Chapitre V. Nouvelles identités urbaines
p. 63-78
Texte intégral
1L'étude des institutions (la grammaire de l'histoire politique, comme l'appelle de façon ironique Jacques Le Goff) a dépassé depuis de longues années l'érudition sèche qui la caractérisait dans les années trente du xxe siècle. Derrière des routines et des procédures souvent complexes et abstruses, au-delà des pratiques de pouvoirs, elle nous fait découvrir des mentalités, des modèles et des représentations politiques1. Qu'y a-t-il de neuf dans les institutions urbaines au milieu du xve siècle ? Pas grand-chose serions-nous tenté de répondre au regard des textes qui régissent le fonctionnement municipal. Les pratiques collectives à Bourges sont enracinées dans une tradition qui consiste à la tenue régulière d'assemblées d'habitants, sous la direction de l'archevêque ou de ses représentants, à la cathédrale, et ce sera le cas jusqu'en 1474 et la fondation de la commune. À Poitiers, les statuts du xiie siècle fondent encore la vie municipale, ils sont été revus en 1335 (pour réglementer l'élection du maire) et demeureront les mêmes encore plusieurs siècles2. À Tours, l'installation par Louis XI d'une mairie en 1461 marque apparemment un changement. Il y aurait beaucoup à dire sur l'importance de celui-ci. Dans les faits, les pratiques coutumières installées au moins depuis le début du xve siècle sont reconduites, et à vrai dire les statuts proposés par le roi apportent comme seule nouveauté l'élection d'un maire. C'est donc par-delà les textes réglementaires, dans un sondage des pratiques quotidiennes du pouvoir dans la ville qu'il faut traquer les marques d'un changement. Celui- ci a bien lieu, tant dans les procédures administratives liées à la vie communale que dans la participation des corps de ville aux débats politiques qui animent la vie du royaume.
Une impérieuse nécessité de réforme interne à Poitiers et à Tours
2De 1441 à 1459 les institutions poitevines vont subir un certain nombre d'adaptations par réformes successives qui, si elles n'affectent pas véritablement les statuts multiséculaires, laissent pointer un changement perceptible des mentalités politiques. Dans le détail, les mécanismes de décision vont être les premiers à subir des modifications. Les bourgeois s'attaquent tout d'abord au problème de la participation aux assemblées du corps de ville. L'absentéisme touche un nombre toujours plus important de « citoyens3 »et apparaît désormais comme une réalité qu'il n'est plus question de tolérer. En août 1441, une ordonnance composée de neuf articles fixe des ordres stricts. Les absences sont étroitement surveillées par le maire et ses sergents, chaque membre du corps de ville encours désormais l'exclusion s'il oublie de se présenter trois fois de suite aux assemblées sans raison valable acceptée par le maire. Plus largement, c'est l'attitude quotidienne des bourgeois face aux entreprises communales qui est surveillée. Colin Motart, en novembre 1449, en fait la cruelle expérience. Refusant de prendre son tour de garde sur les murs, il renvoie sévèrement les sergents qui sont venus le chercher. Le procureur de la ville lui assène une amende de 200 livres, mais il s'obstine dans son refus car il se croit libéré d'une telle charge en tant qu'officier royal. Le corps de ville va poursuivre sa procédure disciplinaire qui débouche sur une condamnation pour rébellion et Motart finit alors par être expulsé de la ville4.
3Les structures collectives de décisions subissent également une réorganisation qui traduit la recherche de plus de rigueur. Le conseil chargé d'administrer la ville au jour le jour subit ainsi de 1446 à 1459, quatre réformes successives. Vers 1446, l'agitation, sinon la contestation, semble être forte au sein du collège municipal. Les « LXXV bourgeois »demandent que les « XXV pers et conseillers »(désormais appelés indistinctement échevins) soient élus et renouvelés tous les ans. Un vent de fronde souffle certainement alors contre le petit groupe de personnes qui détient véritablement les rênes du pouvoir municipal5. L'anoblissement conféré par la charge d'échevin suscite certainement les convoitises, et de semblables réactions auront encore lieu au début du xvie siècle6. La voix des simples bourgeois sera peut-être entendue en 1449 lorsque la première grande réforme du Conseil de la ville a lieu. Aux scéances de ce dernier (qui se tient depuis 1447 au moins tous les lundis7) douze conseillers sont désormais appelés mais il ne s'agit plus des douze « pers »de la ville. Seuls six des anciens échevins y sont contraints aux côtés de six autres personnes issues du collège des « LXXV »bourgeois du corps de ville8. Révolution presque totale puisque ces douze représentants, élus par leur collège respectif, peuvent s'estimer un peu plus représentatifs des forces vives de la commune. Cette situation ne durera qu'un temps car pour des raisons pratiques, il est difficile de réunir chaque lundi 25 personnes9. Dix ans plus tard en effet, il est précisé que le Conseil se tiendra chaque lundi sans être au préalable annoncé et que seuls les « XXV »sont tenus de s'y présenter alors que les « LXXV »pourront y assister s'ils sont appelés10. Retour à la cas départ ? Pas tout à fait car entre-temps l'élection du maire a elle aussi subi quelques modifications. Si l'acte de 1335 qui fixe les procédures en la matière est relu et réaffirmé c'est peut-être parce que l'ordre ancien et compliqué à tenir pour l'élection ne l'était certainement plus. En 1453, un nouveau règlement est promulgué dans lequel toute une série de mesures s'ajoute aux anciennes règles afin d'éviter une monopolisation démesurée de la charge de maire (comme le fit M. Claveurier, douze fois maire, dont parfois cinq ans de suite). Personne ne peut plus désormais être élu plus de deux ans consécutivement11
4Un véritable esprit collectif souffle ici aux dépens d'ailleurs d'un certain nombre de personnes qui restent dans des habitudes anciennes et établies. L'affrontement est alors parfois plus cruel qu'il n'y paraît certainement. Ce doit être ainsi assez douloureux pour Maurice Claveurier, lorsqu'en novembre 1450, à plus de soixante dix ans et après avoir été de nombreuses fois maire de la ville entre 1428 et 1442, il entre en conflit ouvert avec le corps de ville. Le lieutenant général a jeté en prison un sergent de la ville lui déniant son droit de police. L'exécutant des simples taches communales ne semble pas pour autant avoir dépassé les attributions fixées par le corps de ville et en donnant ordre au nettoyage des rues sur commission du maire, il dut certainement distribuer des amendes aux contrevenants12. L'affaire se transforme en véritable conflit de juridiction entre la sénéchaussée et la ville et rend nécessaire une meilleure définition des attributions communautaires. À cette occasion, le corps de ville exprime la nécessité de porter par écrit ses droits et de justifier les procédures qui sont en place13. Les échevins réaffirment qu'ils ont par délégation royale haute, moyenne et basse justice sur la cité, que leurs tribunaux tiennent leurs séances deux fois par semaine et qu'ils possèdent pilori et cigogne. De plus, de tous leurs actes de justice ils tiennent un « papier registre ». Sans pour autant changer les procédures administratives, voilà le droit urbain réaffirmé, sinon redéfini, dans le souci d'une meilleure cohabitation avec l'autorité royale. L'attitude du lieutenant semble alors en profond décalage et révèle certainement l'arrivée d'une nouvelle ère dans la vie publique citadine, d'une nouvelle perception des responsabilités publiques.
5De la même manière à Tours, les éléments d'une crise de croissance urbaine sont notables. L'affaire prend une tournure somme toute très proche même s'il n'existe pas encore de municipalité avec statuts et qu'il faut compter ici avec la forte présence des autorités religieuses. Il semble alors nécessaire de mieux définir l'organe décisionnel qui reçoit en cas de crise délégation du pouvoir de l'assemblée des bourgeois. Si les premières formes d'un conseil restreint apparaissent dès 1417 (il s'agit d'une commission composée de 16 personnes, dix laïcs et six religieux)14, cette première version du conseil municipal n'a ni une composition fixe (en 1420, elle se compose de douze laïcs et six clercs), ni des attributions clairement définies et encore moins une périodicité régulière. Attestée en 1420, 1424 et 1431, ce n'est qu'à partir de 1443 que cette assemblée restreinte apparaît sous des traits et une appellation qui ne varieront plus (la « Commission des XII »). Pourtant, il est bien stipulé encore que les douze personnes qui la forment désormais (quatre religieux et huit séculiers) n'ont en charge la gestion de la ville que pendant les crises alors que leur capacité à ordonner les paiements est annulée. À cette date c'est pour aider les élus dont la charge s'accroît d'année en année que l'on recrée alors une commission qui semble déjà exister mais sans véritablement travailler15. En 1447, de nouveau, il est question de renouveler ses membres en leur conférant la même puissance qu'autrefois16, sujet qui soucie encore l'assemblée générale en 1449, date à laquelle sa composition et ses attributions sont surveillées de plus près. En effet, l'archevêque fait savoir qu'il trouve injuste qu'un seul de ses membres soit du « pays d'Amont » (soit l'est de la ville ou se trouve le quartier cathédral, ce qui est faire peu de cas de celui-ci), remarque qui provoque une altercation avec les bourgeois qui se refusent à en modifier la composition17. De tous les débats qui suivent le rétablissement de cette commission, et après enquête, il ressort une refonte de ses attributions désormais mises par écrit. Sont de la compétence de ses membres : la réparation des murailles, les appels de marché avec les ouvriers, les appels de fonds, la distribution de présents aux personnages remarquables qui passent en ville (à hauteur de 20 livres maximum) et la présentation de remontrances au roi lorsque cela est nécessaire18. Comme à Poitiers, une meilleure codification des responsabilités et de l'autorité a lieu, presque d'ailleurs autour de la même date. S'il n'est pas sûr, loin de là, que cette commission eut une véritable existence par la suite, ces multiples tentatives qui s'accompagnent de quelques réminiscences en 1455 voire en 146119 montrent surtout l'actualité d'une réforme profonde des institutions. Et ce d'autant plus qu'une identité collective s'affirme par la définition de l'étendue des faubourgs puis l'achat d'un hôtel de ville20, et qu'au sein de l'aréopage bourgeois des conflits d'intérêt apparaissent21.
Une participation croissante des corps de ville à la vie politique du royaume
6Si les villes ont toujours été associées aux grandes décisions collectives de la vie du royaume (les bourgeois tourangeaux sont régulièrement défrayés des sommes engagées par leurs ambassades aux assemblées royales entre 1420 et 1430, on l'a vu), les bourgeoisies autour de 1450 s'emparent pleinement d'un certain nombre de sujets autour desquels elles affirment leurs positions, élaborent des revendications et les portent parfois avec succès devant le roi. Ce qui est remarquable ici c'est que les corps de ville s'instaurent désormais comme des représentants régionaux, ils portent une parole qui dépasse les seuls intérêts directs de leur collectivité. Le fait est clair en Poitou après 1450 lorsque la ville réagit successivement à deux réformes royales importantes.
7Le premier point qui suscite une forte mobilisation du potentiel communal est celui de la gabelle et des droits royaux qui pèsent sur le sel en Poitou. Depuis 1383, la province, avec la Saintonge, est hors de la juridiction des greniers à sel. Seul le « quart du sel »y est levé par le roi. En 1445, avec la création d'une armée régulière et permanente, les ressources financières royales demandent à être accrues, une extension de la gabelle sur le Poitou est projetée22. S'engage alors toute une série de tractations et de négociations politiques entre le roi et les différentes personnalités politiques de la région. L'investissement du corps de ville de Poitiers est alors tout à fait singulier. L'affaire est en fait de longue haleine. Dès juillet 1445, les pièces comptables révèlent que la ville s'inquiète du problème car depuis quelque temps des messagers urbains sont déjà auprès du roi23. En octobre 1446, alors que la menace se confirme, deux dîners rassemblent, aux frais de la collectivité, un certain nombre personnes influentes pour traiter du sujet. Il semble que ce soit sous l'impulsion des bourgeois poitevins qu'à la fin de ce même mois la réunion des États de Poitou a lieu24. À partir de cette date, l'attention du corps de ville est constante, malgré des périodes de mise en sommeil du projet. En 1446, les États décident l'envoi d'une ambassade vers le roi alors que la ville adresse de nombreuses gratifications en nature aux grands officiers du roi et à leurs épouses. La femme de Jean Bureau, trésorier de France, reçoit une croix d'or garnie de rubis, de perles et de saphirs, une patenôtre d'or avec un gros bouton de perle de comte, « afin qu'il [le trésorier] soit plus enclin d'avoir la ville et les affaires d'icelle, mesmement touchant le fait de la gabelle, en plus grande recommandation25 ». La femme du sénéchal bénéficie d'une même largesse en 1447 afin qu'elle se fasse l'avocate de la ville auprès de son mari26. À partir de 1450, le projet royal se précipite et une action ponctuelle et personnalisée n'est plus suffisante. Une mobilisation plus large s'engage alors sous l'égide du Conseil de la ville de Poitiers. Celui-ci décide tout d'abord l'envoi de deux ambassadeurs vers les différents corps représentatifs du Poitou27, puis la rédaction d'un mémoire afin de pouvoir argumenter la défense provinciale. Communiqué aux bourgeois de La Rochelle, celui-ci est solennellement porté au roi à Tours en avril 1451 par l'abbé de Saint-Maixent, deux docteurs de l'Université, accompagnés également par huit bourgeois de Poitiers qui forment donc le gros de la représentation provinciale. Leurs frais sont entièrement pris en charge par la ville28. À ceux occasionnés par les diverses ambassades, il convient d'ajouter également les importantes sommes dépensées pour les divers cadeaux offerts aux commissaires royaux (reçus fastueusement chez le maire en février), les frais liés à plusieurs voyages entrepris vers le bas Poitou ou à Chinon (vers le roi), ou les dépenses d'écriture relatives aux lettres adressées aux seigneurs poitevins29. Finalement l'action urbaine finit par porter ses fruits puisque, certainement plus convaincu par l'argumentaire rédigé par les bourgeois qu'effrayé par une coalition provinciale dont la force semble relative, le roi abandonne l'idée d'imposer le régime de la gabelle et renouvelle en 1451 les lettres du quart du sel30.
8La capacité du corps de ville de Poitiers à agir dans le cadre du gouvernement général du royaume s'illustre également autour d'un autre sujet qui, depuis 1436, renvoie à la fierté même de la ville : le retour du Parlement31. Si dans l'exemple précédent, le corps de ville prend bien soin de diriger l'action des États du Poitou, désormais il mène seul les négociations et recherche en son nom les contacts. Comme pour la gabelle, le corps de ville travail à la rédaction d'un mémoire pièce maîtresse pour assurer autant sa défense contre les parlementaires parisiens. Celui-ci est présenté au roi le 10 février 1454, « par de notables personnes tant bourgeois que de l'Église », au cours d'une ambassade qui mit lourdement à contribution les deniers communaux32. Malgré l'arrivée du roi à Poitiers en novembre 1453 et les multiples fêtes qui veulent célébrer ses victoires de Guyenne33, la pression politique poitevine n'est pas cependant suffisante pour l'emporter face au milieu parlementaire parisien beaucoup plus influent. Cette fois, la ville doit s'incliner.
9Au-delà du résultat en lui-même, il demeure intéressant d'étudier l'argumentaire politique employé au cours de ces deux affaires, argumentaire soigneusement compilé dans les articles présentés au roi34. Derrière une apparente confusion rédactionnelle due certainement à la précipitation des actions politiques, les mémoires poitevins exposent ce que doit être l'ordre politique du royaume, voire affirment une certaine modélisation du pouvoir. Ce serait une erreur de voir dans l'inventaire des arguments poitevins une opposition frontale de la ville aux volontés du roi. Si, sans aucun doute, les bourgeois se mettent en travers des objectifs royaux, ils ne cultivent pas pour autant l'opposition systématique, ferme et définitive, idée qui ne semble même pas les avoir effleurés. Au contraire, il règne un certain conformisme qui, malgré tout, n'empêche pas le dialogue et l'expression de la différence. Le cas est particulièrement net à propos de la gabelle. Il n'est en aucune manière question d'abolir celle-ci ou les différents droits que le roi lève, car il semble convenu que ce que le roi prend « est bel et grand devoir35 ». De même, le corps de ville poitevin n'apparaît pas à la tête de la défense d'une catégorie sociale particulière, ou d'un corporatisme économique. Sans aucun doute les marchands sauniers seraient fragilisés voire décimés par l'instauration de la gabelle, mais les bourgeois formulent des revendications au nom d'habitants d'une région tout entière. Dans les deux cas, d'une façon traditionnelle, le discours poitevin essaye d'attirer l'attention royale sur des conditions matérielles déplorables. Pour justifier l'obtention d'une chambre de Parlement, il s'agit de critiquer le mauvais fonctionnement de la chambre parisienne. On fait remarquer son impéritie, sa lenteur (les « proces immortelx »), les frais de voyage qu'il implique... Dans l'affaire de la gabelle, il convient de démontrer la pauvreté du pays et de ses habitants et d'insister sur le fait que le sel, produit à partir des côtes atlantiques, est la seule richesse de la région échangeable contre des denrées alimentaires essentielles. Il devient à lui seul dans la bouche des Poitevins le sauveur économique du Poitou36. Ainsi, malgré une subjectivité patente qui fait par exemple de Paris un des coins du royaume, des difficultés sans aucun doute réelles sont exposées.
10À côté de revendications de circonstance, les corps de villes développent un discours qui les installe en garants d'une unité politique très large. Contre l'instauration de la gabelle, la base de l'argumentation bourgeoise dans le domaine économique est de sauvegarder les « abitudes et manieres de vivre37 ». Le corps de ville se veut le fer de lance de la conservation des coutumes, des modes de vie (puisque l'on prétend que le sel est à la base de toute l'économie de la région, par exemple), comme des exemptions et franchises acquises par le passé. Ainsi, les délégués poitevins pour la gabelle n'hésitent pas à rappeler que « le peuple et habitans [...] ont toujours esté et sont francs quictes et exemps de ladite gabelle », ou encore démontrent que certaines paroisses du bas Poitou (de la marche avec la Bretagne plus particulièrement) jouissent « par ancienneté »d'un certain nombre de privilèges en matière fiscale38. Soucieux des lois et coutumes, le corps de ville veut également prévenir le roi du maintien des structures sociales de la région. Les « laboureurs de sel »et plus largement le « pauvre peuple »ont certes beaucoup à perdre, mais ils ne sont pas les seuls. Les églises et autres communautés religieuses, dont bon nombre en bas Poitou ont d'importants biens dans les marais, pourraient ainsi voir considérablement leurs revenus décliner. De même pour les nobles dont on craint qu'un certain nombre soient « destituez de leurs estatz »et voient eux aussi leurs intérêts fort réduits39. Ce qui semble donc important c'est de garder l'ensemble des « convencions »qui régissent l'ordre social du royaume.
11Les corps de ville sont-ils alors les protecteurs d'un conservatisme économique et social ? Pas exactement. En effet, c'est le roi et plus largement les intérêts d'un royaume stable et ordonné que le corps de ville de Poitiers entend défendre à travers ses revendications. Le roi, parce que son droit « se deppert et est fraudé40 », ce qui heurte donc le bon fonctionnement et la modernisation de ses finances. L'argument est avancé pour soutenir le fait qu'imposer de nouvelles taxes ne viendrait en rien résoudre les maux qui sont à l'origine de la décision royale et que celle-ci ne pourrait que renforcer la fraude, la concussion et la rétention de marchandises41. Mais plus encore, c'est la paix sociale qu'il s'agit de préserver. Pour les Poitevins indubitablement de nouveaux impôts signifient de nouveaux troubles (« inconvénients de rebellions ») comme cela a déjà été le cas dans le passé42. Le pauvre peuple ne pourra y résister, d'autant plus que cela ne ferait que raviver les revendications de certains, qui, notamment du côté des marches bretonnes, bénéficient de larges exemptions et sont en position de force pour les conserver43.
12Cette paix sociale se doit d'autant plus d'être préservée que les bourgeois estiment qu'ils entretiennent depuis longtemps une relation privilégiée avec le roi. Ainsi, l'argumentaire rappelle que les habitants du Poitou, « ont fait et donné [au roi] durant le temps de son adversité, humilité, bonté, amour et fidélité qu'ilz ont eu tousjours a luy, sans luy faire faute, les adversitez que lesd. habitans ont souffert paciemment pour le fait de sa guerre44 ». C'est sur le rappel de ce lien affectif qui unit les Poitevins à Charles VII depuis les années les plus sombres de son règne que les commissaires du corps de ville terminent leur présentation. Les bourgeois poitevins, en présentant tous ces arguments contre l'établissement de la gabelle, entendent bien encore une fois vaquer « pour le bien du roy et de sa seigneurie45 ». Ils comptent sur lui, intègrent ses réformes dans une évolution historique et politique entamée par ses prédécesseurs et à l'intérieur de laquelle ils entendent avoir aussi leur place. Dans la phrase qui conclut leur intervention, les délégués urbains insistent et disent :
« Que ensuivant les faiz de ses predecesseurs il luy plaise de sa grâce tenir le dits habitans en leurs franchises anciennens qu'ils ont est le temps passé et qu'ils ont enduré et souffert en son adversité, ils soient participans en sa properiété que par sa grace luy vueille maintenir et luy acroistre et parfaire de mieulx en mieulx, qui sine fine vivit et régnat in secula seculorum, amen46 »
13Les arguments présentés quelques années plus tard pour susciter l'installation d'une chambre de Parlement reprennent un bon nombre des conceptions développées pour l'affaire de la gabelle. Les articles présentés au roi par la délégation poitevine montrent là aussi que le corps de ville parle au nom de l'ensemble du peuple du Poitou voire en celui des provinces avoisinantes et particulièrement de Guyenne. Si les revendications s'appuient sur des considérations inhérentes au mauvais fonctionnement du Parlement de Paris (étant donné son éloignement, le coût et la « confuse multitude des causes »)47, les Poitevins axent leurs positions sur la défense des droits du peuple dont on rappelle une fois de plus qu'il a « loyalement servy et obey audit seigneur, et tousjours fera jusques a la mort48 ». Là aussi, il s'agit de soutenir les droits royaux dont certains « sont adnullez ou dimminuez par sourprinse des ducs, contes, vicontes, barons et autres pour la longue distance desdits pays49 ». Les bourgeois contestent avant tout les multiples scandales qui concourent à la destruction de la justice du royaume et à ce que les droits royaux « soient blecez50 ». Leur but est que « floriroit la justice du royaume, les mauvais seroient corrigez et les bons remuverez51 ».
14Poussé par la nécessité de réfuter les allégations des parlementaires parisiens, le discours de la ville et de ses délégués va cependant plus en profondeur dans la réflexion sur la nature du pouvoir juridique du roi. À côté de considérations techniques sur le bon fonctionnement de la justice royale, l'ensemble de l'argumentaire mis en place par le corps de ville de Poitiers développe l'idée que le pouvoir judiciaire du roi peut être présent partout et n'est pas uniquement concentré dans sa propre personne ou dans le corps politique du Parlement de Paris. S'il est de bon ton de rappeler alors le temps où ce dernier suivait les voyages royaux, de remémorer ceux où la capitale poitevine a vu séjourner une telle institution, l'argumentation poitevine cherche à démontrer avec la présentation du cas toulousain ou de l'Échiquier de Normandie que la viabilité théorique d'une telle cour est tout à fait envisageable.
15Sans doute il faudrait reprendre argument par argument pour saisir l'étendue des revendications et des problèmes qui se posent à la bonne tenue de la justice52. Mais finalement, suivant l'ambition qui l'anime à court terme, le discours poitevin repose sur la nécessaire division des chambres du Parlement. Il est rappelé que si la personnalité judiciaire royale est unique et indivisible, de nombreuses délégations existent déjà par le simple exercice de la justice traditionnelle des sénéchaux, des baillis et de leurs lieutenants53. Pour les Poitevins, cette diffusion du pouvoir juridique ne vient en rien altérer la souveraineté royale (« l'unité de la couronne et souveraineté de France54 »), car de nombreuses fois déjà, étant donné sa charge de travail, le Parlement de Paris s'est lui-même séparé en plusieurs chambres, et « souventesfois en fait l'on tient on ensemble en la sale du palais XV ou XX car la court cuidant fournir à l'innombrable multitude des causes [...] comme et ordonne commissaires55 ». « Et qui plus est, n'en est divisé le Parlement mes toujours ung et parle le roy par tout comme chef et souverain seigneur56. »C'est une souveraineté royale étendue qu'appellent implicitement de leurs vœux les bourgeois poitevins.
Etablissement d'un lien informatif entre les villes et le roi
16Au-delà du résultat final de ces entreprises urbaines, ce qui ressort c'est avant tout l'existence d'une personnalité politique nouvelle pour des corps de ville qui s'installent en tant qu'interlocuteurs politiques. La trace la plus tangible de cette évolution est fournie par les modalités d'information qui se développent entre le pouvoir royal et les municipalités. Du centre vers la périphérie, il s'agit d'un lien épistolaire qui se construit. En sens inverse, on l'a vu déjà dans les exemples précédents, les villes développent une véritable politique d'ambassades.
La mise en place d'un lien épistolaire (1420-1460)
17S'il est relativement difficile de savoir à quand remonte l'émergence de la correspondance épistolaire entre les villes et le roi, la meilleure conservation des registres de délibérations à partir du xve siècle offre la possibilité de saisir comment depuis 1417 au moins l'information royale est diffusée. Les premiers exemples apparaissent dès septembre 1416, lorsque le duc de Touraine (Jean) annonce à la ville de Tours par lettres closes la délicate situation diplomatique et requiert l'aide des habitants57. Actes concis, suivis en mai 1417 de lettres beaucoup plus longues du roi lui-même dans lesquelles celui-ci explique les actions du duc de Bourgogne, avertit les bourgeois des différentes assemblées tenues par celui-ci et détaille l'action royale entreprise pour le maintien de la paix58. Deux autres lettres certainement de même nature (mais au sujet inconnu) sont reçues à Tours vers le 25 septembre 1417, l'une écrite par Charles VI, l'autre par son fils59. En juillet 1418, en pleine crise, alors que la ville est tenue par les Bourguignons, c'est par lettres closes que Charles VI encourage les habitants à résister aux entreprises du jeune dauphin60. Deux ans plus tard le dauphin remerciera les bourgeois de leur action quotidienne désormais à son service par lettres closes et annoncera ainsi les premières victoires obtenues par ses troupes dans le Perche ou aux environs de Chartres61. Par la suite les lettres deviennent davantage des outils techniques. En 1422, elles sollicitent l'assemblée des habitants de Tours pour obtenir l'envoi de représentants afin de traiter avec lui de l'état des monnaies du royaume62. Leurs homologues poitevins sont convoqués de la même manière à la même date puis encore en 1424 et en 142863. De même en 1423, il est fort probable que l'annonce de la naissance du futur Louis XI soit faite par l'intermédiaire de lettres du même genre64. Par la suite, les différends qui agitent les hommes de pouvoir autour de Charles VII sont propices au développement d'une correspondance directe avec les corps de ville, tant de la part du roi que de tous ceux qui dirigent le royaume de Bourges. Ainsi en 1425, la collectivité tourangelle reçoit successivement des lettres de Yolande d'Aragon (la duchesse de Touraine), du connétable et même des habitants de Bourges, excédés par les pillages qui se multiplient65. Durant l'été de nouvelles lettres closes de Richemont demandent à la ville de Tours un prêt de 2000 livres pour lutter contre les mauvais soldats et sont précédées quelques jours auparavant par celles du duc de Bretagne66.
18C'est autour de 1429 cependant que lettres closes révèlent toutes leur portée pédagogique. Le siège d'Orléans et les expéditions qui l'accompagnent vont marquer le développement grandissant du lien épistolaire. Si les documents conservés en originaux sont rares (inexistants à vrai dire à Poitiers comme à Tours) les pièces peuvent être identifiées grâce aux délibérations désormais mieux conservées. À Poitiers comme à Tours, l'information arrive très vite. Des « chevaucheurs »font de constantes navettes depuis la cour et, sans que cela soit toujours explicitement dit, transportent certainement les dépêches sous forme de lettres closes. À Tours, dès octobre 1428, la ville est très régulièrement tenue informée de la situation. Le 10, un messager vient annoncer la mise en siège d'Orléans. Le 22, les seigneurs d'Albret et de Gaucourt font savoir que l'ennemi ne veut pas s'en tenir à cette première ville, mais entend bien marcher vers Tours, et le 9 novembre Charles VII par lettres réclame une aide financière67. Les grandes victoires de l'été 1429 sont pour le roi l'occasion de multiplier les lettres closes vers les corps de ville. Celui de Poitiers rétribue grassement les messagers royaux qui viennent apporter des lettres annonçant les exploits de la Pucelle et des armées royales (reddition de Jargeau puis prise de Beaugency68). À Tours, le 17 juin, des lettres arrivent dans lesquelles le roi remercie la ville d'avoir organisé des prières et des oraisons qui ont sans aucun doute aidé au bon déroulement des opérations militaires de la semaine écoulée. Elles sont accompagnées, quelques jours plus tard, par d'autres qui signalent cette fois la victoire de Meung et son cortège de morts et de prisonniers69. Le 3 juillet encore, la ville rétribue le « chevaucheur royal »qui est venu apporter les « bonnes nouvelles de juin70 »alors qu'un autre, dans le courant du même mois, apporte une copie des lettres que M. d'Alençon, sur le chemin de Reims, fait parvenir à sa femme71. Si à Tours c'est encore un « chevaucheur de l'écurie royale »qui annonce le 27 juillet le sacre royal, le corps de ville de Poitiers semble, lui, avoir délégué à la cérémonie un représentant dont les lettres arrivent en compagnie de celles de la reine72.
19Après 1429-1430, le rythme des envois royaux trouve une certaine régularité, même s'il est difficile, faute de fonds municipaux régulièrement conservés avant 1450, d'en estimer le rythme exact. Les quelques pièces qui peuvent être identifiées montrent une certaine continuité avec la période précédente, à savoir leur utilisation pour diffuser l'annonce des victoires royales (1435, Arras ; 1441, Pontoise et Évreux ; 1450, Formigny ; 1451, Blaye, Bordeaux et Bayonne avec rapport du miracle de la croix vue au ciel ; 1453, Bordeaux et Castillon73), voire pour accompagner les demandes fiscales que le roi adresse à ses bonnes villes74. Plus encore, il n'est plus le seul à utiliser ce vecteur de communication : la reine et le dauphin savent aussi user de ses vertus, les lettres du second étant attestées à Bourges comme à Tours75.
Ambassades urbaines vers le roi
20Dans l'autre sens, depuis la ville, partent vers le souverain un grand nombre d'ambassades. Les corps de ville osent sans difficulté apparente aller requérir le roi (voir tableau 4). Une inspection approfondie - et espérons-le exhaustive — des documents poitevins et tourangeaux du milieu du xve siècle permet de déterminer pour la seconde moitié du règne de Charles VII les différentes ambassades urbaines.
21Ainsi, entre 1449 et mars 1462, le corps de ville de Poitiers met sur pied plus de 50 ambassades, dont 33 s'adressent directement au roi. À Tours, au cours d'une période un peu plus longue (1438-1461, mais seules 22 années fournissent des données), 45 délégations urbaines peuvent être identifiées, dont 40 au moins envoyées directement vers le roi. Manifestement, les deux cas le montrent, la ville est présente régulièrement auprès du roi. Les périodes sans députation restent rares et des moyennes déjà élevées (2,5 ambassades par an pour Poitiers et 1,8 pour Tours) cachent difficilement les années où les délégations se multiplient fortement. Il s'agit bien alors pour les corps de ville de mener de véritables négociations. À Poitiers au sujet du Parlement, trois ambassades sont mises sur pied en 145177, deux en 145278, une en 145379 avant la grande délégation à Tours de février 145480 et les frais engagés sont souvent conséquents81. De même à Tours comme à Poitiers la restructuration de l'armée royale va conduire les bourgeois à organiser plusieurs voyages vers le roi afin de travailler à la réduction de nombre de soldats à leur charge. Les enjeux valent donc largement les sommes engagées en frais de déplacement. Sans doute parfois s'agit-il de délégations plus restreintes, de circonstances, qui vont porter la révérence de la ville au souverain qui passe ou nouvellement monté sur le trône82, ou encore participer sur la demande de celui-ci aux grandes assemblées d'État. Toutes révèlent cependant l'existence d'une véritable parole municipale.
22L'émergence quelque part autour de 1450 d'une nouvelle identité urbaine est un phénomène qui n'a pas toujours attiré le regard des historiens. Sans doute, il est vrai, dans et sur la ville, le pouvoir de la collectivité ne change pas franchement. À la lecture des délibérations ou des comptes globalement l'activité quotidienne reste la même : il s'agit d'une police au sens large (économique, militaire, juridique). Il reste difficile de véritablement sonder cet idéal communautaire qui est encore en grande partie celui de la commune médiévale, mais déjà, à côté des nouveaux espaces militaires et fiscaux, il faut donner toute leur importance aux bouleversements institutionnels, même inaboutis ou voués dans l'instant à l'échec, et être attentif aux différentes formes d'extériorisation du pouvoir urbain. Il convient alors d'envisager les différentes crises institutionnelles qui secouent les conseils bourgeois comme des crises de croissance, qui traduisent l'émergence d'une responsabilité collective active, publique voire représentative. Il s'agit là d'évolutions lentes que l'histoire du demi-siècle suivant (au moins) vient confirmer. D'une certaine manière les pouvoirs urbains se construisent progressivement en municipalités à la faveur d'une redistribution des charges politiques au sein du royaume, sous la direction d'un roi au pouvoir pourtant considéré sans partage.
Notes de bas de page
1 Sur le renouveau de l'histoire des institutions, voir en particulier les contributions réunies par W. Paravicini et K. Werner dans Histoire comparée de l'administration (ive-xviiie siècles), Actes du xive colloque franco- allemand, Tours, 1977, Munich, 1980.
2 Bâti selon le modèle des Établissements de Rouen, modifié par la charte de Philippe Auguste de 1222, le fonctionnement de la commune poitevine est basé sur la présence d'une assemblée de bourgeois (« le Cent ») qui se réunit théoriquement une fois par mois en assemblée plénière (« le Moys et cent »). Ces membres se divisent traditionnellement en 75 « bourgeois », 12 « conseillers », 12 « échevins »avec un maire à leur tête, élu par l'ensemble du corps de ville. Dans les faits c'est au maire que revient la direction quotidienne tant du cadre décisionnel que des structures exécutives (cette distinction n'est en rien une réalité de l'époque), aidé par le Conseil composé de « pers »de la ville (conseillers et échevins) dont les capacités (financières notamment) et les réunions se codifient progressivement dans la seconde moitié du xv siècle (elles se tiennent tous les lundis, les simples bourgeois n'y assistant que sur la demande des échevins, les « Moys »qui se réunissent mensuellement étant seuls autorisés à concéder les dépenses importantes...).
3 Poitiers, arch. comm., registre de délibérations n° 4, p. 96-97.
4 Ibid., p. 9, et B. Ledain, Les maires..., op. cit., p. 382.
5 Les sources communales sont trop allusives pour permettre une analyse fine de cet événement et pour comprendre les conclusions qui vont en découler. Quatre échevins et quatre « LXXV »sont alors autorisés à prendre la parole pour défendre les deux points de vue. Rien ne semble cependant immédiatement changer dans la tenue de l'ordre municipal (id. registre de délibérations n° 3, p. 155,27 juillet 1446). Les « LXXV »participent à la politique communale dans la mesure où ils se présentent aux « Moys et cent », assemblées pleinières dont la fréquence mensuelle n'est pas respectée.
6 Par exemple la plainte formulée par François Aubert en 1515 (id., registre de délibérations n° 15, p. 55-59, 14 septembre).
7 Id., registre de délibérations n° 3, p. 179, 14 août 1449.
8 Ibid., p. 196-197, 19 août 1448. Dans le texte les « LXXV »bourgeois prennent alors le titre d'échevin.
9 Dans les cinquante premières années du xvie siècle, une quinzaine d'échevins et bourgeois figurent en moyenne (et au maximum) à cette assemblée.
10 Id., registre de délibérations n° 4, p. 106 et 108, 23 et 29 juillet 1459.
11 Id., série M, registre n° 11, f° 7 et f° 7 v° (1454).
12 Pour l'ensemble de cette affaire, voir B. Ledain, Les maires..., op. cit., p. 393. Un autre conflit de juridiction éclate en 1466 pour des raisons inconnues. Le procureur du roi veut « empescher le droit de la ville ». Le procureur de la ville reçoit ordre du Conseil de s'opposer à tous les commandements faits par le procureur du roi (Poitiers, arch. comm., registre de délibérations n° 6, p. 1, 27 janvier 1466).
13 Poitiers, arch. comm., D 14. Il s'agit d'un mémoire de 4 folios qui reprend dans de nombreux articles la définition des trois degrés de justice, le droit de la commune rappelé par les privilèges royaux et les modalités de sa mise à exécution. Il rappelle également que de tous ces droits, les officiers royaux s'en étaient accordés jusque-là.
14 Pour cette période le point est fait par B. Chevalier (La ville de Tours..., op. cit., p. 91-92).
15 Tours, arch. comm., BB 28, f° 264 et P 266 v°, 18 septembre et 31 octobre 1443.
16 Id., BB 28, f° 309 v°, 26 novembre et 14 décembre 1447. Il est possible qu'entre 1443 et 1447 il n'y ait pas eu de changement parmi les membres de ce conseil.
17 Id, BB 28, P 330, 1er mai 1449. La solution est trouvée en élisant un treizième commissaire issu du « pays d'Amont » (c'est-à-dire des paroisses de l'est de la ville).
18 Id., BB 28,f° 330 v°. L'acte dit aussi que les voix de huit d'entre eux suffiront pour prendre des décisions et qu'ils sont tenus d'appeler les officiers royaux pour travailler à leur tâche.
19 Il est tout d'abord impossible de dire si les religieux en ont accepté les termes car lorsqu'ils sont proposés, les religieux demandent du temps pour réfléchir et renvoient le sujet devant chaque chapitre (ibidem, P 329 v°). Par la suite les mentions de réunions sont épisodiques. Une vague commission de sept personnes est élue en novembre 1450 pour travailler pour la ville, elle se compose de six laïcs et un religieux (id., BB 30, f° 246). En juin 1449, les délibérations font état d'un rapport des « XII »au sujet des fermes de la ville (id., BB 28, f° 332). En février 1455 douze autres sont mobilisées lorsque des « gens de bien »se sont accordés pour jouer des mystères de la Passion et demandent de l'aide. L'assemblée plénière dit que le sujet est digne d'intérêt car ils n'ont pas été joués depuis longtemps dans la ville et qu'il s'agit de beaux mystères « pour les simples gens laiz ». Six ou huit laïcs et six clercs sont alors chargés des préparatifs (id., BB 30, f° 281 v°, et f° 284, février et mai 1455). Lorsqu'en 1461, pour une des dernières fois, il est fait mention de cette « commission des XII », sa présence semble bien nécessaire car il est dit que sans elle les élus (dont le nombre pourtant augmente, ils sont cinq), ne peuvent prendre de décisions C'est l'affirmation qui est du moins présentée le 28 janvier 1461 (ibid., f° 334). La dernière apparition de ce conseil restreint a lieu en juillet 1461. La mort du roi crée une petite situation de crise. Les « XII »sont alors chargés d'instaurer pour quelques jours l'ordre militaire dans la ville (ibid., f° 337 v°).
20 Une tentative pour définir les faubourgs et leur étendue est faite en 1442 (Tours, arch. comm., BB 28, f° 253, 31 novembre). L'idée d'acheter une bâtisse pour faire un hôtel de ville est en effet bien lancée en 1444 (id, BB 28, f° 273, 8 septembre). Ce n'est cependant qu'en 1467 que le corps de ville se décide à acheter la maison de Madame de Chissé dans laquelle se tiennent déjà les assemblées (id., BB 32, f° 64, 20 avril).
21 C'est le cas en 1459, à la suite du choix des élus qui reçoivent officiellement la charge d'administrer la ville. Sans que l'on puisse véritablement, à partir des actes d'assemblée trop succincts, tirer l'affaire au clair, des oppositions brutales s'expriment alors entre Pierre Baudet et Jean de Bryon (le second faisant appel de l'élection du premier). L'affaire va devant le Parlement. Les procès-verbaux des assemblées laissent transparaître alors l'existence de certains clans et d'affrontements ouverts pour la direction des affaires locales. Le 22 novembre 1459, la crise semble à son paroxysme. Jean de Brion claque la porte de l'assemblée, suivi par plusieurs autres. Pierre Baudet reste seul avec les deux autres élus sans qu'aucune délibération ne soit prise (Tours, arch. comm., BB 30, f° 322 et 323, 9 et 22 novembre 1459). Voir aussi B. Chevalier, « Les officiers municipaux... », op. cit., p. 56 et 71-73.
22 Ce projet est peut-être un des derniers de Jacques Cœur dont l'arrestation est concomitante avec les premières ambassades poitevines. Pour le détail de l'histoire du sel et des sauniers en Poitou, voir R. Favreau, « Le commerce du sel en Poitou à la fin du Moyen Âge », dans Bull phil Hist., 1966,I, p. 185-223.
23 Poitiers, arch. comm., registre de délibérations n° 3, p. 144, 16 juillet 1446.
24 Ibid., p. 163 et 164, 26 octobre 1445.
25 La ville dépense alors plus de 80 écus (document aujourd'hui perdu, cité par L. Redet dans Inventaire des archives de la ville de Poitiers, op. cit., p. 316-317).
26 Poitiers, arch. comm., registre de délibérations n° 3, p. 167 et 180 et K 6, f° 53 v°.
27 La ville envoie un représentant vers les principales cités de la région, mais aussi vers l'évêque (id., registre de délibérations n° 4, p. 35, 3 janvier 1451).
28 Dans cette délégation figuraient aussi des sergents et les valets des principaux représentants, soit en tout une trentaine de personnes. Leur déplacement qui dure 22 jours coûte plus de 534 livres à la ville (id., J 1117, avril 1451).
29 L'état précis de ces démarches est assez difficile à établir étant donné les sources (absence de véritables registres de comptes, seules quelques quittances subsistent). Aux documents qui se rapportent directement à cette affaire, il convient d'ajouter certainement toutes les traces de présents offerts par la ville à divers officiers royaux en juin 1451, mais qui ne font pas directement référence à la gabelle (id, J 1118, 1119 et 1123 à 1127, 1162).
30 Ordonnances des rois de France.... op. cit., t. XIV, p. 192-202.
31 R.-A. Meunier, « Les traditions parlementaires à Poitiers et la grande ordonnance d'avril 1454 pour la réformation de la justice dans le royaume de France », dans Bull. soc. ant. Ouest, 4e s., t. II, 1954, p. 344- 355.
32 Cette dernière ambassade coûta à elle seule plus de 611 livres (Poitiers, arch. comm., J 1187, 8 mars 1454). Dans cette ambassade, se trouvent également des représentants de l'Université, un certain nombre d'officiers royaux locaux dont le lieutenant général, Maurice Claveurier, et bien sûr les principaux membres et officiers du corps de ville.
33 C'est du moins ce que P. Guerin affirme. Des mystères furent joués dans le cloître des Augustins, des bals furent donnés à l'évêché pour célébrer ses victoires, mais certainement aussi pour faire adhérer le roi à la cause poitevine (Recueil des actes..., op. cit., dans « Archives historiques du Poitou », t. XXXVIII, 1909, p. iv).
34 Celui relatif à l'affaire de la gabelle a été publié par B. Ledain, « Mémoires présentés au roi Charles VII par les délégués de la ville de Poitiers pour le détourner d'établir la gabelle en Poitou et Saintonge », dans Arch. hist. Poitou, t. II, 1873, p. 255-284 ; les « articles »relatifs au Parlement et défendus devant le roi sont conservés aux archives communales de Poitiers (Série M, Registre 11, Fos 4 v° à 6 v° et fos 20 à 26).
35 « Mémoires présentés... », op. cit., B. Ledain (éd.), p. 279.
36 Ibid., p. 265.
37 Ibid., p. 259.
38 Ibid., p. 263 et 280.
39 Ibid, p. 266.
40 Ibid., p. 269.
41 Sur ce point, les Poitevins estiment que l'instauration de la gabelle conduirait à arrêter la production de sel « pendant dix à XX ans »et que les marchands qui « auroient [du sel] n'en feroient aucune nouvelle provision jusques a ce qu'il leur fust nécessité de le faire »(ibid., p. 276).
42 Ibid., p. 269.
43 Ibid., p. 281. Le texte des commissaires urbains rappelle qu'un certain nombre de paroisses contiguës aux marches de Bretagne ont obtenu d'être exemptées de taille depuis 1406, mais qu'après des pourparlers entre le roi de France et le duc de Bretagne leurs habitants paient de nouveau. Une nouvelle imposition pourrait donc pousser ces derniers à revendiquer une fois encore.
44 Ibid., p. 284
45 Ibid., p. 283.
46 Ibid., p. 284.
47 Poitiers, arch. comm., série M, registre 11, f° 20 : « La premiere cause pour l'innumerable et confuse multitude de causes pendans en la court de Parlement a present seant a Paris qui sont en trois especes ou qualitez, primo au regart des proces qui sont en estat de jugier, secundo au regart des proces qui sont encommancez par simple adjournement qui encores ne sont ventiliez, tercio au regart des procès qui sont ventiliez en la court et en plaideries de chacune desquelles especes ou qualitez y a nombre infiny. »
48 Ibid., f° 21 v° : « Item, que par ces moyens pour les trois causes devant dictes, la justice souveraine semble n'estre deuement administrée a tous les subgiectz du royaume, mesmement desdits pais de Poictou et duchié de Guienne, et est chose très piteable que le pauvre peuple qui de son pouvoir a loyaulement servy et obey audit seigneur et tousjours fera jusques a la mort, soit forcloix par ces moyens du bien de justice ».
49 Ibid, f° 21 v°.
50 Ibid., f° 20. Il s'agit de l'argument qui figure en tête des mémoires présentés par les Poitevins : « Pour mieulx et plus clerement entendre la matiere de ladite provision, lesdits habitans présupposent que pour trois choses ou causes principales la justice souveraine de ce royaume est blecee, moyennant lesquelles la justice qui ou temps passé a esté reluisant par tous les royaumes crestiens seuffre scandalle et sont les droitz dudit seigneur blecez et lesdits subgietz apouvriz et induement satisfaiz en justice. »
51 Ibid., f° 21 v° : « Item, que donner provision complecte aux choses devant dictes seroit acquicter la conscience du roy et des seigneurs de la court de Parlement qui ont la justice entre leurs mains et floriroit la justice du royaume, les mauvais seroient corrigez et les bons remuverez. »
52 Il faudrait sans doute mener cette étude dans le cadre d'une analyse comparative avec d'autres documents du même type rédigés par d'autres cités à la même époque. Cette réflexion est ébauchée par G. Naegle, Stadt, Recht und Krone. Franzôsische Städe, Köenigtum und Parlement im späten Mittelalter, Matthiesen Verlag, 2002, 781 p.
53 Ibid., f° 24 v°. Les mémoires reprennent cet argument pour signifier au roi qu'une chambre de Parlement en Poitou permettrait aux officiers d'une telle institution d'avoir « l'oeuil de plus pres que les officiers de Paris ».
54 Ibid., f° 22 v°.
55 Ibid., f° 26.
56 Ibid.,f° 24 v°.
57 Lettres du dauphin du 27 septembre 1416 (Lettres historiques..., op. cit., V. Luzarche [éd.], p. 1-7).
58 Lettres du 13 mai 1417 (ibid, p. 8-19).
59 Tours, arch. comm., BB 10 (registre de délibérations n° 1), 3e cahier, f° 10, il s'agit de lettres de Charles VI datées du 13 septembre et de celles du dauphin datées du 14 septembre.
60 Lettres du 27 juillet 1428 (Lettres historiques..., op. cit., V. Luzarche [éd.], p. 20-23).
61 Lettres du 20 mai 1420 et du 21 juin 1421 (ibid., p. 34-39).
62 Tours, arch. comm., BB 10, 4e cahier, non folioté, 21 juin 1422.
63 En juin 1422, le maire et quelques bourgeois décident de se rendre à Niort auprès de Charles « ainsi qu'il a escript et mandé par ses lettres »(Poitiers, arch. comm., registre de délibérations n° 2, f° 31) ; le 23 février 1424, le corps de ville reçoit des lettres closes du roi qui demandent que l'on envoie trois ou quatre personnes de la ville aux États qui doivent se tenir à Celles, le 10 mars (ibid., f° 53). Le 13 octobre 1424, des lettres semblables stipulent aux échevins d'envoyer des représentants à Montluçon (ibid., f° 65) et le 10 mars 1428 des lettres closes du roi font état des maux causés par les gens d'armes autour de la ville (ibid., f° 90).
64 Les registres de comptes de la ville de Tours rapportent la rétribution d'un messager royal pour avoir apporté de telles nouvelles à la collectivité (Tours, arch. comm., CC 20, f° 67).
65 Id, BB 3, f° 34 v°, 30 mai 1425.
66 Id., BB 3, fos 37 et 40. Les lettres du duc de Bretagne qui dit vouloir également lutter contre ce même problème arrivent le 21 juin (ibid, f° 38 v°).
67 L. Bosseboeuf, « Jeanne d'Arc en Touraine », dans Bull. Soc. arch. Touraine, t. 12, 1899-1900, 1re partie, p. 39 (l'auteur fait référence ici aux registres de délibérations et de comptes de la ville de Tours).
68 Le messager royal est alors Jean Gantellé qui reçoit alors 2 écus d'or, valant 8 livres (Poitiers, arch. comm., J 868, 15 juin 1429). La même somme est attribuée à Guillaume de Mairant le 25 juin (id., J 873).
69 Tours, arch. comm., CC 24, f° 106. Pendant la semaine du 12 au 18 juin, Jargeau a été pris le 12,le Pont de Meung le 15, Beaugency le 18, et Patay le sera le 19.
70 À savoir la prise d'Orléans (id., CC 24, f° 106 v°). L. Bosseboeuf affirme que cette nouvelle parvient à la ville par des lettres closes (« Jeanne d'Arc en Touraine », op. cit., p. 76). Une vérification dans les comptes montre qu'il est difficile de le suivre dans ses affirmations car rien n'indique le mode de transmission de cette information (les comptes rapportent uniquement la prise en charge du cheval du chevaucheur royal qui est venu en ville).
71 Ces lettres rapportent notamment toutes les récompenses qui sont faites par le roi (Tours, arch. comm., CC 24, f° 107).
72 Poitiers, arch. comm., J 886 et 894. Les registres de délibérations n'étant pas conservés, il n'est pas possible de préciser la date d'arrivée de ces lettres. Cette annonce se traduit par la célébration d'un Te Deum à la cathédrale en présence de tous les membres du Parlement (d'après B. Ledain, Les maires de Poitiers..., op. cit., p. 359-360).
73 Liste établie d'après les registres de délibérations et de compte de Tours. Respectivement : Tours, arch. comm., CC 26, f° 48 ; CC 28 f° 53 (1441) ; CC 31, f° 162 (1450) ; CC 32, P 44 (1451) ; CC 33, f° 93 v° (1453). Pour cette dernière date, l'exemple poitevin fournit aussi quelques pièces (Poitiers, arch. comm., registre n° 11, f° 4 v°, lettres du roi et du comte du Maine).
74 À titre d'exemple : en mars 1441 des lettres closes sont envoyées aux bourgeois de Tours pour leur recommander d'aider pour la rançon du seigneur de Gaucourt, en juillet 1442 d'autres signalent à la ville que le roi a octroyé 160 milles livres au duc d'Orléans, ou encore en 1450 lorsque le roi réquisitionne la moitié des deniers communs (id., BB 28, fos 247 et 248, et CC 31, f° 163).
75 Pour Bourges, une lettre des habitants de la ville au roi, datée d'août 1459, est conservée à la Bibliothèque nationale et rapporte l'arrivée d'une correspondance de Louis (Paris, Bibl. nat. France, ms. fr. Dupuy, n° 762, f° 247). En mars 1445, des lettres du dauphin arrivent également devant les assemblées des habitants de Tours, mais semblaient s'adresser aux États de la province (Tours, arch. comm., BB 28, f° 276). Peu de temps auparavant (juillet 1443), le même avait adressé des lettres closes à la ville stipulant qu'il avait interdit aux gens de guerre d'entrer dans la cité (id., CC 28, P 175 v°).
76 Années pour lesquelles aucune donnée ne peut être déterminée
77 En mai 1451, le corps de ville hésite avant d'adresser ses doléances au roi car celui-ci est encore sur leschamps de bataille (Poitiers, arch. comm., registre de délibérations n° 4, p. 43, 24 mai). Une délégationpart cependant en juin (id., J 1130, 28 juin 1451), puis une autre en octobre (id., ] 1156, 5 octobre).
78 Poitiers, arch. comm., J 1168 (25 février 1452), et registre de délibérations n° 4, p. 47, 9 septembre 1452.
79 Celle-ci revient du Bordelais sans avoir obtenu d'audience du roi qui se préoccupe d'abord de « sa guerre » (id. registre de délibérations n° 4, p. 72, 3 septembre 1453).
80 Poitiers, arch. comm., J 1187 (datée du 8 mars 1454).
81 Pour l'ambassade de 1451 dirigée par l'abbé de Saint-Maixent qui part accompagné des docteurs de l'Université et des échevins (et où figurent aussi des sergents et les valets des principaux représentants, soiten tout une trentaine de personnes), la ville engage 534 livres (id, J 1117, avril 1451). La délégation du10 février 1454 qui est composée « de notables personnes tant bourgeois que de l'Église »à savoir les représentants de l'Université, un certain nombre d'officiers royaux locaux dont le lieutenant général, MauriceClaveurier, et bien sûr les principaux membres et officiers du corps de ville coûte plus de 611 livres à lamunicipalité (id., J 1187, 8 mars 1453).
82 Une délégation part de Tours en 1461 pour aller porter la révérence urbaine à Louis XI alors en Brabant(Tours, arch. comm., CC35, f° 141). On pourrait aussi citer celle de 1416 qui part vers Poitiers où se trouve lejeune Charles nouveau duc de Touraine pour lui faire sa révérence et lui porter un gobelet de trois marcs d'or(E. Giraudet, Histoire de Tours, Tours, 1873, p. 197, d'après Tours, arch. comm., CC 16).
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