; qu’elle en soit remerciée. Nous remercions également Blaise Strautmann, Leila Fiorentino et Léonore Vuissoz pour leurs relectures, Lisa Zanetti pour le formatage, ainsi que Nathalie Gauthard et Blodwenn Mauffret pour leurs commentaires enrichissants.

    Texte intégral Introduction Apprentissage aux carnavals indépendants de Nice et Marseille L’apprentissage sans maître ni disciple ? Ou comment apprendre à faire un carnaval anti-touristique avec les anarchistes génois Field-crossing et l’imprévu Conclusion Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    Introduction

    1Comme évoqué dans l’introduction de cet ouvrage, « le carnaval est un phénomène festif protéiforme », aussi bien dans son déroulement que dans ses significations. L’étude du carnaval nécessite donc une méthodologie permettant de saisir sa nature dynamique et multisensorielle. En effet, un grand nombre de formes festives et carnavalesques a été étudié sous l’angle de la rupture avec l’ordre établi, postulant qu’un « monde à l’envers1 » se crée pendant la situation festive. Les travaux de Monika Salzbrunn sur Cologne ont cependant montré que le carnaval reflète aussi des logiques hiérarchiques en cours pendant le restant de l’année, malgré le fait que la subversion ou la révolte fassent a contrario partie d’un récit historique collectif solidement ancré2. Afin de saisir au mieux les logiques politiques sous-jacentes aux carnavals, une étude immersive à long terme, comprenant la période préparatoire et la phase post-évènement, semble s’imposer. C’est dans cette perspective de longue durée et d’immersion que s’est constitué le projet ARTIVISM. Art and Activism. Creativity and Performance as Subversive Forms of Political Expression in Super-Diverse Cities, financé par le Conseil européen de la recherche (ERC). Dans ce cadre, nous avons développé des outils méthodologiques combinant l’apprentissage (apprenticeship), l’analyse multisensorielle et les méthodes audiovisuelles (dont, notamment, le dessin, la photographie et le film)3. De plus, la méthode du field-crossing4 a été appliquée afin de croiser les regards sur les terrains respectifs des chercheuses sur les trois continents couverts par le projet (Amérique, Afrique, Europe) pendant six ans (2016-2022).

    2Le présent article explore et analyse les expériences vécues sur les terrains carnavalesques du projet (en Italie et en France) par trois des chercheuses : la principal investigator (PI), la chercheuse senior et une doctorante5. Une attention particulière est portée aux méthodologies appliquées, notamment à la méthode de l’apprentissage et à son lien avec les Carnival Studies. Dans le cadre de pratiques carnavalesques, l’apprentissage se construit sur le partage des expériences techniques, physiques, artistiques et intellectuelles à travers la fabrication des chars, des costumes, des chorégraphies ou encore à travers la communication sur l’évènement. Cette entrée permet non seulement d’aborder le carnaval dans sa longue durée et sa richesse, mais également de penser l’impact des méthodes participatives sur l’accès au terrain et sur la compréhension des phénomènes analysés. Elle met en lumière la construction d’une connaissance qui passe par la matérialité des objets et l’engagement du corps et des sens des chercheurs et chercheuses dans l’étude de pratiques festives et carnavalesques, enrichissant, en retour, cette approche méthodologique de nouvelles réflexions sur le savoir anthropologique.

    3En effet, la littérature qui analyse l’apprentissage, à la fois comme méthode et comme objet d’étude, est extrêmement riche dans différents champs de l’anthropologie. On retrouve l’apprentissage surtout dans les études sur la transmission culturelle, sur les savoir-faire et dans l’anthropologie du travail6, l’anthropologie de l’éducation7, les études sur les arts corporels comme la danse, le sport et la musique8, les théories d’enskilment et embodiment9, celles sur le développement cognitif, inspirées par l’approche socioculturelle du psychologue russe10 Vygotsky, ou encore l’apprentissage en tant qu’anthropologues et ethnographes11. Qu’ils traitent de la relation novice-maître12, du rapport novice-environnement13, ou des aspects sociaux impliqués dans la pratique14, l’attention de ces travaux se concentre sur la transformation de l’apprentie15, la mise en question de l’autocentrisme épistémologique, et sur le processus de transmission et d’acquisition de connaissances pratiques, professionnelles, sociales, culturelles, corporelles et intellectuelles. Pourtant, malgré la richesse de la littérature consacrée à l’apprentissage, peu d’études abordent l’apprentissage du savoir-faire dans le carnaval16 et peu adoptent l’apprentissage comme méthode de recherche dans ce domaine. Dans le cadre de la recherche ERC ARTIVISM, l’apprentissage devient une méthode pour analyser des pratiques artivistes, plutôt qu’un objet d’étude en soi, comme c’est par exemple le cas dans les recherches susmentionnées sur la transmission culturelle ou l’anthropologie du travail.

    4La première partie du présent chapitre explore la méthode de l’apprentissage sur le terrain français (Nice et Marseille). Par la suite, cette méthode sera présentée dans le cadre de la recherche développée sur le terrain italien, en prenant l’exemple de Gênes. Enfin, une troisième partie sera dédiée à la méthode du field-crossing17 développée par Salzbrunn. Cette méthode collaborative permet à une chercheuse externe de se rendre sur le terrain d’un ou une collègue, ouvrant de nouvelles perspectives sur l’objet de recherche, et nourrissant les réflexions de la chercheuse principale de ses propres questionnements, surprises et interactions. Ainsi, un projet collaboratif sur l’évènement festif peut être mené de façon créative et multisensorielle sur chaque terrain, tout en assurant la cohérence d’un ensemble protéiforme.

    Apprentissage aux carnavals indépendants de Nice et Marseille

    5Dans le cadre du terrain français, la doctorante Federica Moretti a adopté plusieurs méthodes d’enquête afin de saisir les dynamiques sous-jacentes aux carnavals. Elle a aussi été rejointe, à des occasions ponctuelles, par d’autres membres et affiliés de l’équipe de recherche ERC ARTIVISM18, notamment Monika Salzbrunn, Raphaela von Weichs, Ana Laura Rodriguez Quinones et Pascal Bernhardt, afin d’appliquer la méthode du field-crossing19. Cette première partie se concentre sur la participation aux ateliers de carnaval à Nice et sur la préparation du carnaval indépendant à Marseille, à laquelle Monika Salzbrunn, Pascal Bernhardt et Raphaela von Weichs ont également participé de différentes manières en 2019. En particulier, nous discuterons de la méthode de l’apprentissage en évoquant sa combinaison avec le field-crossing20.

    6Entre l’automne 2017 et le printemps 2018, Federica Moretti a participé à Nice à des ateliers de construction de grosses têtes, figures typiques du carnaval niçois21. Pendant la période initiale des ateliers, une participation pratique a été privilégiée à l’utilisation de la caméra, qui a été mobilisée ultérieurement, une fois un rapport de confiance établi avec les participants et participantes. Ce terrain long a été complété par des séjours ponctuels et des échanges constants avec les acteurs et actrices du terrain, tant à Nice qu’à Marseille, tout au long de la recherche entre fin 2016 et début 2020.

    7L’apprentissage en tant que méthode de recherche sur le terrain carnavalesque permet à la chercheuse d’accéder à des connaissances historiques, spatiales, sociales, politiques, culturelles et techniques. Ces connaissances sont produites, reproduites et transmises au cours des ateliers. Elles génèrent un savoir sur le carnaval basé sur la répétition de techniques manuelles et le partage de souvenirs et d’idéaux de carnavals passés et/ou souhaités. Ceux-ci sont donc incorporés dans les gestes et les matériaux de construction, ainsi que saisissables sous leurs formes multisensorielles, dont notamment les musiques choisies. En effet, dans la participation à la fabrication et à la mise en place des carnavals indépendants analysés, au-delà de l’acquisition de savoir-faire tel que la construction d’objets en carton-pâte, l’intérêt pour l’apprentissage comme méthode reposait sur son potentiel révélateur. À la différence des approches susmentionnées qui analysent les aspects de transmission, transformation et acquisition qui se développent au sein d’un apprentissage, il s’agissait de détecter les dynamiques sociales, politiques et culturelles qui allaient au-delà de l’espace de l’apprentissage22. Ces dynamiques sont visibles au travers des lieux où ces ateliers se déroulent, des discours qui les animent, des personnes qui y participent, mais également au travers des divers aspects matériels des ateliers. L’analyse des données a ainsi révélé les dynamiques spatiales et économiques23 qui caractérisent le contexte où ces carnavals ont lieu. Ces changements urbains ont également été suivis par Monika Salzbrunn24 et Raphaela von Weichs25 durant la période hors carnaval.

    8Pour mieux comprendre ce que ces ateliers de carnavals représentent aujourd’hui, un aperçu historique s’avère nécessaire. La ville de Nice a en effet connu l’émergence d’un premier carnaval indépendant pendant les années 1990-début 2000 à Saint-Roch, un quartier ouvrier et populaire. Organisé par le groupe Nux Vomica, initialement un collectif de peintres puis un groupe de musique de style raggamuffin niçois26, ce carnaval avait pour but de créer un moment festif et fédérateur à partager avec le voisinage, reposant sur l’idée de création collective qui emplisse l’espace public27. Au fil des années, il a inspiré d’autres carnavals indépendants, aussi bien à Nice qu’à Marseille, mais, au gré des changements parmi ses participants et participantes, il s’est peu à peu essoufflé jusqu’à une quasi-disparition au début des années 201028. Néanmoins, les acteurs et actrices rencontrés sur le terrain affirment que l’« esprit » de ce carnaval continue à exister, inspirant notamment les activités29 proposées annuellement par Nux Vomica, telles que des ateliers de danses et musiques populaires niçoises, ou les ateliers de carnaval qui seront décrits dans cette partie. Les interlocuteurs et interlocutrices de notre recherche, qui font partie de différents groupes sociaux et qui proviennent de milieux « alternatif » ou « populaire30 » de Nice, continuent à s’opposer à une image touristique de la ville et à dénoncer l’exploitation commerciale du carnaval31. Ils revendiquent une réappropriation de la fête (carnavalesque) et de l’espace public, dont ils se sentent dépossédés par les politiques de la ville, axées sur l’accroissement de l’attractivité (touristique, économique, financière) de cette dernière. Selon la perspective populaire qui guide les ateliers analysés ici, le carnaval est considéré comme un évènement convivial et participatif, et non pas un évènement marchand. Les organisateurs et organisatrices des ateliers disent ainsi répondre à une perception de perte de signification32 du carnaval officiel de Nice et aux évolutions que l’évènement a connues. L’idée sous-jacente aux ateliers est de faire connaître aux participants et participantes l’histoire du carnaval (officiel) de Nice, et d’enseigner les anciennes techniques de construction des grosses têtes qui ont changé au cours du temps.

    9Guidée par Thierry Rossini, un ancien carnavalier du carnaval officiel, la chercheuse a ainsi appris à fabriquer de grosses têtes, un élément incontournable du carnaval de Nice que ce soit pour le carnaval officiel ou pour les carnavals indépendants33. Les grosses têtes sont en effet présentes dans les deux carnavals, mais les significations mobilisées diffèrent. Si les grosses têtes font partie de la tradition carnavalesque niçoise, celles présentes dans le carnaval officiel sont perçues, par les personnes engagées dans les carnavals indépendants, comme des instrumentalisations de la tradition niçoise pour des fins touristiques et donc économiques.

    10Officiel et populaire s’entremêlent et se confrontent donc dans ces ateliers, qui réunissent différentes personnes sous la même idée de carnaval comme évènement populaire et participatif ; c’est-à-dire une fête qui prend forme grâce à l’engagement et aux envies de chacun et chacune. En adoptant cette perspective, il s’agit aussi de retrouver une conception participative liée au carnaval officiel de la première moitié du xxe siècle. Louis Pastorelli et Thierry Rossini ont en effet souligné que, à cette époque, la population niçoise construisait des petits chars et de grosses têtes pendant leur temps libre, pour ensuite participer au défilé carnavalesque, même si celui-ci était organisé pour les touristes34.

    11Participer à ces ateliers en tant qu’apprentie et contribuer ainsi à la construction de ces grosses têtes a permis à la chercheuse de mieux connaître une partie des personnes engagées dans le carnaval indépendant de Saint-Roch. De plus, « mettre les mains à la pâte » lui a donné accès aux transformations et persistances qui se retrouvent dans les imaginaires et revendications élaborés autour du carnaval indépendant. En particulier, les ateliers ont permis de comprendre comment certains discours et imaginaires continuent à alimenter des activités alternatives et indépendantes, alors que de nouvelles pratiques créatives se sont développées au fil des années, comme c’est le cas des ateliers. La participation à ces derniers, qui à première vue paraissaient ne rien avoir de contestataire, révèle au contraire une critique subtile qui passe par la réappropriation matérielle et technique du carnaval (cahier couleur, planche III, no 5).

    Fig. 5. – Grosses têtes en papier-mâché, atelier de carnaval, Nice, 2017-2018.

    © ERC-ARTIVISM Federica Moretti.

    12Tout comme pour les assemblées analysées dans une perspective performative35 par Butler, ces ateliers, par le seul fait de leur existence, s’avèrent revendicatifs : ils expriment, par exemple, à travers un choix précis de matériaux utilisés pour la fabrication de grosses têtes, des besoins, des désirs et des imaginaires sociaux difficilement énonçables par d’autres biais.

    13Si à Nice, dans le cadre des ateliers de carnaval Nux Vomica, la critique est faite de manière subtile, à Marseille, la critique politique est mise en avant de façon bien plus visible dans le carnaval indépendant. Dans la cité phocéenne, les sentiments et les vicissitudes qui ont caractérisé l’année écoulée se matérialisent dans le Caramentran, figure clé de ce carnaval. Ce pantin, promené dans les rues, est finalement jugé, condamné et brûlé à la fin du carnaval. Il symbolise les maux de l’année écoulée, desquels il est le bouc émissaire36. Un évènement avant tout festif, le carnaval indépendant de La Plaine/Noailles/Réformés et Belle-de-Mai, devient un temps d’expression des malaises – individuels et collectifs – qui ont marqué les mois précédents37. Cette rencontre entre fête et revendications politiques est soulignée en 2019 dans une autopublication créée pour célébrer les vingt ans du carnaval indépendant à Marseille : « Comme une fête que le peuple se donne à lui-même [le carnaval] est moment, moyen et outil de la dénonciation. Il donne libre cours à la création et à la créativité, à l’utopie et à la spontanéité. Ainsi, il est source et ressource de la résistance à toute forme de domination, d’exploitation et d’uniformisation38. » Il s’agit donc d’analyser les façons dont cette résistance s’exprime de manière festive, comme moment né de l’engagement de ses participants et participantes plutôt que comme fête délivrée et structurée par le haut. On retrouve ici un même élément caractérisant les deux carnavals indépendants de Nice et Marseille, qui font une allusion explicite à la définition du carnaval donnée39 par Goethe et susmentionnée ici – « une fête que le peuple se donne à lui-même40 ».

    14Après des séjours ponctuels et des échanges constants qui ont permis de développer des contacts sur le terrain marseillais, surtout grâce à Louis Pastorelli et à un premier terrain exploratoire en 2017, Federica Moretti a participé de façon ponctuelle au cours des premiers mois de 2019 aux préparatifs du carnaval indépendant de Marseille. Elle y fut rejointe par Pascal Bernhardt et Monika Salzbrunn, qui ont fabriqué leurs masques pendant les derniers jours de préparation du carnaval, tout en s’occupant de prises de vue des évènements. Par ailleurs, Monika Salzbrunn et Raphaela von Weichs ont mené un travail de terrain sur l’occupation de La Plaine en octobre 2018, rejoint par Federica Moretti. La présence de plusieurs membres de l’équipe de recherche a demandé une capacité d’adaptation aux différentes façons de s’investir sur le terrain, mais a aussi permis de s’engager sur ce terrain sous plusieurs angles. Nous avons ainsi pu participer à la construction du Caramentran, filmer, converser avec les participants et participantes et développer différents réseaux de contacts. Pendant la phase préparatoire, on se rencontre pour échanger des idées, se diviser les tâches et les mettre en place. Cette phase est aussi ponctuée d’ateliers de fabrication de masques, déguisements et chars. La période préparatoire est essentielle pour la compréhension de l’évènement41, car elle révèle en effet la synergie nécessaire à la mise en place du carnaval. Cet aspect est évoqué par Hélène, qui souligne que la participation à des réunions pour organiser le carnaval est un moment important d’échanges, de rencontres et d’inclusion de différents collectifs. Sonia Babouchka (pseudonyme) a aussi souligné l’hétérogénéité des personnes qui se retrouvent dans un but commun en mettant de côté les conflits interpersonnels42. Se réunir autour d’un lieu et d’un évènement, comme c’est le cas du carnaval, engendre une appartenance située, une communauté émotionnelle qui est nourrie par et exprimée au travers de la création et du partage d’un moment festif. Ces sentiments peuvent de plus être renforcés, dans le cas marseillais, par les raisons qui motivent l’évènement : prendre position, mais aussi créer un espace de visibilité dans les dynamiques de la ville.

    15La participation à la période préparatoire, qui précède le carnaval, révèle par ailleurs les contingences de la vie quotidienne, la créativité, la coopération et la capacité de mobiliser des ressources individuelles et collectives pour mettre en place une fête attendue et désormais inéluctable dans la vie du quartier et pour les personnes impliquées43.

    16L’année 2019 a été une édition particulière pour le carnaval de La Plaine, qui ne fêtait pas seulement son 20e anniversaire, mais qui connaissait également une édition « hors les murs ». En effet, la place Jean-Jaurès (La Plaine), lieu central et symbolique pour les habitants et habitantes du quartier – mais pas uniquement – était devenue partiellement inaccessible depuis le mois d’octobre 2018, lorsque les travaux d’aménagement qui font partie de l’Opération Grand Centre-Ville de Marseille44 ont débuté. Ce projet de rénovation est au centre des débats publics depuis plusieurs années, et une partie des habitants et habitantes du quartier autour de La Plaine s’oppose à l’aménagement d’une place qu’ils considèrent « vivante » – c’est-à-dire riche d’activités formelles et informelles –, fait sans la concertation des habitants et habitantes45. Vu les effets que ces travaux ont sur la vie du quartier, ce renouvellement est aussi présent dans le carnaval indépendant depuis au moins trois ans et il se matérialise dans le Caramentran46. Déjà en 2017, pendant le procès au Caramentran, « l’incurie, la rapacité, le laisser-faire des élus, le cynisme des spéculateurs et des banquiers » étaient dénoncés comme la cause « d’une nouvelle plaie » urbaine nommée « renouvellement et requalification47 ». Un court extrait tiré de ce moment montre les revendications au centre de la fête carnavalesque marseillaise :

    « Mesdames et messieurs, cette mise en ordre et une mise à mort […] La municipalité et son bras armé, la Soleam, vont nous vendre la ville aux tour-opérateurs et aux croisiéristes. Ils font une ville pour les touristes. Ils veulent se débarrasser de vous. C’est pourquoi, mesdames et messieurs, je demande une condamnation exemplaire. […] Je vous demande de livrer l’accusé aux flammes48. »

    17À la différence du paradoxe carnavalesque d’un maintien de l’ordre à travers le désordre49 et l’inversion, qui passe aussi par la mise à feu du roi carnaval, le carnaval indépendant de Marseille ne renforce pas la légitimité du pouvoir en place à la fin de la fête. Au contraire, même si ses effets s’avèrent éphémères50, le carnaval indépendant se situe dans une continuité avec la réalité vécue, contestée ou souhaitée par ses participants et participantes. Il illustre une façon de vivre la ville envisagée et mise en acte par les engagements quotidiens des carnavaliers et carnavalières. Au moment du carnaval, critiques et désirs sont exprimés de façon festive et ironique dans le Caramentran et son procès moqueur, ou encore par les costumes créés par les participants et participantes et les musiques jouées pendant le carnaval.

    18Le projet de rénovation de La Plaine (« la mise en ordre », et à mort, évoquée dans le procès de 2017) a donc contribué à fédérer les personnes qui gravitent autour de la place et il a fourni l’occasion d’élargir les alliances entre quartiers et luttes51 (cahier couleur, planche III, no 6).

    Fig. 6. – Préparation Caramentran 2019, Marseille, 2019.

    © ERC-ARTIVISM Federica Moretti.

    19Le Caramentran 2019 fait non seulement référence aux travaux d’aménagement de La Plaine, mais aussi aux effondrements des immeubles dans la rue d’Aubagne, qui ont causé la mort de huit personnes en novembre 201852.

    20Les apprentissages collectifs auxquels l’équipe a participé à Nice et Marseille, sous différentes formes, ont permis à chaque membre, à des degrés d’implication divers, de prendre activement part à la création de la fête carnavalesque, tout en acquérant une compréhension contextuelle de l’évènement, fortement animé par des émotions, désirs, inquiétudes et revendications élaborées tout au long de l’année. La préparation du carnaval indépendant de La Plaine et de Noailles fut également l’occasion pour les chercheuses d’observer l’esprit moqueur et revendicatif qui caractérise cet évènement, et qui constitue un trait distinctif des activités (contestataires) organisées autour des travaux sur La Plaine – comme au moment du procès au Caramentran susmentionné.

    21Néanmoins, si des acteurs et actrices comme le Collectif Mauvaise Troupe nourrissent cette image d’une fête contestataire, engagée et horizontale, en affirmant que la participation dans ces carnavals invite à « […] balayer les séparations habituelles : professeurs et élèves, pros et amateurs53 », en promouvant un engagement collectif et collaboratif, l’analyse des performances carnavalesques émergentes à Gênes, développée dans la partie suivante, révèle qu’une manière subtile d’entretenir certaines hiérarchies entre les anciens gardiens et les anciennes gardiennes du lieu et de nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes subsiste dans beaucoup de situations.

    L’apprentissage sans maître ni disciple ? Ou comment apprendre à faire un carnaval anti-touristique avec les anarchistes génois

    22Un certain nombre de travaux en sciences sociales, consacrés à la question de l’apprentissage, prennent pour modèle l’idée que ce processus se déroule entre un maître, une maîtresse et un/une disciple54. Quid alors des milieux communautaires et/ou anarchistes, qui revendiquent un mode d’organisation « sans Dieu ni Maître » ? L’apprentissage du carnaval indépendant de Gênes, récemment inventé, se déroule-t-il sans hiérarchie ? Ou alors, une certaine forme de hiérarchie est-elle perceptible à travers les méthodes multisensorielles ? Avec son équipe ERC ARTIVISM55, Monika Salzbrunn a suivi la création du premier carnaval de la « Città di sotto », de la ville d’en bas, ainsi que la fête de San Giovanni, à Gênes, dans le cadre de son terrain de long terme, commencé en 2017 (après une phase préparatoire en 2016) et toujours en cours.

    23Bien que Gênes, ville portuaire jadis d’importance mondiale, n’ait pas de tradition de carnaval à proprement parler, de nombreuses fêtes pavent son histoire, notamment la fête patronale consacrée à Saint-Jean Baptiste. Le feu de Saint-Jean, allumé la nuit du 24 juin en son honneur, brûle certes sur la Piazza Matteotti, mais de nombreuses sources56 confondent San-Giovanni et San-Giorgio dans l’histoire de Gênes. La croix de ce dernier figure bien dans le blason de Gênes en rappelant le départ de nombreux Croisés depuis le port de Gênes. Son combat contre le dragon est présent sur des façades célèbres, telles que le palais ayant abrité la première banque au monde (symbole de la globalisation et du capitalisme), portant son nom. San Giorgio fut également préféré à San Giovanni dans le choix du nouveau pont inauguré le 3 août 2020 et remplaçant le Ponte Morandi, dont l’écroulement avait causé la mort de 43 personnes en août 2018. Dans le milieu des « centri sociali », hauts lieux autogérés de la résistance politique à Gênes, la référence à San-Giovanni est bien présente et sert de repère pour l’organisation collective de cortèges politiques carnavalesques qui se terminent par un grand feu – le feu de Saint-Jean. Ces évènements sont néanmoins récents, car la répression policière durant le sommet du G8 en 2001, notamment la mort de Carlo Giuliani, tué et profané par un policier qui a roulé sur son corps, avait durablement traumatisé la société civile génoise, et conduit à une forme d’inhibition évoquée régulièrement par les acteurs et actrices rencontrés sur le terrain57, notamment dans la vieille ville, qui avait été le théâtre d’affrontements violents et de destructions qui s’en suivirent, entre autres par le Black Block.

    24Quand Monika Salzbrunn s’est présentée avec Pascal Bernhardt dans un espace occupé génois durant son assemblée générale afin d’évoquer son intérêt pour le carnaval dans le cadre de son projet ARTIVISM, les personnes présentes ont spontanément sorti des photos d’une fête de San Giovanni organisée quelques années auparavant au centre-ville. Selon eux, cette fête fut jadis très populaire. La motivation des acteurs et actrices de raviver cette tradition populaire, d’en détourner le sens vers une critique de la gentrification de la ville en coopérant avec d’autres actrices et acteurs politiques génois était forte. Ainsi, en 2019, des habitués de plusieurs centres sociaux ont participé à la confection de cartes de tarot en référence au célèbre peintre local Emanuele Luzzati, précisément connu pour ce jeu. Suivant l’idée de couples ou d’oppositions binaires, la structure de ces cartes a permis d’élaborer un message politique clair, en dénonçant un état sur une carte et en illustrant un état désiré sur l’autre, par exemple la frontière avec ses barbelés versus la libre circulation. Une personne particulièrement douée pour le dessin a créé les modèles et les autres participants et participantes ont coloré les grandes et petites cartes selon les instructions. Les grandes cartes ont été portées durant le cortège ou/et collées sur un récipient en carton d’environ 1,5 m, allumé à la fin. Les petites cartes ont été distribuées aux badauds.

    25La création de tels artefacts repose souvent sur le fait que, dans chaque lieu, il existe une ou deux personnes particulièrement douées et/ou formées comme dessinateurs et dessinatrices. La mise en forme des idées formulées par plusieurs participants et participantes s’appuie donc sur les savoir-faire de ces personnes (en grande partie des hommes ayant fait des études d’architecture ou de design). Cette répartition des tâches était encore plus clairement définie lors du second évènement marquant en 2019, un carnaval de la « Città di sotto », dont un groupe carnavalesque était à l’origine58.

    26En effet, durant cette même année 2019, l’idée d’un carnaval de la « Città di sotto », de la ville d’en bas, était née dans un contexte de gentrification et touristification croissante de la ville, liée à la présence de bateaux de croisière (cahier couleur, planche IV, no 7).

    Fig. 7. – Bateau de croisière, carnaval de la ville d’en bas, Gênes.

    © ERC ARTIVISM Monika Salzbrunn, 2019.

    27Au cours de plusieurs évènements culturels, notamment les présentations des ouvrages de Carmen Pisanello, « In nome del decoro. Dispositivi estetici e politiche securitarie » et « This is not an atlas » par le kollektiv orangotango, les occupants et occupantes d’un des lieux centraux de la préparation du carnaval avaient abordé le problème du « décor » servant de prétexte au nettoyage matériel et symbolique de la ville. Cependant, le partage d’un point de vue politique n’efface pas la rivalité entre acteurs, actrices et collectifs de la ville, comme l’indique cet extrait d’un protocole de mémoire59 : « Tu verras, il y a plein de conflits entre les différents centres60 » m’annonce un informateur génois avant que nous nous rendions dans un squat afin de participer à une réunion de coordination. En effet, la réunion est dominée par les membres d’un collectif dont un groupe de musique et de danse très puissant fait partie. Lors de la réunion, ils présentent un planning assez précis, un trajet à travers la vieille ville, et des emplacements pour organiser des saynètes de théâtre dénonçant la xénophobie et les politiques du ministre de l’Intérieur de l’époque, Matteo Salvini de la Lega Nord. La tension est palpable et des voix critiques contre l’organisation préalable sans concertation se lèvent, sans toutefois se faire entendre entièrement. Je perçois une lassitude de certains et certaines, qui aboutira en effet au retrait du collectif de l’évènement. Les autres se résolvent à accepter la proposition à défaut de pouvoir en faire d’autres en si peu de temps.

    28L’organisation récente d’évènements communs entre les différents centres sociaux et lieux occupés résulte d’une volonté de mettre fin à une longue période de rivalité et de conflits ouverts entre individus et collectifs. La ligne de partage se situe souvent entre celles et ceux devant composer avec les pouvoirs publics, voire la municipalité désormais de droite, et les autres, revendiquant une indépendance radicale par rapport aux institutions. Cependant, même ces derniers sont obligés de garder des relations minimales avec l’exécutif afin de ne pas se faire expulser pour de bon. Ainsi, le « partage du sensible61 » touche à ses limites, car ses formes et compromis ne sont pas partagés par l’ensemble des actrices et acteurs. Nato Thomson indique : « But this emphasis on space over time can lead to interesting forms of resistance because it makes the composition of a city – and the way a movement engages in it – a critical lens for action62. » La complexité des relations ambiguës entre les différents acteurs et actrices, individuels et collectifs, avec le pouvoir municipal (désormais à droite après des décennies de règne de la gauche) peut se révéler au cours d’une conversation ou d’un évènement préparatoire pour le carnaval.

    29Bien que la structure de l’évènement ait été pensée par un petit groupe de personnes, la préparation des chars et des masques s’est déroulée dans une ambiance conviviale, festive et collaborative. Une grande quantité de matériel de récupération, parfois récolté spontanément sur le chemin, a été rassemblée par les participants et participantes : cartons et rouleaux de carton, fil en différentes matières, bouts de bois provenant de bâtons à glace, tapis, grandes bandes de tissu, etc. Une des participantes, peintre, a apporté de la peinture acrylique et du matériel pour fabriquer des masques sur empreinte du visage. La création des masques s’est déroulée sans instruction formelle ni informelle, bien que le savoir-faire évident de la peintre, aboutissant à un magnifique masque en plâtre, ait suscité l’admiration des personnes présentes. Les différents participants et participantes ont inventé des masques à leur gré, au rythme des échanges avec les autres, des blagues, commentaires et mises en scène commencées aussitôt le premier accessoire terminé. Ces petites performances spontanées ont aussitôt été documentées par l’appareil photo de la peintre (occupante très engagée de l’espace et experte en patrimoine) et postées sur le groupe WhatsApp du collectif. Les membres de l’équipe ERC ARTIVISM ont par ailleurs tenu plusieurs rôles en même temps, créant des masques, filmant le travail collectif, les performances et/ou passant même spontanément au cours du défilé de l’un à l’autre63.

    30Tout comme à Marseille ou à Nice64, la phase préparatoire du carnaval indépendant à Gênes est imprégnée par un esprit théâtral et carnavalesque, où la dérision, la moquerie et la mise en scène s’expriment au cours des interactions et mini-performances spontanées. Le reste de la population est cependant moins habitué au carnaval classique, et l’esprit général paraît moins exubérant. Les liens communs entre les acteurs et actrices très engagés peuvent davantage être compris par des références communes à un esprit performatif et interventionniste ravivé au cours des vingt dernières années dans le milieu de gauche, en particulier durant les contre-performances du mouvement anti-capitaliste au G8 depuis Seattle en 1999.

    31À Gênes, la préparation des masques est également fortement rythmée par la préparation et la dégustation de repas, café et cigarettes en commun.

    « La préparation des masques se passe dans le jardin, au cours d’une journée marquée, comme souvent, par la préparation collective de repas. On se retrouve déjà dans la matinée, chacun, chacune apportant fruits, légumes, pain, bière, vin, fromages ou saucissons, ou encore de succulents plats faits maison. La démarche est résolument écologique, avec la culture d’un potager, de fleurs de Bach et l’utilisation de vaisselle non jetable. Cependant, les parfums alléchants qui invitent à table se dissipent aussitôt la dernière cuillère avalée, au profit de la fumée de cigarette (et pas seulement), partagée presque par tous et toutes. Une artiste amie du lieu justifie le passage de son tour par “un défaut de fabrication”, ce qui me permet de trouver également une excuse pour cette attitude minoritaire qui ne passe pas inaperçue65. »

    32En effet, tout au long du processus de création carnavalesque, le partage olfactif et gustatif prend autant d’importance, voire plus de place, que la fabrication matérielle des masques, chars et autres éléments du carnaval (cahier couleur, planche IV, no 8).

    Fig. 8. – Création carnavalesque et café, Gênes.

    © ERC ARTIVISM Monika Salzbrunn, 2019.

    33Il n’y a guère de rencontre sans repas, café ou cigarette partagée, ce qui reflète, selon les protagonistes du lieu, son esprit convivial. Lors d’un autre projet politico-artistique auquel Monika Salzbrunn a participé en 2018, l’organisateur a insisté sur la règle numéro 1 : « Le premier qui arrive prépare le café66. » Ce dernier accueille en effet les nouveaux venus avec un café, symbole de la convivialité selon lui. Tout en étant accueillant, il se comporte de façon subtile comme un des gardiens des lieux, contribuant à orienter les performances et autres évènements artistiques selon ses idées, sa compétence et ses expériences. Tout en se définissant comme anarchiste67, refusant toute formalisation du lieu ni inscription dans un registre quelconque, il signe également de son nom des séances de formation ou des projets artistiques. On retrouve alors la relation de maître, maîtresse, à disciple au cours des projets et formations qu’il dispense, bien que l’esprit général du lieu appelle plutôt à l’engagement collectif sans hiérarchie. La première leçon donnée par ses soins, tout comme les messages transmis par les autres membres du collectif, concerne l’hospitalité et l’intendance. La pratique culturelle tout au long de l’année et la préparation d’évènements carnavalesques sont donc marquées avant tout par un savoir-faire culinaire et l’attitude accueillante qui l’accompagne. Cette communitas est cependant fragile et peut basculer à tout moment, notamment quand les visions utopiques ou les règles établies par les anciens et anciennes sont transgressées ou verbalement mises en question par de nouveaux arrivants et arrivantes. Par ailleurs, l’occupation d’un squat, éternel processus (jusqu’à l’éventuelle évacuation, ou la régularisation), n’est-elle pas étant donné sa condition un « phénomène liminoïde68 » ? La constante évolution des hiérarchies (avouées et non avouées), et par conséquent le basculement des rôles entre maîtres, maîtresses, et disciples au cours des multiples apprentissages ayant lieu dans ces murs fait donc partie des règles implicites du jeu, malgré une philosophie anarchiste partagée par certains et certaines et une volonté de laisser place à un imaginaire utopique. Ces dynamiques contribuent donc à la transformation de la communitas liminale en une communitas normative – un processus qui est en même temps réfuté par le groupe et mène à quelques contradictions qui seront développées dans une publication ultérieure69.

    Field-crossing et l’imprévu

    34Tout au long de la conduite du projet ERC ARTIVISM, nous avons appliqué la méthode de field-crossing développé par Salzbrunn sur ses terrains de recherche japonais et français70 ainsi que dans le cadre de son enseignement. Comme évoqué plus haut, cette méthode collaborative permet à une chercheuse externe de se rendre sur le terrain d’un ou une collègue, ouvrant de nouvelles perspectives sur l’objet de recherche, et nourrissant les réflexions de la chercheuse principale de ses propres questionnements, surprises et interactions. Le rôle de field-crosser demande à la chercheuse de se positionner sur le terrain avec une sorte de naïveté décontractée qui lui permet également de développer des relations importantes au bénéfice de la chercheuse formellement engagée dans le contexte de la recherche. Par ailleurs, nous avons appliqué le field-crossing afin de

    « 1. Créer des espaces d’échange entre les chercheurs et les chercheuses interdisciplinaires qui participent au projet ;
    2. Créer des espaces d’échange entre les champs ethnographiques étudiés dans le projet ;
    3. Créer des espaces d’échange entre les concepts analytiques fondamentaux du projet, tel qu’ils sont appliqués à chaque domaine71. »

    35Le field-crossing est particulièrement intéressant lors d’évènements disruptifs qui se produisent dans chaque terrain, ou encore dans un contexte qui peut être perturbant pour chaque personne présente, car le ressenti et la perception de chacune sont des sources précieuses d’analyse72. Une prise en compte des affects individuels via le field-crossing s’inscrit dans l’ouverture du tournant affectif (après une longue période de positivisme et de scientisme) et permet de faire avancer l’anthropologie multisensorielle73 tout en renouvelant les Carnival Studies.

    36À l’occasion des défilés carnavalesques de Gênes et dans le cadre du carnaval de Viareggio, ville côtière de cinquante-cinq mille habitants en Toscane, plusieurs chercheuses ont eu la possibilité d’effectuer une période de field-crossing sur les terrains de Monika Salzbrunn et de s’immerger dans l’atmosphère de la fête carnavalesque.

    37Dans ce contexte, la maîtrise limitée de l’italien d’une des chercheuses de l’équipe l’a forcée à, et lui a en même temps permis de, se concentrer sur la perception de l’atmosphère, sur l’observation des chars, des hangars, sur les perceptions gustatives des mets, sur la perception olfactive (odeur de colle, de cigarette) et sonore (bruit de soudure, déplacement de chaînes, bruit de scierie) de l’environnement.

    38Lors de son premier terrain à la citadelle du carnaval à Viareggio, pendant que Monika Salzbrunn participait à un atelier pratique de papier mâché74, Raphaela von Weichs a ainsi fait un tour dans la cour de la citadelle, tombant par hasard sur une jeune femme parlant anglais et allemand, qui l’a invitée à visiter le chantier d’un char75. Cette coïncidence a permis à l’équipe d’entrer en contact avec des artistes inconnus, de gagner leur confiance et de mener un entretien le lendemain. Le suivi de pistes non prévues et l’ouverture à la contingence, voire la sérendipité, sont des éléments clés de la recherche empirique en anthropologie sociale et culturelle. Quand on mène un terrain tout seul ou toute seule durant des mois, voire des années, on est souvent pris dans des dynamiques qui réduisent la focale à quelques éléments centraux, orientés par des relations personnelles, voire amicales, qui se sont forgées au fil des rencontres. La venue d’un ou d’une collègue extérieure permet de rouvrir le champ des possibles, d’ouvrir de nouvelles perspectives et d’entamer une période de réflexivité sur son propre positionnement, indispensable en anthropologie76. Un recentrage sur le sujet de recherche collectif et/ou un élargissement vers des éléments importants, perdus de vue, est ainsi possible. Dans d’autres publications, nous approfondirons la méthode de field-crossing en proposant de nouvelles pistes pour un travail collaboratif entre chercheurs et chercheuses ainsi qu’entre chercheur, chercheuses, et enquêtés77.

    Conclusion

    39Les méthodes multisensorielles d’apprentissage, de field-crossing et d’anthropologie visuelle nécessitent un travail collectif et une vision à long terme du travail ethnographique.

    40Elles permettent de multiplier les perspectives, d’approfondir les relations, d’ouvrir le champ des possibles et d’assurer une homogénéisation du travail collectif multi-situé.

    41Dans le cas de la recherche ARTIVISM, l’apprentissage a représenté une méthode importante sur le terrain carnavalesque pour au moins trois raisons78. D’un côté, cette méthode a permis de tisser des liens79 avec les personnes qui participent à la mise en place de l’évènement festif et de partager les moments qui précèdent la fête. D’un autre côté, elle a offert la possibilité d’accéder à des connaissances particulières qui reflètent le contexte social, culturel et politique dans lequel cette fête a lieu. Finalement, à travers l’apprentissage au sens large du terme, les chercheuses ont été activement présentes avec leurs sens et leurs corps, permettant ainsi d’accéder à des informations auxquelles on ne peut parvenir qu’à travers une expérience pratique80. L’intérêt pour l’apprentissage dans le cas de la recherche ARTIVISM sur les carnavals indépendants s’appuie donc sur les possibilités que cette méthode ouvre en termes de relations de terrain, de compréhension du contexte, et de la forme matérielle et de performance corporelle que la contestation peut prendre81. Ce sont surtout ces aspects qui ont constitué des éléments incontournables des évènements carnavalesques étudiés dans le contexte méditerranéen français et italien, dans les villes de Nice, Marseille, Gênes et Viareggio.

    42L’apprentissage de techniques de l’art dans le contexte de field-crossing et de leur mise en scène dans la rue et dans l’espace public, pendant le carnaval et d’autres évènements festifs, facilite la compréhension de l’effort, de l’estimation du budget et de la créativité derrière les activités et l’activisme apparemment ludiques et faciles. Un aspect de l’apprentissage émergé sur les terrains de recherche présentés et particulièrement saisissants est sa dimension collective, qui s’exprime à travers un travail de groupe qui cherche à aller au-delà d’un rapport binominal entre maître et novice82. L’application de la méthode d’apprentissage telle que les chercheuses l’ont pratiquée sur ces terrains, individuellement et collectivement à travers le field-crossing a permis d’aller bien au-delà des emplois habituels de cet outil. La participation aux ateliers techniques donne un aperçu des métiers des artistes et des créateurs et créatrices, et permet de comprendre leur perspective du monde et leurs actions communes. Elle permet également de « voir le pouvoir83 », y compris les contradictions entre l’esprit anarchiste déclaré et les subtiles manifestations d’une hiérarchie non formalisée résultant d’un processus de structuration comme dans le cas de Gênes. Après tout, l’apprentissage n’est pas seulement technique84, mais comporte aussi des règles de vie en commun, d’hospitalité et d’intendance, comme nous l’avons montré pour le cas de Gênes85. Ici, la participation aux activités a révélé comment hiérarchie et légitimité peuvent être remises en question à travers l’engagement autour d’un lieu ou d’une action86. De plus, le vécu commun de l’invention, de la création, de la préparation, de l’organisation, de la pratique et de la réflexion post-évènement sur le carnaval ouvre la voie à une compréhension plus complète qu’une approche purement performative, historique ou théâtrale. C’est donc la combinaison d’un regard multiple et pluri-perspectif, suivant l’évènement à long terme par des méthodes anthropologiques innovatrices, avec la contextualisation historique, politique, géographique et sociale, qui doit constituer le fondement des Carnival Studies.

    43Enfin, l’approche du field-crossing87 permet à la chercheuse principale et à la field-crosser d’accéder au terrain par plusieurs angles : par la connaissance des liens majeurs des réseaux artivistes locaux et translocaux ; par le suivi des festivités et des réseaux translocaux et transnationaux révélés par les chercheuses principales de ces terrains ; par l’identification des points forts ou encore faibles dans la recherche d’un terrain spécifique ; par l’analyse des relations entre chercheuse et terrain (informateur ou contact clé, gatekeepers, collaborateurs locaux, relation entre collaborateurs institutionnels et académiques, etc.). En outre, dans le cadre d’une recherche collective qui adopte aussi des méthodes audiovisuelles, le ou la field-crosser peut soutenir techniquement son ou sa collègue, en s’occupant, par exemple, des prises de vue pendant que l’autre chercheuse est absorbée par la construction de masques ou de chars. Par ces rôles divers, le ou la field-crosser peut devenir un support éthique, technique, logistique, intellectuel et analytique pour la chercheuse principale sur le terrain. Il ou elle apporte une perspective distincte sur l’évènement et les réseaux partagés avec la chercheuse principale, offrant par ses interrogations, surprises ou malaises éventuels, un point de vue précieux88.

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    1Mallé Marie-Pascale (dir.), Le Monde à l’envers – Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, Mucem, catalogue d’exposition, Paris, Flammarion/Mucem, 2014.

    2Salzbrunn Monika, « How diverse is Cologne Carnival? How migrants appropriate popular art spaces », Identities, vol. 21, no 1, 2014, p. 92-106.

    3Pour une discussion sur l’approche audiovisuelle, cf. Salzbrunn Monika, « La caméra comme forme d’empowerment dans la mise en scène de soi. Retournement des stigmates sur la migration par la mode mise en images », Revue française des méthodes visuelles, no 4, 2020, [https://rfmv.fr/numeros/4/articles/05-la-camera-comme-forme-dempowerment-dans-la-mise-en-scene-de-soi/], consulté le 03-01-2023. Pour une combinaison entre méthodes audiovisuelles et multisensorielles dans un croisement de terrains, cf. Salzbrunn Monika, « Researching and practicing ARTIVISM through field-crossing: an innovative method for collaborative research », EU publishing platform open peer-reviewed Excellent Science Gateway, 2021b, [https://open-research-europe.ec.europa.eu/articles/1-106], consulté le 03-01-2023, Salzbrunn Monika, « Approaching the (alternative) Economies of Festive Events: Insights from official and independent carnivals in Nice and Viareggio », in Guerra Paula et Campos Ricardo (dir.), CombARTt: Arte, artivismo e cidadania. Utopias e futuros imaginados. Porto, Porto University Press/Faculdade de Lettras da Universidade do Porto, p. 38-63, 2023, [https://ler.letras.up.pt/uploads/ficheiros/19647.pdf].

    4La méthode du field-crossing, inventée par Salzbrunn (« Conclusion: Field Crossing in Paris and Tokyo. A Fruitful Experience in Doing Anthropology of the Street », in Salzbrunn Monika et Sekine Yasumasa, From Community to Commonality. Multiple Belonging and Street Phenomena in the Era of Reflexive Modernization, Tokyo, Center for Glocal Studies, Seijo University, 2011, p. 81-85 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b) à partir d’un terrain croisé franco-japonais et pratiquée dans le cadre de l’ERC ARTIVISM, sera présentée dans la seconde partie de ce chapitre.

    5Le projet de recherche ARTIVISM. Art et activisme. Creativity and Performance as Subversive Forms of Political Expression in Super-Diverse Cities, examine la bande dessinée, l’art mural, et l’art de la performance (notamment les carnavals et performances carnavalesques ainsi que l’art de la rue) en tant que formes subversives d’expression politique dans des villes super-diverses en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Nous remercions l’ERC (Conseil européen de la recherche) pour son financement et le soutien du projet ARTIVISM dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (ARTIVISM – convention de subvention no 681880). Monika Salzbrunn est requérante principale et directrice du projet, Raphaela von Weichs chercheuse senior, Federica Moretti doctorante (elle a soutenu la thèse en janvier 2023). Sara Wiederkehr a rejoint le projet ultérieurement en tant que doctorante.

    6Lave Jean, Apprenticeship in Critical Ethnographic Practice, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Delbos Geneviève et Jorion Paul, La transmission des savoirs, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1984 ; Coy Michael (dir.), Apprenticeship: From Theory to Method and Back Again, Albany, State University of New York Press, 1989 ; Goody Esther N., « Introduction », in Goody Esther N. (dir.), From craft to industry: The ethnography of proto-industrial cloth production, Cambridge, Cambridge University Press, 1982 ; Marchand Trevor, Minaret building and apprenticeship in Yemen, Richemond, Surrey: Curzon Press, 2001 ; Herzfeld Michael, The body impolitic: artisans and artifice in the global hierarchy of value, Chicago, University of Chicago Press, 2004 ; Gowlland Geoffrey, « Apprenticeship as a Model for Learning in and Through Professional Practice », in Billet Stephen et Harteis Christian (dir.), International Handbook of Research in Professional and Practice – based Learning, Berlin, Springer, « Springer International Handbooks of Education », 2014, p. 759-779 ; Pierrot Alain, Carvalho Isabel et Medaets Chantal (dir.), Domination et apprentissage : Anthropologie des formes de la transmission culturelle, Paris, Hermann, 2017.

    7Anderson-Levitt Kathryn M., « Les divers courants en anthropologie de l’éducation », Éducation et sociétés, vol. 17, no 1, 2006, p. 7-27.

    8Sudonow David, Ways of the hand: a rewritten account, Cambridge, Mass, MIT Press, 2001 ; Downey Greg, « Listening to capoeira: phenomenology, embodiment, and the materiality of music », Ethnomusicology, vol. 46, no 3, 2002, p. 487-509 et Learning Capoeira: Lessons in Cunning from an Afro-Brazilian Art, New York, Oxford University Press, 2005 ; Wacquant Loïc, Body and soul: notebooks of an apprentice boxer, Oxford, Oxford University Press, 2004 et « Carnal connections: On embodiment, apprenticeship, and membership », Qualitative Sociology, vol. 28, no 4, 2005, p. 445-474 ; Hahn Tomie, Sensational knowledge. Embodying culture through Japanese dance, Middletown, Conn, Wesleyan University Press, 2007 ; Dalidowicz Monica, « Crafting Identity: pedagogical creativity in kathak dance », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 21, no 4, 2015, p. 838-854.

    9Csordas Thomas J., « Embodiment as a Paradigm for Anthropology », Ethos, vol. 18, no 1, 1990, p. 5-47 ; Pàlsson Gísli, « Enskilment at Sea », Man, New Series, vol. 29, no 4, 1994, p. 901-927 ; Ingold Tim, The perception of the environment. Essays on livelihood, dwelling and skill, Londres, Routledge, 2000 ; Grasseni Cristina, « Skilled vision. An apprenticeship in breeding aesthetics », Social Anthropology, vol. 12, no 1, 2004, p. 41-55 ; Rice Tom, « Learning to listen: auscultation and the transmission of auditory knowledge », The Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 16, 2010, p. S41-S61.

    10Vygotsky Lev S., Mind in society: The development of higher psychological processes, éd. Michael Cole et al., Cambridge, Harvard University Press, 1980 ; Emihovich Catherine et Souza Lima Elvira, « Introduction: The Many Facets of Vygotsky: A Cultural Historical Voice from the Future », Anthropology & Education Quarterly, vol. 26, no 4, 1995, p. 375-383 ; Marchand Trevor, « Making knowledge: explorations of the indissoluble relation between minds, bodies, and environment », Special Issue of the Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 16, 2010, p. S1-S21.

    11Lave Jean, op. cit., 2011 ; Stoller Paul et Olkes Sheryl, In Sorcery’s Shadow. A Mémoire of Apprenticeship among the Songhay of Niger, Chicago, Chicago University Press, 1987.

    12Goody Esther N., op. cit., 1982 ; Stoller Paul et Olkes Sheryl, op. cit., 1987.

    13Ibid.

    14Pàlsson Gísli, op. cit., 1994 ; Downey Greg, op. cit., 2002 ; Lave Jean, op. cit., 2001.

    15Goody Esther N., op. cit., 1982 ; Stoller Paul, Olkes Sheryl, op. cit., 1987.

    16Ibid.

    17Salzbrunn Monika, op. cit., 2011 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b.

    18Ana Laura Rodriguez Quinones est assistante-doctorante de Monika Salzbrunn à l’université de Lausanne. Pascal Bernhardt est le film-maker du projet ERC-ARTIVISM et habite à Gênes.

    19Salzbrunn Monika, op. cit., 2011 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b.

    20La méthode de l’apprentissage, ses approches conceptuelles, son expérience pratique et sa combinaison avec l’audiovisuel et le field-crossing (Salzbrunn Monika, op. cit., 2011 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b.), en particulier sur le terrain français à Nice et Marseille, sont développés de façon plus détaillée dans le travail de thèse sur lequel ce paragraphe est basé (Moretti Federica, Mobilizing Creativity: An Ethnography of Carnavals and Fêtes indépendantes in the Greater Region of Nice, Institut de sciences sociales et politiques/Institut de sciences sociales des religions de l’université de Lausanne, 2023. La réflexion méthodologique sur le travail avec la caméra, qui a également constamment accompagné le travail des chercheurs et chercheuses, a été publiée dans la Revue française de méthodes visuelles (Salzbrunn Monika, op. cit., 2020).

    21Dans le carnaval organisé par la ville de Nice, les grosses têtes sont des sculptures de 2,50 m environ crées en résine polyester, couvertes de couches de papier et enfin peintes. Elles sont portées sur les épaules par des jeunes, rémunérés pour déambuler pendant les corsos de carnaval (Chabert Antonin, Les savoir-faire artisanaux associés au carnaval de Nice, Fiche d’inventaire du Patrimoine culturel immatériel, 2019 ; Sidro Annie, Le carnaval de Nice, Saint-Laurent-du-Var, Éditions Mémoires Millénaires, 2020).

    22Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014.

    23Pour une perspective économique sur les évènements festifs, notamment les carnavals officiels de Viareggio et Nice, voir Salzbrunn Monika, op. cit., 2023.

    24Salzbrunn Monika, journal de terrain Résistance à La Plaine et Urban Sketchers, Marseille ; Salzbrunn Monika, « Researching Artivism through the Event approach. Epistemological and Methodological Reflections about Art and Activism », Connessioni Remote. Attivismo_Teatro_Tecnologia, vol. 2, no 2, in Monteverdi Anna Maria, Amico Dalila d’, Gemini Laura et Sansone Vincenzo (dir.), Special issue Artivism: Forms, Experiences, Practices and Theories/L’Artivismo: forme, esperienze, pratiche e teorie, [https://riviste.unimi.it/index.php/connessioniremote/article/view/15264/14070], 2021a, p. 175-188.

    25Weichs Raphaela von, Entretiens à La Plaine de Marseille sur la restructuration, avec Moretti Federica, Marseille.

    26C’est un genre de musique qui combine le style jamaïcain avec des mots, voir le texte en niçois.

    27Federica Moretti, conversation avec Louis Pastorelli, Nice ; Pastorelli Louis, « Faire Carnaval à San Roch, “un exploit”, un pantaï ! », in Pastorelli Louis, Li aventuras de Nux vomica, Nice, Baie des Anges, 2020, p. 39-73.

    28Ibid.

    29Federica Moretti, conversation avec Guillaume Juan, conversation avec Mačko (pseudonyme), 18-04-2018, Nice.

    30Cette distinction n’est pas nette et parfois les deux mots étaient utilisés comme synonymes par les acteurs du terrain. Alternatif et populaire, en effet, sont utilisés pour s’opposer à une vision marchande des politiques de la ville et des rapports sociaux, en valorisant des pratiques culturelles et des façons de vivre ensemble qui sont guidées par des valeurs de convivialité, partage, collaboration, échange et implication collective.

    31Rinaudo Christian, « Fêtes de rue, enfants d’immigrés et identité locale. Enquête dans la région niçoise », Revue européenne des migrations internationales, vol. 16, no 2, 2000, p. 43-57 ; « La tradition carnavalesque niçoise. Du passéisme à l’invention délibérée », in Dimitrijevic Dejan (dir.), Fabrication de traditions, invention de modernités, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2004, p. 261-274 ; « L’esprit pantaï. Ou comment réanimer le carnaval de Nice », Vacarme, vol. 28, no 3, 2004, p. 20-23 ; « Carnaval de Nice et carnavals indépendants. Les mises en scène festives du spectacle de l’authentique », Sociologie et sociétés, vol. 37, no 1, 2005, p. 55-68.

    32Voir Salzbrunn Monika, « Le carnaval de Paris. Mise en scène de l’histoire et histoire de sa mise en scène », in Fournier Laurent Sébastien, Crozat Dominique, Bernie-Boissard Catherine et Chastagner Claude (dir.), La fête au présent. Mutations des fêtes au sein des loisirs, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 117-132.

    33Pastorelli Louis, op. cit., 2020.

    34Federica Moretti : entretien avec Miléna du 12-12-2017 ; entretien avec Thierry Rossini du 31-05-2018 ; entretien avec Louis Pastorelli du 22-02-2019, Nice.

    35Butler Judith, Notes Towards a Performative Theory of Assembly, Chicago, Chicago University Press, 2015.

    36Voir aussi Beschon Marie, « Le Caramentran de Marseille, carnaval et manifestation politique », in Mallé Marie-Pascale (dir.), Le monde à l’envers. Carnaval et mascarades d’Europe et Mediterranée, Paris, Flammarion/MuCEM, 2014, p. 281-282.

    37Federica Moretti, entretien avec Hélène du 13-09-2018, Marseille ; Collectif Carnaval, Carna Oaï. Carnaval indépendant de La Plaine et Noailles, Graulhet Cedex, Auto-édition Carna Oaï, 2019. Voir aussi Salzbrunn Monika, « Researching Artivism through the Event approach… », op. cit., 2021a, sur les critiques de politique urbaine exprimées dans différents carnavals et manifestations carnavalesques italiens et français.

    38Collectif carnaval, op. cit., 2019, p. 88.

    39Goethe Johann Wolfgang von, Il Carnevale romano, éd. Reitani Luigi, Salerno, Salerno Editrice, 2014 [1789].

    40Federica Moretti, conversation avec Louis Pastorelli du 17-02-2017, Nice. Voir aussi Salzbrunn Monika et Moretti Federica, « Il carnevale tra limiti, trasgressioni, rinnovamenti e rivendicazioni. Resistenza festiva a Nizza, Marsiglia e Viareggio », LEA Lingue e Letterature d’Oriente e d’Occidente – Quaderni di LEA Scrittore/Scritture d’Oriente e d’Occidente, vol. 9, p. 399-414, 2020.

    41Amiotte-Suchet Laurent et Salzbrunn Monika (dir.), L’évènement (im)prévisible. Mobilisations politiques et dynamiques religieuses, Paris, Éditions Beauchesne, coll. « Dédale », 2019.

    42Federica Moretti, 14-05-2018, réunion livre carnaval, Marseille.

    43Federica Moretti, 05-03-2019, Journal de terrain, ateliers costumes carnaval de La Plaine et de Noailles, Marseille.

    44Soleam, 2019, Opération Grand Centre-Ville de Marseille, [https://www.soleam.net/projet/grand-centre-ville/], consulté le 28-02-2019.

    45Sous le soleil, La Plaine, 2016 ; cf. entretien menée le 23-02-2018 avec les habitants et habitantes de La Plaine, par Raphaela von Weichs en 2018, et le procès-verbal de terrain sur l’observation de La Plaine, les entretiens menés et l’apprentissage avec les Urban Sketchers, 22 au 27-10-2018 en 2018 par Monika Salzbrunn.

    46Salzbrunn Monika et Moretti Federica, loc. cit., 2020.

    47Federica Moretti, 12-03-2017, enregistrement vidéo du procès au Caramentran, Marseille.

    48Ibid.

    49Nicolas Jérôme, « Le carnaval, un imaginaire politique », in Ndagano Biringanine (dir.), Penser le carnaval, Paris, Karthala, 2010, p. 229-243.

    50Moretti Federica, loc. cit., 13-09-2018.

    51Federica Moretti, 13-09-2018, conversation avec Berti (pseudonyme), Marseille.

    52Monika Salzbrunn, 8 au 11-03-2019, Atelier préparatoire et Carnaval de La Plaine, Marseille ; Salzbrunn et Moretti Federica, loc. cit., 2020.

    53Collectif Mauvaise Troupe, Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune xxie siècle, Paris, Éditions de l’éclat, 2014, p. 182.

    54Goody Esther N., op. cit., 1982. Pour des études qui vont au-delà d’une perspective maître-disciple, voir par exemple : Lave Jean et Wenger Étienne, Situated learning. Legitimate peripheral participation, Cambridge, Cambridge University Press, 1991 et Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014.

    55Raphaela von Weichs a mené un field-crossing intensif à Gênes et a participé aux prises de vue et de son. Bernhardt Pascal était présent à de nombreux événements afin d’effectuer des prises de vue. Federica Moretti et Sara Wiederkehr étaient présentes de façon ponctuelle dans le cadre du field-crossing et/ou des prises de vue et/ou de son. Cette partie du chapitre fait partie d’une monographie en cours de rédaction, Salzbrunn Monika, ARTIVISM. Revolutions from below (titre de travail).

    56À titre d’exemple parmi de nombreux reportages récents sur l’inauguration du pont, RFI parle « du saint patron de la ville » San Giorgio, [https://www.rfi.fr/fr/europe/20200803-en-italie-linauguration-nouveau-pont-g%C3%AAnes-les-familles-victimes], consulté le 03-01-2023.

    57Cf. journaux de terrain et entretiens formels et informels menés par Monika Salzbrunn à Gênes depuis avril 2017 et protocoles rédigés par Raphaela von Weichs depuis septembre 2017. La métaphore de la guerre est régulièrement évoquée par les personnes qui s’étaient engagées contre le G8 en 2001, de même que par celles qui ont subi des privations de leurs droits civiques (limitation ou interdiction de circulation, etc.) et qui entendaient des hélicoptères circuler au-dessus de leurs logements durant cette période.

    58Monika Salzbrunn a suivi la phase préparatoire et le déroulement des évènements, dont le « Carnevale della Città di sotto ». Sara Wiederkehr et Pascal Bernhardt ont suivi « La parata di San Giovanni » 2019.

    59Salzbrunn, Monika, Protocole de mémoire, Coordination du carnaval, printemps, Gênes, 2019.

    60Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019.

    61Rancière Jacques, Le partage du sensible, esthétique et politique, Paris, La fabrique, 2000.

    62Thomson Nato, Seeing Power. Art and Activism in the 21st Century, New York, Melville House, Éditions du Kindle, 2015. Traduction (Monika Salzbrunn) : « Mais cet accent mis sur l’espace plutôt que sur le temps peut conduire à des formes de résistance intéressantes, car il fait de la composition d’une ville – et de la façon dont un mouvement s’y engage – un objectif critique pour l’action. »

    63Salzbrunn Monika, Journal de terrain Préparation du carnaval : Atelier de masques et de construction de chars, Gênes, Journal de terrain Carnevale della Città di Sotto, Gênes, 2019.

    64Salzbrunn Monika, Journal de terrain Équipe du Carnavélo, Nice, 2018.

    65Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019.

    66Salzbrunn Monika, loc. cit., 2018.

    67La personne en question se réfère aussi aux idées d’Ivan Illich sur la convivialité ainsi qu’à l’approche d’Italo Calvino dans ses Lezioni americane (Monika Salzbrunn, 13-04-2018, Journal de terrain Profumi, Gênes).

    68« Liminoid phenomena, on the other hand, are often parts of social critiques or even revolutionary manifestoes-books, plays, paintings, films, etc., exposing the injustices, inefficiencies, and immoralities of the mainstream economic and political structures and organizations », in Turner Victor, « Liminal to liminoid in play, flow, and ritual: An essay in comparative symbology », Rice Institute Pamphlet – Rice University Studies, vol. 60, no 3, 1974, p. 53-92, ici p. 86.

    69Salzbrunn Monika, (en cours), ARTIVISM. Revolutions from below (titre de travail).

    70Salzbrunn Monika, 2011, 2021b.

    71Traduit de l’anglais, Salzbrunn Monika, loc. cit., 2015, p. 8-9.

    72Salzbrunn Monika, loc. cit., 2021b.

    73Ibid.

    74Monika Salzbrunn, Journal de terrain Viareggio, 2017.

    75Raphaela von Weichs, Journal de terrain Field-crossing, Viareggio, 2017.

    76Salzbrunn Monika, loc. cit., 2021b.

    77Salzbrunn Monika, loc. cit., 2021b.

    78Moretti Federica, op. cit., 2023.

    79Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014.

    80Coy Michael, op. cit., 1989 ; Pàlsson Gísli, op. cit., 1994 ; Marchand Trevor, op. cit., 2015.

    81Salzbrunn Monika, loc. cit., 2020 ; loc. cit., 2021b ; loc. cit., 2023.

    82Collectif Mauvaise Troupe, loc. cit., 2014 ; Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014 ; Moretti Federica, op. cit., 2023 ; Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019, loc. cit., 2021b.

    83Thomson Nato, op. cit., 2015.

    84Moretti Federica, op. cit., 2023.

    85Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019c, loc. cit., 2019d.

    86Thomson Nato, op. cit., 2015.

    87Salzbrunn Monika, loc. cit., 2011 ; loc. cit., 2021b.

    88Ibid.

    Auteurs

    • Monika Salzbrunn

      Université de Lausanne.

      Monika Salzbrunn est professeure ordinaire de religions, migration, arts à l’université de Lausanne, lauréate du Conseil européen de la recherche (ERC) pour son projet ARTIVISM – Art and Activism. Creativity and Performance as Subversive Forms of Political Expression in Super-Diverse Cities. Auteure de nombreux articles sur les carnavals de Cologne, Paris, Cherbourg, Gênes, Viareggio, Payerne, Lausanne, Nice et Marseille et l’occupation de l’espace public à travers les événements festifs à New York, Florence et Lausanne, elle a récemment coédité Danse, musique et (trans)nationalismes (Dossier de la REMi, vol. 35, 3-4, 2019) et tourné plusieurs films documentaires. Ses nombreuses publications sur le carnaval, les performances carnavalesques et la mise en scène d’appartenances multiples ont paru en français, anglais, italien, allemand, portugais, brésilien et japonais. Directrice de l’Institut des sciences sociales des religions entre 2011 et 2015 et professeure invitée à l’Università degli studi di Genova, à la Japan Women’s University et à la Kwansei Gakuin University au Japon, elle est actuellement en train de travailler sur un renouveau des carnival studies par des méthodes basées sur les arts.

    • Raphaela von Weichs

      Université de Lausanne.

      Raphaela von Weichs est chercheuse senior dans l’équipe du projet ERC ARTIVISM à l’université de Lausanne. Elle est en train de mener une étude sur l’art visuel en Afrique, particulièrement la bande dessinée et le street art comme moyen d’expression politique ainsi que la BD comme forme pratique de la recherche. Auteure d’une thèse sur le retour des royaumes en Ouganda, et, avec Monika Salzbrunn, de plusieurs articles sur la bande dessinée et la street art au Cameroun et du film documentaire « Street », elle publie en français, anglais et allemand.

    • Federica Moretti

      Université de Lausanne.

      Federica Moretti est docteur ès sciences sociales de l’université de Lausanne. Son travail de thèse portait sur les carnavals dans le sud de la France et a été soutenu dans le cadre du projet ARTIVISM, dirigé par Monika Salzbrunn et financé par le Conseil européen de la recherche (ERC). Après un postdoctorat dans le cadre du projet ERC-SOCIOBORD à l’Institut universitaire européen, elle est actuellement chargée d’exercice en anthropologie à l’Université libre de Bruxelles (ULB). Elle est chercheuse affiliée à l’Institut de sciences sociales de religions (ISSR) de l’université de Lausanne et au Département d’anthropologie sociale et culturelle de l’Université catholique de Louvain (KUL).

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    1Mallé Marie-Pascale (dir.), Le Monde à l’envers – Carnavals et mascarades d’Europe et de Méditerranée, Mucem, catalogue d’exposition, Paris, Flammarion/Mucem, 2014.

    2Salzbrunn Monika, « How diverse is Cologne Carnival? How migrants appropriate popular art spaces », Identities, vol. 21, no 1, 2014, p. 92-106.

    3Pour une discussion sur l’approche audiovisuelle, cf. Salzbrunn Monika, « La caméra comme forme d’empowerment dans la mise en scène de soi. Retournement des stigmates sur la migration par la mode mise en images », Revue française des méthodes visuelles, no 4, 2020, [https://rfmv.fr/numeros/4/articles/05-la-camera-comme-forme-dempowerment-dans-la-mise-en-scene-de-soi/], consulté le 03-01-2023. Pour une combinaison entre méthodes audiovisuelles et multisensorielles dans un croisement de terrains, cf. Salzbrunn Monika, « Researching and practicing ARTIVISM through field-crossing: an innovative method for collaborative research », EU publishing platform open peer-reviewed Excellent Science Gateway, 2021b, [https://open-research-europe.ec.europa.eu/articles/1-106], consulté le 03-01-2023, Salzbrunn Monika, « Approaching the (alternative) Economies of Festive Events: Insights from official and independent carnivals in Nice and Viareggio », in Guerra Paula et Campos Ricardo (dir.), CombARTt: Arte, artivismo e cidadania. Utopias e futuros imaginados. Porto, Porto University Press/Faculdade de Lettras da Universidade do Porto, p. 38-63, 2023, [https://ler.letras.up.pt/uploads/ficheiros/19647.pdf].

    4La méthode du field-crossing, inventée par Salzbrunn (« Conclusion: Field Crossing in Paris and Tokyo. A Fruitful Experience in Doing Anthropology of the Street », in Salzbrunn Monika et Sekine Yasumasa, From Community to Commonality. Multiple Belonging and Street Phenomena in the Era of Reflexive Modernization, Tokyo, Center for Glocal Studies, Seijo University, 2011, p. 81-85 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b) à partir d’un terrain croisé franco-japonais et pratiquée dans le cadre de l’ERC ARTIVISM, sera présentée dans la seconde partie de ce chapitre.

    5Le projet de recherche ARTIVISM. Art et activisme. Creativity and Performance as Subversive Forms of Political Expression in Super-Diverse Cities, examine la bande dessinée, l’art mural, et l’art de la performance (notamment les carnavals et performances carnavalesques ainsi que l’art de la rue) en tant que formes subversives d’expression politique dans des villes super-diverses en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord. Nous remercions l’ERC (Conseil européen de la recherche) pour son financement et le soutien du projet ARTIVISM dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (ARTIVISM – convention de subvention no 681880). Monika Salzbrunn est requérante principale et directrice du projet, Raphaela von Weichs chercheuse senior, Federica Moretti doctorante (elle a soutenu la thèse en janvier 2023). Sara Wiederkehr a rejoint le projet ultérieurement en tant que doctorante.

    6Lave Jean, Apprenticeship in Critical Ethnographic Practice, Chicago, University of Chicago Press, 2011 ; Delbos Geneviève et Jorion Paul, La transmission des savoirs, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1984 ; Coy Michael (dir.), Apprenticeship: From Theory to Method and Back Again, Albany, State University of New York Press, 1989 ; Goody Esther N., « Introduction », in Goody Esther N. (dir.), From craft to industry: The ethnography of proto-industrial cloth production, Cambridge, Cambridge University Press, 1982 ; Marchand Trevor, Minaret building and apprenticeship in Yemen, Richemond, Surrey: Curzon Press, 2001 ; Herzfeld Michael, The body impolitic: artisans and artifice in the global hierarchy of value, Chicago, University of Chicago Press, 2004 ; Gowlland Geoffrey, « Apprenticeship as a Model for Learning in and Through Professional Practice », in Billet Stephen et Harteis Christian (dir.), International Handbook of Research in Professional and Practice – based Learning, Berlin, Springer, « Springer International Handbooks of Education », 2014, p. 759-779 ; Pierrot Alain, Carvalho Isabel et Medaets Chantal (dir.), Domination et apprentissage : Anthropologie des formes de la transmission culturelle, Paris, Hermann, 2017.

    7Anderson-Levitt Kathryn M., « Les divers courants en anthropologie de l’éducation », Éducation et sociétés, vol. 17, no 1, 2006, p. 7-27.

    8Sudonow David, Ways of the hand: a rewritten account, Cambridge, Mass, MIT Press, 2001 ; Downey Greg, « Listening to capoeira: phenomenology, embodiment, and the materiality of music », Ethnomusicology, vol. 46, no 3, 2002, p. 487-509 et Learning Capoeira: Lessons in Cunning from an Afro-Brazilian Art, New York, Oxford University Press, 2005 ; Wacquant Loïc, Body and soul: notebooks of an apprentice boxer, Oxford, Oxford University Press, 2004 et « Carnal connections: On embodiment, apprenticeship, and membership », Qualitative Sociology, vol. 28, no 4, 2005, p. 445-474 ; Hahn Tomie, Sensational knowledge. Embodying culture through Japanese dance, Middletown, Conn, Wesleyan University Press, 2007 ; Dalidowicz Monica, « Crafting Identity: pedagogical creativity in kathak dance », Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 21, no 4, 2015, p. 838-854.

    9Csordas Thomas J., « Embodiment as a Paradigm for Anthropology », Ethos, vol. 18, no 1, 1990, p. 5-47 ; Pàlsson Gísli, « Enskilment at Sea », Man, New Series, vol. 29, no 4, 1994, p. 901-927 ; Ingold Tim, The perception of the environment. Essays on livelihood, dwelling and skill, Londres, Routledge, 2000 ; Grasseni Cristina, « Skilled vision. An apprenticeship in breeding aesthetics », Social Anthropology, vol. 12, no 1, 2004, p. 41-55 ; Rice Tom, « Learning to listen: auscultation and the transmission of auditory knowledge », The Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 16, 2010, p. S41-S61.

    10Vygotsky Lev S., Mind in society: The development of higher psychological processes, éd. Michael Cole et al., Cambridge, Harvard University Press, 1980 ; Emihovich Catherine et Souza Lima Elvira, « Introduction: The Many Facets of Vygotsky: A Cultural Historical Voice from the Future », Anthropology & Education Quarterly, vol. 26, no 4, 1995, p. 375-383 ; Marchand Trevor, « Making knowledge: explorations of the indissoluble relation between minds, bodies, and environment », Special Issue of the Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 16, 2010, p. S1-S21.

    11Lave Jean, op. cit., 2011 ; Stoller Paul et Olkes Sheryl, In Sorcery’s Shadow. A Mémoire of Apprenticeship among the Songhay of Niger, Chicago, Chicago University Press, 1987.

    12Goody Esther N., op. cit., 1982 ; Stoller Paul et Olkes Sheryl, op. cit., 1987.

    13Ibid.

    14Pàlsson Gísli, op. cit., 1994 ; Downey Greg, op. cit., 2002 ; Lave Jean, op. cit., 2001.

    15Goody Esther N., op. cit., 1982 ; Stoller Paul, Olkes Sheryl, op. cit., 1987.

    16Ibid.

    17Salzbrunn Monika, op. cit., 2011 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b.

    18Ana Laura Rodriguez Quinones est assistante-doctorante de Monika Salzbrunn à l’université de Lausanne. Pascal Bernhardt est le film-maker du projet ERC-ARTIVISM et habite à Gênes.

    19Salzbrunn Monika, op. cit., 2011 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b.

    20La méthode de l’apprentissage, ses approches conceptuelles, son expérience pratique et sa combinaison avec l’audiovisuel et le field-crossing (Salzbrunn Monika, op. cit., 2011 ; « Researching and practicing ARTIVISM… », op. cit., 2021b.), en particulier sur le terrain français à Nice et Marseille, sont développés de façon plus détaillée dans le travail de thèse sur lequel ce paragraphe est basé (Moretti Federica, Mobilizing Creativity: An Ethnography of Carnavals and Fêtes indépendantes in the Greater Region of Nice, Institut de sciences sociales et politiques/Institut de sciences sociales des religions de l’université de Lausanne, 2023. La réflexion méthodologique sur le travail avec la caméra, qui a également constamment accompagné le travail des chercheurs et chercheuses, a été publiée dans la Revue française de méthodes visuelles (Salzbrunn Monika, op. cit., 2020).

    21Dans le carnaval organisé par la ville de Nice, les grosses têtes sont des sculptures de 2,50 m environ crées en résine polyester, couvertes de couches de papier et enfin peintes. Elles sont portées sur les épaules par des jeunes, rémunérés pour déambuler pendant les corsos de carnaval (Chabert Antonin, Les savoir-faire artisanaux associés au carnaval de Nice, Fiche d’inventaire du Patrimoine culturel immatériel, 2019 ; Sidro Annie, Le carnaval de Nice, Saint-Laurent-du-Var, Éditions Mémoires Millénaires, 2020).

    22Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014.

    23Pour une perspective économique sur les évènements festifs, notamment les carnavals officiels de Viareggio et Nice, voir Salzbrunn Monika, op. cit., 2023.

    24Salzbrunn Monika, journal de terrain Résistance à La Plaine et Urban Sketchers, Marseille ; Salzbrunn Monika, « Researching Artivism through the Event approach. Epistemological and Methodological Reflections about Art and Activism », Connessioni Remote. Attivismo_Teatro_Tecnologia, vol. 2, no 2, in Monteverdi Anna Maria, Amico Dalila d’, Gemini Laura et Sansone Vincenzo (dir.), Special issue Artivism: Forms, Experiences, Practices and Theories/L’Artivismo: forme, esperienze, pratiche e teorie, [https://riviste.unimi.it/index.php/connessioniremote/article/view/15264/14070], 2021a, p. 175-188.

    25Weichs Raphaela von, Entretiens à La Plaine de Marseille sur la restructuration, avec Moretti Federica, Marseille.

    26C’est un genre de musique qui combine le style jamaïcain avec des mots, voir le texte en niçois.

    27Federica Moretti, conversation avec Louis Pastorelli, Nice ; Pastorelli Louis, « Faire Carnaval à San Roch, “un exploit”, un pantaï ! », in Pastorelli Louis, Li aventuras de Nux vomica, Nice, Baie des Anges, 2020, p. 39-73.

    28Ibid.

    29Federica Moretti, conversation avec Guillaume Juan, conversation avec Mačko (pseudonyme), 18-04-2018, Nice.

    30Cette distinction n’est pas nette et parfois les deux mots étaient utilisés comme synonymes par les acteurs du terrain. Alternatif et populaire, en effet, sont utilisés pour s’opposer à une vision marchande des politiques de la ville et des rapports sociaux, en valorisant des pratiques culturelles et des façons de vivre ensemble qui sont guidées par des valeurs de convivialité, partage, collaboration, échange et implication collective.

    31Rinaudo Christian, « Fêtes de rue, enfants d’immigrés et identité locale. Enquête dans la région niçoise », Revue européenne des migrations internationales, vol. 16, no 2, 2000, p. 43-57 ; « La tradition carnavalesque niçoise. Du passéisme à l’invention délibérée », in Dimitrijevic Dejan (dir.), Fabrication de traditions, invention de modernités, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2004, p. 261-274 ; « L’esprit pantaï. Ou comment réanimer le carnaval de Nice », Vacarme, vol. 28, no 3, 2004, p. 20-23 ; « Carnaval de Nice et carnavals indépendants. Les mises en scène festives du spectacle de l’authentique », Sociologie et sociétés, vol. 37, no 1, 2005, p. 55-68.

    32Voir Salzbrunn Monika, « Le carnaval de Paris. Mise en scène de l’histoire et histoire de sa mise en scène », in Fournier Laurent Sébastien, Crozat Dominique, Bernie-Boissard Catherine et Chastagner Claude (dir.), La fête au présent. Mutations des fêtes au sein des loisirs, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 117-132.

    33Pastorelli Louis, op. cit., 2020.

    34Federica Moretti : entretien avec Miléna du 12-12-2017 ; entretien avec Thierry Rossini du 31-05-2018 ; entretien avec Louis Pastorelli du 22-02-2019, Nice.

    35Butler Judith, Notes Towards a Performative Theory of Assembly, Chicago, Chicago University Press, 2015.

    36Voir aussi Beschon Marie, « Le Caramentran de Marseille, carnaval et manifestation politique », in Mallé Marie-Pascale (dir.), Le monde à l’envers. Carnaval et mascarades d’Europe et Mediterranée, Paris, Flammarion/MuCEM, 2014, p. 281-282.

    37Federica Moretti, entretien avec Hélène du 13-09-2018, Marseille ; Collectif Carnaval, Carna Oaï. Carnaval indépendant de La Plaine et Noailles, Graulhet Cedex, Auto-édition Carna Oaï, 2019. Voir aussi Salzbrunn Monika, « Researching Artivism through the Event approach… », op. cit., 2021a, sur les critiques de politique urbaine exprimées dans différents carnavals et manifestations carnavalesques italiens et français.

    38Collectif carnaval, op. cit., 2019, p. 88.

    39Goethe Johann Wolfgang von, Il Carnevale romano, éd. Reitani Luigi, Salerno, Salerno Editrice, 2014 [1789].

    40Federica Moretti, conversation avec Louis Pastorelli du 17-02-2017, Nice. Voir aussi Salzbrunn Monika et Moretti Federica, « Il carnevale tra limiti, trasgressioni, rinnovamenti e rivendicazioni. Resistenza festiva a Nizza, Marsiglia e Viareggio », LEA Lingue e Letterature d’Oriente e d’Occidente – Quaderni di LEA Scrittore/Scritture d’Oriente e d’Occidente, vol. 9, p. 399-414, 2020.

    41Amiotte-Suchet Laurent et Salzbrunn Monika (dir.), L’évènement (im)prévisible. Mobilisations politiques et dynamiques religieuses, Paris, Éditions Beauchesne, coll. « Dédale », 2019.

    42Federica Moretti, 14-05-2018, réunion livre carnaval, Marseille.

    43Federica Moretti, 05-03-2019, Journal de terrain, ateliers costumes carnaval de La Plaine et de Noailles, Marseille.

    44Soleam, 2019, Opération Grand Centre-Ville de Marseille, [https://www.soleam.net/projet/grand-centre-ville/], consulté le 28-02-2019.

    45Sous le soleil, La Plaine, 2016 ; cf. entretien menée le 23-02-2018 avec les habitants et habitantes de La Plaine, par Raphaela von Weichs en 2018, et le procès-verbal de terrain sur l’observation de La Plaine, les entretiens menés et l’apprentissage avec les Urban Sketchers, 22 au 27-10-2018 en 2018 par Monika Salzbrunn.

    46Salzbrunn Monika et Moretti Federica, loc. cit., 2020.

    47Federica Moretti, 12-03-2017, enregistrement vidéo du procès au Caramentran, Marseille.

    48Ibid.

    49Nicolas Jérôme, « Le carnaval, un imaginaire politique », in Ndagano Biringanine (dir.), Penser le carnaval, Paris, Karthala, 2010, p. 229-243.

    50Moretti Federica, loc. cit., 13-09-2018.

    51Federica Moretti, 13-09-2018, conversation avec Berti (pseudonyme), Marseille.

    52Monika Salzbrunn, 8 au 11-03-2019, Atelier préparatoire et Carnaval de La Plaine, Marseille ; Salzbrunn et Moretti Federica, loc. cit., 2020.

    53Collectif Mauvaise Troupe, Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune xxie siècle, Paris, Éditions de l’éclat, 2014, p. 182.

    54Goody Esther N., op. cit., 1982. Pour des études qui vont au-delà d’une perspective maître-disciple, voir par exemple : Lave Jean et Wenger Étienne, Situated learning. Legitimate peripheral participation, Cambridge, Cambridge University Press, 1991 et Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014.

    55Raphaela von Weichs a mené un field-crossing intensif à Gênes et a participé aux prises de vue et de son. Bernhardt Pascal était présent à de nombreux événements afin d’effectuer des prises de vue. Federica Moretti et Sara Wiederkehr étaient présentes de façon ponctuelle dans le cadre du field-crossing et/ou des prises de vue et/ou de son. Cette partie du chapitre fait partie d’une monographie en cours de rédaction, Salzbrunn Monika, ARTIVISM. Revolutions from below (titre de travail).

    56À titre d’exemple parmi de nombreux reportages récents sur l’inauguration du pont, RFI parle « du saint patron de la ville » San Giorgio, [https://www.rfi.fr/fr/europe/20200803-en-italie-linauguration-nouveau-pont-g%C3%AAnes-les-familles-victimes], consulté le 03-01-2023.

    57Cf. journaux de terrain et entretiens formels et informels menés par Monika Salzbrunn à Gênes depuis avril 2017 et protocoles rédigés par Raphaela von Weichs depuis septembre 2017. La métaphore de la guerre est régulièrement évoquée par les personnes qui s’étaient engagées contre le G8 en 2001, de même que par celles qui ont subi des privations de leurs droits civiques (limitation ou interdiction de circulation, etc.) et qui entendaient des hélicoptères circuler au-dessus de leurs logements durant cette période.

    58Monika Salzbrunn a suivi la phase préparatoire et le déroulement des évènements, dont le « Carnevale della Città di sotto ». Sara Wiederkehr et Pascal Bernhardt ont suivi « La parata di San Giovanni » 2019.

    59Salzbrunn, Monika, Protocole de mémoire, Coordination du carnaval, printemps, Gênes, 2019.

    60Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019.

    61Rancière Jacques, Le partage du sensible, esthétique et politique, Paris, La fabrique, 2000.

    62Thomson Nato, Seeing Power. Art and Activism in the 21st Century, New York, Melville House, Éditions du Kindle, 2015. Traduction (Monika Salzbrunn) : « Mais cet accent mis sur l’espace plutôt que sur le temps peut conduire à des formes de résistance intéressantes, car il fait de la composition d’une ville – et de la façon dont un mouvement s’y engage – un objectif critique pour l’action. »

    63Salzbrunn Monika, Journal de terrain Préparation du carnaval : Atelier de masques et de construction de chars, Gênes, Journal de terrain Carnevale della Città di Sotto, Gênes, 2019.

    64Salzbrunn Monika, Journal de terrain Équipe du Carnavélo, Nice, 2018.

    65Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019.

    66Salzbrunn Monika, loc. cit., 2018.

    67La personne en question se réfère aussi aux idées d’Ivan Illich sur la convivialité ainsi qu’à l’approche d’Italo Calvino dans ses Lezioni americane (Monika Salzbrunn, 13-04-2018, Journal de terrain Profumi, Gênes).

    68« Liminoid phenomena, on the other hand, are often parts of social critiques or even revolutionary manifestoes-books, plays, paintings, films, etc., exposing the injustices, inefficiencies, and immoralities of the mainstream economic and political structures and organizations », in Turner Victor, « Liminal to liminoid in play, flow, and ritual: An essay in comparative symbology », Rice Institute Pamphlet – Rice University Studies, vol. 60, no 3, 1974, p. 53-92, ici p. 86.

    69Salzbrunn Monika, (en cours), ARTIVISM. Revolutions from below (titre de travail).

    70Salzbrunn Monika, 2011, 2021b.

    71Traduit de l’anglais, Salzbrunn Monika, loc. cit., 2015, p. 8-9.

    72Salzbrunn Monika, loc. cit., 2021b.

    73Ibid.

    74Monika Salzbrunn, Journal de terrain Viareggio, 2017.

    75Raphaela von Weichs, Journal de terrain Field-crossing, Viareggio, 2017.

    76Salzbrunn Monika, loc. cit., 2021b.

    77Salzbrunn Monika, loc. cit., 2021b.

    78Moretti Federica, op. cit., 2023.

    79Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014.

    80Coy Michael, op. cit., 1989 ; Pàlsson Gísli, op. cit., 1994 ; Marchand Trevor, op. cit., 2015.

    81Salzbrunn Monika, loc. cit., 2020 ; loc. cit., 2021b ; loc. cit., 2023.

    82Collectif Mauvaise Troupe, loc. cit., 2014 ; Gowlland Geoffrey, op. cit., 2014 ; Moretti Federica, op. cit., 2023 ; Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019, loc. cit., 2021b.

    83Thomson Nato, op. cit., 2015.

    84Moretti Federica, op. cit., 2023.

    85Salzbrunn Monika, loc. cit., 2019c, loc. cit., 2019d.

    86Thomson Nato, op. cit., 2015.

    87Salzbrunn Monika, loc. cit., 2011 ; loc. cit., 2021b.

    88Ibid.

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    Salzbrunn, M., Weichs, R., & Moretti, F. (2025). « La main à la pâte ». In N. Gauthard, B. Mauffret, & M. Salzbrunn (éds.), Enquêter en carnaval (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13iqi
    Salzbrunn, Monika, Raphaela von Weichs, et Federica Moretti. « “La main à la pâte” ». In Enquêter en carnaval, édité par Nathalie Gauthard, Blodwenn Mauffret, et Monika Salzbrunn. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13iqi.
    Salzbrunn, Monika, et al. « “La main à la pâte” ». Enquêter en carnaval, édité par Nathalie Gauthard et al., Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/13iqi.

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    Gauthard, N., Mauffret, B., & Salzbrunn, M. (éds.). (2025). Enquêter en carnaval (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/13iso
    Gauthard, Nathalie, Blodwenn Mauffret, et Monika Salzbrunn, éd. Enquêter en carnaval. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2025. https://doi.org/10.4000/13iso.
    Gauthard, Nathalie, et al., éditeurs. Enquêter en carnaval. Presses universitaires de Rennes, 2025, https://doi.org/10.4000/13iso.
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