3. Légitimation infra-institutionnelle et cultures : plaidoyer pour une refonte de la théorie du leadership
p. 91-105
Texte intégral
1En dépit de la publication d’impressionnantes sommes ambitionnant d’aboutir à des synthèses théoriques1, force est de reconnaître que l’étude scientifique du leadership demeure insatisfaisante2. À l’évidence, des désaccords fondamentaux subsistent en matière de définition – et ce, non seulement entre disciplines mais encore au sein même de telle ou telle3.
2En science politique, si beaucoup d’auteurs semblent tentés de recourir à cette notion, c’est généralement sur la base de prémisses discordantes. Pose problème, en l’espèce, que l’on tende fréquemment à en (ab) user comme d’un commode synonyme d’autres types de relations de pouvoir concernant des rapports « gouvernants-gouvernés », « dirigeants-dirigés », « élites politiques-masses », « élus-électeurs », « représentant-représentés », etc. – couples certes légitimement « constructibles » mais qui correspondent à des logiques d’analyse dissemblables.
3Notre discipline pâtit beaucoup de notions trop englobantes ou interchangeables. Or on a tout intérêt, scientifiquement parlant, à bien affiner les concepts. Alors, et alors seulement, ils deviennent potentiellement opératoires et utiles pour l’interprétation.
4Cependant, sachant que ladite notion avait déjà été l’objet d’une littérature considérable, nous ne pouvions ignorer cette dernière ni difficilement proposer une reconstruction intégrale. En fait, nous ne prétendons presque rien inventer mais seulement opérer une sélection raisonnée des apports, un tri dans les contributions théoriques. Selon nous, certains textes visant à conceptualiser le leadership ne manquent pas de propositions pertinentes. Mais, malheureusement, les réflexions sont rarement poussées au bout de leur logique. Ou encore y a-t-il mélange entre des dimensions constitutives qui prêtent à confusion.
5Nous voudrions tout d’abord montrer ici quel avantage heuristique on peut tirer en s’en tenant à une conception précise et restrictive du leadership politique. L’approche relativement étroite que nous prônons repose pour beaucoup sur une démarche inductive. C’est à partir de nombreuses observations de terrain que nous en sommes arrivé à la conclusion qu’un genre assez courant de relation politique méritait d’être clairement différencié et que le concept de leadership était le mieux à même de le subsumer.
6Nous proposerons ensuite une réflexion sur le caractère non universel du leadership, selon l’approche retenue. Précisons que nous nous situons dans une optique refusant une définition universalisante du politique et soutenant l’idée que les concepts sont plus ou moins valides au gré des terrains4. Nous n’irions jamais jusqu’à dire que celui de leadership est monoculturel (comme on a pu le prétendre de l’État), mais en tout cas qu’il correspond à un type de relation politique très inégalement répandu dans le monde d’aujourd’hui.
7Notre thèse est que ce type demeure crucial dans les univers politiques faiblement institutionnalisés, alors qu’il est nettement plus marginal dans les systèmes réellement étatisés.
De l’intérêt d’une conception restrictive du leadership politique
8La littérature consacrée au leadership est un gigantesque labyrinthe aux multiples recoins renfermant des éléments plus ou moins cohérents et dignes d’intérêt. On y rencontre assurément bien des impasses. À nos yeux, pourtant, un fil conducteur déployé entre certaines propositions éparpillées ici et là peut permettre de faire intelligiblement sens et de montrer en quoi exactement le leadership n’est pas réductible à d’autres types de rapports politiques.
9Cinq points constitutifs nous paraissent fondamentaux. Nous voudrions tout d’abord insister sur la nature relationnelle du leadership ; en second lieu souligner son caractère interpersonnel ; en troisième lieu son optique particulariste ; en quatrième lieu sa logique d’échange ; en cinquième et dernier lieu son côté informel voire infra-institutionnel.
Le leadership ou l’apport d’une perspective relationnelle : sur la nécessité d’éviter les amalgames avec les approches élitaires
10Il a longtemps existé, et il existe encore dans une large mesure, une confusion dans la littérature politologique entre les perspectives en termes d’élites politiques et celles en termes de leadership5. Or il importe de bien saisir que l’on ne se situe pas du tout dans le même type de démarche.
11Du point de vue de l’objet d’étude, tout d’abord, les travaux sur les élites sont en général axés sur le groupe même des dirigeants, des détenteurs du pouvoir politique. Ceci est vrai, que l’on adopte un point de départ positionnel ou réputationnel, que l’on s’intéresse à la composition, au recrutement, aux attributs, à la reproduction des élites, aux logiques d’accumulation, etc. En revanche, comme le soulignent bien certains politologues, l’étude du leadership tend à s’écarter de ce point de départ focalisé sur les positions au sommet dans le cadre d’une hiérarchie, pour se concentrer sur la relation entre un leader et ses supporters6.
12Même si les études sur les élites sont de plus en plus débarrassées de la connotation élitiste qu’elles avaient à l’origine (chez Pareto ou Mosca notamment), force est de reconnaître que cette ascendance intellectuelle pose toujours problème aux yeux de nombreux auteurs qui se refusent à utiliser le terme. Il semblerait que, depuis les années 1960, la tendance générale de la littérature aille dans le sens d’un glissement vers les questionnements en termes de leadership qui isolent moins les populations n’évoluant pas en haut des systèmes politiques7.
13D’un point de vue méthodologique, tout l’intérêt de cette dernière approche est précisément que l’on ne saurait réduire la relation de leadership à la seule personne des leaders. Sauf à en rester aux vieux débats hérités du XIXe siècle entre théories des « grands hommes qui font l’histoire » et approches déterministes selon lesquelles les leaders seraient sans importance, interchangeables8, il est essentiel de saisir que tout ne procède pas du leader (même lorsqu’il s’agit d’une figure charismatique) non plus que d’un « sens de l’histoire ». La recherche se focalisera donc sur les rapports concrets qui s’élaborent entre le leader et ceux qui le suivent, bien davantage que sur les caractéristiques individuelles des leaders et sur la composition de leurs groupes de référence9.
14Est-il besoin de préciser que les études sur les élites comme celles sur le leadership sont également dignes d’intérêt ? Non seulement doit-on admettre que « not all political elites are leaders » et que « many leaders are not elites10 », mais encore convient-il d’adapter son corpus de références théoriques et sa problématique aux cas empiriquement étudiés. Ainsi, lorsque les élites sont nettement séparées du reste de la population, les approches élitaires sont plutôt de mise11. En revanche, lorsqu’on a affaire à des logiques de nature verticale entre des leaders, des « brokers » et des « followers », il est probable que les approches en termes de leadership seront appropriées. Par rapport à la thèse élitiste classique de la coupure, ces dernières présentent l’avantage de mettre l’accent sur une autonomie relative des gens au sommet, particulièrement repérable dans certains contextes.
15Dès lors, le cœur de l’analyse devrait être l’interaction elle-même, sachant qu’en l’occurrence les supporters sont aussi des acteurs.
Leadership n’est pas rulership : où l’on insiste sur le caractère interpersonnel de la relation
16Si le leadership est une relation, il ne s’agit aucunement d’une relation de type universaliste et distanciée entre gouvernants et gouvernés. Estimer (comme le fait Blondel) que le rapport entre un premier ministre et ses concitoyens, membres d’une nation, relèverait du leadership prête à confusion.
17Il importe de bien retenir ici les leçons de l’anthropologie politique mettant en évidence l’importance de la proximité dans le couple leaders/supporters12. Le concept de leadership, tel qu’il a pu être théorisé dans la littérature en question, apparaît particulièrement adéquat pour rendre compte des relations baignant dans une ambiance de communion affective. Un homme d’État qui délivre un « discours attrape-tous » en s’adressant à l’ensemble de « l’opinion » par l’intermédiaire des médias ne se situe pas dans une logique de leadership. Certes, les moyens de communication modernes introduisent-ils l’illusion d’un rapport direct mais dans la majorité des cas les récepteurs ne pourront jamais, eux, s’adresser en retour à l’émetteur. En conséquence, il n’y a pas de véritable échange, ni de véritable rassemblement au sens concret du terme. Nous voulons dire par là qu’un simple lien objectif entre le haut et le bas ne saurait suffire. Il faut un niveau d’interaction élevé et une forte conscience subjective de celui-ci.
18On aurait tort de croire que cette dimension interpersonnelle n’est applicable qu’aux seuls petits groupes. Dans les systèmes politiques personnalisés à l’extrême (comme en Afrique subsaharienne par exemple), on connaît de nombreux cas de leaders qui entendent tout maîtriser, jusqu’aux demandes du plus infime supporter. Il y est essentiel de se montrer attentif aux attentes de tous dans le cadre d’un rapport de protection dont dépend une réputation. Le sentiment de relative accessibilité du leader se révèle fondamental.
19Un élément de complication résulte éventuellement des cumuls de situations : ainsi un homme politique peut se trouver en position de leader face aux membres de sa formation, en position de dirigeant en tant que ministre, et encore dans une autre posture par rapport à ses conseillers ou son équipe administrative. De ce point de vue, les hommes politiques sont souvent amenés à gérer des situations relativement contradictoires, a fortiori si (comme c’est souvent le cas en France) ils cumulent volontiers les mandats13. Ils pourront tantôt jouer une carte très institutionnelle (se réfugiant à la limite derrière ce cadre), tantôt s’efforcer au contraire d’être directs, familiers, aux antipodes de la langue de bois, notamment en compagnie de leurs fidèles.
20Quoi qu’il en soit, s’agissant de la relation de leadership proprement dite, il saurait très difficilement y avoir impersonnalisation.
Le leadership suppose une relation de type particulariste
21Comme ceci a été fréquemment souligné depuis l’article fondateur de Janda14, le leadership est une forme spécifique de relation de pouvoir qui s’exerce par rapport à un groupe de référence. Burns précise pertinemment que « leadership is dissensual15 ». Autrement dit, le but du leader n’est pas un sentiment d’affection universelle, sans discrimination. Il est de son intérêt de choisir un camp, voire de se faire des ennemis. Si l’on note souvent une rhétorique allant dans le sens de l’unité, celle-ci concerne l’intérieur du groupe en question, et non pas la totalité de la société, selon une logique de défense de l’intérêt général.
22Ce rapport particulariste à un groupe qui vous soutient est évidemment lié à ce que nous avons exprimé précédemment sur le caractère interpersonnel de la relation. Cependant, les deux points ne se superposent pas exactement. Pour reprendre un vocabulaire consacré de la science politique, nous dirons que le leadership ne concerne guère des modes impersonnels de répartition de « biens publics et indivisibles » dont jouirait collectivement un ensemble national. Ce qui compte en l’occurrence est plutôt affaire de (re) distribution ciblée. Ceci ne revient nullement à réduire la relation de leadership à une logique de patronage politique car, comme le montre bien Burns, le leadership ne saurait être seulement « transactionnel » mais revêt souvent aussi une dimension idéologique voire éthique16. « To lead » signifie avant tout : conduire, mener et il importe de ne pas sous-estimer cet aspect qui permet une claire distinction par rapport à des relations de nature purement cliéntéliste.
23En termes de représentation politique, le leadership consiste non pas à chercher à séduire un électorat tous azimuts mais à se faire le champion des intérêts d’un groupe particulier. Tantôt le leader apparaît comme la simple émanation d’une communauté politique, éventuellement liée à un territoire. Dans ce cas, il bénéficiera d’autant plus de légitimité qu’il incarne véritablement le groupe, un espace géographique, de par ses caractéristiques personnelles et son adhésion forte aux valeurs et objectifs du groupe ou du terroir concerné. Tantôt ce serait plutôt le leader qui fait le groupe : hypothèse assez banale dans le cas des luttes factionnelles. En ce second cas, sa marge de manœuvre est certainement plus importante, mais il ne se trouve cependant jamais dans une situation de totale autonomie. Ce qui nous amène à notre point suivant.
Le leadership n’est pas pure domination : il repose sur un échange politique de haut en bas et de bas en haut
24Il est bien connu qu’au sein de la veine élitiste, la plupart des grands auteurs classiques (Mosca dans une moindre mesure) posaient en véritable axiome l’idée qu’une élite dirige au détriment d’une population dominée et amorphe. Dans la tradition marxiste, bien évidemment aussi, la classe supérieure est censée exploiter les autres. Or cette vision en termes de subordination quasiment absolue du plus grand nombre s’avère parfois discutable dans certains contextes.
25Les approches les plus intéressantes du leadership politique sont, à notre avis, issues d’une tout autre filiation intellectuelle. Nous songeons notamment aux approches weberiennes de l’autorité, ou encore à Mannheim et à ses optiques en termes de réciprocité plus ou moins asymétrique. On entre alors dans des grilles d’interprétation sensiblement en décalage qui débouchent sur les problématiques de l’échange politique17.
26Autrement dit, à nos yeux, l’un des grands intérêts du concept de leadership est de nous permettre de sortir des approches en termes de manipulation et de pure domination. Chez Burns, par exemple, on trouve une dimension nettement antimachiavélienne (et l’on sent bien ici le décalage avec l’école élitiste italienne). De même, Welsh souligne que « leadership involves authority and authority implies legitimacy18 ».
27Une difficulté réside dans le fait que la question de la légitimité est plutôt d’ordre philosophique et débouche sur des débats normatifs sans fin qui débordent a priori le champ de questionnement des sciences sociales. S’agissant du leadership, mentionnons par exemple les polémiques pour décider si Hitler peut être qualifié de leader ou pas. La réponse est négative, si l’on adopte une posture moralisante dans la lignée de Burns ; mais elle sera positive si l’on admet que par rapport à son groupe de référence le dictateur a pu aussi user de la persuasion par-delà la coercition19. Contrairement à ce qu’estime Blondel, la question de la légitimité des leaders ne mérite pas d’être éludée en conséquence, pour lui préférer celle de la reconnaissance du leader par ses followers20. Il importe simplement de passer du questionnement éthique de la légitimité à la problématique scientifique de la légitimation du pouvoir, c’est-à-dire de l’acquisition d’une légitimité21.
28Ajoutons que le leadership n’est pas seulement une relation de type « topdown22 » mais également de bas en haut. Évidente dans une situation de « leadership transactionnel », ce caractère synallagmatique se manifeste également en matière de « leadership héroïque » si l’on suit Burns : la remise de soi au leader ayant pour contrepartie un « feed-back » permanent. Si l’on retient les catégories de Bailey, ceci se vérifie que l’on ait affaire à un « noyau » ou à un « entourage » de supporters23. Dans le premier cas, les fidèles se posent en gardiens de l’orthodoxie morale de leur leader ; dans le second, ils se révèlent insatiablement en quête de rétributions, de dividendes.
29À la limite, ceci peut déboucher sur un véritable chantage des supporters dont un leader dépend. On entre alors dans un univers rarement traité par la science politique : celui d’une « violence symbolique » inversée, du fait de ceux que l’on tendrait parfois à considérer systématiquement comme des « dominés » et qui vont chercher à culpabiliser le leader s’il reste sourd à leurs demandes, sur fond de concurrence factionnelle24.
30Ceci tendrait à nous faire dire que la problématique en termes de leadership se situe aux antipodes des lectures marxisantes ou néomarxisantes. Entendons-nous bien, il ne s’agit aucunement de durcir les oppositions entre écoles ni de clamer dogmatiquement la supériorité absolue d’une approche par rapport à d’autres, mais de bien comprendre l’utilité d’une grille d’analyse en décalage pour rendre compte de certaines situations. Une approche classique mettant l’accent sur la domination se révèle pertinente dans beaucoup de sociétés occidentales marquées par une nette structuration en classes sociales. En revanche, lorsque l’on se trouve face à des logiques de pouvoir, des solidarités de nature verticale, tandis que les clivages horizontaux ne font guère sens, les interprétations sous l’angle du leadership s’imposent. Tout est question d’environnement étudié.
Le leadership relève d’une relation peu formalisée, en deçà de l’institutionnalisation
31Contrairement à nombre d’auteurs, nous pensons qu’on a beaucoup à gagner analytiquement en différenciant clairement le leadership des relations de pouvoir issues d’une position institutionnelle. Suivant Friedrich, nous aurions tendance à dire qu’un leadership qui s’institutionnalise devient un « rulership25 » et correspond à des logiques en décalage. Dans une perspective assez similaire (même s’il préfère, quant à lui, parler de passage du leadership au « headship »), Gibb souligne que lorsque la relation entre un leader et ses supporters en vient à s’inscrire dans une trame organisationnelle, on change de registre. De son point de vue, le leadership est précaire, toujours susceptible de se métamorphoser en direction formalisée – auquel cas le terme n’est plus vraiment de mise26.
32Certes, comme nous l’avons déjà souligné, il peut y avoir détention, occupation d’une position de pouvoir institutionnalisée et posture de leader à certains moments particuliers. Il n’empêche que le leadership tel que nous l’avons défini jusqu’ici, c’est-à-dire : une relation de haut en bas et de bas en haut, étroitement liée à un groupe de référence et selon une logique particulariste d’échange politique, tend à être beaucoup plus informel qu’une « direction » s’inscrivant dans une structure organisée.
33À la suite de Weber, même corrigé par Merton et Blau, on peut estimer que l’institutionnalisation des rôles tend à l’élimination du caractère personnalisé des relations : l’autorité résidant davantage dans la position de pouvoir que dans l’individu qui l’occupe provisoirement. Dès lors, il y a moins de place pour des échanges ciblés, pour des transactions au sens de Burns, même si les uns et les autres sauraient difficilement disparaître tout à fait. On se situe dans un univers plus agencé, aux antipodes de la relation de leadership qui, elle, suppose souplesse, capacité de régler des problèmes par-delà une sphère de compétence, selon une morale particulariste27.
34Dans sa version augmentée de la somme de Stogdill, Bass insiste bien sur le clivage entre ces deux conceptions – étroite ou large – du leadership28. Nous ne voyons guère l’intérêt de la conception large, sinon de disposer d’un synonyme de dirigeant ou de gouvernant. En revanche, la conception étroite (en deçà de la différenciation institutionnelle29) permet de rendre compte d’un genre de situation où le leader ne se trouve aucunement dans une posture un tant soit peu ancrée.
Éléments de réflexion sur l’analyse comparative du leadership
35Ainsi défini, le leadership renvoie à un « type idéal » suffisamment affiné pour sortir des ambiguïtés voire des contradictions qui perdurent fréquemment dans la littérature. On peut le confronter à des cas empiriques précis dans le cadre d’une démarche comparative.
36Parce qu’ils en sont restés à des définitions extrêmement larges, plusieurs auteurs ayant contribué à imposer le concept en science politique ont cru voir dans le leadership un phénomène omniprésent dont il suffirait de décliner les « styles »; ou bien encore une sorte de modèle vers lequel les systèmes politiques devraient tous tendre. Un peu comme Pareto estimait que « l’histoire est un cimetière d’aristocraties » (autrement dit que l’on saurait difficilement échapper à l’élitisme et que cela n’était pas, à ses yeux, une mauvaise chose), ils ont défendu une vision universalisante30 et/ou normative du leadership.
37Au cours des années 1970, on est allé jusqu’à prétendre que l’approche en termes de leadership constituait une sorte de nouveau paradigme. On s’est plu à ressusciter une notion qui aurait été « fortement négligée, scientifiquement parlant », avec l’espoir qu’elle pourrait se substituer à des perspectives plus habituelles, éprouvées31.
38Fréquemment, la volonté de travailler sur le leadership s’est révélée inféodée à des préoccupations éthiques liées à un type de régime considéré comme idéal. À titre d’illustration (nullement isolée), dans son gros ouvrage à certains égards novateur, Burns insiste sur la supériorité du leadership par rapport à des situations de coercition («brute power »). Ou encore y voit-il une forme « moderne » de rapport politique préférable à l’autorité qui renverrait plutôt, à ses yeux, à « la tradition32 ».
39Notre démarche se veut foncièrement différente. Selon nous, l’ambition d’aboutir à une grille de lecture universelle, qui serait applicable concurremment à d’autres, ne présente guère d’intérêt (si ce n’est au second degré pour qui s’interroge sur les luttes d’influence au sein de la science politique). Par ailleurs, il importe bien évidemment de considérer le leadership de manière axiologiquement neutre.
40Nous l’envisageons comme une forme particulière de pouvoir politique, telle que définie plus haut, et plus ou moins repérable au gré de terrains, des terreaux culturels. Pour éclairer ce type d’analyse, il est loisible d’adopter divers angles d’approche. Dans d’autres textes, nous privilégions celui de la distance symbolique et des mises en scène du politique33.
41Nous avons choisi de mettre ici l’accent sur la thématique de l’accountability (qui présente l’avantage de recouper les cinq points dont il a été question dans la section précédente) avant de prolonger notre discussion par une réflexion en termes de cultures.
Leadership et accountability
42On peut considérer que dans les démocraties modernes les élites politiques sont en principe responsables devant l’ensemble de la société eu égard aux décisions qu’elles prennent. Ceci est évidemment lié à toute une conception de l’intérêt public. L’accountability exprime en l’occurrence l’idée que ceux qui exercent le pouvoir politique – en tant que gouvernants, élus ou responsables nommés – ont l’obligation de rendre des comptes à leurs concitoyens34. Le politique est alors polarisé autour des temps forts (réguliers mais assez espacés) que constituent les échéances électorales.
43En revanche, il est d’autres contextes où la notion d’intérêt public ne fait guère sens et où la réussite politique passe essentiellement par la capacité de satisfaire telle ou telle fraction ou faction qui vous soutient, et ce quasiment au jour le jour. Dans ce cas de figure, il y a moins relation entre des gouvernants et des gouvernés qu’entre des leaders et leurs associés, supporters, intermédiaires qui composent la structure fondamentale du système politique35 tandis que les institutions ne sont au mieux qu’une façade. On a affaire alors à tout autre type d’accountability36 qui présente des avantages et des inconvénients.
44Ce clivage est intéressant à considérer sous l’angle des ressources. Une réelle institutionnalisation est une ressource en ceci qu’elle permet de faire l’économie de la réaffirmation continuelle d’une position dominante (constituant généralement un véritable travail de Sisyphe qui passe par l’entretien de clientèles d’obligés, des stratégies de favoritisme, etc.). Plus la domination s’objective dans des instances différenciées, aux règles précisément codifiées et reconnues, moins les élites sont contraintes de fournir constamment la preuve de leur légitimité à exercer leur suprématie. Mais le revers de la médaille est qu’elles doivent en quelque sorte s’effacer derrière la suprématie des institutions et ne plus se percevoir que comme les occupantes temporaires d’une fonction d’autorité qu’elles seront amenées à abandonner tôt ou tard. La non-institutionalisation entraîne une certaine fragilité. On aura ainsi souvent tendance à s’en prendre directement à la personne du leader en cas de crise. Mais elle peut aussi représenter une ressource : car l’on espère tout personnellement de ce leader.
45Lorsque l’échange politique se structure selon des critères abstraits, généraux, du fait d’entreprises politiques à même de transcender le stade des allégeances identitaires ou des échanges transactionnels, nous pensons que l’on sort relativement d’une logique de leadership37. D’où la question de sa survivance dans le cadre de systèmes véritablement bureaucratisés (au sens weberien du terme). En revanche, lorsque c’est essentiellement la capacité de répondre aux attentes d’une communauté spécifique ou des factions vous soutenant qui constitue la source primordiale de la légitimation, on s’y maintient.
46Dans ce dernier cas, le prestige et l’influence demeurent étroitement liés à la capacité de s’attacher des supporters. Les leaders ne sauraient les négliger car cela reviendrait à se priver de la reconnaissance qui est indispensable au maintien de leur statut. En ces contextes, ils se doivent de fournir sans cesse des preuves de bienveillance à l’égard de ceux qui les soutiennent et constituent la base de leur renommée. On peut éventuellement chercher à cumuler des postures de leader, mais pas à se transformer en gouvernant privilégiant les relations impersonnelles.
47Dans l’autre cas de figure, on existe politiquement dans la mesure où l’on fait preuve d’une certaine soumission à l’égard de l’institution (parti, État, etc.). Autrement dit, un surcroît de légitimité résulte d’une adhésion forte à ces dimensions supra-personnelles38. Ajoutons que dans les démocraties des sociétés de masse à l’occidentale, les hommes politiques sont de plus en plus enclins à essayer de transcender les clivages sociopolitiques, à tenter de rallier le maximum de suffrages autour de leur personne, quitte à multiplier les discours différents en fonction des auditoires, à cristalliser les aspirations de nombreuses couches de la population. Dans ce type de système, on peut aller jusqu’à estimer que : « leaders are completely controlled by mass preferences, in a manner similar to the control exercised by the consumer in the economic theory of the firm » ou encore que « leaders are vote maximizers39 ». Cependant, pour nous, la notion de leader se révèle ici très discutable car on ne se situe plus tellement dans une relation directe avec des supporters mais plutôt dans une logique d’entrepreneur politique face à une masse d’électeurs anonymes qu’il convient de convaincre selon des stratégies de marketing politique40.
48Le leadership, dans le sens étroit que l’on a défini ne saurait se maintenir que résiduellement dans ce genre de contexte, même si l’on remarque nécessairement de fines différences d’un pays à l’autre. À notre avis, dans un pays unitaire et très étatisé comme la France, on observe ces logiques essentiellement au niveau local et au sommet de certains partis politiques où une proximité informelle est parfois repérable. En revanche, aux États-Unis par exemple, la fragmentation persistante des communautés, les revendications multiculturalistes peuvent permettre un relatif maintien du leadership, des bases aux sommets.
49Certes, il s’agit ici d’une réflexion en termes de « type idéal » qui, par principe, ne saurait se rencontrer qu’approximativement dans la réalité. Cependant, les plus ou moins grands écarts empiriquement repérables par rapport aux modèles se révèlent très significatifs d’un point de vue comparatif.
Leadership et cultures
50Prendre conscience de ces décalages en matière d’accountability ne constitue qu’une étape. Encore faut-il tenter de fournir des explications quant à l’effacement ou au caractère perdurable des logiques de leadership telles que nous les entendons.
51Une réponse possible serait assurément de nature développementaliste : les relations particularistes étant amenées à être remplacées tôt ou tard par des rapports plus universalistes. Suivant un schéma évolutionniste, on pourrait ainsi estimer que le leadership correspond à une sorte de stade intermédiaire entre des solidarités primordiales et une véritable institutionnalisation du système, marquée par les relatives émancipations de l’État et d’un champ politique à l’égard de la société. Partant d’exemples nord-américains et subsahariens, nous avons essayé autre part d’élaborer ce que serait un modèle d’interprétation évolutionniste : des loyautés les plus élémentaires, jusqu’à l’avènement d’une structuration horizontale des sociétés et de clivages idéologiques représentés par les entreprises politiques en compétition, en passant par un second stade (factionnel) rendu nécessaire par l’élargissement des espaces de référence et de compétition, qui correspondrait à l’âge d’or du leadership41.
52Cependant, selon nous, une explication en termes de tendances culturelles lourdes est autrement plus convaincante. L’approche culturaliste, que l’on peut tenir pour l’une des trois perspectives prédominantes actuellement en politique comparée42 se voit souvent reprocher ses préjugés fixistes. Toutefois, lorsque des systèmes politiques semblent résister de génération en génération à une certaine dynamique, il est légitime de s’interroger sur la validité universelle de la dynamique en question et de procéder à une étude des mentalités sur la longue durée43.
53Sur la base de bien des années d’observations de terrain, nous aurions tendance à estimer qu’il est des cultures qui ne peuvent guère concevoir l’accountability que sous l’angle du leadership (avec tous les critères soulignés plus haut), alors que dans d’autres les relations de ce type tendraient à être suspectes.
54Nous ne saurions entrer dans les détails de notre analyse comparative ici. En résumé, la thèse défendue est que ce qui se trouve interprété par les développementalistes comme un stade un peu archaïque et devant être dépassé, constitue au contraire en certaines parties du monde une forme de modernité politique. Le flou y demeure une ressource, dans un environnement infra-institutionnel éminemment instrumentalisable où tout demeure renégociable en permanence. Autrement dit, aux antipodes du modèle de développement sociopolitique occidental, on en resterait à des logiques de leadership en deçà du rulership : c’est-à-dire un univers de leaders à la tête de factions, où l’essentiel de la légitimité du pouvoir continue de se jouer au niveau de la redistribution particulariste dans le cadre de cercles de confiance qui sauraient difficilement s’étendre à des espaces politiques larges44.
Stratégies de recherche
55L’un des enjeux majeurs du présent ouvrage est de débattre de l’intérêt scientifique du concept de leadership et de la manière dont il peut être abordé au gré des paradigmes. Dans le cadre de ces réflexions, il nous est demandé de préciser quelle pourrait être une approche culturaliste du leadership.
56Les auteurs mettant l’accent sur le relativisme culturel partent toujours des réalités de terrain observables. Ils redoutent que l’on fasse violence à ces dernières, en les enfermant dans des moules préétablis au risque de les mutiler pour les besoins d’une démonstration d’ensemble. Ils se révèlent en général assez sceptiques à l’égard des théories évolutionnistes comme des perspectives structuralistes en quête d’une « grammaire universelle ». L’optique en termes de « type idéal » que nous avons suggérée ici serait probablement suspecte aux yeux d’un culturaliste radical car il s’agit d’une construction abstraite en marge de ce que l’on peut repérer empiriquement.
57Pour ceux qui privilégient une approche de la culture dans la lignée de Geertz, il convient tout particulièrement de comprendre ce qui fait sens ou non au sein des univers étudiés. Lorsque l’on se propose en l’occurrence de traiter de la question du leadership, il importe selon nous d’interroger sans présupposé normatif ou téléologique la problématique de la légitimation du lien politique, en ayant en tête les différents éléments dont il a été question plus haut (échange particulariste, logique infra-institutionnelle, etc.).
58Dans une certaine mesure, on pourrait établir ici un parallèle avec les travaux comparatifs qui soulignent le caractère éminemment américano-centriste de la conception du leadership dans le domaine du management des entreprises et, partant, ses limites en termes d’exportation dans des zones de tradition culturelle plus ou moins compatibles. On sait que les sciences sociales produites aux États-Unis séduisent souvent de par leur niveau de sophistication mais qu’elles pêchent fréquemment aussi par leur incapacité à se dégager de valeurs de référence présumées universelles. Précisons quelque peu la nature du débat. Le succès des multinationales américaines à travers le monde a conduit à privilégier un certain type d’enseignement de «Business Administration » qui constituerait la clé du succès sur tous les continents. Au cœur de ces enseignements qui prolifèrent dans nombre d’Universités se trouve précisément la notion de leadership qui renvoie (en simplifiant) à la capacité chez un employé lambda d’emporter l’adhésion autour d’un projet économique en raison, tout d’abord, de sa force de conviction et, ultérieurement, de la rentabilité effective de l’opération. L’accent se voit placé : sur une logique compétitive entre leaders et projets potentiels ; sur les qualités personnelles requises pour mettre en œuvre le projet ; sur l’adhésion volontaire et rationnelle de ceux qui vont s’engager aux côtés du leader ; enfin sur une obligation de résultat. En d’autres termes, on retrouve ici : le postulat d’une sorte d’égalité de départ selon lequel chacun aurait plus ou moins sa chance ; une logique d’équipe soudée, orientée vers l’action et la performance, au service de l’intérêt des diverses parties prenantes.
59Or, essaient de nous démontrer certains spécialistes non Américains, enquêtes à l’appui, ces logiques de leadership ne font pas tellement sens au sein d’aires culturelles où la position et la distance hiérarchique priment et où n’importe quel nouveau venu ne saurait aisément se poser en leader. La priorité est accordée à une relative continuité dans les relations de pouvoir au nom, entre autres, d’un principe de clarté. En France45, par exemple, mais également dans les pays asiatiques de tradition confucéenne46, le respect témoigné envers les supérieurs l’emporterait nettement quelles que soient leurs qualités réelles en tant que manager ou leur capacité à assurer une certaine harmonie autour d’eux.
60Même si notre propre perspective est sensiblement différente – dans la mesure où nous nous intéressons au leadership politique – nous sommes sensible à une démarche remettant en cause une conception à prétention universelle sur la base d’enquêtes prenant en compte les mentalités, les attitudes des cadres impliqués et bien que, en l’espèce, le débat tende à se réduire souvent à une simple alternative leadership/headship47.
61Dans la lignée des sections qui précèdent, nous serions enclin à prôner une démarche inductive visant à mesurer le caractère plus ou moins institutionnalisé des relations politiques qui se tissent dans tel ou tel milieu. Il importe de mettre en lumière sans a priori le sens que donnent les acteurs concernés à leurs rapports. Très concrètement, l’on pourra travailler sur les perceptions croisées des présumés leaders et de leurs supporters. Il est assez délicat, mais assurément capital, de saisir les modalités de la relation d’échange et leur caractère intéressé ou désintéressé, pragmatique ou idéalisé par exemple.
62Deux écueils se présentent classiquement dans ce genre de démarche. On ne saurait insister outre mesure sur la singularité de chaque terrain étudié en forgeant systématiquement de nouveaux concepts pour en rendre compte, car cela rendrait difficile la démarche comparative ultérieure. Mais d’un autre côté, il importe de prendre honnêtement en considération le vécu des acteurs sans avoir soi-même un modèle de référence érigé en dogme.
63On s’apercevra alors que le concept de leadership tel que défini ci-dessus constitue un outil d’interprétation très pertinent dans certains cas et n’est absolument pas de mise pour d’autres. Fréquemment aussi, il permettra, à titre accessoire, de compléter des lectures en termes de rulership ou de headship qui prédominent à l’évidence mais n’épuisent pas entièrement les relations repérables.
Notes de bas de page
1 Ainsi, le chapitre 16 de celle de J. Mc. G. Burns, Leadership, New York, Harper & Row, 1978, s’intitule « Towards a General Theory » tandis qu’un ouvrage de J. Blondel a pour titre Leadership : towards a general analysis, Londres et Beverly Hills, Sage, 1987.
2 S’en prenant un peu aux sommes précédemment évoquées de Burns et de Blondel, B. D. Jones se situe en ce sens dans les premières pages d’un ouvrage collectif assez sophistiqué, publié sous sa direction : Leadership and Politics : new perspectives in political science, Lawrence, The University of Kansas, 1989 (mais dont le manque d’unité trahit encore bien de profonds désaccords à propos du concept).
3 Les recueils de textes disponibles sur le leadership illustrent cela abondamment. Voir par exemple B. M. Bass (ed.), Stodgill’s Handbook on Leadership, New York, Free Press, 1981 et B. Kellerman (ed.), Political Leadership : a source book, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1986.
4 B. Badie et G. Hermet, Politique comparée, Paris, PUF, 1990.
5 Par exemple, J. Blondel, Leadership : towards a general analysis, op. cit., après avoir un peu disserté sur la notion, glisse tout de suite à une étude des « chief executives », selon un comparatisme assez traditionnel.
6 Voir la synthèse de C. Ysmal, « Elites et Leaders », dans M. Grawitz et J. Leca (dir.), Traité de science politique, vol. 3, Paris, PUF, 1985.
7 W. A. Welsh, Leaders and Elites, New York, Holt, Rinehart et Wintson, 1979 (p. 17) souligne cependant que « the shift has been as much one of semantics as of genuine change in the focus or methods of research ».
8 Dont les principaux représentants sont bien sûr, respectivement, T. Carlyle et H. Spencer.
9 Même si ces deux dimensions sont évidemment à prendre en considération. Nous pensons notamment à la problématique des ressources politiques personnelles des leaders, de leur conversion éventuelle, que l’on ne saurait entièrement passer sous silence.
10 Constat effectué par tous ceux qui s’efforcent de différencier un tant soit peu élites et leaders. Cette citation est tirée de W. A. Welsh, Leaders and Elites, op. cit. (p. 17). J. Blondel, dans Leadership : towards a general analysis, op. cit. (p. 13) dit dans le même sens : « Some leaders do not hold top positions ; some holders of top positions are not leaders ».
11 Ajoutons qu’on les préférera à des approches en termes de classes sociales quand la logique de domination n’est pas principalement de nature économique. Voir sur ce point G. Parry, Political Elites, New York, Praeger, 1970 et J.-P. Daloz (dir.), Le (non-) renouvellement des élites en Afrique subsaharienne, Talence, Sciences Po Bordeaux (CEAN), 1999 (introduction).
12 Voir notamment les analyses significatives en termes de « noyau » (« inner circle », « core ») et d’« entourage » (« outer circle », « following ») chez F. G. Bailey, dans Stratagems and Spoils : a social anthropology of politics, Oxford, B. Blackwell, 1969.
13 O. Nay, « Representation Roles and Institutionalism : the Case of the French Regions », dans N. Rao (ed.), Representation and Community in Western Democracies, Basingstoke, Macmillan, 2000.
14 K. F. Janda, « Towards the Explication of the Concept of Leadership in Terms of the Concept of Power » [préalablement publié en 1960], repris dans G. D. Paige (ed.), Political Leadership : Readings for an emerging field, New York, The Free Press/London, Collier-Macmillan, 1972 (p. 58).
15 J. Mc. G. Burns, Leadership, op. cit. (p. 453). Cf. également M. Edelman, Constructing the Political Spectacle, Chicago, The University of Chicago Press, 1988.
16 J. Mc. G. Burns, Leadership, op. cit. Voir aussi N. Frolich, J. A. Oppenheimer & O. R. Young, Political Leadership and Collective Goods, Princeton, Princeton U. P., 1971 ; B. M. Bass (ed.), Stodgill’s Handbook on Leadership, op. cit. (chapitre 24).
17 P. Blau, Exchange and Power in Social Life, New York, Wiley, 1964 ; P.-H. Claeys et A.-P. Frognier (dir.), L’échange politique, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1995.
18 W. A. Welsh, Leaders and Elites, op. cit. (p. 18).
19 R. C. Tucker, Politics as Leadership, Columbia, University of Missouri Press, 1981.
20 J. Blondel, World Leaders : Heads of Government in the Postwar Period, Londres et Beverly Hills, Sage, 1980 (p. 13-14).
21 J. Lagroye, « La légitimation », dans M. Grawitz et J. Leca (dir.), Traité de science politique, volume 1, Paris, PUF, 1985 ; D. Beetham, The Legitimation of Power, Basingstoke, Macmillan, 1991.
22 Contrairement à ce que dit J. Blondel, World Leaders, op. cit. (p. 3).
23 F. G. Bailey, Stratagems and Spoils, op. cit.
24 J.-P. Daloz, Élites et représentations politiques : la culture de l’échange inégal au Nigeria, Bordeaux, PUB, 2002.
25 C. J. Friedrich, « The Theory of Political Leadership and the Issue of Totalitarianism » dans R. B. Farrel (ed.), Political Leadership in Eastern Europe and the Soviet Union, Chicago, Aldine, 1970.
26 C. A. Gibb, « Leadership », dans G. Lindzey et E. Aronson (ed.), The Handbook of Social Psychology, vol. 4, 2 e edition, Reading (Mass.), Addison-Wesley, 1969. On pourra songer ici en parallèle à la question de la routinisation du charisme chez Weber, à la différentiation symbolique des rôles chez Parsons.
27 J. Mc. G. Burns, Leadership, op. cit., tend à se situer un peu dans ce sens (voir p. 295 et suivantes), lorsqu’il estime que « bureaucratic behaviour […] is anthetical to leadership […] », même si son livre ne semble pas toujours d’une grande cohérence à cet égard.
28 B. M. Bass (ed.), Stodgill’s Handbook on Leadership, op. cit. (p. 14-15).
29 Précisons que nous n’entendons pas institutionnalisation au sens large (courant en anthropologie) de règles contraignantes, mais d’une différenciation faisant que la légitimité réside dans la structure plus que dans les hommes, avec tous les corollaires que cela suppose : routinisation, juridicisation, relative stabilité, division du travail, fin du patrimonialisme et de toute confusion privé-public, etc.
30 J. Blondel, commence son livre World Leaders, op. cit., en disant : « Leadership is as old as mankind. It is universal. It exists everywhere […] »
31 Cf. G. D. Paige, The Scientific Study of Political Leadership, New York, the Free Press, 1977, et notamment le chapitre intitulé : « Political leadership : challenge to political science ».
32 J. Mc. G. Burns, Leadership, op. cit. (p. 24). Pourtant, suivant Max Weber, on peut considérer qu’il existe des formes « modernes » d’autorité.
33 Cf. par exemple J.-P. Daloz, « Ostentation in Comparative Perspective : Culture and Elite Legitimation », dans Comparative Social Research, vol. 21, 2002.
34 G. Hermet, Notice « accountability » dans G. Hermet, B. Badie, P. Birnbaum, P. Braud, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand Colin, 1994.
35 Notre thèse est que ce type d’accountability repose sur une sorte de « patrimoine commun » aux gens évoluant au sommet comme aux plus dominés : la majeure partie des acteurs étant à la fois des (sous-) leaders et des followers dans le cadre de grandes chaînes de dépendances.
36 Le concept d’accountability, difficile à rendre en français, tend souvent à être utilisé dans un sens assez étroit en science politique, qui concerne notamment la responsabilité des élus ou des fonctionnaires eu égard à certaines normes considérées comme fondamentales. Nous l’envisageons, quant à nous, sous un angle beaucoup plus large : celui des comptes que doit rendre qui entend incarner les intérêts d’une communauté politique, quelle qu’elle soit. Sur cette acception plus large, voir P. Chabal, Power in Africa : an essay in political interpretation, Basinkstoke, Macmillan, 1992 (chapitre 3).
37 On renverra ici aux considérations de H. Kitschelt, « Linkages between Citizens and Politicians in Democratic Polities », Comparative Political Studies, vol. 33/6-7 (août-septembre 2000) sur la nature des liens politiques, même s’il ne centre pas sa réflexion sur la notion de leadership.
38 À la limite, c’est dans le relatif effacement de soi que l’on est vraiment perçu comme un membre à part entière. Nous songeons notamment ici à des pays tels que la Suède ou la Norvège (sur lesquels nous travaillons actuellement), obnubilés par la crainte d’une montée de pouvoirs personnels et où l’homme/la femme politique saurait difficilement se mettre très en avant en tant qu’individu.
39 B. D. Jones « Leader/Follower Interactions in Mass Democracy » dans B. D. Jones (ed.), Leadership and a Politics, op. cit. (p. 42). Ces approches sont discutées dans ledit livre collectif.
40 Soit dit entre parenthèses, les dispositifs de mandat impératif pourraient être interprétés ici comme constituant une sorte de situation intermédiaire.
41 J.-P. Daloz, « Reflexions on the Comparative Study of Political Leadership », dans H. Baldersheim et J.-P. Daloz (ed.), Leadership in a Global Age : the Experiences of France and Norway, Aldershot, Ashgate, 2003. On pourrait même songer à un quatrième stade dans certains pays « très avancés », selon lequel la compétition politique ne reposerait plus sur des clivages de classes mais serait liée à des enjeux très compartimentés dont s’empareraient des leaders de plus en plus spécialisés. Voir T. N. Clark et V. Hoffmann-Martinot (éd.), The New Political Culture, Boulder, Westview, 1998.
42 M. I. Lichbach et A. S. Zuckerman (ed.), Comparative Politics : rationality, culture and structure, Cambridge, Cambridge U. P., 1997.
43 Mentionnons en passant que la littérature disponible privilégiant une lecture soi-disant culturaliste du leadership se révèle plutôt décevante, réduisant la culture à des différences de régime politique : nous songeons notamment aux accents plutôt structuralistes des écrits de A. Wildawsky, tel que : « A Cultural Theory of Leadership », dans B. D. Jones (ed.), Leadership and Politics, op. cit.
44 C’est la conclusion à laquelle nous aboutissons s’agissant de l’Afrique subsaharienne sur la base d’une explication à la fois instrumentale et culturelle : voir P. Chabal et J.-P. Daloz, L’Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique, Paris, Economica, 1999.
45 G. Hofstede, Cultures and Organization : software of the mind, New York, McGraw-Hill, 2e édition, 1997.
46 R. I. Westwood et A. Chan, « Headship and Leadership », dans R. I. Westwood (ed.), Organizational Behaviour : Southeast Asian Perspectives, Hong Kong, Longman, 1992.
47 Ibid.
Auteur
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